Juillet 1804
La Malmaison , 1er juillet 1804
A M. Lacépède
Monsieur Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d'honneur, plusieurs officiers de la Garde me présentent le serment qui leur est présenté par la Légion d'honneur. Il me paraîtrait convenable de mettre dans le serment, au lien du Gouvernement, l'Empereur, changement qui, en réalité, n'en est pas un, puisque dans le Gouvernement l'Empereur se trouve compris, mais que les circonstances qui ont eu lieu depuis le serment de la Légion d'honneur rendent nécessaire. Je vous prie donc de m'envoyer une formule de serment, en y faisant entrer l'Empereur
La Malmaison, 1er juillet l804
A M. Barbé-Marbois
Je vous de remettre à M. Estève (Marie-Roch-Xavier, comte Estève, 1772-1853, trésorier général de la Couronne, après avoir été aussi le payeur général de l'armée à Boulogne), mon trésorier, ce qui revient à la liste civile. Vous pouvez également lui remettre ce qui revient aux deux princes. Quant aux grands dignitaires, il me paraît convenable de porter leur traitement chacun sur le budget de leur département, savoir : le grand électeur, sur le ministère de l'intérieur ; l'archi-chancelier sur celui du grand juge ; l'archi-trésorier, sur celui des finances, et le connétable, sur celui de la guerre. Il me semble qu'il suffira d'un simple ordre du ministre du trésor public pour les faire payer ; lequel fera porter leur traitement dans les différents départements, afin que cela ne fasse point chapitre à part du budget. Tout ceci d'ailleurs se régularisera mieux. En attendant, je ne désire pas que le trésorier de la liste civile soit chargé de payer les grands dignitaires.
La Malmaison, 1er juillet 1804
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je désire que vous écriviez à M. Semonville de faire de nouvelles instances pour que la troisième partie de la flottille batave et les transports qui y sont attachés soient garnis le plus tôt possible de leurs matelots.
Vous trouverez ci-joint une note du cardinal Consalvi et des réflexions de M. Portalis. Il est ridicule que l'administrateur général. de Parme dérange toute l'administration de ce pays. Faites-lui connaître que mon intention n'est pas qu'il se rétracte, mais qu'il emploie tous les adoucissements. Il est maladroit de chercher à nous susciter dans ce moment des tracasseries avec la cour de Rome. Ces objets d'ailleurs sont assez importants pour qu'il ne fasse rien sans mon ordre.
La Malmaison, 1er juillet 1804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, la marine a besoin de 1,600 hommes pour renforcer la garnison de l'escadre de Toulon. Donnez ordre que les deux bataillons d'élite des 2e et 23e régiments de ligne soient mis à la disposition du vice-amiral Latouche, et que le supplément qui sera nécessaire pour arriver à ces 1,600 hommes soit fourni par le 2e régiment de ligne, indépendamment de ce que ce régiment a déjà à bord. Le vice-amiral Latouche ne prendra que les officiers dont il aura besoin ; les autres officiers resteront avec les autres bataillons.
La Malmaison, 1er juillet 1804)
Au vice-amiral Decrès
J'ordonne au ministre du trésor public d'envoyer un million à Boulogne. Faites-lui verser demain les 500,000 francs provenant de la caisse de la marine. Je désire avoir les comptes de la marine pendant les trois premiers trimestres, par chapitres. Ces dépenses me paraissent bien fortes et pas en proportion avec nos travaux.
La Malmaison, 2 juillet l804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, on m'instruit que les batteries des îles d'Hyères sont en mauvais état ; qu'il n'y a pas de garnison, et qu'elles éprouvent une pénurie de vivres telle que, si l'ennemi s'obstinait à rester dix jours dans la rade, elles seraient obligées de se rendre à discrétion. Si cet état de choses est vrai, je ne puis que vous en témoigner mon extrême mécontentement. Faites-moi un rapport sur cet objet, qui tient de si près à la sûreté de nos côtes et intéresse la responsabilité de votre ministère. Ces îles doivent être approvisionnées pour six mois, avoir une garnison de 5 à 600 hommes tout compris, des compagnies de canonniers garde-côtes et des batteries suffisantes et en bon état, commandées par un officier supérieur actif et capable de faire une bonne défense.
Faites-moi connaître de quelle manière sert le général Cervoni. Il paraît qu'il ne sort pas de Marseille ; il devrait être sans cesse sur la côte.
Donnez donc l'ordre que le bataillon du 23e de ligne, qui est à Avignon, rentre à Marseille, afin de se trouver plus à portée des côtes.
Donnez ordre que trois escadrons du 19e de chasseurs, forts chacun de 120 hommes, se rendent à Hyères, et chargez le général Guillot spécialement de l'inspection des côtes depuis les batteries du cap Brun de Toulon jusqu'au Var. Il placera un de ces escadrons à Hyères, le second à Saint-Tropez, et le troisième à Fréjus ; et il établira des compagnies dans les points intermédiaires, de manière qu'à la moindre alerte elles se portent avec la plus grande rapidité aux lieux où se présenterait l'ennemi.
Vous donnerez à ces régiments des instructions semblables à celles des régiments de la côte, et ils seront traités de même; ils doivent faire la manœuvre du canon et se porter aux batteries pour renforcer les garde-côtes. Vous écrirez aux colonels de ces régiments qu'ils tiendront la même conduite que les régiments qui font le service des côtes de l'Océan, et j'espère apprendre bientôt qu'ils manœuvrent le canon aussi bien qu'ils montent à cheval. Le général Guillot devra être tous les jours à cheval, à inspecter les batteries, à exercer les hussards, les chasseurs et les canonniers garde-côtes. Il aura, à cet effet, un officier d'artillerie fourni par la direction. Chargez le général Laval de l'inspection des côtes, depuis les frontières d'Espagne jusqu'au Rhône, et mettez sous ses ordres le 25e régiment de chasseurs, qui est à Tarbes. Vous lui donnerez les mêmes instructions. Vous chargerez les deux généraux inspecteurs de vous faire un rapport journalier de ce que fait l'ennemi sur la côte, et de ce qui vient à leur connaissance.
La Malmaison, 2 juillet 1804
Au vice-amiral Latouche-Tréville
Monsieur Latouche-Tréville, Vice-amiral, le ministre de la guerre donne ordre à deux bataillons d'élite des 2e et 23e régiments de ligne, de s'embarquer sur votre escadre; le 2e régiment de ligne complétera ce qui sera nécessaire pour faire le nombre de 1,600 hommes dont vous avez besoin. Si l'ordre du ministre de la guerre n'est pas arrivé vous pouvez vous concerter avec le commandant de Toulon pour que tout soit mis à votre disposition. J'imagine qu'au moment où vous recevrez ma lettre, vous aurez 10 vaisseaux en rade. Les matelots ne peuvent sérieusement vous arrêter; en désarmant les corvettes et pressant le port de Marseille, vous ne devez pas en manquer.
Avec les 1,600 hommes, d'ailleurs, que la guerre vous fournit, vos vaisseaux se trouvent armés.
Il doit y avoir à Toulon des obus. Exercez vos équipages à en tirer avec des pièces de 36 en n'en faisant usage que lorsqu'on sera à 2 ou 300 toises. Il n'y a point de bonnes raisons, qui empêchent de s'en servir, et quelques obus feront dans le corps d'un bâtiment de plus grands ravages que des boulets. Veillez à ce qu'ils soient chargés de roche à feu.
J'ai été fort aise de voir qu'en peu de moments votre escadre avait été à la voile; mais j'ai vu avec peine que vous étiez sorti avec un vaisseau de moins. Par le retour de mon courrier, faites-moi connaître le jour où il vous sera possible, abstraction faite du temps, lever l'ancre. Faites-moi aussi connaître ce que fait l'ennemi, où se tient Nelson. Méditez sur la grande entreprise que vous allez exécuter, et, avant que je signe vos ordres définitifs, faites-moi connaître la manière que vous pensez la plus avantageuse de les exécuter. Je vous ai nommé Grand officier de l'Empire, inspecteur des côtes de la Méditerranée; mais je désire beaucoup que l'opération que vous allez entreprendre me mette à même de vous élever à un tel degré de considération et d'honneurs que vous n'ayez plus rien à désirer. L'escadre de Rochefort, composée de vaisseaux, dont un à trois ponts, et de 4 frégates, est prête à lever l'ancre; elle n'a devant que 5 vaisseaux ennemis.
L'escadre de Brest est de 21 vaisseaux; ces vaisseaux viennent de lever l'ancre pour harceler l'ennemi et l'obliger à avoir là un grand nombre de vaisseaux. Les ennemis tiennent aussi 6 vaisseaux devant Texel, et y bloquent l'escadre hollandaise, forte de 3 vaisseaux, 4 frégates, et d'un convoi de 30 bâtiments, où le général Marmont a son armée embarquée.
Entre Étaples, Boulogne, Wimereux et Ambleteuse, deux nouveaux ports que j'ai fait construire, nous avons 1,800 chaloupes canonnières, bateaux canonniers, péniches, etc., portant 120,000 hommes et 10,000 chevaux. Que nous soyons maîtres du détroit six heures, et nous serons maîtres du monde !
Les ennemis ont devant Boulogne, devant Ostende et aux Dunes, 2 vaisseaux de 74, 3 de 64, et 2 ou 3 de 50. Jusqu'ici l'amiral Cornwallis n'aeu que 15 vaisseaux; mais toutes les réserves de Plymouth et de Portsmouth sont venues le renforcer devant Brest.
