Mai 1803
Saint-Cloud, 1er mai 1803
Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures
J'ai reçu votre lettre, qui m'a été remise à la Malmaison. Je désire que la conférence ne se tourne pas en partage. Montrez-vous-y froid, altier et même un peu fier.
Si la note contient le mot ultimatum, faites-lui sentir que ce mot renferme celui de guerre, que cette manière de négocier est d'un supérieur à un inférieur; si la note ne contient pas ce mot, faites qu'il le mette, en lui observant qu'il faut enfin savoir à quoi s'en tenir, que nous sommes las de cet état d'anxiété; que jamais on n'obtiendra de nous ce que l'on a obtenu des dernières années des Bourbons; que nous ne sommes plus ce peuple qui recevait un commissaire à Dunkerque; que, l'ultimatum remis, tout deviendra rompu.
Effrayez-le sur les suites de cette remise; s'il est inébranlable, accompagnez-le dans votre salon; au point de vous quitter, dites-lui :
Mais le cap et l'île de Gorée sont-ils évacués ? Radoucissez un peu la fin de la conférence, et invitez-le à revenir avant d'écrire à sa cour, afin que vous puissiez lui dire l'impression qu'elle a faite sur moi, qu'elle pouvait être diminuée par l'assurance de l'évacuation du Cap et de l'île de Gorée.
Saint-Cloud, 1er mai 1803
Au citoyen Talleyrand
Je vous envoie, Citoyen Ministre, les notes et votre discours. Je vous prie de les mettre en ordre le plus tôt possible. Lord Withworth a présenté deux notes différentes, l'une relative à la suzeraineté de l'Angleterre sur Malte, l'autre pour garder cette île pendant dix ans; les jours où ces deux notes ont été présentées ne sont pas spécifiés.
J'y joins quelques notes qui vous feront connaître dans quel sens je désirerais que le commencement fût traité.
Paris, 2 mai 1803
DÉCISION
Ritter, ancien membre du conseil des Cinq-Cents, demande une place de juge près le tribunal criminel de la Seine. , | Renvoyé au citoyen Cambacérès pour me proposer quelque chose qui pût lui convenir. Je crois que les membres du tribunal criminel sont nommés ; mais, comme il parle bien l'allemand et qu'il est dévoué, on pourrait l'employer dans les départements réunis. |
Paris, 2 mai 1803
Au Ministre des Relations extérieures
Je vous renvoie, Citoyen Ministre, les lettres du général Brune. Je vous prie de transmettre aux différents Ministres des extraits de celles qui peuvent les concerner, surtout de celles sur le commerce des Départements.
Lettres à Talleyrand
Saint-Cloud, 2 mai 1803)
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Des hommes instruits pensent qu'il serait praticable de construire un bassin au pied de la côte d'Ingouville, dans l'anse appelée Sainte-Adresse, près du Havre, dont on pourrait alimenter les chasses par les eaux du bassin actuel; que les eaux sortant de ce bassin trouveraient une passe très-saine sous l'abri du banc de l'Éclat. Ce ne serait jamais qu'un port de construction pour profiter de l'embouchure de la Seine. Si un projet de cette nature pouvait être praticable, il suffirait de construire un bassin capable de contenir deux ou trois vaisseaux.
Saint-Cloud, 3 Mai 1803
Au landammann et au conseil d'Unterwald
Citoyens Landammann et Membres du conseil du canton d'Unterwald, je vous remercie des sentiments que vous m'exprimez au nom de votre canton par votre lettre du 3 avril. Le titre de restaurateur de la liberté des enfants de Tell m'est plus précieux que la plus belle victoire. Je n'ai eu en vue, dans l'acte de médiation, que vos intérêts; quand je l'ai discuté avec vos députés, j'ai été par la pensée un de vos concitoyens.
Assurez le peuple de votre canton que, dans toutes les circonstances, il peut compter qu'il me trouvera toujours dans les mêmes sentiments. Oubliez toutes vos anciennes querelles, et comptez sur le désir que j'ai de vous donner des preuves de l'intérêt que je vous porte.
Paris, 4 mai 1803
NOTE POUR L'AMBASSADEUR D'ANGLETERRE
Après la dernière, communication qui a été adressée à Son Excellence, on conçoit moins que jamais comment une nation grande, puissante, sensée, pourrait vouloir entreprendre de déclarer une guerre dont les résultats entraîneraient des malheurs si grands, et dont la cause serait si petite, puisqu'il s'agit d'un misérable rocher.
Son Excellence a dû comprendre que la double nécessité de s'entendre avec les puissances garantes du traité d'Amiens et de ne pas violer un pacte dont l'exécution intéresse aussi essentiellement l'honneur de la France, la sûreté de l'avenir et la loyauté des relations diplomatiques entre les nations européennes, avait fait une loi au Gouvernement français d'éloigner toute proposition diamétralement contraire au traité d'Amiens.
Cependant le Premier Consul, accoutumé depuis deux mois à faire des sacrifices de toute espèce pour le maintien de la pacification, ne repousserait pas un terme moyen qui serait de nature à concilier les intérêts et la dignité des deux pays.
Sa Majesté Britannique a paru croire que la garnison napolitaine qui devait être établie à Malte ne présenterait pas une force suffisante pour assurer véritablement l'indépendance de cette île.
Ce motif étant le seul qui puisse au moins expliquer le refus qu'elle fait d'évacuer l'île, le Premier Consul est prêt à consentir que l'île de Malte soit remise aux mains d'une des trois principales puissances qui ont garanti son indépendance, soit l'Autriche, la Russie ou la Prusse; bien entendu qu'aussitôt que la France et l'Angleterre seront d'accord sur cet article, elles réuniront leurs demandes pour y porter pareillement les différentes puissances, soit contractantes, soit adhérentes au traité d'Amiens.
S'il était possible que cette proposition ne fût pas adoptée, il serait manifeste que non-seulement l'Angleterre n'a jamais voulu exécuter le traité d'Amiens, mais qu'elle n'a même été de bonne foi dans aucune des demandes qu'elle a faites, et qu'à mesure que la France eût cédé sur un point, les prétentions du Gouvernement britannique se fussent portées sur un autre; et, si une pareille démonstration devait être acquise, le Premier Consul aura du moins donné encore un gage de la sincérité de son application à méditer sur les moyens d'éviter la guerre, de son empressement à les saisir, et du
prix qu'il mettait à les faire prévaloir.
Saint-Cloud, 6 mai 1802
Au landammann et au conseil de Schwitz
Citoyens Landammann et Membres du conseil du canton de Schwitz, j'ai éprouvé une vive satisfaction d'apprendre par votre lettre du 14 avril que vous étiez heureux par l'acte de médiation. L'oubli des querelles passées et l'union entre vous, voilà le premier de vos besoins.
Je serai toujours votre ami, et l'esprit qui m'a dicté l'acte de médiation ne cessera jamais de m'aimer.
Quelles que soient les sollicitudes et les occupations que je puisse avoir, je regarderai toujours pour moi comme un devoir et une douce jouissance de faire tout ce qui pourra consolider votre liberté et votre bonheur.
