Avril 1804


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Régnier

Je vous envoie, Citoyen Ministre, l'état des employés aux postes des frontières du Rhin. D'après ce que vous m'avez dit, il paraît qu'ils ont été travaillés. Il est donc convenable que vous fassiez prendre les informations nécessaires pour avoir des renseignements exacts sur ceux dont la conduite et la moralité ne seraient pas à l'abri de tout soupçon.


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Régnier

Je vous envoie des lettres du commissaire de police de Bordeaux. C'est la seconde fois que ce commissaire m'adresse directement des rapports; je ne sais pourquoi. Faites-lui connaître qu'il faut qu'ils soient directement envoyés au ministre. Faites-lui connaître également que ce ne serait que dans le cas qu'il aurait à faire des plaintes contre le ministre qu'il pourrait s'adresser directement à moi.


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Régnier

Je vois, Citoyen Ministre, dans le bulletin de police du 13 germinal (3 avril), l'arrestation de Fenouillot. Si c'est celui dont il est question dans le mémoire de Montgaillard comme compromis dans la trahison de Pichegru de l'an V, il faut le faire venir à Paris.

Le frère Dubrieux, qui a été arrêté le 8 de ce mois, est évidemment un homme de la bande de Georges. Il faut le joindre au procès. Les nommés Fagedel et Heliot, venant de l'étranger après plusieurs années d'absence, paraissent en règle; mais il faut savoir si la qualité de négociants qu'ils prennent est réelle. Il faut pour cela écrire à Cahors. Si c'était un émigré, n'importe de quelle époque, il faudrait le retenir en prison.


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Régnier

Mon intention, Citoyen Ministre, est que les 11,000 francs qui ont été trouvés sur Saint-Vincent et sur son frère Armand Gaillard soient, immédiatement après le procès, remis à la municipalité de Mériel, pour être employés à des travaux publics le plus avantageux à ladite commune.

Vous ferez remettre 12,000 francs au général Moncey pour l'individu de la gendarmerie qui a fait découvrir et prendre Charles d'Hozier, conformément à la promesse que j'avais autorisé le premier inspecteur à faire dans l'ordre du jour de la gendarmerie.

Vous me présenterez un rapport qui me fisse connaître celui qui a fait découvrir Georges, afin de lui faire remettre les 48,000 francs qui ont été promis à celui qui le ferait arrêter.

Tout ce qui aura été trouvé sur Tamerlan sera remis, immédiatement après le procès, aux gendarmes d'élite et de département qui ont concouru à l'arrestation de Tamerlan, Saint-Vincent et Gaillard.

Vous me ferez également un rapport qui me fasse connaître le montant de toutes les sommes saisies sur les brigands, et vous m'en présenterez un projet de distribution, soit entre les agents de la police, soit entre les gendarmes qui ont contribué à leur arrestation. Les 100,000 francs donnés pour l'arrestation de Pichegru et les 48,000 francs donnés pour l'arrestation de Georges ne doivent point être compris dans ces sommes.


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Chaptal

Mon intention, Citoyen Ministre, est que, dimanche prochain, vous me présentiez le sous-préfet de Pontoise et les municipalités de Mériel, Frépillon et Villiers-Adam, ainsi que le nommé Étienne Cousin, vigneron, et ceux qui ont le plus contribué à l'arrestation des brigands Saint-Vincent et Armand Gaillard.

Vous ordonnerez au maire de Mériel de réunir le conseil municipal pour délibérer sur l'emploi des 11,000 francs qui ont été trouvés sur les brigands, mon intention étant qu'ils servent à l'établissement d'un monument d'utilité publique pour la commune. À cette occasion, je désire que vous me fassiez connaître ce que je puis faire, soit pour les communes, soit pour les différents individus , voulant, dimanche, leur accorder des grâces. Quant à Étienne Cousin, qui a eu l'échalas coupé dans la main par un coup de pistolet, mon intention est de le faire admettre comme légionnaire dans la Légion d'honneur.


Paris, 4 avril 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Écrire au Préfet d'Ille-et-Vilaine que les réclamations qu'il a faites contre les arrestations ordonnées par le premier inspecteur général de gendarmerie nationale ne sont point fondées; qu'il est précisément de principe que les arrestations, dans certains cas que le préfet ne peut apprécier, doivent se faire sans le concours de l'autorité locale; que, si le citoyen Monnier avait eu une plus longue habitude de l'administration, il aurait remarqué que les tribunaux décernent les mandats d'arrêt et les font exécuter par la gendarmerie, sans que l'autorité locale, mais même le Gouvernement, en aient aucune connaissance.


Paris, 4 avril 1804

Au citoyen Talleyrand

Je lis dans les journaux, Citoyen Ministre, l'extrait d'une note de Champagny, où il est dit que la réussite du complot ne rétablissait que l'anarchie; ce qui sous-entend que, si elle avait pu rétablir les Bourbons, elle était légitime. Faites voir à la Gazette de France et dans les autres journaux, d'où ils ont tiré cette pièce; et si elle est véritablement de Champagny, rappelez-le aux principes et faites-lui sentir combien cela est absurde et indigne d'un homme de son rang
et de sa sagacité.


Paris, 4 avril 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE.

L'article 6 de l'arrêté du 30 nivôse au XII, concernant la formation de deux corps de vélites, établit que les vélites recevront la même solde que la Garde, avec cette différence, toutefois, que la pension  de 200 francs fournie par les parents de chaque vélite entrera dans la caisse du corps et viendra pour autant à la décharge du trésor public.

En conséquence, la solde desdits vélites doit être payée de la même manière que celle de la Garde, sauf la retenue que fera le trésor public du douzième de la pension de 200 francs par mois et pour chaque vélite présent au drapeau.


Paris, 4 avril 1804

DÉCISION

Le général Dessolle demande si l'on peut considérer comme de bonne prise les marchandises d'un bâtiment suédois appartenant à un Anglais et qui a été
forcé de relâcher à Cuxhaven.

Ce vaisseau sera considéré  comme de bonne prise.

 Paris, 5 avril 1804

A M. Edward Livingston

Monsieur Edward Livingston, Président de l'Académie des arts de New-York, j'ai appris avec intérêt, par votre lettre du 24 décembre 1803, la formation de la société littéraire de New-York; et, puisqu'il a été agréable à votre Académie que je sois un de ses membres faites-lui connaître que j'accepte avec plaisir et que je suis reconnaissant de la bonne opinion qu'elle veut bien avoir de moi.   


Paris, 5 avril 1804

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Vous recevrez, Citoyen Ministre, dans la journée de demain, un second rapport du grand juge sur la dernière lettre qu'on vient de recevoir de Drake et sur la mission d'un officier du 9e de ligne qui a eu de longues conférences avec Spencer Smith, lequel lui a remis 113,000 francs de lettres de change. Il est urgent que les deux lettres de Londres trouvées à Abbeville et que je vous ai envoyées, qui constatent que Spencer Smith devait avoir un abbé français pour
secrétaire, qu'il l'a effectivement à Stuttgart, et qu'il était là pour y remplacer Wickham, paraissent avec le rapport qui sera fait au nom du grand juge; faites-le rédiger. Il faudrait ensuite que vous ordonniez des démarches à Stuttgart, pour faire chasser Spencer Smith.


Paris, 5 avril 1804

Au général Berthier, ministre de la guerre

Vous demandez une gratification pour Lejeune, officier du génie(Louis-François, baron Lejeune, 1775-1848), auteur des batailles de Lodi et de Marengo. Je préférerais que ces batailles fussent gravées aux frais du Gouvernement et vendues à son compte.


Paris, 5 avril 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte que le 79e, par les incorporations qui doivent avoir lieu, aura un excédant de
292 hommes. Quelle sera la destination de cet excédant ?

Je n'ajoute pas grande foi à tous ces calculs. Quand les hommes seront arrivés, s'ils sont vraiment au-dessus du complet de corps, on m'en rendra compte, et il sera facile de voir alors ce qu'il y aura à faire.


Paris, 6 avril 1804

Au général Berthier

On tient trop de troupes, Citoyen Ministre, à Mantoue. La saison va devenir très-mauvaise. Il me semble qu'il suffirait d'y laisser un bataillon de troupes françaises avec le bataillon noir et des troupes italiennes.

Dans la mauvaise saison, il faut tenir peu de troupes à Legnago, où l'air est aussi très-malsain. Brescia, Vérone, Salo, Come, Bergame, Bologne, sont de véritables postes pour tenir des troupes.

Je désire que vous écriviez au général Saint-Cyr que, les deux bataillons liguriens n'étant qu'à 800 hommes, il en fasse former un seul bataillon. Les officiers du second bataillon seront envoyés à Gênes pour le compléter. Un bataillon ne peut être moins de 800 hommes.

Écrivez au général Marmont que je n'ai pas approuvé la manière dont on a placé, l'année dernière, les troupes dans la Batavie; on a détruit tous les corps par les maladies. Il faut que le général Marmnont place le plus de troupes bataves possible dans l'ile de Walcheren, et très-peu de Français.


Paris, 6 avril 1804

DÉCISION

Rapport du ministre de la guerre sur l'avis, donné par le général Dessolle, de l'établissement, à Warendorf, d'un
camp de revue d'environ 20,000 hommes, pour le 4 mai. 

