16 - 30 Septembre 1804


Cologne, 16 septembre 1804

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, Ministre des finances, je désire connaître si les obligations pour le droit de passe sont souscrites, quel en est le montant, et la partie qui est versée au trésor public. J'ai parcouru beaucoup de départements, causé avec les administrateurs et receveurs, et je reste convaincu qu'il n'y en a pas un qui ne fût prêt à signer le montant de ses obligations en douze mois, avec une restriction convenable pour lui servir d'escompte. Il faut donc vous occuper sérieusement de cet objet, car c'est la seule manière de rétablir l'ordre dans nos finances.

Dans la loi du budget, je pense qu'il sera nécessaire de conserver le centime additionnel pour l'an XIII. J'espère que vous vous occupez de trouver des matières de cautionnements, afin de compléter nos budgets.

J'espère que les droits réunis rendront plus de dix-neuf millions pour l'an XIII. Beaucoup de départements espèrent des recettes assez considérables.


Cologne, 16 septembre 1804

A M. le cardinal Fesch, ambassadeur à Rome

Monsieur mon oncle et Cousin, M. le général Caffarelli, mon premier aide de camp, officier distingué, pour qui j'ai de l'affection, est le porteur de ma lettre au Pape. Il est convenable que vous lui ménagiez une entrevue particulière pour qu'il remette lui-même ma lettre au Saint-Père.

Le Saint-Père viendra dans ses voitures jusqu'au pied du montCenis; arrivé là, mes voitures le prendront; une députation le recevra à l'extrémité du territoire, et il sera défrayé de tout, du moment qu'il y aura mis le pied. Vous devez accompagner le Pape, mais incontinent retourner à Rome avec lui, mon intention étant que vous continuiez à séjourner dans cette ville. Je désire que le Pape soit arrivé le 18 brumaire; n'arriverait-il que le 15 ou le 16, cela est égal, parce que nous renverrons ensuite la fête à dix ou quinze jours à volonté; et enfin, pourvu qu'il soit en deçà des Alpes avant le 12 brumaire, je serai satisfait. J'imagine que vous le logerez, à Lyon à l'archevêché. Il sera facile de le loger à Turin. A Paris, je compte le loger au pavillon de Flore, aux Tuileries. J'imagine qu'il sera plus satisfait de cela que d'être logé à l'archevêché.

Je désire beaucoup que le roi de Sardaigne ne retourne plus à Rome; c'est une question finie. Je ne permettrai plus qu'il ait rien en Italie. C'est donc pour moi un sujet de désagrément de voir un agent russe à Rome et ce prince, qui ne laisse pas que de gêner et finirait par compromettre le Pape. Il faut profiter de cela pour que le Pape ne le laisse plus revenir à Rome et l'engage à rester à l'extrémité des États romains.


Coblentz, 19 septembre 1804

A M. Portalis, chargé par intérim du portefeuille de l'intérieur

Je ne vois aucune difficulté à ce que le général Carteaux ne parte que le 10 ou 12 vendémiaire pour Piombino. Ce déplacement n'est pas une disgrâce, mais une mission de confiance. Il y fera du bien; c'est dans ce sens que vous devez lui en parler.


Coblentz, 19 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, l'état que vous m'avez envoyé de la solde de vendémiaire contient quelques erreurs.

1° Il n'y a pas 3,000 vélites.
2° Si le 5° de ligne est passé de la solde d'Étrurie à celle de France, le 62e qui était à Turin, a été en Étrurie.
3° Le second bataillon ligurien, qui est à Gênes, ne doit pas être payé par la France; celui qui est à Tarente est seul à la solde de la France.
4° Le calcul de 468,000 francs par mois pour le pain blanc est erroné; au lieu de cette somme, cela ne doit pas aller, à beaucoup près, à 400,000 francs. Pour cela, il faut vérifier si ce pain est accordé aux hommes présents ou à l'effectif; il me semble qu'il ne doit l'être qu'aux présents; il n'a pas non plus été accordé aux sous-officiers; enfin les vétérans, les gendarmes, les armées de Hanovre, de Hollande, d'Étrurie, de Lucques, de Naples, ne doivent pas en jouir. Je désire donc que vous établissiez des calculs plus précis sur cet objet. J'envoie votre état au ministre du trésor public, qui vous le fera passer.


Coblentz, 19 septembre 1804

A M. Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Vous trouverez ci-joint l'état que m'envoie le ministre de la guerre. Il en résulte que la solde ne doit monter qu'à 8,684,000 fr. pour vendémiaire; encore, sur cette somme, y a-t-il des observations à faire.

On a porté en plus le 5e régiment de ligne, qui n'est plus en Étrurie; mais il fallait porter en moins le 62e, qui n'est plus en Piémont et qui est passé à la solde de 1'Érurie.

Le second bataillon ligurien ne doit pas également être soldé; ces bataillons étaient au nombre de deux; l'un, qui est à Tarente, est à notre solde; le deuxième, qui est à Gênes, doit être soldé par la République ligurienne.

On a porté les vélites pour 3,000; je ne sais pour quelle raison, puisque leur complet est de 1,600, et qu'ils ne sont pas aujourd'hui plus de 11 à 1200.

Vous demandez dans votre rapport 9,300,000 francs; il est vrai que vous y comprenez le pain blanc; mais le ministre, même en l'y comprenant, et malgré les petites erreurs que j'ai remarquées, demande que neuf millions.

Le ministre de la marine m'avait assuré que les troupes embarquées sur les vaisseaux de guerre, ainsi que celles qui sont dans les colonies, étaient payées par la marine; ce fait est facile à vérifier. Qui est-ce qui paye les garnisons des escadres de Toulon, de Brest, de l'île d'Aix ? Si c'est la marine, vous vous trouverez demander beaucoup trop.

Faites passer au ministre de la guerre l'état, puisqu'il le demande. Il faut avoir soin, dans les distributions du mois, de porter en tête du crédit fait à l'administration de la guerre la portion des huit millions destinée à la partie de la masse qui se paye comme solde et qui doit être prise sur les fonds de l'administration de la guerre. Il y a également trois millions, qui se payent comme solde, sous le titre de fournitures de campagne. Le retard du payement de
deux objets au trésor public ne laisse pas que de porter de la confusion dans la question de la solde. Il faut aussi avoir soin veiller à ce que le pain blanc ne se donne qu'aux présents et non à l'effectif.

Je reste toujours convaincu que cette partie mérite toute votre sollicitude, et qu'il est possible d'y faire des économies importantes, je désirerais qu'on fit successivement vérifier les trente-six payeurs; ce n'est que par ce moyen qu'on peut connaître les abus qui existent dans ce service. Je demeure persuadé que huit millions, non compris le pain, doivent être suffisants pour la solde.


Coblenz, 19 septembre 1804

Au maréchal Berthier, ministre de la guerre

Mon Cousin, j'ai examiné avec attention les places de Juliers de Venloo.

Un ouvrage à couronne a été construit sur la Roër, en avant Juliers; mais les détails de la construction m'ont semblé faits sur des projets extrêmement chers. On a, dans cette localité, le moyen de se couvrir par une inondation, et la place ne peut, dans tout le reste, être assez formidable pour que jamais on l'attaque du côté de l'ouvrage à couronne. J'ai jugé fort inutiles toutes les dépenses qu'on a faites pour des casemates. Ainsi l'on aurait pu épargner un million pour cet ouvrage, qui, à ce qu'on m'assure, coûtera 1,400,000 fr. J'ai aussi regretté qu'on eût donné à cet ouvrage si peu de profondeur. A mon sens, les branches sont trop courtes, ce qui fait qu'il n'y a pas assez d'espace, tandis qu'il aurait été si facile, soit en brisant les branches, soit en leur faisant recevoir les feux d'un petit saillant qu'on eût établi sur la rive gauche, de rendre cet ouvrage bien plus spacieux et beaucoup plus beau. Dans sa situation actuelle, je pense qu'il ne faut pas y établir de casernes. En temps de guerre, il y aura assez de place dans les casemates pour contenir les hommes nécessaires à la défense, et, d'ailleurs, ils auront toujours la ressource de la ville. Des casernes dans les ouvrages avancés ne servent, en général, qu'à les affaiblir; tandis qu'elles peuvent être placées avec utilité dans les autres parties plus à l'abri des attaques.

Je désire que vous ordonniez la démolition des fronts de la citadelle qui regardent la ville; cela donnera de l'espace et une fort belle esplanade, dont la ville a besoin. On peut cependant se servir de ces fronts pour établir des souterrains, si l'on juge en avoir besoin.

