Juillet 1804


Pont-de-Briques, 1er août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai passé la journée d'hier à Ambleteuse, où j'ai vu défiler en présence de l'escadre anglaise une division de la flottille venant de Calais. Le temps s'est remis au beau. Je désire savoir s'il en est de même aux environs de Paris, et quelle influence les dernières pluies auront pu avoir sur la récolte.


Pont-de-Briques, 1er août 1804

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, Ministre des finances, il est temps de s'occuper du budget de l'an XIII, tant en recettes qu'en dépenses. Si vous êtes autorisé à penser que les droits réunis rendront trente millions en l'an XIII, le budget pourra être suffisant; sans cela, il faudrait pourvoir à un supplément de recette par quelques cautionnements ou par quelque autre moyen. Quand les matériaux de votre travail seront prêts, vous vous rendrez près de moi pour en arrêter les bases. Faites demander aux ministres leur budget de l'année.


Pont-de-Briques, 1er août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministère de la police générale, il y a à Brest et à Toulon, et même à Boulogne, des embaucheurs qui excitent les marins à la désertion. On se ressent à Brest et à Toulon d'un travail souterrain qui, dans deux villes si éloignées, ne peut être que l'ouvrage d'agents anglais. Recommandez donc, dans ces deux villes, qu'on redouble de surveillance et d'activité pour arrêter quelques-uns de ces agents. Rivoire fit dans le temps des déclarations sur plusieurs officiers de marine, qui furent envoyées au ministre de la marin pour avoir ses observations. Je les ai remises depuis au conseille d'État Réal pour prendre des éclaircissements. Comme il y a dans ces notes plusieurs officiers de la flottille de compromis, je désire qu'elles me soient renvoyées ici.


Pont-de-Briques, ler août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j'ai appris avec intérêt le rétablissement de votre santé. J'ai besoin et j'espère que vous vivrez longtemps. Je suis satisfait de tout ce que j'ai vu depuis mon départ de Paris. Ma santé est on ne peut pas meilleure.

Nous avons eu quelques mauvais temps; un coup de vent a fait périr une quinzaine d'hommes et perdu trois ou quatre bâtiments. Comme on n'a pas manqué d'exagérer à Paris cet événement, il n'est peut-être pas inutile, en écrivant aux différents agents diplomatiques de leur faire part de mon voyage, de la satisfaction que j'en ai éprouvée, de la force et des manœuvres de l'armée , des jours entiers que j'y passe pour en surveiller moi-même l'instruction. Joignez quelques détails sur le voyage de l'impératrice et sur l'accueil qu'elle a reçu sur son passage, en recommandant de répandre ces détails par des moyens non officiels. Ce sera un contre-poison à tous les faux bruits que répandent les Anglais.


Pont-de-Briques, 1er août 1804

A Cambacérès

Mon Cousin, on a supprimé le manteau comme une chose ruineuses pour les membres du Corps législatif et du Tribunat. On n'avait pas prévu, d'ailleurs, qu'ils y missent de l'importance. Je vous autorise à réunir les présidents et mon grand maître des cérémonies, pour régler ce qui est convenable.


Pont-de-Briques, 2 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je désire conclure un traité avec la République ligurienne, dont les bases seraient celles-ci :

1° La République de Gênes se chargera de creuser à ses frais les darses, de manière que dix vaisseaux de guerre puissent y entrer et y faire leur armement, conformément au plan qui sera donné; d'établir à ses frais une machine à mâter, et de mettre à la disposition du Gouvernement français tous les magasins environnant les darses, ainsi que les cales de construction.
2° L'Empereur des Français aura le droit de faire construire, armer, désarmer et réparer dix vaisseaux de guerre dans le port de Gènes.
3° La République ligurienne, la France étant en guerre avec l'Angleterre ou toute autre puissance maritime, tiendra 6,000 matelots à la disposition de la marine française. A cet effet, il y aura un nombre de capitaines de vaisseaux, lieutenants, enseignes, maîtres, contre-maîtres et matelots à toute paye, liguriens, dans la marine française.
4° A cet effet, tous les matelots seront classés, et l'Empereur pourra nommer six inspecteurs des classes avec traitement, résidant dans les différents ports de la République, pour veiller à leur bonne organisation.
5° La République ligurienne ne sera chargée que de l'entretien des darses, ports et bâtiments; elle ne sera tenue de fournir aucun ouvrier ni matériel pour les vaisseaux.
6° L'Empereur accorde son pavillon impérial aux Liguriens; il se charge de le faire reconnaître et respecter par les puissances barbaresques au plus tard un an après la paix.
7° Le transit par le chemin de Voghera sera rétabli comme du temps du roi de Sardaigne. Il sera également réglé un transit par les États de Parme.

Vous sentez assez l'importance de ce traité, qui a pour but de tirer de la République ligurienne tout ce qu'on peut en tirer, et de lui laisser d'ailleurs son gouvernement municipal et son indépendance. Comme il est hostile à l'Angleterre, il faut qu'il sot fait avant la paix; sans cela il ne serait point faisable.


Pont-de-Briques, 2 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je suis étonné que ce soit pour la première fois seulement, dans une dépêche du 2 thermidor, que le général Vial parle de la formation d'un état-major général en Suisse. Mon intention est qu'il présente une note dont l'objet sera de faire connaître que cet établissement d'un état-major général est inutile, contraire à l'acte de médiation, et cache une sous-pensée. Écrivez-en également à M. de Maillardoz à Paris. Je dois me plaindre du général Vial ou de vous -:du général Vial, si c'est dans la dépêche n° 74 qu'il parle pour la première fois de ces affaires; de vous, s'il en a parlé dans ses dépêches précédentes et que vous ne me les ayez pas mises sous les yeux. En général, je vous ai fait connaître que mon intention était de lire toutes les dépêches de mes ministres et agents diplomatiques. Les affaires de Suisse me touchent de près, puisqu'elles sont si importantes sous le point de vue des opérations militaires. Faites faire dans vos bureaux un relevé exact de toutes les opérations de la diète, et présentez-moi un rapport avec des observations qui me fassent connaître tout ce qu'elle a fait de contraire à l'acte de médiation. Ceci ne souffre point de retardement. Il ne faut point alarmer les Suisses; mais qu'ils sachent bien que je ne reconnaîtrai la Suisse que telle qu'elle est organisée par l'acte de médiation.

Répondez à la lettre de M. de Lucchesini, du 27 juillet, que vous y avez trouvé deux assertions fausses : la première, qu'il y avait des rassemblements de troupes sur le bas Rhin; il n'y a pas même la garnison convenable, et pas la moitié de ce qui y était en l'an X et en l'an XI; la seconde, que l'armée de Hanovre était augmentée; elle est au contraire diminuée de deux régiments. Quant à l'envoi de conscrits, il est tout simple que l'armée de Hanovre reçoive ses conscrits comme les autres armées; que, dans un moment où l'on agite l'Europe, où l'on veut de moi les choses les plus déshonorantes, où de grandes puissances portent l'oubli des convenances jusqu'à porter le deuil des hommes qui ont voulu renverser le Gouvernement, je prenne des précautions pour me trouver en mesure. Que je me plais à donner l'assurance que l'armée de Hanovre ne passera jamais 30,000 hommes, à moins qu'elle ne se trouve en danger; ce qui ne
peut être dans aucune hypothèse, tant que Sa Majesté Prussienne persistera dans l'assurance qu'elle a donnée, qu'en cas de guerre avec la Russie elle ne permettra point le passage de ses États, et ne souffrira point que la guerre s'établisse sur ses frontières. Que, quant au camp d'Utrecht, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ces troupes sont destinées à s'embarquer au Texel; autant vaudrait-il avoir des inquiétudes sur les camps de Bruges ou de Boulogne. Enfin, que ce n'est point dans l'état actuel des relations de la France avec la Prusse, avec le degré de consolidation qu'a reçu le Gouvernement français, et l'intime liaison qui existe entre les deux puissances, que la Prusse devrait poser aucune question de rigueur ou non; que, à le dire franchement, c'est montrer de la petitesse et obéir à des tracasseries indignes après tout de la puissance de la Prusse; car il serait difficile de voir un sujet de refroidissement entre les deux États, d'établir au contraire une hypothèse où S. M. l'Empereur ne fût pas prêt à faire des sacrifices réels pour donner des preuves de considération et d'estime au roi de Prusse.

Vous aurez reçu, par le courrier que je vous ai expédié hier, la première note à envoyer à M. d'Oubril. Le but de M. d'Oubril se trouvera rempli.

Vous remercierez M. de Lucchesini de la nouvelle qu'il vous a donnée de Constantinople. Vous lui direz que je pense que le roi de Prusse doit donner le conseil à la Porte de ne pas laisser venir trop de Russes à Corfou, non par rapport à la France, car la Russie ne peut lui rien faire de plus agréable que d'entasser des troupes à Corfou, où elles seraient paralysées. Que si elle tentait un débarquement en Italie, fût-il de 60,000 hommes, ce serait, en cas de guerre, la chance la plus favorable qui pût m'arriver; cela serait une répétition des leçons de Suisse et de Hollande, et la convaincrait une bonne fois que l'empereur des Français n'est ni l'empereur des Persans, ni l'empereur des Turcs. Que je suis d'ailleurs bien informé du nombre des troupes russes qui sont à Corfou; qu'il y a 6,000 hommes; qu'il n'y en a que 5,000 à Odessa; qu'en cas qu'ils vinssent à Corfou, il restera 2,000 hommes pour la garnison d'Odessa, ce qui ferait 10,000 hommes qui n'auraient d'autre résultat que d'écraser le pays de Corfou, qui est obligé de donner des indemnités considérables aux officiers. Que je ne puis supposer qu'on ait voulu m'intimider à Pétersbourg par de pareilles démonstrations, et m'obliger à supporter des insultes et des menaces; que, si on y a eu des craintes réelles pour la place de Corfou, cela ne montre pas grand génie dans le bureau de la guerre de Russie, n'étant pas assez imbécile pour engager une armée dans des îles qui m'importent fort peu; que je suis donc fondé à penser que le but réel de la Russie est de s'ancrer à Corfou, d'en imposer à la Morée, et de river la chaîne qui lie le Grand Seigneur; qu'en deux mots, le raisonnement est simple : que 4,000 hommes sont suffisants pour la garnison de Corfou et pour mettre ces îles à la raison; qu'il y en a 6,000 aujourd'hui; que, s'il en passe 10,000, ce ne peut être que dans des vues éloignées ou prochaines contre la Porte. Qu'au reste ce bavardage n'est que confidentiel. Que l'Empereur veut la paix; qu'il apprécie à sa juste valeur la puissance russe; quelle n'a pas le droit, ni le pouvoir, de prendre le ton qu'elle veut s'arroger; que la Russie ne sera forte, grande, considérée sur le continent qu'unie à la France, et que la France y aura de la prépondérance par son propre poids et sans l'influence de la Russie; que l'erreur de ce cabinet est évidente; qu'il a pris pour argent comptant toutes les cajoleries qu'on lui a faites, et qu'il a rêvé qu'il faisait trembler l'Europe, comme si, après tout, dans les douze années de la nouvelle guerre, il avait fait un autre rôle que de promettre et de ne rien tenir; qu'enfin, on se souvenait qu'ayant prêté 60,000 hommes, au premier échec, à la première discussion d'étiquette, il les avait retirés, résultat nécessaire d'une coalition qui n'est point fondée sur un intérêt géographique. Je pense que ces communications doivent avoir pour but de rassurer la Prusse, de nous montrer plus irrités que nous ne sommes réellement de la sotte arrogance de la Russie; car, la Prusse ayant l'habitude de s'agiter entre les deux géants, Lucchesini en fera part à Oubril, et le roi directement à l'empereur Alexandre.


Pont-de-Briques, 2 août 1804

Au vice-amiral Decrès

Mon intention est que vous expédiiez un courrier extraordinaire à Toulon, pour faire connaître au général Latouche que différente divisions de la flottille n'ayant pu joindre, j'ai jugé qu'un retard d'un mois ne peut qu'être avantageux, d'autant plus que les nuits deviendront plus longues; mais que mon intention est qu'il profite de ce délai pour joindre à l'escadre le vaisseau le Berwick; que tous les moyens quelconques doivent être pris pour arriver à ce résultat; qu'un vaisseau de plus ou de moins n'est pas à dédaigner, ce qui me mettra à même de pouvoir porter l'escadre réunie à dix-huit vaisseaux.

Je désire également que les ordres soient renouvelés pour presser l'armement de l'Algésiras à Lorient; il faut qu'il soit en rade au 10 fructidor.


Pont-de-Briques, 3 août 1804

A M. de Ségur, Grand-Maître des Cérémonies

L'Empereur a pris connaissance, Monsieur, du projet de décret que vous lui avez présenté sur le cérémonial du couronnement. Avant de vous faire connaître son opinion sur les diverses parties de ce travail, Sa Majesté a jugé nécessaire que quelques observations vous fussent adressées, et elle m'a chargé de vous les transmettre.

Beaucoup de personnes ont pensé que la cérémonie éprouverait de grandes difficultés dans l'église des Invalides; que les évêques et les prêtres y seraient mal placés, puisqu'il n'y a pas de chœur; que toutes les personnes actuellement destinées à s'y réunir s'y placeraient difficilement, même en supposant que les députations militaires ne fussent pas présentes à la cérémonie. Cependant, on n'a pas cru que cette dernière supposition pût être admise; on a considéré que l'absence des députations militaires serait tout à fait contraire aux convenances de ce grand jour. Il faudrait, en conséquence, que le vaisseau pût contenir 15 ou 20,000 personnes prenant part à la solennité. Il serait également indispensable que le trône où se placeront l'Empereur et l'impératrice, environnés de leurs Maisons, fût établi dans un lieu qui doit être vaste pour être commode. Or les Invalides ne peuvent donner ni le nombre de places nécessaires pour les assistants, ni l'emplacement convenable pour le trône.

On croit, au contraire, que 20,000 hommes seront très-facilement placés dans l'église de Notre-Dame; que le trône, établi dans le chœur, y trouvera toute l'étendue nécessaire; et que, s'il y a quelque cérémonie religieuse, elle ne sera vue dans ses détails que par des prêtres, ou par des hommes qui, par la supériorité de leur raison, ont autant de foi que dans le VIIIe siècle.

Tout paraît donc devoir déterminer à donner la préférence à la métropole.

Vous êtes invité, Monsieur, à vous rendre aux Invalides avec l'intendant du palais et le ministre des cultes. S. A. S. Monseigneur l'archichancelier de l'Empire est invité à s'y trouver aussi et à vous donner son heure. L'objet de cette visite est de s'assurer s'il est en effet impossible de faire aux Invalides les dispositions indiquées plus haut. Sa Majesté est frappée de cette considération, que la dépense qu'on fera à la métropole peut être permanente et durable, tandis que les frais faits aux Invalides seraient perdus.