Il faut répondre que je ne crois point à l'existence d'aucun camp de ce coté, parce que ce n'est point l'année; que, dans tous les cas, il faut se contenter de rendre compte de tous les mouvements que feront les Prussiens; qu'on ne peut être mieux que nous ne le sommes avec la Prusse, et qu'il faut témoigner d'autant moins de méfiance quelle n'en a pas témoigné du voisinage d'une armée de 30,000 hommes.


Paris, 6 avril 1804

A Pauline Borghèse

Madame et chère Sœur, j'ai appris avec peine que vous n'aviez pas le bon esprit de vous conformer aux mœurs et aux habitudes de la ville de Rome; que vous montriez du mépris aux habitants, et que sans cesse vous avez les yeux sur Paris. Quoique occupé de grandes affaires, j'ai cependant voulu vous faire connaître mes intentions, espérant que vous vous y conformerez.

Aimez votre mari et sa famille, soyez prévenante, accommodez-vous des mœurs de la ville de Rome, et mettez-vous bien dans la tête que, si à l'âge que vous avez vous vous laissez aller à de mauvais conseils, vous ne pouvez plus compter sur moi.

Quant à Paris, vous pouvez être certaine que vous n'y trouverez aucun appui, et que jamais je ne vous y recevrai qu'avec votre mari. Si vous vous brouillez avec lui, la faute serait à vous, et alors la France vous serait interdite. Vous perdriez votre bonheur et mon amitié.


Paris, 7 avril 1804

Au citoyen Régnier

Vous  trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, un rapport du citoyen Portalis, relatif à des mouvements que se sont donnés plusieurs prêtres rebelles au moment même où se tramait une conspiration contre nous; mais ces renseignements du citoyen Portalis sont bien loin d'être complets. Je sais que dans la Vendée il y a un certain nombre de prêtres qui ont refusé de reconnaître le concordat, et je me rappelle que l'évêque de la Rochelle en avait dénoncé neuf ou dix.

Dans le diocèse de Liége, il faut également prendre des renseignements et faire arrêter dix des principaux. Prenez aussi des mesures pour faire arrêter les prêtres qui sont portés dans les rapports du citoyen Portalis. Je veux bien encore être indulgent et consentir à ce que ces prêtres soient transportés à Rimini; mais je désire que vous me fassiez connaître la peine qu'encourt un prêtre en place qui se sépare de la communion de son évêque et qui abjure un serment prêté. Dieu le punira dans l'autre monde, mais César doit le punir aussi dans celui-ci.

Quand vous aurez recueilli tous les renseignements, faites dresser un état général de tous les prêtres qui, dans cette circonstance, se sont mal comportés.


Paris, 7 avril 1804

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous envoie votre correspondance de l'Inde. Il me paraît qu'il faut pourvoir à l'approvisionnement de l'île de France par le moyen de l'Amérique; rédigez en conséquence deux notes, qui seront envoyées au citoyen Talleyrand, l'une sur le cap de Bonne-Espérance, l'autre sur Batavia, soit pour des changements de garnisons, soit pour des augmentations de troupes, et pour démontrer la mauvaise situation de ces colonies. Enfin expédiez un ou deux millions de lettres de change sur Batavia ou sur le Rio de la Plata.


Paris, 7 avril 1804

Au citoyen Portalis

Je désirerais un rapport qui me fasse connaître si les curés qui, après avoir prêté serment au concordat, l'abjurent en donnant leur démission, sont sujets à des peines.

Je vous envoie, avec deux notes, le projet d'arrêté sur le traitement des prêtres; après quoi je vous prie de le porter à la première séance du Conseil d'État.


La Malmaison, 10 avril 1804

Au cardinal Fesch

Monsieur le Cardinal Fesch, je vous envoie une lettre pour madame Paulette. Je n'ajoute foi qu'à la moitié de ce qui est contenu dans votre lettre; cependant il est fâcheux pour moi de penser que madame Borghèse ne sente pas l'importance dont il est pour son bonheur de s'accoutumer aux mœurs de Rome et de se faire, de l'estime de cette grande ville, une récompense qui doit être douce à un cœur aussi bien né que le sien. Toutefois, je lui fais connaître mes intentions d'une manière très-simple et très-précise; j'espère qu'elle s'y conformera, et l'arrivée de sa mère, d'ailleurs, lui donnera un conseil naturel qui lui sera profitable. Dites-lui donc de ma part que déjà elle n'est plus belle, qu'elle le sera beaucoup moins dans quelques années, et que, toute sa vie, elle doit être bonne et estimée. Il est juste aussi que son mari ait quelque égard à l'habitude qu'elle a de vivre dans Paris, et qu'il lui laisse la liberté à laquelle nos femmes sont accoutumées dans ce pays. Elle devait se faire une étude de plaire à la famille de son mari et à tous les grands de Rome, et établir un ton de société digne du rang quelle occupe, et non ces mauvaises manières que le bon ton réprime, même dans les sociétés les plus légères de la capitale.


Saint-Cloud, 10 avril 1804

Au général Junot, commandant les grenadiers de la réserve, à Arras

Citoyen Général Junot, j'ai ordonné au général Dupas de retourner sous vos ordres. Je désire que vous le traitiez bien et que vous oubliiez le passé. C'est un bon soldat qui, dans l'occasion, vous sera utile. Il m'est revenu quelques plaintes sur la division. Vous devez vous étudier à ne pas mécontenter les chefs de corps et de bataillon, n'en pas exiger trop; il ne faut pas se fâcher quand ils ne répondent pas à votre attente, puisque vous êtes là pour les instruire.


Saint-Cloud, 12 avril 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Faites arrêter, Citoyen Ministre, le nommé Letellier, dont il est question dans le bulletin de police du 21 germinal.

Donnez ordre qu'il soit fait une liste des prêtres des Deux-Sèvres que le général Dufresse a dénoncés; prenez des renseignements du préfet, et faites-les arrêter si les renseignements du préfet confirment ceux du général.

Il aurait fallu charger quelques officiers de gendarmerie intelligents d'interroger avec soin les receleurs des brigands qui ont été arrêtés dans l'Orne, afin de découvrir toute la ligne des brigands de Paris à Rennes.

Faites arrêter Gasté de la Pallue, dont il est question dans le rapport du même jour, ainsi que le nommé Degrume, cité dans le même article. Il faudrait savoir ce que c'est que ce Gasté de la Pallue.


Saint-Cloud, 10 avril 1804

Au général Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie

Je désire que vous vous fassiez rendre compte du nombre des officiers qui composent la garde nationale de Caen, et que vous demandiez des notes sur leur attachement au Gouvernement, leur moralité, et la part qu'ils ont eue à la chouannerie et à la guerre civile; le nom de tous les membres du conseil général et de préfecture, avec des notes sous le même point de vue; le nom de tous les maires de Caen, et des notes dans le même sens.


Saint-Cloud, 14 avril 1804

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur

Le plan de joindre le Rhin au Rhône est sans doute un grand projet; mais il y a bien de l'inconvénient à faire beaucoup espérer à l'opinion, et ensuite à tenir peu. On dit que cette dépense monterait à 13 millions; on peut hardiment la porter à 15. Il faudrait donc quinze ans si l'on pouvait y dépenser un million par an. Il serait nécessaire de proposer aux trois départements les plus bénéficiés par ce canal de s'imposer pour 5 ou 6 centimes; ce qui produirait une somme qui pourrait être augmentée chaque année, selon les besoins et les circonstances, par des fonds généraux ; car, avec les fonds généraux du trésor public, nous ne pourrons jamais sensiblement travailler à ce canal. Écrivez donc sur cet objet aux différents conseils de départements. Ce qui n'empêche pas que, d'ici à ce que les fonds soient faits par les départements et rentrés, on n'accorde quelques fonds pour pousser la navigation du Doubs jusqu'à Besançon. Il faudrait d'abord être bien sûr que ce projet est ce qu'il y a de meilleur pour la navigation du Doubs; il y a des ingénieurs qui seraient d'avis qu'on ôtât tous les barrages.


Saint-Cloud, 14 avril 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, j'ai reçu votre dernière lettre. Les conseils généraux des départements, les collèges électoraux et tous les grands corps de l'État demandent que l'on mette enfin un terme aux espérances des Bourbons, en plaçant la République à l'abri des secousses des élections et de l'incertitude de la vie d'un Homme. Mais, jusqu'à cet instant, je ne me suis encore décidé à rien ; cependant je désire que vous m'instruisiez en grand détail de l'opinion de l'armée sur une mesure de cette nature. Vous sentez que je n'y serais porté que dans le seul but de l'intérêt de la nation, car le Peuple français m'a fait si grand et si puissant que je ne puis plus rien désirer.

Vous devez prévenir le colonel du 4e régiment que je l'ai nommé général de brigade. J'envoie, pour le remplacer comme colonel, mon frère Joseph ; il a, dans les premières campagnes de la révolution, servi comme chef de bataillon ; il a à cœur, comme moi, de devenir militaire ; car, dans les temps où nous vivons, ce n'est pas assez de servir l'État par ses conseils dans les négociations les plus difficiles ; il faut encore pouvoir si les circonstances le veulent, le servir avec son épée. Mais, comme il faut que j'informe déjà le Sénat de cette mesure, il faut tenir cela secret. Je pense que Joseph sera à Boulogne avant le ler du mois prochain ; il doit y faire son métier avec la plus grande rigueur. Seulement, au moment de son arrivée, vous pourrez le recevoir avec tous les honneurs dus à un grand officier de la Légion d'honneur, à un sénateur et à une personne qui m'est si chère. Il descendra pour cela à mon quartier général. Mais, ces honneurs une fois rendus, il devra mettre son habit de colonel et être subordonné comme le veut la loi militaire.