Il faut acheter les maisons voisines des deux casernes existantes, afin de pratiquer devant elles de belles esplanades, qui contribuent à la santé et à la discipline des troupes.

Il y a à Juliers des maisons nationales qui ne sont point à votre disposition. Il faut les demander sur-le-champ et les mettre en réparation, pour en faire des casernes.

Il faut faire démolir, à la citadelle, toute la partie du château qui est élevée au-dessus des corps de bâtiments ; les débris seraient fort dangereux pendant un siège, tandis que les matériaux peuvent servir. J'ai vu les ouvrages pratiqués sur la hauteur; ils coûteraient quatre millions pour être terminés; je crois cette dépense beaucoup trop considérable.

La hauteur étant occupée par l'ennemi, la place conserverait encore toute sa défense. Si l'on met en bon état le front de la place opposé à la hauteur, et, si on lui donne quelque relief, elle dominera peu la place, puisqu'elle est à 400 toises et qu'elle finit d'une manière très-rapide, de sorte que 300 toises entre la place et la hauteur sont dominées par l'enceinte de la place. En supposant qu'il fallût dépenser trois à quatre millions sur ces hauteurs, je crois encore le système très-fautif. On a établi une espèce d'ouvrage à couronne, qui ne tire aucune défense de la place, et dont, par conséquent, les côtés n'auraient aucune sorte de défense aussitôt qu'un des forts de droite ou de gauche aurait été pris. En effet, celui du centre serait battu en brèche, sur-le-champ, du fort même qui aurait été pris, et ils ne tiendront pas quatre jours.

Mon opinion est donc qu'un simple fort en étoile serait d'une aussi forte défense qu'un ouvrage à couronne, qui coûtera beaucoup d'argent et de bras. Et, si l'on persistait à dépenser beaucoup sur la hauteur, il faudrait le faire par trois bastions qui formeraient le triangle et seraient parfaitement défendus; le plus avancé dans la campagne serait le plus soigné
et se trouverait défendu par les deux autres. Je ne puis que vous répéter que, quand j'ai vu le système sur le terrain, j'ai craint non seulement pour la dépense que nous faisons, mais encore pour l'honneur de l'arme. Les officiers du génie n'ont pu rien me répondre lorsque j'ai raisonné d'après cette supposition que l'ennemi attaquerait un bastion de droite ou un bastion de gauche de la couronne. Quant au fort qu'on pourrait faire pour soutenir l'ouvrage à couronne ce serait une augmentation de dépense et un bien faible sûreté de défense. On ne ferait que préparer deux batteries de plus pour l'ennemi.

Mon opinion est donc qu'il ne faut pas dépenser plus de cent mille écus sur la hauteur de Juliers, qu'il faut y faire un fort unique en étoile, lequel tiendra la tête du camp retranché, empêchera l'ennemi de s'approcher de la place, l'obligera à ouvrir la tranché devant ce fort et à l'attaquer en règle avec de l'artillerie de siège.

Et enfin, lorsqu'il y aura un parc d'artillerie de siége assez considérable et la volonté de suivre l'attaque, cet ouvrage sera pris, sans doute, mais la place restera entière. En donnant du relief et en couvrant bien quelque ouvrage du front qui regarde la hauteur, on lui donnera beaucoup de défense. Je désire donc que vous me présentiez à nouveau les projets de Juliers, avec l'ordre qui doit être mis dans chaque partie.

Quant à Venloo, il faut prendre les couvents et les maisons nationales encore existants, et les faire mettre en état, pour former des casernes. Il faut, dans le courant de l'année, réparer les batardeaux et les différents points de l'enceinte. Plusieurs maisons de particuliers gênent et obstruent les remparts; il convient de les démolir. Il m'a paru qu'en rasant deux ou trois monticules, en donnant du relief à quelques ouvrages avancés, en revêtissant et en reformant les contrescarpes à quelques flèches avancées, cette place serait d'une grande utilité; mais elle ne remplirait pas son but, si elle ne restait à cheval sur la Meuse. Je suis donc bien loin de partager l'opinion de ceux qui veulent démolir le fort Saint-Michel. Je pense qu'en faisant simplement revêtir ses demi-lunes et en établissant une contrescarpe au saillant de ses batteries, ainsi que le chemin couvert, non-seulement le long du fort, mais même, comme il a été fait par les Français, en le prolongeant jusqu'à rencontrer la rivière, et en l'accompagnant d'un fossé plein d'eau, et, enfin, en fermant à la gorge par un mur crénelé le fort actuel, on aurait, sans aucune dépense, une tête de pont susceptible d'une bonne et longue défense; et l'ennemi n'attaquerait jamais le fort mis dans cet état, parce qu'il ne lui donnerait aucun avantage; il attaquerait au contraire le corps de la place. Je ne voudrais point de casernes dans ce fort; on pourrait seulement y établir, le plus près possible de la rivière, un magasin à poudre à l'abri de la bombe. On mettrait aussi dans la place du bois pour les constructions de petites baraques, à l'usage des troupes qui seraient de service, le long des remparts.

Je suis persuadé qu'avec une dépense beaucoup moindre d'un million, et qui peut se faire en cinq ou six années, on parviendrait à rendre Venloo tout ce qu'il doit être, c'est-à-dire un point d'appui pour l'armée sur le bas Rhin et sur la Meuse inférieure; et, en effet, les convois pourraient de là se rendre dans un jour sur le bas Rhin.

Soumettez-moi un projet dans ce sens. Tout autre projet, qui tendrait à dépenser trois à quatre millions à Venloo, je ne l'approuverais point. Je préférerais certainement employer cet argent à la construction d'une grande place qui maîtriserait le Rhin.


Coblentz , 19 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, mon intention est que le lieutenant Grant soit échangé contre un des lieutenants de la corvette que commandait Jérôme. Quant à la seconde question, nous avons nos habitudes et les Anglais ont les leurs. Nous ne sommes pas une nation neuve. De tout temps nous avons traité les prisonniers que nous avons eus. Je ne veux donc rien changer à cet égard. Quant à l'habillement, mon intention est d'habiller les prisonniers anglais, parce qu'ils sont en mon pouvoir, et que la générosité, les lois de la nature veulent qu'on leur donne tout ce qui est nécessaire. Ils ont leur masse comme les troupes. Les Anglais doivent en faire autant, d'autant plus que leurs prisonniers sont de misérables pêcheurs qui, naviguant sur des bâtiments de commerce, dont pas n'ont pas été pris à main armée. Ainsi donc je veux que les prisonniers anglais ne coûtent rien aux Anglais, et que les prisonniers français qu'ils pourraient avoir ne me coûtent rien. Faites-moi connaître ce que c'est qu'un M. Brenton; je n'entends point qu'il ait aucune correspondance; aucune lettre sur cet objet n'a été remise, et M. Perregaux, ou tout autre individu, aurait tort de se mêler de ces affaires-là. J'approuve la réponse que vous proposez de faire pour le capitaine Jurien. Quant à la proposition faite d'envoyer des agents de part  et d'autre pour surveiller les prisonniers, faites connaître que cette demande n'a point été soumise à l'Empereur, mais a été mise sous les yeux du ministre, qui pense que l'Empereur ne fera aucune difficulté d'adhérer à une proposition si conforme au droit des gens dès qu'il connaîtra l'agent anglais qu'on est dans l'intention d'envoyer; que sur cet objet le personnel de l'individu décidera le Gouvernement à adopter ou à rejeter la proposition.


Coblentz, 19 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, après le rapport que vous m'avez fait, voici les bâtiments que montera ma Garde :

   Un seul paquebot . . . . . . . . . . . . . . 14 hommes
   Deux grands canots . . . . . . . . . .  . . 6
   36 chaloupes canonnières . .. . . 612
   36 péniches . . . . . . . . . . . . . . . . .  144
                                                         --------
                                                          776

Dans les 36 chaloupes canonnières seront comprises les corvettes canonnières; et comme la Garde a aujourd'hui 29 chaloupes canonnières à Boulogne, 7 chaloupes canonnières au Havre, 4 corvettes canonnières au Havre, total 40, elle remettra à la marine 4 canonnières dont les équipages seront formés comme à l'ordinaire; et à mesure que des corvettes canonnières arriveront de Saint-Malo, elle remettra, également les autres.

Quant aux 5 paquebots, ils resteront toujours sous les ordres de la Garde, qui y mettra un homme pour les garder, et les équipages en seront formés ultérieurement.