Il paraît que le cortège de l'Empereur pourrait être réduit à une trentaine de voitures. On partirait à huit heures du matin; on devrait être arrivé à neuf. La cérémonie durerait une heure, et une heure après, c'est-à-dire à onze heures, on pourrait être à l'École militaire. Il y aurait donc une marge très-suffisante pour tous les retards imprévus, puisqu'il n'est pas nécessaire que l'Empereur paraisse au Champ-de-Mars avant deux heures.

S'il est indispensable, pour que le cortège arrive plus facilement à Notre-Dame, d'abattre quelques maisons, il convient de présenter promptement les dispositions à prendre à cet égard. Cette dépense ne serait point perdue, puisqu'elle concourrait à débarrasser un grand centre de mouvements et de cérémonies.

L'Empereur attend, Monsieur, votre rapport sur ces divers objets, pour statuer sur les questions et sur les projets que vous lui avez présentés.


Pont-de-Briques, 3 août 1804

A S. S. le Pape

Très-saint Père, dans sa lettre du 15 mai, Votre Sainteté nous a témoigné la crainte qu'elle a des événements qui peuvent survenir entre la Russie et elle; nous avons voulu lui écrire la présente pour la rassurer. Le cabinet russe a peu de tenue, et il est, en général, assez inconséquent. Éloigné des affaires de l'Europe, il se précipite dans des démarches qu'il ne tarde pas à rétracter. Nous avons lieu d'être persuadé qu'il est fâché de la conduite de M. Cassini. Votre Sainteté ne doit prendre aucune inquiétude des troupes nouvellement arrivées à Corfou : il y a six mille hommes : dans la mer Noire, il y en a six autres mille. Nous avons déjà fait connaître au roi de Naples que notre intention est qu'aucune troupe ne mette le pied en Italie, et nous sommes persuadé que ce ne sera pas celle de la Russie qui peut prendre possession des îles; projet éphémère qu'elle abandonnera bientôt, à moins quelle ne veuille, ce que nous ne croyons pas pour le moment, donner suite au projet de Catherine, de détruire l'empire chancelant des Ottomans. Votre Sainteté peut rester sans aucune inquiétude; il n'y aura aucun trouble continental qui soit de quelque conséquence.

Sur ce, nous prions Dieu qu'il vous conserve, Très-saint Père, longues années au régime et gouvernement de notre mère la sainte Église.

Votre dévot fils, l'Empereur des Français.


Pont-de-Briques, 3 août 1804

A S.S. le Pape

Très-saint Père, la lettre de Votre Sainteté nous a vivement affecté, parce que nous partageons toujours ses peines. Nous nous sommes fait rendre compte du décret du vice-président de la République italienne relatif au concordat de cette République, dont Votre Sainteté n'est pas satisfaite. Le vice-président n'a eu qu'un seul objet, qui a été d'en imposer à ceux qui prétendaient que le concordat était contraire aux intérêts et portait atteinte aux droits de la République. Nous avons ordonné que le vice-président nous présentât, dans le plus court délai, le plan d'exécution du concordat. Notre intention est de soumettre tout ce qu'il nous proposera à l'examen le plus scrupuleux, et d'empêcher qu'il ne soit porté aucune atteinte à ce qui a été convenu entre nous. Nous espérons que, dans, cette circonstance comme dans celles qui l'ont précédée, Votre Sainteté restera convaincue de notre attachement aux principes de la religion et à sa personne.

Sur ce, nous prions Dieu qu'il vous conserve, Très-Saint-Père, longues années au régime et gouvernement de notre mère la sainte Église.

Votre dévot fils, l'Empereur des Français.


Pont-de-Briques, 3 août 1804

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ambassadeur à Vienne, le courrier qui vous porte cette lettre se rend à Constantinople. Votre présence à Paris va bientôt devenir nécessaire. Je désirerais qu'il fût possible avant votre départ que la cour de Vienne eût décidé son système. L'empereur a donné pour raison du retardement apporté dans l'envoi de ses lettres de créance qu'il voulait être reconnu comme empereur de Hongrie et de Bohême. J'ai fait répondre à cela qu'il n'avait qu'à se proclamer empereur de Hongrie et de Bohême, et que, quelque bizarre que me parût cette réunion de deux couronnés impériales, je la reconnaîtrais; mais que je ne pouvais reconnaître une chose qui n'était pas déclarée. Si réellement l'envoi des lettres de créance tenait à cette circonstance, je vous autorise à signer deux articles par lesquels je m'engagerais, si l'empereur se fait proclamer empereur de Hongrie et de Bohême, à le reconnaître; si, au contraire, cela n'a été qu'un prétexte, et que la raison du retardement tienne à des liaisons avec la Russie, vous ferez connaître au ministre que, ayant été nommé à un ministère à Paris, vous attendez au premier moment l'ordre de venir l'occuper, et que, en cette situation de choses, il va y avoir embarras pour remettre vos lettres de rappel, et qu'en même temps je ne pourrai nommer un autre ambassadeur pour vous remplacer que dans le cas où M. de Cobenzl aurait ses lettres de créance; que, s'il arrivait, au contraire, que l'empereur n'eût pas envoyé ses lettres de reconnaissance, cela serait un refus, et dès lors les deux puissances se trouveraient dans un état de grand refroidissement. Enfin, s'il le faut, vous parlerez un peu plus vivement. Vous direz que, ayant accordé à l'Autriche toutes ses demandes, ces délais ne tiennent qu'à d'autres principes; qu'il y a un commencement de coalition qui se forme, et que je ne donnerai pas le temps de la nouer; qu'on se tromperait étrangement si l'on pensait que je ferai aucune descente en Angleterre tant que l'empereur n'aura pas envoyé sa reconnaissance; qu'il n'est pas juste que, par cette conduite équivoque, l'Autriche me tienne 300,000 hommes les bras croisés sur les bords de la Manche; qu'il faut donc que la cour de Vienne sorte de cette position ambiguë, et que, si l'on est assez insensé à Vienne pour vouloir recommencer la guerre et prêter l'oreille aux suggestions de Londres, tant pis pour la monarchie autrichienne. Remuez fortement le cabinet, sans cependant donner aucun signe extérieur. Ajoutez que je serai de retour à Paris avant le 15 août; que j'y aurai une audience diplomatique; que M. de Cobenzl n'y sera point et cependant sera à Paris; que je préfère, dans ce cas, qu'on le rappelle.


Boulogne, 3 août 1804

A l'Impératrice Joséphine

Mon amie, j'espère apprendre bientôt que les eaux t'on fait beaucoup de bien. Je suis peiné  de toutes les contrariétés que tu as éprouvées.

Je désire que tu m'écrives souvent.

Ma santé est très bonne, quoique un peu fatigué.

Je serai sous peu de jours à Dunkerque, d'où je t'écrirai.

Eugène est parti pour Blois.

Je te couvre de baisers.


Pont-de-Briques, 4 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, vous pouvez faire dire confidentiellement à la personne qui vous a remis le bulletin sur la Suisse que je n'approuve point d'état-major général, et que mon intention est de m'y opposer.

Le prince Joseph est parti ce matin de Boulogne. Il restera deux jours à Mortefontaine et se rendra de là à Paris. Il sera de retour au camp pour le 15 août.

Je n'ai pas encore distribué les décorations de la Légion d'honneur. Je les distribuerai avec quelque pompe au 15 août. M. d'Arberg a apporté le travail. Je vous prie de me faire connaître si vous pensez faire quelque chose à Paris pour le 15 août.


Calais, 6 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu vos différentes lettres. Je suis arrivé la nuit dernière à Calais. Je compte en partir cette nuit pour Dunkerque. Je suis fort satisfait des habitants de cette ville.

On m'écrit de Paris qu'on voit des obligations de l'an XIV sur la place. Comme Marbois n'est pas à Paris, faites prendre des infornations et instruisez-moi de cela.


Calais,  6 août 1804

A M. Chaptal

Monsieur Chaptal, Ministre de l'intérieur, je vois avec peine l'intention où vous êtes de quitter le ministère de 1'intérieur pour vous livrer tout entier aux sciences, mais je cède à votre désir. Vous remettrez le portefeuille à M. Portalis, ministre des cultes, que j'en ai chargé en attendant que j'aie définitivement pourvu à ce département. Désirant vous donner une preuve de ma satisfaction de vos services, je vous ai nommé sénateur. Dans ces fonctions éminentes, qui vous laisseront plus de temps à donner à vos travaux pour la prospérité de nos arts et les progrès de notre industrie manufacturière, vous continuerez à rendre d'utiles services à l'État et à moi.


Calais, 6 août 1804

A M. Mollien

Monsieur Mollien, Conseiller en mon Conseil d'État, je lis dans votre bulletin du 16 que quelques emprunteurs continuent à offrir des obligations de l'an XIV pour gages des prêts qu'ils sollicitent Cette phrase a excité toute ma sollicitude. Ces obligations n'existent point, et, quand elles existeront, elles seront renfermées dans 1e grand portefeuille, d'où elles ne sortiront que par mon ordre. Je suis donc porté à penser que c'est une erreur, et que vous avez voulu dire l'an XIII. Comme il y a des obligations de l'an XII échéant en l'an XIII, cela serait tout simple. Je vous demande des éclaircissements détaillés sur cet objet. Votre plume a l'air d'être enchaîné par je ne sais quelle crainte. Vous devez me dire tout et dans le plus grand détail. Ces bulletins ne sont lus que par moi, et ils restent constamment pour moi. Je désire donc qu'ils soient écrits avec plus d'étendue et d'un style plus clair.


Calais, 6 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, j'ai lu ave grand intérêt la première partie du rapport du voyageur d'Husum. Quand j'aurai lu la seconde partie, je vous ferai connaître ce que je désire qu'il fasse. Je ne reçois jamais le Courrier de Londres. Quand il en méritera la peine, vous me l'enverrez. Si vous jugez que des extraits soient utiles, faites-les mettre dans les papiers de Paris. Il y a certainement à Paris un foyer d'intrigues, qu'il faudrait chercher à 
découvrir. Petit-être faudrait-il, si l'abbé David est en liberté  chez lui, s'informer s'il a reçu ses papiers, et le faire arrêter de manière à les saisir tous. Cet homme a eu le premier fil de la conjuration Il serait assez convenable de chercher à paralyser les bruits que des coteries ont l'art de répandre, et d'en distraire le public en faisant courir dans un sens différent des nouvelles arrivant de Londres soit de tout autre endroit. Il est facile de donner un peu plus de couleur aux journaux.

Le commissaire général de police de Boulogne est un bon jeune homme, mais bien jeune; il n'est pas donné à cet âge de connaître la perversité du cœur humain. Il donne trop facilement des permissions de séjourner à Boulogne. Faîtes arrêter Hyde et l'abbé Ratel. Donnez des instructions pour faire aussi arrêter Montjoie, qui finira par se présenter sur le Rhin.


Calais, 6 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je désire que vous me fassiez un rapport sur les demandes de médiation que me fait la Maison de Hesse-Rothenbourg. Répondez à Bacher que mon intention est de ne faire aucune espèce de note, quand même le protocole s'ouvrirait en Empire, mais seulement de faire déclarer au ministre de l'empereur que, si l'on ouvre le protocole, on recevra une déclaration imprévue, qui sera fort désagréable à la cour de Vienne, dont le résultat pourra conduire à compromettre le repos dont jouissent les deux États; et qu'alors la cour de Vienne en sera seule la cause, en voulant s'amuser à piquer la France à coups d'épingle. Il doit dire aux ministres électoraux de prendre garde à ce qu'ils font; que la France a montré plus de modération qu'on n'avait droit de s'y attendre; qu'il y a deux mois qu'elle se laisse offenser; que les démarches fausses et petites de la cour de Vienne donneront lieu à une déclaration de l'Empereur des Français, qui déconsidérera le Corps germanique ou troublera le repos dont jouissent les deux États; que la première paix s'est faite à Lunéville aux dépens des électeurs ecclésiastiques; que la seconde pourra se faire aux dépens des princes qui ont pris le plus de part à pousser le Corps germanique contre la France. Je désirerais que vous rédigeassiez une note dans ce sens :

"Le soussigné, ministre de S. M. l'Empereur des Français à Ratisbonne, a reçu l'ordre exprès de sa cour de demander à la diète qu'on lève l'incertitude qui est laissée sur les points les plus importants de la constitution germanique par l'oubli qui a été fait d'une partie des déterminations du conclusum de Ratisbonne dans le rescrit impérial. La diète doit trouver naturelle cette sollicitude de l'Empereur des Français, comme voisin de l'empire germanique et ayant avec lui des relations multipliées, comme partie contractante du traité de Lunéville, et au titre qu'a toujours exercé la France de protéger la véritable constitution d'Allemagne et les princes faibles contre l'ambition et l'arbitraire des forts. Sa Majesté l'Empereur des Français ne saurait reconnaître en Allemagne un pouvoir au-dessus de la diète, et moins encore un pouvoir inconnu de tronquer un conclusum, d'en admettre ce qui peut être convenable à l'empereur, et d'en laisser tout ce qu'il peut juger ne pas lui être favorable; s'il en était ainsi, il suffirait d'un simple conseil aulique, il n'y aurait aucun besoin de diète. Le soussigné est également chargé de déclarer que le conseil aulique, étant entièrement dans la dépendance de la cour de Vienne, ne peut être considéré comme tribunal compétent pour juger les différends entre les princes; que, dans cette hypothèse, tout l'Empire serait entre les mains de l'empereur."

Rédigez cette note en radoucissant beaucoup. Il est bon de l'envoyer d'ici à huit ou dix jours. Mon but est de faire entrevoir que j'interviendrai seul dans les affaires d'Allemagne, et que, si la cour de Vienne continue à tenir cette conduite louche, je pousserai la diète contre elle l'épée dans les reins.

Écrivez à M. de Cobenzl une lettre dans laquelle vous lui direz que l'Empereur des Français n'a pu être indifférent aux acquisitions importantes que fait la Maison d'Autriche; que le principe de pouvoir acquérir à prix d'argent, ou par tout autre moyen, des souverainetés ne peut être admis; qu'elle vient d'acquérir Lindau, et qu'il est question de réunir en Souabe ses possessions pour en faire une souveraineté; que le but des stipulations de Lunéville et de Ratisbonne a été d'éloigner les frontières des deux États, afin d'éviter le plus possible des discussions; qu'un plan opposé serait tout à fait contraire à l'esprit du traité de Lunéville et à l'intérêt de l'Allemagne et attirerait la sollicitude de I'Empereur des Français; que vous êtes
fondé à penser que les éclaircissements qui vous seront donnés dissiperont les alarmes que j'aurai pu concevoir, et que, par la paix qui a été si heureusement rétablie, mon intention bien prononcée n'a pas été d'empiéter sur l'empire germanique mais d'en protéger au contraire tous les princes et États.