Paris, 6 mai 1803
DÉCISION
Rapport sur la question de savoir si l'on peut accepter des biens-fonds pour l'entretien des desservants des succursales. | Il est possible de recevoir des biens-fonds, non pour le clergé, parce que la loi s'y oppose, mais pour les communes, qui en emploieront le produit aux payement des succursaux. |
Saint-Cloud, 6 mai 1803
Au Bourgmestre et sénateurs de la ville libre et hanséatique de Brême
Le sénateur Groening, votre député, m'a remis la lettre par laquelle vous lui avez accordé la permission de revenir dans sa patrie, après avoir rempli les différents objets de la mission dont vous l'aviez chargé auprès du Gouvernement de la République française C'est avec plaisir que je reçois les témoignages que vous me donnez, à cette occasion, de votre reconnaissance pour la protection que vous avez éprouvée de ma part, quand il s'est agi de l'intérêt des villes hanséatiques en général et de la vôtre en particulier. Je ne puis que vous témoigner ma satisfaction de la conduite de votre député dans l'accomplissement des divers points de sa mission, et je le charge de vous renouveler, à son retour auprès de tous, les assurances de l'intérêt que je prends à tout ce qui concerne la prospérité de votre ville, et de mon désir de trouver des occasions de multiplier, à son égard, les preuves de ma bienveillance et de ma protection.
Saint-Cloud, 9 mai 1803
Au citoyen Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République Italienne
Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au vice-président que mon intention est qu'il y ait en Romagne, indépendamment des bataillons italiens et polonais qui ont ordre de s'y rendre, deux autres bataillons italiens, de manière que les forces italiennes, infanterie, cavalerie et artillerie, y compris les Polonais, soient au moins de 6,000 hommes.
Paris, 11 mai 1803
ARRÊTÉ
Le Gouvernement de la République, sur le rapport fait par le grand juge et ministre de la justice, de la demande de Joseph-Marie de Maistre, à l'effet d'obtenir la permission de rester au service de Sa Majesté le roi de l'île de Sardaigne, arrête :
ARTICLE 1er. - Il est permis à Joseph-Marie de Maistre, régent de la chancellerie et chef du tribunal suprême de l'audience royale en Sardaigne, de rester au service de Sa Majesté le roi de l'île de Sardaigne.
En conséquence il conservera, pendant tout le temps de la durée de la présente permission, sa qualité de Français, ainsi que les droits qui y sont attachés, conformément aux dispositions de la loi du 17 ventôse an XI; toutefois sous la condition expresse de ne point porter les armes contre la France.
ART. 2. - La présente permission, scellée du sceau de la République, sera déposée aux archives du grand juge et ministre de la justice, et expédition en sera délivrée à l'impétrant, qui jouira de son contenu tant qui'il ne sera point révoqué.
Saint-Cloud, 12 mai 1803
DÉCISION
Le citoyen Dubois, préfet du département de la Gironde, rend compte des difficultés qu'il a éprouvées à Bordeaux dans l'exécution de la loi sur la conscription. | Le ministre de l'intérieur fera connaître au préfet que, quelque chose qu'il puisse dire, il est de fait que les conscrits ne sont pas partis; que je serais extrêmement peiné que l'insouciance apporté dans l'exécution d'une loi aussi importante me forçât de mettre cette grande et belle cité sous l'autorité militaire; qu'il doit rassembler les maires et les principale autorités, donner des ordres à la gendarmerie et se concerter avec les commandants d'armes, car, quelque prix que ce soit, il faut que les conscrits de Bordeaux marchent et rejoignent leurs corps. |
Saint-Cloud, 12 mai 1803
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Je prie le ministre de l'intérieur de me faire connaître le temps où il sera possible de faire placer le corps du général Desaix dan l'église de Saint-Bernard, dans le monument qui y a été commandé Mon intention n'est point de faire construire une nouvelle église mais de le placer dans l'église actuelle, dans l'endroit le plus visible. Cette église est grande et vaste. Je désirerais savoir s'il est possible de faire cette cérémonie, cette année, à l'anniversaire de la bataille de Marengo.
Saint-Cloud, 12 mai 1803
Au citoyen Cretet, conseiller d'État chargé des ponts et chaussées
Il y a, Citoyen Cretet, quatre lieues de chemin de Valognes aux îles Marcouf. Deux lieues sont faites, deux restent à faire. Je désir que vous preniez des mesures pour les terminer avant fructidor.
Une portion de la digue qui conduit au fort de Querqueville, rade de Cherbourg, a été enlevée par la mer. On évalue son rétablissement à 30,000 francs. Prenez des mesures pour qu'il soit fait avant fructidor.
Saint-Cloud, 12 mai 1803
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE
Saint-Constant et les environs d'Auray.
Dans le département de la Vendée, Saint-Jean-de-Mont est la commune par laquelle on a toujours communiqué avec l'Angleterre. Il faut y faire mettre une petite garnison et y faire exercer une surveillance particulière.
S'il convient de réarmer le fort de l'île d'Houat et d'Hoedik.
Donner ordre qu'on réarme l'île Dumet.
Faire connaître l'officier qui commande à Groix; si les soldats sont enrégimentés; quelle est leur discipline; quel esprit il y a dans cette île.
Mêmes renseignements pour Belle-Île.
Se faire rendre compte si on a approvisionne le fort de l'île des Signes (peut-être l'île de Sein).
L'île de Batz et le fort des Sept-Îles.
Saint-Cloud, 12 mai 1803
Au général Menou
Citoyen Général Menou, administrateur général de la 27e division militaire, j'ai reçu votre lettre du 13 floréal (3 mai). On m'a fait le rapport sur la route du mont Cenis; mais ne serait-il pas convenable de terminer la route du mont Genèvre avant de faire cette nouvelle route ? Car, en entreprenant trop, on met nécessairement beaucoup de lenteur à finir, et il est cependant indispensable d'avoir le plus promptement possible, entre la France et le Piémont, une communication telle qu'il ne faille point dételer. On m'assure qu'il serait possible de l'achever dans la campagne et à peu de frais. Il ne faudrait pas perdre un instant.
Faites-moi connaître la situation des troupes.
J'approuverai toujours fort tout ce que vous ferez pour activer les travaux des fortifications d'Alexandrie. Ayez l'œil à ce qu'on ne fasse aucun établissement militaire à Turin; mon intention secrète est de concentrer toute l'administration des approvisionnements, de l'artillerie, du génie, etc., à Alexandrie. S'il se faisait quelque disposition contre cette pensée secrète, prévenez-m'en, afin que, sans en faire connaître le motif, je puisse la faire suspendre.
J'apprends avec grand plaisir ce que vous me dites du départ de 3,000 conscrits. Les états qui m'ont été remis ne les portent qu'à 1,300.
J'ai fait quelque chose pour vos manufactures de draps. Visitez-les, encouragez-les de tous vos moyens, tant pour le bien du pays que pour nous éviter les frais de transport pour l'habillement de nos troupes en Italie.
J'appellerai volontiers aux places d'auditeur au Conseil d'État deux jeunes gens de familles accréditées dans le pays, de l'âge de vingt à vingt-cinq ans, et qui auraient des dispositions. Il serait nécessaire qu'ils eussent de l'aisance, puisque les appointements de cette place ne sont que de 2,000 francs.
Je désirerais plus de détails sur ce que vous me dites de la diminution des droits d'entrée dans le port de Gênes, et que vous me fissiez connaître comment cela peut détourner le commerce du Piémont avec Nice.
Je viens de créer un nouveau dépôt colonial à Villefranche.
Il faut qu'il y ait en Piémont une ou plusieurs maisons de réclusion, pour y enfermer et y faire travailler les mendiants et les hommes dangereux, car on ne doit point envoyer cette canaille au dépôt colonial.
Je ne saurais trop vous dire, ce que vous savez parfaitement, qu'il n'y a rien de pire que la réaction. Il ne peut y avoir de bien que ce qui s'opère insensiblement.
Saint-Cloud, 13 mai 1803
Le Secrétaire d'État au Ministre des Relations extérieures
Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez continuer par l'imprimerie de la République l'impression de la négociation avec l'Angleterre jusqu'a la note de ce jour inclusivement. Je pense qu'il convient de joindre à ce recueil les ratifications des Empereurs d'Allemagne et de Russie relatives aux arrangements de Malte.