Vous me faites la proposition de faire entrer dans l'arsenal de Brest 46 bateaux canonniers et 84 péniches, afin d'employer les 1,500 hommes d'équipage que cela vous fournirait au complément de l'expédition de Brest. Vous avez prévu combien j'aurais de répugnance à approuver cette mesure; faites-moi connaître le nombre de chaloupes, bateaux canonniers et péniches qu'il nous restera, et les lieux où ils se trouvent aujourd'hui; faites-moi, connaître également la portion du port de Brest où ces bâtiments pourront être réunis, car, en supposant que je me décide à faire ce désarmement d'après les rapports que vous me ferez, je voudrais qu'ils fussent tous réunis à Brest, entretenus et soignés de manière à pouvoir, d'un instant à l'autre, être réarmés. Je pense aussi que s'il y avait possibilité que chaque vaisseau de guerre à Brest pût embarquer une péniche, ce surcroît de moyens de débarquement ne laisserait pas d'avoir d'immenses avantages. J'attends avec intérêt le rapport que vous m'annoncez sur l'autre objet, ainsi que les renseignements que vous avez puisés dans la dernière expédition des Anglais.


Mayence, 21 septembre 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je me suis fait rendre compte de ce que le Pontifical romain prescrit pour le sacre; je l'ai fait traduire et je vous l'envoie. Je désire que vous me le renvoyiez avec vos observations et des modifications plus adaptées à nos mœurs, et qui blessent le moins possible la cour de Rome. Cela nécessitera aussi quelques décorations différentes dans le chœur de l'église. Je désire, au reste, que vous ne fassiez part à personne, si ce n'est à Portalis, de ces questions, puisque cela ne serait qu'un vain sujet de bavardage.


Mayence, 21 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai reçu l'état des garnisons de la flottille impériale au 10 fructidor. Cet état m'a paru fait avec grand soin. Il est divisé en deux parties. La première partie comprend l'état de situation par ordre numérique. Cette partie est fautive, en ce sens que vous placez, pour former la première division de chaloupes canonnières, les dix  huit premiers numéros, et ainsi de suite : cet ordre n'existe pas. La première division de chaloupes canonnières est formée telle qu'elle se trouve au second état intituléRépartition de la flottille impériale dans les différents ports, où l'on voit, après le n° 1, le n° 259.


Mayence, 21 septembre 1804

DÉCISION

Claret-Fleurieu rend compte de l'état des travaux de la galerie du muséum, qu'il croit devoir être continués.

N'étant pas sur les lieux, je ne puis donner aucun ordre relativement à cette galerie. Mon intention est qu'au 18 brumaire on en ait la jouissance, sans quoi l'appartement du Pape serait mesquin. Si la construction des trumeaux ne peut être faite pour cette époque et doit contrarier la jouissance de cette galerie, il n'y a qu'à l'ajourner à une autre année.


DÉCISION

Le conseil général de liquidation présente à I'Empereur un projet de décret tendant,
1° A arrêter les comptes de la compagnie Rousseau à13,891,931 francs;
2° A admettre provisoirement les pièces de dépenses de cette compagnie pour la somme de 5,l90,686 francs;
3° A rejeter les autres pièces comme arguées de faux.

Cet arrêté de la comptabilité devrait être signé; savoir pourquoi il ne l'est pas. Renvoyé à M. Defermon pour qu'il le fasse signer; et, pour ne pas perdre temps, il en renverra deux copies au grand juge et au ministre du trésor public, avec cette apostille de moi :

"Le grand juge et le ministre du trésor public prendront les mesures, le premier, pour faire exécuter les lois de la République envers les faussaires et leurs complices; et le second, pour pouvoir le plus promptement possible aux intérêts du trésor."


Mayence, 22 septembre 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES

Je désire qu'il fasse donner 8,000 francs de gratification à l'évêque d'Aix-la-Chapelle et à celui d'Arras, pour les indemniser des dépenses que peut leur avoir occasionnées mon séjour dans leurs diocèses; qu'il en donne 19,000 à celui de Mayence, pour l'indemniser des frais qu'il peut avoir faits pour recevoir l'électeur archichancelier.


Mayence, 22 septembre 1804

A M. Régnier, Grand-Juge, ministre de la Justice, à Paris.

Par votre lettre, vous m'annoncez que M. Botton a changé d'opinion et, après avoir refusé le poste de substitut près la cour de cassation. il l'accepte. Je suis fâché que dans cet intervalle cette place ait été donnée à un homme très distingué de Cologne. La première place qui se présentera au tribunal de cassation, je la lui ferai donner.

(Brotonne)


Mayence, 23 septembre 1804

A l'Empereur d'Autriche

Monsieur mon Frère, je suis sensible aux choses aimables contenues dans la lettre de Votre Majesté. Je la prie de recevoir mes félicitations sur l'érection de sa Maison en Maison impériale héréditaire d'Autriche. Un long règne à Votre Majesté, une paix perpétuelle entre nous, et qu'elle permette que j'ajoute, tout ce qui petit contribuer au bonheur de l'intérieur de sa famille, sont des événements qui ne seront jamais étrangers à mon propre bien-être. Mais surtout que Votre Majesté ne conçoive jamais de doute sur mon désir constant et sincère de maintenir dans nos deux États la meilleure harmonie, non plus que de mes sentiments d'estime, d'amitié et de haute considération.

Monsieur mon Frère, de Votre Majesté impériale le bon frère, 

Napoléon


Mayence, 24 septembre 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, chargé par intérim du portefeuille de l'intérieur, mon intention est que les évêques de Mayence, d'Aix-la-Chapelle et de Tournay soient nommés membres des conseils des hospices civils et des comités de bienfaisance des villes de leur résidence.


Mayence, 25 septembre 1804

DÉCISION

Rapport du ministre de la guerre sur le refus, fait par le capitaine d'un trois-mâts russe mouillé à Paimboeuf, de recevoir une haussière à son bord, afin d'empêcher l'échouement d'une chaloupe canonnière 

Renvoyé au ministre de la marine pour faire mettre en prison  ce capitaine russe, par forme de police maritime, et pour donner
à ce barbare une leçon d'hospitalité.


Mayence, 26 septembre 1804

A M. Cretet

Monsieur Cretet, Conseiller d'État, presque toutes les grandes villes de France ont des jeux. La police en prend le produit pour son profit. Mon intention est qu'il aille désormais au profit des villes. Bordeaux rend 200,000 francs. Je voudrais les employer à quelque chose de durable et d'utile pour la ville, comme un bon quai, un canal, un pont, enfin quelque chose qui pût contribuer à la gloire de l'empire et à l'utilité publique. Les jeux doivent rendre beaucoup à Marseille; leur produit peut très-bien être employé à la tour de Bouc, etc., à moins qu'il n'y ait quelque chose de plus important à faire au port ou à la ville de Marseille. Je ne vois pas de travail plus important pour Lyon que d'accélérer le pont dont j'ai ordonné la construction, et le quai de la Saône. Le produit des jeux d'Aix-la-Chapelle est destiné à l'entretien des eaux. Spa, Barréges, Plombières, etc., ont tous des jeux; que peut-on faire faire dans ces différentes villes ?


Mayence, 27septembre 1804

A M. Monsieur François, de Neufchâteau, Président du Sénat, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite et les deux imprimés des jeunes élèves de votre sénatorerie. Si vous pensez qu'il n'y ait pas d'inconvénient à provoquer une discussion au Sénat sur les statues à élever aux hommes qui ont illustré la nation et répandu les lumières et la gloire sur notre époque, pour en décorer son palais, cela ne pourra que m'être extrêmement agréable. N'en occupez le Sénat de votre propre mouvement qu'autant que cette discussion ne puisse réveiller aucune passion et n'avoir aucun inconvénient notable. (Nicolas-Louis, comte François  de Neufchâteau, 1750-1828, président du Sénat de 1804 à 1806. C'est lui qui s'adressera à l'Empereur lors de son couronnement)


Mayence, 27 septembre 1804

DÉCISION

M. Lacépède fait connaître à l'Empereur que M. Anquetil, auteur de l'Histoire de France, désire lui dédier son ouvrage.

J'accepterai la dédicace de M. Anquetil.


Mayence, 27 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, mon intention est de tenir au budget que j'ai arrêté pour l'année. Les conseillers d'État ne doivent pas avoir plus de 30,000 francs. Ce ne sont point quatre ministres de la police que j'ai voulu établir : ce sont quatre chefs de division d'un rang élevé et pouvant offrir des garanties de toutes les parties pour arriver au ministre, et même à moi. Mon intention a toujours été qu'ils travaillassent tous les jours, avec le ministre de la police, et que, dans ce travail, en lui présentant la correspondance des départements, ils eussent toujours l'original dans le portefeuille de travail. Enfin ils ne doivent correspondre avec aucun ministre; et, quand ils correspondent avec les préfets et les commissaires près les tribunaux, ils doivent toujours le faire au nom du ministre de la police. Je désire que vous leur communiquiez cette lettre. Le bien ne peut se faire que par l'unité, mais l'unité seule n'est pas suffisante, vu que les premiers organes du ministre, qui tiennent aux plus chers intérêts des citoyens et aux plus précieux intérêts de l'État, ne doivent pas être confiés à de simples chefs de division. On a pris cette organisation trop en grand, et les éléments s'en sont un peu dénaturés. Il faut revenir à mes propres idées.