Quelques jours après, vous ferez remettre une note à M. de Cobenzl dans laquelle vous lui direz que M. Bacher a porté à ma connaissance la déclaration faite à la diète par le chargé d'affaires de l'empereur; qu'elle a donné lieu à deux observations qui m'ont frappé : la première, qu'il est inconcevable que l'empereur, dont le premier droit né est de demander des éclaircissements sur tout ce qui peut intéresser le Corps germanique, que l'empereur, qui a stipulé à Lunéville pour le Corps germanique sans l'intervention de la diète, fasse une déclaration qui porte que la diète doit demander que l'Empereur des Français donne des éclaircissements sur un fait quelconque; qu'il était plus simple que l'empereur les fit demander; qu'il est vrai en effet que, s'il ne l'avait pas fait, c'est que déjà il les avait reçus, et que, dans la lettre qu'il écrivit à M. de Cobenzl, et que celui-ci communiqua, il en était positivement question ; que, du reste, je ne puis voir dans cette conduite qu'une envie de me tracasser à coups d'épingle, manière indigne de grandes puissances éclairées et voisines, qui devraient avoir appris à se ménager et à traiter les affaires qui les regardent avec plus de sérieux, plus de considération et moins d'incartades; que , si le protocole s'ouvre, l'empereur des Français ne pourra s'empêcher de dire sa pensée tout entière; et que si , par suite, la cour de Vienne s'en trouve vivement offensée, elle devra se ressouvenir que pendant deux mois l'Empereur des Français a laissé le champ libre à ceux qui ont eu la volonté ou l'intérêt de troubler la paix du continent; que ces observations sont tellement importantes, que vous priez M. de Cobenzl de ne pas différer d'un instant de les porter à la connaissance de l'empereur; que la dernière démarche a remis le continent dans l'incertitude; qu'il faut que cela se décide, et que l'intention de l'Empereur des Français est qu'on lui dise franchement dans quelle situation on veut rester avec lui. Mon intention est effectivement de terminer promptement les affaires du continent et de n'y laisser rien d'incertain, soit à cause de l'influence qu'elles ont sur les affaires d'Angleterre, soit pour me décider dans mes opérations militaires et maritimes, soit à cause du couronnement.

J'ai vu avec peine, par la correspondance de MM. Champagny et Laforêt, que vous avez écrit à Berlin et à Vienne pour qu'on renvoyât la lettre du comte de Lille. C'est y donner trop d'importance, et c'est une démarche mauvaise, que je ne saurais approuver. L'oubli, le mépris, l'insouciance est le meilleur parti à prendre dans des affaires le cette nature.

J'adhère à la demande de l'archichancelier de l'Empire, et je nomme pour résider auprès de lui M. Portalis, secrétaire de légation à Berlin.

Vous verrez, par la réponse que je vous ai autorisé à faire aux Ouvertures de Lucchesini, que l'armée du Hanovre ne sera pas augmentée, à moins qu'elle ne soit en danger réel d'être attaquée par les russes. Quant aux affaires de cet électorat, c'est à lui à nourrir nos troupes. Après la démarche surtout que vient de faire son envoyé à Ratisbonne, il ne faut point ménager cet électorat. Si les États veulent faire un emprunt, je n'ai rien à y faire; mais mon intention est de ne point intervenir. Vous ferez dire par Durand ou par tout autre, aux députés qu'ils ont à Paris, que j'exige qu'ils rappellent leur envoyé à Ratisbonne; que, sans cela, je les traiterai militairement. Durand ne manquera pas de dire que cette démarche m'a fortement indisposé contre eux, et que je sais fort bien que, s'ils avaient voulu intervenir, elle n'aurait pas été faite; que, si M. de Reden continue à rester à Ratisbonne, il sera traité comme émigré.

Beaucoup de choses me font penser que la cour de Vienne met plus de duplicité que vous ne croyez dans sa conduite. Elle était instruite de la conjuration; elle élevait le ton en conséquence; Cobenzl à Paris tient plusieurs langages, et c'est par son canal que la correspondance s'est faite longtemps avec Varsovie. Faites répondre par la même voie dont se sert Lucchesini pour faire ses insinuations que tout est facile à arranger avec les Russes, hormis les injures et les menaces, qu'il n'est pas dans notre position de digérer.


Calais, 6 août 1804

A l'impératrice Joséphine

Mon Amie, je suis à Calais depuis minuit; je pense en partir ce soir pour Dunkerque. Je suis content de ce que je vois et assez bien de ta santé. Je désire que les eaux te fassent autant de bien que m'en font le mouvement, la vue des champs et la mer.

Eugène est parti pour Blois. Hortense se porte bien. Louis est Plombières.

Je désire beaucoup te voir. Tu es toujours nécessaire à mon bonheur. Mille choses aimables chez toi.


Calais, 7 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je vois dans 1a Gazette de France que Dessalines a fait une Légion d'honneur. Il serait bon de vérifier si ce n'est pas une mauvaise plaisanterie qu'a voulu faire le journaliste; il me paraîtrait qu'elle serait mal placée.

Je ne vois aucune utilité à faire revenir à Paris des homme comme Septeuil; il est à Bayonne, qu'il y reste. La présence de personnes de cette espèce est très-nuisible à Paris.


Calais, 7 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, vous avez dû faire connaître à mes ministres près les différentes cours, 1° la raison pour laquelle la cour de Vienne n'avait pas encore envoyé ses lettres de créance; 2° le langage qu'ils avaient à tenir relativement à la note du cabinet russe à Ratisbonne; 3° la conduite de la cour de Vienne à cette diète. Mon intention est de leur faire connaître aujourd'hui d'une manière précise la raison de la conduite inconcevable de la Russie à Ratisbonne et le langage à insinuer, soit dans les journaux, soit dans la conversation. Il n'y a aucune cour aussi pauvre en hommes que celle de Russie; Markof y est un aigle; Voronzof est publiquement connu pour être plutôt citoyen anglais que citoyen russe. Depuis longtemps cette clique avait cherché à vendre les intérêts nationaux de la Russie à l'Angleterre; l'évidence de la raison et l'intérêt de la Russie, joints au sens droit de l'empereur Alexandre, avaient toujours maintenu la bonne intelligence avec la France, et leurs intrigues avaient été déjouées. On a trouvé le moyen de surprendre la note qui a été envoyée à Ratisbonne, non comme démarche qui pût faire aucun effet, puisque Ratisbonne n'est rien (une démarche directe à Paris ou à Vienne était plus conséquente) , mais pour engager l'empereur, espérant que la France répondrait vivement et que l'empereur se trouverait en guerre avec elle sans s'en douter. La prudence de l'Empereur des Français a déjoué cette basse intrigue. La cour de Russie reste aujourd'hui incertaine; elle commence à 'apercevoir de l'inconséquence de sa démarche; et, dans tout ce qu'elle fait dire à Paris, on ne sait où elle veut aller. Elle a la conscience de son impuissance pour se mêler des affaires de l'Europe; c'est comme si la France voulait se mêler des affaires de la Perse. Tout porte donc à penser qu'une rupture n'aura pas lieu entre les deux puissances. Les gens de bon esprit qui se trouvent à Pétersbourg sentent que cette conduite leur fait perdre toute leur influence, et qu'enfin on ne pouvait mieux expliquer le résultat de toute la conduite de la cour de Russie (soit qu'elle voulût faire la guerre, soit quelle restât dans cet état de bouderie avec la France) que par le mot de l'Empereur des Français en lisant la note présentée à Ratisbonne : "Ah! a-t-il dit, voilà la prépondérance qu'avait acquise la Russie en Europe, par sa médiation avec la France à Ratisbonne, détruite!" Dans le fait, c'est cela seul qu'on peut prévoir. Si la Russie se brouillait avec la France, son impuissance serait telle, que l'Europe cesserait d'avoir pour elle cette estime et cette considération que lui a acquises son alliance avec la France. Si elle s'unissait avec l'Autriche, elle serait battue, et la puissance de la France deviendrait colossale. Ne l'a-t-elle pas été, battue, en Suisse, en Hollande ? Et quand Souvarov arrivait, notre armée n'était-elle pas au delà de l'Adda ? Écrivez dans ce sens; faites des bulletins dans ce sens, et commentez beaucoup la campagne de l'an VII.


Calais , 7 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j'ai nommé M. Champagny au ministère de l'intérieur. L'ambassade de Vienne devient par là, vacante. Je désire que vous me proposiez les personnes que vous croyez propres à remplir ce poste important. Comme ce ministre est nécessaire à Paris, vous lui enverrez ses lettres de récréance. Vous pouvez en faire part à M. de Cobenzl, qui est Paris; à cette occasion, vous lui ferez sentir qu'il y aurait de l'inconvenance que l'Empereur nommât un successeur à M. Champagny, si la cour de Vienne ne lui envoie pas en même temps ses lettres de créance.


Dunkerque, 7 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, non intention est que vous écriviez au général Bernadotte pour qu'il fasse rappeler de Ratisbonne M. de Reden, que, si cette personne ne revient pas en Hanovre, ses biens soient confisqués. Il convient que les États sachent mon mécontentement de la conduite de M. de Reden à Ratisbonne. Ils diront qu'ils n'y peuvent rien; mais il ne faut tenir nul compte d'une pareille réponse Vous recommanderez au maréchal Bernadotte de se faire donner tout l'argent qui est nécessaire pour les besoins de l'armée. Les Hanovriens sont habiles à se prévaloir de fausses apparences. Ils fournissent secrètement de l'argent à leur armée, dont une partie a déjà filé en Angleterre.


Dunkerque, 8 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il est de la plus grande importance de faire une circulaire aux généraux commandant les conseils de recrutement, pour leur faire sentir le préjudice qu'éprouve l'État des conscrits malingres et inhabiles au service militaire qu'ils envoient. Un grand nombre est invalide et ruine le trésor public sans aucun avantage. Il serait nécessaire aussi de faire passer sur-le-champ l'inspection aux revues.


Dunkerque, 10 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 21 thermidor. Je n'ai pu qu'être vivement peiné de l'explication que vous me donnez. Les règles ne sont pas suivies. Je suppose que le ministre du trésor public n'est pas à Paris; faites venir son premier commis et demandez-lui des éclaircissements. Les obligations, à peine signées par le ministre des finances, doivent être mises dans le grand portefeuille, d'où elles ne peuvent sortir que par un arrêté. Je n'ai autorisé aucune sortie d'obligations de l'an XIII. Faites connaître, je vous prie, que les obligations échues qui sont sur la place soient sur-le-champ retirées. C'est vouloir discréditer le trésor public que d'en émettre de cette époque. Non-seulement elles ne sont pas en dépôt, mais elles sont même négociées. Je connais des personnes qui en ont acheté. Je crains fort que notre trésor ne soit dans une fausse direction. Continuez à prendre des éclaircissements sur cet objet. Comment arrive-t-il que ces obligations, si elles n'ont été mises qu'en dépôt, soient négociées et vendues sur la place ? Dites au trésor public qu'aucune ne doit sortir du portefeuille que par mon ordre. Je ne condamne pas le ministre du trésor public; il est trop ami des règles pour avoir permis que des obligations de l'an XIV sortissent du portefeuille. Cependant Maret m'assure que je n'ai rien signé de relatif
à cela.


Dunkerque, 10 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je compte partir cette nuit pour Ostende. J'ai passé la journée à faire manœuvrer les troupes. Veillez à ce que tout ce qui est relatif au couronnement marche. Je me porte fort bien, quoiqu'on s'obstine à Paris à me faire malade. Je ne conçois pas comment il n'est pas possible à la police d'arrêter quelques-uns de ces colporteurs de mauvaises nouvelles, qui évidemment sont poussés par les Anglais.


Dunkerque, 10 août 1804

A M. Gaudin

Vous trouverez ci-joint une note qui m'est envoyée de la caisse d'amortissement; sur l'avis que j'ai eu que des obligations de l'an XIV se négociaient sur la place, j'avais fait connaître qu'on n'en achetât. Expliquez-moi comment cela arrive. Je désirerais aussi que, remplissant votre ministère avec exactitude, vous m'envoyassiez des bulletins, au moins deux fois la semaine, de ce qui se fait à la Bourse. J'apprends tout par les autres et rien par vous. Cependant, vivant avec des hommes de finance, ces choses ne peuvent être ignorées de vous.


Dunkerque, 10 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, faites arrêter la femme Bernet, femme Montagne, si c'est une émigrée qui fait des voyages de Paris à Saint Pétersbourg. Faites informer sur l'évasion de Bourmont et de d'Andigné; le commandant du fort paraîtrait compromis. Faites mettre le séquestre sur les biens des deux. La conduite de Moreau, qui s'est embarqué à Barcelone, prouve ce que j'en avais toujours pensé, qu'il lèvera le masque et passera en droite ligne chez nos ennemis. Un nommé Montaut, demeurant à Paris, rue Saint-Dominique, n° 942, vend son crédit près les bureaux de la guerre. Un Piémontais a obtenu par son crédit une retraite de 4,000 francs en lui payant tant pour cent. Faites suivre cet homme, et voyez à découvrir ce foyer de corruption.


Dunkerque, 10 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie le portefeuille, dans lequel je ne vois rien d'important. Il serait peut-être à propos de faire ressortir l'immoralité de la cour de Pétersbourg, où l'empereur donne des marques de considération si extraordinaires et si inusitées au meurtrier de son père.

L'ambassadeur Cobenzl à Paris est un homme très-faux, très-acharné à peindre tout ce qui se fait ici sous les plus odieuses couleurs. Il paraît avoir bien l'esprit faux de sa cour. Je crois nécessaire de vous dire cela, afin que vous vous en méfiez dans vos communications avec lui, et que vous ne soyez pas plus longtemps dupe de sa prétendue bonhomie.

