1- 15 Août 1805
Saint-Cloud, 1er août 1805
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Sa Majesté désire que le ministre de l'intérieur lui fasse connaître son opinion sur cette question : pourquoi la fabrique de Rouen diminue-t-elle ?
Cette ville, qui fabrique beaucoup d'articles du même genre que ceux de l'Angleterre, voyait toujours sa prospérité s'accroître par l'effet de la guerre avec les Anglais. Sa Majesté désire aussi connaître quel était le dernier prix des assurances en Angleterre.
Saint-Cloud, 2 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je pars pour Boulogne. J'imagine que vous avez donné ordre à l'amiral Ganteaume de se tenir dans la rade de Bertheaume, et que vous l'avez prévenu que, Magon ayant rejoint Villeneuve, ils ne tarderont pas à paraître. Du moment que votre santé vous permettra de supporter les fatigues, je vous attends à Boulogne. Faites-moi passer exactement toutes les nouvelles que vous aurez de la mer.
Saint-Cloud, 1er août 1805
DÉCISION
Le ministre de la guerre soumet à l'Empereur des observations de M. de Gallo, demandant que la juridiction de l'armée française ne soit pas étendue, dans le royaume de Naples, aux embaucheurs napolitains. | Refusé. Cela est contraire au principes d'une armée qui a le droit de veiller à sa sûreté. |
Saint-Cloud, 1er août 1805
DÉCISION
L'article 10 du décret impérial du
15 messidor dernier porte qu'il sera formé un régiment
de troupes liguriennes, composé de deux bataillons; que
le 1er bataillon sera composé de neuf compagnies qui
sont actuellement dans le royaume de Naples, et que le
second sera formé des troupes liguriennes qui sont à
Gênes et qui se rendront à Grenoble, où le régiment
sera organisé. Sa Majesté est donc priée de décider : 1° Si le régiment sera d'infanterie de ligne ou légère, le bataillon qui est dans les États de Naples appartenant à cette dernière arme et étant fort de 32 officiers et 632 sous-officiers et soldats; 2° Si le régiment prendra rang à la suite de l'arme à laquelle il sera attaché et portera le dernier numéro de cette arme; 3° S'il en portera l'uniforme; 4° Si le bataillon organisé à Grenoble doit être considéré comme bataillon de garnison et celui organisé dans le royaume de Naples comme bataillon de guerre. |
Ce sera un régiment d'infanterie légère. Je ne vois aucune nécessité de faire une différence entre le bataillon de guerre et le bataillon de paix : les deux bataillons sont égaux. |
Camp de Boulogne, 1er août 1805
ORDRE
Les compagnies devant être considérées au complet de cent hommes, le major général fera connaître le nombre de places que chaque chaloupe-canonnière pourra procurer au delà.
Chaque bateau-canonnier ne pouvant contenir plus de quatre-vingt-quatorze hommes, il sera attaché à chaque division de bateaux-canonniers un dix-neuvième bâtiment qui formera un accroissement de places d'environ cent hommes.
Il sera formé cinq ailes de débarquement, composées chacune de soixante-douze péniches, sur lesquelles il sera embarqué six bataillons formant trois régiments, dont deux d'infanterie légère etun de ligne.
Les bataillons qui s'embarqueront sur les péniches seront réduits à 700 hommes, officiers compris.
Il y aura de plus une escouade d'ouvriers avec ce qui sera nécessaire pour enclouer les pièces, une compagnie d'artillerie munie de refouloirs, leviers et autres objets propres à rétablir les batteries et à les réarmer sur-le-champ.
Il y aura aussi une compagnie de sapeurs avec ses outils.
L'aile de débarquement que fournira le corps de gauche, prendra le n° ler, elle sera composée des 6e et 9e légères et 50e de ligne.
La gauche du corps du centre formera le n° 2 et sera composée des 24e et 26e légères et 3e de ligne.
La droite du même corps d'armée formera la 3e aile, et sera composée des 10e et 17e légères et 34e de ligne.
Une partie de la division de grenadiers formera la quatrième. Le corps de droite formera la cinquième qui sera composée de la 13e légère, du 27e de ligne, et d'un bataillon du 51e.
Chaque aile fera son débarquement en conservant sa position ainsi :
La 1e débarquera sur la gauche,
La 2e sur la droite de la 1e,
La 3e sur la droite de la 2e,
La 4e sur la droite de la 3e,
Et la 5e sur la droite de toute l'armée.
Chaque aile sera composée de deux divisions, de 36 péniches chacune.
Un officier de marine de confiance dirigera le débarquement de chacune de ces ailes. Ces officiers sont
Pour la 1e, le capitaine de vaisseau Beaulieu,
Pour la 2e le capitaine de vaisseau Moras,
Pour la 3e le capilaine de vaisseau Hamelin,
Pour la 4e. le général Combis,
Et la 5e, le capitaine de vaisseau Meyne.
Ces officiers se réuniront pour proposer au contre-amiral Lacrosse les signaux dont ils devront faire usage lors du débarquement.
Les généraux de brigade attachés aux ailes de débarquement sont :
Pour la 1e, le général Marchand,
Pour la 2e le général Merle,
Pour la 3e le général Morand,
Pour la 4e le général Dupas,
Pour la 5e le général Eppler.
Il sera attaché à chacune de ces ailes 36 bâtiments de Terre-Neuve ou baleinières.
Il sera désigné un certain nombre de chaloupes-canonnières, sous les ordres des officiers de marine choisis à cet effet, pour protéger le débarquement.
Il sera aussi attaché à chacune des ailes un corsaire, qui sera également désigné.
Chaque débarquement devra se faire sur 36 péniches de front de manière que, de la droite à la gauche, il y ait moins de 400 toises et comme le débarquement devra se faire de vive force, il y aura du débarquement d'une aile à celui d'une autre aile au moins une lieue.
Toutes les péniches devront se rallier et se mettre en ordre, avant de se trouver à la portée du canon.
Les autres bâtiments devront se porter derrière pour les soutenir et débarquer presque aussitôt.
Il sera donné 54 péniches à la 5e aile qui, se trouvant moins, forte que les autres, n'embarquera que cinq bataillons.
La 7e escadrille composera avec la 8e la 4e aile de débarquement; les canonn'ières de la garde impériale n'en feront-plus partie ; elles seront remplacées par une nouvelle division de chaloupes canonnières, qui s'appellera la 15e, et par une nouvelle division de bateaux-canonniers, qui formera la 20e.
Ces deux divisions seront prises sur les 19 chaloupes-canonnières et les 41 bateaux-canonniers non escadrillés; il restera de disponible une chaloupe-canonnière et 23 bateaux-canonniers, qui serviront à tenir au complet les autres escadrilles.
Le général Combis commandera la 7e escadrille, le capitaine Montcabrié la 8e, sous les ordres du général Combis.
La division du général Gazan s'embarquera sur la 7e escadrille. Les dragons à pied seront embarqués sur la 3e division de corvettes de pêche et sur les 11e et 17e divisions de bateaux-canonniers à la 8e escadrille.
La division de grenadiers s'embarquera sur les péniches formant la 4e aile de débarquement, et sur les 11e et 12e divisions de bateaux-canonniers de la 7e escadrille.
Les deux bataillons irréguliers du corps du centre seront embarqués sur les prames.
Les trois bombardes et les caïques seront destinées à recevoir le hommes du corps de gauche qui ne pourront pas s'embarquer sur les deux escadrilles affectées à ce corps d'armée.
Artillerie. - Les bâtiments de 2e espèce des 3e et 4e escadrilles d'ancienne construction permuteront avec les sections des autres escadrilles qui ont des bateaux de même espèce et de nouvelle construction.
L'artillerie veillera à ce que les officiers du train, les haut-le-pied, etc., etc., ne puissent embarquer aucuns chevaux, sous quelque prétexte que ce soit ; ils pourront seulement embarquer leurs selles.
Chevaux. - Les 3.600 chevaux du train seront tous de trait, aucun de selle.
Les 744 chevaux que peuvent contenir les prames seront :
1° 300 pour la maison de l'Empreur, l'état-major général et l'état-major du centre, suivant la répartition qui en sera faite par le major général ;
2° 144 chevaux pour l'artillerie;
3° 130 chevaux pour les 4 régiments de troupes à cheval du centre et de la gauche;
4° Et le reste pour la garde impériale.
Les 8 bâtiments de transport, que le général Combis fera décharger, seront donnés aux états-majors de l'avant-garde et des réserves pour leurs chevaux.
Cartouches. - On destinera pour chaque homme au moment de l'embarquement 40 cartouches ; on les laissera en caisse jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de les distribtier ; elles seront confiées aux capitaines de chaque compagnie.
Il ne pourra y avoir moins de 12.000 cartouches sur chaque chaloupe-canonnière et sur chaque bateau-canonnier et 30.000 sur chaque prame.
Le général d'artillerie activera la confection des cartouches de manière qu'il y en ait au moins vingt millions de faites d'ici à 8 ou 10 jours.
Vivres. - Indépendamment du biscuit actuellement embarqué, il en sera placé six cents rations sur chaque péniche et dix mille sur chaque prame. Le reste, pour compléter les trois millions de rations, sera réparti sur tous les autres bâtiments de transport suivant l'installation qui en sera faite par le général Combis.
On embarquera du pain pour 3 jours, et, s'il est possible, six cents boeufs et trois mille moutons.
Les chevaux embarqués ne boiront pas l'eau destinée à la traversée, il leur en sera fourni tous les jours par les soins du préfet maritime.
Aussitôt que l'Empereur aura fait mettre à l'ordre l'embarquement de l'armée, et tant que l'armée restera en rade, elle continuer à être nourrie par l'administration de terre. Quand la flottille appareillera, l'armée sera alors nourrie par la marine.
On ne touchera point aux vivres de terre embarqués, pendant traversée, à moins d'une nécessité bien reconnue.
(Picard)
Camp de Boulogne, 3 août 1805 (Napoléon va rester à Boulogne jusqu'au 2 septembre 1805)
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je trouve très-bien la note à M. de Cobenzl : faites-la partir demain par un courrier extraordinaire, avant de vous coucher. Écrivez à M. de la Rochefoucauld qu'il peut dire à M. de Cobenzl que je suis à Boulogne; que mes armées, depuis la Hollande jusqu'à Brest, occupent toute mon attention ; que je n'ai pas en Italie 50,000 hommes; qu'avant de partir de Paris j'ai été obligé de faire un fonds de six millions pour l'approvisionnement de Peschiera, de Mantoue, de Legnago, de Vérone, de la Rocca d'Anfo et de la citadelle de Ferrare; que, certainement, faisant des dépenses aussi considérables que le sont mes dépenses maritimes, la puissance qui m'oblige, par ses dispositions, à ces dépenses, fait une véritable diversion en faveur de l'Angleterre, et me met dans une situation telle que je ne puis la soutenir; que je n'ai plus aujourd'hui, dans l'intérieur de la France, que les corps nécessaires pour la garde de mes côtes de la Méditerranée et de mes places fortes; que tout le reste est sur les côtes de l'Océan, en Hollande et en Hanovre; que les choses sont aujourd'hui à un point, que des protestations amicales ne peuvent rien signifier; qu'on se souvient de la conduite de Marie-Thérèse envers la cour de France à l'époque du partage de la Pologne; que je ne puis soutenir la guerre active avec l'Angleterre et la guerre tacite avec l'Autriche ; qu'il est impossible que j'obtienne la paix avec l'Angleterre si l'Autriche n'est pas véritablement pacifiée; que, si M. de la Rochefoucauld reçoit l'assurance secrète que les troupes retourneront dans leurs garnisons de Hongrie et de Bohême, l'Empereur se croira en paix avec l'Autriche; que si, au contraire, les troupes continuent à filer, les magasins à se former, l'Empereur considérera l'Autriche comme voulant la guerre, et, dans l'impossibilité de soutenir sa guerre maritime, il marchera pour pacifier entièrement l'Autriche; que, si, après quatre ou cinq campagnes, il est vaincu, il sera forcé d'accepter les conditions humiliantes de l'Angleterre, comme la France les a reçues souvent; que, si l'Autriche ne veut pas la guerre, elle trouvera ce langage raisonnable et elle fera une chose agréable à la France de faire dire publiquement (et il ne manque pas aux puissances de moyens de le faire) qu'elle est résolue à rester neutre et à s'en tenir au traité actuel; que, si le cabinet se laisse conduire par des militaires tels que Mack, Zach, etc., il se trouvera entraîné dans de mauvaises affaires; que, dans sa position, une guerre n'a pas le sens commun, et qu'on ne peut plus se battre, raisonnablement , que pour l'empire de Constantinople; que c'est une pomme de discorde où il est très-probable que la France et l'Autriche marcheront réunies ;
Quant aux appels de conscrits, il n'en a été fait aucun; que, depuis la paix de Lunéville, il n'a pas été levé plus de 40,000 conscrits, parce qu'on donne aux anciens soldats un nombre de congé proportionné; que c'est là la marche et le but de la conscription; qu'on n'a porté des régiments au pied de guerre qu'en prenant sur les troisièmes bataillons; qu'il est impossible aux militaires autrichiens, s'ils ont voulu l'observer, de ne pas voir l'intention de l'Empereur de conserver la paix; qu'il vient de faire approvisionner les places; qu'il sera obligé de lever 200,000 conscrits pour mettre son armée sur le pied de guerre, et de faire faire une contre-marche à son armée des côtes, parce que son système de guerre se trouve entièrement désorganisé; que, ce pas une fois fait, il faudra se battre ou l'indemniser de ce que cela lui aura coûté; qu'en tout pays au monde, un armement non motivé sur les frontières de son voisin équivaut à une déclaration de guerre, et qu'il n'y a aucune espèce de doute que l'Autriche arme aujourd'hui.
De mon camp impérial de Boulogne, le samedi à midi.
Je suis, ma bonne petite Joséphine, arrivé bien portant à Boulogne, où je resterai une vingtaine de jours. J'ai ici de belles armées, de belles flottilles, et tout ce qui peut me faire passer le temps agréablement. Il y manquerait ma bonne Joséphine, mais il ne faut pas lui dire cela. Pour être aimé il faut que les femmes doutent et craignent sur l'étendue et la durée de leur empire.
