Campagnes |
Le passage du Niémen et la marche sur Wilna
24 juin - 25 juin 1812
Deuxième partie : de Kowno à Wilna
Vilnius aujourd'hui : l'album photo
Napoléon reste à Kowno jusqu'au 27 juin. Durant ce séjour, il s'attache à différentes activités, visant notamment à assurer ses lignes de communication. C'est ainsi qu'il fait jeter des ponts au-dessus de Kowno, dont un sur pilotis, dont Éblé s'occupe personnellement. Il fait également ériger des défenses, afin de protéger non seulement la ville, mais également les dépôts qu'il ordonne de constituer. Il veille également à la construction des fours à pain, à l'entretien des hôpitaux. Alexandre Bellot de Kergorre : "Là se forma le premier entrepôt de l'armée : les subsistances nous arrivaient d'Elbing par mer, y étaient déchargées, et ensuite, plus tard, dirigées sur Wilna où s'établit une commission de navigation sur la Wilia, rivière peu navigable, mais qui nous servit beaucoup." Il écrit le 26 juin à Marie-Louise : "Mon amie, Méneval t'envoie les premiers bulletins de l'armée. je pars cette nuit, je serai à Wilna après-demain. Mes affaires vont bien. Ma santé est bonne, je pense à toi et je lis avec plaisir dans tes lettres combien ton père te soigne et t'aime, cela me fait grand plaisir. Remercie-le de ma part. J'approuve les présents que tu veux faire à Prague. Je trouve cela très bien. Soie gaie, nous nous verrons à l'époque où je te l'ai promis. Tout à toi. Ton fidèle époux." Les troupes sont ensuite remises en marche :
Napoléon accompagne Davout, Murat et la Garde, qui marchent droit sur la capitale de la Lithuanie (au total près de 120.000 hommes), avec l'objectif de couper rapidement Barclay de Tolly de Bagration. Pendant ce temps, beaucoup plus à l'est, c'est à dire sur l'extrême droite du dispositif français, le prince Eugène s'apprête à passer le Niémen à Prenn, avec 80.000 hommes. Le 25, Murat et Davout étaient passés à Zismory, le 26 ils sont sur la route de Jewe. Le terrain n'est pas facile, mais on ne rencontre que peu d'ennemis, des Cosaques qui, cependant, tout en reculant, brûlent granges et châteaux. Capitaine Aubry : "Les Russes nous précédaient et ils avaient pris pour système de défense de tout détruire à mesure qu'ils se retiraient et de ne laisser derrière eux qu'un désert : tout brûlait sur notre passage (...) Nous étions obligés de bivouaquer au milieu de toute cette désolation. Plus d'habitants pour moissonner, des cadavres partout." Lieutenant Albert de Muralt, du VIe corps d'armée : "Nous avions souvent de petits combats et des escarmouches avec les Cosaques qui étaient chargés de couvrir la retraite de l'armée russe, mais nous n'arrivions que rarement à leur infliger des pertes, car ils ne se laissaient jamais engager dans des combats sérieux, et ne nous tenaient tête que lorsqu'ils avaient sur nous une supériorité numérique considérable. Par contre, ils nous harcelaient constamment, et surgissaient souvent, lorsque nous nous y attendions le moins, sur nos flancs ou même dans notre dos. Leurs chevaux, bien qu'ils fussent en général de petite taille et d'apparence chétive, allaient vite et montraient une grande endurance. Les cavaliers maniaient leurs lances avec beaucoup d'adresse, aussi bien pour porter des coups que pour parer. S'ils ne réussissaient pas à utiliser la pointe, ils faisaient de tels moulinets avec la hampe qu'il était impossible de les toucher (au sabre). Ils apparaissaient et disparaissaient de façon tout à fait inattendue ; nous essayions souvent d'en prendre quelques-uns, mais cela ne nous réussissait presque jamais, malgré tous nos efforts. Lorsqu'on les avait mis en fuite, ils s'éparpillaient à droite et à gauche, et si, dans l'ardeur du combat, on se laissait entraîner à les poursuivre trop