Je ne pense pas qu'i1 soit utile de tarder plus longtemps de répondre à la Russie; il vaut mieux voir de suite à quoi elle en veut venir. Voici comme je pense qu'il faudrait répondre à M. d'Oubril; vous m'enverrez la note que vous rédigerez en conséquence, afin que je la voie avant que vous la remettiez :

"Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de l'Empereur la note de M. d'Oubril, chargé d'affaires de Russie. Sa Majesté m'a ordonné de déclarer qu'elle voulait qu'il ne fût porté aucune attention aux injures dont cette note est remplie; qu'elle avait depuis six mois vu avec peine que les notes du cabinet de Saint-Pétersbourg portaient toutes le même caractère; que, lorsque dans des relations aussi importantes on emploie un style si inconvenant, le blâme en est tout entier au cabinet qui s'en sert. Sa Majesté l'Empereur des Français, depuis le moment où elle renvoya les prisonniers russes, n'a pas perdu une occasion de donner une preuve de déférence, d'estime et de considération au souverain de la Russie; en échange, elle n'en a reçu que de mauvais offices. Tous ceux qui voulaient troubler la tranquillité de l'intérieur de la France, tous les individus que le cabinet de Saint-Pétersbourg avait employés en temps de guerre contre la France, l'ont été avec plus d'ostentation depuis la paix; et, dans les détails des affaires, on n'a oublié aucune occasion de montrer à la France de la haine. Lorsqu'on a porté à Saint-Pétersbourg le deuil d'un homme condamné à mort pour avoir conspiré contre la France, Sa Majesté ne s'en est pas plainte; on a poussé l'inconvenance jusqu'à le faire porter en Espagne, à Vienne, même en Hollande. On l'eût fait porter par la légation russe à Paris, que Sa Majesté avait ordonné qu'on n'y fit aucune attention. Mais par là la Russie n'a fait tort qu'à elle. Si elle reconnaît le comte de Lille pour souverain de la France, pourquoi a-t-elle fait des traités et eu des communications immédiates avec le Gouvernement français ? Cette observation n'a échappé à personne en Europe. La Russie est maîtresse de se conduire avec le raisonnement et la conséquence qu'elle veut. La déclaration brusque et inattendue faite à la diète de Ratisbonne n'a point excité les plaintes de la France; elle a porté la modération jusqu'à vouloir l'ignorer. Cependant, quel paraît être le but de cette déclaration ? La cour de Saint-Pétersbourg voulait-elle effectivement avoir des informations ? Que ne les demandait-elle directement ? Voulait-elle faire voir quelle n'avait pour la France aucune considération ? L'Europe, depuis l'affaire d'Entraigues et la conduite de Markof à Paris, n'en doutait plus. Voulait-elle faire sentir qu'éloignée du théâtre de la guerre, elle pouvait rester tranquille au milieu de l'incendie de l'Europe et être maîtresse de s'en mêler ou non ? L'Europe en est persuadée et pensera que la Russie verrait avec plaisir la guerre se rallumer sur le continent, sûre qu'elle n'y prendra que la part qu'elle voudra , se retirera ou avancera comme il lui plaira, et exercera sa prépondérance sur la ruine des autres États. L'Empereur n'est pas assez dépourvu de sens pour ne pas comprendre combien cette politique serait avantageuse à la Russie et défavorable et ruineuse pour lui.

La précédente note que M. d'Oubril a remise a été imprimée dans les gazettes. L'Empereur des Français pourrait en faire de même de sa réponse; il n'a pas cru de son devoir ni de son intérêt d'exciter la guerre du continent, ni d'insulter à qui que ce soit.

Quant aux menaces contenues dans la dernière note de M. dOubril, Sa Majesté l'Empereur m'a ordonné de déclarer que l'histoire du passé n'a autorisé aucune puissance, et la Russie pas plus qu'une autre, à menacer la France; que si le général Souvarof obtint des succès en Italie, l'armée autrichienne en avait déjà obtenu avant qu'il arrivât; et que si son armée, au lieu d'avoir été défaite en Suisse et en Hollande, avait continué à être victorieuse et eût dicté la paix au milieu des plaines de la Champagne et de la Lorraine, les menaces n'eussent pas plus réussi avec la France. Il faut que la Russie sache bien que l'Empereur des Français n'est ni l'empereur des Turcs ni l'empereur des Persans. Si donc la Russie peut faire la guerre à la
France parce que telle est sa volonté, si son système est d'humilier la France et de l'obliger à reconnaître dans ses ambassadeurs le droit de protéger à Paris des sujets rebelles ou le nouveau droit public de naturaliser les Français qui lui conviennent, l'Empereur des Français n'y peut rien; il gémira sur l'influence des intrigues de la puissance qui pourra seule gagner quelque chose à ladite guerre.

Quant aux propositions encadrées dans la note de M. d'Oubril, Sa Majesté ne peut les considérer, après les injures et les menaces qui les accompagnent, que comme un prétexte plutôt que comme des objets réels. Cependant Sa Majesté, ne voulant rien négliger pour maintenir la tranquillité et épargner le sang des hommes, m'a ordonné de déclarer que, toutes les fois que la Russie remplira fidèlement les articles du traité conclu avec la France, elle sera prête à les exécuter avec la même fidélité, nommément tel et tel article (ces articles sont : 1° celui qui dit que les deux puissances ne toléreront rien de ce qui peut troubler leur repos intérieur; 2° celui qui dit que les deux puissances se réuniront pour mettre une limite au pouvoir des Anglais; 3° celui qui dit que la République des sept îles sera indépendante sous la protection de toutes les puissances).

Mais si Sa Majesté l'empereur de Russie, ne voulant tenir aucunes stipulations, exigeait que la France les tînt, ce ne serait plus traiter avec l'égalité qu'elle déclare dans sa note vouloir maintenir; ce serait vouloir conduire la France par la force, et, par l'aide de Dieu et de ses armées, la France n'a jamais subi la loi de qui que ce soit."


Dunkerque, 10 août 1804

Au général Lacuée

Monsieur Lacuée, Président de la section de la guerre de mon Conseil d'État, j'ai dû vous envoyer le projet du ministre de la guerre sur la répartition de la levée de la conscription de l'an XIII.

Voilà le moment qui arrive, je désire que vous m'en fassiez passer les tableaux. Il n'y a pas un régiment que je n'aie vu qui n'ait reçu une centaine de conscrits boiteux, malingres et tout à fait inhabiles au service. Depuis leur arrivée aux corps, ils sont aux dépôts à nos frais, en pure perte, usent leurs habits et coûtent beaucoup d'argent. On se plaint des conseils de recrutement. On dit que le préfet influence le général, et que le capitaine de recrutement n'y a aucune influence. Il faudrait trouver un moyen de mieux composer ces conseils de recrutement, et rendre responsable l'officier commandant le département qui enverrait des hommes malingres. Toutes les fois qu'il y en aurait, le capitaine de recrutement serait tenu de le lui faire connaître par écrit, et, s'il persistait à les faire partir, on lui ferait supporter les frais du voyage. On se plaint que les remplaçants désertent; on en donne deux raisons : l'une, que lorsqu'ils ont leur argent, ils se sauvent. On voudrait donc que cet argent leur fût distribué en haute paye et fût versé dans la caisse du corps, de manière que, ces individus venant à déserter, leur corps se trouvât nanti d'une portion de l'argent. En cas que cette mesure eût quelque inconvénient, l'argent pourrait être déposé entre les mains de l'administration, de manière que, dans toute hypothèse, ces hommes en s'en allant n'emportent point d'argent. On se plaint qu'au lieu de prendre des remplaçants dans la conscription, on les prend de tout âge et de tout pays, ce qui est encore la faute, non du capitaine de recrutement, mais du conseil de recrutement. Faites-moi un projet sur ces différents objets.


Ostende, 11 août 1804

Au général Dejean

Monsieur Dejean, Ministre de l'administration de la guerre, le drap que fournit le directoire de l'habillement n'est jamais conforme à l'échantillon. Beaucoup de corps se plaignent que les tricots qui sont fournis aux soldats sont inférieurs à ceux que le corps achète et reviennent beaucoup plus cher; enfin ils prétendent qu'ils se fourniraient de draps de meilleure qualité et à meilleur marché, si on leur donnait l'argent.

On a fourni aux régiments italiens des souliers qui ne sont d'aucune valeur; on a vérifié ceux en magasin qui ont été envoyés à Cambrai; ils ne valent pas 30 sous. Vous sentez l'importance de réprimer cet abus en atteignant les coupables qui ont ainsi abusé de votre confiance.


Ostende, 13 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis depuis deux jours à Ostende. Je suis extrêmement satisfait de la flottille batave et des troupes du camp de Bruges. Je ne témoigne pas mon mécontentement au ministre du trésor public sur le mauvais agiotage qu'on fait de nos obligations, parce que je le crois encore dans le département de l'Eure. Faites appeler son premier commis pour finir ces affaires. Faites aussi appeler Desprez (Médard Desprez, 1764-1842), et faites-lui connaître combien j'ai été irrité de l'abus de confiance de sa compagnie, qui, par suite de ses opérations avec le trésor public, en a reçu des obligations qu'elle a vendues. Si elle était payée pour nous discréditer et pour faire des opérations folles et insensées, elle n'agirait pas autrement.

Il y a un arrêté relatif à des dispositions d'exercice, en date du 17 messidor; les agioteurs ont cru qu'il y avait des arriérés de l'an IX. C'est une chose si contraire à mes principes que j'ai peine à le croire. Faites demander cet arrêté au trésor public, et, s'il est effectivement relatif à l'an IX, faites mettre dans le Monileur un article bien frappé qui fasse sentir qu'il n'y a point d'arriéré.


Ostende, 13 août 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, Ministre des cultes, j'ai vu avec plaisir que les évêques de Meaux et d'Orléans réussissaient à convertir les incrédules. Tout ce qu'on peut obtenir par la persuasion est une véritable conquête que j'apprécie.


Ostende, 13 août 1804

Au cardinal de Belloy, archevêque de Paris

Mon Cousin, je suis instruit que les vieillards de l'hospice de Montrouge ne sont pas traités comme ils doivent l'être. L'intérêt que je porte à cet établissement me fait désirer que vous vérifiiez par vous-même si ces plaintes sont fondées, et si cet établissement est administré suivant les statuts et pour le bien de la vieillesse, afin que vous m'en rendiez compte directement et que je puisse savoir s'il y a des abus.


Ostende, 13 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, j'ai lu avec intérêt les deux dernières parties du mémoire du voyageur d'Husum. Je pense qu'il peut nous être très-utile. Qu'il aille à Lubeck guetter le retour du courrier anglais. Recommandez-le au général Bernadotte, qui donnera les ordres pour tâcher de se saisir d'un ou deux de ces courriers, mais sans que le voyageur d'Husum se trouve compromis ou démasqué. Qu'il se fasse constituer le correspondant et l'agent des princes sur le continent, et qu'il écrive en grand détail sur tout ce qui se passe qui peut nous intéresser, soit en Angleterre, soit sur le continent. Surtout faites saisir quelques-uns des agents ou courriers anglais. Quant à la proposition de gagner Couchery, il faut que le voyageur d'Husum reste deux ou trois mois chargé d'affaires; et alors, quand Couchery l'aura mis au fait, il pourra lui laisser entrevoir l'espérance d'avoir sa grâce et la possibilité de rentrer en France, s'il rend des services en restant à Londres quelque temps et nous instruisant de tout ce qui s'y passe.

Je suis instruit d'une manière particulière que Rochelle a des moyens de se sauver. D'après ce qu'on en dit, il paraît que c'est un misérable. Faites-le mettre aux fers, de manière que, sous aucun prétexte, il ne se sauve. Chassez aussi le père et la mère, si vous pensez qu'ils continuent des liaisons et des correspondances suspectes. Faites mettre le séquestre sur les biens de Bourmont et d'Andigné. Je désire connaître les frères de Moreau et de Lahorie et les emplois qu'ils occupent.

On m'assure que Bourmont se cache à Paris chez M. Leriche de ... ancien major général de Frotté.

M. Belleval, espèce de secrétaire du prince de Valachie, est arrivé à Paris. Il passe pour un intrigant. On le dit de Ratisbonne, Bastia, et avoir fait sa fortune près du Zoubof, dont il a été l'espèce de domestique. Il a en des correspondances avec les Anglais. Ces correspondances doivent être observées. Quelque fin qu'il soit, la police peut avoir quelqu'un auprès de lui pour avoir un compte de ses opérations.

Beaucoup de Russes quittent Paris. Il faut que la police s'informe s'ils ont payé leurs dettes. Il ne faut point être badaud au point de perdre des sommes considérables; et, pour peu que vous ayez de plaintes qu'ils n'aient point payé leurs dettes, refusez-leur des passeports, et défendez-leur de partir avant de les avoir payées. 


Ostende, 13 août 1804

A M. Melzi

Monsieur Melzi, Vice-président de la République italienne, j'ai passé la revue à Calais d'un des régiments italiens; j'y ai reçu beaucoup de plaintes. Les soldats se plaignent d'être maltraités à coups de bâton. Il paraissait même qui y avait des voleries dans le corps. Cependant, par le rapport de l'inspecteur que je vous envoie, j'ai vu le contraire. Il est impossible au général Pino de faire l'expédition. Je l'ai nommé ministre de la guerre, et je l'ai remplacé dans le commandement de la division italienne par le ministre actuel, général Trivulzi (Alessandro Trivulzi, 1773-1805. Il est à cette date encore ministre de la guerre de la République italienne). L'armée italienne coûte beaucoup d'argent et est mal administrée; c'est dommage, car les hommes ont bonne volonté. Vous connaissez le zèle du générai Pino; il a de l'énergie, il paraît attaché à ma personne et a du zèle. Le général Trivulzi prendra dans le mouvement de l'armée les connaissances qui lui manquent.


Ostende, 13 août 1804

Au maréchal Berthier

Le ministre répondra au général Gouvion Saint-Cyr que je ne pense pas qu'il doive être alarmé du passage des troupes russes; que je sais exactement ce qui arrive, par Constantinople; qu'il y a moins de 9,000 hommes, ce qui ne se porterait pas, en présents sous les armes, à 7, 000, qu'il n'y a pas possibilité aux Russes d'entreprendre rien avec si peu de troupes; que, si elles sont augmentées, ses troupes le seraient en conséquence; qu'il doit jeter un coup d'œil sur les Polonais, qu'on dit avoir aujourd'hui des relations avec les Russes. S'il n'était pas parfaitement sûr de ce corps, il faudrait qu'il en instruisît sans délai.

Le commandant de la citadelle de Besançon ayant laissé échapper Bourmont et d'Andigné, vous me présenterez un arrêté pour le destituer. Vous me ferez connaître de quel grade il est, et vous me proposerez pour le remplacer un homme ferme et sûr. Les commandants des forts de Bouillon, If, Ham, etc., sont responsables des prisonniers et doivent prendre des mesures sûres pour ne pas les laisser échapper.