Agréez, Citoyen Ministre, mes sentiments inviolables
Maret
Voulez-vous, Citoyen Ministre, que je vous envoie la copie de la dernière note, ou que je la transmette directement à l'imprimerie ?
Lettres à Talleyrand
Paris, 14 mai 1803
Le Secrétaire d'État au Ministre des relations extérieures
Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous donniez sur le champ l'ordre au général Vial de se retirer de Malte si déjà cet ordre n'a pas été donne par vous.
Lettres à Talleyrand
Saint-Cloud, 19 mai 1803
Au général Lagrange
J'ai reçu de vous différentes lettres, Citoyen Général, et spécialement celle datée de Boulogne. Je désire beaucoup plus de détails; au moins quatre pages de chaque ville où vous couchez.
Vous me dites que la 22e de ligne a reçu 1,000 conscrits; j'ai peine à le croire, mes états n'en portent que 550.
J'aurais voulu, sur Boulogne et Calais, de très-grands détails.
Faites votre course lentement, voyez beaucoup, et écrivez-moi tout ce que vous voyez.
Saint-Cloud, 13 mai 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
J'apprends, Citoyen Ministre, que, sur 16,000 toises cubes qui devaient être faites, cette année, à Cherbourg, il n'y en a encore que 4,000.
Il est donc nécessaire que vous preniez de nouvelles mesures pour achever ces travaux, afin que, dans le courant de la campagne, les 100 toises de digue qu'on avait promis d'élever le soient effectivement et puissent porter des canons.
Il est aussi convenable que vous vous fassiez instruire quelle est la portion de la digue qu'on élèvera immédiatement après les 100 toises arrêtées.
Paris, 12 mai 1803
A l'ambassadeur d'Angleterre
Le soussigné est chargé de faire connaître à Son Excellence lord Withworth, ambassadeur de Sa Majesté Britannique, que, le Premier Consul ayant proposé, dans la note du 14 de ce mois, que l'île de Malte fût remise dans les mains d'une des trois puissances garantes, la Russie, l'Autriche ou la Prusse, il ne suffirait pas, pour écarter cette proposition, d'arguer du refus que ferait S. M. l'empereur de Russie de recevoir ce dépôt, puisqu'il resterait à connaître les intentions de LL. MM. l'empereur d'Allemagne et le roi de Prusse;
Que, d'ailleurs, l'assertion contenue dans la note de Son Excellence, en date du 20 de ce mois, et qui est exprimée en ces termes, "Par le refus de S. M. l'empereur, de Russie de s'y prêter", est entièrement contraire à la garantie que Sa Majesté Impériale a formellement offerte, sous la condition de quelques légers changement que le Premier Consul n'a fait aucune difficulté d'adopter, et auxquels il est à sa connaissance que le ministère anglais s'est refusé, méditant sans doute alors l'étrange prétention de garder Malte;
Que, de plus, cette assertion se trouve encore en opposition absolue avec les assurances que le Premier Consul a reçues de Pétersbourg, depuis que le message de Sa Majesté Britannique y a été connu, et qui viennent de lui être renouvelées par une communication authentique que M. le comte de Markof a donnée hier des intentions de sa cour;
D'où il résulte qu'il est impossible de concilier la dernière transmission faite par Son Excellence lord Withworth avec la nouvelle confirmation qui vient d'être acquise des dispositions de S. M. l'empereur de Russie, et qu'on ne peut se refuser à croire que Sa Majesté Britannique, mieux informée, sera elle-même empressée à faire donner à Son Excellence des instructions différentes de celles qu'elle a reçues et communiquées au nom de son Gouvernement.
Saint-Cloud, 13 mai 1803
Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures
Envoyez, Citoyen Ministre, la note à lord Withworth et au général Andréossy; envoyez-la aussi en Espagne et en Hollande.
Donnez ordre au général Andréossy que, lorsqu'il sera assuré que le Gouvernement anglais a communication de cette note; il fasse connaître, par le citoyen Schimmelpenninck ou par tout autre moyen indirect, que, si l'Angleterre rejette absolument la proposition de remettre Malte à une des puissances garantes, on ne serait pas éloigné ici d'adopter que l'Angleterre resterait à Malte pendant dix ans et que la France occuperait la presqu'île d'Otrante et les positions qu'elle occupait, au moment de la signature du Traité d'Amiens, dans le royaume de Naples, pendant le même espace de temps; ainsi, il serait autorisé à signer une convention dans ces propres termes :
Le Premier Consul, au nom du Peuple français, et Sa Majesté Britannique, animés du désir de maintenir la paix si heureusement rétablie à Amiens, conviennent de ce qui suit :
I. Les troupes de Sa Majesté Britannique pourront occuper l'île de Malte pendant dix ans.
II. Les troupes françaises occuperont, pendant le même espace de temps, les positions de Tarente et d'Otrante, telles qu'elles les occupaient au moment de la signature du traité d'Amiens et qu'elles n'ont évacuées qu'en conséquence de l'article 11 dudit traité.
III. La présente convention sera ratifiée dans l'espace d'un mois ou de quinze jours, si faire se peut.
Faites connaître au général Andréossy, 1° qu'il est important que, si cette proposition ne peut réussir, il n'en fasse aucune communication qui en laisse des traces, et qu'on puisse toujours nier ici que le Gouvernement ait pu adhérer à cette proposition; 2° qu'il est autorisé à faire ces ouvertures dans le cas où il ne lui en aurait pas été fait quelque autre de la part de l'Angleterre, ou que les hostilités n'auraient pas recommencé.
On s'en remet donc entièrement à lui sur le parti à prendre, et on ne saurait lui recommander trop de prudence.
Recommandez-lui spécialement de se servir du citoyen Schimmelpenninck; et, en parlant à lord Hawkesbury, il doit lui dire qu'il n'a pas d'autorisation précise, mais qu'il met sa responsabilité en avant, qu'il se fait fort de signer et qu'il ne sera pas désavoué.
Saint-Cloud, 13 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
J'ai lu le rapport du général Chasseloup sur la situation d'Alexandrie à la fin de l'an XII. Le général Menou a ordre de prendre toutes les mesures pour activer les travaux de cette place. J'y ai mis un grand nombre d'hommes en garnison, et je ne ferais point de difficulté de l'augmenter sur la demande du général Chasseloup. Si les 200,000 francs par mois ne suffisent pas, j'augmenterai les fonds.
Mandez au général Chasseloup de diriger les travaux de manière que la place se trouve dans la situation qu'il a décrite pour le mois de mai de l'année prochaine.
Le roi de Sardaigne ayant toujours fait construire des forteresses, on doit trouver des moyens immenses aux environs de Suse, Fenestrelle, Coni, etc. Il doit y avoir des entrepreneurs et des ouvriers; le général Chasseloup doit les réunir tous; et, dût-on dépenser le double des fonds accordés, j'y ferai fournir. Je considère cette place comme tout : le reste de l'Italie est affaire de guerre; cette place est affaire de politique.
Demandez au général Chasseloup un plan arrêté de ses projets, que je veux avoir sous les yeux, et faites-vous adresser, chaque mois, une note de ce qui a été fait.
Écrivez au général Menou que, si le général Chasseloup le lui demande, il requière tous les entrepreneurs et ouvriers qui auraient travaillé aux forteresses du Piémont, pour les employer aux fortifications d'Alexandrie.
Désignez le général Robin pour commander le cantonnement d'Alexandrie.
Faites connaître au général Chasseloup que j'ai approuvé ses observations, et que, cette année on travaillera au mont Genèvre; car avant d'entreprendre d'autres communications, il nous en faut une de sûre.