loin, on tombait souvent dans une embuscade, et l'on se faisait repousser avec pertes. Bref, ils formaient des troupes légères qui excellaient à tous points de vue et rendaient de grands services au reste de l'armée qui pouvait s'abandonner au repos, confiant en leur vigilance. Les armes blanches de nos hommes ne leur faisaient pas grande impression." La guerre, déjà, fait apparaître ses traces douloureuses. Le comte Soltyk : "L'image de la dévastation, terrible et inévitable effet de la guerre, surtout avec de si grandes masses, attristait partout nos regards ; de riches récoltes foulées, d'antiques arbres abattus, des hameaux, des villages entiers, bâtis en bois et couverts de chaume, dévastés, renversés, avaient presque entièrement disparu. La paille, les portes, les volets, les meubles, tout s'emportait aux bivouacs... Les cultivateurs effrayés, suivis de leurs familles et emmenant avec eux leurs bestiaux, fuyaient dans les bois en poussant des cris douloureux et en invoquant la miséricorde divine." Colonel de Sukow, du IIIe corps d'armée : "Une fois passés de l'autre coté du fleuve, nous nous crûmes dans un cimetière. Pas un être vivant à l'horizon, pas un habitant dans les villages." La fatigue se faisant sentir, les traînards deviennent de plus en plus nombreux. Colonel de Sukow : "Ces marches extraordinaires, jointes aux grandes privations que nous avions à endurer, éclaircirent nos rangs dans des proportions inattendues. Des milliers de gens disparurent en fort peu de temps. Des centaines se donnèrent la mort, ne se sentant plus capables de supporter une pareille misère." Capitaine de Kauster "Ca et là gisaient sur la route des mourants ou des morts, victimes des marches forcées, des privations et des rigueurs du climat : les villages, les châteaux et la grande route étaient encombrés de traîneurs, dont les uns s'efforçaient de rejoindre leur détachement, les autres, au contraire, restaient à dessein sur les derrières de l'armée, pour pouvoir impunément vivre à leur guise. Des troupeaux de bétail conduits par des soldats, de longues files de voitures russes chargées de vivres, suivaient nos colonnes, et annonçaient plutôt l'émigration d'un peuple de nomades, que la marche de la première armée de l'Europe conduite par le plus grand capitaine du siècle." Déjà, des difficultés d'approvisionnement se font sentir. Général comte Guyot : "L'armée n'a plus de magasins, elle est obligée de vivre de réquisitions, ce qui ne se fait pas toujours légalement attendu que chaque soldat est tenu de pourvoir lui-même à sa nourriture. Le peuple n#est guère plus aisé qu'en Pologne, cependant il est mieux logé et plus laborieux." La cavalerie commence elle aussi à souffrir. Le comte Soltyk : "Dés les premiers moments, l'armée manquait en partie de vivres et de fourrages, conséquence inévitable du désordre qui altère la source des distributions régulières, et rend indécises les dispositions d'une marche rapide. On était réduit à nourrir les chevaux avec du blé vert qui les faisait fréquemment mourir ; pour surcroît de maux, une averse qui dura toute la journée du 24 rendit la marche pénible dans toutes les directions, et occasionna des encombrements qui la ralentirent, malgré le zèle et l'ardeur des soldats." Montesquiou : "On n'a jamais pu savoir le nombre de chevaux qui périrent sur la route entre Kowno et Wilno, ni la cause certaine de cette mortalité. Je comptai pendant l'espace de cinq lieues les corps de 1240 chevaux morts, quoiqu'un grand nombre d'hommes eût déjà travaillé pendant plus de vingt-quatre heures à les enterrer. D'après les déclarations des habitants, nous pensâmes qu'il fallait, pour prévenir cette mortalité, faire boire les chevaux avant de leur donner du grain. Nous fîmes ainsi et nous nous