Ostende, 13 août 1804

Au maréchal Berthier

L'Empereur désire, Monsieur le Maréchal, que le premier inspecteur du génie se rende à Anvers, afin de s'y concerter avec le maire pour le local qu'il convient de désigner comme devant servir à l'accroissement de la ville. Pour établir l'arsenal maritime, on a abattu beaucoup de maisons; les logements sont rares et chers; les magasins sont insuffisants, les négociants ont besoin d'en construire; et les fortifications resserraient trop la ville, elle en souffrirait beaucoup de dommages; il lui serait impossible de devenir le centre de l'immense commerce auquel elle est appelée par sa position.

Le premier inspecteur du génie rassurera en même temps les habitants sur la crainte qu'ils ont de devenir place de guerre : jamais Anvers ne sera place de première ligne; on n'a pas même le projet d'en faire un port d'armement; mais il importe, et c'est là le seul but qu'on se propose, de la mettre à l'abri d'un coup de main, d'éviter que, lorsqu'elle sera parvenue à une grande richesse, si des circonstances, qui ne sont pas probables, mais qui sont possibles, se présentaient, l'ennemi ne vint à hasarder quelques partis de hussards pour la mettre à contribution. Les dispositions qu'on va prendre sont donc dans l'intérêt du commerce, et ne sauraient jamais être contre lui.


Ostende, 13 août 1804

Au maréchal Bessières

Mon Cousin, je pense que vous avez pris toutes les mesures pour qu'au 18 brumaire ma Garde à pied et à cheval se trouve habillée à neuf et ait ses nouveaux boutons.


Ostende, 14 août 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, je reçois votre lettre du 22 (10 août), par laquelle vous m'annoncez que vous serez de retour à Paris le 25 (13 août). Les nouvelles de la Bourse m'ont vivement affecté. Je comprends pas comment des obligations de l'an XIII ont été tiré du portefeuille sans mon autorisation. Je comprends encore moins comment les personnes auxquelles ces obligations ont été confiées en dépôt ont eu l'extrême imprudence de les vendre sur la place ce qui, dans un seul moment, porte un coup funeste à notre crédit, surtout ces obligations échéant en l'an XIV. J'attends des éclaircissements sur ces différents faits, qui ont troublé la joie que j#éprouve au milieu des camps et des flottilles.


Ostende, 14 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie vos deux portefeuilles.

Répondez à M. Maillardoz (Envoyé extraordinaire de la Diète helvétique à Paris) que le Moniteur n'est officiel que dans les actes du Gouvernement; que, d'ailleurs, il n'avait rien dit qui pût blesser la Suisse, mais simplement que l'établissement d'un état-major général en temps de paix ne peut être considéré que comme contraire à l'acte de médiation.

Répondez à M. de Gravina :

"Monsieur, j'ai mis sous les yeux de Sa Majesté l'Empereur la lettre que vous m'avez communiquée. L'officier Wright a été pris par nos croiseurs au moment où il débarquait sur la côte de Bretagne Jean-Marie et deux autres brigands. Cet officier a débarqué à la falaise de Biville sur la côte de Normandie, par trois fois consécutives, les brigands chargés d'assassiner le premier magistrat de la France. Par toutes les enquêtes qui ont été faites, nous avons acquis la preuve qu'il a été mis à la disposition de lord Hawkesbury par l'amirauté, sans qu'elle connût l'usage auquel il devait être affecté; de braves militaires comme les lords de l'amirauté n'auraient pas souffert que le pavillon anglais et les officiers de la marine anglaise fussent déshonorés par un pareil service; on a la conviction que cet acte déshonorant est personnel à l'officier Wright, à lord Hawkesbury, qui a lui-même tiré de la trésorerie les 40,000 livres sterling qu'il a livrées pour prix de ce crime. Toutefois, le ministre actuel des affaires étrangères ayant réclamé par votre canal le capitaine Wright, Sa Majesté l'Empereur, toujours empressé de faire tout ce qui peut dépendre de lui pour diminuer les fléaux de la guerre, m'a ordonné de vous déclarer qu'il ne pouvait pas consentir à l'échange de M. Wright, ne pouvant échanger un criminel pour un brave et loyal officier; mais qu'il ordonnerait qu'il fût remis à la disposition du Gouvernement anglais, afin qu'il en soit usé par ce Gouvernement comme il lui conviendra. C'est à la postérité à d'imprimer le sceau de l'infamie sur lord Hawkesbury et les hommes assez lâches pour avoir adopté comme moyen de guerre l'assassinat et le crime. Je désire, Monsieur, que vous voyiez dans cette disposition de Sa Majesté l'Empereur un désir de faire quelque chose qui vous soit personnellement agréable, et aussi une preuve de l'intention où il est de ne jamais confondre l'indignation qu'il peut éprouver d'attentats particuliers tramés contre sa personne avec les intérêts généraux de l'humanité et de la génération présente. J'attendrai donc, Monsieur, de connaître par votre canal le lieu où le Gouvernement anglais désire que ce criminel soit remis."

Je désire que cette lettre me soit communiquée avant d'être remise, désirant qu'elle ne soit connue de M. de Gravina que dans un moment donné.

Écrivez à M. Reinhard que la proposition qui lui est faite ne peut qu'avoir des avantages. Il faudrait promettre à son auteur une récompense proportionnée aux services qu'il rendra.

J'ai nommé Lesseps commissaire général des relations commerciales en Égypte.

Vous pouvez accorder à Beurnonville une permission de venir passer quelque temps à Paris.


Ostende, 14 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il paraît que l'armée réclame un changement dans l'habillement. On voudrait supprimer les chapeaux, adopter le pantalon, les bottines et l'habit court, en donnant au soldat une capote pour l'hiver.

Ces changements ont souvent été tentés dans l'armée française, mais on n'a pas tardé longtemps à revenir au costume qui est encore en usage.

Cependant, comme il est possible que ces divers changements aient été l'effet de la mauvaise organisation qu'avait l'armée à ces différentes époques, l'Empereur désire que les maréchaux commandant les camps de Bruges, de Saint-Omer et de Montreuil, autorisent les colonels des corps composant les divisions qui forment leurs armées à se réunir à un jour qu'ils détermineront.

Les colonels des divisions réunis formeront un conseil par armée, et seront présidés par l'adjudant commandant de la première division. Chaque conseil consignera dans un procès-verbal qui sera dressé, son opinion sur les changements, les formes et les modèles qu'il jugera propres à concilier ce qu'exigent le bien-être du soldat et l'économie, éléments de premier ordre dans une armée aussi considérable que l'armée française.

Ces conseils seront consultés en même temps sur la question de savoir si les conseils d'administration des corps pourraient se procurer avec économie les draps nécessaires à l'habillement, et s'il serait possible et avantageux de leur confier l'administration de la première masse de la même manière que celle de la seconde, qui leur est déjà attribuée.

Les procès-verbaux et les modèles vous seront envoyés de manière qu'ils soient tous parvenus à Paris avant le ler vendémiaire au XIII, et que vous puissiez me les présenter dans la première semaine de ce mois.


Ostende, 14 août 1804

A l'impératrice Joséphine

Mon Amie, je n'ai pas reçu de tes nouvelles depuis plusieurs jours; j'aurais cependant été fort aise d'être instruit du bon effet des eaux, et de la manière dont tu passes ton temps. Je suis depuis huit jours à Ostende. Je serai après demain à Boulogne pour une fête assez brillante. Instruis-moi par le courrier de ce que tu comptes faire et de l'époque où tu dois terminer tes bains.

Je suis très-satisfait de l'armée et des flottilles. Eugène est toujours à Blois. Je n'entends pas plus parler d'Hortense que si elle était au Congo. Je lui écris pour la gronder.

Mille choses aimables pour tous.


Ostende, 15 août 1804

A M. Cambacérès

Je n'ai point reçu la lettre de Marbois que vous m'annoncez. Quant à ces obligations qu'il croit n'avoir pas été vendues à la Bourse, il est dans l'erreur, car j'en ai vu. C'est ainsi qu'on trompe ce ministre et que dans la plus belle prospérité on désorganise nos finances.

Cet événement du jeune Ségur est fort extraordinaire; j'en écris au ministre de la police.


Ostende, 15 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, cette petite brochure sur la légitimité m'a paru assez bien, mais pas assez piquante pour qu'elle soit lue; je n'y ai rien trouvé d'inconvenant. Je pars dans une heure pour Boulogne, où je serai arrivé avant minuit.

L'événement du jeune Ségur est fort extraordinaire. J'imagine que la police aura fait toutes les perquisitions convenables. Faites-moi connaître ce qu'il faut penser de cet événement.


Ostende , 15 août 1804

A M. Jaubert

Monsieur Jaubert, rendez-vous auprès de l'ambassadeur turc. Faites-lui comprendre que la Russie veut entrer dans des opération contre la Turquie, et qu'il doit donner ces renseignements chez lui qu'on doit s'y tenir en garde, et ne plus laisser passer de troupe russes. Surveillez M. Belleval, sachez ce qu'il dit et la manière dont il se présente.


Ostende, 15 août 1804

Au maréchal Murat, gouverneur de Paris

Je suis fâché que, sans mon aveu, vous ayez écrit au colonel du 5e de ligne ce que je vous avais dit. Il n'a jamais été question d'opposition à l'hérédité, et c'est affliger sans raison ce régiment que de lui faire soupçonner que j'avais eu ces idées.


Ostende, 15 août 1804

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose d'ajouter à la liste du collège électoral du département du Pô vingt membres des plus imposés, se fondant sur ce que la première liste est fort mal faite, qu'il s'y trouve des individus qui n'ont que 30 à 60,000 francs de fortune, tandis qu'on ne devrait pas y vois des hommes qui eussent moins de 200,000 francs.

Cette proposition n'est point  adoptée. L'Empereur ne désire faire usage de la faculté de sa prérogative que dans les circonstances d'une plus haute importance.


Pont-de-Briques, 16 août 1804

Au général Durutte

Monsieur le Général Durutte, je n'ouvre votre lettre que ce matin. Je vois avec peine que vous pensiez que je puisse me former un faux jugement sur un officier aussi distingué sans l'avoir entendu. Vous devez donc être sans inquiétude sur mes sentiments. Je dirai même que les personnes à qui il est possible que votre manière d'être ne convienne pas ne m'ont rien dit de grave et que vous-même n'eussiez pu entendre. Du moment que je ferai le travail de l'armée, je vous placerai d'une manière qui vous convienne davantage, et où vous continuerez à rendre des services à la patrie.


Pont-de-Briques, 17 août 1804

A M. Cambacérès

La fête s'est fort bien passée hier; seulement avec un peu de vent. Le coup d'œil était nouveau et imposant. On a trouvé rarement autant de baïonnettes réunies. (Il s'agit de la cérémonie au cours de laquelle des légions d'honneur ont été remises à l'armée)


Pont-de-Briques, 17 août 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, les obligations de l'an XIII à peine signées ont dû être renfermées dans le grand portefeuille, d'où elles ne doivent être tirées que par un acte authentique. Si l'on vous a dit que les obligations de l'an XIV n'ont point été négociées, on vous en a imposé. Les banquiers les ont bêtement colportées de maison en maison. C'est un événement qui a réveillé la méfiance, et dont l'influence se fera sentir sur le crédit.

Dans l'arrêté du 17 messidor, qui n'a cependant pas été imprimé, mais qui aura été communiqué à la trésorerie, quelque faute de rédaction a fait conclure qu'il y avait un arriéré de l'an IX, chose également contraire à la loi publique et à mes intentions. Il faut sans doute qu'il y ait quelque chose qui ne soit pas clair; voyez ce qu'il y a à faire pour éclaircir les doutes de ceux qui se les sont formés. Sous quelque prétexte que ce soit, il n'y aura jamais d'arriéré depuis l'an VIII. Les exercices ne sont qu'une affaire d'ordre intérieur; ce qu'il y a de mal, c'est qu'il paraît qu'il y a des gens à la trésorerie qui ne demandent pas mieux que de discréditer nos affaires.

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Les banquiers du trésor donnent des obligations et empruntent dessus à un pour cent; toutes leurs opérations les discréditent, et l'on ne comprend pas trop où ils nous mèneront. Ont-ils des valeurs à nous ? Peuvent-ils nous faire perdre s'ils faisaient banqueroute ?


Pont-de-Briques, 17 août 1804

DÉCISION

Le sergent Béraud réclame sa part de la succession de ses père et mère, qui, faute de formalités remplies, est passée à sa sœur.

Renvoyé au grand juge, pour ordonner au procureur impérial d'arranger les parties, si cela est possible et, dans le cas contraire, de faire rendre justice au réclamant.


Boulogne, 17 août 1804

A l'Impératrice

Je reçois ta lettre. Hortense entrait en même temps dans mon salon avec M. Napoléon (   ). Louis les a laissés venir pour passer ici deux jours voir Boulogne et la mer.

Elle se porte bien. J'ai eu bien du plaisir à voir cette chère fille qui est toujours bonne, raisonnable et sensible.

Tu dois aller à Malmaison directement. Dis-moi quand tu comptes x être et s'il est nécessaire que tu y ailles d'abord avant de me rejoindre.

Adieu, ma bonne amie, mille choses tendres et bonnes partout.


Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je vois avec peine que vous ayez mis en liberté le nommé Jean Kinna. Je pense que c'est le même individu qui était à la tête des insurgés de la Martinique. Si c'est le même, faites-le remettre en prison. Cet homme se sauvera en Angleterre, et les Anglais s'en serviront pour dévaster nos plantations de la Martinique.

J'attends avec un grand empressement les indices que vous pourrez avoir sur la corruption qui s'est introduite dans différents ministères. C'est la plus belle direction que puisse avoir la police.

Envoyez au général Marmont tous les renseignements que vous pouvez avoir sur les paquebots de Rotterdam; mettez-y le plus grand secret. Je l'ai chargé de saisir le moment où deux paquebots arriveraient de Londres, de les arrêter avec les individus et les lettres dont ils seraient chargés, et de les envoyer sur-le-champ à Paris.

Il me semble avoir vu quelque part qu'on a défendu l'introduction en France de la Gazette de Francfort; elle ne me paraît cependant point extrêmement mauvaise. La Gazette de Leyde se trouve comprise dans la même prohibition. Je n'ai jamais lu cette gazette; faites réunir tous les numéros de ces deux derniers mois, et envoyez-les moi; faites-moi en même temps un rapport sur l'esprit qui la dirige. Comme elle se publie en Hollande, je saurai bien la faire changer ou la faire supprimer. Faites mettre un article dans les journaux de Paris sur les brochures dont les Anglais inondent l'Allemagne, avec les titres.

J'imagine que vous suivez l'affaire de l'officier de gendarmerie qui avait arrêté Rose. Il est coupable, il ne devait point le déposer en Hollande.