Adieu, Madame, mille choses aimables partout.
(Lettres à Joséphine)
Camp de Boulogne, 3 août 1805
A M. Talleyrand
Je vous renvoie vos différentes dépêches. Faites insérer dans Moniteurun article de Raguse, dans lequel vous mettrez les noms cités dans le bulletin de Raguse; cet article aura pour but de faire connaître que l'Autriche est instruite des menées des Russes. Ne négligez aucune occasion d'éclairer l'Europe sur les vues de la Russie. Faites mettre dans l'Abeille du Nord et dans les journaux de Francfort et de l'Allemagne des observations sur la note de M. Novosiltzof; faites-les rédiger dans un grand esprit de modération, pour qu'ils puissent les imprimer. Il me semble que la dépêche de M. Otto, 5 thermidor, peut servir de base pour rédiger cet article.
La note à envoyer aux différents ministres dit tout, excepté le motif pour lequel elle est faite. Il parait que vous ne vous êtes pas donné la peine de lire la note de M. Novosiltzof; vous y verrez que ce négociateur prétend que je consentais à traiter directement avec lui, et qu'il ne me reconnaîtrait pas comme empereur : ce sont ces deux allégations que je veux démentir, et non déclarer que mon caractère répugne à l'idée d'un intermédiaire dans la paix avec l'Angleterre. Ce n'est pas parce que je le considère comme une insulte faite à mon caractère, mais parce que par politique je ne veux point d'intermédiaire. Substituez à cela la dénégation pure et formelle que la négociation ait été ouverte en demandant des passe-ports, et que j'aie pu rien concéder à la Russie qui fût contraire à mon caractère et à mon honneur. Ceci demande à être remanié.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, vous aurez appris par le télégraphe que je suis arrivé à Boulogne. Je vais passer dans une heure la revue de 100,000 hommes d'infanterie sur la laisse de basse mer. Les troupes sont très-belles, et je suis extrêmement satisfait de tout ce que je vois ici.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je vous envoie une lettre de l'ordonnateur de l'armée de Naples; envoyez-la à Alquier, afin qu'il fasse les représentations les plus vives pour faire cesser sur-le-champ les enrôlements. Et si, véritablement, cette lettre n'est pas exagérée, et qu'il se continue des armements, il fera connaître par une note qu'il ne peut rester à Naples spectateur des dispositions hostiles qu'on fait contre la division française, et qu'il se retire, son ministère de paix étant inutile dans un pays où déjà on paraît être résolu à la guerre, et près d'un souverain qui parait décidé à ne rien ménager. Avant de s'en aller, cependant, qu'il vérifie si ces faits sont vrais ; qu'il voie la Reine et le ministre; qu'il dise à la Reine qu'on sait ce qu'elle fait, et que le résultat de ses menées serait l'entrée de 20,000 hommes de troupes italiennes dans le royaume de Naples.
Que M. Alquier réponde par le courrier, pour me faire connaître réellement et véritablement la situation des affaires de Naples. Il faut aussi qu'il vous informe, par le même courrier, des mouvements de la rade de Naples depuis le mois de prairial, et qu'il vous envoie, tracée sur une carte, la position exacte des vaisseaux anglais devant ce port.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
Au maréchal Berthier
Je suis instruit qu'on avait placé un bateau portant pavillon à demi-portée des batteries Sarrut, Augereau, Varé; qu'une frégate anglaise a eu l'insolence de venir l'enlever, parce que les batteries n'ont tiré que quelques coups de canon. Demandez des renseignements sur cette affaire, et témoignez mon mécontentement aux généraux qui commandent l'artillerie et les batteries. Je les rendrai responsables s'ils ne tirent pas sur tous les bâtiments à portée, et ne défendent pas les bâtiments qui sont mouillés là, par tous les moyens.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Je vous renvoie votre lettre de M. Beurnonville. Toutes les nouvelles relatives à Nelson paraissent douteuses; que diable aura-t-il été faire dans la Méditerranée ? Ils y auraient donc 20 vaisseaux de ligne ? Ils ne savent guère ce qui leur pend à l'oreille. Tout est ici en bon train ; et, certes, si nous sommes maîtres douze heures de la traversée, l'Angleterre a vécu.
Je ne conçois pas que nous n'ayons pas de nouvelles du Ferrol. Je ne puis pas croire que Magon ne soit pas arrivé. Je fais dire par le télégraphe à Ganteaume de se tenir en rade de Bertheaume.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, mon intention est qu'il y ait une compagnie de bombardiers dans le régiment d'artillerie; vous pouviez penser que j'avais mes raisons, lorsque j'avais ordonné ces dispositions. Je compte que le château de Vérone et la Rocca d'Anfo sont armés et que les 450,000 rations de biscuit sont réparties, et que toutes les dispositions portées dans votre lettre du 28 juillet ont reçu leur effet.
Vous pouvez nommer les professeurs à toutes les différentes écoles.
J'approuve l'organisation que vous avez faite à l'imprimerie royale. Nous voici dans le mois d'août; je désire avoir le compte des dépenses de ma Maison.
J'ai reçu votre proposition de décret relative aux feudataires. Je désire avoir l'état de tout ce qui a été réuni au domaine et de ce qui a été rendu, afin que je puisse prononcer avec connaissance de cause.
Camp de Boulogne, 4 août 1805
Au prince Eugène
Mon cousin, il serait possible que je fisse marcher une brigade, composée des deux régiments qui sont à Milan, du régiment de chasseurs, et de huit pièces italiennes. Je désirerais que tout cela pût faire ensemble quatre mille hommes; et je voudrais les envoyer dans les Abruzzes. Ceci doit rester très secret; mais faîtes-moi connaître, par retour de mon courier, quand ce corps pourra être prêt, et quel est le général italien capable de le mener.
(prince Eugène)
Camp de Boulogne, 4 août 1805
Au prince Murat
Si vous voulez venir voir Bouogne, vous pouvez venir, passé le milieu de la semaine prochaine.
Je suis fort content de Bouogne et je passe la revue de l'infanterie à la laisse de basse mer. Il y aura plus de 196.000 bayonnettes
(Brotonne)
Camp de Boulogne, 5 août 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je vous envoie un projet sur mes forêts, qui m'est remis par M. Réal, et qui demande à être remanié. Réunissez un petit conseil, dans lequel vous appellerez mon intendant, l'administrateur des forêts, MM. Treilhard, Réal et Fleurieu, le ministre des finances et quelques autres personnes qui aient votre confiance.
Tout ce qui est relatif au conseil, dans le projet de M. Réal, est déplacé. Un conseil ne doit ni faire des nominations, ni administrer; encore moins être composé de grands officiers de ma Maison, qui sont assez occupés de leur service.
J'ai besoin d'un conseil du contentieux dans ma Maison. La partie forestière peut y être pour beaucoup, pour les coupes et les opérations ordinaires et extraordinaires faites dans les forêts. Je désirerais aussi qu'il pût me servir pour le contentieux des entrepreneurs, architectes, garde-meuble, eaux, et toute autre espèce de procès.
Pour rétablir les domaines de la liste civile dans une situation convenable, je serai souvent dans le cas d'acheter; il faut donc que j'organise un pareil conseil. Voyez ce que vous pensez de mieux sur cet objet, et envoyez-moi un projet d'organisation tout rédigé et dans un style convenable.
Camp de Boulogne, 5 août 1805
Au général Lacuée
On se loue davantage à l'armée de la conscription de cette année, quoique l'on trouve encore qu'il y a des hommes à réformer. Je crois qu'il faut envoyer les majors et le premier chirurgien du corps, si absolument il faut des chirurgiens.
Les corps n'ont rien perçu des amendes; quand je dis rien, c'est pas un sou. Le trésor n'a rien perçu non plus. Il paraît que c'est une des raisons qui autorisent la désertion. Il faudrait prendre quelques mesures pour organiser cette perception. La somme de 1,500 francs est une somme déterminée; cela est peu pour les riches, et beaucoup pour les pauvres : en général, on pense que, si cette amende était perçue, elle écraserait la nation; dont il suit qu'elle est arbitraire et qu'elle ne se perçoit pas du tout. Cherchez donc quelque moyen pour que les déserteurs condamnés au corps payent une amende raisonnable et proportionnée à leur fortune. Il faudrait aussi trouver moyen d'organiser cette perception de manière qu'elle ait constamment lieu. L'enregistrement n'y fait rien.
La plus funeste des désertions est celle qui se fait lorsque les individus sont reçus au corps. C'est celle-là qui fait le plus. de mal à l'armée. Aussi les corps sont bien loin d'avoir le nombre d'hommes que supposeraient les états du ministre.
Je désire que vous preniez des notions sur la manière dont la conscription de l'an XIII, ainsi que l'appel des réserves, se sont exécutés, et que vous me fassiez connaître les départements qui ont été le plus en retard.
Faites aussi compulser la correspondance au ministère de la guerre, et faites la recherche des corps où il y a eu le plus de déserteurs depuis le 1er vendémiaire an XII. La faute en est aux préfets et à la gendarmerie.
Le 21e et le 33e de ligne, ce dernier se recrutant dans l'Eure, ont le plus de déserteurs; et ce qui prouve que les préfets, quand ils le veulent, lèvent tous les obstacles, c'est que ceux du Pas-de-Calais et du Calvados, qui allaient mal, vont mieux depuis qu'ils ont compris que mon opinion de leur zèle et de leurs services dépendait du succès de la conscription. Je vous ai envoyé des états dans lesquels je suis parti des tableaux du ministre; mais je crois qu'il faudrait partir de la revue au 1er messidor. Nous sommes au milieu de thermidor, et les inspecteurs aux revues doivent l'avoir.
Il y a aussi des observations à faire pour ce qui regarde les hommes d'élite. Je ne sais quelle est la taille déterminée. Plusieurs départements n'ont pas fourni parce qu'ils n'avaient pas d'hommes de cette taille. Prévoyez cela dans votre règlement, afin qu'en ce cas on y supplée en prenant les meilleurs. Mettez un article pour que les dragons prennent des hommes de toute taille. Voyez à la guerre ce que devaient recevoir les cuirassiers, en l'an XIII, en hommes d'élite, et les départements qui n'ont pas fourni. Je ne voudrais pas, aussi, qu'il entrât au trésor public de l'argent provenant de la conscription. Je crois qu'il n'y entre pas 1,200,000 ou 1,300,000 francs par an. Je voudrais plutôt que cet argent fût versé dans une caisse particulière pour dépenses de la conscription, telles que les frais de logement des officiers , les gratifications aux gendarmes, les frais de tournées des majors et des chirurgiens, etc.
Je pense aussi qu'il est impossible qu'un ministre de la guerre suive une machine aussi compliquée. C'est un point très-important de notre organisation, et je voudrais créer une grande place sous le titre d'Inspecteur de la conscription. Cet inspecteur, n'ayant à s'occuper que de l'esprit et de la conduite des officiers, des préfets, des conseils d'administration , dont plusieurs ont passé pour avoir vendu des congés, saisirait tous les vices du système, et serait, enfin, la loi vivante de la conscription. Les lois mortes sont bien peu de choses, je m'en aperçois tous les jours. Les objets sur lesquels je ne porte pas moi-même mon attention ne marchent pas ou marchent mal. Cet inspecteur serait ou un général ou un conseiller d'État; il se trouverait dans les attributions du ministre de la guerre; mais il aurait un receveur qui recueillerait tout l'argent de la conscription. On établirait, pour cet objet, un budget, et, si l'on pouvait pourvoir à tous les frais de la conscription, même à solder, en tout ou en partie, les officiers qui y sont employés, je les mettrais en sus des corps, car un si grand nombre de sous-officiers m'affaiblit l'armée. Enfin , je voudrais donner à cet inspecteur, sur son rapport au ministre, le droit de contrainte contre les chirurgiens , officiers de recrutement et citoyens embaucheurs ou autres dont les actions tendraient à gêner et entraver la loi de la conscription.
Faites-moi aussi un projet de décret qui établisse une compagnie de voltigeurs dans chaque bataillon d'infanterie de ligne. Elle serait composée de petits hommes, armés de fusils de dragons, comme les voltigeurs de l'infanterie légère. Cela n'augmenterait pas les bataillons, car on supprimerait une compagnie, comme on l'a fait pour l'infanterie légère.
Camp de Boulogne, 5 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Je n'ai pu lire qu'avec un vif intérêt la relation du siège de Santo-Domingo. Il faut s'empresser de secourir ces braves gens. Je regrette beaucoup de n'avoir pas bien connu les sentiments de cette colonie. Je désire que vous fassiez préparer la Poursuivante et l'Infatigableà Rochefort; que vous y joigniez 2 bricks et 3 goélettes. Ces derniers bâtiments resteront à Santo-Domingo.
On embarquera 2,000 fusils, autant de poudre que les soutes des bâtiments pourront en porter, et 700 hommes, et on les fera sur-le-champ partir pour Santo-Domingo. Vous donnerez l'instruction, avant de débarquer à Santo-Domingo, de toucher dans quelque port pour prendre langue, et, s'il y avait des forces supérieures à Santo-Domingo, de débarquer dans un autre endroit.
Immédiatement elles croiseront devant Jérémie-les-Cayes (Port-au-Prince) et arrêteront les Américains qui entreraient ou sortiraient de Santo-Domingo, les déclareront bonne prise, et s'attacheront à détruire les embarcations des noirs.
A Lorient, vous ferez préparer la Cybèle, avec 2 bricks, tels qui le Surveillant et le Souffleur ou le Diligent, 2 ou 3 goélettes. On embarquera sur ces frégate , bricks et goélettes, 1,000 fusils et 350 hommes. Ils se rendront également à la même destination.
Chargez quelque bâtiment
à Nantes, un brick , avec 500 fusils, autant de poudre qu'il en
pourra porter, et 50 hommes.
Vous donnerez à chacun la même instruction. Les bricks et
goélettes resteront à Santo-Dorningo; le général Ferrand s'en
servira pour faire des croisières contre les noirs et autres
personnes qui croisent avec eux.