Saint-Cloud , 13 mai 1803
Au général Berthier
Le camp de Nimègue se mettra en marche pour se rendre à Coelverde, où il sera arrivé le ler ou le 2 prairial.
Le général commandant (il s'agit de Mortier) prendra les mesures nécessaires pour faire transporter à Coeverden quatre jours de vivres et six jours de biscuit, de manière à pouvoir, douze heures après la réception d'un courrier, se mettre en marche avec ses vivres.
Il prendra toutes les informations nécessaires sur la route qu'il doit tenir pour occuper le Hanovre en passant par Meppen, et ayant soin de ne pas passer sur le territoire prussien.
Il enverra des agents pour connaître le mouvement que pourront faire les Hanovriens, et les positions qu'ils prennent.
Paris, 13 mai 1803
Au général Clarke, ministre de France à Florence
L'ambassadeur d'Angleterre en France, Citoyen Ministre, vient de quitter Paris.
La guerre n'est cependant pas encore déclarée; mais cette conduite de l'ambassadeur, déterminée par des ordres de son Gouvernement, exige des précautions sur le résultat desquelles il sera statué selon le parti que prendra le Gouvernement anglais.
En conséquence, le Premier Consul m'a ordonné de vous faire savoir que son intention est qu'un embargo général soit mis dans les ports dépendants de Sa Majesté le roi de Toscane.
Les bâtiments chargés pour le compte de l'Angleterre ne devront éprouver aucune molestation; mais l'intention du Premier Consul est qu'il soit veillé à ce que ces bâtiments ne puissent disposer, jusqu'à nouvel ordre, d'aucune partie de la cargaison.
Telles sont, Citoyen, les dispositions que le Premier Consul m'a ordonné de vous faire connaître, pour que vous pourvoyiez à leur exécution.
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Même lettre au citoyen Semonville pour la République ligurienne, et au citoyen Salliceti pour la République batave.
Paris, 14 mai 1803
Au citoyen Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République Italienne
L'ambassadeur d'Angleterre ayant quitté Paris, le citoyen Talleyrand lui a remis la note ci-jointe, qui est une récapitulation de toute la négociation.
Je désire que vous l'expédiiez par un courrier extraordinaire, pour être communiquée à la Consulte d'État en comité secret, et sans que, sous quelque prétexte que ce soit, il en soit donné aucune copie, ni aucune communication à toute autre personne qu'aux membres de la Consulte, désirant ne faire aucune communication publique avant que l'ambassadeur de la République soit de retour à Calais.
Saint-Cloud, 15 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de témoigner mon extrême mécontentement au général Olivier (Jean-Baptiste Olivier, 1765-1813 ) qui commande à Livourne, pour avoir donné une garde d'honneur à lord Elgin. Il ne connaît point lord Elgin et ne doit de garde d'honneur à personne, si ce n'est au roi d'Étrurie, dans les États duquel il se trouve employé. Je n'ai pu qu'être extrêmement peiné de voir qu'un général aussi distingué ai traité avec la plus grande faveur un des plus grands ennemis de la nation.
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Je vous envoie, Citoyen Ministre, un rapport qui m'a été fait. Je vous prie de donner ordre au commissaire du Gouvernement près le tribunal criminel de Maestricht, sans dire de quelle source vous viennent ces renseignements, qu'une enquête générale soit faite pour constater l'existence du corps du délit. Évitez de parler du général Charbonnier, parce qu'il peut être innocent. J'attache la plus grand importance à cette affaire, parce qu'elle tient à la sûreté publique et à l'existence de l'armée.
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au citoyen Gaudin, ministre des finances
Je vous prie, Citoyen Ministre, de porter la pension de Madame d'Orléans-Bourbon à 100,000 francs par an, à compter du ler vendémiaire an X
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au général Lannes (Lannes est alors ambassadeur à Lisbonne)
Citoyen général, je reçois à l'instant votre lettre du 27 germinal. J'ai vu ce matin le citoyen Gueheneue, qui arrive de Londres, et qui m'a appris que tous vos différends étaient arrangés à Lisbonne.
L'ambassadeur d'Angleterre est parti jeudi; mais il est encore aujourd'hui à Calais. Je n'ai pas encore de nouvelles qu'Andréossy ait quitté Londres. Ainsi, tout n'est pas encore définitivement décidé. Cependant il y a peu d'espoir pour la paix, l'arrogance et l'injustice du cabinet anglais n'ayant aucune limite.
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Remettez cette lettre au prince.
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au prince Régent de Portugal
J'ai reçu les différentes lettres qu'il a plu à votre Altesse Royale de m'écrire. J'y ai vu avec plaisir les sentiments qu'elle m'y témoigne.
Les circonstances actuelles deviennent de plus en plus graves, et la guerre est sur le point de se rallumer entre la France et l'Angleterre. J'ai tout fait pour épargner au monde cette calamité, mais l'Angleterre s'est refusée à l'exécution du traité d'Amiens. Le ministre de la RéPublique à Lisbonne fera connaître à Votre Altesse Royale la marche de la négociation dans cette circonstance extraordinaire. Toutes les Puissances intéressées à l'indépendance de l'ordre de Malte doivent réunir leurs efforts, et et suis autorisé à compter sur les sentiments que Votre Altesse Royale a bien voulu témoigner.
A l'électeur de Salzburg
J'ai reçu la lettre qu'il a plu à votre Altesse Royale de m'écrire le 24 avril. Je la prie de recevoir mon compliment sur son installation à Salzburg. Je lui désire bien sincèrement tout le bonheur qu'elle mérite, et qu'elle fera éprouver à ses peuples par son gouvernement doux et paternel. La France a été dix ans en lutte avec la Maison d'Autriche; tout est enfin terminé. Il ne tiendra pas à moi que les deux États ne recommencent une nouvelle époque sur des principes différents. Au reste, quelle que soit la marche que suivront les deux cabinets de Vienne et de Paris, je verrai toujours avec une extrême satisfaction que le cabinet de Votre Altesse Royale se conduise d'après les principes qui lui sont propres.
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au landammann de Suisse
Monsieur Louis d'Affry, Landammann de la Suisse, j'ai reçu votre lettre du 22 avril, que m'a remise le colonel Rapp. Dans les circonstances actuelles, où la guerre entre la France et l'Angleterre est sur le point de se déclarer, je ne veux vous laisser aucun doute sur la justice de la guerre que la France est obligée de faire. Je vous envoie, pour vous seul, la note qui a été remise à lord Withworth, au moment de son départ de Paris.
Je vous prie d'être toujours convaincu du désir que j'ai de faire ce qui peut être agréable à votre pays, et à vous en particulier..
Saint-Cloud, 17 mai 1803
A S. S. le Pape
Très-saint Père, je remercie Votre Sainteté de la nomination des cardinaux français qu'elle a bien voulu faire.
J'ai reçu avec un véritable plaisir le dessin que l'ablégat m'a remis. Autant j'ai eu de plaisir, il y a un an, d'instruire Votre Sainteté de la paix conclue avec l'Angleterre, autant j'éprouve de peine aujourd'hui à lui annoncer que la guerre est près de troubler l'Europe, par l'injustice des Anglais qui, au mépris des traités, ne veulent pas évacuer Malte.
Votre Sainteté verra, par la copie de la dernière note remise à l'ambassadeur d'Angleterre et que je joins ici pour elle seule, que j'ai été poussé à bout. L'ambassadeur d'Angleterre a quitté Paris jeudi passé.
Le ministre de la République fera une demande à Votre Sainteté d'un passage de troupes par la Marche d'Ancône, pour se rendre dans le royaume de Naples. Mais cela ne doit porter en rien préjudice ni aux États ni aux finances du Saint-Siège.