Écrivez au général Marmont de faire arrêter le marquis de Lavalette, le comte de Launay et une douzaine d'individus dangereux qui sont en Hollande. Je n'ai pas besoin des Hollandais pour cela. Envoyez au général Marmont des notes sur ces individus, et dans le même jour on les arrêtera et on les enverra à Paris.

Je désire avoir des renseignements sur Gaspard, colonel réformé, et sur Fournier, frère du colonel de hussards, et sur la conduite qu'ils tiennent. S'ils sont à Paris, faites-les chasser. Je désire également savoir ce que c'est qu'un marquis Tupputi, Napolitain, quels sont les Napolitains qu'il réunit chez lui, ce qu'ils y disent, et ce qu ils font à Paris.

Écrivez au général Marmont dans le sens de cette lettre du commissaire général de police de Boulogne. On pourra dans les mêmes circonstances s'emparer de Rose, si tant il est vrai qu'il soit dans la maison indiquée.


Pont-de-Briques, 18 août 1804

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je vois avec peine que vous avez renvoyé Fiocardo à Bruxelles. C'est un homme incorrigible et qui fera toujours ce qu'il a fait, des bulletins et des libelles contre la France. En général, il n'y a point de motifs pour lever les surveillances tant que la guerre durera. Les affaires du culte d'ailleurs sont sérieuses. Je désire donc que vous ne fassiez mettre en liberté aucun prêtre, ni que vous fassiez cesser la surveillance d'aucun, sans vous être entendu avec M. Portalis.

Faites mettre le séquestre sur les propriétés de Brulart; on m'assure qu'il en a.

Dans votre dernier rapport, il est question d'un Gronin de la Maison-Neuve; si c'est le même qui est compromis dans toutes les correspondances interceptées, vous ne devez pas différer d'un instant à le faire arrêter. Quand vous aurez la certitude qu'il a des correspondances avec le secrétaire de M. de Cobenzl, prenez des mesures pour le faire arrêter à la pointe du jour, et saisir en même temps ses papiers.

Des rapports m'assurent qu'on agite beaucoup Toulon; je ne sais dans quel sens, mais, vu la physionomie de cette ville, on doit se servir de la couleur jacobine.

Je ne comprends pas l'article Nevers de votre rapport. Je désire que vous m'envoyiez la lettre du préfet. Dit-il ou non qu'effectivement on ait mis dans la pièce des Châteaux en Espagne les passages, que vous citez, où se trouvent-ils dans cette pièce, qui est connue depuis longtemps ? Cette affaire, extrêmement sérieuse, ne me parait point expliquée clairement dans votre rapport; demandez des renseignements il détaillés. J'ai peine à croire à une malveillance aussi caractérisée; ce serait par trop d'impudence.

Écrivez en Hollande pour faire arrêter Esnoul.


Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Talleyrand

L'Empereur me charge, Monsieur, de renvoyer à Votre Excellence quelques pièces qui sont ci-jointes, et de vous inviter à lui présenter une réponse à la lettre du duc de Mecklembourg, que je vous transmets également.

Sa Majesté me charge en même temps d'avoir l'honneur de vous faire connaître qu'elle désire que vous fassiez adresser une note au chargé d'affaires des villes hanséatiques à Paris, pour inviter ces villes à prendre des mesures efficaces afin d'&empêcher la circulation des pamphlets injurieux à la France que les Anglais versent sur le continent, mais aussi à ordonner la suppression du Journal critique sur la guerre actuelle, dont j'ai l'honneur de vous adresser un extrait.

Sa Majesté juge convenable, en même temps, que vous engagiez M. Reinhard à s'occuper plus activement de réprimer l'insolence des villes de Brême et de Hambourg., C'est à regret que l'Empereur se verrait obligé, si elles continuaient à faire si mal la police, à leur envoyer 8 ou 10,000 hommes pour la faire.


Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, le traité avec la République de Gênes, que vous m'avez envoyé, me parait fort bien; j'y ai fait seulement un léger changement : au lieu du mot fournirdes ouvriers, j'y ai mis le mot payer.

Il sera nécessaire, avant de conclure, de prendre des renseignements auprès du ministre des finances, pour savoir quel était l'ancien tarif et quel est le nouveau pour le transit, et quels changements les circonstances pourraient nous obliger d'y faire.



Pont-de-Briques, 20 août 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, Ministre des cultes, chargé par intérim du portefeuille de l'intérieur, je crois nécessaire de défendre l'exportation des blés. Faites une circulaire à cet effet aux préfets, et prévenez le directeur général des douanes.


Pont-de-Briques, 20 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je suis surpris d'apprendre qu'au milieu de la pénurie où se trouve le Gouvernement batave, il a la bonté de payer douze millions au prince d'Orange. Ce qui m'a le plus étonné, c'est qu'on s'est autorisé de mon nom pour faire une pareille transaction, injuste d'abord, en ce qu'il a trahi le pays, absurde, en ce que ce gouvernement ne peut payer son armée dans les circonstances actuelles. Je désire savoir la part que notre ambassadeur a prise à cette opération.

La Batavie n'a pas rempli ses engagements, et la troisième partie de la flottille batave n'est pas encore organisée, faute d'équipages. Il n'y a pas assez d'officiers de marine, pas assez d'équipages, et, en général, ils sont mal composés. Faites faire des instances pour que les besoins de l'amiral Ver Huell soient le plus promptement satisfaits. Demandez aussi que l'expédition du Texel soit augmentée de deux vaisseaux, et qu'il y en ait sept au lieu de cinq. Les deux vaisseaux sont prêts à Amsterdam; il n'y a d'objections que pour les matelots, et il y en a tant en Batavie !

Présentez-moi des projets de réponse aux différents princes qui m'ont écrit et dont je vous renvoie les lettres.

Vous n'êtes pas assez sévère pour Hambourg. Si elle continue à être l'entrepôt de tous les mauvais libelles qui se répandent en Allemagne, mon intention bien formelle est de la laisser prendre à une puissance continentale qui y fera la police contre les Anglais.

Écrivez au général Vial que je verrai avec plaisir que la troisième demi-brigade helvétique passe au service de la République italienne.

Les dernières nouvelles de Vienne, si elles ne masquent pas un dessein de gagner du temps et de laisser passer l'automne, font pitié. Non-seulement je suis bien aise que le roi de Hongrie change son titre de roi en celui d'empereur, mais je verrais sans peine le titre de roi disparaître de l'Europe. Vous sentez l'espèce d'intérêt bien secondaire que je puis y mettre. Mais vous connaissez la fausseté de la cour de Vienne, et, si elle a le courage de tenter quelque chose, elle attendra l'hiver.

Nous sommes en septembre; il ne lui reste plus qu'un mois à gagner pour aller au mois de mai. Il y aurait, non point folie, mais impossibilité absolue à la Maison d'Autriche de lever l'étendard de la rébellion, seule, et même avec la Russie.


Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous donnerez l'ordre au maréchal Davout et au commissaire générai Petiet de faire distribuer une ration de vin par jour au lieu d'eau-de-vie aux troupes présentes au camp d'Ostende et ce jusqu'au 1er vendémiaire. Vous préviendrez le maréchal Davout que le vice-amiral Ver Huell reçoit l'ordre de faire partir le plus tôt possible pour Dunkerque les deux premières parties de la flottille batave. Les garnisons des divisions Oudinot et Friant continueront à rester sur les bâtiments où elles sont aujourd'hui, et le gros des divisions continuera à rester à Ostende, campé dans le même emplacement, jusqu'à nouvel ordre. Vous ordonnerez qu'on embarque à Ostende, sur chaque chaloupe et bateau canonnier, les munitions d'artillerie et les vivres que ces bâtiments doivent porter pour la descente, en supposant que ces objets soient à Ostende. S'ils n'y étaient pas, vous m'en rendriez compte, et je vous ferais connaître s'ils doivent être envoyés à Ostende ou au point d'embarquement. Écrivez dans ce sens au commandant de l'artillerie et au commissaire général Petiet. Prévenez le maréchal Davout que la flottille de corvettes de pêche reçoit l'ordre de se rendre à Calais, et que les détachements des garnisons resteront comme ils s'y trouvent, et jusqu'à ce que des ordres soient donnés pour les relever. Vous donnerez l'ordre à toute l'infanterie de la division italienne de se rendre à Calais.

La troisième partie de la flottille batave s'organisera le plus promptement possible à Ostende.


Pont-de-Briques , 20 août 1804

A Madame Caroline Bressieux

Madame, votre lettre m'a été fort agréable. Le souvenir de madame votre mère et le vôtre m'ont toujours intéressé. Je saisirai la première circonstance pour être utile à votre frère. Je vois, par votre lettre, que vous demeurez près de Lyon; j'ai donc des reproches à vous faire de ne pas y être venue pendant que j'y étais, car j'aurai toujours un grand plaisir à vous voir. Soyez persuadée du désir que j'ai de vous être agréable.


Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je désire que vous me fassiez connaître si un commandant d'armes nommé par un arrêté peut être déplacé et envoyé dans une autre place sur un simple ordre du ministre de la guerre. Cela n'a pas lieu pour un corps; un chef de bataillon nommé par un arrêté ne pourrait être envoyé dans un autre corps sans un nouvel arrêté. Faites-moi connaître pourquoi cette différence.


Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, vous donnerez l'ordre au vice-amiral Ver Huell de se rendre le plus tôt possible, avec les deux premières parties de la flottille batave, à Dunkerque. Il embarquera les biscuits et les munitions d'artillerie qui lui seront remis par le général Sorbier, commandant l'artillerie, et par le commissaire ordonnateur de l'armée du maréchal Davout, dans les proportions arrêtées par l'installation imprimée des chaloupes canonnières et des bateaux canonniers. Vous enverrez un de vos contre-amiraux qui sont à Boulogne, à Dunkerque, pour faire partir les corvettes de pêche qui s'y trouvent et les réunir à Calais, et pour accélérer le départ des deux chaloupes canonnières, de la prame et des autres objets destinés pour Boulogne.

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Vous ferez connaître à l'amiral Ver Huell qu'il doit promptement organiser la troisième partie et la réunir toute à Ostende.


Boulogne, 20 août 1804

A l'Impératrice

Madame et chère femme, je serai dans dix jours à Aix-la-Chapelle. De là, j'irai avec vous à Cologne, Coblentz, Mayence, Trèves, Luxembourg.

Vous pouvez m'y attendre, à moins que vous ne craigniez d'être fatiguée par une si longue route. Dans ce cas, vous pouvez partir et vous diriger sur Saint-Omer où je vous verrai, et de là vous irez à Paris.

Je vais cette nuit à Étaples où je resterai deux jours.

Ma santé est bonne.

Il me tarde de vous voir, de vous dire tout ce que vous m'inspirez et de vous couvrir de baisers. C'est une vilaine vie que celle de garçon, et rien ne vaut une femme bonne, belle et tendre.

Cent choses aimables au petit cousin et à la petite cousine.


Étaples, 21 août 1804

A M. Fouché, ministre de la police générale

On m'assure avoir vu passer Barras sur la route de Bruxelles à Paris. Je ne vois point d'inconvénient qu'il y reste quelques jours; mais je ne crois pas qu'il soit utile, pour ses propres intérêts, qu'il y séjourne.

On m'assure qu'il avait le projet d'aller dans le Midi; ce projet est fort bon.

Je coucherai cette nuit dans ma baraque d'Étaples. Je retournerai à Boulogne demain, et probablement j'irai à Saint-Omer, Arras, et, dans dix ou douze jours, à Aix-la-Chapelle, d'où je partirai pour les quatre départements du Rhin.

Je désire que vous me fassiez rédiger avec soin des notes sur les différentes dilapidations qui s'exercent. Vous savez l'importance que j'attache à être bien instruit sur ce point.

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Vous trouverez ici un étrange mémoire qui m'est envoyé par le maréchal Murat. A la simple lecture, il sera facile à la police d'avoir des renseignements sur quelques-uns des individus dont il y est question. Toutefois, au milieu de ce bavardage, il est possible que cela mène à quelque chose.


Étaples, 21 août 1804

Au maréchal Murat

Monsieur mon Beau-Frère et Cousin, du moment que la place des droits réunis de Cahors sera vacante, j'y nommerai M. Lafond de Mongesty; mais il faut que sa vacance me vienne annoncée par le ministre. J'ai envoyé la note que vous a remise M. Delille, à Fouché.

Je suis aujourd'hui dans ma baraque d'Étaples.

Il me paraîtrait peu convenable que les officiers de la garnison de Paris payent la fête qui a été donnée. Faites-moi connaître la retenue qu'on doit leur faire pour cet objet.


Étaples, 22 août 1804

Au maréchal Berthier

L'Empereur me charge, Monsieur, de vous renvoyer la pièce ci-jointe et de vous faire connaître qu'il désire que vous accordiez la permission demandée, et que vous écriviez à M. Fox, par la poste de Hambourg, qu'à sa considération il a permis à son recommandé (On lit en marge : M. Phillips, qui demande la permission de passeren Angleterre pour y transporter les restes du marquis Tweedale, mort à Verdun.) de passer en Angleterre pour revenir ensuite à Verdun; qu'il a voulu en cela donner à M. Fox un témoignage de la considération qu'il porte à ses hauts talents.


Pont-de-Briques, 23 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis revenu hier soir à Boulogne. Prenez des renseignements indirects, et faites-moi connaître ce que vous pensez de la manière d'agir du nouveau service du trésor, et quelle influence il peut avoir sur la baisse de nos effets publics.


Pont-de-Briques, 23 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, d'après le rapport que vous me remettez sur l'affaire de Nevers, elle ne ressemble en rien à celle de votre dernier bulletin. C'est une affaire de rien et à laquelle je ne prends aucun intérêt. Il m'importe fort peu que M. Chevalier ait sifflé, ou non, ces vers :

Je ne serai jamais dur, insolent ni fier,
Et me rappellerai ce que j'étais hier

Je désire cependant que vous remontiez à l'origine de cet article du bulletin, et que vous sachiez d'où celui qui le rédige l'a tiré et a pris qu'on avait prononcé le nom de l'Empereur, etc. Si je commence à lire les bulletins de la police comme je lis ceux de la place de Paris, auxquels je n'ajoute aucune foi, il en résultera pour moi un grand inconvénient, car cette manière d'être instruit m'est très-commode. Les bulletins sont signés par vous, et vous devez savoir d'où les articles en sont tirés. Écrivez aussi au fonctionnaire public qui a donné ces renseignements pour lui en demander la source Quant au préfet de la Nièvre, il paraît que c'est un homme léger. Il s'imagine faire une très-belle chose en taxant une grande partie des habitants de son département du nom de bourbonniens; ces termes ne valent rien; c'est faire un très-grand honneur aux Bourbons. Je suis extrêmement persuadé qu'il n'y a pas dans la Nièvre trois familles qui s'intéressent aux Bourbons et qui en aient reçu des bienfaits; mais il est tout simple qu'il y ait des mécontents qui ont perdu des biens, des charges, etc. Ne permettez pas qu'on se serve du nom de bourbonnien; exigez qu'on s'explique. Il ne faudrait que quelque hommes légers, comme le préfet de la Nièvre pour recréer à ce misérables Bourbons une immense existence en Europe. Ce n'est pas la première fois que cela arrive à ce préfet; je lui ai fait demander des détails et des noms, et il les a toujours éludés.