Ces trois expéditions, si elles arrivent, feraient 1,100 hommes. Écrivez au général Ernouf que je compte sur son zèle pour fait passer tous les Piémontais qui sont à la Guadeloupe à Santo-Domingo; qu'à cet effet il charge ses corsaires de troupes et les envoie là; que Ferrand va être attaqué de nouveau; que je lui envoie de France ce qui m'est possible, et qu'il veille à la défense de cet colonie, en lui envoyant tout ce qu'il aurait en sus de 3,000 hommes. Écrivez la même chose à Villaret.
Faites donc finir la Pénélope, qui est commencée à Bordeaux.
Faites armer la Libre et la Curieuse. Vous pouvez d'abord prendre les 198 matelots du Triton, du Growler, de la Fortitude, des Sep Surs. Ces 2 frégates, jointes au Phaéton, au Voltigeur et au Surveillant, pourraient former un quatrième convoi pour Santo-Domingo. Ils partiraient par l'équinoxe, doubleraient l'Irlande, et jetteraient 700 hommes à Santo-Domingo.
Donnez ordre au Ferrol de faire partir la goélette la Téméraire,portant des dépêches à Santo-Domingo, avec autant de fusils et de poudre qu'elle en pourra porter. Elle resteront à Santo-Domingo.
Faites-moi un rapport sur le temps où ces expéditions pourront partir. Je désignerai les troupes. Non-seulement il est important de ne point perdre la partie espagnole, mais il est honteux d'abandonner ces braves gens; et, puisque les Espagnols ont été assez éclairés sur leurs intérêts pour ne pas se joindre aux Anglais , rien ne s'oppose à les secourir.
Il paraît que ce qui leur manque, c'est de la poudre et des cartouches. Faites-moi connaître combien ces goélettes portent de fusils. Écrivez en Amérique pour qu'on leur envoie des farines. C'est la meilleure manière de leur envoyer de l'argent.
Je pense qu'il ne faut rien épargner pour secourir efficacement la partie espagnole.
Camp de Boulogne, 5 août 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, vous aurez reçu un décret par lequel j'ai ajourné le Corps législatif. Quand ces législateurs auront un roi pour eux, il pourra s'amuser à ces jeux de barres; mais comme je n'en ai pas le temps, que tout est passion et faction chez eux, je ne les réunirai plus. Quant au budget, mon intention est qu'il soit suivi de point en point. Le ministre des finances est le seul homme de sens et de caractère.
J'ai reçu votre rapport sur les opérations des Autrichiens en Italie; je doute qu'il y ait 14,000 hommes dans le Tyrol. Tâchez, par Brescia et par vos agents, d'avoir des renseignements plus positifs. Du moment que le Corps législatif sera ajourné, préparez-vous à faire un voyage à Brescia, Vérone et Mantoue. Je pense, cependant, que vous pouvez laisser passer encore tout le mois d'août. Je crois vous avoir écrit pour que vous posiez la première pierre du monument de Rivoli.
Camp de Boulogne, 5 août 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, il serait possible que je fisse marcher une brigade composée des deux régiments qui sont à Mitan, du régiment de chasseurs et de huit pièces italiennes. Je désirerais que tout cela pût faire, ensemble, 4,000 hommes, et je voudrais les envoyer dans les Abruzzes. Ceci doit rester très-secret; mais faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, quand ce corps pourrait être prêt, et quel est le général italien capable de le mener.
Camp de Boulogne, 6 août 1805
A M. Daru, intendant général de la Maison de l'Empereur
Monsieur Daru, je vous renvoie tout votre travail avec des décisions.
J'ai fait, il y a un an, un fonds de deux millions pour des achats de terrains de la liste civile; ce fonds n'est pas épuisé. Il y a encore, dans les forêts de Marly et de Saint-Germain, quelques terres à acheter. Ces acquisitions sont nécessaires pour que cela ne donne lieu à aucune indemnité.
Il faut aussi s'occuper du petit parc de Versailles. Il faudrait d'abord entrer en arrangement avec le sénateur Sieyès et M. Desprez (Médard Desprez,1764-1842, régent de la Banque de France); mon intention est que pour l'automne ce petit parc soit racheté, mais à sa valeur. En attendant, il faut que les grilles soient réparées et qu'il y ait les gardes et portiers nécessaires. Il y a des fonds pour la réparation des murailles du petit parc. Faites rétablir, au Petit-Trianon, les eaux et les jardins en aussi bon état qu'ils n'ont jamais été.
J'ai envoyé à M. Cambacérès le projet de règlement de M. Réal sur mes forêts; il vous appellera à un conseil qu'il va former pour rédiger un projet sur cet objet important et sur le contentieux de ma Maison.
Quant aux encouragements à accorder aux arts, la bibliothèque impériale étant dans les attributions du ministre de l'intérieur, car ayant mis cette année 200,000 francs à sa disposition pour cet objet je ne sais pourquoi le ministre du trésor public n'a pas voulu le payer; une grande portion de la dépense de la liste civile se compose d'ameublements, peintures, embellissements de palais, qui sont autant d'encouragements accordés aux arts. C'est sous ce point de vue que l'intelligence et les soins de l'intendant général doivent naturellement se porter sur tout ce qui peut alimenter l'industrie, encourager les arts et fournir une émulation aux artistes. David (Jacques-Louis David, 1748-1825, que Napoléon a fait Premier peintre de l'Empire) reçoit des sommes assez considérables pour les arts. Mon bibliothécaire m'a fait souscrire pour une grande quantité de gravures et d'ouvrages, et je ne me refuserai pas à accorder tout ce que vous jugerez nécessaire pour encourager les artistes ; mais je ne veux pas que ce soit une obligation qui me soit imposée. La manufacture de la Savonnerie, celles des Gobelins, de Sèvres , doivent travailler sans qu'il en coûte rien à la liste civile, c'est-à-dire que je dois retrouver ce qu'elles me coûtent, en garde-meuble. Toutes les fois qu'on fait un embellissement dans un palais, il faut considérer de quel avantage il est pour les arts et les manufactures, chose qu'aujourd'hui on ne considère pas. Le Muséum (Le Louvre) est à mes frais; il me coûte considérablement; c'est encore là un encouragement pour les arts. Aucune de ces choses n'a été faite avec ensemble. Il faut vous emparer de tout cela, payer vous-même les individus, les voir, savoir quelles sont leurs fonctions. Je dois vous faire connaître que mon intention est de tourner spécialement les arts vers des sujets qui tendraient à perpétuer le souvenir de ce qui s'est fait depuis quinze ans. Il est étonnant, par exemple, que je n'aie pu obtenir que les Gobelins laissassent de côté l'histoire sainte, et occupassent enfin leurs artistes de cette foule d'actions de tout genre qui ont distingué l'armée et la nation, événements qui ont élevé le trône. Lorsque vous aurez le temps, vous me ferez une récapitulation des statues, gravures , tableaux , etc., que j'ai ordonnés. J'imagine que M. de Ségur, qui avait des fonds pour faire exécuter le livre du sacre, l'a fait commencer. C'est une affaire assez importante. Le travail dont s'occupe M. Denon, qui parcourt les champs de bataille d'Italie pour lever des dessins et des plans qui feront le pendant de son atlas d'Égypte, offrira encore une nouvelle carrière à l'émulation des peintres et des graveurs. M. de Fleurieu (Charles Pierre Claret de Fleurieu, 1738-1810. Intendant général de la Maison de l'Empereur. Il fut l'organisateur des voyages de Bougainville et de La Pérouse), par la circonstance de son âge, ne pouvait suivre tous ces objets, puisqu'à peine il pouvait se traîner et faire la besogne la plus pressante. Il faut, désormais, que M. Denon vous soit subordonné, comme il doit naturellement l'être, en ménageant son amour-propre, et qu'il reste conservateur du Muséum, n'ordonnant point de dépense, et mes ordres passant toujours par vous.
Je désire avoir libre l'esplanade de Meudon et voir disparaître les décombres du vieux château. On ne les a point déblayés, parce qu'on a pensé qu'ils étaient nécessaires pour combler la terrasse; comme cela est porté au budget de cette année, il faut le faire finir.
Il faut prendre toutes les mesures pour que les jardins de Fontainebleau et de Versailles soient plantés. Il faut replanter cette année les anciennes allées comme elles l'étaient.
Camp de Boulogne, 6 août 1805
A Champagny
Plusieurs préfets ont écrit et imprimé des circulaires, pour défendre de danser près des églises. Je ne sais où cela conduit. La danse n'est pas un mal. Veut-on nous ramener au temps où l'on défendait aux villageois de danser ?
Je suis fâché que M. Bureaux de Pusy, qui plusieurs fois s'est tenu trop loin de la ligne religieuse, s'en vienne trop près aujourd'hui. MM. les vicaires pouvaient dire ce qu'ils auraient voulu. Si l'on croyait tout ce que diraient (sic) les évêques, il faudrait défendre les bals, les spectacles, les modes et faire de l'Empire un grand couvent.
Faites sentir, par une instruction secrète, que l'autorité civile ne doit point se mêler de ces choses-là et écrivez particulièrement sur ce sujet à M. Bureaux de Pusy et aux préfets qui auront donné et suivi cet exemple.
Camp de Boulogne, 6 août 1805
A M. Fouché
Monsieur Fouché, j'ai vu, dans votre rapport du 14 thermidor les plaintes du préfet de la Nièvre. Je n'ai fait aucune attention aux plaintes générales, parce qu'elles ne signifient rien. Venons à des faits.
Le premier est relatif à une discussion pour un cierge. Je dois considérer le clergé comme bien sage, puisqu'il ne donne pas d'autres sujets de plainte. Le préfet ne regarde donc pas les prêtres comme les autres hommes ?
La dispute d'un cabaret : le scandale d'un curé qui fait le catéchisme dans un cabaret tombera facilement; lui donner une maison.
Le curé de Saint-Saulge refuse d'admettre à la communion des enfants, par la raison que le mariage est d'un prêtre assermenté ; il vous sera facile de vous assurer que cette imputation est fausse; car, fussent-ils bâtards , on ne leur refuserait pas la communion ; et le préfet montre là une aveugle croyance à des imbéciles ; il n'y a pas de clergé assez insensé pour agir contre l'esprit de son état.
Les femmes Poissome et Legai ont été repoussées des sacrements, parce que le mariage n'a pas été béni une seconde fois : cela peut étonner, et l'esprit de parti peut aveugler; instruisez-vous d'autre part et prenez des renseignements.
Les filles Debar ont été repoussées des sacrements, parce que leur père ne s'était pas confessé : cela est absurde. Le reproche au curé de Chantenay est également absurde. Suivez cela avec activité et obtenez des explications, car il faut ôter sa confiance à un préfet qui ne voit personne. Si, avant d'écrire ces renseignements, il eût envoyé chercher le curé et eût causé avec lui, il eût vu que cela était absurde. On ne gouverne pas un département en faisant de la chimie.
Dans votre rapport sur Marseille, vous dites que le moyen de faire cesser ces troubles est de faire inviter le général Dejean à se rendre à Marseille. Je ne comprends pas ce que cela veut dire.
J'adopte les conclusions de votre rapport du 13 , relatif à la famille Hyde de Neuville. Faites mettre le séquestre sur leurs biens et renvoyez-les l'un et l'autre de France.
Camp de Boulogne, 6 août 1805
A M. Fouché
La conscription dans le département de l'Eure est absolument nulle; les conscrits ont déserté. Elle est nulle encore dans les Pyrénées-Orientales. Quant `l'Eure, qui est aux portes de Paris, mon intention est que vous vous concertiez avec le nouveau préfet, et que vous preniez des mesures pour arrêter tous les conscrits et les faire marcher. Je vous envoie une dénonciation qui est relative au même objet. De tous les genres d'abus, celui qui concerne la conscription est celui qui mérite davantage de considération; c'est celui qui offre les plus grandes conséquences.
(Lecestre)
Camp de Boulogne, 6 août 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je reçois votre courrier. Je ne puis trop vous témoigner mon mécontentement de ce que vous prononcez sur des objets que je me suis réservés; voilà trois fois dans un mois. Vous n'aviez pas le droit de dépecer la loi sur les finances, que j'avais signée, et d'en présenter d'autres; vous n'aviez pas le droit d'ajourner le Corps législatif; vous n'aviez pas le droit d'arrêter les dépenses départementales. Je suis moins affligé du peu de considération que vous avez pour mon autorité que du peu de cas que vous faites de mes avis. Que voulez-vous que je réponde à vos lettres ? Je n'écris pas par passe-temps, et je n'ai pas l'habitude d'écrire vainement : je vous donnerai mes avis, et, quand ils vous parviendront, vous aurez décidé. Si vous tenez à mon estime et à mon amitié, vous ne devez, sous aucun prétexte, la lune menaçât elle de tomber sur Milan, rien faire de ce qui est hors de votre autorité. Je crois aussi avoir assez de droits à votre confiance pour que, sur des affaires importantes, même vous concernant, vous jugiez nécessaire d'attendre mes avis Vous êtes le premier qui m'ayez fait avoir tort avec trente ou quarante polissons. Cela ne serait pas arrivé si vous n'étiez pas sorti des bornes de votre pouvoir; n'en sortez pas désormais. Ne croyez pas que ceci m'empêche de rendre justice à la bonté de votre cur; mais je ne veux pas avoir mauvaise opinion de votre caractère; pour cela n'écoutez pas les sottises de quelques coteries de Milan.
J'attendrai votre réponse pour voir ce que je dois faire relativement à l'enregistrement, aux douanes et aux droits sur les blés; car si vous avez déjà décidé, il est inutile que je vous fasse connaître mon opinion.
Toutes les fois que vous me rendrez compte d'un objet, ajoutez si vous attendez ou si vous n'attendez pas mes avis, afin que je sache à quoi m'en tenir; et, si vous m'annoncez que vous attendez mon opinion, songez que vous me manqueriez essentiellement si, pendant que votre lettre ou la mienne serait en route, vous preniez sur vous de préjuger ce que j'aurais fait.