Mayence, 27 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, ce qui arrive à Bordeaux arrive à Turin, à Spa , à Marseille, etc. Les commissaires de police tirent d'immenses rétributions des jeux, et le peuple les honnit de cris. Mon intention est qu'à dater du 1er vendémiaire de cette année tout le produit des jeux soit au profit des villes. Faites-moi un rapport sur ce que rendent les jeux de chaque ville, et, par un arrêté spécial , je leur donnerai une affectation d'utilité publique. J'emploierai les 200,000 francs des jeux de Bordeaux soit à un pont, soit à un canal utile à la ville, et ainsi de suite pour tout le reste. Chaque commissaire de police, se trouvant ainsi riche, devient une puissance qui a des agents pour la soutenir contre les municipalités des villes, qui ne peuvent voir qu'avec un extrême déplaisir des sommes immenses détournées de leur véritable but, l'utilité publique. Envoyez-moi par le prochain courrier le rapport que je vous demande. Spa rendait 2 à 300,000 francs à l'évêque.

Faites mettre dans les journaux un article sur la brutale conduite de l'ambassadeur anglais à. . . . . . .  Je lis dans les journaux un article qui dit que Moreau se rend à l'île de Majorque; remontez à la source de cette nouvelle, cela vous donnera quelques fils; c'est ce que voudrait le parti. J'y vois un autre article qui, sous le prétexte de louer le prince Louis, a pour but évidemment de décréditer Menou ; je le suppose de Charron ; cela achève de me prouver que
c7est un intrigant.

J'ai vu avec plaisir l'arrestation d'Ingand de Saint-Maur. Faites mettre ce misérable dans une prison tellement forte qu'il ne puisse s'en échapper.

Veillez à ce qu'on prenne toutes les précautions pour empêcher l'épidémie d'Espagne de nous gagner.

Si Ratier, qui a été arrêté en Hollande, est un agent des Anglais, écrivez à Marmont de le faire partir sur-le-champ.

La décision contenue dans votre lettre relative au ministre de l'intérieur me paraît convenable; je l'approuve.


Mayence, 27 septembre 1804

A M. Fouché

Je vois avec plaisir l'arrestation de l'agent du roi de Suède. Je ne tiens d'agent à Stockholm que celui qui y est accrédité; il faut enfin que les étrangers prennent l'habitude de n'en point entretenir d'autres à Paris. C'est une bonne circonstance pour mystifier le roi de Suède. Faites-vous faire un rapport par le préfet de police, dans lequel on dira qu'il s'était rendu suspect par quelques propos; qu'il s'était rendu coupable de telle ou telle chose. Faites faire une petite brochure des lettres réunies du secrétaire et des bulletins que l'agent pouvait avoir envoyés. Je sais qu'il doit y avoir des niaiseries et des nigauderies dans ce qu'il envoyait; mais le ridicule en retombera toujours sur le roi de Suède, qui avait la petitesse de tenir un agent pour savoir ce qu'on disait de lui.

Le préfet du Mont-Tonnerre a envoyé dans le temps une correspondance de Taylor, ministre de Hesse-Cassel, au grand juge. Envoyez-la-moi avec les pièces. L'impression de cette correspondance peut aussi nous débarrasser de ce gaillard-là.


Mayence, 27 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, l'expédition d'Irlande est résolue. Vous aurez à cet effet une conférence avec le maréchal Augereau. Il y a à Brest des moyens d'embarquement pour 18,000 hommes. Le général Marmont, de son côté, est prêt avec 25,000 hommes. Il tâchera de débarquer en Irlande, et sera sous les ordres du maréchal Augereau. La grande armée de Boulogne sera pendant le même temps embarquée, et fera tout ce qui est possible pour pénétrer dans le comté dé Kent. Vous ferez connaître au maréchal Augereau qu'il se comportera selon les événements. Si les renseignements que j'ai par les Irlandais réfugiés et par les hommes que j'ai envoyés en Irlande se vérifient, une grande quantité d'Irlandais se rangeront sous ses drapeaux à son débarquement; alors il marchera droit à Dublin. Si, au contraire, ce mouvement était plus tardif, il prendrait position, pour attendre le général Marmont et jusqu'à ce que la grande armée fût débarquée. La marine fait espérer qu'elle sera prête au 22 octobre; la terre le sera aussi à cette époque. Il faut surtout au maréchal Augereau un bon commandant d'artillerie.


Mayence, 27 septembre 1804

Au maréchal Berthier

J'approuve l'affectation de 2,400,000 francs que vous proposez pour les travaux d'Alexandrie. Prévenez le général Chasseloup et faites-lui connaître que, s'il les dépense bien et s'il les emploie à des travaux essentiels qui puissent contribuer à la première défense de la place, elle pourra se trouver en état de défense au mois de juin prochain. Quant travaux des places de la République italienne, on ne peut régler que ce que j'ai donné dans son budget. Recommandez que l'on mette surtout beaucoup d'économie dans les travaux.

J'approuve la gratification que vous proposez d'accorder aux officiers, sous-officiers et soldats venant à Paris pour le couronnement.

J'approuve que les voltigeurs fournissent des détachements sur les vaisseaux.

Accordez un congé au général Dutruy. La demande du général Paulet me paraît juste.


Mayence, 27 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Lorsque j'ai présenté, Monsieur, à la signature de l'empereur le projet de décret sur l'organisation générale de l'armée compris dans votre dernier travail, Sa Majesté m'a chargé de vous faire connaître les motifs qui l'ont déterminée à ne pas statuer sur cet objet dans la forme que vous proposez.

L'Empereur a considéré 1'usage de fixer tous les ans l'organisation générale de l'armée comme tenant à des idées qui ne peuvent plus exister et qui ne sauraient renaître et s'appliquer à un système fixe et régulier. L'armée est permanente. Lorsque des circonstances ou l'expérience exigent des modifications partielles, vous ne manquez pas, Monsieur, d'en faire le rapport à Sa Majesté, qui, après y avoir mûrement réfléchi, statue par des règlements particuliers. En adoptant la forme d'une organisation annuelle, il pourrait échapper à Sa Majesté, au milieu des détails dont elle serait composée, quelques objets qui n'entreraient pas parfaitement dans ses vues. Il arriverai aussi, Monsieur, que, peu de temps après avoir arrêté cette organisation, elle pourrait être altérée par des modifications dans une ou plusieurs de ses parties, à moins qu'on ne voulût se soumettre à différer jusqu'à l'année suivante des changements que les circonstances pourraient rendre indispensables.

Le projet que vous avez présenté suppose l'existence de seize maréchaux de l'empire, et il n'y en a que quatorze. Si l'on en portait quatorze dans l'organisation, elle pourrait devenir également inexacte, si le nombre de seize était complété. Sous beaucoup d'autres rapports plus importants, Sa Majesté juge qu'une organisation générale est sans objet; elle la croit même contraire au but qu'on se propose.

Mais autant il y aurait d'inconvénients à la consacrer solennellement par un décret, autant l'Empereur verrait-il d'avantages à ce que le ministre établît, dans une sorte de règlement ou de récapitulation, l'organisation existante conformément aux décrets rendus pendant le cours de l'année. Rien n'empêcherait d'adopter ensuite et successivement les changements dont l'expérience vous aurait fait reconnaître la nécessité, et que vous proposeriez à Sa Majesté par des rapports particuliers.

Telles sont, Monsieur, les observations qui se sont présentées à l'esprit de l'Empereur en lisant le projet d'organisation de l'armée pour l'an XIII, et qu'il m'a chargé de vous communiquer.