J'apprendrai avec grand intérêt que Votre Sainteté juge que, dans cette circonstance, je ne suis point la cause de la guerre, ni des malheurs qui pourront en résulter, et que j'y ai été en tout contraint et obligé.
Il me reste à faire à Votre Sainteté un nouveau remerciement sur son bref pour le Piémont.
Saint-Cloud, 17 mai 1803
Au cardinal Consalvi
Monsieur le cardinal Consalvi, Secrétaire d'État de Sa Sainteté, j'ai reçu votre lettre du 31 janvier. Je vous remercie des sentiments que vous m'y exprimez. Je désire trouver des occasions qui puissent me mettre à même de vous donner des preuves de l'estime particulière que je vous porte. Vos bons conseils et vos talents sont utiles à l'Église, et je ne puis que me louer de la direction que vous donnez à la chancellerie de Rome. Vous pouvez donc compter sur mon assistance, et le Saint-Père me trouvera toujours, en fidèle et zélé enfant de l'Église, disposé à faire tout ce qui peut contribuer à sa prospérité.
Paris, 19 mai 1803
DÉCISION
Mauduit, de Rouen, présente au Premier Consul une pièce d'harmonie sur son passage dans le département de la seine-inférieure. | Renvoyé à M. Paesiello, pour me rendre compte si la musique en est bonne. |
Paris, 20 mai 1803
MESSAGE AU SÉNAT
L'ambassadeur d'Angleterre a été rappelé; forcé par cette circonstance, l'ambassadeur de la République a quitté un pays où il ne pouvait plus entendre des paroles de paix.
Dans ce moment décisif, le Gouvernement met sous vos yeux, il mettra sous les yeux de la France et de l'Europe ses premières relations avec le ministère britannique, les négociations qui ont été terminées par le traité d'Amiens, et les nouvelles discussions qui semblent finir par une rupture absolue.
Le siècle présent et la postérité y verront tout ce qu'il a fait pour mettre un terme aux calamités de la guerre, avec quelle modération, avec quelle patience il a travaillé à en prévenir le retour.
Rien n'a pu rompre le cours des projets formés pour rallumer la discorde entre les deux nations.
Le traité d'Amiens avait été négocié au milieu des clameurs d'un parti ennemi de la paix. A peine conclu, il fut l'objet d'une censure amère; on le représenta comme funeste à l'Angleterre, parce qu'il n'était pas honteux pour la France. Bientôt on sema des inquiétudes, on simula des dangers sur lesquels on établit la nécessité d'un état de paix tel qu'il était un signal permanent d'hostilités nouvelles. On tint en réserve, on stipendia ces vils scélérats qui avaient déchiré le sein de leur patrie, et qu'on destine à le déchirer encore. Vains calculs de la haine ! Ce n'est plus cette France divisée par les faction et tourmentée par les orages : c'est la France rendue à la tranquillité intérieure, régénérée dans son administration et dans ses lois, prête à tomber de tout son poids sur l'étranger qui osera l'attaquer, et se réunir contre les brigands qu'une atroce politique rejetterait en encore sur son sol pour y organiser le pillage et les assassinats.
Enfin un message inattendu a tout à coup effrayé l'Angleterre d'armements imaginaires en France et en Batavie, et supposé des discussions importantes qui divisaient les deux gouvernements, tandis qu'aucune discussion pareille n'était connue du Gouvernement français.
Aussitôt des armements formidables s'opèrent sur les côtes et dans les ports de la Grande-Bretagne; la mer est couverte de vaisseaux de guerre; et c'est au milieu de cet appareil que le cabinet de Londres demande à la France l'abrogation d'un article fondamental du traité d'Amiens.
Ils voulaient, disaient-ils, des garanties nouvelles, et ils méconnaissaient la sainteté des traités dont l'exécution est la première des garanties que puissent se donner les nations.
En vain la France a invoqué la foi jurée; en vain elle a rappelé les formes reçues parmi les nations; en vain elle a consenti à fermer les yeux sur l'inexécution actuelle de l'article du traité d'Amiens dont l'Angleterre prétendait s'affranchir; en vain elle a voulu remettre à prendre un parti définitif jusqu'au moment où l'Espagne et la Batavie, toutes deux parties contractantes, auraient manifesté leur volonté; vainement, enfin, elle a proposé de réclamer la médiation des puissances qui avaient été appelées à garantir et qui ont garanti en effet la stipulation dont l'abrogation était demandée : toutes les propositions ont été repoussées, et les demandes de l'Angleterre sont devenues plus impérieuses et plus absolues.
Il n'était pas dans les principes du Gouvernement de fléchir sous la menace; il n'était pas en son pouvoir de courber la majesté du peuple français sous des lois qu'on lui prescrivait avec des formes si hautaines et si nouvelles. S'il l'eût fait, il aurait consacré pour l'Angleterre le droit d'annulé, par sa seule volonté, toutes les stipulations qui l'obligent envers la France; il l'eût autorisée à exiger de la France des garanties nouvelles à la moindre alarme qu'il lui aurait plu de se forger; et, de là, deux nouveaux principes qui se seraient placés dans le droit public de la Grande-Bretagne, à côté de celui par lequel elle a déshérité les autres nations de la souveraineté commune des mers et soumis à ses lois et à ses règlements l'indépendance de leurs pavillons.
Le Gouvernement s'est arrêté à la ligne que lui ont tracée ses principes et ses devoirs. Les négociations sont interrompues, et nous sommes prêts à combattre si nous sommes attaqués.
Du moins nous combattrons pour maintenir la foi des traités et pour l'honneur du nom français.
Si nous avions cédé à une vaine terreur, il eût fallu bientôt combattre pour repousser des prétentions nouvelles; mais nous aurions combattu déshonorés par une première faiblesse, déchus à nos propres yeux et avilis aux yeux d'un ennemi qui nous aurait une fois fait ployer sous ses injustes prétentions.
La nation se reposera dans le sentiment de ses forces. Quelles que soient les blessures que l'ennemi pourra nous faire dans des lieux où nous n'aurons pu ni le prévenir ni l'atteindre, le résultat de cette lutte sera tel que nous avons droit de l'attendre de la justice de notre cause et du courage de nos guerriers.
Saint-Cloud, 21 mai 1803
Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public
Sur les 240,000 francs, Citoyen Ministre, que doivent les six banquiers du trésor public, 48,000 francs seront donnés en gratification, conformément à ma lettre de ce jour; 192,000 francs seront à votre disposition pour suppléer à l'insuffisance de votre traitement, ayant l'intention que vous voyiez dans cette disposition le désir que j'ai de vous témoigner ma satisfaction de vos travaux importants et du bon ordre que vous avez mis dans votre ministère, qui ont valu à la République un grand nombre de millions.
Saint-Cloud, 21 mai 1803
DÉCISION
Rapport sur les inconvénients de la suppression de la succursale des Invalides en Avignon | Renvoyé au général Dejean. Dans les moments actuels, il paraîtrait convenable de laisser ces 700 invalides à Avignon, d'abord pour servir de point de réunion pour les gens du Midi, et pour éviter ces inconvénients de voyages qui sont d'un mauvais effet. |
Saint-Cloud, 21 mai 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Je vous prie, Citoyen Ministre, d'envoyer quatre lettres de marque à la disposition du général commandant à l'île d'Elbe, six au général commandant la 23e division militaire (La Corse), une au ministre de la République à Gênes, une à l'agent commercial de la République à Ancône, quatre au général Murat, commandant les troupes françaises en Italie. Ces lettres seront données en blanc, pour qu'ils puissent être à même de profiter de toutes les occasions, et de ne perdre aucun moment pour faire au commerce anglais tout le tort possible.
