2 décembre 1805

La bataille d'Austerlitz


Épilogue

Reden' S was Sie wollen, der Bonaparte ist doch ein widerlicher Kerl !
(Vous pourrez dire ce que vous voulez, ce Bonaparte est vraiment un gaillard répugnant !)

16 heures - Ujezd

Napoléon et le prince de Liechtenstein - Dessin de H. VernetLe prince Jean de LichtensteinLe soleil commence à décliner. Le prince Bagration, le général Ouvarof font retraite vers Welspitz et Austerlitz. Le prince de Lichtenstein et le grand-duc Constantin se replient également vers le château d'Austerlitz. Toutes les troupes alliées sont en déroute.

Les blessés et les mourants sont entassés dans les granges et les églises. Koutousov a fait installer aux entrées, un écriteau rédigé en français : " Je recommande ces malheureux à la générosité de l'Empereur Napoléon et à l'humanité de ses braves soldats. "

Lorsque la nuit survient, Napoléon se trouve près d’Ujezd. Accompagné de Soult et Berthier, il remonte vers le nord, en direction de la route d’Olomouc, traversant le champ de bataille. Il ordonne que l’on fasse des feux, et que l’on groupe autour les blessés, que les officiers d’ordonnance recouvrent des vêtements pris aux morts. Vers minuit, il arrive à la Stara Posta, que Murat et Lannes ont conquis quelques heures auparavant. Là. Il s’allonge sur un lit de paille, et s’endort, bientôt réveillé, cependant, par l’arrivée de Jean de Liechtenstein, venant présenter la reddition de l’armée autrichienne

Dès le lendemain, Napoléon installe son quartier général au château d'Austerlitz. Le 3 décembre, il s'adresse à l'armée dans une nouvelle proclamation, devenue célèbre. Il écrit aussi à Talleyrand et.... aux évêques de France, pour leur demander de célébrer l'évènement.

Le même jour, le prince de Liechtenstein arrive au château d'Austerlitz, chargé par l'empereur d'Autriche de demander une entrevue à napoléon.

Le 30e Bulletin de la Grande Armée est daté du 3 décembre 1805 (12 frimaire an XIV)

Au Moulin brûlé - Photo : R. OuvrardLe 4 décembre, à Spaleny mlyn ("le Moulin brûlé"), près de Nasedlovice (sur les terres du prince de Liechtenstein, qui est présent), Napoléon et François II se rencontrent. Napoléon est arrivé le premier et à fait faire des feux. Bientôt François arrive, accompagné de quatre princes et trois généraux; un escadron de cavaliers hongrois lui sert d'escorte. Napoléon va au devant de l'empereur d'Autriche. Les deux empereurs vont ainsi causer près d'un brasier.

"L'Empereur d'Allemagne a sollicité une entrevue. J'ai accepté; elle a duré de 14 heures à 16 heures. Je lui ai dit ce que je pensais de lui. Il voulait une paix immédiate, il m'a assailli avec de bonnes paroles, je me suis défendu, ce qui, je vous l'assure, m'a été difficile. moi qui ne suis pas préparé à cette façon de faire la guerre.

31e Bulletin: "L'Empereur est parti hier d'Austerlitz et est allé à ses avant-postes près de Srucitz, et s'est là placé à son bivouac. L'empereur d'Allemagne n'a pas tarder à arriver. Ces deux monarques ont eu une entrevue qui a duré deux heures.  (...) Ces deux princes sont convenus d'un armistice et des principales conditions de la paix, qui sera négociée et terminée sous peu de jours.

"Voilà 3 mois que je n'habite pas d'autre palais" - Fayence de Sarreguemines (1830) - Collection: OuvrardBarrès: "Après quatre heures de marche, on nous fit prendre, à droite de la route, une position sur une hauteur avec de la cavalerie et de l'artillerie de la Garde; plus loin, sur la même ligne, était aussi de la troupe de ligne; en avant de nous, un peu plus bas, on voyait l'Empereur se chauffant à un feu de bivouac, entouré de son état-major.

Sur la colline en face étaient des troupes ennemies en bataille. Nous crûmes d'abord qu'une affaire allait s'engager, mais, après quelques instants d'attente, arrivèrent deux belles voitures, entourées f'officiers et de cavaliers, d'où je vis descendre un personnage en uniforme blanc, au-devant duquel se rendit l'Empereur Napoléon.

Nous comprîmes alors facilement que c'était une entrevue pour traiter de la paix, et que le personnage descendu de voiture était l'Empereur d'Autriche. Après leur conversation, qui dura moins d'une heure, nous reprîmes la route d'Austerlitz, où nous arrivâmes exténués de fatigue et mourant de faim: nous avions fait huit lieues dans la boue et par un froid très vif. Il était nuit, depuis longtemps, quand nous entrâmes dans nos logements."