Les ennemis tiennent aussi à Cork, en Irlande, 4 ou 5 vaisseaux de guerre; je ne parle pas de frégates et de petits bâtiments, dont ils ont une grande quantité. Si vous trompez Nelson, il ira en Sicile, ou en Égypte, on au Ferrol. Je ne pense donc pas qu'il faille se présenter devant le Ferrol; des 5 vaisseaux qui sont dans ce port, 4 seulement sont prêts; le cinquième le sera cependant en fructidor; mais je pense que le Ferrol est trop indiqué, et il est si naturel que l'on suppose, si votre escadre sort de la Méditerranée dans l'Océan, qu'elle est destinée à débloquer le Ferrol ! Il paraîtrait donc meilleur de passer très au large, d'arriver devant Rochefort, ce qui vous ferait une escadre de 16 vaisseaux et de 11 frégates, et alors, sans mouiller, sans perdre un seul instant, soit en doublant l'Irlande très au large, soit en exécutant le premier projet, arriver devant Boulogne. Notre escadre de Brest, forte de 23 vaisseaux, aura à son bord une armée et sera tous les jours à la voile, de manière que Cornwallis sera obligé de serrer la côte de Bretagne pour tâcher de s'opposer à sa sortie. Du reste, pour fixer mes idées sur cette opération qui a des chances, mais dont la réussite offre des résultats si immenses, j'attends le projet que vous m'avez annoncé, et que vous m'enverrez par le retour de mon courrier. Il faut embarquer le plus de vivres possible, afin que dans aucune circonstance vous ne soyez gêné par rien.
A la fin du mois on va lancer un nouveau vaisseau à Rochefort et un à Lorient; il serait possible qu'ils fussent prêts; celui de Rochefort n'offre lieu à aucune question; mais si celui de Lorient était en rade et n'eût pas eu la facilité de se rendre avant votre apparition devant l'île d'Aix, je désire savoir si vous pensez que vous dussiez faire route pour le joindre. Toutefois, je pense qu'en sortant par un bon mistral il est préférable à tout de faire l'opération avant l'hiver; car, dans la mauvaise saison, il serait possible que vous eussiez plus de chances pour arriver; mais il se pourrait qu'il y eût plusieurs jours tels qu'on ne pût profiter de votre arrivée. En supposant que vous pussiez partir avant le 10 thermidor, il est probable que vous n'arriverez devant Boulogne que dans le courant de septembre, moment où les nuits sont déjà raisonnablement longues et où les temps ne sont pas longtemps mauvais.
La Malmaison, 2 juillet 1804
Au vice-amiral Decrès
J'approuve les dispositions que vous prenez pour Brest. Il y a encore possibilité de lever des matelots ; ordonnez une presse générale. Il faut envoyer aux hôpitaux les 400 matelots qu'on veut réformer; on les soumettra à la visite dans le port. L'escadre ne veut point d'hommes faibles ; mais ces hommes peuvent se rétablir en cinq ou six mois de temps et devenir de bons marins.
Je suis fort surpris de l'état des îles d'Hyères, surtout de ce qu'elles ne sont point approvisionnées. Il doit toujours y avoir trois mois de vivres. J'en ai témoigné mon mécontentement au ministre de la guerre. Ordonnez qu'on y envoie des vivres du port de Toulon. Il est impossible qu'il n'y ait pas à ces îles au moins 500 hommes et trois mois de vivres ; et certainement les Anglais ne pourraient les attaquer qu'en débarquant 1,500 hommes, dont ils perdraient infailliblement 500. Et comment penser qu'avec 8 vaisseaux ils puissent débarquer 1,500 hommes, et devant un port d'où peuvent sortir d'un moment à l'autre 11 vaisseaux ? Il n'y a rien à craindre, à moins qu'il n'arrive de Malte un convoi de débarquement ; mais ils n'ont pas à Malte le monde suffisant. Et à quoi leur serviraient des îles où il y a peu d'eau et qui gêneraient les mouvements de leur escadre ?
La Malmaison, 2 juillet 1804
Au vice-amiral Decrès
L'ennemi a eu des frégates, pendant presque toute la guerre passée et celle-ci, dans la baie de Douarnenez ; cependant, de la pointe de la Chèvre à l'anse du château de Beuzec, il n'y a que 4,800 toises. Si l'on établissait dans ces deux points deux batteries, chacune de quatre pièces de 36, avec des affûts propres à tirer sur l'angle de 45 degrés, les boulets ne se croiseraient pas, mais ne laisseraient qu'un intervalle de 200 toises ; car une pièce de 36, sur l'angle de 45 degrés, porterait un obus ou un boulet à 2,300 toises ; lors donc que l'ennemi, que les courants doivent nécessairement approcher d'un côté ou de l'autre, aurait le risque d'être canonné, il est probable qu'il ne s'y présenterait plus.
On mettrait également à chacune de ces batteries deux mortiers à plaque, qui portent la bombe à 2, 100 toises ; l'on y mettrait aussi deux pièces de 36 sur affût ordinaire, pour tirer à boulet rouge en cas que l'ennemi approchât.
Il faudrait aussi établir un mortier à plaque, avec deux pièces de 36 à 45 degrés, sur la pointe de Carrec-Guen et la pointe de Saint-Sébastie, ce qui rétrécirait encore beaucoup l'endroit où l'ennemi pourrait mouiller.
Comme ces points sont désignés par le seul aspect de la carte, l'ingénieur trouverait les points les plus propres à inquiéter l'ennemi.
Je prie le ministre de la marine de me faire connaître son opinion sur ce projet, et de me faire connaître sur les meilleures cartes la distance exacte de rentrée de la baie de Douarnenez.
Il faudrait aussi avoir à Audierne douze ou quinze chaloupes canonnières pour menacer une frégate qui serait prise par le calme; et, dès l'instant que l'ennemi se serait aperçu qu'il y a des moyens défensifs, il cesserait de se tenir dans cette baie et d'interrompre nos communications. Il y a à Brest d'anciens mortiers de galiote qui doivent porter à 2,300 toises; il faudrait les faire essayer, et désigner pour cet endroit ceux qui ont le plus de portée.
La Malmaison, 2 juillet 1804
A M. Daugier, commandant des marins de la Garde
Monsieur Daugier, Capitaine de vaisseau, je désire que, par le retour de mon courrier, vous me fassiez connaître le nombre de bâtiments anglais qui sont en croisière devant le Havre, et, s'il vous est possible, le nom de chaque bâtiment. Par les états que je reçois d'Angleterre, il me paraîtrait qu'il n'y a que 3 frégates et 5 à 6 petits bâtiments. Si cela était, et que vous eussiez, comme je le suppose, 5 prames portant soixante canons de 24, 75 chaloupes canonnières portant chacune trois canons de 24 en belle, 37 bateaux canonniers ayant chacun une pièce de 18 et de 24 et une quarantaine de péniches armées d'obusiers de 6 pouces et d'une pièce de 4, cela vous ferait plus de quatre cents pièces de canon de 18 et de 24. Les Anglais, en ayant 3 ou 4 frégates, ne pourraient avoir plus de deux ou trois cents pièces de 18. Dans ce cas, n'y aurait-il pas moyen de les attaquer, de les enlever à l'abordage ou de les faire fuir, et de se
rendre triomphant le long de la côte jusqu'à Boulogne ?
Par tous les rapports que je reçois, il n'y a pas un combat de canonnières avec des frégates, que celles-ci ne soient obligées de retourner en Angleterre et de rentrer dans le bassin. Faites-moi connaître le nombre de bâtiments de toute espèce qui pourront prendre part à cette attaque, le nombre de pièces de 24 armées en belle, si vos canonnières sont armées d'obusiers de 8 pouces.
Par les derniers états que vous m'envoyez, vous ne devriez avoir que 60 chaloupes canonnières; mais depuis il doit en être arrivé une quinzaine de Cherbourg.
Dans tous les combats qui ont eu lien, beaucoup de marins anglais très-instruits pensent que nous pourrions leur faire plus de mal avec plus d'audace, en saisissant le moment opportun. Des prames et chaloupes canonnières, ayant autant de monde qu'on voudrait, allant choquer contre une frégate, on la couleraient bas, ou pourraient la prendre à l'abordage. Il doit y avoir, indépendamment de ces 75 chaloupes, d'autres chaloupes au Havre, et il doit y avoir 4 à 500 matelots. Il ne serait donc pas impossible de porter votre nombre de chaloupes canonnières à 80.
Faites-moi connaître si les caïques sont encore au Havre.
J'imagine que vous avez le nombre de grappins, cordages et autres objets nécessaires pour un abordage. Répondez-moi sur-le-champ par votre courrier, et faites-moi connaître l'état de votre armement et ce qui reste au port.
Faites-moi connaître le nombre de vos garnisons, de quel régiment elles sont, et les bâtiments qui sont arrivés.
La Malmaison, 3 juillet 1804
A M. Lezay
Monsieur Lezay, mon Ministre à Salzburg, j'estime M. Manfredini. Je souviens toujours avec intérêt des différentes négociations dont il a été chargé près de moi. Je crois, dans le temps, avoir fait ce qui pouvait dépendre de moi pour le faire sortir de l'exil où la fortune de ses ennemis l'avait fait reléguer. Je regarderai toujours comme une chose satisfaisante pour mon cœur d'être utile à Son Altesse Royale, et je me plais à dire que, si la politique m'a fait confirmer la perte de la Toscane, dont elle a été dépouillée à mon retour en Europe, elle n'eût jamais été assez puissante pour me faire connaître envers lui une spoliation que je crois injuste. Toutes les circonstances qui s'accorderont avec cette politique me seront toujours agréables. Vous pouvez donner à l'un et à l'autre ces assurances.
La Malmaison, 3 juillet 1804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le général Morand dans l'île de Corse divise trop ses troupes, de manière qu'elles ne peuvent s'occuper de leur instruction.