Camp de Boulogne, 6 août 1805
Au prince Eugène
Mon cousin, vous aurez reçu un décret par lequel jai ajourné le Corps législatif. Quand ces 1égislateurs auront un roi pour eux, il pourra jouer à ces jeux de barre; mais, comme je nen ai pas le temps, que tout est passion et faction chez eux, je ne les réunirai plus. Quant au budget, mon intention est quil soit suivi de point en point. Le ministre des finances est le seul homme de sens et de caractère. Jai reçu votre rapport sur les opérations des Autrichiens en Italie. Je doute quil y ait quatorze mille hommes dans le Tyrol; tâchez, par Brescia et par vos agents, davoir des renseignements plus positifs. Du moment que le Corps législatif sera ajourné, préparez-vous à faire un voyage à Brescia, Vérone et Mantoue. Je pense cependant que vous pouvez laisser passer encore tout le mois daoût. Je crois vous avoir écrit pour que vous posiez la première pierre du monument de Rivoli.
(prince Eugène)
Camp de Boulogne, 7 août 1805
A M. Fouché
Voici l'arrangement que j'approuve pour le Journal de l'Empire ci-devant Journal des Débats. Faites appeler les propriétaires et donnez-leur à connaître que je m'arrête à ces bases. Lorsque cet arrangement sera fait, vous en ferez un semblable avec le Publicis et la Gazette de France. Vous généraliserez, à l'égard de tous les autres journaux, la retenue de deux douzièmes ou trois douzièmes selon l'importance des profits, pour être appliquée à des pensions qui seront accordées aux gens de lettres.
Camp de Boulogne, 7 août 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je reçois votre lettre du 18 (6 août). Voici des idées qui vous feront connaître dans quel sens j'entends que la réponse soit faite. Je désire que vous me renvoyiez la note toute rédigée avant que vous la présentiez. Je veux mettre fin sans délai à cette médiation. L'Autriche craint pour elle; je pense que cette note est une protestation pacifique, et qui veut dire qu'elle ne partage pas la folie de la Russie. Ce qu'il faut que l'Autriche apprenne par ma réponse, c'est que cette déclaration n'est pas suffisante; qu'il faut des actions; que la route des préparatifs est la route de la guerre; qu'il n'y a que l'exacte neutralité pour la paix.
Camp de Boulogne, 7 août 1805
Au maréchal Bessières
Mon Cousin, faites partir pour Boulogne les hommes de ma Garde, grenadiers et chasseurs, qui sont dans le cas de faire la guerre. Faites partir également le régiment de grenadiers et chasseurs italiens; depuis le temps, il doit être armé et habillé. S'il n'était pas habillé, qu'il parte toujours; seulement, veillez à ce qu'il soit parfaitement armé. Faites partir aussi tous les soldats du train et les chevaux d'artillerie qui se trouvent disponibles à Paris. Suivez l'ordre que j'ai donné en Italie pour la formation des hommes de ma Garde que vous m'enverrez. Faites partir les chasseurs sous les ordres du major Gros, et les grenadiers sous les ordres du major des grenadiers à pied.
Quant aux chasseurs et grenadiers à cheval qui étaient à Gênes, faites-moi connaître quand ils viendront. Si vous pouvez accélérer leur marche de deux ou trois jours, faites-le; j'aurais besoin d'un corps de 800 hommes à cheval. Les dépôts des différents corps de la Garde que vous laisserez à Paris seront sous les ordres des chefs de bataillon et d'escadron. La Garde à pied partira sous les ordres du général Soulès, de manière à être à Boulogne en dix jours, du moment de son départ. Vous-même, vous vous tiendrez prêt à partir. Faites partir aussi la moitié des gendarmes d'élite à pied dans le cas de faire la guerre.
Camp de Boulogne, 7 août 1805
A M. de Champagny, minstre de l'intérieur, à Paris
Je désire que vous témoignez mon mécontentement aux préfets de la Gironde, de l'Hérault, de la Loire, de la Haute-Loire, du Cantal, du Lot et des Deux-Nèthes. Faîtes-leur connaître que ce sont les spt préfets de l'Emoire qui ont le plus négligé la conscription, qui tolèrent le plus de déserteurs, et qui sont le plus en retard. Prescrivez á ces préfets de prendre des mesures efficaces pour ôter cette tache à leur département et à leur administration. Dîtes-leur que c'est mal servir l'État que d'apporter la moindre négligence à un objet aussi important.
(Lecestre)
Camp de Boulogne, 8 août 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, l'escadre combinée a eu un combat devant le Ferrol; elle a rempli le but de sa mission, qui était sa jonction avec l'escadre du Ferrol. Elle a donné chasse à l'escadre ennemie, et elle est restée pendant quatre jours maîtresse du champ de bataille; mais on craint d'avoir perdu 2 vaisseaux espagnols qui, probablement, se battait extrêmement mal, se sont laissé tourner par l'ennemi dans la brume qui était affreuse pendant le combat. Un vaisseau anglais, à ce qu'il paraît, a été coulé bas; 2 vaisseaux anglais à trois ponts ont été démâtés. L'escadre française paraît avoir été peu maltraitée. Je pense qu'on peut considérer cette affaire comme un succès. Vous en verrez les premiers détails dans le Moniteur d'aujourd'hui.
Camp de Boulogne, 8 août 1805
Au maréchal Bessières
Mon Cousin, je vous ai écrit hier pour vous ordonner de faire faire différents mouvements à ma Garde sur Boulogne. Mon intention est que, s'il y avait quelque chose de parti, vous le laissiez continuer, mais que vous reteniez le reste; que vous m'envoyiez un état détaillé de la situation de chaque corps, et que vous prépariez tout en attendant de nouveaux ordres.
Camp de Boulogne, 9 août 1805
A M. Barbé-Marbois
Monsieur Barbé-Marbois, vous aurez vu, dans le Moniteur, relation du combat qui a eu lieu. Cela a été assez bien; cela eût fort beau sans la maladresse des Espagnols. Cependant, nous sommes restés maîtres deux jours du champ de bataille; les Anglais se retirés, et nous avons opéré notre jonction. Vous savez combien on doit compter sur les Espagnols; malheureusement on les avait mis à l'arrière-garde, et ils ont fait une manuvre qui les a obligés de se présenter les premiers au feu. Les Anglais paraissaient assez faibles, non-seulement en bâtiments, mais en hommes. Rassurez les hommes à argent; faites-leur entendre qu'il ne sera rien hasardé qu'avec sûreté; que mes affaires sont trop belles pour rien hasarder qui puisse mettre à trop de hasards le bonheur et la prospérité de mon peuple. Sans doute que, de ma personne, je débarquerai avec mon armée, tout le monde doit en sentir la nécessité ; mais moi et mon armée ne débarquerons qu'avec toutes les chances convenables.
Ce que vous me dites de la Banque mérite des explications : si la réserve est petite, c'est sa faute; c'est qu'on négocie un grand nombre de petits papiers de circulation qui n'ont point de marchandises derrière. Cela sera ainsi tant qu'on escomptera par actions, ce qui est contraire à la loi. Mou intention est que cette manière d'escompter finisse. C'est là où est tout le mal.
Camp de Boulogne, 9 août 1805
A M. Fouché
Le 3 thermidor, à trente lieues du Ferrol, il y a eu un combat entre l'amiral Villeneuve et une escadre anglaise composée de 14 vaisseaux, dont 3 à trois ponts. Il eût été à notre avantage et des plus glorieux , si 2 vaisseaux espagnols à trois ponts ne s'étaient perdus. On craint qu'ils soient dérivés, pris ou coulés. Faites connaître et sentir que cette affaire est avantageuse.
Villeneuve a rempli son but : la jonction. L'escadre anglaise a pris chasse et refusé trois jours le combat. L'avantage de 3 vaisseaux à trois ponts contre une escadre qui n'en avait pas équivaut à une différence de 8 vaisseaux, tous accoutumés à la mer et parfaitement exercés. Enfin, l'escadre française a peu souffert; elle est toute gréée et en état d'aller outre.
Comme tout ceci sera assez désagréable pour les Espagnols, faites l'éloge de Gravina et faites mille conjectures sur le sort des Espagnols; qu'on ne sait s'ils sont pris véritablement. Cependant, en mon particulier, je pense qu'ils se sont fait pincer.
L'escadre, au reste, a fait à l'ennemi pour une vingtaine de millions de dommages. Trois vaisseaux anglais sont bien certainement démâtés; un a coulé bas.
Camp de Boulogne, 9 août 1805
Au maréchal Berthier
Trois Anglais viennent de s'échapper, quoique sur leur parole, des prisons de Verdun. Il faudrait envoyer là un renfort de gendarmerie, mettre tout ce qui est capitaine marchand dans les autres prisons, ne tenir à Verdun que les gens sûrs. Ordonnez au général Wirion de les réunir et de leur dire que, au premier qui s'en ira, je serai obligé de les distribuer dans les places fortes; qu'ils doivent être solidaires les uns des autres, s'ils veulent être traités en gens d'honneur.
Camp de Boulogne, 9 août 1805
DECISIONS
Congé de quinze jours demandé par le général de division Lorge, commandant la 26e division militaire, pour aller aux eaux. | Accordé |
Les parents de Joseph Lhomme, musicien au lige régiment d'infanterie et admis au lycée de Bruges, exposent qu'ils sont dans l'impossibilité de faire pour leur fils l'avance des 400 francs destinés à son trousseau. | Accordé |
Frais de poste réclamés par le général Lagrange pour s'être rendu de Rochefort en Italie et pour son retour à Paris. | Renvoyé au ministre de la marine. Cela ne regarde pas la guerre |
Le commissaire général de l'ile d'Elbe demande que ses habitants soient exemptés de la conscription pendant les années XI, XII et Xiii. | Accordé les années XI et XII. Les conscrits de l'an XIII doivent rejoindre. Donner ordre au général commandant d'y tenir la main. |
Camp de Boulogne, 10 août 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je vous renvoie votre portefeuille. L'affaire du 3 thermidor n'a pas été avantageuse aux Anglais : si nous avons eu deux vaisseaux espagnols de perdus, ils en ont eu aussi deux tellement maltraités, le Malta et le Windsor-Castle, qu'ils sont arrivés coulant bas à Plymouth. Les deux espagnols n'ont été pris que parce qu'ils sont tombés sous le vent.
La dépêche de Washington a fixé mon attention. Je désire que vous passiez une note au ministre américain près de moi, que vous y joigniez une copie du jugement, et que vous lui déclariez qu'il est temps que cela finisse; qu'il est indigne que les Américains approvisionnent des brigands et se livrent à un commerce aussi scandaleux que je déclarerai de bonne prise tout ce qui entrera ou sortira des ports de Saint-Domingue, et que je ne pourrai plus longtemps voir avec indifférence les armements, évidemment dirigés contre la France, que le gouvernement d'Amérique laisse faire dans ses ports.
La dépêche de Vienne, du 8 thermidor, est également digne de mon attention. Il est temps, enfin, que Vienne exécute les traités et que j'accorde une protection efficace aux établissements publics et à ceux de mes sujets qui ont des créances sur la banque de Vienne. Je désire avoir un rapport détaillé pour l'envoyer à mon Conseil d'État et pour faire les instances les plus fortes. Ne perdez point de vue cet objet; les établissements de la Belgique souffrent extrêmement de ce manquement de foi de la cour de Vienne.
Camp de Boulogne, 10 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je vous envoie une lettre que je reçois de La Haye; vous y verrez que, indépendamment du Windsor-Castle, le Malta aussi a été obligé de rentrer dans les ports d'Angleterre; et, comme nous savons que nos escadres sont en état, si Villeneuve a un nouvel engagement avec Calder, il ne trouvera plus que 12 vaisseaux.
Il paraît que, le 12 thermidor, il n'était pas encore arrivé au Ferrol. Envoyez dans la journée un courrier extraordinaire au Ferrol. Faites part de ces nouvelles de Londres au vice-amiral Villeneuve; dites-lui que j'espère qu'il aura continué sa mission, et qu'il serait trop déshonorant pour les escadres impériales qu'une échauffourée de trois heures et un engagement avec 14 vaisseaux fissent manquer de si grands projets; que l'escadre ennemie est affaiblie de 2 vaisseaux, et que, d'après son propre aveu , il paraît qu'elle a beaucoup souffert. Écrivez aussi au prince de la Paix pour lui faire connaître que j'ai appris avec peine la perte de 2 vaisseaux espagnols; qu'il paraît que l'escadre anglaise a beaucoup souffert dans l'action; que 2 vaisseaux ennemis sont arrivés coulant bas à Plymouth; qu'il ne faut pas se décourager; qu'il faut persister fortement dans ses projets; que je compte sur la ferme résolution du roi d'Espagne, et qu'il donnera des ordres pour que, l'escadre du Ferrol étant jointe à mes escadres, elles suivent avec activité leur destination.
Je vous envoie aussi une note sur les bois de la Corse; c'est un objet fort important. Il me semble qu'il faut d'abord faire payer ce qui est dû, et demander un rapport à Toulon. Je désire beaucoup encourager cette exploitation.
Boulogne, 10 août 1805
A Fouché
Si le billet de Polignac (Armand de Polignac, condamné à mort dans le procès de Cadoudal, mais dont la peine a été commuée en deux ans de prison) est vrai et qu'ils (ce "ils" s'adresse aux deux frères emprisonnés - Jules Polignac sera ministre de Charles X) disent qu'on veut les empoisonner, il faut punir ces hommes, qui ne sentent pas la preuve que je leur ai donnée de ma clémence, en les mettant au secret et en ne les nourrissant que des vivres de la prison. En les tenant ainsi pendant deux mois, on leur fera payer leur impertinence.
(Lecestre)
Camp de Boulogne, 10 août 1805
Au maréchal Berthier, ministre de la guerre, à Paris
Vous avez avec vous un adjudant-commandant Lomet qui a des liaisons avec les Russes, qui tient beaucoup de propos. Je ne le crois pas mauvais officier; mais je ne crois pas non plus que ce soit un homme assez sûr pout tenir un état-najor général. Prenez la premiére occasion de l'envoyer dans une division.
(Brotonne)
Camp de Boulogne, 10 août 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, j'apprends que Vernègue retourne en Italie; mon intention est que vous preniez des mesures pour le faire arrêter s'il y a possibilité, et s'il passe par nos postes.
