16 - 31 Avril - 1805
Lyon,
16 avril 1805
A M. Marescalchi
Il
faut empêcher le bavardage du baron de Moll. Faites-lui dire verbalement qu'il
ne peut en avoir ici (de passeports - voir ci-dessous);
ce n'est pas vous, mais la police qui peut les lui délivrer; qu'ayant été
instruit de sa conduite à Milan, des bruits ridicules, alarmants, faux . . . .
. . ; que, si la guerre avait lieu, ce sera plutôt aux Autrichiens à avoir peur
qu'à vous; que je désire donc qu'il s'en aille le plus tôt possible et ne
revienne plus à Milan, mon intention n'étant pas de l'y savoir. Moquez-vous de
ces vains bruits : en parlant de ce qui arriverait par la guerre, dites que ce
qu'il y a de plus clair, c'est que Venise serait réunie à l'Italie.
Lyon,
16 avril 1805
A M.
Talleyrand
Un
baron de Moll, espèce d'agent secret de l'Autriche à Milan, commissaire pour la
suite de l'affaire, de la falsification des billets de la banque de Vienne, a
répandu beaucoup de mauvais propos et a demandé ses passe-ports
à la chancellerie de Milan; on les lui a refusés, et on l'a renvoyé à la
police, qui peut seule les lui donner. Écrivez-en à M. de la Rochefoucauld par
un courrier extraordinaire, et dites-lui de porter plainte sur la conduite de
ce commissaire et de presser pour qu'on donne des explications. Il peut même
parler haut et faire comprendre que, si la cour de Vienne reste incertaine sur
ces événements et veut nous laisser croire qu'elle veut la guerre, soit par
l'absence de son ambassadeur près de moi, soit par les propos et les
confidences du baron de Moll aux membres de la Consulte, il faudra bien que je
ne donne pas le temps aux troupes autrichiennes de se réunir aux Russes et de
marcher. Il dira à M. de Cobenzl qu'il est essentiel pour son cabinet de se
prononcer et de faire disparaître tous les doutes; que, quant à moi, je ne veux
pas la guerre, mais que j'aime mieux la faire plus tôt que plus tard; qu'il
doit donc s'expliquer. M. de la Rochefoucauld ne passera aucune note, ne
tiendra d'abord aucun discours, mais se bornera à dire que l'échange journalier
des courriers avec Pétersbourg et l'absence de M. Philippe de Cobenzl, qui s'en
va en Hollande, en font trop entendre. Il attendra deux jours, après lesquels
il demandera une conférence, dira qu'il a ordre de renvoyer son courrier, qu'il
veut savoir ce qu'il doit répondre, et que le canal de l'ambassadeur est un
moyen fort long, puisqu'il est en Hollande.
Lyon,
16 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Vous
ne m'avez pas assez instruit de la manière dont était organisé votre ministère.
Mes ordres en éprouvent un très-grand retard. Donnez
ordre au général commandant la 8e division militaire de faire partir les deux
bataillons du 8e léger pour Gênes, les deux bataillons du 67e pour Nice. Un de
ces bataillons fournira deux compagnies complétées à 60 hommes chaque, qui se
rendront aux îles d'Hyères. Une compagnie du même bataillon, de 60 hommes,
tiendra garnison à l'île Sainte-Marguerite. Le 3e
bataillon du 16e de ligne tiendra garnison au fort Lamalgue.
Tout le 2e de ligne sera réuni pour le service de Toulon. La légion hanovrienne
à pied sera toute réunie à Aix; des détachements seront envoyés à Saint-Maxi min, Brignoles, et dans toutes les villes de
l'intérieur où il y aurait besoin de police. Le général commandant la division
peut disposer de deux escadrons du 24e de chasseurs, qui doit être arrivé à
Avignon, pour faire des patrouilles sur les côtes. Je ne pense pas cependant
que cela soit nécessaire, vu que le départ de l'escadre de Toulon nécessitera
le départ de l'escadre anglaise. Je n'ai point besoin de troupes dans
Marseille.
Les
garde-côtes, si véritablement les compagnies sont aussi nombreuses qu'elles
sont portées dans les revues et sur les états de la trésorerie, doivent
garantir la côte de toute insulte. Je vous ai déjà donné l'ordre de faire
passer le 9e de ligne, qui est à Sion, à Côme, dans le Milanais, où on en
disposera selon les circonstances.
Lyon,
16 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Je ne
veux entendre à aucune espèce d'échange; gardez vos prisonniers et laissez en Angleterre
ceux que nous y avons; dans ces circonstances surtout, cela est fort inutile.