Donnez-lui l'ordre de réunir à Bastia les 3e et 4e bataillons du 20e régiment, afin de veiller à leur instruction, pendant les mois de vendémiaire, brumaire et frimaire ; de leur faire faire l'exercice à feu au moins dix fois pendant ces trois mois, et de tenir les deux premiers bataillons du 23e d'infanterie légère tout entiers réunis à Ajaccio; et le 3e à Calvi, pendant au moins les trois mois de l'automne, afin que les soldats puissent s'exercer à toutes les manœuvres par bataillon et par régiment. Donnez-lui l'ordre de faire fournir, pendant ces trois mois, par le bataillon suisse, des détachements à Bonifaccio, Calvi, Corté, Vivario, et à l'île Rousse. Ces trois mois expirés, le 20e fournira des garnisons à ces places, et le bataillon suisse se réunira pour son instruction. Je désire surtout qu'on veille à l'instruction du 23e d'infanterie légère, qui, étant depuis six ans en Corse, a perdu l'habitude de manœuvrer par bataillon.
Donnez ordre au général commandant à l'île d'Elbe de faire passer en France la compagnie franche du Golo, pour faire partie du camp de Boulogne. Demandez-lui de procurer, s'il est possible, une trentaine de conscrits de l'île d'Elbe.
Recommandez au général Morand de faire exercer au maniement des armes les cinq bataillons de l'infanterie corse.
Malmaison, 3 juillet 1804
Au maréchal Soult, commandant le camp de Bruges
Mon Cousin, je reçois vos lettres du 4 messidor. Le courrier qui vous porte cette lettre porte à la Haye des sollicitations pressantes pour faire fournir les 6 à 700 matelots qui sont nécessaires pour armer la troisième partie de la flottille batave. Le vice-amiral Ver Huell pourra écrire par la même occasion. J'ai à cœur, lors de mon arrivée à Ostende, d'avoir cette troisième partie en état, afin de voir manœuvrer toute l'aile droite de la flottille.
Je crois vous avoir fait connaître mon intention sur les corvettes de pêche.
Témoignez ma satisfaction au général Sorbier et aux garnisons du 48e régiment. Dans les différentes relations des engagements, on marque, le plus qu'on peut, la part que l'artillerie de terre peut avoir aux différents succès.
La Malmaison, 3 juillet 1804
Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht
Monsieur le Général Marmont, les chaloupes construites à Strasbourg, Liège, Mézières, et qui sont descendues en Hollande , doivent être armées. Faites-moi connaître leur nombre, leurs numéros et la situation où elles se trouvent. Le ministre de la marine avait chargé le capitaine de la frégate qui est à Helvoet-Sluys de pourvoir à l'armement de ces bâtiments ; voyez pourquoi cela n'a pas été fait, et, par le retour du courrier que je vous expédie, faites-moi connaître le nombre des chaloupes qui sont prêtes à partir pour les ports de la réunion. Je désire connaître aussi la situation de la marine batave. Ne pourrait-elle pas augmenter d'un ou de deux vaisseaux la flotte du Texel ? Faites-moi connaître le temps positivement où vous serez prêt et le nombre de troupes et de chevaux sous vos ordres. Si cela était nécessaire pour vous compléter, vous pourrez prendre le 50e régiment. Il serait cependant nécessaire de le laisser à Berg-op-Zoom, afin qu'il puisse se porter rapidement au secours de la Zélande, si le cas arrivait.
La Malmaison, 3 juillet, 1804
Au vice-amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne
Monsieur l'Amiral Bruix, je vous envoie trois états. Je désire, avant de les arrêter, avoir votre opinion sur ce travail.
La flottille se compose de plus de 1,800 bâtiments, dont plus de 700 se réunissent à Boulogne, 290 à Étaples, 340 à Wimereux et 437 à Ambleteuse. Je n'y ai pas compris les 20 prames qui doivent être placées dans celui des ports qui sera le plus avantageux et dont la sortie offre le moins d'inconvénients. Vous y verrez qu'on laisse 75 écuries à Calais, soit parce qu'on y mettra les bâtiments tirant le plus d'eau, soit pour donner de l'inquiétude aux Anglais, et aussi pour soulager d'autant nos quatre principaux ports. On en place le moins possible à Étaples, parce que ce port paraît le plus hors de main. J'espère que 340 bâtiments ne vous paraîtront pas trop considérables pour Wimereux, en considérant qu'il y a 144 péniches.
La gauche, qui part d'Étaples, se composerait de deux parties, chacune portant huit bataillons. La première serait composée de deux divisions de chaloupes canonnières et de deux divisions de péniches; on met ensemble les deux divisions de péniches, parce que cette division parait propre à forcer le débarquement; et 72 péniches pouvant porter 3,600 hommes formeraient une avant-garde de grenadiers formidable pour enlever une batterie et s'établir à terre; ce qui n'empêchera pas le contre-amiral commandant l'aile gauche de se servir d'une section de ces péniches ou chaloupes canonnières pour protéger l'arrière-garde ou les flancs, ou de faire tout autre dispositif quelconque au moment du départ.
On a divisé le centre, à Boulogne, en cinq parties, chacune d'un nombre de bâtiments tel qu'ils portent dix bataillons, ce qui est l'organisation actuelle des divisions de terre. On a composé les deux premières parties de chaloupes et de péniches, par la même raison qu'on l'a fait pour Étaples, et l'on s'est servi des deux autres divisions qui restaient pour compléter deux autres parties. La cinquième partie porterait seule douze bataillons, ce qui est conforme aux arrangements de l'armée de terre. Ainsi, les première et deuxième parties pourraient être affectées aux divisions Vandamme et Saint-Hilaire, les troisième et quatrième parties aux divisions Suchet et Legrand, et la cinquième partie aux deux divisions de dragons des camps de Compiègne et d'Amiens.
La réserve , à Wimereux, est composée de deux divisions de chaloupes canonnières et de quatre divisions de péniches portant douze bataillons. Elle formerait l'avant-garde de tout le centre de Boulogne.
Les compagnies d'élite des grenadiers s'embarqueraient à leur bord, et ces divisions seraient destinées à s'emparer des batteries défendant le point de débarquement.
L'aile droite serait, à Ambleteuse, composée de la division batave. Elle se trouve organisée aujourd'hui comme elle est là, en conséquence des ordres que j'ai donnés. J'ai pensé qu'il n'y avait pas d'inconvénient à la laisser ainsi. Une division de péniches française qui, selon les circonstances, pourrait être augmentée d'une portion de la réserve de Wimereux, lui servirait d'avant-garde. Quant au moment où vous pourrez être en mesure de composer ainsi votre flottille, il doit pas être éloigné. Vous devez avoir à Boulogne 2 prames, 105 chaloupes canonnières, 280 bateaux canonniers et 234 péniches; 6 prames, 75 chaloupes canonnières, 31 bateaux canonniers et 36 péniches sont sur le point de partir du Havre ; et, jointe à ce qui se trouve à Cherbourg, à Calais et à Dunkerque, dont la réunion peut être supposée imminente , votre flottille serait composée de 18 prames, 226 chaloupes canonnières, 348 bateaux canonniers et 337 péniches.
Toute l'aile droite des Bataves doit être considérée comme réunie et prête à Ostende. Indépendamment du nombre ci-dessus, j'ai 57 chaloupes canonnières, 69 bateaux canonniers et 88 péniches en marche depuis la Loire jusqu'à Cherbourg; et si l'on veut supposer que ces chaloupes arrivent avant le moment de l'opération, on aurait 283 chaloupes canonnières, 417 bateaux canonniers et 425 péniches; et vous verrez qu'il n'est besoin que de 216 chaloupes canonnières, de 324 bateaux canonniers et de 360 péniches. Si le reste nous arrive, nous mettrons moins de monde sur chaque bâtiment.
Je désire donc que vous me fassiez connaître votre opinion sur ces questions:
1° Le nombre de bâtiments portés dans chaque port peut-il y être contenu ?
2° Ces bâtiments peuvent-ils sortir en deux marées de ces ports ?
3° Enfin serait-il plus avantageux d'augmenter le nombre des bâtiments à Étaples et le diminuer à Boulogne, ou d'augmenter ceux de Calais ?
Vous verrez qu'il n'est pas fait mention des corvettes de pêche, attendant que la troisième partie de la flottille batave soit prête pour prendre un parti, ces bâtiments passant pour être mauvais, ou ne devant m'en servir que comme diversion et épouvantail. Si cependant la troisième partie de la flottille batave n'était pas réunie à l'époque fixée, ces corvettes m'en tiendraient lieu; ce qui me fait considérer les Bataves comme prêts dès aujourd'hui.
ANNEXE
ORGANISATION DES FLOTTILLES DE GUERRE ET DE TRANSPORT
PREMIÈRE PARTIE. - FLOTTILLE DE GUERRE
L'aile gauche de la flottille qui partira d'Étaples sera divisée en deux parties.
