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Campagnes |
25 décembre 1800:
le général Moreau signe l'armistice de Steyr
En cet automne 1800, l'archiduc Charles, sur les conseils de son médecin, le docteur Mayer, de Prague, se prépare à prendre les eaux, à Bad Pyrmont. Mais il a besoin, pour cela, de l'autorisation de l'empereur François. Ce dernier lui répond qu'il souhaite que Charles s'engage plus personnellement pour la défense du pays, mais, comme il est "le seul à connaître l'état de sa santé", à lui de décider ce qu'il "croit être bon". L'archiduc est aussitôt prêt à servir l'empereur: Il ne connaît pas de "devoir plus grand et plus sacré" que de de remplir ses "devoirs de frère et de serviteur de l'état.". L'empereur n'en attendait pas moins: il saisit la main ainsi tendue, et envoi le prince Colloredo avec une lette écrite de sa main: "La situation de la Monarchie est telle que nous ne pouvons encore pas compter sur la paix, et que nous devons réunir toutes nos forces pour, le cas se présentant, repousser l'ennemi hors de nos frontières.(..) Je souhaite donc que (..) si ta santé le permets, tu te mettes à la tête de mon armée en Allemagne". Toutefois, une telle prise de commandement est soumise à des conditions que Charles n'accepte pas. L'empereur prend acte de ce refus, dans des termes amicaux. L'archiduc suit les évènements qui se déroulent dans l'armée de son frère, le prince jean, avec intérêt. Il est toujours prêt à donner des conseils. Il regrette et essaye de l'en consoler. "Pourquoi a-t-on repoussé ma proposition si souvent réitérée, d'être à mes cotés dans les campagnes de 1796 et 1799. Tu serais maintenant un général confirmé, et j'aurais eu le grand bonheur d'avoir à mes cotés et d'avoir partagé avec lui les fatigues, les soucis et les dangers." Au passage, il lui donne un conseil: "Tu n'as pas d'autre choix, au moment du déclenchement des hostilités, que d'avancer avec ton armée et d'attaquer l'ennemi, car dans ta position actuelle, tu ne peux songer à la défensive." Il oublie que Jean n'est qu'un trompe-l'œil, et que le vrai chef de l'armée, c'est Lauer. Charles s'occupe alors de l'armement de la Bohême, en particulier de la formation d'un corps de réserve, proche d'une milice, auquel il donne le nom de "Légion Archiduc Charles". Mais son état de santé, avec le temps d'automne, se détériore. Le 10, Schwarzenberg écrit à sa femme: "L'esprit de notre armée n'a jamais été aussi troublé que maintenant. Les dernières affaires ont au moins montré que nous n'avons plus de chefs !"
Ce dernier peut écrire à Berthier, ministre de la guerre: "L'armée autrichienne a été complètement battue. Le 11, à Hohenlinden, nous avons pris environ quatre-vingt bouches à feu et deux cent caissons, dix mille prisonniers, un grand nombre d'officiers, parmi lesquels sont trois généraux; la perte de l'ennemi est incalculable, la poursuite a duré jusqu'à la nuit. L'armée est fière de son succès, surtout par l'espoir qu#elle contribuera à accélérer la paix." Le 11 décembre, l'archiduc Charles reçoit une lettre écrite par l'empereur, qui est presque une prière: "Maintenant, il s'agit d'éviter le pire et de défendre le pays autant qu'il est possible. . Maintenant je souhaite ardemment et te demande, que tu te mettes, le plus tôt que tu le pourras, au service de l'Armée, de manière à arrêter, avec ton intelligence, le désastre. (..) Si ta santé de te permets pas d'être présent en personne, soit au moins assez proche, pour diriger les opérations. J'attends tout de ton amour pour moi et compte que tu ne m'abandonneras pas, au moment où il s'agit du salut de l'État." Le 12 décembre, la milice bourgeoise est appelée sous les armes. Elle remplace, pour les trois prochains mois, la garnison envoyée sur le front. Aussi, le 14 décembre, Charles quitte Prague, pour rejoindre son frère Jean. Il s'aperçoit bientôt que ce qui reste de l'armée autrichienne n'est plus en état de combattre.. En fait, elle est dans le même état qu'en 1797, lorsqu'il prenait le commandement sur le front italien,. Elle est complètement désorganisée, pratiquement sans défense, la désertion s'accroît, il n'y a plus de résistance. Il n'est plus temps de faire parvenir des renforts. Les milices refusent de marcher, et l'insurrection hongroise ne veut pas intervenir.