Je vous prie d'en envoyer également quatre au général Victor, commandant les troupes françaises en Hollande, quatre au généra Mortier, commandant le camp de Nimègue, pour qu'ils puissent en disposer dès l'instant qu'ils pourront arriver sur les côtes.
Recommandez au général Murat de les distribuer principalement à des armateurs qui voudraient armer dans les petits ports d'Italie afin de rendre difficile et périlleux aux Anglais le commerce l'Adriatique.
Paris, 22 mai 1803
Au citoyen Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République Italienne
Je vous remets ci-joint l'arrêté de ce jour, que vous adresserez par un courrier extraordinaire, à la Consulte d'État, pour qu'il soit publié aussitôt qu'il aura été reçu.
Toutes les marchandises anglaises qui se trouveront dans la République italienne seront confisquées au profit de la République, et tous les Anglais qui s'y trouveront seront arrêtés et constitués prisonniers de guerre. Vous vous adresserez au ministre de la marine, pour qu'on vous remette le modèle des lettres de marque; vous me le présenterez demain. Vous annoncerez que vous en enverrez d'abord vingt, et ensuite autant qu'il sera jugé nécessaire, au ministre de la guerre faisant les fonctions de ministre de la marine.
L'état des prisonniers vous sera envoyé par le ministre de la guerre. Ceux qui ne seraient pas reçus sur leur parole seront envoyés au fort Urbain. En général, on n'en laissera aucuns sur leur parole au delà du pont du Tessin; on les enverra sur Novare.
Comme le commerce des Anglais sera fort actif dans l'Adriatique, parce qu'il sera une de leurs principales ressources, faites connaître au vice-président qu'il faut encourager les armements en course.
Vous verrez le citoyen Berlier, président du conseil des prises, pour qu'il vous fasse connaître l'organisation de ce conseil, afin qu'il en soit établi un semblable à Milan.
Le citoyen Maret, secrétaire d'État, vous fera passer une copie du règlement qui a été fait pour l'armement en course. Le vice-président pourra en faire faire un pareil par le conseil législatif.
Il est aussi nécessaire de prendre des mesures pour que l'introduction des marchandises anglaises soit prohibée.
Saint-Cloud, 22 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre que les 252 hommes partis du dépôt colonial du Havre pour Saint-Domingue, et qui ont relâché à Cherbourg, soient transférés aux îles Marcouf. Vous donnerez ordre que la garnison de ces îles soit au moins de 500 hommes. Les 250 hommes seront incorporés dans les demi-brigades qui fournissent garnison aux îles Marcouf. On les placera dans des compagnies qui restent dans ces îles, afin qu'ils aient le temps de s'accoutumer au service.
Saint-Cloud, 22 mai 1803
Au général Berthier
Il sera nommé un commandant d'armes de 4e classe dans l'île de Bréhat. Les batteries de cette île seront augmentées de quatre pièces de 36, de trois de 18 et de trois de 12, et de six mortiers à grande portée; de manière qu'il y aura dans cette île dix pièces de 36, dix de 18 et quatre de 12. Il y sera tenu, non compris les habitants, une garnison de 300 hommes, qui sera approvisionnée pour trois mois. Je vous prie de donner ordre que l'artillerie et la garnison soient établies sous quinze jours dans cette île, et de recommander au général commandant le département une surveillance particulière sur ce point.
Paris, 22 mai 1803
Au contre-amiral Ganteaume, préfet maritime à Toulon
Les hostilités déjà commencées par l'Angleterre, Citoyen Préfet, appellent la sollicitude du Gouvernement sur le commerce de Marseille, et doivent y fixer la vôtre. L'intention du Premier Consul est que tous les bâtiments de guerre disponibles soient constamment en appareillage, que les capitaines soient prêts à mettre sous voiles à toute heure de jour et de nuit, et que le port de Marseille, particulièrement, ne puisse être bloqué par des forces inférieures à celles qui sont disponibles à Toulon. Et, comme il a été observé qu'à la distance où vous êtes du siège du Gouvernement, l'attente de ses ordres peut paralyser nos forces dans des moments où leur emploi subit serait utile, je vous préviens que vous êtes autorisé d'avance à les employer selon l'exigence des cas qui pourront survenir.
Les équipages doivent être retenus à bord. Vous tiendrez la main à ce que les capitaines y tiennent leur table, que les officiers y fassent leur résidence, et que, sous aucun prétexte, aucun commandant, officier ou maître employé sur un bâtiment de guerre, puisse en découcher par une autre raison que celle du service, ce qui ne peut arriver que très-extraordinairement. Toutes les embarcations devront, tous les soirs, être mises à bord, au coucher du soleil, et celles qui ne reviendront que plus tard, être embarquées immédiatement après leur arrivée, conformément aux règlements et à ce qu'exige l'ordre naturel du service.
Je vous préviens, Citoyen Préfet, que ces dispositions sont impérativement commandées par le Premier Consul, et que leur exécution est mise sous votre responsabilité personnelle.
Saint-Cloud, 23 mai 1803
Au général Murat
L'intention du Gouvernement est que le général Saint-Cyr parte sur-le-champ de Rimini, avec le corps à ses ordres, pour traverser le duché d'Urbin et la Marche d'Ancône, entrer dans les États du roi de Naples, mettre garnison à Pescara, marcher sur Otrante, occuper cette place, Tarente, Brindisi, et enfin toutes les positions qui l'étaient par le général Soult et qui ont été évacuées en conséquence de l'article 11 du traité d'Amiens. En entrant sur le territoire du roi de Naples, il fera un ordre du jour conçu en ces termes :
"Le roi d'Angleterre a faussé sa signature et refusé d'exécuter le traité d'Amiens en ce qui concerne l'évacuation de Malte. L'armée française se trouve par là obligée d' occuper les positions qu'elle avait quittées en vertu de ce traité. L'ambition démesurée de l'Angleterre se trouve démasquée par cette conduite inouïe. Maîtresse de l'Inde et de l'Amérique, elle veut encore l'être du Levant. Le besoin de maintenir notre commerce et de conserver l'équilibre nous oblige à occuper ces positions, que nous garderons tant que l'Angleterre persistera à garder Malte."
Les troupes aux ordres du général Saint-Cyr seront soldées, nourries et habillées par le roi de Naples; il sera passé, à cet effet, un traité pareil à celui qui avait été fait par le général Soult. Le général Saint-Cyr se concertera, à cet égard, avec le citoyen Alquier.
Le général Saint-Cyr ne mettra pas de garnison à Ancône; il y placera seulement un officier d'état-major, nécessaire pour la correspondance qui se fera avec les troupes du Pape. Vous recommanderez au général Saint-Cyr de maintenir la plus exacte discipline dans les États du Pape, où tout ce que l'armée consommera sera liquidé et payé.
Arrivé à Tarente, le général Saint-Cyr fera sur-le-champ travailler aux ouvrages de cette place, conformément au plan qui avait été arrêté par le général Soult. Son premier soin doit être que, dans tous les ports qu'il occupera, les batteries soient armées en force suffisante pour protéger tous les bâtiments qui seront dans le cas de s'y rendre. Le général Saint-Cyr devra prendre les moyens qui lui paraîtront les plus convenables pour remonter sa cavalerie. Il correspondra avec le chargé d'affaires de la République à Corfou, et il aura soin de m'envoyer, le plus souvent possible, le bulletin de tout ce qui se passera à sa connaissance, soit dans l'Adriatique, soit dans le Levant.