PREMIÈRE PARTIE | |||
Bâtiments | Bataillons | ||
2 divisions de chaloupes canonnières faisant | 36 | portant | 4 |
2 divisions de péniches | 72 | 4 | |
DEUXIÈME PARTIE | |||
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
Total de l'aile gauche d'Étaples | 180 | 16 |
Le centre de la flottille, à Boulogne, sera divisé en cinq parties
PREMIÈRE PARTIE | |||
Bâtiments | Bataillons | ||
3 divisions de chaloupes canonnières faisant | 54 | portant | 6 |
2 divisions de péniches | 72 | 4 | |
DEUXIÈME PARTIE | |||
3 divisions de chaloupes canonnières faisant | 54 | 6 | |
2 divisions de péniches | 72 | 4 | |
TROISIÈME PARTIE | |||
1 divisions de chaloupes canonnières faisant | 18 | 2 | |
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
QUATRIÈME PARTIE | |||
1 divisions de chaloupes canonnières faisant | 18 | 2 | |
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
CINQUIÈME PARTIE | |||
3 divisions de bateaux canonniers faisant | 108 | 12 | |
Total du centre de Boulogne | 540 | 52 |
La réserve, qui se réunira à Wimereux, sera composée de
Bâtiments | Bataillons | ||
2 divisions de chaloupes canonnières faisant | 36 | portant | 4 |
4 divisions de péniches | 144 | 8 | |
Total de la réserve | 180 | 12 |
TOTAL DE LA FLOTTILLE FRANÇAISE
Bâtiments | Bataillons | ||
12 divisions de chaloupes canonnières faisant | 216 | portant | 24 |
9 divisions de bateaux canonniers faisant | 324 | 36 | |
10 divisions de péniches faisant | 900 | 80 |
PREMIÈRE PARTIE | |||
Bâtiments | Bataillons | ||
1 division de chaloupes canonnières faisant | 18 | portant | 2 |
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
DEUXIÈME PARTIE | |||
1 division de chaloupes canonnières faisant | 18 | 2 | |
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
TROISIÈME PARTIE | |||
1 division de chaloupes canonnières faisant | 18 | 2 | |
2 divisions de bateaux canonniers | 72 | 8 | |
Total de l'aile droite ou de la flottille batave | 270 | 30 | |
La réserve de la flottille batave sera composée de | |||
1 division de péniches | 36 | 2 | |
Total général | 306 | 32 |
TOTAL GÉNÉRAL DE LA FLOTTILLE. TANT FRANÇAISE QUE BATAVE.
Bâtiments | Bataillons | ||
!° Étaples | 180 | portant | 16 |
2° Boulogne | 540 | 52 | |
3° Wimereux (réserve) | 180 | 12 | |
4° Flottille batave | 306 | 32 | |
1206 | 112 | ||
DEUXIÈME PARTIE. - FLOTTILLE DE TRANSPORT
La flottille de transport sera divisée en écuries, bâtiments de transport, bâtiments pour l'artillerie.
ÉTAPLES.
32 écuries portant 500 chevaux de la brigade de cavalerie de Montreuil | se réuniront à Étaples. |
Ce qui fera 71 écuries portant 1,100 chevaux. |
NOTA. Pour ne point s'embrouiller dans les détails, on a supposé que chaque écurie portait 15 chevaux. Il y aura plus ou moins d'écuries, selon qu'elles porteront plus ou moins de 15 chevaux.
24 bâtiments de transport pour les bagages des bataillons et des états- majors 15 bâtiments chargés du matériel de l'artillerie | se réuniront à Étaples. |
110 bâtiments, total des bâtiments de la flottille de transport à Étaples. |
BOULOGNE
32 écuries portant 500 chevaux de la brigade de cavalerie du camp de Saint-Omer | se réuniront à Boulogne. |
79 bâtiments. 1200 chevaux. |
75 bâtiments de transport pour les bataillons et l'état-major | se réuniront à Boulogne. |
169 bâtiments, total des bâtiments de la flottille de transport à Boulogne. |
WIMEREUX
75 écuries portant 1,000 chevaux de la Garde impériale | se réuniront à Wimereux. |
107 bâtiments. 1,500 chevaux. | |
18 écuries portant les bagages des bataillons et de l'état-major | se réuniront à Wimereux. |
15 bâtiments portant le matériel de l'artillerie | |
140 bâtiments, total des bâtiments de la flottille de transport à Wimereux. |
AMBLETEUSE
32 écuries portant 500 chevaux de la | se réuniront à Ambleteuse. |
45 bâtiments portant les bagages des bataillons et de l'état-major | se réuniront à Ambleteuse. |
------------- | |
131 bâtiments, total de la flottille de transport à Ambleteuse. |
CALAIS.
75 écuries tirant le plus d'eau se réuniront à Calais et porteront 1,000 chevaux de la réserve que commande le général Bourcier.
Tous les deux chevaux qui sont placés sur chaque bateau canonnier seront des chevaux d'artillerie.
Tous les chevaux des prames appartiendront aux régiments de cavalerie de la réserve du général Bourcier.
RÉCAPITULATION
PORTS | CHALOUPES CANONNIÈRES | BATEAUX CANONNIERS | PÉNICHES | ÉCURIES | BATEAUX DE TRANSPORT | ARTILLERIE | TOTAL PAR PORT |
Étaples | 36 | 72 | 72 | 71 | 24 | 15 | 290 |
TOTAL | 270 | 540 | 396 | 403 | 162 | 60 | 1831 |
La Malmaison, 3 juillet 1804
Au contre-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je vous envoie le rapport que me fait le colonel Lebrun sur la situation de l'escadre du Ferrol. Il parait que le Héros, l'Argonaute, le Fougueux et le Duguay-Trouin seront, dans le courant de thermidor, prêts pour tout entreprendre. Il faudrait leur ordonner de faire six mois de vivres. Il leur manque 1,000 hommes; mais ce sont presque tous des matelots de 40 classe, des canonniers ou soldats. Les noyaux des équipages paraissent très bons et très-exercés. Vous devez y avoir fait partir 150 canonniers. Au moment de partir, ils prendront les 200 Bataves. J'y ai envoyé 250 d'hommes d'infanterie; ils vont recevoir 1,000 hommes de Malaga; leurs équipages vont donc se trouver au complet, et, dans le cas que cela serait nécessaire, ils pourraient désarmer le brick l'Observateur, et même la Guerrière. Mon intention serait de faire partir pour vendémiaire ou brumaire, ces quatre vaisseaux pour la Martinique et 1a Guadeloupe. J'y enverrais à cet effet 1,600 hommes d'infanterie.
La Malmaison, 3 juillet 1804
Au vice-amiral Ganteaume, commandant l'escadre de l'Océan
Monsieur Ganteaume, Vice-amiral, je reçois votre lettre du 2 messidor. Il n'y aura possibilité de faire une levée de conscrits pour la marine qu'au mois de vendémiaire prochain; si au préalable les cadres n'étaient pas formés, ils ne tarderaient pas à déserter. J'ai déjà eu l'idée de ce projet, et j'ai ordonné qu'on s'en occupât de nouveau. J'ai donné l'ordre qu'il fût mis à votre disposition un renfort de 3,000 hommes, dont 1,500 24e et 1,500 du 37e régiment de ligne. J'espère que, moyennant ces 3,000 hommes et marins que vous pourrez vous procurer en désarmant les bâtiments de cabotage, vous ne changerez rien à l'équipage de vos vaisseaux. Vous sentez combien il est important que les capitaines connaissent bien leur monde, et que rien ne nuit davantage au service que ces versements d'un vaisseau sur un autre.
La Malmaison, 4 juillet 1804
A M. Regnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Monsieur Regnier, Grand-Juge, l'Empereur a reçu, des réclamations de Son Éminence le cardinal-légat au sujet d'un article par lequel les journaux de Paris et notamment le Publiciste ont donné à entendre que le Pape était disposé à résigner le trône de l'Église. Sa Majesté juge convenable que vous chargiez le préfet de police d'interroger le rédacteur du Publiciste, en sommant ce journaliste de représenter l'original du papier public ou privé dans lequel il a trouvé la nouvelle qu'il a imprimée. Cet interrogatoire doit ensuite être publié dans le Publiciste.
La Malmaison, 5 juillet 1804
A M. Regnier
Monsieur Regnier, Grand Juge, Ministre de la justice, je désire que vous fassiez remettre au préfet du palais, Rémusat, 100, 000 fr. pour être employés à donner des secours aux différents théâtres.
------------------
M. Rémusat emploiera ainsi cette somme :
40,000 francs à l'opéra Buffa.
15,000 à Mademoiselle Raucourt.
15,000 à Talma.
30,000 à garder en réserve pour être distribués selon l'autorisation qu'il en recevra.
La Malmaison, 5 juillet 1804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, j'approuve les travaux d'Anvers. Il faut commencer par mettre la ligne magistrale en état de défense et dans le cas de supporter des batteries, afin de mettre la place à l'abri d'un coup de main : elle ne le serait pas, si l'on ne relevait la Tête-de-Flandre de manière à pouvoir inonder la portion de la rive gauche opposée au quai de la ville. On entreprendra successivement les travaux que l'inspecteur du génie croit nécessaires. Il faut répartir les travaux de manière que cette place soit en état dans quatre ou cinq campagnes, vu le peu de fonds que nous aurons à y employer.
J'approuve également les travaux d'Ostende. Il faudra y employer plusieurs années.
La Malmaison, 5 juillet 1804
A M. Lacuée
Monsieur Lacuée, Conseiller d'État, beaucoup de chefs de corps désireraient que l'on donnât le chevron et la haute paye qui y est attachée, sans exiger l'engagement; ils pensent que cela attacherait les vieux soldats à rester aux corps, et autoriserait à ne point leur délivrer leurs congés absolus; que ce qui les porte surtout à ne point s'engager, c'est que cela parait perdre quelque chose de leurs droits et contraire à leur habitude de quinze ans. Je pense donc qu'un petit projet d'arrêté sur cet objet serait convenable.
La Malmaison, 6 juillet 1804
A M. Barbé-Marbois
Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, M. Marescalchi, ministre de la République italienne, vous remettra six bons de 200,000 francs chacun, dont vous ferez recette sous le titre de don volontaire de la République italienne pour la guerre contre l'Angleterre. Cette république doit également donner une somme de 1,000,000 ou 1,500,000 francs en chanvres. Il serait convenable que cette somme fût portée en compte au ministre de la marine, sans quoi il y a à craindre qu'elle ne tourne pas au profit du trésor public.
La Malmaison, 6 juillet 1804
A M. TALLEYRAND
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, le général Brune désirerait que M. Kieffer retournât à Constantinople; que Franchini eût le titre de premier drogman; que M. Ruffin eût le titre d'interprète conseiller; que les commissaires de la mer Noire continuassent à dépendre de Pétersbourg, mais correspondissent avec Constantinople; enfin que, les drogmans devenant de plus en plus essentiels, il fût envoyé deux jeunes gens, étudiant les langues orientales, passer un an ou deux à Constantinople.