Car les troupes autrichiennes viennent de vivre de terribles jours, comme se le rappelle le wallon Pierre Martin Pirquet, plus tard général de l'armée impériale et royale: "Nous marchâmes tout le jour (..) cela faisait sept jours que nos hommes n'avaient vu de pain, ils ne pouvaient plus avancer. Nous avions perdu tellement d'hommes durant les combats, que nos deux bataillons n'en formaient plus qu'un tout petit. Tout ce qui était inutile avait été envoyé à Theresienstadt, pour former un nouveau bataillon. On faisait le service d'avant-poste au piquet, et dans la neige, sans allumer de feu (..) Les hommes désertent, de désespoir, je dois contrôler tous les postes, et ce faisant je suis dans la neige et la glace jusqu'au ventre." Schwarzenberg précise à sa femme: "Mon cœur se serre, lorsque j'entends les plaintes de tous ces malheureux, qui sont dépouillés par leur propres gens et doivent attendre que les français finissent le travail ! Dans cet état, le soldat est fatigué et incontrôlable." Le 18, Charles prend officiellement le commandement de ce qui reste de l'armée autrichienne: 25.000 soldats, grelottants, exténués et découragés. Il écrit au duc Albert von Sachsen-Teschen, son père adoptif: "Ils veulent tous se dépêcher d'aller à Vienne, car alors la paix doit être signée. On voudrait pleure, lorsque l'on voit les troupes, lorsqu'on entend les généraux et les soldats parler."
À Lambach, un monument et une chapelle rappellent les combats de 1800 À Vienne, une proclamation de l'Empereur n'a fait que déclencher la panique et une fuite éperdue. Comme en 1797, les banques sont assaillies On cherche à échanger la monnaie papier contre une monnaie plus sonnante et trébuchante. Ceux qui le peuvent quittent la ville avec leurs biens. Le chroniqueur viennois Rosenbaum écrit dans son Journal: "Les diligences pour Pest et Presbourg sont surchargées. On demande des sommes exorbitantes pour un voyage vers la Hongrie, qui sont payées ! À la Cour également, on emballe les objets de valeur et expédiées sur le Danube. Les théâtres jouent devant des salles à moitié vides. Les étrangers et les personnes <inutiles> sont expulsées de la ville. Les habitants sont exhortés à défendre les lignes de défense, 10 000 viennois prêtent leur concours à la consolidation des redoutes.. On installe des canons et des fours à pain sont installés sur toutes les places de la ville. Le climat ressemble à celui de 1797, on se croirait même < selon un témoin > revenu au temps de la garde contre les turcs." Même François réalise qu'il ne faut pas espérer un redressement favorable de la campagne. Le 22 décembre, le prince Schwarzenberg, accablé, écrit à son épouse: "Ensdorf, devant Steyer. Je commence à croire qu'il faudrait être fou d'attendre un bombardement de Vienne; je te conjure, ma Nany, sur tout ce que tu as de plus sacré, sur notre petit, de te sauver vers Presbourg, qui semble encore sûre; le voyage n'est pas long et ne peut lui faire de mal. Mon Dieu, que devons-nous subir ! Lorsque tu remarqueras qu'à Vienne on n'espère plus en la paix, essaye alors de dissimuler nos meilleurs meubles, livres et portefeuilles dans la ville, s'il le faut dans les caves. Prie, ma Nany, prie, tes prières ont déjà beaucoup apporté, prie encore et j'espèrerai (..) Combattre pour ses foyers (en français dans le texte) mais avec qui ? (..) Tu vas encore me fuire, nous ne sommes plus des soldats, une horde de brigands (..) " Le 24 décembre, l'armée autrichienne est à Amstetten. L'archiduc Charles reçoit enfin de Vienne l'autorisation expresse de conclure un armistice.
Sources A. Thiers. Le
Consulat et l'Empire. Paris, 1847 |
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