J'ai nommé capitaine dans le même corps Stanislas Girardin, qui était capitaine lorsqu'il est entré au Corps législatif. Je désire que vous me fassiez connaître le meilleur capitaine du 4e, que je veux faire entrer dans la Garde, afin que cela ne fasse aucun tort à l'avancement du corps. Faites connaître au général Suchet que j'ai accordé à son frère la place qu'il m'a demandée.

Je désire beaucoup être débarrassé de ce procès, ce qui sera, j'espère, sous dix jours, pour venir vous voir.

Berthier, je crois, part demain.


Saint-Cloud, 14 avril 1804

Au général Ney, commandant le camp de Montreuil

Citoyen Général Ney, je reçois avec plaisir les rapports que vous m'envoyez. Je prends beaucoup d'intérêt à l'état de la crue des eaux de la baie d'Étaples. Avant de construire un fort sur le banc des Chiens, il faut que les deux forts de Boulogne soient achevés ; nous verrons d'ailleurs cela plus amplement à mon prochain voyage, qui, j'espère ne tardera pas.

J'ai nommé voire beau-frère sur la demande que vous m'en avez faite, à la place d'administrateur des droits réunis ; et j'ai été fort aise de trouver cette occasion de vous donner une nouvelle preuve de mon estime.

Quoique Cayeux ne soit pas de l'arrondissement de votre armée, puisque vous êtes instruit qu'il y a des communications avec l'ennemi, il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous y envoyiez des gendarmes d'élite et même un agent secret. Dans la guerre passée, Cayeux a été un rendez-vous de mauvais sujets.

J'ai peine à me persuader que l'abbé Ratel, qui est des environs de Boulogne n'ait pas eu part à l'incendie du magasin de Montreuil. Prenez des informations pour connaître les individus qui sont à Étaples, Montreuil et aux environs, qui ont des liaisons de parenté et de connaissance avec ce misérable.


Saint-Cloud, 14 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

J'ai lu le rapport du ministre de la République à Gênes, du 7 germinal. Il n'en résulte pour moi rien de clair.

Je désirerais que vous chargeassiez un officier de marine, qui eût l'habitude de ces travaux, 

1° De se rendre à Gênes, d'y visiter les constructions qui s'y font, pour s'assurer qu'elles sont bonnes, car de mauvais vaisseaux ne servent de rien ;
2° De voir si l'arsenal actuel est bien situé, si l'opération de jeter les bâtiments à l'eau se fera sans difficulté, enfin si l'on a pourvu à tout, surtout à ce qui est relatif à l'opération de mâter (il faudrait lui communiquer mon projet, mais dans le plus grand secret, afin qu'il puisse faire sa mission avec plus de succès ).

Je voudrais pouvoir tenir à Gênes, en temps de paix, une escadre de six vaisseaux de guerre, de quatre frégates, et dès lors pouvoir les radouber, les refondre, les remâter et les armer ; et cette escadre, je voudrais l'armer en grande partie avec des matelots génois. A cet effet, il faut donc, 1° savoir si l'on peut se servir de la darse comme bassin ; 2° reconnaître le mouillage d'une escadre, soit dans le port de Gênes, soit dans la rade.

Et, comme cette affaire devra être un objet de négociation avec Gênes, il faut bien en savoir les éléments, afin de tout prévoir dans ladite négociation. Il faudrait que tous nos magasins fussent dans un ensemble qui formât une petite ville dans Gênes.

L'amiral Rosily pourrait être très-bon pour cette mission, qui doit être faite dans la saison actuelle, pour être à même de bien vérifier la sonde et de procurer toutes les lumières propres à détruire tout préjugé sur cet objet. Ce général pourrait être aussi chargé de faire un rapport sur Villefranche et le golfe de la Spezzia.


Saint-Cloud, 14 avril 1804

Au contre-amiral ver Huell, commandant la flottille batave

Monsieur le Contre-Amiral Ver Huell, Commandant en chef la flottille batave, nous n'avons pu nous entendre pour le cartel d'échange avec l'Angleterre. Elle a refusé d'y comprendre les prisonniers hanovriens. Le temps est arrivé de ne recevoir les modifications que l'Angleterre veut faire au droit commun, ni en temps de paix ni en temps de guerre.. Vous ne sauriez trop vous méfier des commodores anglais; tous ces parlementaires qu'ils envoient n'ont pour but que l'espionnage.

Apprenez-moi bientôt que la seconde partie de la flottille est arrivée à Ostende.


Saint-Cloud, 16 avril 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Citoyen Grand Juge, je vous ai fait connaître mes intentions relativement aux prêtres dissidents et qui sont encore dans la communion des évêques rebelles à la religion et à la patrie. Je suis cependant instruit que le préfet de Loir-et-Cher continue à professer des principes opposés, qu'il a longtemps protégé Habert, correspondant de M. de Thémines, évêque rebelle, et qu'il avait placé des sœurs hospitalières à Vendôme, qu'il a érigées eu communauté et autorisées à ne pas être dans la communion de l'évêque d'Orléans, et qu'enfin il a placé-là un foyer de rébellion contre le concordat. On assure même qu'il a souffert qu'on renvoyât un novice parce qu'il était dans les principes du concordat. Faites-vous rendre compte de ce fait, et faites-moi connaître quel caractère je dois donner à la conduite de ce préfet : est-ce irréflexion ou rébellion contre mes ordres ? Faites-moi aussi connaître si les prêtres dissidents de Loir -et-Cher sont arrêtés, et donnez ordre que ces sœurs hospitalières soient remises dans la communion de l'évêque, ou que sur-le-champ elles soient chassées.


Saint-Cloud, 16 avril 1804

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Je désire, Citoyen Ministre, que, dans le courant de la semaine, vous preniez des mesures pour mettre un terme au scandale qu'offre dans le public la succession de la Tour-d'Auvergne.

De retour de mon voyage dans le département de l'Eure, il y a dix-huit mois, j'eus l'éveil sur l'immense fraude qui existait au détriment du Gouvernement. J'ai depuis tenu plusieurs conseils ; mais, je dois l'avouer, l'intérêt et la friponnerie ont été plus puissants que la justice et ma volonté. 

La France a encore le scandale de voir une province entière être devenue le revenu d'un faiseur d'affaires, ce qui ne peut avoir été que par la négligence de l'administration. Je veux enfin que cela finisse.

Je désire que vous en manifestiez l'intention dans vos bureaux et dans ceux de l'enregistrement, et que ceux qui auraient été d'intelligence avec ces faiseurs d'affaires sachent que le Gouvernement ne veut plus être trompé.

Je vous envoie un relevé que j'ai fait faire des différents actes relatifs à cette affaire. La Tour-d'Auvergne n'a, je crois, plus d'héritiers ; j'avais chargé l'enregistrement de mettre d'abord le séquestre sur ses biens, et j'avais entendu qu'au plus tard dans un mois il eût fait entrer la nation en jouissance de la propriété.

L'enregistrement a mis le séquestre ; mais les questions auxquelles il aurait pu donner lieu n'ont pas été présentées et il paraît que le fermier, de son propre droit, a reconnu héritier qui il a voulu.

Cet état d'incertitude est très-avantageux aux faiseurs d'affaires, qui, par là, sont soustraits aux recherches de la nation comme à celles des héritiers réels ; et je vois avec peine que vous n'avez pas été instruit et que vous n'avez pas réprimé des abus aussi criants.

Dans F-arrêté de l'an VIII, comme dans les actes des années suivantes, les bois ont toujours été exceptés, et cependant je suis instruit que l'on a poussé l'impudence jusqu'à affranchir les fermiers de toute forme et de toute règle sur leur exploitation ; aucunes formes légales voulues pour la vente des biens nationaux n'ont été exécutées, de manière qu'ils ont pu évaluer à leur profit les coupes de bois, comme ils l'ont voulu.

Mon intention est que les fermiers soient tenus de traiter de clerc à maître.

Quant au fond de la question, s'il n'y a plus d'héritiers, il est naturel que cette succession rentre dans la loi des forêts et domaines nationaux; s'il y a des héritiers, il est juste qu'ils soient mis en possession, au terme de la dernière loi du Corps législatif; car, si les biens qu'a échangés la maison de Bouillon n'existent plus, il est constant que c'est par son refus d'obéir à la loi et de se remettre en possession des biens de Sedan.

Dans tout état de cause, je veux que les héritiers de cette ancienne et illustre maison , s'il en existe, aient promptement ce que la dernière loi veut qu'il leur soit donné ; mais, dans aucun cas, je n'entends que des faiseurs d'affaires adroits, astucieux, qui ont poussé l'impudence jusqu'à faire entendre le cri de l'immoralité à la tribune nationale, lèvent la tête et volent l'État bannière déployée.


Saint-Cloud, 16 avril 1804

Au général Lannes

Citoyen Général Lannes, Ministre Plénipotentiaire de la République à Lisbonne, je suis content du traité que vous avez fait. Nous y perdons des sommes considérables, puisque l'Espagne s'était engagée à nous faire donner des subsides par le Portugal pendant tout le temps de la guerre; mais cela paraît se compenser par les avantages acquis à notre commerce, et tous les sacrifices qui seront faits à notre commerce seront toujours dans mon goût et dans l'intérêt public.