Pouget: "Ce fut à son premier bivouac qu'il (Napoléon) reçut l'empereur d'Autriche, qui lui avait demandé une entrevue, et ce fut en plein air que les préliminaires de la paix furent signés."

Petiet: François avait à peine 38 ans, mais était enveloppé d'un énorme manteau boutonné, était coiffé d'un tricorne largement enfoncé sur l'arrière de la tête et tenait une canne à la main. Tout reflétait en lui l'aspect d'un invalide."

L'entrevue de NasedloviceMarbot: "Napoléon.... se trouva le premier au rendez-vous. mit pied à terre et se promenait autour d'un bivouac lorsque, voyant arriver l'empereur d'Autriche, il alla à lui et l'embrassa cordialement...(il) n'abusa pas de la position dans laquelle se trouvait l'empereur d'Autriche; il fut affectueux et d'une politesse extrême, autant que nous pûmes en juger de la distance à laquelle se tenaient respectueusement les deux état-majors.

(..) Spectacle bien fait pour inspirer des réflexions philosophiques ! Un empereur d'Allemagne venant s'humilier et solliciter la paix auprès d'un petit gentilhomme corse, naguère sous-lieutenant d'artillerie, que ses talents, des circonstances heureuses et le courage des armées françaises avaient élevé au faîte du pouvoir et rendu l'arbitre des destinées de l'Europe"

L'entrevue de Nasedlovice - Musée de VersaillesSégur: "Le feu brûlait, Napoléon descendit. Plusieurs de ses chasseurs à cheval se dépêchèrent de faire un tapis de paille, d'autres fixèrent une planche à un arbre, pour que les deux empereurs puissent s'asseoir. Lorsqu'il s'aperçut de tous ces préparatifs, il sourit et me dit: <c'est assez - cela suffit, même s'il a fallu six mois pour régler le cérémonial de la rencontre entre François Ier et Charles Quint >.  A ce moment nous vîmes arriver sur la route une calèche sans escorte. Deux escadrons de cavalerie l'avaient escortée, mais seulement jusqu'aux étangs qui marquaient la limite de l'armistice. La voiture s'arrêta devant le bivouac de l'Empereur, et Napoléon se rendit jusqu'à la portière pour accueillir l'empereur d'Autriche, qu'il prit chaleureusement par la main et le conduisit jusqu'à son bivouac.... La rencontre, qui se déroula debout, dura une heure....Aux derniers mots de Napoléon:<Votre majesté me promet donc de ne plus me faire la guerre ?>, François répondit : < Je le jure, et je tiendrai parole >. La-dessus les deux hommes s'embrassèrent et se séparèrent. Lorsque Napoléon remonta à cheval, il nous dit < Nous retournons à Paris, la paix est faite >

Savary: "Je ne sais pas ce qui se dit au feu des empereurs. Nous étions aussi curieux de l'apprendre que les autrichiens qui étaient au même feu que nous. Nous ne pûmes le pénétrer ni les uns ni les autres. Toutefois il nous parut qu'on y était de belle humeur. On riait, ce qui  nous parut d'un bon augure. Effectivement, au bout de deux heures. Effectivement, au bout de deux heures, les deux souverains se séparèrent en s'embrassant."

Thiard: "Le 4 décembre, avant le jour, toute la garde se mit en marche. L'Empereur la suivit, et quand il quitta Austerlitz, il ne savait pas encore positivement le lieu qui avait été fixé; il l'apprit en route. C'est à une distance assez grande du moulin que la Garde s'arrêta et prit position sur plusieurs lignes, profitant des inégalités de la descente et placée comme sur une espèce d'amphithéâtre à divers degrés.

Le moulin était saccagé; l'Empereur ne s'y plut pas. Le temps était superbe; il préféra que la conférence se tînt en plein air. Les sapeurs de la Garde allumèrent un grand feu. Enfin nous vîmes arriver plusieurs voitures et un gros détachement de cavalerie; c'était François II, escorté par une division des hussards de Kienmayer et une des uhlans de Schwarzenberg, accompagné de plusieurs généraux, entre autres du prince jean de Lichtenstein. Au même moment la Garde battit aux champs; les trompettes sonnèrent la marche. Le spectacle était magnifique;: ce qui allait se passer lui donnait un caractère de gravité qui faisait naître dans tous les esprits un sentiment de respect et de recueillement difficile à exprimer.

Napoléon s'avança sur la chaussée, aida François II à descendre de sa voiture, et l'embrassa en lui adressant quelques paroles que je ne saisis pas (..) L'Empereur le conduisit alors près du feu, où il resta seul avec lui, et sans le maréchal Berthier, contrairement à ce que disent certaines relations (..)