Mayence, 27 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Je ne puis revenir sur ma décision relative au capitaine Larue. Je lui ai confié le Marengo : il faut qu'il revienne sur son vaisseau dans mes ports. Je vous laisse le maître de désigner un autre port que Bayonne pour son départ. Je ne puis voir comme vous les affaires de l'île de France. Si Linois eût attaqué le convoi, il eût été accueilli par tout le monde à l'île de France avec des applaudissements et de la considération. Decaen mérite des remerciements pour avoir pris part à la gloire nationale et s'être mis ainsi en avant; il n'a été que l'organe des habitants, et ses équipages, d'une partie de l'escadre elle-même. Certes, je ne dis point trop que, si un pareil événement fût arrivé à une escadre anglaise, l'amiral eût perdu la tête sur un échafaud, et mon opinion est, franchement, que je préférerais la perte du Marengo à la tache que reçoit le caractère national. Je ne varierai jamais là-dessus, car mon opinion se forme sur le propre rapport de l'amiral. L'amiral a détruit Bencoulen, dites-vous : avec plus de décision, il pouvait y imposer une forte contribution au profit de ses équipages, et de l'État.

Quant à la circonstance de n'avoir pas eu sa troisième frégate avec lui, c'est la faute de l'amiral. Un brick devait remplir le but du général Decaen, et il devait lui faire sentir que, devant faire une grande croisière, il ne pouvait avoir trop de forces. J'espère surtout que vous aurez exécuté mes ordres, et que le capitaine Larue ne passera pas à Paris un temps où son drapeau est exposé aux coups de l'ennemi.

Écrivez à Linois, faites-lui sentir toute la force de sa faute; combien est erronée son opinion qu'il est la ressource de la marine aux Indes. Tant qu'il y aura du bois dans les forêts et des matelots sur les côtes de France, personne ne pourra se dire la ressource de la marine; et il est ridicule qu'avec un vaisseau pourri et 500 à 600 hommes il raisonne comme l'aurait pu faire Villars à Denain ou l'archiduc Charles sur la Mur. Après ces signes de mécontentement, après surtout avoir établi tout ce qu'eût fait à sa place le plus médiocre officier anglais, et le lui avoir dit sèchement et durement, car cette lettre doit être connue de la postérité, vous lui direz qu'il a manqué de courage d'esprit, courage que j'estime le plus dans un chef; qu'il s'en faut de beaucoup qu'il ait perdu dans mon esprit sous le point de vue de son courage physique; que j'espère qu'avant de rentrer en France, il trouvera occasion de rendre à son pavillon quelque éclat. Quant au général Decaen, vous ne discuterez que des objets d'administration avec lui. Ne parlez point de Linois, que pour lui reprocher d'avoir détaché une frégate, sans raison, de sa croisière.

Je ne puis revenir davantage sur l'embargo. Avec des maiset des si, on n'a jamais de système. Puisque les Anglais ont mis en blocus ces côtes, je ne veux plus avoir de communication avec eux.

Je vous renvoie les pièces que vous m'avez envoyées; faites imprimer dans le Moniteur la relation de la rencontre du convoi de Chine par l'amiral Linois; car il ne serait pas juste qu'on voulu entacher son honneur sur le simple rapport du général Decaen, qui n'y était pas. Malheureusement ce qu'il en dit n'en fera pas encore voir une meilleure opinion.


Mayence, 27 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je viens de voir M. Allaire, administrateur des forêts, qui arrive de faire la visite des bords du Rhin, depuis Porentruy. Il m'a rendu compte qu'il y avait dans le Haut et Bas-Rhin plus de soixante milliers de pieds cubes de bois coupés en l'an X et XI et laissés sur la place; ce bois a été acheté par les fournisseurs de la marine, coupé et laissé là, ce qui a d'autant plus d'inconvénient que les adjudicataires sont obligés de payer; qu'il y a douze ou quinze mille avirons déjà coupés et qu'on laisse pourrir; et qu'enfin Anvers ne peut manquer de bois, puisqu'il y en a à Porentruy et sur le Rhin plusieurs milliers de pieds cubes; il pense aussi qu'il y a à Porentruy un nombre raisonnable de courbes. On m'assure cependant que les magasins d'Anvers sont peu approvisionnés. L'année passée j'avais ordonné la coupe d'une grande quantité de bois pour Dunkerque et Anvers; faites-moi connaître où cela en est. Prenez des mesures pour qu'il ne se perde point de bois; vous savez que c'est une perte irréparable.


Mayence, 28 septembre 1804

A M. Cretet

Monsieur Cretet, la ville de Mayence ne me paraît pas avoir suffisamment de places ni de débouchés. Son quai est obstrué et embarrassé de petits magasins adossés à la muraille; il devrait, tant pour la défense de la place que pour la commodité du commerce, être tenu entièrement débarrassé. Faites-vous remettre un projet des officiers des ponts et chaussées de la ville sur ces deux objets. Faites-vous remettre également par l'enregistrement l'état des maisons vendues, ainsi que la somme à laquelle s'est montée l'adjudication. Faites-vous remettre aussi l'état des couvents et autres établissements publics qui sont entre les mains des différentes administrations, ou qui seraient aliénés. Enfin faites-moi connaître comment on a donné un couvent des Bénédictines pour temple aux protestants, couvent qui serait propre à caserner 900 hommes. Nous avons la coutume de donner au culte des églises et non des couvents. Conférez sur cet objet avec les plus instruits de la ville, et faites-vous remettre un rapport sur les mesures à prendre pour assurer un bon casernement. Vous verrez, par l'état des casernes, qu'il y en a un tas de petites et en ruines. Enfin faites faire, de concert avec Collin, un projet pour l'établissement d'un entrepôt dans la ville de Mayence, et faites tracer la ligne qui servirait de limites au dernier entrepôt.


Mayence, 28 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, je pense que l'idée que vous avez de faire quelques brochures pour le couronnement est très-bonne.


Mayence, 28 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j'approuve que vous fassiez vendre le Bélier et le Berceau, en en exceptant toutefois le canon et les armes, qui ne doivent jamais être vendus. J'imagine que les cordages et tout ce qui pourra être bon à l'escadre y sera embarqué. Les matelots augmenteront les équipages de notre escadre du Ferrol.


Mayence, 29 septembre 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je pense que, tant que M. d'Oubril n'aura pas d'autres insinuations à faire, vous ne devez pas lui répondre. Il n'est point de votre dignité de le voir, puisqu'il a ses passe-ports. S'il a quelque chose à dire, faites-le voir par des intermédiaires. Du reste, puisqu'il a tant fait que de rester si longtemps sur les frontières de France, mon intention est qu'il en parte lorsque M. Rayneval sera sur les frontières de Russie.


Mayence, 29 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Je désire que le fort Hauptstein de Mayence porte le nom de fort Meunier. En général, faites-vous faire par le génie un rapport de tous les forts qui auraient des noms étrangers ou difficiles à retenir pour y substituer des noms français.

Mayence est une bonne place; elle est peut-être une des plus importantes sous le point de vue de l'offensive comme de la défensive. On doit la tenir constamment en bon état. Les deux côtés les plus faibles sont les marais de Monbach et du fort Charles : en constituant, vis-à-vis de l'embouchure du Mein et devant le fort Charles un fort servant de réduit à l'espèce de camp retranché qui y existe, on renforcerait le fort et on obligerait de ce côté comme de tous les autres l'ennemi à prendre deux forts avant d'arriver à la place. Le côté de Monbach est, dans l'état actuel, le plus faible : convertir la redoute 103 en un bon fort, construire un fort permanent dans les îles Saint-Pierre et Saint-Jean, me paraissent les opérations les plus importantes et auxquelles je désire qu'on travaille sans délai. Avec le secours de ces forts, les marais de Monbach contribueraient réellement à la défense de la place. Mais il ne faut pas faire de forts casemates et se jeter dans des dépenses folles; aucun trésor ne saurait suffire à ce système de fortifications. Un petit tracé revêtu avec une contrescarpe mettra les îles Saint-Pierre et Saint-Jean à l'abri de toute attaque. L'ennemi ne s'amusera jamais à ouvrir la tranchée dans un terrain aussi étroit.

Le fort Hauptstein ou Meunier doit toujours être tenu en bon état; il s'en faut de beaucoup qu'il le soit. Ses galeries de mine sont écroulées : il faut les faire rétablir. Il y a à Mayence un grand nombre de maisons et d'églises démolies : on en mettra les matériaux à la disposition du génie. Les travaux des trois forts, le rétablissement du fort Hauptstein, le nettoiement des fossés de la place, voilà ce qui me paraît ne devoir souffrir aucun retardement.

La place de Mayence doit être approvisionnée d'une quantité immense de bois. Mis dans l'eau, ils durent cent ans. Il faut s'y prendre pour cela en temps de paix. Le Rhin est praticable. Faites faire l'état des palissades et blindages nécessaires à la place de Mayence, on les fera couper dans les forêts de Porentruy, et on les fera descendre sur le Rhin jusqu'à Mayence; car il ne faut pas attendre au dernier moment pour ce genre d'approvisionnement.