(prince Eugène)
Camp de Boulogne, 11 août 1805
A M. Lebrun
Mon Cousin, j'ai vu avec peine votre arrêté qui défend la levée des matelots à Gênes. C'est sans doute une manière de se rendre très-populaire, mais c'en est une aussi de nuire au bien du service. Je n'ai réuni à Gênes que pour avoir des matelots, et, cependant, les trois seules frégates que j'ai dans ce port ne sont pas armées. En acceptant Gênes et en l'admettant à tous les immenses avantages qui résultent pour elle de sa réunion à mon Empire, je n'y ai été porté ni par l'argent que je puis en tirer, ni par les forces et l'accroissement qu'elle donne à mes armées de terre : je n'ai eu qu'un seul but, avoir 15,000 matelots de plus. C'est donc agir en sens contraire de l'esprit de l'acquisition de Gênes que de prendre un arrêté qui désavoue la levée des matelots. Je ne sache rien de plus impolitique que cette mesure. Si l'on s'était conduit ainsi en Piémont, on n'aurait jamais eu de conscrits. Gênes ne sera française que lorsqu'elle aura 6,000 hommes à bord de mes escadres. Je désire donc que vous vous occupiez sérieusement d'avoir des matelots; que vous fassiez sentir, par une circulaire, que c'est là la seule espèce de secours dont peuvent m'être les Génois. Enfin, cet objet doit être le sujet le plus constant de toutes vos sollicitudes. Encore une fois, ce ne sera que quand j'aurai des matelots à bord de mes bâtiments que ce peuple se trouvera entièrement francisé. Que voulez-vous que je fasse de 225 jeunes gens de douze à vingt ans ? J'en abonde en France : c'est de vieux matelots que j'ai besoin. Je ne puis être de votre avis, qu'on ne peut rien attendre de matelots faits; qu'ils ne sont bons que pour le cabotage, et que les expéditions armées leur font peur : eh bien, il faut leur faire plus de peur que ne leur en feraient les expéditions armées. Je crains bien que vous ne vous soyez conduit dans votre administration, sur un point si important, par la crainte de mécontenter les Génois; n'en craignez rien. Bon gré ou mal gré, il faut qu'ils aillent sur mes vaisseaux, sans quoi on me poussera à des mesures extrêmes qui intercepteront leur cabotage jusqu'à ce que j'aie le nombre de matelots dont j'ai besoin. Vous êtes mal instruit , et c'est me supposer bien ignorant de la situation du peuple de Gênes que de croire qu'il ne me sera bon à rien. Avec de la faiblesse, on ne gouverne point les peuples, et on attire sur eux des malheurs; je crains que vous n'en montriez plus que votre caractère n'en est susceptible.
Avez-vous espéré gouverner des peuples sans les mécontenter d'abord ? Que feriez-vous donc en France, si vous étiez chargé de faire marcher la conscription du Calvados, des Deux-Sèvres, ou un tel autre département ? Vous savez bien qu'en fait de gouvernement, justice veut dire force comme vertu. Quant à ceux qui disent que cela mécontenterait les Génois et les pousserait à se mal conduire ce n'est pas à moi que ce langage s'adresse; je sais ce qu'ils pèsent et ce qu'ils valent. Serais-je déjà assez décrépit pour qu'on pût me faire peur du peuple de Gênes ? La seule réponse à cette dépêche c'est des matelots et des matelots. Vous connaissez assez la promptitude de mes résolutions pour savoir que cela ne diminuera en rien l'estime et l'amitié que je vous porte. Ne voyez dans votre administration, ne rêvez que des matelots. Dites tout ce que vous voudra de ma part, j'y consens; mais dites que je veux des matelots.
Camp de Boulogne, 11 août 1805
A M. Schimmelpenninck
Très-cher et grand Ami, j'ai reçu votre lettre; je vous remercie des détails que vous me donnez. Je viens de recevoir les journaux anglais jusqu'au 5 août. Je vous prie de m'expédier, par un courrier extraordinaire, tout ce que vous apprendriez de nouveau des côtes d'Angleterre. Je viens de recevoir un courrier du Ferrol; mon escadre y est entrée. Elle a trouvé effectivement l'escadre de l'amiral Calder et lui a donné la chasse. Le vent était ouest grand frais, ce qui a empêché l'escadre du Ferrol de sortir; les fanfaronnades des Anglais tomberont bientôt, et il sera bien constant que l'escadre anglaise est battue, puisqu'elle a pris chasse trois fois, et a laissé l'amiral Villeneuve remplir sa mission. J'ai donc dans ce moment au Ferrol 35 vaisseaux réunis. Ces détails ne sont que pour vous.
Il peut être utile que vous fassiez connaître à la bourse d'Amsterdam, par forme de note, que l'amiral Villeneuve a battu l'amiral Calder et est entré au Ferrol; que l'amiral anglais a pris chasse une seconde fois sans combattre; que l'événement de la prise des 9 vaisseaux espagnols n'a pas été connu, à cause de la grande brume; que ces 2 vaisseaux ont été affalés sous le vent pendant la nuit, et, qu'ayant souffert dans leur gréement, ils sont tombés au pouvoir de l'ennemi ; que notre escadre s'est battue de très-loin. Vous trouverez ci-joint la note des tués et blessés.
Si les deux vaisseaux espagnols ont perdu tant de monde, il faut qu'étant très-loin de l'armée ils aient longtemps résisté.
Camp de Boulogne, 11 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, vous trouverez ci-joint les dépêches qui vous sont arrivées par un courrier que j'ai arrêté en route. Vous verrez que les escadres ont mouillé à la Corogne. Lauriston m'écrit que l'on continuera; que les capitaines et les matelots sont parfaits; que Villeneuve, qui du reste a du talent, met trop de temps à se décider; que, s'il avait fait la manuvre que vous avez dite, il aurait sauvé les bâtiments espagnols, pris les bâtiments anglais démâtés, et que le succès aurait été complet; que cette bête de Gravina, au contraire, n'est que génie et décision au combat. Si Villeneuve avait ces qualités, l'affaire aurait été la plus belle possible.
J'ai reçu les journaux anglais : ils disent comme nous, ils louent la manuvre faite par Villeneuve, qui a viré en gardant le vent. Ils font ensuite des fanfaronnades, et disent que Calder devait attaquer le lendemain. Il a encore renvoyé le Malta en Angleterre; ainsi il ne lui restait que 13 vaisseaux. Il s'est présenté devant le Ferrol, qu'il a bloqué. Les Anglais l'ont su par le Malta, parti de devant le Ferrol le 12 thermidor. Les Anglais croient Villeneuve à Cadix, ou même au Texel. Toutefois, Calder proteste que, si l'escadre combinée va au Ferrol, il l'attaquera et la détruira. Voilà où nous en sommes L'arrivée de Villeneuve à la Corogne fera tomber ces gasconnades et, aux yeux de l'Europe, nous donnera l'air de la victoire; cela est beaucoup. Faites sur-le-champ une relation, et envoyez-la aussitôt à M. Maret. Voici comme je la conçois. (ce texte n'a pas été retrouvé)
Camp de Boulogne, 11 août 1805
Au général Marmont
J'ai reçu votre courrier du 20 thermidor (8 août). J'ai lu avec intérêt les gazettes anglaises que vous m'avez envoyées. Il m'est très utile, dans ce moment, de les avoir le plus promptement possible. Vous avez dû recevoir l'ordre de l'armée sur le combat des escadres. Un courrier parti du Ferrol le 14 m'annonce l'entrée des flottes combinées dans ce port. Elles ont trouvé, en effet, l'amiral Calder qui a pris chasse devant elles, circonstance qui prouve que l'issue du combat a été tout en leur faveur. Les Anglais ne peuvent prétexter la crainte qu'ils auraient pu avoir de la sortie de l'escadre du Ferrol, car les vents étant Ouest grand frais, il eût été impossible à une chaloupe de sortir ; aussi nos escadres n'auraîent pu tirer aucun secours des 15 vaisseaux qui y étaient. Faites l'impossible pour attirer les Anglais sur vous. Faites des sorties, faites les derniers préparatifs de départ, levez l'ancre ; enfin, occupez au moins douze vaisseaux anglais. Je vous envoie la note des morts et des blessés au combat du 3. Lauriston me mande qu'on s'est battu de très loin, qu'on n'a eu aucune idée de la prise des deux vaisseaux espagnols, et que ce n'est que le lendemain qu'on s'est aperçu qu'ils manquaient. Ayant souffert beaucoup dans leur mâture, ils n'ont pas su se gouverner et, affalés sous le vent, ils ont dérivé la nuit et sont tombés dans la ligne anglaise.
(Picard)
Camp de Boulogne, 11 août 1805
A M. Taverna, président du corps législatif à Milan
Monsieur le Président Taverna, je reçois la lettre du ler août que vous m'écrivez au nom du Corps législatif. Les assurances de son attachement me sont d'autant plus agréables que sa conduite, pendant la session, m'a démontré qu'il ne marchait pas dans la même direction que moi, et qu'il avait d'autres projets et un autre but que ceux que je me proposais. Il est dans mes principes de me servir des lumières de tous les corps intermédiaires, soit conseil des Consulteurs, soit Conseil législatif, soit Corps législatif, soit même des différents collèges, toutes les fois qu'ils auront les mêmes intentions et qu'ils suivront la même direction que moi. Mais, toutes les fois qu'ils ne porteront dans leurs délibérations qu'un esprit de faction et de turbulence, ou des projets contraires à ceux que je puis avoir méditer pour le bonheur et la prospérité de mes peuples, leurs efforts seront impuissants, la honte leur en restera tout entière; et, malgré eux, je remplirai tous les desseins, je terminerai toutes les opérations que j'aurai jugés nécessaires à la marche de mon gouvernement, et au grand projet que j'ai conçu de reconstituer et d'illustrer le royaume d'Italie.
Ces principes, Monsieur le Président, je les transmettrai à mes descendants, et ils apprendront de moi qu'un prince ne doit jamais souffrir que l'esprit de cabale et de faction triomphe de son autorité, qu'un misérable esprit de légèreté et d'opposition déconsidère cette autorité première, fondement de l'ordre social, exécutrice du code civil et véritable source de tous les biens des peuples. Lorsque les corps intermédiaires seront animés d'un bon esprit, suivront le même but que moi, je serai empressé de prêter l'oreille à leurs observations, et de suivre leurs avis, soit dans la modification, soit dans la direction de ces vues.
En finissant, Monsieur, je ne veux vous laisser aucun doute sur la vérité de mes sentiments pour le plus grand nombre des membres du Corps législatif dont je connais le mérite et le foncier attachement pour ma personne; réunis en assemblée, ils n'ont point senti la légèreté qu'ils ont portée dans leurs opérations. Mais j'espère qu'appréciant mieux l'ordre et le bonheur des sociétés, ils sentiront davantage de rester constamment rangés autour du trône, de ne marquer dans l'opinion que par leurs propres témoignages de fidélité et d'obéissance, et de ne point ébranler l'attachement et l'amour des sujets par une opposition ouverte et inconsidérée.
La Tour d'Ordre, 12 août 1805
A M. Talleyrand
Vous communiquerez à M. de Cobenzl la lettre de M. Otto et vous la lui laisserez lire tout entière. Vous lui direz que vous ne pouvez que vous en référer aux notes que vous lui avez remises; qu'on ne peut plus aller plus loin; que j'attends sa réponse, sans quoi je fais entrer des troupes en Suisse, et je lève mes camps de l'Océan; que je ne puis plus m'accommoder des paroles; que je ne veux pas d'armée en Tyrol; qu'il faut que les troupes autrichiennes rentrent dans leurs garnisons; sans quoi je commence la guerre. Vous lui ferez voir également les deux lettres de Venise, de Trieste, et une du maréchal Jourdan que je vous envoie. Dites à M. de Cobenzl que, si l'on veut la guerre, ce qui se fait est bien et convenable; si on ne la veut pas, c'est un piège qu'on tend à l'empereur pour le porter à la commencer le plus tôt possible.
M. Taylor est hors des États de Hesse-Cassel; c'est tout ce que j'ai le droit de demander. Il s'est retiré chez un petit prince voisin; faites-le poursuivre là, et faites présenter par mon ministre des notes pour demander son éloignement, se fondant sur la déclaration de lord Hawkesbury et sur les complots du sieur Taylor. Faites connaître, par mon ministre à Hesse-Cassel, que j'ai appris avec grand plaisir la retraite du sieur Taylor de l'électorat; que j'espère qu'il n'y rentrera plus; que je ne puis reconnaître qu'une sorte de neutralité, mais une neutralité bonne et franche : or il n'y a de neutralité dans aucun pays du monde, lorsqu'un individu y trame des intrigues et des complots contre une puissance amie, y fabrique des armes, et s'y trouve autorisé par son gouvernement. Vous direz à M. de Lucchesini que le post-scriptum qu'il vous a communiqué m'a déplu; qu'il ne faut pas que le roi de Prusse et moi nous nous méprenions; que je suis disposé à faire tout ce qu'il désirera, mais que je ne sais point ce que c'est que des menaces, et qu'il y en a dans le post- scriptum; que j'ai des embarras avec la Russie, peut-être même avec l'Autriche, mais que ma position à l'égard de ces deux puissances n'autorise pas à penser que je puisse faire, même pour mon meilleur ami, une chose honteuse; que tout cela dégénère en ridicule; qu'il était bien plus simple de laisser chasser M. Taylor, comme l'a fait l'électeur de Hesse-Cassel, et de ne plus entendre parler d'une sottise comme celle-là. Dites au sieur Bignon que je suis content de sa conduite; qu'il faut qu'il reprenne son ton ordinaire; mais que si le sieur Taylor retourne à Cassel, il doit en partir sur-le-champ. Je vous envoie la note; j'y ai mis quelques mots de ma main.
Camp de Boulogne, 13 août 1805
A Joséphine
J'ai voulu savoir comment on se portait à la Martinique. Je n'ai pas souvent de vos nouvelles. Vous oubliez vos amis, ce n'est pas bien. Je ne savais pas que les eaux de Plombières eussent la vertu du fleuve Léthé.