Dans les affaires diplomatiques, il faut marcher doucement et avec réserve, et ne rien faire de ce qui n'est pas contenu dans les instructions, parce qu'il est impossible à un agent isolé de pouvoir apprécier l'influence de ses opérations sur le système général. L'Europe forme un système, et tout ce qu'on fait dans un point rejaillit sur les autres; il faut donc du concert.

J'ai vu avec plaisir que vous ayez fait insérer le rapport du grand juge dans la Gazette de Lisbonne. Je vous sais gré de l'attention que vous portez à soutenir notre dignité et notre influence à Lisbonne. N'ajoutez aucune espèce de confiance aux bruits qu'on vous ferait parvenir. Le pays ici va au mieux, et le petit nombre des malveillants sont dans une parfaite impuissance.

J'ai vu ici avec plaisir M. d'Aranjo. Il m'a paru dans des sentiments tels qu'on peut les désirer.

Vous resterez encore quelque temps à Lisbonne; mais, soyez tranquille, on ne frappera pas de grands coups que vous n'y soyez.

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Mille choses aimables et respectueuses à madame Lannes.


Saint-Cloud, 17 avril 1804

Au citoyen Talleyrand

Je prie le ministre des relations extérieures d'écrire particulièrement à Hambourg, Francfort et dans les autres villes d'Allemagne, pour se procurer adroitement des renseignements sur les auteurs de ces bulletins par ceux qui les reçoivent, et de faire des recherches sur l'écriture de ceux qui habituellement en envoient.


Saint-Cloud, 17 avril 1804

Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht

Citoyen Général Marmont, je réponds à votre lettre du 28 ventôse (19 mars). Si le nouveau chef du 28e régiment de ligne ne répondait pas dans trois mois aux espérances que j'en ai conçues, on le changerait. Je vais m'occuper de donner un nouveau chef au 11e de ligne; cela remédiera à tout. Vous ferez passer au ministre de la guerre des renseignements plus détaillés sur le colonel du 8e de chasseurs; j'en avais une opinion différente de celle que vous m'en donnez.

Je tremble à votre idée de former des camps en Hollande; les maladies nous ont fait bien du mal l'année passée, et je préfère laisser entrer les Anglais, pour les en chasser après, à perdre toutes nos troupes à l'hôpital. La frégate qui est à l'embouchure de la Meuse ne partira point.

Continuez à m'instruire de la situation de l'esprit de la Hollande. On m'a promis que les écrivassiers de ce pays seraient plus discrets. Envoyez un officier d'état-major pour faire descendre les chaloupes de la Meuse. Faites mettre sur chacune une garnison et faites-les diriger sur Helvoet-Sluys, où le capitaine de la frégate doit les équiper, et, quand vous saurez que les six de Strasbourg et de Liège sont arrivées, vous leur donnerez la même direction. Quoique cela ne soit point du ressort de la terre, vous devez vous en occuper. Cela augmentera d'autant la protection de vos côtes, et quelques chaloupes canonnières françaises vous seront fort utiles.


 Saint-Cloud, 17 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Le général Marmont m'instruit que les trois chaloupes canonnières de Liège sont à Dordrecht. Écrivez-lui de prendre des mesures pour les faire descendre jusqu'à Helvoet-Sluys, et ordonnez au capitaine de la frégate de les faire sur-le-champ armer. Les canons doivent avoir été fournis de ceux de Liège. Il pourra, en attendant, en fournir de la frégate.

Faites-moi connaître les ordres que vous donnez à celles construites à Colmar, Mézières et autres endroits sur la Meuse et sur le Rhin. Il sera fort utile à la frégate d'en avoir cinq ou six sous sa direction, puisque, par ce moyen, cette flottille pourra servir dans l'occasion à accompagner l'expédition du Texel, commandée par le général Marmont, soit à défendre l'entrée des canaux de la Hollande. Je désire savoir où nous en sommes des constructions du Rhin et de la Meuse.


Saint-Cloud, 18 avril 1804

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Citoyens Sénateurs, le sénateur Joseph Bonaparte, grand officier de la Légion d'honneur, m'a témoigné le désir de partager les périls de l'armée campée sur les côtes de Boulogne, afin d'avoir part à sa gloire.

J'ai cru qu'il était du bien de l'État et que le Sénat verrait avec plaisir, qu'après avoir rendu à la République d'importants services, soit par la solidité de ses conseils dans les circonstances les plus graves, sait par le savoir, l'habileté, la sagesse, qu'il a déployés dans les négociations successives du traité de Mortefontaine, qui a terminé nos différends avec les États-Unis d'Amérique, de celui de Lunéville, qui a pacifié le continent, et, dans ces derniers temps, de celui d'Amiens, qui avait rétabli la paix entre la France et l'Angleterre, le sénateur Joseph Bonaparte fût mis en mesure de contribuer à la vengeance que se promet le Peuple français pour la violation de ce dernier traité, et se trouvât dans le cas d'acquérir de plus en plus des titres à l'estime de la nation.

Ayant déjà servi sous mes yeux dans les premières campagnes de la guerre et donné des preuves de son courage et de ses bonnes dispositions pour le métier des armes, dans le grade de chef de bataillon, je l'ai nommé colonel commandant le 4e régiment de ligne, l'un des corps les plus distingués de l'armée et que l'on compte parmi ceux qui, toujours placés au poste le plus périlleux, n'ont jamais perdu leurs étendards et ont très-souvent ramené ou décidé la victoire.

Je désire, en conséquence, que le Sénat agrée la demande que lui fera le sénateur Joseph Bonaparte de pouvoir s'absenter de ses délibérations pendant le temps où les occupations de la guerre le retiendront à l'armée.


Saint-Cloud, 18 avril 1804

Au citoyen Melzi, vice-Président de la République italienne

Citoyen Melzi, je consens avec plaisir à -ce que Cicognara retourne chez lui et soit de nouveau employé pour le service de la République.

S'il a commis quelques fautes, je dois me souvenir des services qu'il a rendus dès la naissance de la République, où il a fait preuve de courage et de dévouement.


Saint-Cloud, 18 avril 1804

Au général Berthier

Je désire, Citoyen Ministre, que vous écriviez au général Gardanne qu'il m'est revenu beaucoup de plaintes sur les vexations qu'il exerce envers les habitants du pays; qu'il ait à se comporter d'une manière digne de l'armée, et à ne me faire entendre désormais aucune plainte. On doit s'étudier à se faire aimer en Italie, et non à se faire haïr.

Demandez au général Jourdan des renseignements sur le citoyen Berthelot, chef de la 1e demi-brigade de ligne, qui, à ce qu'il paraît, s'abandonne au jeu, conduite indigne d'un officier qui, père de famille et ayant 2,000 enfants à soigner, leur doit l'emploi de tout son temps et l'exemple d'une bonne conduite.

Donnez l'ordre au général Jourdan de confier la place de Vérone à un commandant sûr, et de prendre des mesures pour que les commandants particuliers ne se livrent point à ces petites vexations qui, isolées, sont peu de chose, mais, en masse, peuvent indisposer les habitants du pays.

Quant aux commandants des places, il me paraît convenable que le général Jourdan donne la note de celles où il faut mettre des commandants français, ce qui ne devrait avoir lieu que pour les places où il y a des troupes françaises. Dans les autres, le ministre de la guerre de la République italienne doit nommer des commandants italiens.


Saint-Cloud, 18 avril 1804

Au général Berthier

Le vice-président et le ministre de la guerre de la République italienne, Citoyen Ministre, pensent que le projet du général Chasseloup pour Mantoue entraînerait la République italienne dans des dépenses gigantesques. Ils parlent d'un barrage du lac de Mantoue, qu'ils croient devoir coûter vingt ans de travail et soixante millions, et qu'ils estiment même de peu d'utilité pour la défense de la place. Il paraît que la confiance se trouve un peu affaiblie à Milan envers le général Chasseloup. Je pense qu'il est convenable que le comité des fortifications envoie sur les lieux une commission d'un général et d'un officier, qui se concertera avec le vice-président, le ministre de la guerre et le général Chasseloup, donnera une nouvelle confiance au Gouvernement italien, et dissipera les préjugés qu'il peut s'être formés.


Saint-Cloud, 18 avril 1804

DÉCISION

Mme Souham proteste de l'innocence de son mari et réclame sa liberté.

S'il n'est pas survenu dans la procédure d'autres charges contre le général Souham, on pourrait le faire sortir et le renvoyer dans son pays, ou dans quelque ville, à plus de trente lieues de Paris, jusqu'à ce que les affaires soient entièrement terminées.

(Joseph Souham, 1760-1837. Ses relations amicales avec Moreau lui coûtent un enfermement de quarante jours à l'Abbaye)


Saint-Cloud, 19 avril 1804

Au citoyen Régnier

Donnez ordre, Citoyen Ministre, que M. d'Hauteville, ancien ministre du roi de Sardaigne, qui est à Turin, se rende en surveillance à Cahors.

Faites éloigner de Calais les demoiselles Monsigny et Lange, qui se servaient d'un oratoire desservi par des prêtres en correspondance avec des évêques rebelles; faites-les mettre en surveillance à quarante lieues de la côte.

Je suis surpris d'apprendre que mademoiselle de Cicé a quitté Aix; elle n'est sortie de prison qu'à condition quelle ne rentrerait pas à Paris. Il parait cependant convenable, si elle est revenue à Paris sans permission , de la faire arrêter.