Il
doit y avoir au Havre le bataillon du 31e léger peur
le service de la place et de l'arsenal. Comment est-il possible que des
chaloupes canonnières et des bateaux canonniers soient encore à Granville ? J'avais
ordonné que tout ce qui était au delà de Granville fût désarmé. Je désire que
vous les pressiez. Il y a encore des temps brumeux et des vents favorables pour
partir de Granville, Cherbourg et le Havre.
Lyon,
16 avril 1805
A M.
Fouché
J'ai
reçu votre rapport sur la contrebande, du 21 germinal. J'attache à cet objet la
plus grande importance. Je vois que vous n'avez ordonné l'arrestation que des
trois ou quatre principaux coupables. Faites arrêter tous les prévenus, et
faites mettre le séquestre sur leurs biens et des inscriptions sur leurs
maisons. Je me fais faire un rapport sur la manière dont cette affaire doit
être traitée.
Faites
lancer un mandat d'arrêt contre le chef de bureau que vous êtes autorisé à
croire l'auteur d'un agiotage sur la conscription. Faites-le conduire à Paris
pour y être interrogé. Je fais donner l'ordre à M. d'Herbouville
de se rendre à son poste dans les vingt-quatre heures.
J'ai
reçu la note des papiers du général Moreau. Une partie est déposée à mon
cabinet topographique; l'autre partie, qui est restée entre vos mains, doit y
être également déposée.
Chambéry,
17 avril 1805
A M.
Champagny
Monsieur
Champagny, Ministre de l'intérieur, il y a cinq couvents à la disposition de la
guerre. Je désirerais savoir si on pourrait les vendre, et, en les vendant, ce
qu'ils pourraient produire. Les sommes qui en proviendraient, mon intention
serait de les employer à achever la caserne que l'on a commencée et qui peut
contenir 3,000 hommes. Mon dessein n'était point qu'elle fût conduite à
Chambéry, mais au pied du mont Cenis : ce n'est qu'aujourd'hui que je
m'aperçois que mon intention n'a pas été suivie. Mais, comme le tiers en est
déjà fait, je désire l'achever sans toucher aux sommes que je destine à en
construire une au pied du mont Cenis. Il faut aussi examiner ce qu'il y a à
dépenser pour remettre en état l'ancien château des ducs de Savoie et y établir
la préfecture.
Chambéry,
11 avril 1805
A M.
Champagny
Monsieur
Champagny, je viens de voir que plusieurs écoles secondaires donnent des
drapeaux à leurs jeunes gens et des épaulettes de colonel et de capitaine :
cela est indécent. Faites connaître aux préfets que les commandants des
compagnies doivent porter des galons de sergent, et le commandant en chef, de
sergent-major. Ils ne doivent point avoir de drapeaux; ce n'est pas à des
enfants, qui n'ont aucun moyen de les défendre, qu'on doit
les confier.
Il
faut charger le conseiller d'État dirigeant l'instruction publique de prendre
des renseignements sur les sacrifices que les villes font pour les écoles
secondaires, et m'en faire un rapport. Je n'ai jamais entendu autoriser toutes
les villes à faire des dépenses pour les écoles secondaires, et les sacrifices
qu'elles doivent faire sont bornés à l'entretien des bâtiments. Mais, pour
prendre une décision sur cet objet, il faut connaître la situation générale des
choses. Mon idée n'a jamais été que les écoles secondaires puissent rivaliser
avec les lycées, et, si chaque département a une ou deux écoles secondaires qui
contiennent 2 ou 300 pensionnaires payant 600 francs, nous n'aurons pas
l'espoir d'avoir un nombre suffisant de pensionnaires pour les lycées, de
manière à diminuer le nombre de pensionnaires que nous y entretenons. Au reste,
je désire simplement avoir le tableau de toutes les écoles secondaires de
l'Empire, avec le nombre de pensionnaires et le taux des pensions de chacune;
ce n'est qu'après cela que je pourrai prendre une détermination positive sur
cet objet.
Chambéry,
17 avril 1805
A M. Fouché
Le
Bulletin de l'Europe est animé d'un mauvais esprit. Je suis étonné cependant
de voir là Esménard. Faites-leur dire, pour leur bien, que les temps de la
Quotidienne sont passés. Ils n'osent se livrer à leur mauvais génie; on
voit qu'ils sont contenus; mais le bout de l'oreille perce. Par exemple,
n'ont-ils rien de mieux à dire, en parlant des adresses, sur le bureau
topographique ? J'entends que les journaux servent le Gouvernement et non
contre. Esménard est homme de mérite, mais Michaud est toujours un mauvais
sujet.