Il me semble que c'est en buvant ces eaux de Plombières que vous disiez : "Ah ! Bonaparte, si je meurs, qui l'aimera ? " Il y a bien loin de là, n'est-ce pas ? Tout finit, la beauté, l'esprit, le sentiment, le soleil lui-même; mais ce qui n'aura jamais de terme, c'est le bien que je veux, le bonheur dont jouit et la bonté de ma Joséphine. Je ne serai pas plus tendre. Fi !, vous en faites des risées.
Adieu, mon amie, j'ai fait hier attaquer la croisière anglaise. Tout a été bien.
(Lettres à Joséphine)
Camp de Boulogne, 13 août 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 24 thermidor. J'ai fait attaquer la croisière anglaise. J'ai été très-satisfait de la flottille ; elle fait tout ce que je demandais. J'ai de bonnes nouvelles de mes escadres du Ferrol et de celle de Rochefort, qui a rempli sa mission. Par les nouvelles que je reçois d'Angleterre, il parait qu'elle a été vue sur les côtes d'Irlande, prenant tout ce qu'elle rencontrait et semant partout l'alarme.
Vous verrez dans le Moniteur des articles qui vous feront croire la guerre prochaine avec l'Autriche. Le fait est que cette puissance arme; je veux qu'elle désarme; si elle ne le fait pas, j'irai avec 200,000 hommes lui faire une bonne visite dont elle se souviendra longtemps. Cependant, si l'on vous consulte, et dans vos discours, dites que vous ne croyez pas à la guerre, par la raison que je me suis éveillé de bonne heure. Il faudrait en effet être bien fou pour me faire la guerre. Certes, il n'y a pas en Europe une plus belle armée que celle que j'ai aujourd'hui.
Pont-de-Briques, 13 août 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je reçois la lettre de M. de la Rochefoucauld; M. de Cobenzl aura probablement reçu de son côté la réponse à la grande note précédemment remise. Cette réponse est facile à deviner; elle contiendra sans doute des dénégations, des protestations, en un mot, des phrases dilatoires. Ce n'est pas là mon affaire. Mon parti est pris : je veux attaquer l'Autriche et être à Vienne avant le mois de novembre prochain, pour faire face aux Russes, s'ils se présentent; ou bien je veux, et c'est là le mot, qu'il n'y ait qu'un régiment autrichien dans le Tyrol et huit régiments dans la Styrie, la Carinthie, la Carniole, le Frioul et le Tyrol italien. Quand je dis huit régiments, j'entends parler d'infanterie seulement, car quelques régiments de cavalerie ne pourraient m'inspirer de défiance. Je veux que les travaux de fortifications qui se font à Venise cessent, parce que ce sont des ouvrages de campagne; je veux que les troupes de la Maison d'Autriche se rendent en Bohême ou en Hongrie, et qu'on me laisse faire tranquillement la guerre avec l'Angleterre.
L'explication qu'a eue M. de la Rochefoucauld et la première note ont commencé la question. La note que je vous ai envoyée a continué cette question; celle que je vous envoie doit la terminer. Vous savez qu'il est assez dans mes principes de suivre la marche que tiennent les poètes pour arriver au développement d'une action dramatique, car ce qui est brusque ne porte pas à vrai. Si la note que j'envoie eût d'abord été remise à l'Autriche, elle penserait que je veux la guerre, tandis que je ne la veux que dans une seule alternative. Je préfère à tout que l'Autriche se place réellement dans une situation pacifique.
Vous enverrez chercher M Philippe de Cobenzl; vous lui montrerez la lettre de M. Alquier, quoique cela puisse un peu compromettre M. de Kaunitz. (Kaunitz-Ritteberg, envoyé d'Autriche à la cour de Naples).
Vous lui montrerez ensuite la lettre de M. de la Rochefoucauld, puis celle de M. Otto, puis celles de Salzburg et de Ratisbonne;
enfin, vous rassemblerez avec affectation toutes les pièces que vous pouvez avoir et qui parlent du mouvement et du rassemblement des troupes autrichiennes, et vous les lui remettrez pour qu'il les copie. S'il fait quelque difficulté de le faire, passez une heure avec lui et faites en sorte qu'il lise tout, et, quand il aura tout lu, vous lui direz :
"Actuellement, Monsieur, vous venez de lire un grand nombre de lettres; je ne sais quelle peut être la véritable impression qu'elles ont faite sur vous; mais quelle impression pensez-vous qu'elles ont faite sur S. M. l'Empereur des Français, lorsqu'il les a lues à Boulogne, au milieu de son camp et tout occupé de ses opérations d'outre-mer ? Déjà il a suspendu l'exécution de ses projets d'hostilité, et il a compris qu'il ne pouvait se porter en Angleterre, avec 150,000 hommes, lorsque ses frontières du midi étaient menacées. Ainsi donc l'empereur d'Allemagne a déjà opéré une diversion en faveur des Anglais ! Eh bien ! vous aurez la guerre dans un mois oui, dans un mois, je vous le dis avec douleur. Il faut que tout en Autriche rentre dans l'ordre où l'on se trouvait il y a trois mois, ou vous aurez la guerre dans un mois. L'Empereur n'est pas assez insensé pour donner le temps aux Russes d'arriver à votre secours Vous direz peut-être que vous ne craignez pas la guerre : en ce cas je ne vois plus de remède pour la tranquillité du continent. De deux choses l'une : ou il fallait que l'Autriche s'alliât avec nous, ou elle devait ne nous donner aucune espèce d'ombrage. Si vous trouvez l'alliance impossible, pourquoi ne pas agir comme font d'autres puissances ? La France n'a trouvé en Prusse et en Bavière que prévenance et amitié ; à Vienne, elle ne rencontre que morgue et obstacles. Peut-être, après une guerre telle que la dernière, l'amitié est-elle difficile; mais, depuis deux ans, voilà la troisième levée de bouclier que vous faites, et vos conseils semblent plutôt dirigés par de jeunes officiers d'état-major qui s'avisent aujourd'hui de calculer ce qu'aurait jadis fallu faire. En vous parlant ainsi, je vous dis les propres sentiments de l'Empereur des Français, et vous aurez la guerre précisément dans l'endroit où vous n'avez pas de troupes, dans celui où elles ne sont pas rassemblées; vous serez obligé de les y faire accourir aussi rapidement que vous les avez portées dans les lieux qu'elles occupent en ce moment. Voici la note que je suis chargé vous remettre. L'Empereur conserve ce seul espoir, qu'on trompe votre cour, et que les partisans des Anglais, voyant qu'on ne peut décider autrement l'empereur d'Allemagne à la guerre, l'y entraînent malgré lui, parce qu'ils sentent bien que l'Empereur des Français est prêt à courir les hasards d'une grande expédition maritime, ne souffrira pas de rassemblements de troupes autrichiennes dans le Tyrol ni sur l'Adige. Si jamais homme eut envers sa patrie et envers son souverain une grande responsabilité, c'est vous : seul de votre pays, vous connaissez la France; seul de votre pays, vous savez que l'Empereur des Français veut la paix; vous savez que dans les départements du Rhin il n'y a pas un soldat; seul de votre pays, vous savez qu'on n'a pas fait l'appel d'un seul homme de la réserve et qu'on n'a complété les premiers bataillons de guerre des corps qu'aux dépens des 3e bataillons; seul, vous voyez Vienne à une distance convenable pour apercevoir sous son véritable point de vue les opérations et les apprécier dans tous leurs détails. Vous voyez enfin, sur votre gauche, toutes les troupes de terre de la France aux extrémités de la Bretagne et de la Picardie, s'instruisant aux opérations maritimes; et, en même temps, vous voyez, sur votre droite , un nombreux rassemblement de troupes dans le Tyrol, et, de votre propre aveu, 72,000 hommes dans l'État vénitien. Vous ne pouvez donc méconnaître quel est l'agresseur, ou de celui qui déclarera la guerre, ou de celui qui vient au secours de l'Angleterre en rassemblant ses troupes sur les frontières pour menacer la France. Si vous présentez ces vérités dans toute leur force à votre maître, et si véritablement il n'est qu'entraîné, il est impossible qu'il ne voie pas qu'on le conduit malgré lui à la guerre, et alors tout sera calmé. Si, au contraire, votre maître veut la guerre, eh bien ! vous aurez fait votre devoir; il n'y sera pas entraîné. Mais dites-lui qu'il ne fera pas les fêtes de Noël dans Vienne; non que vous n'ayez une armée nombreuse et formidable : mais un mouvement rapide à donner à 300,000 hommes peut partir d'une seule tête; un cabinet n'en fait exécuter que lentement de semblables; et quand la nation française verra que l'Autriche nous attaque par l'impulsion de l'Angleterre, l'Empereur des Français trouvera 600,000 hommes qui vaudront bien les 80,000 Hongrois qu'on fait parler dans les gazettes comme s'offrant à la cour de Vienne pour combattre la France. Dans quinze jours, au retour de mon courrier, il faut que l'Empereur des Français ait non-seulement toutes ses sûretés , mais qu'il voie que l'empereur d'Allemagne veut réellement vivre en paix avec la France; sinon, il lèvera tous ses camps, appellera son armée de réserve, et dès lors le continent sera en feu. Je ne mets pas dans une note ce que je vais vous dire, parce qu'il y a des choses dures qu'on est forcé de dire, en ce qu'elles importent à la tranquillité et au salut des États, et qu'on ne peut les écrire. Pendant toute la durée de la guerre entre la France et l'Angleterre, S.M. l'Empereur des Français entend qu'il n'y aura en Souabe, comme on l'avait promis, qu'un un régiment; dans le Tyrol un régiment; dans le Tyrol italien un régiment; dans l'État vénitien deux régiments d'infanterie; en Styrie, en Carinthie, en Carniole, les garnisons qui y étaient il y a trois mois. Sans cela, l'Empereur des Français ne peut être tranquille. Mais si l'on persiste à laisser huit régiments dans le Tyrol et 72,000 hommes dans l'État vénitien il est du devoir de tout prince d'opposer armée à armée, et il est impossible à l'Empereur des Français d'opposer armée à armée sans commencer les hostilités. Si la France était en paix avec l'Angleterre y eût-il 25,000 hommes dans le Tyrol, à peine s'en apercevrait-elle ou bien, sans faire semblant de s'en apercevoir, elle se contenterai d'envoyer 100,000 hommes en Alsace. Mais, encore une fois, l'Empereur Napoléon ne peut envoyer aujourd'hui 100,000 hommes, en Alsace qu'en faisant la guerre."
Vous enverrez en même temps copie de la note à M. de la Rochefoucauld, et vous joindrez le récit détaillé de la conversation que vous aurez eue avec M. Philippe de Cobenzl. Vous lui prescrirez de la montrer à M. Louis de Cobenzl, mais après beaucoup de réticences et en ayant l'air de se faire prier, sous prétexte que les explications qu'elle contient sont trop fortes de style pour être communiquées. Ce ne sont pas des paroles que je veux en retour : je veux qu'il n'y ait plus de troupes dans le Tyrol, puisque je n'en ai pas en Suisse; et je veux qu'il ne reste de troupes dans l'État vénitien que ce que j'ai indiqué, et que l'Autriche enfin se place dans une situation tout à fait pacifique. Vous ajouterez que je suis décidé à la guerre, si on ne me fait pas raison, parce que tout ceci suspend mes opérations. Vous enjoindrez à M. de la Rochefoucauld de presser beaucoup M. Louis de Cobenzl, et m'envoyer courrier sur courrier afin que nous soyons au courant de tout.
Vous ferez venir M. Maillardoz (envoyé extraordinaire de la Diète helvétique à Paris) ; vous lui direz qu'il paraît qu'on est sur le point de se brouiller avec l'Autriche; qu'elle a rassemblé un corps considérable dans le Tyrol; qu'il faut connaître ce que fera la Suisse; que l'Autriche y peut entrer; qu'il est convenable que landamman demande par un courrier extraordinaire à la cour de Vienne si la Suisse peut être sûre de sa neutralité, et quelle peut être la raison de ce rassemblement de troupes dans le Tyrol. Vous écrirez dans le même sens à M. Vial (Honoré, baron Vial, 1766-1813. Il a fait la campagne d'Égypte à la tête de la brigade Menou. Ministre plénipotentiaire de France près la République helvétique, il restera à ce poste jusqu'en 1808). Vous écrirez également à M. Otto qu'il faut que la Bavière se décide, et que je ne souffrirai pas qu'elle reste neutre. Vous écrirez dans le même sens à mes ministres près l'archichancelier de l'empire d'Allemagne et les électeurs de Bade et de Wurtemberg. Cela pleuvra vite à Vienne. Il faut que les déclarations de mes ministres aient lieu au moment où la cour de Vienne sera dans le cas de prendre un parti. Vous leur écrirez donc une circulaire ; elle parlera des inquiétudes que donnent les mouvements des troupes autrichiennes; que, quand des rassemblements de ces troupes ont lieu au moment où la France n'a pas de troupes sur le Rhin, ni dans son intérieur, ces rassemblements font voir que l'Autriche a un projet d'agression imminente; et que, dans cette situation, l'Empereur des Français vent connaître le parti que chacune des cours ci-dessus compte prendre; que la France, menacée du côté de l'Italie, ne peut guère arriver à temps pour prévenir l'ennemi; mais qu'elle fera passer le Rhin à ses troupes pour chercher l'ennemi au cur de ses propres États; que l'Empereur des Français est disposé à garantir l'intégrité des États qui se mettront avec lui. Après avoir communiqué cette lettre, mes ministres causeront, écouteront et s'attacheront à faire sentir que la France va se voir forcée de traverser l'Allemagne pour se garantir elle-même de ses ennemis, et que ce que ces diverses puissances ont de mieux à faire, c'est de se réunir à l'Empereur des Français, dont l'intention formelle est de ne rien conserver au delà du Rhin. Vous instruirez M. de la Rochefoucauld de tout ceci, afin qu'il le puisse avouer à M. Louis de Cobenzl, si celui-ci en parle, et vous lui direz qu'il ajoute que l'Empereur ne peut pas concevoir qu'on réunisse une grande armée dans un pays comme le Tyrol, qui est ingrat et difficile pour les troupes, et 72,000 hommes dans l'État vénitien, ainsi que l'a avoué l'ambassadeur autrichien, sans vouloir faire la guerre. Vous donnerez des instructions analogues à M. Bacher, afin qu'il cause avec les ministres étrangers qui sont à Ratisbonne et qu'il ne manque pas de faire sentir qu'on entraîne l'empereur d'Allemagne à la guerre. Enfin vous écrirez aussi à ce sujet, et dans cette nuance, à tous mes ministres en Europe, et que la France se voit forcée à la guerre par la réunion des troupes de l'empereur d'Allemagne dans le Tyrol et dans le pays vénitien; que cette conduite de la part de la cour de Vienne équivaut à une véritable déclaration de guerre. De votre côté, et dans votre parlage avec les membres du corps diplomatique à Paris, et surtout avec ceux des princes d'Allemagne, vous vous expliquerez de la même manière, afin que l'inquiétude générale du danger saisisse ce squelette de François II, que le mérite de ses ancêtres a placé sur le trône.