Saint-Cloud, 6 juillet 1804
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, Jaubert, qui arrive de Constantinople, apporte quelques lettres de Champagny que j'ai ouvertes. Vous les trouverez ci-jointes. Il a aussi pour M. de Cobenzl une lettre qu'il lui portera demain, étant extrêmement fatigué aujourd'hui. Le Grand Seigneur m'écrit une lettre d'une douzaine de pages, qui est une espèce de reddition de compte de la situation de son empire.
Saint-Cloud, 7 juillet 1804
DÉCISION
Duhamel, ancien militaire, demande à conserver un habit et une capote d'uniforme qu'on veut lui retirer. | Renvoyé au Colonel général Bessières, pour faire rendre justice à ce vieux soldat. |
Saint-Cloud, 9 juillet 1804
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous envoie des lettres de MM. Lucchesini, Dreyer et Buneau, où vous verrez que le langage de M. de Cobenzl n'est pas aussi sincère qu'il vous paraît. Mon intention est que vous détruisiez ces bruits dans le plus court délai; que vous disiez à tous les ambassadeurs, et spécialement aux plus mal informés, que la cour de Vienne a éprouvé de la joie de l'élévation de l'Empereur, mais qu'elle conçoit des craintes que la couronne impériale n'échappe à la Maison d'Autriche, et qu'elle désirerait que l'Empereur des Français reconnût l'érection de la monarchie autrichienne héréditaire en empire; que la première réponse avait été que l'on ne voyait rien de fondé à ce que la couronne impériale sortît de la Maison d'Autriche; que, si le cas arrivait, et qu'il fût compatible avec les constitutions de l'empire germanique que la Maison d'Autriche s'érigeât en monarchie héréditaire en empire, l'Empereur des Français n'y verrait point de difficultés, ayant
pour principe d'être facile dans des choses de cette nature. Vous ferez plus : vous expédierez un courrier à Berlin et à Ratisbonne porteur des numéros du Moniteur contenant le détail de l'audience de dimanche et une circulaire à nos ministres pour leur tracer le langage qu'ils doivent tenir et leur donner une notion de ce qui se passe, en leur recommandant de ne faire aucune démarche, mais de redresser seulement la fausse direction qu'on voudrait donner à l'opinion de l'Europe, et de dire qu'il n'a jamais été question entre la France et l'Autriche des affaires d'Italie, et qu'il n'a pu en être question, puisqu'on n'a songé à rien sur ces affaires.
Saint-Cloud, 11 juillet 1804
DÉCISION
Le gouvernement anglais réclame réciprocité de ration pour les sous-officiers, soldats et matelots anglais détenus en France. On pense que cette réciprocité ne doit pas se borner à la ration, mais qu'elle doit s'étendre au traitement et s'appliquer aux officiers comme aux sous-officiers et matelots. | Écrire que les prisonniers anglais sont libres dans les citadelles; qu'ils sont casernés comme les soldats; qu'ils reçoivent le pain et une paye suffisante et des effets de petit équipement; qu'on leur permet de travailler en ville. Mais avant de donner cette réponse prendre l'initiative et se plaindre du traitement fait en Angleterre aux officiers, en comparaison d'avantages qui sont accordés, selon les grades, aux officiers anglais prisonniers. Ajouter que nos prisonniers en Angleterre sont entassés d'une manière si pénible et si dangereuse, qu'on les force ainsi, sous peine de la vie, à prendre du service; qu'on insulte, qu'on outrage à chaque instant les officiers et les soldats. |
Saint-Cloud, 11 juillet 1804
DÉCISION
Le ministre de la marine propose de pourvoir au remplacement du général Vavasseur, et demande à l'Empereur si, ayant nommé le général Sugny premier inspecteur général d'artillerie, il ne juge pas à propos de nommer un inspecteur général du personnel sous ses ordres, comme il y en a un pour le matériel | Réunir les deux parties entre les mains du général Sugny; lui donner un colonel ou directeur chargé sous lui des parcs, et un adjudant commandant pour le personnel. |
Saint-Cloud, 12 juillet 1804
A M. Champagny
Monsieur Champagny, mon Ambassadeur à Vienne, mon intention étant de vous appeler près de moi pour vous confier le porte-feuille de l'intérieur, j'ai voulu vous le faire connaître directement, afin que vous vous prépariez à partir pour Paris, au moment où j'en aurai officiellement prévenu le ministre des relations extérieures. Les nouvelles fonctions auxquelles j'ai l'intention de vous appeler sont l'effet de la confiance que vous m'avez inspirée par votre attachement à ma personne et les talents distingués que vous avez montrés soit au Conseil d'État, soit à Vienne.
Saint-Cloud, 12 juillet 1804
A M. Otto
Monsieur Otto, mon Ministre à Münich, je profite d'un courrier que j'expédie à M. Champagny pour vous écrire directement. Je désire que, par le retour de mon courrier, vous me donniez quelques renseignements sur la famille de l'électeur de Bavière, et spécialement sur sa fille, et que vous me fassiez connaître s'il y a des projets connus de l'électeur pour l'établissement de cette jeune princesse, et quels pourraient être ces projets, autant que l'habitude que vous avez de son caractère et de sa cour peut vous le faire présumer. Je n'ai pas besoin de vous ajouter que cette mission étant toute de confiance, vous n'en devez aucune espèce de compte au département, et que vous devez être plus impénétrable encore sur une affaire de cette nature que sur les affaires de la plus haute politique. C'est parce que je connais votre attachement à ma personne et les talents dont vous avez donné des preuves dans les dernières négociations de Londres, que je me suis adressé à vous pour ces renseignements.
Saint-Cloud, 12 juillet 1804
Au maréchal Soult, commandant le camp de Saint-Omer
Mon Cousin, j'ai reçu vos lettres. On me mande du Havre que la division du capitaine Daugier est maintenant de 200 bâtiments. Il me tarde beaucoup qu'elle soit arrivée à Boulogne. Je me suis décidé à rester ici pour le 14 juillet, jour où je ferai prêter serment à tous les officiers de la Légion d'honneur qui sont à Paris ; cérémonie qui ne laissera pas d'être imposante. Il est probable que, quelques jours après, je serai auprès de vous. J'ai envoyé la semaine dernière à Boulogne un million pour solder les dépenses de la marine. Je désire que vous preniez confidentiellement des renseignements, et que vous me fassiez connaître où cela en est.
Saint-Cloud, 17 juillet 1804
A M. Barbé-Marbois
Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, je désirerais que les diamants et perles qui se trouvent au trésor public fussent montés en différentes décorations pour l'impératrice. Ces diamant et perles resteraient dans la comptabilité du trésor public comme joyaux de la couronne. Vous pouvez ordonner qu'ils soient montré au joaillier de l'Impératrice, afin qu'il voie ceux qui peuvent convenir.
Saint-Cloud, 18 juillet 1804
Au maréchal Berthier, ministre de la guerre
Le général Sebastiani a eu ordre de se rendre à Dijon. Faites-lui connaître là qu'il est chargé de remplir une mission. Il se rendra à Berne, puis dans les petits cantons, à Coire, Feldkirch, Constance, Lindau, Kempten ; suivra l'Inn jusqu'à lnspruck, de là ira à Brixen, Villach, Salzburg, Munich, Passau. Il parcourra les bords de l'Inn, se rendra à Nuremberg, parcourra la Rednitz et rejoindra l'Empereur partout où il se trouvera. Il prendra des notes sur la situation des troupes autrichiennes, sur les préparatifs quelles pourraient faire ; achètera les meilleures cartes, fera des reconnaissances, et m'instruira généralement de tout ce qui peut m'intéresser sous le point de vue politique et militaire. Il ne se dira point chargé de mission, mais voyageant simplement pour son plaisir.
Saint-Cloud, 18 juillet 1804
DÉCISION
Le ministre de la guerre demande qu'un général de brigade et deux colonels, nommés par le capitaine général Villaret, soient confirmés dans leur grade. | L'Empereur seul nomme les généraux. Les colonels ne sont susceptibles d'être confirmés qu'autant que ce sont des remplacements d'officiers de ce grade, et non des créations nouvelles. |
(le 20 juillet se place l'épisode de la revue ordonnée par Napoléon, malgré le mauvais temps, et contre l'avis de l'amiral Bruix, et qui entraîna la perte de 11 embarcations et la mort de 29 marins. L'empereur, une partie de la nuit, dirigea les opérations de sauvetage).
Pont de Briques, 20 juillet 1804
Au Ministre des Relations extérieures
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j'ai reçu vos trois portefeuilles. Les affaires de Suisse méritent de fixer toute mon attention. Écrivez à mon Ministre que je vois avec peine la formation d'un état-major général et que j'ai pour principe que toute nouvelle disposition contraire à l'Acte de Médiation n'est point obligatoire pour les Cantons qui ne veulent point y participer.
Faites connaître aux différents Ministres en Allemagne que la conduite de de la Cour de Vienne à Ratisbonne a paru d'autant moins convenable que son ambassadeur à Paris avait demandé lui-même que l'Empereur ne fit point répondre à la Note russe et laissât les choses s'arranger par le canal de Bade; et qu'enfin quinze jours avant l'arrivée de cette note intempestive et mal calculée du Cabinet russe, l'Empereur d'Allemagne avait fait connaître dans une lettre qu'il écrivit à M. de Cobenzl et qui fut communiqué par celui-ci dans une audience particulière à Saint-Cloud qu'il appréciait bien ce que les circonstances avaient rendu nécessaire, et qu'il complimentait le chef de l'État sur l'heureuse issue des évènements qui venaient de se passer, et lui témoignait le plaisir qu'il ressentait de le voir triompher des complots de ses ennemis.
En général vous n'écrivez pas assez aux Ministres qui ignorent le langage qu'ils doivent tenir sur chaque évènement.