Saint-Cloud, 20 avril 1804

EXTRAIT D'UNE LETTRE DE DECRÈS RAPPORTANT LES PAROLES DU PREMIER CONSUL A L'OCCASION DU MARIAGE DE JÉRÔME BONAPARTE
(Adressée au citoyen Pichon, commissaire de la République française aux États-Unis)

Jérôme a tort de penser qu'il trouvera en moi des sentiments qui se prêtent à sa faiblesse; le titre auquel je lui appartiens ne comporte pas de condescendance paternelle, car, n'ayant point sur lui les droits d'un père, je ne puis en éprouver le sentiment; un père, aveugle, se plaît lui-même à s'aveugler, parce que son fils et lui s'identifient; ils se sont tant donné et ont tant reçu l'un de l'autre qu'ils ne font qu'un; mais moi, que sais-je à Jérôme ? Quelle identité peut exister entre nous ? Seul instrument de ma destinée, je ne dois rien à mes frères; dans ce que j'ai fait pour la gloire, ils ont trouvé de quoi faire eux-mêmes récolte abondante; mais pour cela il ne faut pas qu'ils abandonnent le champ où il y a à recueillir; il ne faut pas qu'ils m'y laissent isolé et privé de l'aide et des soins que j'ai le droit d'attendre d'eux. Ils cessent d'être quelque chose pour moi s'ils ne servent pas près de ma personne et s'ils prennent une route opposée à la mienne.

Si j'exige autant de ceux de mes frères qui ont déjà rendu tant de services, si je livre à un entier abandon celui qui, dans la maturité de l'âge, a voulu se soustraire à mes intentions, à quoi doit s'attendre Jérôme, tout jeune encore, et qui n'est connu que par l'oubli de ses devoirs ? Certes, s'il ne fait rien pour moi, j'y vois l'arrêt du destin qui a décidé que je ne devais rien faire pour lui!.....


Saint-Cloud, 20 avril 1804

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, une lettre du général Saint-Cyr. Faites connaître à Alquier que, le jour où il entrerait dans le royaume de Naples un corps de l'Albanie, je déclarerai la guerre au roi de Naples. Donnez-lui ordre de prendre toutes les mesures pour faire cesser les menées dont se plaint le général Saint-Cyr, et de s'en expliquer ouvertement.

Faites connaître au général Saint-Cyr les ordres que vous donnez, et qu'on s'oppose par tous les moyens à l'arrivée des Albanais.


Saint-Cloud, 21 avril 1804

Au citoyen Régnier

Je vois, Citoyen Ministre, dans le dernier rapport, que le château de Vaubadon (Calvados) a toujours été le refuge des chouans. je désire savoir à qui appartient ce château, dans quelle situation sont ses maîtres, leur âge, leurs biens, ce qu'ils ont fait, s'ils ont émigré, enfin tout ce qui peut mettre à même de prendre un parti sur eux.

Donnez ordre que les deux dominicains Concourdan et Roux, prêtres rebelles à l'Église et à l'État, soient envoyés au fort Urbain pour y être retenus.


Saint-Cloud, 21 avril 1804

Au général Berthier

Il y a en Hanovre, Citoyen Ministre, six compagnies du 8e régiment d'artillerie à pied qui ensemble n'ont sous les armes que 350 hommes. Il serait convenable de faire partir des dépôts assez de monde pour compléter ces compagnies au moins à 80 hommes. On enverra à cet effet, des régiments, des conscrits de l'année, dès qu'ils seront habillés.

Je vois avec peine que le 45e régiment de ligne n'est encore que de 1,500 hommes. Le département de la Lys a dû cependant lui fournir, cette année, 700 hommes. Faites-vous rendre compte, par le capitaine de recrutement de ce régiment dans la Lys, du nombre positif d'hommes qui sont partis au 1er floréal, et demandez au commandant de ce corps à Osnabrück un état exact de la situation de ce régiment, de sa tenue et de l'état de son habillement; il faut nécessairement qu'il soit mis au niveau des autres.

Le 28e régiment de ligne doit aussi fixer votre attention. Ce régiment est extrêmement faible. Il devait recevoir 740 conscrits du Calvados et n'en a encore que très-peu reçu, quoique cependant l'état des conscrits partis des départements porte qu'il en est parti du Calvados plus de 700.

Le 58e mérite également toute votre attention.

Écrivez aux trois préfets des départements où ces trois régiments se recrutent, et aux trois chefs qui les commandent, qu'ils sont les plus faibles de l'armée.


Saint-Cloud, 21 avril 1804

NOTE POUR LE GRAND TRÉSORIER DE LA LÉGION D'HONNEUR

La proposition contenue dans la lettre du grand trésorier de la Légion d'honneur peut être discutée. S'il est question des suppléments qui auraient été affectés à la Légion d'honneur dans les quatre départements du Rhin, elle ne serait point admise; s'il n'était question que de la dotation de la cohorte de ces quatre départements, elle pourrait l'être, vu que le but de l'institution de la Légion d'honneur est qu'elle ait des biens. Ainsi je m'explique : mon intention est que chaque cohorte soit propriétaire; mais, comme on n'a pu trouver assez de biens en France pour la dotation de la Légion, et qu'on a été obligé de lui former un supplément dans les quatre départements du Rhin, je ne serais pas éloigné de vendre le supplément et de le placer sur le grand-livre.

La proposition de donner en tiers consolidé le tiers en sus ne me paraîtrait point raisonnable au premier coup d'œil : on aurait, je crois, le droit d'exiger au moins le double; c'est-à-dire que, pour 600,000 francs de rente, on devrait en avoir au moins 1,200,000. sur le grand-livre. Mais on sent qu'une opération de cette nature doit être très-avantageuse.


Saint-Cloud, 21 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Il me parait tout à fait convenable qu'une cérémonie imposante soit faite pour mettre la première pierre de l'arsenal d'Anvers; mais il me paraît aussi assez convenable de ne point démolir de bâtiment sous le prétexte de la régularité. Il suffit de ne rien bâtir contre le plan général de régularité; insensiblement le reste s'établit. Lorsqu'on a à démolir, on démolit ce qui n'est pas régulier. Mais je dois vous répéter ce que je vous ai dit dernièrement, je ne puis être satisfait des travaux d'Anvers, puisqu'il n'y a qu'un vaisseau sur le chantier et 500 ouvriers. Je désirerais qu'avant le ler messidor il y eût au moins 3 vaisseaux de 74 sur le chantier, et qu'avant le 1er vendémiaire an XIII il y en eût 6, et qu'avant le 1er nivôse an XIII il y en eût 9; et tout cela ne peut se faire avec la petite quantité d'ouvriers que vous y avez. Il y a beaucoup d'ouvriers en Provence qui ne sont pas occupés; il va beaucoup y en avoir du côté de Bayonne et de Bordeaux; ainsi donc réunissez 3,000 ouvriers à Anvers. Marchandises du Nord, bois, fer, tout arrive là facilement. La guerre n'est pas un obstacle pour construire à Anvers. Si nous étions trois ans en guerre, il faudrait là construire 25 vaisseaux. Partout ailleurs cela est impossible. Il nous faut une marine, et nous ne pourrons être censés en avoir une que lorsque nous aurons 100 vaisseaux. Il faut les avoir en cinq ans. Si, comme je le pense, on peut construire des vaisseaux au Havre, il faut en mettre 2 en construction. Il faut aussi s'occuper d'en mettre 2 nouveaux à Rochefort et 2 autres à Toulon. Je crois que les 2 nouveaux qu'on mettra en construction à Rochefort et à Toulon, il faut les faire tous les 4 à trois ponts.

Je désirerais aussi avoir mes idées fixées sur le port de Dunkerque. Je désire que vous me fassiez une petite note pour savoir combien la mer monte à la laisse de basse mer.

La flottille va bientôt être construite partout. Il faut donc qu'à Nantes, Bordeaux, Honfleur, Dieppe, Saint-Malo, etc., on donne de l'occupation à cette grande quantité d'ouvriers. Il faut donc mettre en construction des frégates, des bagares, des bricks. Il faut, sous le point de vue l'esprit public, que les ouvriers des côtes ne meurent point de faim, et que les départements qui bordent la mer, qui ont été les moins attachés à la révolution, s'aperçoivent aussi que le temps viendra où la mer sera aussi notre domaine. Saint-Domingue nous coûtait deux millions par mois; les Anglais l'ont prise; il faut mettre ces deux millions par mois rien que pour des constructions. Mon intention est d'y mettre la même activité que pour la flottille, hormis que, n'étant point pressé, on y mettra plus d'ordre. Je ne suis point pressé sur l'époque, mais je demande que l'on commence beaucoup.

Je vous prie de me présenter la semaine prochaine un rapport qui me fasse connaître la situation actuelle de notre marine, de nos constructions, ce qu'il faudrait construire, dans quels ports, et ce que cela coûterait par mois, en partant du principe que j'aime mieux que vous mettiez dix-huit mois à faire un vaisseau et que vous en fassiez le tiers de plus.

Quant aux vaisseaux, je voudrais les construire sur le même plan, les frégates sur le modèle de l'Hortense ou de la Cornélie, qui paraissent très-bonnes; pour les vaisseaux, prendre les meilleurs vaisseaux, et partout faire des vaisseaux de 80 et à trois ponts, hormis à Anvers, où il me paraît plus prudent de commencer d'abord par des vaisseaux de 74.