Donnez, le plus promptement possible, l'ordre au général commandant les troupes françaises dans la Toscane de réunir toutes ses troupes à Livourne, à Piombino, Orbitello et sur la côte. Vous ferez un arrêté pour mettre la place de Livourne en état de siège, et vous le lui adresserez. Cet arrêté sera ainsi conçu :
"Le général en chef dans la République italienne arrête :
ARTICLE 1er. - La place de Livourne est mise en état de siégé
ART. 2. - Le général Olivier est revêtu de tous les pouvoirs ordinaires de l'autorité militaire dans les places en état de siège."
Le général Olivier nommera à Livourne et à Piombino un bon commandant d'armes, afin de pouvoir communiquer avec l'île d'Elbe et en recevoir des nouvelles. Quoique cette île soit de la 23e division militaire, le général Olivier doit se mettre en correspondance avec le général Rusca, et même avec le général Morand, commandant en Corse. Il doit exactement, tous les jours, envoyer un bulletin de tout ce qui pourrait se passer de nouveau dans la Méditerranée dans cette contrée.
Ordonnez à la 87e demi-brigade, qui doit être arrivée à Parme, de continuer sa route pour Livourne, où elle sera nourrie et soldée par le roi d'Étrurie.
Tous les Anglais qui sont à Livourne doivent être arrêtés par ordres du général Olivier, qui s'y trouve suffisamment autorisé, puisque la place est en état de siège.
Envoyez-moi l'état de situation des troupes du roi d'Étrurie, afin de faire connaître ce qu'il pourra fournir à la défense de la cause commune.
Je vous préviens que je donne l'ordre au 6e régiment de chasseurs qui est en Helvétie, de se rendre en Italie.
J'expédie en Ligurie les ordres ci-après :
La 91e demi-brigade, qui est dans la 27e division, se rend dans la Ligurie, où elle sera soldée et habillée par ce Gouvernement.
J'ordonne de réarmer les côtes, et particulièrement le golfe de la Spezzia, afin de protéger le cabotage.
J'ai demandé au gouvernement ligurien de lever deux bataillons d'infanterie de 600 hommes chacun, composés de troupes liguriennes, lesquelles se rendront à Pistoia, où le général Saint-Cyr leur enverra des ordres pour rejoindre son corps, dont elles doivent faire partie, et alors elles seront soldées, comme les troupes françaises, par le roi de Naples.
J'ordonne de mettre une garnison française dans le fort de Gavi, et de faire démolir le fort de Vintimille du côté de la terre, en conservant les casernes et le front du côté de la mer.
Je vous préviens que je viens de donner l'ordre au général Mortier d'entrer dans l'électorat de Hanovre avec un corps de 25,000 hommes.
Vous devez, Citoyen Général, ordonner des inspections, dans toutes les parties de l'armée, de l'artillerie, des munitions, des places, de l'armement, des magasins, afin de mettre tout en état d'entrer en campagne, s'il y avait lieu.
Saint-Cloud, 23 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Le chef de bataillon Quesnel, qui commande à l'île de Groix, est malade de la poitrine, et dès lors hors d'état de commander une place de cette importance. Il faudrait lui donner sa réforme ou sa retraite, et nommer à cette place un officier brave et intelligent.
Donnez ordre qu'on envoie à l'île de Groix huit affûts de côtes qui y manquent, pour monter les pièces qui y sont, et deux mortiers de 12 pouces à la Gorner.
On n'a rien payé à Belle-île aux habitants qui travaillent avec activité au réarmement; il est nécessaire d'y faire passer des fonds.
Il manque à Belle-Île six affûts; donnez ordre qu'on les y fasse passer promptement, avec les affûts de rechange qui pourraient être nécessaires. Joignez-y trois mortiers de 12 pouces à la Gomer.
Paris, 24 mai 1803
Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public
Je ne vois pas, Citoyen Ministre, pourquoi la banque de France ne met pas une plus grande quantité de ses billets en circulation, et seulement 33 millions en émission. Ce resserrement, dans les circonstances actuelles, fait le plus grand tort dans la place.
Paris, 25 mai 1803
PAROLES ADRESSÉES PAR LE PREMIER CONSUL AUX MEMBRES DU SÉNAT, DU TRIBUNAT ET D'UNE DÉPUTATION DU CORPS LÉGISLATIF
Nous sommes forcés à faire la guerre pour repousser une injuste agression. Nous la ferons avec gloire. Les sentiments qui anime les grands corps de l'État et le mouvement spontané qui les porte auprès du Gouvernement dans cette importante circonstance sont heureux présage.
La justice de notre cause est avouée même par nos ennemis, puisqu'ils se sont refusés à accepter la médiation offerte par l'empereur de Russie et par le roi de Prusse, deux princes dont l'esprit de justice est reconnu par toute l'Europe.
Le Gouvernement anglais paraît même avoir été obligé de tromper la nation dans la communication officielle qu'il vient de faire. Il a soin de soustraire toutes les pièces qui étaient de nature à faire connaître au peuple anglais la modération et les procédés du Gouvernement français dans toute la négociation. Quelques-unes des notes que les ministres britanniques ont publiées sont mutilées dans les passages les plus importants. Le reste des pièces données en communication au parlement contient l'extrait des dépêches de quelques agents publics ou secrets. Il n'appartient qu'à ces agents de contre-dire ou d'avouer leurs rapports, qui ne peuvent avoir aucune influence dans des débats aussi importants, puisque leur authenticité est moins aussi incertaine que leur véracité. Une partie des détails qu'ils contiennent est matériellement fausse, notamment les discours que l'on suppose avoir été tenus par le Premier Consul dans l'audience particulière qu'il a accordée à lord Withworth.
Le Gouvernement anglais a pensé que la France était une province de l'Inde, et que nous n'avions le moyen ni de dire nos raisons, ni de défendre nos justes droits contre une injuste agression. Étrange inconséquence d'un Gouvernement qui a armé sa nation en lui disant que la France voulait l'envahir ! On trouve dans la publication faite par le Gouvernement anglais une lettre du ministre Talleyrand à un commissaire des relations commerciales. C'est une simple circulaire de protocole, qui s'adresse à tous les agents commerciaux de la République; elle est conforme à l'usage établi en France depuis Colbert, et qui existe aussi chez la plupart des puissances de l'Europe. Toute la nation sait si nos agents commerciaux en Angleterre sont, comme l'affirme le ministère britannique, des militaires. Avant que ces fonctions leur fussent confiées, ils appartenaient pour la plupart au conseil des prises ou à des administrations civiles.
Si le roi d'Angleterre est résolu de tenir la Grande-Bretagne en état de guerre jusqu'à ce que la France lui reconnaisse le droit d'exécuter ou de violer à son gré les traités, ainsi que le privilège d'outrager le Gouvernement français dans les publications officielles ou privées, sans que nous puissions nous en plaindre, il faut s'affliger sur le sort de l'humanité. Certainement nous voulons laisser à nos neveux le nom français toujours honoré, toujours sans tache. Nous maintiendrons notre droit de faire chez nous tous les règlements qui conviennent à notre administration publique, et tels tarifs de douanes que l'intérêt de notre commerce et de notre industrie pourra exiger.
Quelles que puissent être les circonstances, nous laisserons toujours à l'Angleterre l'initiative des procédés violents contre la paix et l'indépendance des nations, et elle recevra de nous l'exemple de la modération, qui seule peut maintenir l'ordre social.
Saint-Cloud, 25 mai 1803
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Je vous prie, Citoyen Ministre, de mettre à la disposition du préfet du Morbihan 12,000 francs, pour être employés soit en dépenses secrètes pour la recherche des brigands cachés, soit pour donner 12 francs par fusil qui serait rendu.
Donnez ordre au préfet du Doubs de veiller avec soin à ce que Bourmont ne s'échappe point; dans ces circonstances, il serait dangereux.
