Juin 1797   


Mombello, 16 iuin 1797

Au gouvernement de Gênes

... Les premiers pas de votre Gouvernement justifient la confiance dont la nation génoise vous a investis.

Les gouvernements provisoires, placés dans des circonstances difficiles, doivent exclusivement prendre conseil du salut public et de l'intérêt de la patrie.

La République de Gênes n'existe que par le commerce; le commerce n'existe que par la confiance. Il n'y a pas de confiance sous un gouvernement faible; il n'y a point de confiance dans un pays où il y a des factions.

Un gouvernement est faible, un état est déchiré par les factions, lorsque plusieurs centaines de citoyens s'organisent en assemblée exclusive, prennent part dans toutes les discussions, jouent la popularité, sont sans cesse animés par l'exagération et n'ont jamais en but que la destruction.

Pendant votre gouvernement provisoire, une commission choisie doit former votre constitution et les lois organiques de votre République. Votre principal devoir est d'imposer silence aux passions, d'empêcher que la Commission législative puisse être influencée, et, par là, éviter que l'on vous donne une constitution et des lois de circonstance.

La sagesse et la modération sont de tous les pays et de tous les siècles, parce que l'une et l'autre sont fondées sur notre organisation physique; mais elles sont intrinsèquement nécessaires aux petits états et aux villes de commerce.

Pendant tout le temps de votre gouvernement provisoire, et jusqu'à ce que vous ayez des lois et une constitution stables, agissez-en comme dans un vaisseau battu par les flots : exigez que chaque citoyen soit à ses fonctions, et que personne ne rivalise avec le Gouvernement.

Comme vous ne savez pas ce que votre constitution permettra ou défendra, empêchez provisoirement toute espèce de coalition de citoyens.

Votre garde nationale est nombreuse et bien intentionnée. Si, sous votre Gouvernement, la République perd quelque chose de son commerce ou de son bonheur, la responsabilité pèsera tout entière sur vous ...


Mombello, 19 juin 1797

Au gouvernement provisoire de Gênes

Citoyens, j'apprends avec le plus grand déplaisir que, dans un moment de chaleur, l'on a renversé la statue d'André Doria. André Doria fut grand marin et homme d'état; l'aristocratie était la liberté de son temps. L'Europe entière envie à votre ville le précieux avantage d'avoir donné le jour à cet homme célèbre. Vous vous empresserez, je n'en doute pas, à relever la statue. Je vous prie de vouloir m'inscrire pour supporter une partie des frais que cela occasionnera et que je désire partager avec les citoyens les plus zélés pour la gloire et pour le bonheur de votre patrie.


3 juin 1797 (date présumée)

Note sur les évènements de Venise
                                         
... Bonaparte ne pouvait pas dire aux députés de Venise qui venaient lui demander sa protection et son secours contre la population qui voulait piller, "Je ne puis me mêler de vos affaires" , puisque Venise et tout son territoire était resté le théâtre de la guerre et s'était trouvé sur les derrières de l'armée. La République de Venise était voisine de l'armée d'Italie; le droit de guerre donne la grande police au général sur les pays qui en sont le théâtre. Comme le disait le grand Frédéric : "Il n'y a point de pays libre où il y a la guerre." Des avocats ignorants et bavards ont demandé, dans le club de Clichy, pourquoi nous occupons le territoire de Venise. Messieurs les orateurs, apprenez donc la géographie, et vous saurez que l'Adige, la Brenta, le Tagliamento, sur lesquels nous nous battons depuis deux ans, sont des états de Venise. Ah! certes, nous voyons bien votre idée ! Vous reprochez à l'armée d'Italie d'avoir surmonté tous les obstacles et d'avoir traversé l'Italie, deux fois les Alpes, et de s'être jetée sur Vienne, obligée à reconnaître cette République que vous, Messieurs de Clichy, vous voulez détruire. Vous mettez en accusation Bonaparte, je le vois bien, pour avoir fait faire la paix.

Mais je vous prédis, et je parle au nom de 80 000 soldats: le temps où de lâches avocats et de misérables bavards faisaient guillotiner les soldats est passé; et, si vous y obligez, les soldats d'Italie viendront à la barre de Clichy avec leur général; mais malheur à vous!