en trouvâmes bien." Alexandre Bellot de Kergorre . "L'orage avait été si affreux que nous avions perdu une énorme quantité d chevaux : quarante mille., disait-on ! Les cadavres de ces malheureuses bêtes couvraient la terre, l'air en était infecté, et un général fut chargé de les faire enterrer par mesure sanitaire." Le 27, les français sont à Jewe, Murat se portant jusqu'à Riconti. Le comte Soltyk : "27 juin. C'était aujourd'hui l'un des jours les plus exténuants de cette campagne. Il nous fallut marcher pendant quinze heures, en abandonnant en cours de route plus de mille hommes de notre division. C'est seulement vers minuit que nous pûmes reposer nos corps fatigués dans le village Eve. Après avoir subi dans la matinée la chaleur et la poussière, et après avoir été trempés jusqu'aux os par un orage dans l'après-midi, nous arrivâmes à nos bivouacs complètement épuisés et torturés par la faim et la soif. Nous trouvâmes sous les arbres et buissons, sur la terre mouillée, un abri contre la pluie persistante... Des hommes, installés dans une grande maison, se jetèrent comme des fous sur un dépôt d'eau-de-vie et se saoulèrent tellement que certains perdirent conscience. Lorsque j'y entrai pour mettre fin à ce désastre, je vis soudain devant moi une dame russe, très bien vêtue, qui contemplait, rigide et les larmes aux yeux, la scène horrible. Au cours de la nuit, nous fûmes rejoints par de nombreux retardataires : beaucoup d'autres erraient encore dans la forêt." A Wilna, où se trouve le tsar Alexandre, la nouvelle du passage du Niémen a été connue dès le 24 au soir, alors qu'il assiste à une réception donnée en son honneur par le général Bennigsen. Alexandre n'hésite pas longtemps et, confiant la direction de la retraite sur la Dwina, quitte Wilna, le 26, avec la foule de ses conseillers, en direction du camp de Drissa. L'ordre est également donné à Bagration de se retirer sur le Dniepr, en direction de Minsk. Le 27, Napoléon quitte Kowno, très tôt le matin. Le soir, il couche dans un château, à Eve, et le lendemain 28 juin, il pénètre dans Wilna, après avoir reçu une députation de la ville. Général comte Guyot : "Les notables sont venus présenter les clefs de la ville à l'Empereur qui y est entré de suite." Ségur : "Au milieu de son emportement, il mit de l'adresse dans ces dispositions pour entrer à Vilna : il se fit précéder et suivre par des régiments polonais. Mais, plus occupé de la retraite des russes que des cris d'admiration et de reconnaissance des Lithuaniens, il traversa rapidement la ville et courut aux avant-postes. L'armée russe avait disparue. Il fallait se lancer à sa poursuite." Bro :"Après que notre gros eut dispersé les corps du fameux Barclay de Tolly, l'Empereur entrait à Vilna le dimanche 28, dans l’après-midi (...)" Général comte Guyot : "Vilna est peuplée de 25.000 âmes dont la moitié de Juifs; elle est fort bien bâtie en brique, architecture française; il y a de belles rues, une université de belles lettres; on y parle la langue polonaise." Alexandre Bellot de Kergorre : L'empereur Napoléon, qui avait pris possession de la ville le 28, y établit un gouvernement." Caulaincourt : "L'Empereur traversa Wilno sans se faire annoncer. La ville semblait déserte. Quelques juifs, quelques hommes de la dernière classe du peuple étaient les seuls qu'on rencontrait dans ce pays soi-disant ami et que nos troupes harassées et sans distributions, avaient déjà traité plus mal que des ennemis. L'Empereur ne s'arrêta pas en ville. Il fut reconnaître le pont, les environs en avant, et les magasins incendiés par l'ennemi qui brûlaient encore. Il pressa les réparations du pont, ordonna quelques ouvrages défensifs en avant de la ville, y rentra et fut descendre au palais. Quoique son retour fut