Saint-Cloud, 21 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Les Croisières anglaises abordent les bâtiments neutres au moment où ils se disposent à entrer dans les ports français. Ils prennent deux hommes de l'équipage et mettent en place deux espions, qui restent ainsi dans les ports français pendant tout le temps que le bâtiment neutre y séjourne. Il est nécessaire que, par une circulaire, vous fassiez connaître cette manœuvre à tous les commandants des ports; que vous recommandiez qu'on fasse une revue des équipages des bâtiments neutres qui arrivent, et que, si on découvre un Anglais ou un homme suspect, on l'arrête. Qu'on arrête également. les hommes de l'équipage et qu'on les interroge séparément, pour découvrir la vérité. Tout capitaine de bâtiment convaincu d'avoir introduit des espions en France serait traité comme complice d'espionnage, et le bâtiment confisqué. Il serait peut-être même convenable de faire imprimer cette circulaire.


Saint-Cloud,  21 avril 1804

Au général Sainte-Suzanne

Citoyen Général Sainte-Suzanne, j'ai accordé au citoyen Bulach, votre beau-père, la permission de jouir de son fief sur la rive droite du Rhin, et, en considération des pertes que vous avez faites par suite des différentes suppressions de la révolution, je vous ai accordé un des domaines de l'État de Parme à la disposition du Gouvernernent.

Je vous prie de voir dans ces dispositions le désir que j'ai de vous prouver la reconnaissance nationale pour les bons et grands services que vous avez rendus à la patrie.


Saint-Cloud , 21 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Le département de l'Ourthe fournit 9 chaloupes canonnières; il paraît qu'elles sont presque toutes finies.

De Mêzières, 4 chaloupes canonnières, de 310 à 313, sont également parties. Nous avons ou sommes sur le point d'avoir 13 chaloupes canonnières à Dordrecht.

De Strasbourg, 4 chaloupes et 2 péniches sont parties également pour Dordrecht.

De Colmar, 4 chaloupes sont également parties pour Dordrecht. Nous avons donc 21 chaloupes canonnières et 2 péniches à Dordrecht, et 6 autres chaloupes canonnières sont en construction à Colmar. Il est indispensable de faire vérifier la situation de ces 6 chaloupes afin d'en arrêter tout ce qui' ne serait pas encore avancé et d'être certain que le reste sera promptement disponible.

Des 21 chaloupes canonnières qui sont à Dordrecht, il faudrait en diriger 10 à Rotterdam, ainsi que les deux péniches; le capitaine de la Libre les ferait armer. Le général Marmont ferait fournir des garnisons et la frégate, les officiers et les équipages; et, pour que la frégate ne reste pas totalement désarmée, il sera bon de faire sur le Rhin, la Meuse et la Moselle  une levée de 300 matelots, qu'on enverra partie à Flessingue et partie à Rotterdam ou Helvoet-Sluys.

Les 11 autres chaloupes seront dirigées de Dordrecht sur Flessingue, où elles seront le plus promptement possible armées.

La division de chaloupes canonnières d'Helvoet-Sluys armée, on décidera si elle doit rejoindre la première partie à Flessingue, ou s'en servir pour assurer la navigation de Hambourg en Hollande derrière la rangée de petites îles qui existent.


Saint-Cloud, 22 avril 1804

A S. S. Le Pape

Très-saint Père, je remercie Votre Sainteté du chapeau de cardinal qu'elle a bien voulu donner à l'archevêque de Bologne.

Pour sortir de l'embarras où me jettent les observations que Votre Sainteté a faites sur les affaires de Milan, j'ai pris le parti d'attirer directement à moi tout ce qui est relatif au concordat de la République italienne, et j'ai ordonné que celui qui est chargé de ces affaire à Milan se rendît à Paris. Je verrai à les terminer avec le cardinal légat. Je prie donc Votre Sainteté de lui donner tous ses pouvoirs à cet effet. Elle sait le plaisir que j'éprouve à faire quelque chose qui lui, soit agréable.

 Je remercie Votre Sainteté des choses aimables qu'elle me dit relativement à l'arrivée de ma mère à Rome. Le climat de Paris est beaucoup trop humide et trop froid pour elle. Mon premier médecin lui a conseillé de se fixer dans les pays chauds plus analogues à son climat naturel. Quelque parti qu'elle prenne, je ne cesserai de la recommander à Votre Sainteté.

Je suis avec un respect filial, de Votre Sainteté, le très dévoué fils.


Saint-Cloud, 24 avril 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je désire, Citoyen Ministre, que vous envoyiez en poste un brigadier de gendarmerie d'élite à Blois, pour y arrêter le prêtre Habert rebelle. Vous lancerez le mandat d'arrêt contre ce dernier directement. L'officier que vous enverrez ne devra s'adresser, pour l'arrêter ni au préfet, ni au commissaire de police.


Saint-Cloud, 24 avril 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

Le Havre n'est pas propre à faire des armements en temps de guerre; mais la paix viendra, et l'on pourra choisir son moment pour faire sortir, en temps opportun, les vaisseaux que l'on aura construits au Havre, et pour faire leur armement en rade.


Saint-Cloud, 24 avril 1804

Au citoyen Crétet, conseiller d'État, chargé des ponts et chaussées

Citoyen Cretet, Conseiller d'État, je vois avec plaisir, par votre lettre, que les fonds sont faits pour les ponts. Faites donc travailler à celui du jardin des plantes avec la plus grande activité; que nous puissions y passer au mois de nivôse prochain. Vous pourriez ne point vous presser de rendre les 500,000 francs à la caisse d'amortissement, et les employer d'abord à presser les travaux des quais Desaix et Bonaparte avec toute l'activité possible. Vous rembourseriez la caisse d'amortissement avec la rentrée des fonds affectés à ces deux quais.

Je verrai avec, grand plaisir, à mon premier voyage à Ostende, que l'on ait déjà commencé l'écluse de chasse.

Je désirerais une petite note de ce qu'on fera dans cette campagne sur les derniers projets arrêtés dans mon dernier voyage, et en général sur tous les travaux neufs entrepris.


Saint-Cloud, 24 avril 1804

Au général Soult

Citoyen Général Soult, je vous prie de vous informer particulièrement pourquoi le 19e de ligne est toujours faible. Il paraîtrait qu'il n'est qu'à 1,700 hommes. Il me semble cependant l'avoir bien avantagé dans la conscription depuis plusieurs années. Voyez s'il ne donnerait pas des congés et s'il n'y aurait point de vice d'administration.


Saint-Cloud, 25 avril 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Je voudrais que l'on appelât le Consul espagnol. Il se comporte ici très mal. Mon intention d'ailleurs n'est pas d'en avoir à Madrid.

Lettres à Talleyrand


Saint-Cloud, 25 avril 1804

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, votre adresse du 6 germinal dernier n'a pas cessé d'être présente à ma pensée; elle a été l'objet de mes méditations les plus constantes.

Vous avez jugé l'hérédité de la suprême magistrature nécessaire pour mettre le Peuple français à l'abri des complots de nos ennemis et des agitations qui naîtraient d'ambitions rivales. Plusieurs de nos institutions vous ont, en même temps, paru devoir être perfectionnées polir assurer, sans retour, le triomphe de l'égalité et de la liberté publique, et offrir à la nation et au Gouvernement la double garantie dont ils ont besoin.

Nous avons été constamment guidés par cette grande vérité : que la souveraineté réside dans le Peuple français, en ce sens que tout, tout sans exception, doit être fait pour son intérêt, pour son bonheur et pour sa gloire. C'est afin d'atteindre ce but que la suprême magistrature, le Sénat, le Conseil d'État, le Corps législatif, les collèges électoraux et les diverses branches de l'administration sont et doivent être institués.

A mesure que j'ai arrêté mon attention sur ces grands objets, je me convaincu davantage de la vérité des sentiments que je vous ai exprimés, et j'ai senti de plus en plus que, dans une circonstance aussi nouvelle qu'importante, les conseils de votre sagesse et de votre expérience m'étaient nécessaires pour fixer toutes mes idées.

Je vous invite donc à me faire connaître votre pensée tout entière. Le Peuple français n'a rien à ajouter aux honneurs et à la gloire dont il m'a environné; mais le devoir le plus sacré pour moi, comme le plus cher à mon cœur, est d'assurer à ses enfants les avantage qu'il a acquis par cette révolution qui lui a tant coûté, surtout par le sacrifice de ce million de braves morts pour la défense de ses droits.

Je désire que nous puissions lui dire, le 14 juillet de cette année : il y a quinze ans, par un mouvement spontané, vous courûtes aux armes, vous acquîtes la liberté, l'égalité et la gloire. Aujourd'hui ce premiers biens des nations, assurés sans retour, sont à l'abri d toutes les tempêtes; ils sont conservés à vous et à vos enfants : des institutions conçues et commencées au sein des orages de la guerre intérieure et extérieure, développées avec constance, viennent de se terminer, au bruit des attentats et des complots de nos plus mortel ennemis, par l'adoption de tout ce que l'expérience des siècles et des peuples a démontré propre à garantir les droits que la nation avait jugés nécessaires à sa dignité, à sa liberté et à son bonheur.


Saint-Cloud, 25 avril 1804

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, j'ai nommé le sénateur Sérurier gouverneur des Invalides(Jean-Mathieu-Philibert, comte Sérurier, 1742-1819.).

Je désire que vous pensiez que les fonctions de cette place ne sont point incompatibles avec celles de sénateur.