L'Empereur reconduisit François II à sa voiture et pris congé de lui. Puis, comme il montait à cheval, il nous dit < Messieurs, nous retournons à Paris; la paix est faite > Et alors, au galop arabe, il repris le chemin d'Austerlitz.

Langeron: "Les plénipotentiaires ne pouvant s'accorder aussi bien que les souverains, l'empereur des français paru désirer une entrevue avec celui d'Autriche, qui vint le trouver au bivouac de l'avant-garde, près d'Urschütz. Là on convint des conditions de la paix, qui fut bientôt conclue et qui ne coûta pas à l'Autriche autant de sacrifices qu'elle eût dû s'y attendre."

Stutterheim: "Alors les deux empereurs François II et Napoléon eurent, à peu de distance du village de Nasedlowitz, près d'un moulin, à côté de la grande route et en plein air, la fameuse entrevue qui pacifia les deux empires. L'entretien des deux empereurs dura longtemps (..)."

Construit (1778-1781) sur les plans de l'architecte viennois Melchior Hefele.Le 6 décembre, au château d'Austerlitz, le prince Liechtenstein et le Berthier signent le cessez-le-feu. Parmi les conditions, la France exige le retrait des troupes russes, la dissolution de l'insurrection hongroise et de la milice de Bohême ainsi que l'interdiction faite à toute armée étrangère (et c'est à la Prusse que l'on pense) de pénétrer le territoire autrichien, dont la majeure partie reste occupée par la Grande Armée. Ne sont pas occupés: la Hongrie (à l'exception de Presbourg),la Croatie, la Galicie et la partie nord de la Moravie et de la Bohême.

Les négociations de paix vont trouver place d'abord à Brünn, puis à Preßbourg (aujourd'hui Bratislava), au palais Primatial. Elle vont durer jusqu'au 26 décembre. Le lendemain, le traité de paix de Preßbourg sera signé (antidaté du 26) dans la Galerie des Glaces, par le prince Liechtenstein et le baron Ignaz Gyulai, du coté autrichien, et par Charles Maurice Talleyrand-Périgord, du coté français.

Le 27, au Relais de poste de Stammersdorf, à la sortie de Vienne, sur la route de Moravie, il rencontre, l'archiduc Charles, qu'il a lui-même invité.

"Am Rendez-Vous", premier relais de poste après Vienne, se situait à proximité d'une vieille maison de chasse, point de départ de chasses de la cour dans les bois de Stammersdorf.

On sait très peu de choses sur ce qui fut dit, ce jour là, deux heures durant, entre les deux hommes. Charles, qui souhaitait obtenir un adoucissement des conditions de paix, écrira à son frère Joseph, qu'il avait essayé de l'amener à ses vues. En vain. Napoléon lui aurait toujours répondu : "Tout est réglé, tout est déjà signé". Il écrit la même chose à son oncle, le prince Albert, en ajoutant "qu'il lui en dira plus sur cet entretien, intéressant à tous les points de vue"

D'après Madame de Rémusat, Napoléon aurait fait préparer une épée richement décorée, pour en faire cadeau à l'archiduc. L'entrevue n'ayant pas pris la tournure souhaitée, l'épée ne fut pas remise....

Entrevue de Napoléon Ier et de l'archiduc Charles d'Autriche dans le pavillon de chasse de Stamersdorf, à l'occasion de la paix de Presbourg ,le 17 décembre 1808. Marie Nicolas Ponce-Camus (1778-1839) - Château de Versailles - RMN

Photo : R. OuvrardDétail : reproduction du Napoléon à Wagram, de vernet. Phto : R. Ouvrard

Le relais de poste "Am Rendez-vous", à Stammersdorf, près de Vienne

Le lendemain, Napoléon quitte Vienne en direction de Munich. Avant de partir, il s'est adressé aux viennois :

"Je me suis confié en vos sentiments d'honneur, de bonne foi, de loyauté : vous avez justifié ma confiance.

Habitants de Vienne, je sais que vous avez tous blâmé la guerre que des ministres vendus à l'Angleterre ont suscité sur le continent... Tous les maux que vous avez soufferts, attribuez-les aux malheurs inséparables de la guerre ; et tous les ménagem,ents que mon armée a apportés dans vos contrées, vous les devez à l'estime que vous avez méritée"

Le traité de Preßbourg - Haus-,Hof-und Staatarchiv. Le traité comporte 14 + 1 pages, et est marqué de trois sceaux. Il est daté du 5 nivose an quatorze (26 décembre 1805)L'empereur François signe le 30, à Hollitsch. Le 1er Janvier 1806, le prince Liechtenstein et Talleyrand échangent les instruments de ratification.

C'est aussi ce 1er Janvier 1806 que le calendrier républicain est abandonné: le retour au calendrier grégorien doit saluer l'avènement d'une nouvelle ère de paix en Europe.

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