annoncé, que sa Maison, que le grand quartier général, la Garde, et tout ce qui constatait sa présence y fussent établis, il n'y eut pas le moindre mouvement de curiosité de la population, personne aux croisées, aucun enthousiasme, pas même des curieux. Tout était morne." Au contraire, un officier polonais au service de la France se laisse aller à l'enthousiasme : "Notre entrée dans la ville fut triomphale. Les rues, les places publiques étaient remplies de peuples ; toutes les fenêtres étaient garnies de dames qui témoignaient l'enthousiasme le plus vif ; des tapis de prix ornaient plusieurs maisons, des mouchoirs étaient agités dans toutes les mains, et des cris d'allégresse, partout répétés, retentissaient au loin." Pouget : "Nous arrivâmes à Vilna le 29; je fus logé chez Mr. Reitzer, négociant, où j'étais assez bien connu. Je me hâtai d'informer le prince sérénissime et major-général de la Grande Armée (Berthier)." Rapp : "Nous arrivâmes à Wilna; ses immenses magasins étaient en feu : nous l'éteignîmes; la plus grande partie des subsistances fût sauvée." Napoléon loge au palais. Le 30 juin, il écrit à Marie-Louise : "Ma bonne amie, je suis à Wilna fort occupé. Mes affaires vont très bien, l'ennemi a été fort déjoué. Je me porte à merveille. Je pense à toi. Je te sais fort contente de ton père qui te soigne beaucoup. Remercie-le de ma part. Dis bien des choses à tout le monde; je prend part á la maladie de l'Impératrice. Le petit roi se porte fort bien. Wilna est une fort belle ville de 40.000 âmes. Je suis logé dans une assez belle maison où était, il y a peu de jours, l'empereur Alexandre, fort éloigné alors de me croire si près d'entrer ici. Adieu, mon amie. Tout à toi." Le lendemain, nouvelle lettre : "Mon amie, j'ai reçue ta lettre. Les dames que tu proposes pour le service du prochain trimestre me paraissent bien. Choisi qui tu voudras parmi les officiers pour ton service. Reste trois jours à Würzburg. Pourvu que tu sois dans le courant de juillet à Saint-Cloud, cela suffit. Fais un présent à ton ancien grand-maître. J'accorderai la pension que tu demandes pour la protégée de Mme Lagiski. Le temps est très pluvieux; dans ce pays les orages sont terribles, il pleut depuis trois jours à grands flots. Mes affaires vont bien, ma santé est bonne. Adieu, mon amie, tu sais combien je t'aime." En effet, le temps est exécrable, il va pleuvoir pratiquement tous les jours, encore que les souvenirs à ce sujet sont contradictoires: Général comte Guyot : "Le 29 au soir je suis entré dans Vilna avec le Régiment. Dans la nuit, il s'est élevé un vent du Nord accompagné de pluie si froide, qui as duré jusqu'au 30 inclus, que près de 10.000 chevaux de selle et de trait en sont morts." Sergent Bourgogne : "Le lendemain 30, il fit un beau soleil qui sécha tout et, le même jour, nous arrivâmes à Wilna, capitale de la Lithuanie, où l'Empereur était arrivé, depuis la veille, avec une partie de la Garde." Durant son long séjour (vingt jours, nécessités par le besoin de donner du repos aux troupes, l'attente des ressources retardées, l'administration des territoires nouvellement occupés, la préparation des opérations ultérieures, mais vingt jours qui pèseront lourd dans la suite de la campagne), Napoléon montre une activité fébrile. Général comte Guyot : "L'ennemi a brûlé le pont de bois qui traverse la Viglia au nord de la ville mais l'Empereur en a fait construire de suite plusieurs en bateaux et radeaux." Caulaincourt : "L'Empereur fut d'une activité inconcevable pendant son séjour à Wilno. Les nuits ajoutées aux jours ne lui suffisaient pas. Aides de camp, officiers d'état-major couvraient les routes. Il attendait avec une impatience toujours nouvelle les rapports des corps en marche." Constant : "Nous