Le revêtement des fronts de Monbach est une bonne opération; mais ils sont tellement dominés par les coteaux et le fort Hauptstein, que je ne considère cette opération que comme secondaire. Les fossés doivent être entretenus pleins d'eau, soit par les eaux du Zahlbach, soit en y faisant couler les eaux qui vont aux égouts de la ville.

Mayence est très-malsain; les marais de Monbach, les fossés de la place et les égouts en sont cause. Quant aux marais de Monbach, donnez ordre qu'ils soient desséchés en en faisant écouler l'eau, opération à faire sur-le-champ, pour que l'hiver passe dessus et ne fasse pas de tort à la ville. Faites acheter tout le terrain de Monbach, et chargez le génie de veiller à ce qu'il n'y soit fait aucune espèce de travaux. Vous accorderez un fonds extraordinaire et 50 à 60,000 francs tout de suite pour nettoyer les fossés de la place avant le 15 vendémiaire. Avant le ler frimaire, faites faire le revêtement de la redoute 104 et du fort 103. Vous ferez acheter par le génie le terrain qui va de l'extrémité de l'inondation de Monbach à la rivière, entre les redoutes 103 et 105, de manière que ce terrain et la redoute 103 soient de tous côtés environnés d'eau. 


Mayence, 29 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Je désire que vous me fassiez remettre l'état des dépenses que fera le génie en l'an XIII, pour que je l'approuve, en distinguant 1es fortifications des bâtiments militaires. J'ai été fâché de voir qu'à Mayence il n'y avait pas de fusils, tandis que la salle d'armes peut en contenir 50,000. Je désire aussi que l'approvisionnement en bois, pour les jantes et les affûts pour l'artillerie, soit complété. Une place comme Mayence doit être abondamment pourvue. Faites-en faire l'état, et, si l'approvisionnement complet coûte trop, on fera par tiers en trois ans. Il y a à Mayence dix pièces de canon de 24 extrêmement courtes; donnez ordre qu'elles soient envoyées à Boulogne.


Mayence, 29 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Vous donnerez ordre qu'il soit réuni deux colonnes de troupes à Toulon, l'une de 5 à 6,000 hommes, destinée à s'embarquer sur la grande escadre de Toulon; l'autre de 15 à 1800 hommes, destinée à s'embarquer sur la petite division de la même escadre, commandées l'une et l'autre par l'amiral Villeneuve.

Pour la première, vous ordonnerez la formation d'un parc quatre pièces de 12, de quatre de 8, de six de 4, de quatre obusiers de 6 pouces, auxquels vous joindrez 300 coups à tirer par pièce, 800,000 cartouches, deux mortiers à la Gomer de 12 pouce, deux de 8 pouces, et 300 bombes et coups à tirer par mortier, avec doubles crapauds, et 4,000 fusils. La 4e et la 19e compagnie du 4e régiment d'artillerie à pied, complétées chacune à 80 homme; 80 hommes d'un des bataillons de sapeurs qui sont à Alexandrie, en Piémont, et qui se rendront à cet effet en toute diligence à Toulon; l'escouade d'ouvriers qui fait partie du camp de Toulon, et dans laquelle seront incorporés 50 ouvriers conscrits de la marine; une compagnie du train du 4e bataillon, qui se rendra à Toulon, feront partie de la première colonne, qui s'embarquera sur la grande escadre. Le 16e régiment de ligne, qui est à Alexandrie,, recevra ordre de se rendre par le col de Tende à Toulon. Le 67e, qui est à Gênes, recevra ordre également de se rendre en toute diligence à Toulon. Arrivés à Toulon, ces deux corps fourniront chacun deux bataillons de 800 hommes chaque, qui feront partie de la première colonne. Le 23e de ligne fournira également à la première colonne deux bataillons de 800 hommes chaque, et, à cet effet, la moitié du bataillon d'élite qui appartient aux 3e et 4e bataillons rentrera au corps; de sorte que ce régiment aura 1,600 hommes embarqués et deux bataillons à terre. Ces six bataillons, joints à l'artillerie ci-dessus désignée et à un escadron de 160 hommes du 19e de chasseurs, feront partie de la première colonne et s'embarqueront sur la grande escadre de l'amiral Villeneuve.

Pour la seconde colonne, destinée à s'embarquer sur la petite escadre commandée par l'amiral Villeneuve, vous ordonnerez la formation d'un parc de deux pièces de 12, de quatre pièces de 4 et de deux obusiers de 6 pouces, auxquels vous joindrez 200,000 cartouches et 1,000 fusils. Une compagnie du 4e régiment d'artillerie partira de Grenoble pour s'embarquer sur la petite escadre, ainsi que 20 hommes d'un des bataillons de sapeurs qui sont à Alexandrie, en Piémont, et qui se rendront à Toulon en toute diligence. Le 2e régiment de ligne fournira à la seconde colonne deux bataillons faisant ensemble 1,600 hommes, y compris son bataillon d'élite, lesquels seront embarqués sur la petite escadre.

Il est indispensable que ces troupes soient prêtes, pour le 25 vendémiaire, à être embarquées. Transmettez vos ordres sur-le-champ par un courrier extraordinaire, et prenez des mesures pour que les corps envoient aux bataillons tout ce qui est nécessaire. Faites donner une paire de souliers à chaque homme en gratification; vous les ferez confectionner sur-le-champ à Marseille et à Toulon. Les colonels des trois régiments à trois bataillons s'embarqueront avec leurs corps, et les majors resteront à terre. Les colonels des corps à quatre bataillons resteront à terre, et le major s'embarquera avec les deux bataillons de guerre.

Je vous ferai connaître par un prochain courrier les généraux et officiers d'artillerie et du génie qui commanderont les deux colonnes.

Mon intention est que les corps, à mesure de leur arrivée à Toulon, soient sur-le-champ formés et embarqués. La marine leur fournira les sarraux et pantalons. La guerre leur fera donner une paire de souliers en gratification, ce qui fera 4 à 5,000 paires de soulier qu'il faut faire sur-le-champ confectionner, ou que la marine pourrait fournir si elle les a disponibles. Le décompte de chaque bataillon sera fait. Il n'embarquera que ses masses de linge et chaussure. Il sera pourvu à ce que leur habillement soit aussi complet que possible.

Vous ordonnerez au général Lagrange de se tenir prêt à s'embarquer à bord de l'escadre de l'île d'Aix, avec un général de brigade, un adjudant commandant, deux capitaines, deux bataillons du 26e de ligne complétés à 1,600 hommes, deux bataillons d'infanterie légère piémontais formant 1,200 hommes, une compagnie du 4e régiment de chasseurs à pied de 60 hommes, les 16e et 17e compagnies du 3e d'artillerie à pied, une escouade de la 2e compagnie d'ouvriers qu'il complétera avec 50 conscrits ouvriers de la marine, une demi compagnie du train du 7e bataillon, et le 3e bataillon colonial, qui est à l'île de Ré, qu'il complétera avec les conscrits qu'il pour trouver dans les différents dépôts des îles de Ré et d'Oléron. Vous ferez embarquer sur cette escadre quatre pièces de 12, deux pièces de 8, six de 4, quatre obusiers de 6 pouces, 300 coups à tirer par pièces et 5,000 fusils.


Mayence, 29 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, nous avons trois expéditions à faire.

Première expédition : 1° Mettre la Martinique, la Guadeloupe et Sainte-Lucie à l'abri de tout événement. Pour cet effet, il faut 1,500 hommes de renfort, 4,000 fusils et un millier de poudre. 2° S'emparer de la Dominique et de Sainte-Lucie, ce qui contribuera merveilleusement à mettre la Guadeloupe et la Martinique à l'abri de tout événement. Il faut, pour la garnison de ces îles, 2,000 hommes. Total pour cette première expédition, 3,500 hommes. L'escadre de Rochefort sera destinée à cette expédition, qui sera commandée par le général de division Lagrange.

Deuxième expédition :  1° Prendre Surinam et les autres colonies hollandaises; je ne pense pas qu'on puisse y destiner d'Europe moins de 4,000 hommes; ce qui, raisonnablement, n'en fera plus que 3,600 lorsqu'on en aura fait la conquête. 2° Porter du secours à Santa-Domingo. Pour cela, il faut 1,200 hommes, 2,000 fusils et 25 milliers de poudre. S'il arrivait que les colonies hollandaises résistassent, et que nous y perdissions plus de monde qu'on ne peut s'y attendre, les secours à porter à Santo-Domingo seraient moindres. Total de cette seconde expédition, 5,200 à 5,600 hommes.