Mettez M. de Steube en surveillance, et faites-moi connaître quelles sont les personnes qu'il voit habituellement, et quelle est sa manière de vivre.

Les rapports des adjudants de place de Paris parlent d'une nouvelle administration des jeux; je vous prie de me faire connaître ce qu'il en est.

Je désire avoir quelques détails sur le produit de la récolte dans les trois contrées qui approvisionnent Paris. Faites connaître dans Paris que l'exportation des blés est arrêtée. J'ai effectivement ordonné au ministre de l'intérieur de prescrire cette défense par une circulaire.


Pont-de-Briques, 24 août 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, Ministre de l'intérieur par intérim, vous devez avoir aujourd'hui le montant des votes pour l'hérédité. Joignez-y ceux des armées et de la marine, et faites-moi connaître le résultat total; il doit être de plus de trois millions de votes.


Pont-de-Briques, 24 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, il est impossible de se comporter plus mal que ne l'a fait M. Pichon dans ces dernières affaires de Saint-Domingue. Il a fourni aux Américains des pièces contre nous. Il s'est conduit comme un agent de l'Amérique, et non comme un agent français.

Je vous renvoie la correspondance de quelques jours.

Je vois de grandes discussions en Amérique, où les Américains paraissent avoir des torts, puisque nous sommes maîtres de leur interdire le commerce de Saint-Domingue, dont la souveraineté ne peut nous être contestée.

Il faut recueillir avec soin tout ce qui est relatif à cette affaire du comte de Lille, afin qu'on puisse, selon les circonstances, s'en servir.

Donnez ordre à M. Caillard, mon chargé d'affaires à Stockholm, de revenir à Paris. Il prétextera sa santé, qui exige son retour en France. Il emportera avec lui tous les papiers de la légation. Il aura soin, du reste, de ne se permettre aucun propos; il partira vingt-quatre heures après avoir reçu votre ordre; et, s'il se trouve interrogé par qui que ce soit, il doit dire toujours, même confidentiellement, qu'il avait depuis longtemps demandé un congé qu'il vient d'obtenir, pour profiter de l'absence du roi.

Faites demander à M. de Beuzel l'arrestation du père Morus à Ratisbonne; écrivez dans ce sens à Bacher.


Pont-de-Briques, 24 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie le projet de lettre à M. de Gravina, qui remplit mes intentions. Je désire qu'elle ne soit remise que trois jours après M. de Cobenzl aura reçu ses lettres de créance, et que l'annonce aura été dans les journaux. Ayez soin que votre lettre porte la date du jour où vous la remettrez.


Pont-de-Briques, 24 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, vous trouverez ci-joint la note telle qu'elle doit être envoyée à M. d'Oubril. Il vous demandera sans doute une entrevue; vous la lui accorderez, mais vous ne lui donnerez aucune explication atténuante. S'il demande ses passe-ports, vous les lui donnerez, et, après avoir donnés, vous lui ferez connaître qu'il quitte Paris sans délai, mais qu'il ne dépasse pas les frontières de France que mon chargé d'affaires n'ait dépassé les frontières de Russie.

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NOTE

Le soussigné, Ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de S.M. l'Empereur la note du 2 thermidor de M. d'Oubril, chargé d'affaires de Russie.

Le soussigné a reçu l'ordre de déclarer que, toutes les fois que la cour de Russie remplira les articles de son traité avec la France, la France sera prête à l'exécuter avec la même fidélité, car la Russie pense sans doute que les traités lient également les deux parties contractantes.

Si le cabinet de Pétersbourg croit avoir quelques réclamations à faire en vertu des articles 4, 5 et 6 de la convention secrète du 18 vendémiaire an X, la France réclame l'exécution de l'article 3 du traité patent, qui s'exprime en ces termes :

"Les deux parties contractantes voulant, autant qu'il est en leur pouvoir, contribuer à la tranquillité des deux Gouvernements respectifs, se promettent de ne pas souffrir que leurs sujets respectifs entretiennent des correspondances, soit directes, soit indirectes, avec les ennemis des deux États, y propagent des principes contraires à leurs constitutions respectives, ou y fomentent des troubles : et, par une suite de ce concert, tout sujet de l'une des deux puissances qui, en séjournant dans les États de l'autre, attenterait à sa sûreté, serait éloigné de ce pays et transporté, aux frontières sans pouvoir, en aucun cas, réclamer la protection de son gouvernement."

Cet article, rédigé avec autant de précision que de sagesse, décèle les dispositions vraiment amicales dans lesquelles étaient les deux puissances lors de ce traité.

La France n'avait donc pas lieu de s'attendre à voir la Russie accorder sa protection à des émigrés français , et les mettre en mesure, en les accréditant auprès de puissances voisines de la France, de se livrer à leurs dispositions haineuses contre la patrie. La France n'avait pas lieu de s'attendre à la conduite de M. de Markof, ministre de Russie en France, véritable auteur de la désunion et du refroidissement existant entre les deux États. Pendant son séjour à Paris, il s'est constamment étudié à encourager toutes les espèces d'intrigues qui pouvaient exister contre la tranquillité publique, et il a même poussé la déraison jusqu'à placer sous le droit des gens, par des notes officielles , des émigrés français et autres agents à la solde de l'Angleterre.

La France n'avait pas lieu de s'attendre, que l'on s'étudierait en Russie à renvoyer en mission à Paris des officiers qui auraient déjà excité des plaintes assez fortes pour avoir été portées à la connaissance de leur gouvernement : conduite étrange, d'après ce que se doivent tous les gouvernements, mais encore contraire à l'article ci-dessus cité.

Enfin le deuil que la cour de Russie vient de porter pour un homme que les tribunaux de France ont condamné pour avoir tramé contre la sûreté du Gouvernement français est-il bien conforme à la lettre et à l'esprit de cet article ?

Le Gouvernement français réclame l'exécution de l'article 9 de la convention secrète, dans lequel il est dit : "Les deux parties contractantes reconnaissent et garantissent l'indépendance et la constitution des sept îles ci-devant vénitiennes, et il est convenu qu'il n'y aura plus dans ces îles de troupes étrangères."

Article évidemment violé par la Russie, parce qu'elle a continué à tenir des troupes dans les sept îles, que depuis elle les a renforcées avec ostentation, et qu'elle a changé le gouvernement de ce pays sans aucun concert.

Enfin la France réclame l'exécution de l'article 11 de la même convention, dont l'application évidente aurait été que, au lieu de se montrer si partiale pour l'Angleterre et de devenir peut-être le premier auxiliaire de son ambition, la Russie se fût unie à la France pour consolider la paix générale, pour rétablir un juste équilibre dans les différentes parties du monde, pour assurer la liberté des mers; ce sont les propres termes de l'article.

Telle devait être sans doute la conduite des deux puissances par rapport aux traités qui les lient; mais le cabinet de Russie voudrait que la France s'astreignît à remplir les stipulations qui sont à sa charge, sans lui assurer l'exécution de celles qui sont à son avantage. Ce serait agir comme un vainqueur le fait à l'égard d'un vaincu: ce serait supposer que la France peut être jamais intimidée par des menaces, ou dans le cas de reconnaître la supériorité de quelque puissance, que ce fût. Mais l'histoire des années qui ont précédé la paix faite avec la Russie démontre avec évidence que cette puissance pas plus qu'aucune autre, n'a le droit de prendre un ton exigeant avec la France. L'Empereur des Français veut la paix du continent; il a fait toutes les avances pour la rétablir avec la Russie; il n'a rien épargné pour la maintenir, mais, avec l'aide de Dieu et de ses armées, il n'est pas dans le cas de craindre personne.


Pont-de-Briques, 25 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie votre portefeuille. C'est actuellement la cour de Vienne qui a besoin de ma reconnaissance, puisqu'il est bien probable qu'elle éprouvera des difficultés dans toute l'Europe. La vanité de la Russie sera blessée, celle de la Prusse encore davantage. Mon intention est de ne céder aucune espèce de terrain à l'empereur d'Allemagne. Je le reconnaîtrai comme empereur d'Autriche, mais il a toujours été entendu qu'il me reconnaîtrait d'abord. Aix-la-Chapelle est l'endroit le plus convenable où puisse venir M. de Cobenzl. Quant à l'étiquette, je céderai à l'empereur d'Autriche, et l'empereur d'Autriche me cédera. Cela a été l'usage de tous les temps ; il serait ridicule que, pour être moitié plus forte, la France perdît de ses prérogatives. Il y aurait cependant un mezzo termine qui conviendrait assez : ce serait de déclarer l'égalité de tous les empereurs; celui d'Allemagne perdrait son rang, mais celui d'Autriche gagnerait l'égalité. J'ai vu avec plaisir l'usage que M. de Cobenzl a fait de la lettre du comte de Lille; mais il faut que l'Autriche fasse plus, qu'elle chasse l'ancien évêque de Nancy, M. de la Fare, qui , avec trois ou quatre commis mourant de faim, forme une espèce de légation à Vienne, que la Cour ne connaît probablement pas, mais qui ne peut être ignorée de la police. Si elle envoie M. de la Fare en Hongrie ou, dans tous les cas, à quarante lieues de Vienne, ce sera une chose agréable.


Pont-de-Briques, 25 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je désire que vous soyez à Aix-la-Chapelle le 12 de ce mois. L'itinéraire de ma route est Aix, Cologne, Bonn, Coblenz, Mayence et Trèves. Je ne compte point aller à Strasbourg. Les ministres, résidents ou chargés d'affaires de Hesse-Cassel, Bade et Francfort, se rendront à Aix-la-Chapelle ou à Mayence. Je désirerais aussi que M. Schimmelpenninck, qui est en Hollande, pût venir à Aix-la-Chapelle, ainsi que Semonville.

Vous enverrez les lettres de récréance à Champagny par un courrier extraordinaire. Vous lui écrirez de partir sur-le-champ, les affaires de son ministère exigeant sa présence. Si, comme tout me le fait penser, les lettres de créance de M. de Cobenzl sont expédiées pour Paris, il annoncera que je nommerai sous huit ou dix jours mon ambassadeur. Il accréditera en partant un chargé d'affaires, et il justifiera son départ avant l'arrivée de son successeur, par la nécessité de ne pas laisser dégrader les affaires de son ministère par un intérim prolongé. Il s'arrêtera à Ratisbonne pour s'il s'y trouve, et à Munich pour voir l'Électeur. Il se rendra ensuite Mayence, où je serai probablement alors, et où se prêtera son serment. Il partira de là pour aller prendre son portefeuille.

Mon intention est qu'il ne soit fait aucun mystère à la Prusse des dernières dépêches de Champagny relativement à l'érection de la Maison d'Autriche en Maison impériale héréditaire.

Vous verrez par les pièces ci-jointes que l'on achète toujours des armes à Wesel; portez-en plainte à M. Lucchesini.


Pont-de-Briques, 25 août 1804

A M. Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d'honneur

La situation actuelle des Finances de la légion ne permettra pas de dépenser, cette année, 400,000 francs à l'hôtel de Salm. Je vous renvoie le devis des dépenses, qui sont ajournées à l'année prochaine. La Légion est obligée de payer, cette année, le montant de l'acquisition de l'hôtel. La dépense des réparations à faire étant répartie sur trois années, on jouira de cet établissement avant quatre ans. Il convient sans doute que la Légion d'honneur ait un aussi beau monument, mais il n'est possible de parvenir à le terminer qu'avec le temps. La situation des dépenses de l'État ne permet pas au ministre des finances de vous donner les trois millions pour l'an XI; il faut donc, pour le moment, se restreindre.


Boulogne, 25 août 1804

A l'Impératrice

Madame et chère femme, votre lettre du 5 fructidor (23 août) m'a trouvé à Boulogne. Demain, je serai à Saint-Omer. Le dix (28 août), je serai à Arras, le 12 (30 août) à Mons et le 13 ou 14 (1er septembre) à Aix-la-Chapelle.

Comme il serait possible que j'arrivasse de nuit, gare aux amoureux. Je serai fâché si cela les dérange. Mais l'on prend son bien partout où il se trouve.

Ma santé est bonne. Je travaille assez. Mais je suis trop sage. Cela me fait du mal. Il me tarde donc de vous voir et vous dire mille choses aimables.

Eugène fait la cour à toutes les femmes de Boulogne et ne s'en porte que mieux.


Pont-de-Briques, 26 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il sera fourni cette année cent élèves on pensionnaires de l'école militaire de Fontainebleau, destinés à remplir les places de sous-lieutenants dans l'infanterie et la cavalerie. Ils doivent être âgés de plus de dix-neuf ans, être de la taille de plus de cinq pieds un pouce, savoir parfaitement toutes les manœuvres d'artillerie et d'infanterie. Ces élèves me seront présentés à la première parade que je passerai à la fin de fructidor ou au commencement de vendémiaire; ils défileront devant moi, et je les verrai l'un après l'autre.

Vous préviendrez le gouverneur que je leur ferai commander l'exercice.

Les prytanées de Paris et de Saint-Cyr fourniront, cette année, deux cents jeunes gens qui seront envoyés dans les corps comme caporaux, fourriers ou même sergents-majors. On en enverra de préférence dans les corps qui ont fait le plus de pertes. Ils devront savoir parfaitement l'exercice de l'infanterie, avoir plus de cinq pieds, être âgés de plus de dix-sept ans. Ils me seront également présentés et défileront à la parade que je passerai en fructidor ou en vendémiaire.

Vous me ferez un rapport sur le nombre de jeunes gens qui devront sortir de l'École polytechnique, et sur les places qu'on devrait leur donner, mon intention étant de les utiliser pour l'armée. Vous me présenterez, avant le 15 fructidor, le travail des jeunes gens choisis dans l'École militaire de Fontainebleau et dans les prytanées de Paris et de Saint-Cyr, et celui des corps où on peut les placer. Il me paraîtrait convenable d'en mettre dans les corps revenant d'Égypte et dans ceux ruinés par la campagne de l'an VII. L'avancement y est rapide, et ces corps manquent de sujets pour faire des officiers et des sous-officiers.