restâmes assez longtemps à Wilna; l'Empereur y suivait le mouvement de ses armées, et s'occupait aussi de l'organisation du grand-duché de Lithuanie, dont cette ville est, comme l'on sait, la capitale." C'est le 1er juillet qu'il reçoit, pour la première fois, l'envoyé du tsar Alexandre, M. de Balachov, qui était arrivé aux avant-postes français. Au Major Général de la grande Armée, prince de Neufchâtel, etc. Wilna, 22 juin 1812. Monseigneur, je viens de recevoir la lettre de Votre Altesse, par laquelle elle me fait connaître que l’intention de l’Empereur est que l’aide de camp de l’empereur de Russie soit conduit à Wilna par une autre route que celle que suit l’armée. J’ai l’honneur de lui rendre compte que les ordres ont été expédiés pour cela ’. Napoléon dîne le soir même avec Balachov, en compagnie de Berthier, Bessières, Duroc et Caulaincourt. Constant : "Pendant notre séjour à Wilna, on conçut quelques espérances de voir la conclusion d'une nouvelle paix, un envoyé de l'empereur Alexandre étant venu auprès de l'empereur Napoléon." Le 2 juillet, il écrit à Marie-Louise : "Ma bonne amie, je reçois ta lettre du 22 juin, où je vois que ton père continue à te soigner, et que le cheval te fais du bien. Nous avons eu ici de grandes chaleurs, aujourd'hui des pluies très fortes qui nous gênent et nous font du mal. Mes affaires vont bien, ma santé est bonne et je pense souvent à toi. Adio miou ben. Tout à toi." L'entourage de l'Empereur profite également de cette période de repos. Pouget : "Pendant mon séjour à Vilna, j'allai rendre mes devoirs à M. le général de division comte d'Hoguendorp, gouverneur de la Lithuanie, qui me reçut fort bien, m'offrit ses services et m'invita à dîner pour le lendemain. Je me fis inscrire chez le général Jomini, qui commandait la place, et chez le général Chamberlain, commandant le génie militaire. Ces deux généraux vinrent me voir." Le comte Soltyk : "Il y avait aussi plusieurs dames lithuaniennes qui tenaient un grand état de maison ; nos élégants de l'état-major assistaient régulièrement à leurs soirées. " Cet état-major comprend notamment "les aides de camp Lauriston, Rapp, Durosnel, Mouton, Cailaincourt, Lebrun, Narbonne ainsi que les officiers d'ordonnance Gourgaud, Desaix, Athalin, Caraman, Mortemart, Montaigu, Christin, Moreton de Chabrillan, Lauriston, Clément de Montigny, Montesquiou, Saint-Marsan, d'Aremberg, d'Hauptoul." (comte Soltyk). Dans les premiers jours le juillet, Napoléon reçoit une députation de la Diète de Varsovie, venue "présenter ses vœux et ses espérances à l'Empereur et aussi pour stimuler les Lithuaniens." (Caulaincourt). Napoléon leur répond :
Le 8 juillet, l'empereur mande à son épouse : "Mon amie, tu as bien de la peine à quitter to père qui a été si bon pour toi. Je partage to chagrin. Tu es actuellement avec l'excellent grand-duc de Würzburg; tu peux aller à petite journée. Tu sera reçue en France. Cela ferait de la peine si tu allais incognito. reste un jour ou deux à Mayence. Tu peux passer un jour à Compiègne et tu arriveras de bonne heure à Saint-Cloud. Le pape est à Fontainebleau. Fais-lui demander de ses nouvelles à ton arrivée à Saint-Cloud, comment il se porte et si il est bien; tu peux lui écrire une petite lettre, sans cependant y mettre de l'affectation. Adieu, mon amie. Il fait chaud, mes affaires vont bien. Tout à toi." Le 12 juillet, nouvelle lettre : "Mon amie, je n'ai pas reçu de lettre de toi aujourd'hui. Je te suppose à Würzburg. Tu vas bientôt voir le petit roi qui te connaîtra avant moi; tu le trouveras bien grandi après trois mois d'absence. Mes affaires vont bien, ma santé est bonne et je te prie d dire à la reine d'Espagne la part que je prends à sa maladie. J'espère qu'elle sera rétablie. Adio, mio ben, porte