Troisième expédition : Prendre Sainte-Hélène et y établir une croisière pendant plusieurs mois. Il faut pour cet objet 12 à 1500 hommes. L'expédition de Sainte-Hélène porterait 200 hommes de secours au Sénégal, reprendrait Gorée, suivrait tous les établissements anglais, le long de la côte d'Afrique, qu'elle mettrait à contribution et brûlerait.

A cet effet, l'escadre de Toulon, composée de 11 ou 12 vaisseaux, y compris le vaisseau qui est à Cadix, partirait la première. Arrivée dans l'Océan, elle détacherait 2 vaisseaux, 4 frégates et 9 bricks, les meilleurs marcheurs, pour l'expédition de Sainte-Hélène (ces 2 vaisseaux, 4 frégates et 2 bricks, porteraient 1,800 hommes; 200 seraient laissés à Gorée et au Sénégal) ; et, au nombre de 9 à 10 vaisseaux et de 3 frégates, portant 5 à 6,000 hommes, elle marcherait droit sur la Guyane, où elle prendrait Victor Hugues (Commissaire du Gouvernement à la Guyane française), et se rendrait à Surinam.

Du moment qu'on aurait avis que l'escadre de Toulon aurait mis à la voile, l'escadre de Rochefort recevrait ordre de partir. Elle irait droit à la Martinique, s'emparerait de Sainte-Lucie et de la Dominique, et se mettrait sous les ordres de l'amiral commandant l'escadre destinée à l'expédition de Surinam. Cette escadre, ainsi forte de 14 ou 15 vaisseaux et de 7 à 8 frégates, mettrait à contribution toutes les îles anglaises, ferait toutes les prises qu'elle pourrait, se présenterait devant toutes les rades, arriverait devant Santo-Domingo, y jetterait 1,000 à 1,200 hommes, des armes et de la poudre selon les événements, ferait tout le mal qu'elle pourrait à la Jamaïque, opérerait son retour sur le Ferrol, débloquerait nos 5 vaisseaux, et, au nombre de 20 vaisseaux, irait à Rochefort.

Il me semble que tout est prêt pour ces expéditions. A l'escadre de Toulon, à l'expédition de Surinam et à l'escadre de Rochefort, on pourrait joindre un certain nombre de bricks et de petits bâtiments, tant pour servir à l'expédition que pour pouvoir les laisser à la Martinique et à Surinam. Ainsi, en supposant que ces expéditions pussent partir dans le courant de brumaire, on pourrait espérer qu'avant germinal notre escadre pût opérer son retour sur Rochefort.

Quant à l'expédition de Surinam, Victor Hugues serait fait colonel et commanderait en second. Il est inutile de le prévenir; il y a plus de dangers que d'avantages. Comme on emportera des fusils, il pourra probablement fournir pour l'expédition de Surinam 3 à 400 hommes de sa colonie. Les Anglais n'ont pas aujourd'hui 1,500 hommes dans les colonies hollandaises. Je pense que rien ne sera plus facile que la prise de cette colonie.

Quant à l'expédition de Sainte-Hélène, je vous ai remis un mémoire à Boulogne. Faites venir l'auteur de ce mémoire, qui est à Givet. Les Anglais ne s'attendent à rien moins qu'à cette expédition; il sera très-facile de les surprendre. La croisière, comme elle est déterminée ci-dessus, fera, dans le court de trois ou quatre mois, un mal immense aux Anglais. Elle se fera renforcer par tous les bâtiments que nous avons à l'île de France; et, lorsqu'elle jugera à propos de cesser sa croisière, elle laissera la colonie approvisionnée pour huit ou neuf mois de vivres. Elle opérera alors son retour sur un port d'Espagne ou de France.

L'amiral Villeneuve commandera l'expédition de Surinam; le contre-amiral Missiessy commandera celle de la Martinique. Choisissez un bon contre-amiral pour commander celle de Sainte-Hélène.

Les Anglais se trouveront en même temps attaqués en Asie, en Afrique et en Amérique; et, accoutumés comme ils le sont depuis longtemps à ne pas se ressentir de la guerre, ces secousses successives sur les points de leur commerce leur feront sentir l'évidence de leur faiblesse.

La Martinique et Sainte-Lucie seront sous les ordres de l'amiral Villaret. Les deux généraux de brigade qui sont sous les ordres du général Lagrange resteront pour commander l'une et l'autre de ces deux colonies.

Victor Hugues restera commandant général de Surinam et de Cayenne. Un général de brigade commandera à Demerari, un à Berbice et un à Cayenne. Vous désignerez les frégates et bricks qui doivent rester à Surinam; il n'y restera point de vaisseaux.

Le général Lagrange ne connaîtra que la partie de l'expédition qui est relative à la Dominique et à Sainte-Lucie. Avant tout, il se concertera avec les capitaines généraux Ernouf et Villaret. Ces capitaine généraux l'aideront chacun de leur côté pour la prise de ces îles. Si l'on ne peut prendre les deux, on préférera la Dominique à Sainte-Lucie. Si la Dominique était prise promptement, et qu'on pût tenter quelque chose sur d'autres îles anglaises, on le fera, ne fût-ce que pour les ravager, les mettre à contribution et brûler les bâtiments qui seraient dans les rades.

L'amiral Villeneuve ne restera pas plus de vingt-quatre heures devant Cayenne. Les hommes de Victor Hugues, qui connaissent les localités, débarqueront les premiers à Surinam, comme les plus acclimatés. On attaquera à la fois Surinam et Demerari, et comme, lorsque l'escadre s'en ira, on sera encore maître de la mer, les frégates et les bricks laissés à Victor Hugues, sous un bon capitaine de vaisseau, pourront être par suite employés à toute croisière qu'on pourrait entreprendre sur la Trinité, sans cependant compromettre en rien les possessions principales. Il faut donc que vous joigniez aux escadres de Toulon et de Rochefort le plus de petits bâtiments possible.

Je donne aujourd'hui les ordres au ministre de la guerre, et tout sera prêt au 18 vendémiaire. J'imagine que le général Villeneuve est déjà à Toulon; s'il n'y est pas, qu'il s'y rende sur-le-champ.

Si l'on pouvait embarquer deux chevaux par vaisseau de guerre pour l'expédition de Surinam, ils auraient la destination suivante : la moitié ferait un attelage d'artillerie et l'autre moitié fournirait un cheval à chacun des généraux. Il doit y avoir des mulets de trait à Cayenne; et, pour la petite traversée de Cayenne à Surinam, il sera facile d'en charger une cinquantaine; mais, pour une expédition de cette nature, huit chevaux de trait sont déjà d'un grand secours, puisqu'ils peuvent faire remuer quatre pièces de 4.

Quant à l'expédition de l'île d'Aix, il n'y a pas besoin de chevaux. Cependant, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, on pourrait en embarquer dix, deux sur chaque vaisseau; mais j'imagine que la Martinique et la Guadeloupe en ont suffisamment.

L'homme qui est à Givet sera retenu près de vous jusqu'au dernier moment. Il partira en poste de Paris, se rendra à Toulon, et s'embarquera immédiatement à bord du vaisseau de l'amiral qui doit aller à Sainte-Hélène.

Vous pouvez appeler près de vous le capitaine de vaisseau qui est à Boulogne, qui connaît bien la mer de la Guyane. Vous ne devez rien lui dire. Au dernier moment, il partira pour Toulon, se rendra auprès du général Villeneuve, et fera tout pour qu'on ne sache pas qu'il est embarqué, ou vous prendrez tout autre moyen plus simple. Vous lui donnerez le commandement d'une frégate, ou autre chose.

Il sera nécessaire que vous destiniez cinquante ouvriers de la marine pour être embarqués à bord des escadres qui partiront des deux ports. Ces détachements compléteront les compagnies des ouvriers de terre où ils seront incorporés.

Vous verrez par le tableau ci-joint l'ensemble des trois expéditions.


Mayence, 29 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, le général Lauriston commandera l'expédition de Surinam; le général de brigade Reille commandera celle de Sainte-Hélène; le général de division Lagrange commandera celle de la Martinique. Mon intention est que la mission du général Lauriston reste ignorée. Vous lui donnerez tous les documents qui lui seront nécessaires, et il se rendra à Toulon comme pour y remplir une mission ordinaire. Il se rend à Paris auprès de vous.


Mayence, 29 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je vous ai fait connaître mes intentions sur la manière dont j'envisage mes trois expéditions: Surinam, Demerari, Essequibo, Sainte-Hélène et la Dominique.