Je pense que vous aurez donné des instructions à mon Ministre en Amérique sur la conduite qu'il a à tenir envers la soi-disante (sic) Madame Jérôme Bonaparte. Il ne doit point la voir ni se rencontrer avec elle et dire publiquement que je ne reconnais pas un mariage qu'un jeune homme de 19 ans contracte contre les lois de son pays.
Faites remettre à l'ambassadeur Turc la tabatière et la somme que je vous ai fait connaître vouloir lui donner. J'ai nommé Franchini premier interprète à Constantinople et M. Ruffin conseiller d'ambassade.
Quant à la Note russe je pense que vous devez y répondre à peu près dans ces termes : "J'ai reçu, Monsieur, votre note du... J'ai vu avec douleur que des propositions qui sous beaucoup de points de vue sont susceptibles d'être admises soient accompagnées d'injures et de menaces. Toutefois je vais m'employer de mettre votre note sous les yeux de S. M. l'Empereur, et je m'emploierai de vous transmettre les ordres qu'il m'aura donnés"
Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa saint garde.
PS. Monsieur Durand, en remettant votre réponse cachetée à M. d'Oubril aura soin de lui dire qu'il n'a lu ni la Note ni Votre réponse, mais qu'il parait que la Note de M. d'Oubril a été rédigée avec une espèce de grossièreté et qu'il est chargé de lui en faire un reproche personnel. M. d'Oubril ne manquera pas de dire qu'elle lui est venue toute faite de Petersbourg. M. Durand peut pénétrer par là quelle est la face du Tsar. Il pourra ajouter qu'il y a lieu de craindre, s'il y a effectivement des menaces dans sa note, qu'elle n'irrite beaucoup l'Empereur; et en rester là.
Lettres à Talleyrand
Pont-de-Briques, 21 juillet 1804
A l'Impératrice Joséphine
Madame et chère femme, depuis quatre jours que je suis loin de vous, j'ai toujours été à cheval et en mouvement sans que cela prît nullement sur ma santé.
M. Maret m'a instruit du projet où vous étiez de partir lundi : en voyageant à petites journées, vous aurez le temps d'arriver aux eaux sans vous fatiguer.
Le vent ayant beaucoup fraîchi cette nuit, une de nos cancanières qui étaient en rade a chassé et s'est engagée sur des roches à une lieue de Boulogne; j'ai tout cru perdu, corps et biens mais nous sommes parvenus à tout sauver. Ce spectacle était grand des coups de canon d'alarme, le rivage couvert de feu, la mer en fureur et mugissante, toute la nuit dans l'anxiété de sauver ou de voir périr ces malheureux ! L'âme était entre l'éternité, l'Océan et la nuit. A cinq heures du matin tout s'est éclairci, tout a été sauvé, et je me suis couché avec la sensation d'un rêve romanesque et épique; situation qui eut pu me faire penser que j'étais tout seul, si la fatigue et le corps trempé m'avaient laissé d'autre besoin que de dormir.
Pont-de-Briques, 21 juillet 1804
A M. Cambacérès
Mon cousin, j'ai reçu votre lettre du 30 messidor. J'ai lieu d'être extrêmement satisfait de l'esprit et de l'aspect des départements que j'ai traversés. Je le suis tout autant de la situation et de l'esprit de l'armée de terre et de mer. J'ai visité le port, et j'ai passé la dernière nuit sur la côte pour donner secours à une canonnière qui avait déradé. Le vent de nord-est a été violent. Heureusement que nous n'avons pas eu d'avarie considérable. Deux petites péniches seulement se sont perdues.
Je vois, dans le rapport de police, qu'au pont des Arts un militaire ayant la décoration est chargé d'exiger le payement du droit de passe. J'ai peine à le croire. Faites vérifier si ce fait est vrai.
Pont-de-Briques, 21 juillet 1804
A M. Fouché
Je désire que tous les rapports qui seraient faits sur les individus ayant la décoration soient approfondis avec la plus grande suite, car je ne serais pas étonné que quelques mauvais sujets usurpassent cette décoration pour commettre quelque action condamnable et se faire voir dans des lieux indus.
J'ai été fort satisfait de l'esprit des départements que j'ai parcourus ainsi que de celui des armées de terre et de mer.
Il est convenable que vous remettiez une instruction aux conseiller d'État attachés à votre département, pour remplir un des buts que je me suis proposés dans leur institution, qui est la connaissance des opinions et des intérêts des propriétaires des différents départements. Ce travail sera à moitié fait quand l'instruction et les tableaux à remplir par le résultat des recherches des conseillers d'État seront aussi bien que possible.
Pont-de-Briques, 24 juillet 1804
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je vous autorise à faire le renvoi au Conseil d'État de toutes les affaires du travail des ministres que vous en croirez susceptibles.
J'ai fait écrire au grand chancelier de la Légion d'honneur de se rendre à Boulogne. Il est nécessaire que François Rat, invalide, ne fasse point de fonctions au bureau de passe du pont des Arts. Il n'y a pas d'inconvénient que le chancelier de la Légion d'honneur lui accorde la gratification qu'il croira nécessaire. Je désire que vous disiez à MM. Cretet et Français (de Nantes) que je les rends responsables de tout emploi inférieur qui sera donné dans leurs parties à des soldats ayant des distinctions dans la Légion d'honneur.
Pont-de-Briques, 24 juillet 1804
A M. Regnier
Il y a un grand nombre d'individus condamnés, surtout de militaires, qui ont demandé des grâces et n'ont pas passé au dernier conseil privé. Je désire en avoir la liste, mon intention étant qu'ils ne puissent souffrir de mon absence. Du moment que j'en aurai la liste, je pourvoirai à la manière dont le conseil privé devra se tenir.
Pont-de-Briques, 24 juillet 1804
A M. Barbé-Marbois
Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, j'ai reçu votre lettre du 3 thermidor. La seule cause que je voie des bruits de Bourse dont il y est question, c'est cette demande de soixante millions de dépenses secrètes qu'a faite M. Pitt. Peut-être a-t-il en vue par là de faire voir aux puissances qu'il a en main de quoi les payer; avantage qui ne peut compenser l'inconvénient qu'en ressent son budget : car il n'est personne qui ne croie que, si le roi d'Angleterre promet de payer soixante millions, c'est qu'il est dans le cas de les payer, sinon en argent, du moins en marchandises, comme il a fait des subsides de l'Autriche dans la dernière guerre. D'un autre côté, en réfléchissant sur cette démarche, je suis plutôt porté à penser que cet argent est destiné à subvenir aux dépenses des volontaires. Ne voulant pas mettre une règle générale dans ces dépenses, on a affecté cette demande de fonds extraordinaires aux dépenses secrètes, pour venir au secours des besoins et calmer les mécontentements qui s'élèveraient.
Je serai probablement encore pendant longtemps à Boulogne; je vous y verrai avec plaisir. Je désire que vous apportiez avec vous la note de ce que vous aurez arrêté avec la Banque et les agents de la Bourse pour le monument de la Madeleine, que j'ai toujours fort à cœur de voir terminer.
Pont-de-Briques, 24 juillet 1804
A M. Fouché
Monsieur Fouché, Ministre de la police, il est convenable de chasser de Paris le fils de Bertrand-Molleville, et, en général, de purger Paris de tous les parents des individus qui sont à Londres à la solde de l'Angleterre. Après les nouveaux renseignements donnés sur Rochelle, il paraîtrait utile de faire surveiller sa mère et son frère, qui sont à Paris et qui passent pour de fort mauvais sujets; et, si les observations vérifient ces premières données, on pourrait les mettre en surveillance dans quelque petit bourg, à quarante lieues de Paris. On doit chasser de Paris tous les individus qui ont recélé les brigands et qui sont aujourd'hui en liberté. On m'assure que, de plusieurs points des départements du Midi, des hommes très-mal famés dans le sens terroriste se rendent à Paris. On doit veiller à ce qu'ils ne s'y rassemblent pas et les renvoyer chez eux, afin d'éviter d'être obligé de les frapper.
Pont-de-Briques, 25 juillet 1804
A l'amiral Bruix
Monsieur l'amiral Bruix, Inspecteur des côtes de l'Océan, les cinq divisions de péniches que j'ai vues ce matin me paraissent en général assez bien installées. Je désire que, le plus possible, vous fassiez placer des obusiers prussiens, et de 6 pouces, au lieu de caronades de 12, qui sont bonnes à peu de chose.
La terre peut vous fournir une cinquantaine d'obusiers prussiens et une cinquantaine d'obusiers de 6 pouces; reste à savoir si les affûts sont prêts. Dans le cas qu'ils ne le soient point donnez l'ordre de les confectionner dans le plus court délai.
Je désire également que vous fassiez essayer s'il serait possible de placer des hamacs dans les péniches, pour que les soldats y soient avec commodité, et que vous vous assuriez s'il n'y aurait pas quelque chose à faire pour que les prélarts et tentes soient plus couverts.
Demain, à l'heure où les bâtiments flotteront, je passerai la revue de toutes les chaloupes canonnières et bateaux canonniers. Je désire que toutes les divisions soient réunies ensemble, et que tout le monde s'y trouve, et que l'inspecteur général aux revues s'y trouve avec la feuille pour les appels.
Pont-de-Briques , 21 juillet 1804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, mon intention serait de faire camper les dix bataillons des grenadiers de la réserve que commande le général Junot, à portée du bassin circulaire de Boulogne, destinant cette division à tenir garnison sur les péniches. Je désire que vous fassiez reconnaître remplacement où elle pourrait camper, et s'il y a à Boulogne les tentes et autres objets nécessaires au campement. Je désirerais également savoir ce qu'il faudrait faire, et ce qu'il en coûterait, pour achever le camp que devait occuper la division Dupont, de manière à y faire camper trois régiments.
La marine aurait encore besoin ici d'une cinquantaine d'obusiers prussiens. Faites-moi connaître le lieu où l'on pourrait se les procurer.