toi bien. Ne doute jamais." Le 14 juillet, un bal est donné par le comte de Pack, "pour célébrer le rétablissement de la Pologne (...) les premières danses nationales furent exécutées par les plus jolies femmes; le luxe régnait dans cette solennité couronnée par un repas splendide, contrastant avec la difficulté que nous éprouvions de nous procurer des vivres autres que ceux qui provenaient de la boucherie de l'armée." (Bellot de Kergorre) Général comte Guyot : Le 14 juillet, les Lithuaniens de premier rang se sont réunis dans la cathédrale pour adhérer par serment à l'Acte de Confédération d toute l'ancienne Pologne." Gabriel Lecoigneux de Bélâbre : "Le 14 du même mois j'y fus témoin d'une grande fête donnée à l'occasion de l'anniversaire de la Confédération du Grand Duché de Lituanie avec la Pologne. Depuis la domination des russes dans ce pays cette fête n'y avait point été célébrée. Le matin, à la suite d'une messe solennelle dans la cathédrale on célébra comme symbole de l'alliance des deux nations, deux mariages, l'un d'un lithuanien avec une polonaise et l#autre d'un polonais avec une lithuanienne. Tous les hommes et les femmes mirent des cocardes mêlées de la Pologne et du grand Duché de Lithuanie. Le soir il y eut spectacle gratis. La salle n'est pas mal mais les acteurs ne valent rien. On chanta beaucoup de couplets sur le rétablissement de la Pologne et la reconnaissance des Polonais pour l'Empereur à la suite desquels on vit un transparent qui représentait les fers de la Pologne brisés par N. Tout le parterre cria plusieurs fois Vive N. La ville fut illuminée et M. le comte Pac colonel des chevaux légers polonais donna un bal où tout ce qu'il y avait de distingué à Vilna fut invité. Je le fus comme appartenant au Cabinet. J'y allai au sortir du spectacle à 10 heures avec M. de N(oinville ). L'Empereur y vint une demi-heure après et y resta une bonne heure. Il parla à toute les dames. A minuit et demi il y eut un feu d'artifice et à trois heures un beau souper. Je restai jusqu'à 5 heures où le bal finit." Ce même jour, Napoléon a le temps d'envoyer encore une lettre à Marie-Louise : "Ma bonne amie, je reçois ta lettre d'Égra, où je vois que tu vas quitter ton père et que tu as reçu le premier bulletin. Tu peux faire les présents que tu projettes, je les approuve. Mes affaires vont bien, ma santé est bonne. Nous avons alternativement des orages et des chaleurs; la récolte sera excellente dans le pays. Je t'envie du bonheur que tu vas avoir d'embrasser le petit roi, embrasses-le pour moi. Il sera déjà grandi, dis-moi s'il commence à parler. Adio, miou ben. Tu sais combien je t'aime." L'empereur va ainsi rester à Wilna jusqu'au 16 juillet 1812 Général Bro : "Nos escadrons, réduits à moins de deux cents chevaux par unité quittèrent Vilna dans la soirée du 16 juillet, par une chaleur suffocante. Nous tenions la route de Minsk. Des orages très violents vinrent rendre impraticable un terrain marécageux. L’infanterie connut ses premières détresses, par le manque de vivres et de pharmacie." Général comte Guyot : "Resté jusqu'au 15 juillet. C'est dans cette ville qu'il (Napoléon) apprend que les turcs ont fait la paix avec les Russes." Il quittant la ville à 23 heures, après avoir écrit encore une fois à Marie-Louise. "Ma bonne amie, je n'ai pas reçu de lettre de toi depuis bien des jours; j'espère toutefois que tu es bien portant. Es-tu arrivé en France ? Ma santé est fort bonne. Embrasse pour moi le petit roi. Aimes-moi et ne doute jamais de mes sentiments. Mes affaires vont bien. Adieu. Tout à toi. Sergent Bourgogne : "Le lendemain, 16 juillet, nous partîmes de cette ville. Nous en sortîmes à dix heures du soir, en marchant dans la direction de Borisow."" Sources
© Anovi - 2002 - R. Ouvrard |