Rien n'intéresse aussi vivement la patrie que le bonheur de ces 8,000 braves couverts de tant d'honorables blessures, et échappés à tant de dangers. Eh! à qui pouvait-il être mieux confié qu'à un vieux soldat qui, dans les temps les plus difficiles, et en les conduisant à la victoire, leur donna toujours l'exemple d'une sévère discipline et de cette froide intrépidité, première qualité du général ? En voyant leur gouverneur assis parmi les membres d'un corps qui veille à la conservation de cette patrie à la prospérité de laquelle ils ont tant contribué, ils auront une nouvelle preuve de ma sollicitude pour tout ce qui peut rendre plus honorable et plus douce la fin de leur glorieuse carrière.


Saint-Cloud, 25 avril 1804

DÉCISION

Le ministre du trésor public soumet à approbation du Gouvernement le traité passé avec la maison Hope et compagnie d'Amsterdam, le ler du courant, pour régler définitivement les termes et les conditions de l'anticipation à faire par cette maison sur le payement des deux
derniers tiers du fonds américain créé pour prix de la cession de la Louisiane.

Ajourné par le motif développé en la note ci-jointe.

NOTE

Je pense que je dois être payé au jour où est arrivé en Europe, officiellement, l'échange des ratifications, si toutefois les Américains ont daté l'inscription sur leur grand-livre, ou du moment de leur ratification, ou dans les trois mois de la ratification.

Mais je reconnais que, si les Américains n'ont inscrit sur leur grand-livre qu'à la date de la prise de possession ou dans les trois mois, c'est une discussion à élever avec les État-Unis et qui ne concerne pas la maison Hope.

Et, en effet, il serait tout à fait extraordinaire que, si l'échange des ratifications avait tardé à arriver en Europe d'un an, supposition qui est évidemment poussée à l'extrême pour la rendre plus sensible, la maison Hope dût en profiter; de sorte que la maison Hope aurait joui, pendant cette année, de l'intérêt de soixante-quatre millions à six pour cent, ce qui fait 3,600,000 francs; et que, de son côté, la France aurait été payée six mois plus tard, ce qui lui aurait produit le même dommage, et que, si au lieu d'un an la différence avait été de trois mois, le dommage serait de 900,000 francs. Il est de la nature de cette affaire qu'elle parte du moment ou les Américains ont inscrit, puisqu'on touche les intérêts.

On a vendu à la maison Hope le fonds américain et la jouissance du fonds américain, même pendant les deux ans que la maison Hope met à payer les cinquante-deux millions. Mais, en lui accordant la jouissance pendant ces deux ans, on n'a jamais pu entendre de l'accorder pendant trois; et elle enfouirait pendant trois, s'il y avait un an de différence entre le moment d'où date l'inscription des fonds sur le grand-livre américain et celui on se fait le premier payement au trésor public de France par la maison Hope.

Le premier coup d'œil porte donc à penser que ces deux points doivent être fixés, et que le point de départ doit commencer en Amérique du moment de l'inscription.


Saint-Cloud, 7 avril 1804

Si Carrier et sa femme, Citoyen Ministre, dont il est question dans le rapport du 6 floréal (26 avril), ne sont coupables de rien, il faut les envoyer en surveillance dans une petite commune de l'intérieur, et ,qu'ils n'en sortent plus.

Faites arrêter l'émigré Silly dont il est question dans le rapport du 5 floréal, et faites une enquête sévère sur ce qui le concerne et leur les biens qu'il a au soleil. Mon intention n'est pas de me payer de mauvaises raisons. S'il a reçu de l'argent de l'Angleterre, il faut que le séquestre soit réapposé sur ses biens et qu'il soit chassé de France, comme ayant violé le serment qui constitue son amnistie.

Il faudrait faire un rapport détaillé sur cette affaire, afin de la faire passer au Conseil d'État. Une chose que l'on a le droit d'exiger au moins des hommes qui ont porté les armes contre la France, est qu'ils cessent d'entretenir des intelligences avec ses ennemis.

La dépêche ci-jointe du général Jourdan vous paraîtra intéressante. Il faudrait envoyer un courrier extraordinaire à Turin et à Milan. Si l'individu dont la lettre fait mention est Brulart, il faut le faire arrêter. Il faudrait envoyer à Turin et à Milan des gens qui le connussent.


Saint-Cloud, 27 avril 1804

Au citoyen Talleyrand

Je n'aime point, Citoyen ministre, à m'occuper de l'intérieur des gouvernements des pays alliés; mais la marche incroyable que prend aujourd'hui l'opinion en Hollande a attiré toute ma sollicitude, et je ne puis plus rester indifférent à tout ce qui se passe. L'armée hollandaise est mécontente, la plus grande partie du peuple l'est également.

Voici les faits qui m'ont été mis sous les yeux. Je vous prie de m'en faire un rapport :

1° Que le tiers de la population de la Hollande est catholique, et sans contredit la partie la plus attachée à la France, et que cependant elle n'a aucun membre dans le gouvernement, aucun représentant dans le corps législatif ni dans aucune autorité départementale ou municipale;

2° Que le conseil asiatique est entièrement composé d'amis de l'Angleterre; qu'il y a deux mois on a retiré arbitrairement de ce conseil six membres, les seuls ennemis de l'Angleterre et partisans avoués de la France et de la Hollande, qui ont été remplacés par des hommes connus pour leur attachement à la cause anglaise, ayant toute leur fortune dans les fonds anglais; on cite parmi ces derniers un nommé Van Stratten qui, lors de son débarquement en 1799, a levé des contributions en son nom et était le chef de la police du due d'York; cet homme est appelé à présider à son tour ce conseil, sa seule signature peut mettre les colonies à la disposition de l'Angleterre;

3° Le conseil d'Amsterdam, par un règlement du 6 mars, vient d'ôter les places marquées dans les églises aux autorités civiles, militaires et politiques, qui les avaient obtenues depuis l'entrée des Français, de sorte qu'on voit dans le même jour les amnistiés et les hommes qui ont embrassé la cause de l'Angleterre reprendre les honneurs, et ceux qui ont toujours soutenu la caisse de la France déshonorés et chassés;

4° Qu'il se fait, depuis trois mois, dans les administrations départementales et municipales, des changements tous en faveur des Anglais, tous réunis dans ce point de crier contre l'alliance de la France.

Si, dans un pareil état de choses, la paix survenait, et que les troupes françaises évacuassent la Hollande, nous aurions sur nos frontières un gouvernement tout ennemi, quoique cependant il soit de fait que la plus grande partie de la nation, que tout ce qui a énergie, crédit et force, est favorable au système français.

Mon intention est donc d'intervenir dans les affaires de ce pays. Je désire d'abord être certain de la vérité des faits ci-dessus, et que vous me fassiez connaître ce qu'il y a à faire pour assurer en Hollande aux amis de la France de l'influence et de la considération.

Les deux questions qui se présentent sont :

1° Si la Hollande ne peut pas vivre avec la constitution qu'elle a, quel amendement ou quel changement y a-t-il à y faire ?
2° Quels sont les hommes qui pourraient occuper les principales places ? Et, à cet effet, je désire connaître quelle était la constitution de la Hollande avant l'entrée des Français, et quelle est sa constitution actuelle.
Soit qu'on fasse ou non des changements à la constitution, il paraît qu'il faut en faire parmi les gouvernants. Dans ce cas, je désire avoir la liste de tous les hommes qui composent les grandes autorités et qui ont la grande influence, et connaître ce qu'ils ont fait, les places qu'ils ont occupées et où ils ont été avant et depuis l'entrée des Français. Les noms que je désire connaître sont ceux des membres du gouvernement, des ministres, des membres du corps législatif, du conseil asiatique, des municipalités d'Amsterdam, Rotterdam et autres grandes villes, des autorités départementales; et, par contre, les noms des hommes sages qui ont eu des emplois depuis l'entrée des Français et qui sont aujourd'hui sans emploi.

Je désire aussi connaître l'opinion du citoyen Schimmelpenninck sur la situation actuelle de sa patrie, sur les différents hommes qui la gouvernent, et sur les faits contenus dans cette lettre, il faut bien se garder de laisser pénétrer que je me suis occupé de ces objets; cela porterait l'alarme dans le gouvernement. Parlez-en confidentiellement, de vous au citoyen Schimmelpenninck, comme de choses tellement évidentes qu'elles finiront par éveiller l'attention du Premier Consul.


Saint-Cloud, 27 avril 1804

DÉCISION

Verneilh, ex-préfet du Mont-Blanc, justifie ses opérations relatives à la conscription.

Je prie le citoyen Lacuée de lire avec attention cette lettre. Le fait est que les conscrits de ce département ne rejoignent pas. Mon intention est de sévir contre les maires et la gendarmerie, car il faut que ces conscrits rejoignent.


Saint-Cloud, 27 avril 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, les prames ne doivent pas être armées avec des pièces de 24 courtes, mais avec des pièces de 24 et de 18 ordinaires.

Je donne ordre au contre-amiral Ver Huell de se rendre le plus tôt possible à Ostende avec la seconde partie de sa flottille.


Saint-Cloud, 27 avril 1804

Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht

Citoyen Général Marmont,  j'ai reçu votre lettre du 4 floréal (24 avril); je l'ai lue avec toute l'attention qu'elle mérite. J'y ai trouvé des détails que j'ignorais; je n'en ai pas cependant trouvé autant que j'aurais voulu. Dans l'ordre de mon travail, je prends toujours en considération un fait, jamais un tableau.

Je vous prie de me transmettre les noms de tous ces hommes en place, soit dans le gouvernement ou dans les administrations départementales ou municipales, avec des notes qui me fassent connaître ce qu'ils ont fait depuis l'entrée des Français, et où ils ont été depuis.