Saint-Cloud, 25 mai 1803
DÉCISION
Le ministre directeur de l'administration de la guerre demande si le rassemblement qui doit se former à Villefranche peut être regardé comme un dépôt colonial. | Il sera dépôt colonial comme les autres. |
Saint-Cloud, 25 mai 1803
A S. S. le Pape
Très-saint Père, en rappelant auprès de moi le citoyen Cacault, qui a rempli jusqu'à présent les fonctions de ministre plénipotentiaire de la République française auprès de Votre Sainteté, mon intention a été de ne laisser aucune interruption dans la correspondance entre la République française et le Saint-Siège, et j'ai cru ne pouvoir fixer mon choix sur un personnage qui fût plus agréable à Votre Sainteté que le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, auquel je confie le soin de la gestion des affaires de la République auprès du Saint-Siège. Se connaissances, son attachement et son zèle pour le bien du service de la République française me persuadent qu'il fera son possible pour rendre son ministère agréable à Votre Sainteté et pour justifier la marque de confiance que je lui donne en cette occasion. Je vous prie donc de vouloir bien ajouter une créance entière à tout ce qu'il dira de ma part à Votre Sainteté, et surtout lorsqu'il lui exprimera les sentiments sincères et inviolables de ma tendre amitié et de mon respect filial.
Saint-Cloud, 27 mai 1803
A S. S. le Pape
Très-saint Père, je me suis déterminé à rappeler auprès de moi le citoyen Cacault, qui vient de résider auprès de Votre Sainteté en qualité de ministre plénipotentiaire de la République française. Le motif qui m'a guidé n'a sa source dans aucune raison de mécontentement; sa conduite, pendant toute la durée de ses fonctions, a mérité, au contraire, mon entière approbation. Mais le désir de le remplacer auprès de Votre Sainteté par un personnage revêtu d'un caractère éminent, et de donner à Votre Sainteté une preuve plus manifeste de mon attachement et de mon respect filial, est la seule raison qui a pu me déterminer à ordonner son rappel. Je lui enjoins, en conséquence, de prendre congé de Votre Sainteté, et mon intention est qu'en remplissant cette dernière fonction de son ministère, il renouvelle à Votre Sainteté les assurances de mon attachement et de mon respect filial, ainsi que des vœux que je ne cesserai de former pour la conservation de Votre Sainteté et la prospérité de son pontificat.
Saint-Cloud, 27 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Il reste, Citoyen Ministre, dans les prisons de la Grande-Force, vingt-quatre officiers ou sous-officiers des troupes coloniales de la Guadeloupe, qui ont été envoyés en France comme prévenus de complicité avec les auteurs de l'attentat commis, le 2 brumaire an X, contre le capitaine général de cette colonie.
Du compte particulier que je me suis fait rendre du degré de culpabilité de ces individus, il résulte que vingt et un n'ont contre eux aucune accusation formelle, et doivent être plutôt considérés comme des hommes faibles ou trompés que comme auteurs, instigateurs ou même complices du délit du 2 brumaire. Donnez ordre, en conséquence, de les mettre en liberté. Mais, comme il pourrait être dangereux de leur permettre de retourner à la Guadeloupe, vous ferez transférer les hommes de couleur dans l'île de Corse, et les blancs dans l'un des dépôts coloniaux destinés pour Saint-Domingue.
Quant aux nommés Lajaille, capitaine de dragons, aide de camp de Pélage; Boudinier, lieutenant de grenadiers, et Mentor, noir, sous-lieutenant, ils resteront à la Grande-Force jusqu'au jugement définitif à intervenir contre les auteurs et complices du 2 brumaire, parce qu'ils peuvent ou être accusés d'avoir pris part à ce délit, ou être nécessaires au tribunal dans le cours de l'instruction du procès.
Vous ferez donner un secours de 50 centimes par jour à ces trois individus, jusqu'au moment où le procès dans lequel ils sont impliqués sera définitivement jugé.
Ceux qui doivent être conduits soit en Corse, soit dans les dépôts coloniaux, seront traités ainsi que les autres individus qui ont précédemment eu la même destination.
Saint-Cloud, 28 mai 1803
Au général Murat
Citoyen Général, j'ai appris avec plaisir les couches de Madame Murat; elle a bien fait de faire un beau garçon. J'espère que vous m'apprendrez bientôt qu'elle est entièrement rétablie.
Encouragez et excitez le vice-président et le ministre de la guerre à compléter les corps et lever les conscrits. Il me tarde beaucoup que la République ait 30,000 hommes sur pied.
Saint-Cloud, 29 mai 1803
Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public
Le ministre de la marine, Citoyen Ministre, aura besoin de faire acheter pour une vingtaine de millions de bois, de mâtures, de chanvre et autres objets nécessaires à l'approvisionnement de la marine. Voulant acheter tous ces objets de suite et à la fois, je voudrai charger la compagnie des cinq banquiers de tous les détails de cette opération et du détail des payements.
Je vous prie d'en parler au principal d'entre eux, pour voir s'il seraient portés à faire ce service.
Saint-Cloud, 29 mai 1803
NOTES POUR LE MINISTRE DE LA MARINE
1° Il faudrait adopter un modèle de bateau plat qui pût transporter 100 hommes et traverser le canal. On placerait un obusier à la poupe et à la proue.
Il faudrait que ce bateau ne coûtât pas plus de 4 au 5,000 francs. Un grand nombre de particuliers et de corps voulant fournir à leurs frais de ces bateaux, il faudrait en avoir des modèles, et en mettre tout de suite un en construction à Paris.
2° Il faudrait profiter du premier moment pour acheter en Hollande tout ce qu'il est possible d'acheter, en courbes, en bois, en chanvre et en mâts.
3° Il faudrait réunir une partie de ces objets à Flessingue, organiser cet arsenal, mettre en réquisition tous les ouvriers dans la Belgique et sur le Rhin, mettre cinq vaisseaux en construction; on les construirait sur le modèle hollandais.
4° Il faudrait parler aux citoyens Cambacérès, Lebrun, Talleyrand, pour trouver des individus qui feraient construire, chacun à leurs frais, un bateau plat qui porterait leur nom.
Saint-Cloud, 30 mai 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Je désirerais, Citoyen Ministre, que les 50 chaloupes canonnières, les 170 péniches et les 90 bateaux soient construits au 1er vendémiaire an XII, au lieu du ler nivôse. Comme il y a possibilité, il faut absolument qu'ils soient faits.
Saint-Cloud, 31 mai 1803
Au général Berthier
Donnez ordre au général Mortier de ne point violer l'indépendance des villes de Hanovre et d'Oldenbourg, de n'y point mettre de garnison, mais de faire une négociation avec ces villes pour se faire livrer de gré à gré les bâtiments français qui s'y trouvent.
Saint-Cloud, 31 mai 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au général Chasseloup de vous envoyer un plan avec un rapport sur la situation actuelle de la place de Pizzighettone, et d'en ralentir les travaux, sans cependant les suspendre, jusqu'à la campagne prochaine et jusqu'à ce que j'aie arrêté le degré définitif de force à donner à cette place. Il faut donc qu'il y dépense cette année très-peu d'argent.
Recommandez de nouveau à cet inspecteur de pousser les travaux d'Alexandrie avec la plus grande activité, car cette place nous intéresse sous tous les points de vue politiques et militaires.
Je suis instruit qu'on fait des réparations à la citadelle et à la ville de Turin. Faites-moi un rapport sur les travaux ordonnés, cette année, pour ces deux objets.
Je vous prie de me remettre également un projet d'armement pour la citadelle et la ville d'Alexandrie. Il faut qu'il n'y ait que des pièces françaises dans cette place, et que rien ne soit épargné pour sa défense.