Camp de Boulogne, 13 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, expédiez
un courrier extraordinaire au Ferrol. Témoignez à l'amiral
Villeneuve mon mécontentement de ce qu'il perd un temps aussi
important; mandez-lui qu'Allemand , ayant paru sur les côtes
d'Irlande, a attiré un détachement de l'escadre anglaise sur
lui; que les 13 vaisseaux de l'amiral Calder ont été très
maltraités; que j'espère qu'aussitôt que les vents lui auront
permis de sortir, il l'aura fait, et qu'il manuvrera pour
faire sa jonction avec Allemand, soit à l'un, soit à l'autre
des points de rendez-vous. Avec 18 vaisseaux de guerre français,
et 12 ou au moins 10 vaisseaux de guerre espagnols, se
laissera-t-il bloquer par 13, et même par 20 vaisseaux anglais ?
Dans tout état de cause, mon intention est que, s'il a moins de
23 vaisseaux ennemis devant lui, ayant sous ses ordres 18
vaisseaux français et au moins 10 vaisseaux espagnols, il
attaque les Anglais; il ne serait d'ailleurs pas impossible
qu'Allemand, qui doit envoyer prendre des renseignements à Vigo
avant fin de thermidor, ne s'y fût rendu. Mon intention est
aussi que,
réunis, ils attaquent l'ennemi, s'il est inférieur à 29
vaisseaux ligne. Villeneuve verra dans mon calcul que je désire
qu'il attaque toutes les fois qu'il est supérieur en nombre, ne
comptant 2 vaisseaux espagnols que pour 1, et considérant la
différence de quelques vaisseaux à trois ponts qu'a l'ennemi de
plus que l'escadre française. Ayant été obligé, après le
combat, de renvoyer 2 vaisseaux en Angleterre, l'ennemi n'en
avait plus que 13. Avec les siens et les 15 vaisseaux espagnols,
Villeneuve devait le chasser de devant le Ferrol. Les Anglais
sont menacés partout. Ils ont des vaisseaux au Ferrol, ils en
ont à Carthagène, ils en ont au Texel, ils en ont aux Antilles
et, Nelson eût-il rejoint Calder, ils n'auraient pas plus de 20
vaisseaux de ligne. Je laisse l'amiral Villeneuve libre d'armer
la Guerrière et la Revanche avec les équipages de
l'Atlas; enfin, qu'on épargne au pavillon la honte
d'être bloqué au Ferrol par une escadre inférieure. Les
matelots sont braves, les capitaines animés, les garnisons
nombreuses; il ne faut pas se laisser périr d'inaction et de
découragement. Ordonnez qu'on se serve des piastres qu'on a pris
pour payer les équipages, et prenez l'engagement de les
rembourser ici exactement. Relativement aux troupes qui sont à
bord, qu'on fasse ce que voudra l'amiral. Il en peut débarquer
au Ferrol et n'en donner que ce qu'il trouve convenable sous le
point de vue du renfort que cela donne à l'escadre. Il faut tout
sacrifier à cette considération.
Camp de Boulogne, 13 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je vous renvoie votre courrier du Ferrol. Comme l'amiral Villeneuve ne dit jamais rien dans ses lettres, je vous envoie celles que je reçois de Lauriston. Renvoyez-les-moi par mon page, quand vous en aurez pris connaissance. Elles me confirment ce que j'avais appris par une lettre du général d'Houdetot, qu'on n'a point débarqué de troupes, que l'on n'a exécuté aucune de mes dispositions, et que mes îles de la Martinique et de la Guadeloupe ont été un moment très-compromises. Tout cela est l'effet de l'épouvante qu'a eue Villeneuve. Il savait bien que Nelson n'avait que 12 vaisseaux, et qu'il avait le temps de débarquer ses troupes. Mes ordres étaient positifs; il ne devait ramener personne. Il a ramené même la moitié des hommes de l'escadre de Magon; voilà pourquoi cette escadre a eu tant de malades et si peu d'eau. Tout cela me prouve que Villeneuve est un pauvre homme, qui voit double, et qui a plus de perception que de caractère. Je vois, au reste, avec plaisir qu'un bon esprit anime les escadres. De quoi se plaint Villeneuve de la part des Espagnols ? Ils se sont battus comme des lions. Ordonnez que les 300,000 francs de Cadix soient versés au Ferrol.
Camp de Boulogne, 13 août 1805
Au vice-amiral Villeneuve
Monsieur le Vice-Amiral Villeneuve, j'ai vu avec plaisir, par le combat du 3 thermidor, que plusieurs de mes vaisseaux se sont comportés avec la bravoure que je devais en attendre. Je vous sais gré de la belle manuvre que vous avez faite au commencement de l'action et qui a dérouté les projets de l'ennemi. J'aurais désiré que vous eussiez employé le plus grand nombre de vos frégates à secourir les vaisseaux espagnols qui, se trouvant les premiers engagés, devaient nécessairement en avoir le plus besoin. J'aurais également désiré que, le lendemain de l'affaire, vous n'eussiez pas donné le temps à l'ennemi de mettre en sûreté ses vaisseaux le Windsor-Castle et le Malta et les deux vaisseaux espagnols qui, étant dégréés, rendaient sa marche embarrassée et lourde. Cela eût donné à mes armes l'éclat d'une grande victoire. La lenteur de cette manuvre a laissé le temps aux Anglais de les envoyer dans leurs ports. Mais je suis fondé à penser que la victoire est restée à mes armes, puisque vous êtes entré à la Corogne. J'espère que cette dépêche ne vous y trouvera pas, que vous aurez repoussé la croisière, pour faire jonction avec le capitaine Allemand, balayer tout ce qui se trouvait devant vous, et venir dans la Manche, où nous vous attendons avec anxiété. Si vous ne l'avez pas fait, faites-le; marchez hardiment à l'ennemi. L'ordre de bataille qui me paraît le préférable, c'est d'entremêler les vaisseaux espagnols avec les vaisseaux français, et de mettre près de chaque vaisseau espagnol des frégates pour le secourir dans le combat, et utiliser ainsi le grand nombre de frégates que vous avez. Vous pouvez encore l'accroître au moyen de la Guerrière et de la Revanche, en y employant les équipages de l'Atlas, sans cependant que cela retarde vos opérations.
Vous avez, dans ce moment, sous votre commandement, 18 de mes vaisseaux, et 12 ou au moins 10 du roi d'Espagne. Mon intention est que , partout où l'ennemi se présentera devant vous avec moins de 24 vaisseaux, vous l'attaquiez.
Par le retour de la frégate le Président, et de plusieurs autres que je vous avais expédiées à la Martinique, j'ai appris qu'au lieu de débarquer des troupes dans mes deux îles de la Martinique et de la Guadeloupe, elles se trouvaient plus faibles qu'auparavant. Cependant Nelson n'avait que 9 vaisseaux. Les Anglais ne sont pas aussi nombreux que vous le pensez; ils sont partout tenus en haleine. Si vous paraissez ici trois jours, n'y paraîtriez-vous que vingt-quatre heures, votre mission sera remplie. Prévenez, par un courrier extraordinaire, l'amiral Ganteaume de votre départ. Enfin jamais, pour un plus grand but, une escadre aura couru quelques hasards, et jamais mes soldats de terre et de mer n'auront pu répandre leur sang pour un plus grand et un plus noble résultat. Pour le grand objet de favoriser une descente chez cette puissance qui, depuis six siècles, opprime la France, nous pourrions tous mourir sans regretter la vie. Tels sont les sentiments qui doivent vous animer, qui doivent animer tous mes soldats. L'Angleterre n'a pas aux Dunes plus de 4 vaisseaux de ligne, que nous harcelons tous les jours avec nos prames et nos flottilles.
Camp de Boulogne, 13 août 1805.
Au prince Eugène
Mon Cousin, je vous envoie un décret pour la démolition de la citadelle de Ferrare. Vous en ferez transporter l'artillerie, et tout ce qui pourra être utile, à Legnago et à Mantoue. Mon intention est que ce décret reste secret et qu'il ne soit connu que lorsqu'il y aura deux bastions à terre. Veillez à ce que cette démolition soit faite promptement, afin qu'en cas de guerre elle ne puisse servir à l'ennemi. Vous m'avez écrit une longue dépêche à laquelle je n'ai encore pu trouver le moment de répondre, au milieu des soins et des immenses occupations que j'ai ici.
Je vous envoie un rapport de Barbé-Marbois. Terminez cette affaire sans moi, si cela est possible; s'il faut que j'intervienne, expliquez-la-moi bien clairement, car je l'ai tout à fait perdue de vue. Mes escadres arrivées au Ferrol ont livré combat, elles ont eu l'avantage, puisqu'elles sont restées maîtresses de la mer et ont empli leur mission. Sans l'accident de deux vaisseaux espagnols, qui, après le combat, ont dérivé pendant la nuit et se sont laissé prendre, cette journée eût été une des plus belles de la marine française. J'ai fait attaquer ici la croisière anglaise par la flottille, qui a chassée trois lieues et demie au large dans le canal; il y avait cependant des vaisseaux de guerre.
L'Autriche fait des rassemblements; j'ai demandé qu'ils soient contremandés d'ici à quinze jours; sans quoi je ferai volte-face et je marcherai sur Vienne avec 200,000 hommes ; rien n'est beau comme mon armée ici.
Je vous ai grondé dans mes dernières lettres; mais vous sentez qu'il faut que, pour tout ce qui a besoin de ma décision, vous ne décidiez pas avant le départ du courrier. J'ai écrit au président du Corps législatif. Vous trouverez ci-joint copie de ma lettre, puisqu'elle vous a été envoyée cachetée et que vous n'en savez pas le contenu.
Camp de Boulogne, 13 août 1805
DECISIONS
M. Yarmouth, prisonnier anglais, demande la permission de vellil. passer six mois à I)aris. | Accordé la permisson de venir dans les environs de Paris |
Le général Chasseloup demande que l'entrepreneur des trvaux d'Alexandrie soit autorisé à continuer de tirer de la forêt de Lucedio les bois dont il aura besoin. | Renvoyé au minstre des finances pour en rendre compte. |
Le général Morand demande deux généraux de brigade et quatre adjudants commandants pour la 23e division militaire | Les généraux Colli, Casalta seront mis en réforme. |
Lettre du prince de Masserano, ambassadeur à Paris, au ministre des relations extérieures, par laquelle il se plaint des désordres causés à Livourne par les troupes corses. | Renvoyé au ministre de la guerre pour avoir un rapport sut tous ces évènements. |
Le munitionnaire général expose les inconvénients qui résulteraient pour l'approvisionnement de l'amée de l'interruption de la navigation des canaux de Douai à Saint-Omer et Calais. | Les travaux de curage sont ajournés. |
Le ministre de la guerre soumet à l'approbation de l'Empereur les marchés passés par les conseils d'administration des grenadiers et des chasseurs à pied d la garde pour les fournitures nécessaires au couchage des vélites. | Approuvé. |
(Picard)
Camp de Boulogne, 14 août 1805
Au général Lauriston
Monsieur le Général Lauriston, j'ai reçu vos deux lettres des 9 et 11 thermidor. J'espère que cette dépêche ne vous trouvera plus au Ferrol et que l'escadre aura déjà mis à la voile pour suivre sa destination. Je ne vois point pourquoi vous n'avez pas laissé le 67e et le 16e régiment à la Martinique et à la Guadeloupe; c'était cependant bien exprimé dans vos instructions. Ainsi, après une expédition aussi étendue, je n'ai pas même le plaisir de voir mes îles à l'abri de toute attaque; il n'y a pas à présent 3,000 hommes, et, après vendémiaire, il n'y en aura pas 2,500.
J'espère que Villeneuve ne se laissera pas bloquer par une escadre inférieure à la sienne. Il doit avoir actuellement 30 vaisseaux de guerre. Je pense qu'avec cette escadre il est dans le cas d'en attaquer une de 24 vaisseaux. Aidez et poussez l'amiral autant qu'il vous sera possible. Concertez-vous avec lui pour les troupes que vous avez à bord, et envoyez-m'en l'état de situation. Vous pouvez les laisser à bord; si l'amiral le juge convenable, vous pouvez les débarquer et en former une division au Ferrol.
Prenez des mesures pour former un dépôt des hommes que vous avez débarqués à Vigo, et pour que toutes les troupes qui arriveraient du Ferrol puissent s'y rendre et rejoindre après leurs corps.
Le capitaine Allemand s'est fait voir sur les côtes d'Irlande dans les premiers jours de thermidor. Il doit être depuis longtemps au rendez-vous. Il devait prendre des renseignements de l'escadre (s'il n'en avait pas eu connaissance) à Vigo, où un officier s'était rendu, dans la supposition que l'amiral Villeneuve n'eût pas paru au 20 thermidor. Nous sommes prêts partout. Une apparition de vingt-quatre heures suffirait.