Saint-Cloud, 27 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Je crois être instruit que les Anglais viennent d'envoyer des espions à Toulon. Écrivez au commissaire de police et au préfet maritime de mettre une nouvelle activité à les découvrir.

Beaucoup de personnes pensent qu'une vingtaine de chaloupes canonnières réunies pourraient très-bien passer de vive force, dans un temps convenable, d'Audierne à Brest. Pour mon compte, je partage cette opinion. S'il y a un offlicier habile et qui organise bien sa division, elle peut partir.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

NOTE POUR LE GÉNÉRAL DUROC, GOUVERNEUR DU PALAIS

Je désire que la maison du prince Charles, près Bruxelles, soit achetée; que sur-le-champ on fasse travailler à toutes les réparations pour la mettre dans le meilleur état. Je vous autorise à dépenser jusqu'à 500,000 francs pour l'achat de la maison et de toutes les dépendances nécessaires pour que ma raison puisse y loger. Je vous autorise à dépenser une somme de 150,000 francs pour les arrangements à y faire par les architectes, et une somme de 350,000 francs pour la meubler : total, un million, que le citoyen Estève tiendra à votre disposition.

Je désirerais que cette maison fût prête à me recevoir à la fin de juillet. Il est bien entendu que l'on arrangera le plus simplement possible tous les grands appartements, cette somme étant très-modique, sauf, une autre année, à la meubler avec les grandes soieries de Lyon.

Dans cette somme ne sont point compris les tapisseries et autres gros meubles de Paris et de Saint-Cloud dont on pourrait disposer et qu'on pourrait y envoyer.

Je désire cependant que, dans cette somme de 350,000 francs, 20,000 francs soient affectés pour une bibliothèque.

Au reste, le bibliothécaire demandera au ministre de l'intérieur tous les livres dont on pourra disposer dans les dépôts.

Le général Duroc connaît ma manière de vivre, cela le guidera pour la disposition des logements. L'appartement de ma femme doit être distinct, comme à Paris et à Saint-Cloud.

Mon cabinet, mon salon, le salon des ministres doivent être séparés des appartements de ma femme.

Il y aura trois tables.

Je désire que mon cabinet soit au milieu d'une bibliothèque et, comme à Saint-Cloud et à la Malmaison, de plain-pied dans un jardin.

Le parc, si petit qu'il soit, doit être divisé en deux : un pour les gens de la maison, un autre pour ceux qui forment la société ; et s'il était possible, comme à la Malmaison, d'en avoir un séparé et attenant à mon cabinet, ne fût-il que de deux arpents, cela serait très-convenable.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Vous trouverez ci-joint un arrêté qui fixe le traitement du citoyen Réal. Vous lui ferez remettre, tous les mois, 5,000 francs sur les fonds des jeux, pour subvenir aux dépenses extraordinaires et petits frais de police dont il ne devra aucun compte.

Vous ne remettrez, tous les mois, au préfet de police que 15,000 francs pour les frais de police, dont 3,000 par mois seront pour les petits frais de police et 12,000 francs dont l'emploi devra être appuyé de pièces justificatives, autant que le comportent les dépenses secrètes. Ceci sera ainsi réglé, à compter du 1er germinal, tant pour l'un que pour l'autre.


Saint-Cloud, 8 floréal an XII (28 avril 1804

Au citoyen Portalis

Citoyen Portalis, Conseiller d'État, je prends part à tout ce qui vous arrive d'heureux. Je nommerai avec plaisir votre petit-fils. Je désire que cela lui porte bonheur, et pour cela je ne fais qu'un souhait pour lui, c'est qu'il ait votre cœur et votre tête.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au citoyen Gaudin

Je vous prie de faire donner 100,000 francs de plus cette année, comme l'année passée, au prince de Conti.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au général Berthier

Ce qui me porte, Citoyen Ministre, à beaucoup me méfier de l'exactitude de l'état de situation du 15 germinal, indépendamment de l'observation que je vous ai faite sur le 9e régiment de ligne, qui, certainement, n'est pas de 9,900 hommes, c'est que je vois à Paris le 4e d'infanterie légère porté à 1,608 hommes présents et 254 aux hôpitaux ; le bataillon d'élite est porté comme déduit, ce qui ferait 2,400 hommes : il y a erreur. Vous sentez cependant combien il est important que les états qui me sont remis ne contiennent pas d'erreurs de cette espèce. Il faut faire en sorte de ne me donner que des résultats sûrs. On doit s'être aperçu que je lis ces états de situation avec autant de goût qu'un livre de littérature. Faites-moi remettre un état où la situation de chaque corps soit vérifiée.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire faire une revue extraordinaire pour constater la situation, au ler germinal, des 10e, 19e, 28e, 45e, 41e, 56e, 58e et 106e de ligne, et des 3e, 12e, 21e et 24e légers. On aura soin de mettre le nombre d'hommes de ces corps présents dans chaque ville où ils se trouvent, les malades aux hôpitaux, les absents et depuis quel temps, ceux inhabiles à porter les armes, le nombre de conscrits qu'ils ont reçus et qu'ils ont à recevoir sur l'an XI et l'an XII. Ces régiments sont les plus faibles de l'armée. Je désire savoir positivement dans quelle situation ils sont, afin de les faire recruter.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au général Berthier

Donnez ordre, Citoyen Ministre, que le 23e régiment de chasseurs rentre en France ; il sera placé dans la 26e division militaire. Prévenez-en le général Dessolle, et écrivez-lui de veiller à ce que l'armée soit le moins possible à charge au pays et de régler tout ce qui est relatif aux fournitures que doit faire le pays, afin qu'il n'y ait point de plaintes. Il est revenu que le général Pacthod exigeait des dépenses extrêmement considérables pour sa table.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

J'ai donné l'ordre au ministre de la marine que tous les bâtiments de transport soient armés d'avirons autant qu'ils en peuvent porter. Faites-moi connaître ce qu'il en est le nombre qu'il en faudra, et combien de jours de travail il faudra pour installer ces avirons.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Je signe aujourd'hui un arrêté relatif aux constructions. Je n'admettrai aucune espèce d'excuse. Faites-vous rendre compte deux fois par semaine des ordres que vous donnez, et veillez à leur exécution: s'il faut des mesures extraordinaires, faites-le-moi connaître. Je n'admettrai aucune raison valable, car avec une bonne administration je ferais trente vaisseaux de ligne en France en un an, si cela était nécessaire. Dans un pays comme la France, on doit faire tout ce que l'on veut. Il ne vous échappera pas que mon projet est de commencer beaucoup de constructions, hormis à Brest, où je ne veux plus rien construire. Mon intention est d'avoir à l'eau, avant vendémiaire an XIV, vingt-six vaisseaux de guerre : bien entendu que ladite mise à l'eau dépendra surtout du cas où d'ici à ce temps-là nous aurions la paix. Mais désormais tous les vaisseaux de 74 doivent être faits à Anvers. C'est à Anvers que doit être notre grand chantier.

C'est là seulement que devient possible en peu d'années la restauration de la marine française.

Avant l'an XV nous devons avoir cent vaisseaux de guerre.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Je désire que vous me fassiez connaître quand le Lion ira en rade à Rochefort, et pourra se joindre l'escadre de l'amiral Villeneuve; quand le Neptune, l'Atlas et le Berwick iront en rade de Toulon et porteront cette escadre à dix vaisseaux. Il faudrait former à Lorient les équipages de la Ville-de-Milan ; je désire donner une destination à cette frégate.

Faites porter sur l'état de situation de la marine l'état des hommes présents et manquants au complet des équipages des frégates la Libre et la Furieuse.


Saint-Cloud, 28 avril 1804

Au contre-amiral Decrès

Je désire que vous donniez l'ordre que toute la flottille de corvettes de pêche armées en guerre, qui est à Dunkerque, soit sur-le-champ armée d'avirons, si elle ne l'est pas. Comme je crois ces bateaux de la même longueur que les bateaux canonniers, ils doivent en porter le même nombre. Donnez ordre que toute la flottille de transport soit armée d'avirons; dans tous il y aura beaucoup de monde à bord, et dès lors il y aura des forces pour nager. Qu'avec la plus grande activité on travaille à cette installation. Bateaux canonniers, prames, péniches, bateaux de Terre-Neuve, de transport, tout doit être armé de rames autant que possible et s'en servir. Donnez le même ordre pour la flottille batave qui est à Ostende ; tout doit aller à la rame. Voulant faire sortir bientôt les corvettes de pêche de Dunkerque, je désire connaître le jour où ils auront leurs rames et avirons à bord à Dunkerque.


Saint-Cloud, 29 avril 1804

Au vice-amiral Martin

Citoyen Vice-Amiral Martin, Préfet maritime de Rochefort, je mets une grande importance à ce que le Lion soit le plus tôt possible en rade sous les ordres de l'amiral Villeneuve. Portez votre sollicitude à faire une levée de matelots à Bordeaux et Rochefort, pour faire entrer le plus tôt possible ce vaisseau en rade; je désire qu'il y soit rendu avant le 20 floréal.

J'ai donné des ordres pour accélérer les constructions et en mettre deux nouveaux à trois ponts sur le chantier. J'ai confiance en votre activité et en votre zèle pour l'intérêt de la patrie ; j'espère donc que vous lèverez tous les obstacles pour remplir ce que j'attends de votre part.