Pont-de-Briques, 21 juillet 1804
A M. Cambacérès
Mon Cousin, l'auditeur (au Conseil d'État) n'est pas arrivé avec le travail des ministres.
Le bombardement du Havre n'est rien.
Prenez des informations et mettez-moi au courant du résultat des pluies dans la Brie, la Beauce et dans la plaine de Soissons. Il serait bien malheureux qu'une aussi belle récolte vînt à nous manquer.
J'ai passé hier la revue de toute la flottille; j'en ai été satisfait.
Une partie de la flottille qui était en rade ce matin a échangé quelques boulets avec les Anglais, qui ont bientôt repris le large.
Pont-de Briques, 21 juillet 1804
A M. Cambacérès
Mon Cousin, mon intention est de nommer M. Champagny, mon ambassadeur à Vienne, au ministère de l'intérieur. Je le lui ai fait connaître, et je viens de recevoir sa réponse. J'attends pour prendre l'arrêté que vous en ayez parlé à Chaptal et que vous me fassiez connaître ce qu'il désire. Ayant été instruit par vous, et sachant depuis longtemps que mon intention est d'appeler quelqu'un au ministère de l'intérieur, il me parait nécessaire de le faire le plus tôt possible. Je n'ai rien à ajouter aux intentions que je vous ai communiquées avant mon départ, toutes en faveur de Chaptal. Je suis toujours disposé à faire tout ce qu'il peut désirer.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
A M. Lebrun
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 4 thermidor. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous fassiez un tour dans la Manche. En ce cas, allez visiter les travaux de Cherbourg et voyez la batterie de la digue que j'ai fait construire. Il ne serait pas hors de propos que le préfet du département fût prévenu de votre arrivée, afin que vous y soyez reçu avec un peu d'éclat.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
A M. Garat, sénateur
Je désire que vous parcouriez la Hollande et les départements de la Roër, de la Sarre, de Rhin-et-Moselle et du Mont-Tonnerre. Je fais prévenir de votre mission mon ambassadeur à la Haye et le général Marmont, commandant en chef le camp d'Utrecht. Le ministre de l'intérieur l'annoncera aux préfets des quatre départements du Rhin.
Votre mission en Hollande sera toute d'observation. Vous prendrez connaissance de la situation présente de l'instruction publique dans ce pays, et vous recueillerez les renseignements nécessaires pour composer un mémoire sur l'état des différents partis, sur l'esprit public et sur les ressources que chaque département peut fournir tant à l'esprit public qu'au commerce, et même, par sa population, à la marine et à l'armée.
Quant aux quatre départements du Rhin, votre mission se bornera à connaître la situation de l'instruction publique et à rechercher les moyens à prendre pour propager la langue, française dans ces contrées et pour accélérer les progrès de la fusion de leur esprit dans l'esprit général de l'Empire.
Vous séjournerez dans les chefs-lieux des départements de la Hollande et du Rhin, et vous dirigerez votre marche de manière à être de retour vers le milieu du mois prochain.
J'attends de vos lumières et de votre zèle pont le service de l'État des notions précises et fécondes sur ces objets, que j'ai fort à cœur de connaître.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
Au maréchal Brune
Général Brune (sic), mon Ambassadeur à Constantinople, je vous expédie le présent courrier pour vous donner des instructions sur la conduite à tenir par rapport au cabinet russe.
J'ai reçu par le ministre de la Porte près de moi une nouvelle lettre du sultan Selim. Elle est une réponse plus franche à la lettre que je lui ai écrite. Je me réserve de lui écrire incessamment. A cette occasion, j'ai dit à son ministre que la Porte se perdait par faiblesse; que deux choses l'effaceront du nombre des puissances, sans même l'honneur du combat : 1° de souffrir et autoriser l'établissement des Russes à Corfou et de favoriser leur passage par le détroit; 2° de permettre que les bâtiments grecs de l'Archipel naviguent sous pavillon russe.
Vous aurez tenu note sans doute des troupes russes passées par le détroit. Je ne pense pas qu'il soit passé plus de 4,000 hommes, qui, joints aux 1,500 déjà passés, font 5 à 6,000 hommes. Quel est le but de cette division ? Il ne peut y en avoir qu'un, celui de s'emparer de la Morée et de profiter du moment où je suis occupé de la guerre contre l'Angleterre, pour, de concert avec l'Autriche, envahir la Turquie européenne; et la Porte est assez insensée pour laisser ainsi passer des troupes évidemment dirigées contre elle ! Vous devez vous attacher à lui faire sentir que 6,000 Russes et quatre ou cinq fois autant ne peuvent m'inquiéter en Italie, où j'ai 100,000 hommes, en supposant qu'ils aient des projets contre moi; mais qu'au contraire 6,000 Russes peuvent être un point d'appui pour soulever la Morée, contenir les troupes de l'Empire, dans le temps où la Russie menacerait Constantinople; que nous ne pouvons pas assurer que ce parti soit pris par la Russie, mais que nécessairement la Porte la conduira à ce projet si elle continue à permettre le passage aux troupes russes par le détroit; qu'enfin rien n'est plus dangereux pour elle que de voir les Russes établis en force à Corfou; que pour ne point autoriser une pareille usurpation, j'ai retiré le chargé d'affaires que j'avais à Corfou, et que je ferai même faire les représentations les plus fortes dès que je pourrai connaître l'intention et les résolutions de la Porte sur cet objet.
Quant au pavillon grec, le remède est bien simple : c'est de ne point laisser passer le détroit aux Grecs sous pavillon non turc, de faire parcourir par quelques frégates l'archipel pour empêcher les Grecs de naviguer sous ce pavillon. Si la Porte continue à agir autrement, toute la Grèce sera russe et le Turc chassé, sans pouvoir même soutenir une guerre.
J'ai rappelé Hédouville après l'incartade de la cour de Pétersbourg, qui a eu l'ineptie de porter le deuil du duc d'Enghien sans tenir à lui par aucune liaison de parenté et sans qu'aucune famille tenant aux Bourbons l'ait imitée. Je n'ai pu que retirer mon ambassadeur de Pétersbourg; mais je pense que les choses ne peuvent aller plus loin et qu'elles continueront à rester dans cet état de froideur, vu que, le cabinet de Saint-Pétersbourg étant extrêmement inconséquent, on ne peut attacher aucune foi à ses démarches, presque toutes hasardées.
Il est convenable que vous soyez froid avec le ministre de Russie, et que vous fassiez, dans toutes les occasions, apercevoir aux Turcs que je n'en veux pas aux Russes, ni ne les crains. Vous pourrez même vous expliquer assez haut sur l'occupation de Corfou contre le traité, sur la conduite qu'on tient avec la Porte, ainsi que sur les hostilités dont on use envers la Perse.
Notre situation avec l'Angleterre est des plus favorables. On ne se ressent point de la guerre en France, en raison de l'oppression où elle tient l'Angleterre, et j'ai ici autour de moi près de 120,000 hommes et 3,000 péniches et chaloupes canonnières, qui n'attendent qu'un vent favorable pour porter l'aigle impériale sur la Tour de Londres. Le temps et le destin seul savent ce qu'il en sera.
Ne retenez pas mon courrier plus de huit jours, et par son retour faites-moi part exactement du nombre de troupes russes qui ont passé par le détroit, des préparatifs des Russes dans la mer Noire, préparatifs qu'il ne faut pas évaluer légèrement, mais qu'il faut approfondir autant qu'il vous sera possible, enfin de la situation de l'empire ottoman et de ses dispositions à notre égard.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le bataillon des tirailleurs du Pô n'a aucun moyen de recrutement. Il serait nécessaire d'ordonner que ce bataillon engageât des Piémontais, et pour cela il faudrait qu'il eût un centre de recrutement à Turin. Son complet doit être de 1,000 hommes, et il n'est aujourd'hui qu'à 700 hommes. Ordonnez que des mesures soient prises pour le porter à son grand complet, et qu'il ne soit reçu dans ce recrutement que des hommes qui aient fait la guerre et servi dans les troupes du roi de Sardaigne. Vous ordonnerez aussi qu'une revue extraordinaire soit faite de ce bataillon, pour que tout ce qui ne serait pas né en Piémont en fut ôté; car mon principal but est de débarrasser le Piémont de tous les hommes qui, ayant fait la guerre sous le roi de Sardaigne, pourraient être supposés toujours prêts à reprendre parti pour ce prince. J'ai accordé des bonnets aux carabiniers de ce bataillon; faites-les-lui fournir.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
Au maréchal Berthier
L'Empereur désirerait, Monsieur le Maréchal, que les drapeaux qui seront donnés à l'armée fussent d'une forme différente de celle qu'elle possède aujourd'hui. L'aigle éployée, telle quelle se trouvera sur le sceau de l'Empire, sera placée sur la sommité du bâton du drapeau, de la même manière que le portaient les Romains. On attacherait au-dessous le drapeau, à la distance où se trouvait le labarum. Il aurait beaucoup moins d'étendue que les drapeaux actuels, qui sont très-embarrassants, et serait de trois couleurs, comme ceux-ci. L'étendue du drapeau pourrait ainsi être réduite à moitié. On y lirait ces mots : L'Empereur des Français à tel régiment. L'aigle constituerait essentiellement le drapeau , dont on pourrait changer l'étoffe lorsque son état l'exigerait. Il conviendrait seulement de rendre l'aigle tout à la fois solide et légère.
