SEIZIÈME
BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE[1]
De
Ried, 11 brumaire an 14.[2]
Le prince Murat a continué sa marche en poursuivant l’ennemi l’épée dans les
reins, & est arrivé le 9 en avant de Lambach[3].
Les généraux autrichiens, voyant que leurs troupes ne pouvaient plus tenir, ont
fait avancer 8 bataillons russes pour protéger leur retraite. Le 17e régiment
d’infanterie de ligne[4], le 1er. de chasseurs[5] & le 8e. de dragons[6] chargèrent les
russes avec impétuosité, &, après une vive fusillade, les mirent en
désordre & le[7] menèrent
jusqu’à Lambach. On a fait 500 prisonniers, parmi
lesquels une centaine de russes.
Le 10 au matin, le prince Murat mande que le général Walter[8],
avec sa division de cavalerie, a pris possession de Wels[9].
La division de dragons du général Beaumont, & la 1e division du corps
d’armée du maréchal Davoust, commandée par le général
Bisson[10],
ont pris position à Lambach. Le pont sur la Traun était coupé ; le maréchal Davoust
y a fait substituer un pont de bateaux. L’ennemi a voulu défendre la rive
gauche. Le colonel Valterre[11],
du 30e régiment, s'est jeté un des premiers dans un bateau & a passé la
rivière. Le général Bisson faisant ses dispositions
de passage a reçu une balle dans le bras.
Une autre division du corps du maréchal Davoust est
en avant de Lambach sur le chemin de Steyer[12].
Le reste de son corps d’armée est sur les hauteurs de Lambach.
Le maréchal Soult arrivera ce soir à Wels.
Le maréchal Lannes arrivera ce soir à Lintz[13].
Le général Marmont est en marche pour tourner la position de la rivière de
l’Enns[14].
Le prince Murat se loue du colonel Conroux,
commandant du 17e régiment d’infanterie de ligne. Les troupes ne sauraient
montrer dans aucune circonstance plus d’impétuosité & de courage.
Au moment de son arrivée à Salzbourg[15],
le maréchal Bernadotte avait détaché le général Kellermann à la tête de son
avant-garde pour poursuivre une colonne ennemie qui se retirait par le chemin
de la Carinthie[16].
Elle s'était mise à couvert derrière le fort de Passling[17]
dans le défilé de Golling. Quelque forte que fût sa
position, les carabiniers du 27e régiment d’infanterie légère[18]
l’attaquèrent avec impétuosité. Le général Werlé[19]
fit tourner le fort, par le capitaine Campobane[20],
par des chemins presqu'impraticables. Cinq cents
hommes, dont trois officiers, ont été faits prisonniers. La colonne ennemie,
forte de trois mille hommes, a été éparpillée dans les sommités. On y a trouvé
une si grande quantité d’armes qu’on espère ramasser encore beaucoup de
prisonniers. Le général Kellermann donne des éloges à la conduite du chef de
bataillon Dherbez-Latour[21].
Le général Werlé a eu son habit criblé de balles.
Nos avant-postes mandent de Wels que l’empereur d’Allemagne y est arrivé le 25
octobre ; qu’il y a appris le sort de son armée d’Ulm, & qu’il s'est
convaincu par ses propres yeux des ravages affreux que les russes font partout,
& de l’extrême mécontentement de ses peuples. On assure qu’il est retourné
à Vienne sans descendre de voiture.
La terre est couverte de neige ; les pluies ont cessé ; le froid a pris le
dessus ; il est assez vif ; ce n’est point un commencement de novembre, mais un
mois de janvier. Ce temps plus sec, a l’avantage d’être plus sain & plus
favorable à la marche.
[1] In : Mémorial
administratif du département de l'Ourte, n° 299 du 30 brumaire an XIV
(21.11.1805), p. 188-189. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de
l'Ourte ; IX).
[2] 2 novembre 1805.
[3] Village situé au
sud-est de Ried et au sud-ouest de Wels, sur la route
de Ried à Steyr.
[4] Le colonel en est
encore pour quelques semaines Nicolas François Conroux
(1770-1813), qui sera fait général de brigade le 24 décembre suivant (baron de Pépinville et de l'Empire en 1808) et sera remplacé à la
tête du régiment par le colonel Pierre Lanusse.
[5] Son colonel est
alors Louis-Pierre Montbrun.
[6] Régiment commandé
par le colonel Louis Beckler (1766-1806).
[7] Sic.
[8] Frédéric Henri Walther (1761-1813). Général en 1793, comte de l'Empire en
1808.
[9] Ville sur la Traun, à l'est de Ried et au
sud-ouest de Linz.
[10] Pierre François
Jean Gaspard Bisson (1767-1811). Général (1800),
comte de l'Empire (1808).
[11] François Valterre (1759-1837). Général (1808), baron de l'Empire en
1809. Il est le colonel du 30e R.I.L. depuis 1803.
[12] Lire Steyr. Ville
sur l'Enns, au sud de Linz, au pied des "Ennstaler
Alpen".
[13] Lire Linz.
Capitale de la Haute-Autriche, sur le Danube, entre Passau et Vienne.
[14] Marmont effectue un
contournement de la position de l'Enns et se dirige vers Lambach.
Voir le Bulletin n° 17.
[15] Lire Salzburg
(Salzbourg).
[16] Province
méridionale de l'actuelle Autriche, dont le chef-lieu est Klagenfurt.
[17] Luegg Paß, passage au sud de Golling, lui-même village situé au sud de Salzbourg.
[18] Commandé par le
colonel Martial Bardet (1764-1837). Général (1807),
baron de l'Empire (1811).
[19] François Jean Werlé (1763-1811). Général 1803), baron de l'Empire en
1808.
[20] Lire Campocasso. Capitaine du 27e R.I.L.,
d'origine corse, tué durant la campagne de 1806.
[21] Lire Dherbez-Latour. Il s'agit probablement d'un parent de Pierre-Jacques Dherbez-Latour
(1735-1809), ancien député des Basses-Alpes à
l'Assemblée législative (1791-1792), puis à la Convention nationale
(1792-1795).