Dans cette dépêche, je vous fais connaître mes vues sur l'Irlande. Il faudrait supprimer un des six transports, et le remplacer par la Penséeou par la Romaine armée en flûte; achever l'Océan, et pour cela travailler, s'il est nécessaire, aux flambeaux. Je pense que c'est le seul moyen de pouvoir porter 18,000 hommes, dont 3,000 de cavalerie, artillerie, génie et non combattants, et 15,000 hommes d'infanterie; 500 chevaux, dont 200 de cavalerie, 200 d'artillerie et 100 d'état-major; moins que cela ne ferait pas un corps d'armée.

Le point de débarquement que vous me désignez me paraît le plus convenable. Le nord et la baie Lough Swilly est, à mon sens, le point le plus avantageux. On doit sortir de Brest, doubler l'Irlande hors de vue de toute côte, et l'aborder comme l'aborderait un vaisseau venant de Terre-Neuve. En parlant ainsi je ne parle que politiquement et point nautiquement, car les courants doivent décider du point où l'on doit attaquer la terre. Politiquement, il vaudrait mieux s'exposer à attaquer l'Écosse qu'à attaquer plus bas. Cette manœuvre déconcertera l'ennemi. Trente-six heures après avoir mouillé, on doit reprendre le large, laissant les bricks et tous les transports. La Volontaire aura ses canons à fond de cale, dont l'armée se servira, soit pour batteries de côte, soit pour tout autre événement imprévu. Sur tout ceci, je suis d'accord avec vous. Mais le débarquement en Irlande ne peut être qu'un premier acte; si seul il devait former une opération, nous courrions de grandes chances. L'escadre doit donc, après s'être renforcée de tous les bons matelots des six transports, entrer dans la Manche, se porter sur Cherbourg, y recevoir là des nouvelles de la situation de l'armée devant Boulogne, et favoriser le passage de la flottille. Si, arrivée devant Boulogne, les vents étaient plusieurs jours contraires et l'obligeaient à passer le détroit, elle devrait se porter au Texel; elle y trouverait sept vaisseaux hollandais et 25,000 hommes embarqués, les prendrait sous son escorte et les conduirait en Irlande.

Une des deux opérations doit réussir; et alors, soit, que j'aie 30 ou 40,000 hommes en Irlande, soit que je sois en Angleterre et en Irlande, le gain de la guerre est à nous.

Lorsque l'escadre sera sortie de Brest, lord Cornwallis ira l'attendre en Irlande. Lorsqu'il saura quelle est débarquée dans le nord, il reviendra l'attendre à Brest; il ne faut donc pas y retourner. Si même, en partant d'Irlande, notre escadre trouvait les vents favorables, elle pourrait doubler l'Écosse et se présenter au Texel. Lorsqu'elle partira de Brest, les 120,000 hommes seront embarqués à Boulogne, et les 95,000 au Texel. Ils doivent rester embarqués tout le temps que durera l'expédition d'Irlande.

C'est ainsi que je conçois l'expédition d'Irlande. Ainsi, toute la première partie du projet jusqu'au débarquement en Irlande, je l'approuve. J'attendrai le rapport que je vous ai demandé pour statuer sur le désarmement des divisions armées de la flottille.

La seconde partie du projet doit être l'objet de vos méditations et de celles de l'amiral.

Je pense que le départ de l'expédition de Toulon et de l'expédition de Rochefort doit précéder le départ de celle d'Irlande, car la sortie de ces 20 vaisseaux les obligera à en expédier plus de 30. Le départ des 10 ou 12,000 hommes, qu'ils sauront très-bien être partis, les obligera à faire partir des troupes pour les points les plus importants. Si les choses pouvaient se faire à souhait, je désirerais que l'escadre de Toulon pût partir le 20 vendémiaire, celle de Rochefort avant le 10 brumaire, et celle de Brest avant le ler frimaire.


Mayence, 29 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j'approuve que les chaloupes canonnières 171, 173, 177, 169, 174, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 175, 176, 91, 92, 165, 166, 167, 168, 170, 172, 178, 181, en tout vingt- neuf, soient désarmées de leurs équipages, qui seront employés sur l'escadre de Brest. Les chaloupes canonnières qui se trouvent à Lorient y seront placées dans l'endroit le plus sain et le plus à l'abri du port, et s'il se peut sous des hangars; on pourra en destiner trois ou quatre pour les communications avec Belle-Île; les garnisons en seront fournies par les vétérans de cette île. Toutes les autres chaloupes canonnières seront à Brest. Il n'y en aura point, sous quelque prétexte que ce soit, dans les petits ports; elles doivent toutes être à Lorient et à Brest. Les garnisons de ces trente-huit bâtiments, composées du bataillon d'élite suisse et des 63e et 44e régiments de ligne, se rendront à Brest et feront partie du camp.

Les n° 93, 281, 282, 69, 71, 72, 83, 87, 88, 89, 196, continueront leur route pour Boulogne.

Vous retirerez également les équipages des quarante bateaux dont les numéros suivent, pour les employer à l'escadre de Brest, savoir : les n° 278, 279, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 289, 290, 291, 302, 303, 304, 277, 286, 287, 288, 308, 311, 321, 322, 305, 309, 310, 3l2, 315, 316, 294, 295, 296, 297, 298, 300, 301, 325, 326, 306, 307, 270.

Vous ferez la même chose pour les péniches n° 386, 387, 395, 398, 345, 349, 360, 361, 362, 363, 368, 369, 370, 371, 377, 378, 383, 384, 388, 394, en tout vingt péniches. Vous aurez soin que toutes les autres chaloupes, bateaux et péniches filent sur leur destination, et réitérez l'ordre pour accélérer autant que possible leur arrivée. Si l'idée d'en embarquer une sur chaque vaisseau de guerre peut se réaliser, j'autoriserai le désarmement d'un plus grand nombre, afin de favoriser d'autant le débarquement. Faites-vous rendre compte de la situation des chaloupes de l'Escaut qui sont venues par le Rhin et par la Meuse, afin que nous trouvions une compensation du sacrifice qu'éprouve la flottille par le désarmement que je viens d'ordonner. J'éprouve beaucoup de répugnance à ordonner le désarmement de quarante bateaux neufs, parce que mon projet était de désarmer les vieux qui sont à Boulogne au nombre d'une centaine et qui coûtent des réparations infinies. J'aurais voulu supprimer les corvettes de pêche, puisque ces bâtiments sont moins propres que ceux que nous avons. Voyez donc s'il est possible de laisser filer ces quarante bateaux canonniers.

Il faudra ordonner au Havre qu'à mesure que des détachements, faisant garnison, du bataillon d'élite suisse ou des 63e et 44e régiments, arriveront, ils soient renvoyés à Brest. Les garnisons seront fournies par d'autres troupes que désignera le ministre de la guerre.


Mayence, 29 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Je ne puis entrer dans des détails. Je vous ai envoyé les ordres pour les expéditions. Faites ce que vous voudrez pour les détachements qui doivent être envoyés au couronnement. Qu'il y ait des individus de la marine, voilà le principal; le plus ou moins grand nombre n'y fait rien.

J'ai lu avec attention votre lettre du 3; je ne pense pas vous avoir jamais écrit que l'administration du matériel de la flottille serait dans les mains de la terre; elle devrait être confiée aux officiers de marine qui commandent les divisions, et par les ingénieurs de la marine. Par ce moyen, on aurait peu de commissaires à Boulogne et l'on ne dépenserait pas, pour l'administration, autant qu'à Brest.

Quant aux vivres et aux hôpitaux, je reste convaincu que de l'Escaut à la Somme la marine ne doit point avoir d'hôpitaux, et que la terre doit avoir tous les hôpitaux et vivres de la flottille. La réduction de 252 agents à 118 est un commencement. Il y a à Boulogne une nuée de commis qui n'aboutissent à rien qu'à voler. Sont-ils utiles à Toulon et à Brest ? Mes idées ne sont pas assez fixées sur ces grands ports; mais ils sont inutiles à Boulogne. La guerre serait chargée du service des vivres de campagne comme des vivres journaliers. Ainsi organisée, la flottille coûtera peu de chose; autrement, elle ruine toujours le trésor public. Le projet de décret économise quelque chose à la flottille, mais il est encore loin du but où je veux atteindre. Ainsi, comme trois mois pourront se passer avant que ces changements puissent s'exécuter, envoyez-moi un projet définitif, pour qu'à dater du 1er nivôse le service de la bureaucratie soit supprimé, que les ingénieurs, les officiers de marine et un très-petit nombre
de commissaires soient chargés du service du matériel. Cet essai peut nous conduire à bien des améliorations pour Brest, Toulon, etc.


1 - 15 septembre 1804