Vous ferez faire à Fontainebleau et dans les prytanées de Saint-Cyr et Paris un état à part de tous les jeunes gens qui auraient vingt ans et n'auraient pas plus de cinq pieds; ils seront destinés pour les voltigeurs.


A la baraque de la Tour d'Ordre, au camp près Boulogne, 27 août 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

L'Empereur fait connaître au ministre du trésor public que la solde de l'armée ne doit pas excéder quatre-vingt-seize millions pour l'année entière; il le charge de vérifier, par approximation, les payements faits. A cet effet, il prendra la dernière revue de messidor, et il en fera établir le décompte par corps et par régiment. Il aura soin de soustraire les corps qui sont dans le Hanovre, dans la Batavie, dans 1'Étrurie, dans les colonies, et ceux qui sont embarqués sur les vaisseaux de guerre. Comme il a été dépensé cent dix-neuf millions pour onze mois, cette dépense suppose environ 10,820,000 francs par mois, et pour l'année cent trente millions. Rechercher si cela ne vient pas de ce que l'on comprend dans cette somme le pain blanc qui se paye comme solde; s'il n'en est pas de même des dépenses des officiers de santé et des masses d'entretien payées par l'administration de la guerre. Dans ce cas, il faudrait déduire ces diverses dépense pour avoir avec précision la somme que coûte réellement la solde.


À la baraque de la Tour d'ordre, 27 août 1804

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, vous trouverez ci-joint la manière dont je pense qu'il faudrait s'expliquer avec l'Autriche. Ce qu'elle veut n'est pas clair; si elle est raisonnable, ce qui est dit dans la note doit lui convenir. Je vous ai déjà écrit que je vous verrai à Aix-la-Chapelle, et que j'y recevrai de Cobenzl. Rien n'empêche M. de Gallo de s'y rendre.

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PROJET DE RÉPONSE AU COMTE DE COBENZL

Monsieur le Comte, je me suis empressé de mettre sous les yeux de Sa Majesté Impériale la lettre que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'écrire le 24 courant et les pièces qui y étaient jointes. J'ai pris soin pareillement de rendre compte à Sa Majesté Impériale de la conférence que j'ai eue samedi dernier avec Votre Excellence, Sa Majesté l'Empereur a appris avec satisfaction la proclamation du chef de la Maison d'Autriche à la dignité impériale héréditaire d'Autriche. Il m'a chargé de vous faire connaître les ordres qu'il a donnés pour que des lettres de créance soient expédiées sur-le-champ M. de Champagny, où S. M. l'empereur d'Allemagne sera reconnu comme empereur héréditaire d'Autriche. Quant au cérémonial d'étiquette, Sa Majesté Impériale m'a chargé de vous faire connaître qu'il pense que les trois empereurs d'Allemagne, de France et d'Autriche doivent conserver entre eux les mêmes rapports et le même cérémonial qui était établi entre l'empereur d'Allemagne, le roi France et le roi de Bohême et de Hongrie, archiduc d'Autriche. Je profite de cette occasion, Monsieur le Comte, pour vous assurer du désir constant de Sa Majesté l'Empereur de maintenir la bonne intelligence et de resserrer les liens entre les deux États.


Saint-Omer, 28 août 1804

A M. Fouché, ministre de la police générale

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, les notes que vous m'avez remises sur l'impuissance de la Russie sont faites par un homme de beaucoup d'esprit. Vous pensez bien qu'elles ne m'ont appris rien de nouveau; mais j'y ai remarqué une chose que je trouve rarement dans ces sortes d'écrits, c'est qu'il n'y a pas un mot que je désavoue, et quelles sont écrites avec beaucoup de facilité. Faites-m'en connaître l'auteur. Je vous renvoie les notes, pour que vous les fassiez imprimer dans un journal comme traduites d'un journal anglais. Vous en choisirez un dont le nom soit peu connu. Il n'y aura qu'à y ajouter, pour les rendre plus présumables, une seule phrase pour l'Angleterre, à l'endroit où il est question des relations extérieures de la France.


Saint-Omer, 28 août 1804

A M. Marescalchi

Monsieur Marescalchi, j'ai reçu la lettre du vice-président. Je n'y réponds pas, parce que je pense qu'elle est écrite sans réflexion. Elle me donnerait une bien mauvaise opinion de la patrie italienne et de la Lombardie en particulier, si j'en pouvais penser qu'elle désirât retourner à l'Autriche par la seule raison qu'elle payait moins. Melzi avait une attaque de goutte lorsqu'il écrivait cela, et c'est mal connaître le genre humain et l'esprit des nations, même les plus dépravées et les plus lâches, que de croire qu'elles puissent considérer leur existence politique d'après le plus au moins de charges.


Saint-Omer, 28 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous avais déjà fait connaître que je désirais que l'Électeur de Bade chassât le directeur des postes de Kehl, qui est un coquin, le tint éloigné et le remplaçât par un honnête homme qui n'entrât dans aucun complot contre la France. Cet homme est toujours en place.


Saint-Omer, 28 août 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, il me semble qu'il n'y a pas un moment à perdre pour envoyer un amiral commandant l'escadre de Toulon. Elle ne peut être plus mal qu'elle n'est aujourd'hui entre les mains de Dumanoir, qui n'est ni capable de maintenir la discipline dans une aussi grande escadre, ni de la faire agir. Il me parait que, pour commander cette escadre, il n'y a que trois hommes : Bruix, Villeneuve et Rosily (François-Étienne, comte de Rosily-Mesros, 1748-1832, vice-amiral depuis septembre 1796. En septembre 1805, il commandera la flotte combinée franco-espagnole dont il ralliera les débris après Trafalgar). Pour Rosily, je lui crois de la bonne volonté, mais il n'a rien fait depuis quinze ans, et j'ignore s'il a été bon marin et les commandements qu'il a eus. Toutefois il y a une chose très-urgente, c'est de prendre un parti sur cela. Il y a encore des matelots en France. Le général Davout m'a assuré que, si on lui donnait l'autorisation nécessaire, sans que les syndics ni personne en fût instruit il pourrait enlever 800 hommes; ce serait une chose assez importante. Écrivez dans ce sens à ce général. Il y en a encore sur les côtes de Normandie et de Bretagne. Il faut une mesure extraordinaire. Il serait aussi bien important que l'Algésiras fût prêt à Rochefort avant l'équinoxe.


Saint-Omer, 29 août 1804

DÉCISION

Réclamation du cardinal-légat au sujet d'une lettre du magistrat de sûreté de Moulins, traitant des questions relatives à l'intervention du clergé dans les obsèques religieuses.

Le ministre des cultes écrira au Cardinal-légat pour le rassurer et au magistrat de sûreté de Moulins pour lui dire que son ministère se borne à constater les plaintes et à les adresser au Gouvernement et qu'il ne doit en aucune manière se permettre de décider sur des points de doctrine.


Arras, 30 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis à Arras; je suis satisfait de l'esprit de ce département.

Il faudrait s'occuper de faire payer par les diligences et autres voitures publiques le million que nous coûte l'entretien des postes; ce million est un fardeau bien lourd pour le trésor et est insuffisant pour maintenir les postes.

Le tribunal de cassation coûte un million : je voudrais que, par un droit mis sur les produits de ce tribunal, on gagnât ce million. Enfin je voudrais que, par une loi particulière et qui précéderait les codes civil et judiciaire, on diminuât de trois millions les frais de justice ; tous les juges disent que cela est très-facile. Ces cinq millions seraient une grande charge ôtée au trésor public.

Il est aussi une chose que réclament tous les départements : c'est l'abolition du droit de passe. Tous sont d'accord que, par une imposition sur les chevaux et sur les bestiaux, on obtiendrait le même produit, en déchargeant la nation d'un impôt vexatoire, qui lui coûte la moitié plus qu'il ne rend.

Je vous charge de faire les projets de ces nouvelles dispositions et vous autorise à tenir les conseils nécessaires. Pour les trois premières, elles sont indispensables et instantes ; quelques principes que l'on mette en avant, il est impossible au trésor de payer, et les postes ne peuvent rester dans l'état où elles sont. Il y a plus d'une rixe de poissardes qui coûte plus de cinquante écus, et il estdes procès qui se termineraient à la satisfaction des parties, si j'autorisais les juges à payer en indemnité ce que coûte la procédure. Rendez-moi compte de ces différents projets, dont je conçois toute la gravité.


Camp d'Arras, 30 août 1804

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, en reconnaissant ma Maison comme impériale héréditaire de France, la Maison d'Autriche a voulu, à son tour, être reconnue pour Maison impériale d'Autriche. Cette circonstance m'a fait naître le besoin d'exprimer à Votre Majesté combien le procédé de la Prusse a plus de prix à mes yeux, et j'ai voulu lui exprimer directement, par l'organe de M. d'Arberg, auditeur en mon Conseil d'État, la ferme intention où je suis de contribuer, en tout ce qui m'appartient, à l'éclat de sa couronne, ainsi que le désir constant que j'ai de lui être agréable.


Arras, 31 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, je vois, par votre bulletin du 9, que vous avez renvoyé à la surveillance inaperçue la surveillance des amnistiés. Cette surveillance inaperçue est un mot dont je n'ai jamais vu les effets. Je désire connaître la liste de tous les individus amnistiés qui ont signé chez le préfet de police, et qu'on éloigne de Paris les plus dangereux. Mon intention est qu'aucun amnistié de la guerre de la Vendée n'ait permission de rester à Paris, et qu'ils en soient éloignés de plus de quarante lieues, ainsi que du théâtre de la chouannerie. Je ne pense pas que le grand juge ait soumis les émigrés à une surveillance particulière; cet ordre avait été restreint aux seuls individus ayant pris part à la guerre civile; on les avait soumis à une surveillance provisoire pour avoir leurs noms et leur demeure, pour les éloigner ensuite de Paris. Tenez la main à ce que d'Avaray, Septeuil, Bouthilliers, un comte de Laval, ne demeurent point à Paris et établissent décidément leur séjour à quarante lieues de Paris.

Quant à votre surveillance inaperçue, j'ai trop d'expérience pour en faire grand cas. Donnez ordre que le prêtre de Bouillé, dont il est question dans votre rapport, ainsi que le nommé Davonay et le chef de chouans, soient arrêtés et mis en lieu de sûreté. Demandez un rapport sur eux, afin de voir quel parti il y a à prendre. Il est urgent enfin d'établir des prisons d'État pour les chouans ou autres individus qu'on arrête. Occupez-vous de cela, afin qu'on ne soit plus exposé à voir des hommes comme Bourmont, d'Andigné, Saint-Maur, se sauver des prisons mal organisées où ils sont placés. Faites arrêter Teissonnet, ancien agent du prince de Condé. Faites éloigner de quarante lieues de Rennes la mère et la tante de Lahaye Saint-Hilaire; envoyez-les dans une petite commune de Bourgogne, et faites-leur sentir, par le canal des administrations, que, dans tout autre gouvernement, par les seules liaisons quelles conservent avec Lahaye Saint-Hilaire, elles seraient mises en arrestation. Les légions d'Enghien et de Royal-Bourbon, qu'on suppose se former en Russie, sont des contes; il ne peut donc y avoir personne qui sorte de France pour cet objet. Des hommes comme Beaulieu, d'Orly et Lapointe ne doivent point être soufferts à Paris. Si on veut les garder en France, il faut les éloigner à quarante lieues de la capitale. Le seul moyen de conserver la tranquillité et un bon esprit dans Paris est de n'y souffrir des hommes d'aucun parti.

On dit qu'un certain nombre de terroristes vivent à Paris, y font du mal, et sont pour beaucoup dans les bavardages insignifiants de la capitale. Renvoyez-les chez eux. Ce détestable journal le Ciloyen français paraît ne vouloir se vautrer que dans le sang. Voilà huit jours de suite qu'il ne nous entretient que de la Saint-Barthélemy. Quel est donc le rédacteur de ce journal ? Avec quelle jouissance ce misérable savoure les crimes et les malheurs de nos pères ! Mon intention est qu'on y mette un terme. Faites changer le directeur de ce journal, ou supprimez-le, et, sous quelque prétexte que ce soit, défendez qu'on emploie ce style dégoûtant et bas des temps de la Terreur, qui avait au moins un but, celui de déprécier les institutions existantes. Que, sous aucun prétexte, il ne se mêle de religion, et ne fasse plus d'article Chronologie. Que faites-vous d'hommes comme Gourlet à Paris ? Beaucoup de gens de cette trempe y sont, et je commence à être convaincu que ce grand tapage de bruits vient un peu du parti terroriste.


Mons, 31 août 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, la loi sur les monnaies a passé au Conseil d'État. Je l'ai retardée pendant deux mois, et j'ai cédé, en la signant, aux sollicitations du ministre des finances. Je couche ce soir à Mons; je serai probablement dimanche à Aix-la-Chapelle.

Faites dire à M. Lagarde, qui a acheté la cathédrale d'Arras, d'en niveler les débris, puisque c'est une des clauses de son marché. Ces ruines, qu'on laisse sur pied, sont révoltantes. Je désirerais que vous présentassiez au Conseil d'État un projet de loi qui obligerait tous les individus qui ont acquis des édifices nationaux, ecclésiastiques ou autres, dans l'enceinte des villes et à deux lieues aux environs, à en avoir démoli les débris avant le ler vendémiaire an XIV, de manière à faire disparaître les regrets qu'excite dans les villes la perte de ces monuments. Si, au 1er vendémiaire an XIV, ces démolitions n'étaient pas faites, les préfets et les chefs d'administration les feraient faire aux frais des propriétaires. On a l'air, en traversant la France, de traverser des villes qui ont été bombardées. Ces messieurs ont acheté pour rien, ont vendu le plomb, etc., et laissent le reste sur pied.

Je désire que M. Bigot-Préameneu se rende sans délai à Aix-la-Chapelle avec tout le travail qu'il peut avoir sur les biens de la rive gauche du Rhin. S'il y avait empêchement par cause de maladie ou par toute autre cause, vous donneriez le même ordre à un des conseillers d'État qui étaient de la même commission.


Mons, 31 août 1804

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, Ministre des finances, je désire que l'administrateur de l'enregistrement que j'ai, l'année passée, envoyé dans les quatre départements réunis, pour y faire un travail sur les bien de la rive gauche, se rende sans délai à Aix-la-Chapelle avec ce travail. Je fais donner le même ordre à M. Bigot-Préameneu. Remettez lui les décrets à signer en conséquence du travail général sur cette matière. Voyez M. Bigot-Préameneu avant qu'il parte, afin que, s'il juge la présence de Mathieu utile, il le fasse partir avec lui pour Aix-la-Chapelle.