L'Empereur désire que vous fassiez faire un modèle, et que vous preniez ensuite ses ordres pour arrêter définitivement la forme des drapeaux.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
Au vice-amiral Decrès
Il m'a paru hier que tous les anciens bateaux canonniers sur lesquels on n'avait pas embarqué des pièces de campagne de l'artillerie de terre se trouvaient absolument sans défense sur l'arrière; que l'on pouvait sans difficulté y placer deux petites pièces de 4, de 6 ou même de 8. Ordonnez que la récapitulation de ces petites pièces existant à Boulogne soit faite, et qu'elles soient réparties sur tous ces bateaux. On pourrait aussi y mettre, à défaut de pièces, deux de ces caronades achetées à Calais. Les vingt-quatre pièces de 4 en bronze, forées à 6, se trouvant sur plusieurs bateaux canonniers sont destinées à armer les six paquebots de la Garde; ordonnez qu'elles soient débarquées, et qu'il en soit mis six sur chacun de ces paquebots.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
A M. Forfait
Monsieur Forfait, le moment approche où j'ai besoin de tous me moyens de transport. J'écris à Daugier de faire partir sa division en totalité ou par petites divisions, comme cela lui paraîtra le plus praticable. Armez, levez des matelots et faites partir tous vos bâtiments car j'ai besoin de tout. Faites-moi connaître le nombre de chaloupe canonnières que vous avez prêtes à partir, indépendamment de Daugier. Par les états que j'ai, indépendamment des divisions Montcabrié, Hamelin et Daugier, il y a encore 50 chaloupes canonnières, 35 bateaux, 26 péniches et plus de 60 transports. Je ne puis donc que vous répéter que tout cela m'est nécessaire; faites-les partir.
Activez aussi tout ce qui est à Cherbourg et dans les autres ports de votre arrondissement. Les modèles de caïques qu'on a construits sont mauvais; un ingénieur en a ici construit un qui paraît meilleur pour la mer; c'est surtout du fond plat du derrière qu'on se plaint.
Pont-de-Briques, 27 juillet 1804
A M. Portalis
Monsieur Portalis, Ministre des cultes, j'ai lu avec intérêt la lettre de l'évêque d'Angers. Rien ne peut m'être plus agréable que l'assurance que les habitants de Cantiers, qui ont été aussi malheureux, sont dans une disposition d'esprit à pouvoir espérer promptement le rétablissement de leur agriculture et de leur commerce. J'ai en général lieu d'être très-satisfait de l'esprit des départements que j'ai traversés. Vous m'avez instruit que l'abbé Paillon était arrivé à Paris. Je désire connaître si vous pensez toujours qu'il soit propre à occuper le siège de Poitiers.
Pont-de-Briques, 28 juillet 1804
A M. Fouché
Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, j'ai lu avec grand intérêt l'extrait du rapport de l'envoyé de Londres. Il serait bon, dans des articles faits convenablement, de faire connaître la distribution des poignards faite par M. le duc de Berry, la conduite de lord Hawkesbury, les propos du baron de Roll.
Le baron d'Ordre est un grand coquin; faites-le mettre en surveillance dans une petite ville de Champagne. Je crois être informé que Bourmont a des moyens de se sauver de la forteresse de Besançon quand il le jugera à propos.
J'attends le ministre du trésor public; dans le travail que je ferai avec lui, j'arrangerai tout ce qui est relatif à votre budget.
Pont-de-Briques, 28 juillet 1804
DÉCISION
Corrigeux, canonnier, se plaint de que ses frères ont profité de sa présence à l'armée pour le priver de sa part dans la succession de sou père. | Renvoyé au grand juge, pour ce faire intervenir le commissaire impérial, qui prendra fait et cause si la réclamation est fondée. |
DÉCISION
Robin, déserteur, marié sous le nom de Lecomte, demande le pardon de sa faute et la permission de donner à ses enfants leur nom de famille. | Renvoyé au grand juge, pour faire faire les actes nécessaires afin de le rétablir dans son nom et d'assurer l'état civil de ses enfants. |
Pont-de-Briques, 29 juillet 1804
NOTE POUR M. D'HAUTERIVE,
CHEF DE DIVISION AU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
L'Empereur désirerait que M. d'Hauterive fit une petite brochure intitulée Changements survenus en Europe depuis vingt-cinq ans, qui ferait connaître :
Ce que l'Angleterre a gagné, soit en territoire aux Indes, soit par le commerce, soit par ses innovations dans la législation maritime;
Que la Suède et le Danemark ne sont plus rien;
Ce que la Russie a gagné par le partage de la Pologne; en Crimée, en Géorgie, à Corfou; par son influence en Valachie, en Moldavie, en Morée; par son occupation du Phase;
Que la Prusse est tombée au second rang, quoi qu'elle en dise;
Ce que l'Autriche a gagné par le partage de la Pologne, par la concentration de ses forces, par l'acquisition de Venise, par l'annihilation de la Porte, contre laquelle elle était obligée de tenir une armée, puisque la Porte ne peut plus rien et que les Géorgiens font une diversion sur ses frontières ;
Ce que la France a gagné; ce qu'elle a perdu par la nouvelle doctrine que les Anglais ont fait adopter sur la navigation des mers; par la décadence de la Porte, son alliée naturelle; par le partage de la Pologne, son alliée naturelle, et enfin par la perte de ses possession aux Indes et de sa belle colonie de Saint-Domingue, celle-ci à peu près perdue pour toujours.
Quand M. d'Hauterive aura fait cette brochure, il viendra la lire à l'Empereur.
Pont-de-Briques, 30 juillet 1804
A M. Talleyrand
J'ai reçu vos trois portefeuilles.
Les affaires de Suisse méritent de fixer toute mon attention. Écrivez à mon ministre que je vois avec peine la formation d'un état-major général, et que j'ai pour principe que toute nouvelle disposition contraire à l'acte de médiation n'est point obligatoire pour les cantons qui ne veulent point y participer.
Faites connaître aux différents ministres en Allemagne que la conduite de la cour de Vienne à Ratisbonne a paru d'autant moins concevable que son ambassadeur à Paris avait demandé lui-même que l'Empereur ne fit point répondre à la note russe et laissât les choses s'arranger par le canal de Bade; et qu'enfin, quinze jours avant l'arrivée de cette note intempestive et mal calculée du cabinet russe, l'empereur d'Allemagne avait fait connaître dans une lettre qu'il écrivit à M. de Cobenzl, qui fut communiquée par celui-ci dans une audience particulière à Saint-Cloud, qu'il appréciait bien ce que les circonstances avaient rendu nécessaire, et qu'il complimentait le chef de l'État sur l'heureuse issue des événements qui venaient de se passer, et lui témoignait le plaisir qu'il ressentait de le voir triompher des complots de ses ennemis.
En général, vous n'écrivez pas assez aux ministres, qui ignorent le langage qu'ils doivent tenir sur chaque événement.
Je pense que vous aurez donné des instructions à mon ministre en Amérique sur la conduite qu'il doit tenir sur la soi-disante madame Jérôme Bonaparte. Il doit ne point la voir, ni se rencontrer avec elle, et dire publiquement que je ne reconnais pas un mariage qu'un jeune homme de dix-neuf ans contracte contre les lois de son pays.
Faites remettre à l'ambassadeur turc la tabatière et la somme que je vous ai fait connaître vouloir lui donner. J'ai nommé Franchini premier interprète à Constantinople, et M. Ruffin conseiller d'ambassade.
Quant à la note russe, je pense que vous devez y répondre à peu près dans ces termes : "J'ai reçu, Monsieur, votre note du ..... J'ai vu avec douleur que des propositions qui sous beaucoup de points de vue, sont susceptibles d'être admises, soient accompagnées d'injures et de menaces. Toutefois, je vais mettre votre note sous les yeux de S. M. l'Empereur, et je m'empresserai de vous transmettre les ordres qu'il m'aura donnés."
M. Durand, en remettant votre réponse cachetée à M. d'Oubril, aura soin de lui dire qu'il n'a lu ni la note ni votre réponse, mais qu'il paraît que la note de M. d'Oubril a été rédigée avec une espèce de grossièreté, et qu'il est chargé de lui en faire un reproche personnel. M. d'Oubril ne manquera pas de dire qu'elle lui est venue toute faite de Pétersbourg. M. Durand peut pénétrer par là quel est le fond du sac. Il pourra ajouter qu'il y a lieu de craindre, s'il y a effectivement des menaces dans la note, qu'elle n'irrite beaucoup l'Empereur, et en rester là.
Pont-de-Briques, 30 juillet 1804
Au maréchal Berthier, ministre de la guerre
Mon Cousin, je désire que vous donniez ordre que milord Tweedale, prisonnier anglais à Verdun, retourne en Angleterre sur parole. Il sera de retour avant un an. Vous lui ferez connaître que c'est sur la demande et pour donner une preuve d'estime aux talents et au caractère de M. Fox, que l'Empereur a consenti à ce qu'il retourne à Londres.
Pont-de-Briques, 30 juillet 1804
A M. François, de Neufchâteau
Monsieur François, de Neufchâteau, Président du Sénat, le message au Sénat, relatif à la nomination d'un membre du tribunal cassation, contient deux erreurs; j'ai ordonné qu'on les rectifie et qu'il vous soit sur-le-champ transmis. Le compte que vous m'avez rendu des différents désirs du Sénat sera l'objet de mes méditations et, dès mon arrivée, je réunirai un conseil privé pour statuer ce qui sera nécessaire. Il me semble que, s'il est des actes que le Sénat peut faire avec un petit nombre de membres, il en est, tels que 1es sénatus-consultes organiques, qui devraient exiger la présence des deux tiers au moins des membres existants. Au reste, nous en discuterons en conseil privé.
Pont-de-Briques, 31 juillet 1804
A M. Cambacérès
Mon Cousin, faites passer au Conseil d'État le règlement sur les avocats; c'est une partie essentielle à régler. J'imagine qu'on en laissera la première nomination à l'Empereur.
Pont-de-Briques, 31 juillet 1804
A M. Talleyrand
Je ne suis point de votre opinion sur le protocole avec la Porte. Il faut insister pour qu'elle me donne le même titre qu'à l'empereur d'Allemagne.