Camp de Boulogne, 14 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, j'ai reçu votre lettre d'hier. Avec 30 vaisseaux, mes amiraux ne doivent pas en craindre 24 anglais, sans quoi il faudrait renoncer à avoir une marine. Quand il y aurait quelque événement où je devrais perdre un vaisseau, ce serait un événement auquel je devrais m'attendre. Je dois témoigner plus de confiance en mon armée navale; elle aurait droit de se plaindre que je l'avilis si j'en agissais autrement. Les journaux anglais du 8 août disent qu'un vaisseau portugais a vu l'escadre du capitaine Allemand sur le cap Finistère, le 4 thermidor, c'est-à-dire le lendemain du combat; ils disent également que l'amiral Calder a renvoyé 4 vaisseaux devant Rochefort, et n'a gardé que dix vaisseaux devant le Ferrol. Si l'amiral Villeneuve reste les 13, 14, 15 et 16 au Ferrol, je ne m'en plaindrai pas; mais s'il y reste un jour de plus, ayant le vent favorable, et seulement 24 vaisseaux anglais devant lui, c'est le dernier des hommes.
Selon les bruits de Londres, Nelson paraissait encore loin d'arriver. Si Villeneuve sort avec ses 30 vaisseaux, il est sûr de se joindre à Allemand. Nelson et Collingwood sont hors du champ de bataille; les escadres de Cochrane et des Indes également; 12 vaisseaux sont au Texel, 2 viennent de se placer vis-à-vis d'Helvoet-Sluys. Si Villeneuve ne sort pas , il expose l'escadre du capitaine Allemand; et la circonstance qu'il n'a pas trouvé Calder devant le Ferrol, et que l'escadre d'Allemand y avait été huit jours auparavant, me fait craindre que Calder n'ait donné chasse à cette escadre. Mais, véritablement, quelle occasion il manquerait ! Certainement l'escadre d'Allemand peut faire courir Calder un grand nombre de jours. Que de chances pour réussir, si j'avais là un homme !
Si Nelson a rejoint Calder, il est possible qu'il soit encore inférieur; mais, s'il parvenait à avoir 24-vaisseaux, il ne les aurait pas longtemps. Le besoin de ravitaillement et de réparation doit se faire sentir dans l'escadre de Nelson et dans celle de Calder, qui , ayant souffert un combat, sera encore obligé de s'affaiblir. Villeneuve est un de ces hommes qui ont plutôt besoin d'éperon que de bride. Les contre-amiraux que j'ai faits sont Émériau, Savary, etc., hommes qui ne peuvent me rendre de grands services; il me faudrait des hommes d'un mérite supérieur. Je ne sais pas ce que c'est que ce Cosmao, capitaine du Pluton. Ne sera-t-il donc pas possible de trouver dans la marine un homme entreprenant qui voie de sang-froid , et comme il faut voir, soit dans le combat, soit dans les différentes combinaisons des escadres ?
J'imagine que ma dépêche à l'amiral Villeneuve est partie par le courrier qui a passé ici ce matin. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit : je n'entends pas que 30 vaisseaux français soient bloqués au Ferrol par moins de 24 vaisseaux anglais; et, une fois Villeneuve réuni à Allemand, je n'entends pas que l'escadre combinée soit bloquée par moins de 29 vaisseaux anglais.
Je désire que vous écriviez au vice-amiral Rosily, à Paris , de vous envoyer un mémoire très-détaillé sur toute la côte d'Afrique; mon intention est d'employer à une expédition sur les côtes le Régulus, la Cybèle, une des frégates qui pourront nous revenir d'Amérique, et 2 ou 3 bricks. Je voudrais non-seulement prendre tous les bâtiments anglais et ravager leurs rades, mais mettre à terre , sur un point quelconque, un millier d'hommes destinés à s'emparer d'un de leurs établissements, et à s'y maintenir s'ils le pouvaient. Mon but, s'ils pouvaient s'y maintenir, serait d'engager les Anglais à y envoyer une expédition d'Europe pour le reprendre, si tant il est vrai que le peu d'énergie de mes amiraux laisse échapper les chances que m'offre la fortune et annule la campagne actuelle. Mon intention serait de donner le commandement de cette petite expédition, tant de mer que de terre, à Jérôme, en lui attachant un bon officier de mer et un très-bon officier de terre. Il paraît que cette expédition devrait partir d'ici à un mois; il n'y a donc pas un moment à perdre.
Je désirerais également que les frégates de la Méditerranée, avec le Borée et l'Annibal, pussent se rendre à Gênes, y prendre le Génois, et aller enlever le bâtiment de guerre que les Anglais tiennent devant Naples. Je désire avoir 3 vaisseaux et 3 frégates, pour être certain que les vaisseaux et frégates, qui partent souvent de Malte, ne donnent pas la supériorité aux Anglais. Je pense que vous devriez envoyer à Naples un officier de marine intelligent et discret, sous prétexte d'acheter des bois, etc., qui s'assurerait de la position exacte qu'occupe le vaisseau anglais, examinerait bien quel moyen il aurait de se sauver, et ce qu'il faudrait faire pour l'attaquer.
Camp de Boulogne, 14 août 1805
A M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures
Je ne puis regarder que comme une mauvaise plaisanterie que vous me proposiez M. Lespérut pour mon ministre à Lucques. Je veux un homme de poids, investi de toute ma confiance, et je n'ai pas besoin d'un hommedu prince. Présentez-moi donc une personne que je puisse choisir.
(Lecestre)
Camp de Boulogne, 15 août 1805
DÉCISION
Le ministre des cultes rend compte à l'Empereur des dégoûts que les administrateurs de l'hospice de Turin font éprouver aux surs de charité de Nevers, chargées du soin des malades. | Renvoyé au ministre de l'intérieur, pour écrire au préfet de Turin pour que ces surs soient favorisées, soient bien traitées, et deviennent l'objet d'une protection spéciale. |
Camp de Boulogne, 15 août 1805
A M. Gaudin
Mon intention est que les actionnaires du Mont-de-piété soient remboursés. Il faut pour cela deux millions. Je désire que la caisse d'amortissement prête ces deux millions à la commune de Paris, qui les lui rendra sur la vente des maisons des hôpitaux, jusqu'à concurrence de ladite somme, et même sur les autres revenus de la ville de Paris. La commune payera les intérêts à six pour cent à la caisse d'amortissement. Terminez promptement cette affaire, afin que la ville de Paris rentre enfin dans la possession du Mont-de-Piété. Voyez aussi le préfet pour qu'il accélère la vente des maisons.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
A M. Gaudin
J'ai signé un décret pour l'établissement d'une estafette d'ici à Milan. On commence par la faire partir quatre fois par semaine, et cette dépense est évaluée à 400,000 francs; mais les calculs de M. Lavallette sont trop chers. Comme cette dépense sera supportée par la poste, il doit faire des calculs plus économiques. Des courriers qui sont assurés d'un service régulier doivent être moins payés que ceux qui sont expédiés par hasard. Je n'entends pas, d'ailleurs, que l'estafette d'Italie voyage avec deux chevaux et un postillon; elle va avec un seul cheval, qui sera repris de poste en poste par le courrier qui reviendra de Milan. C'est à M. Lavallette à négocier avec les maîtres de poste pour l'avantage qu'il leur fera. Quel qu'il puisse être, on y gagnera toujours plus de cinquante pour cent, et la dépense totale se trouvera être au-dessous de 200,000 francs. Je désirerais que ces courriers fussent des gens intelligents et capables de répondre aux questions qu'on leur ferait au moment de leur arrivée. On leur demanderait dans quelle ville se trouve le vice-roi ? Comment se porte-t-il ? Dans quelle ville est le commandant en chef de l'armée ? Avez-vous rencontré en route des troupes ? Dans quelle situation est le passage du mont Cenis ? Dans quelle situation sont les routes, soit en France, soit au delà des Alpes ? sont-elles sûres ? Avez-vous appris, dans l'un ou l'autre pays, quelque chose qui ait fixé votre attention ? Cet usage rendra les courriers plus observateurs, et sur cent fois où ces questions seront inutiles, il y en aura une où les réponses auront quelque utilité.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
A M. Fouché
La situation de Marseille doit fixer votre attention; il est temps de prendre un parti. Témoignez mon mécontentement au préfet et au commissaire de police. Se tromperaient-ils donc d'époque ? Croiraient-ils être encore au temps des réactions? Qu'immédiatement après votre ordre dix des personnes qui ont figuré dans les événements du théâtre ou du palais, ou dans les propos qui tendraient à réveiller l'esprit de faction, soient arrêtées. Tous les rapports où il est question de Marseille ne nomment personne, et il faut précisément prescrire une marche inverse. Il y a là une faiblesse de police et de gouvernement qui pourrait être dangereuse. Qu'on fasse sentir que j'y ai l'il; que, sous aucun prétexte, je ne veux de réaction d'aucun parti, et que je saurai mettre à la raison celui qui se comporterait différemment. Je suis aussi assez mécontent du préfet de Bordeaux, mais seulement sous le point de vue de la conscription; son département est le plus arriéré de tous.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
A M. Fouché
Il ne faut point relâcher l'adjudant commandant Lenormand, mais le mettre dans une citadelle, comme le fort de Joux ou autre. Cet homme est très-coupable; c'est lui qui, avec la belle-mère de Moreau, l'ont perdu; ses intrigues et ses papiers le prouvent. Il est temps d'en finir.
Vous pouvez envoyer au prince de la Paix un plan de police, si vous en avez un bon. Pour ma part, si j'avais un plan comme celui-là à faire, je serais très-embarrassé, car je ne sais trop ce que cela veut dire, et j'ai vu rarement que tous ces plans qu'on demande soient utiles à quelque chose.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, répondez au général Saint-Cyr que, dans tout ce qui compose son commandement, il ne doit souffrir aucune trace d'organisation de milices, ne les reconnaissant sous aucun rapport; et que, dans le cas où quelqu'un viendrait les inspecter, il doit les dissiper par la force et faire passer à une commission militaire ceux qui viendraient ainsi troubler l'ordre de l'armée. Par ce moyen, la moitié de la force des milices du roi de Naples se trouvera paralysée.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
Au vice-amiral Decrès
Je viens d'ouvrir votre courrier de Paris. Il paraît que le 19 il y avait 3 vaisseaux devant Rochefort. Par les journaux anglais, du 8 août, il paraîtrait que ce sont 3 vaisseaux de Calder. Ainsi Villeneuve a été bloqué, du 14 au 19 thermidor, par 10 vaisseaux de guerre; il en a 30; il sait que Allemand doit être là, et il l'expose seul à des forces supérieures. Il est dans l'ordre des choses possibles qu'avec une escadre de 5 vaisseaux d'un côté, et de 30 de l'autre, mes opérations soient déconcertées et mes escadres battues par 10 vaisseaux anglais. Il est constant que le 12, et même le 15, Allemand était au cap Finistère; il est constant que le 19 Nelson était sur le cap Saint-Vincent, et il est constant que, le 4 thermidor, un aviso est parti de l'escadre de Calder pour appeler Nelson. Il est possible qu'Allemand n'ait pas joint. Aurai-je donc 30 vaisseaux bloqués par 24 ? car, en supposant Nelson arrivé, l'escadre ne sera que de 24 vaisseaux devant le Ferrol.
Il est impossible d'avoir manuvré plus mal que Villeneuve ne l'a fait; il est cause des maladies de l'Algésiras et de l'Achille, et de la disette d'eau qu'ils ont éprouvée, par le nombre d'hommes qu'il a gardés. Il a affaibli mes colonies autant que possible, et enfin, avec 30 vaisseaux, il n'a pas le sens de marcher au secours de 5 qu'il sait être dans ces parages, de balayer l'escadre anglaise; et, malgré les chances inconcevables d'une navigation de cinquante-cinq jours et l'heureuse manuvre de Nelson, qui revient en trente jours, Nelson se trouve hors de combat ainsi que Collingwood.
Ce que je trouve d'extraordinaire dans ceci, c'est que le lieu de rendez-vous d'Allemand, du 46° 55' et 9° 30', est justement le degré où s'est donnée la bataille. Allemand était le 15 au rendez-vous; s'il a eu le malheur de ne rien apprendre, il se rendra le 25 à Vigo, d'où probablement il se rendra au Ferrol, si toutefois Villeneuve ne se laisse pas bloquer par une escadre moitié de la sienne. Il me semble qu'il était tout simple que Villeneuve fût croiser avec ses vaisseaux devant le Ferrol. Il valait bien la peine de faire quelques mouvements pour sauver une escadre si importante. En se tenant ainsi, et lui expédiant 2 frégates, il en eût été joint en peu de jours.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
Au recteur de l'université de Bologne
Monsieur le Recteur, j'ai reçu la lettre que m'ont écrite les professeurs de l'université de Bologne. J'apprécie les sentiments qu'ils m'expriment. Je connais tout l'attachement que me porte ma bonne ville de Bologne. J'espère qu'à mon prochain voyage en Italie je trouverai son université aussi bien organisée et ses différentes bibliothèques et cabinets aussi riches qu'à Pavie. Mon intention est que mon ministre de l'intérieur n'oublie rien pour faire reprendre à l'université de Bologne le rang qu'elle doit occuper parmi les sociétés littéraires et les collèges d'instruction publique.
Donnez une bonne direction à l'instruction de la jeunesse; recommandez-lui le respect pour la religion et les lois; écartez tout ce qui pourrait donner de fausses idées du vrai et tout ce qui pourrait faire errer de jeunes têtes. La modération est la première loi de notre machine physique et morale.
Camp de Boulogne, 15 août 1805
A M. Lebrun, architrésorier de l'Empire, à Paris
Mon Cousin, je suis instruit qu'on vexe les habitants de Gênes pour les logements. Il est convenable que des officiers logent dans les maisons garnies et qu'on s'arrange de manière que les propriétaire des maisons n'éprouvent aucune vexation.
(Brotonne)
Camp de Boulogne, 4 août 1805
A M. de Champagny, ministre de l'intérieur, à Paris
Monsieur de Champagny, je ne pense pas qu'il faille tirer aucun cheval d'Angleterre. Achetez des étalons partout ailleurs. Des vétérinaires ont élevé la question de savoir s'il fallait des étalons anglais; ce n'est pas sous le point de vue de l'art que je m'en occupe, mais par l'inconvénient d'avoir des rapports avec l'Angleterre. Il faudrait avoir des agents. Des hommes qui se connaissent en chevaux peuvent n'être pas sûrs et ces communications sont inconvenates et dangereuses. Si vous pensez que des étalons anglais soient utiles, attendez la paix. Mais en attendant, faîtes-en venir des autres pays.
(Brotonne)