Modane,
18 avril 1805
A M. Barbé-Marbois
Les
Suisses ne touchent point leurs pensions; je n'en vois pas la raison. Plusieurs
pensions de Suisses du 18e régiment, qui ont fait toute la guerre avec nous,
qui ont leurs brevets en règle, ne sont pas payées. Cette
partie devient très-urgente. Faites rechercher à la
guerre toutes les pièces, et m'en faites un rapport, afin que je fasse payer
aux Suisses qui ont leurs brevets en règle leurs pensions.
Modane,
11 avril 1805
A M.
Cambacérès
Je
suis à Modane, dans un très-petit village. Je passerai demain le mont Cenis. Nous
sommes tous très-bien portants. J'ai été fort content
du département du Mont-Blanc et de Chambéry.
Modane,
18 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Je
vous avais ordonné de faire construire une caserne à Lans-le-
Bourg; cependant je vois que rien n'a été commencé. Il y a plus de trois ans
que j'ai donné cet ordre.
Instruisez-moi
du nombre de fusils qu'il y a en Piémont, et envoyez à Briançon et à
Fenestrelle savoir ce qu'il y en a. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir
l'importance que, dans les circonstances actuelles, on doit porter à avoir des
fusils en deçà des monts. Il en faudrait à Fenestrelle an moins 20,000; autant
à Alexandrie et à Turin. Faites-moi un rapport sur cet objet. Je désire qu'on
les fasse venir, sans décaisser ceux de Grenoble et du fort Barraux.
J'ai vu 10,000 fusils bien rangés. Faites demander à Grenoble et Saint- Étienne
les fusils non déballés. Mais ne point marcher au hasard; prendre des mesures
précises, et savoir les fusils qu'il y a à Fenestrelle et autres places du
Piémont. Envoyez à Gavi, où je désirerais avoir
10,000 fusils.
J'imagine
que vous avez donné ordre que le 14e n'allât pas à Livourne; quand je vous ai
donné l'ordre de l'envoyer à Alexandrie, il était parti de Gênes.
Modane,
18 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Quatre
compagnies de canonniers sédentaires à l'île d'Elbe sont trop. Ordonnez de les
réduire à deux, et chacune à 120 hommes. Envoyez un de vos officiers
intelligents, qui ira visiter l'île d'Elbe, verra Porto-Longone
et Porto-Ferrajo, et prendra des renseignements sur
tout, tant sur les magasins, fortifications, que sur la situation des troupes. J'imagine
que Rusca les fait souvent manœuvrer. Vous écrirez à ce général pour lui
recommander de les faire manœuvrer fréquemment. Cet officier continuera sa
route pour la Corse. Il portera votre ordre au général Morand pour faire passer
les cinq bataillons de chasseurs corses à Livourne. Ils formeront une légion
composée de cinq bataillons; chaque bataillon de cinq compagnies; chaque
compagnie de 120 hommes, sous-officiers, tambours, soldats, tout compris. Elle
sera commandée par Degiovanni, adjudant commandant;
elle aura un major, un quartier-maître, un adjudant- major, que le . . . . .. Degiovanni vous présentera. Il sera bon de prendre des
officiers du Golo et du Liamone, hormis le quartier-maître. Il sera bon de
prendre un homme probe et exercé à la comptabilité. Mon intention est de former
cette légion à Livourne et de s'en servir pour garder Livourne. On donnera à
cette légion les mêmes habits qu'au Royal-Corse,
hormis qu'on leur donnera de nouveaux habits, et, hormis le chapeau, un shako. Toute
la légion, au moment que les bataillons seront arrivés à Livourne, sera traitée
comme les autres troupes françaises, tant pour les armes que pour . . . . . . .
. . . .Vous donnerez ordre à Degiovanni,
à Gênes, de se rendre en Corse. Il ne laissera partir les capitaines avec leurs
compagnies qu'en embarquant au moins 100 à 120 hommes. Vous ferez sentir à Degiovanni que cette mission est de confiance. Il aura fixé
mon attention si, d'ici à trois mois, j'ai une légion à Livourne organisée et
suffisamment instruite. En recevant votre ordre, Morand fera partir le
bataillon pour Livourne; officiers et soldats seront conservés, pourvu qu'ils
arrivent au moins au nombre de 100 hommes par compagnie. Je pense que, si les
officiers et sous-officiers ont la sûreté d'être conservés, on leur fera
quitter la Corse. Mon projet est de m'en servir pour occuper Livourne et Gênes.
Donnez
ordre à Rusca que tout ce qui est du 20e se rende à Livourne, et à Morand que
tout ce qui est détaché ou isolé du 23e léger s'y rende aussi. Faites aussi
sentir au général Morand que je suis mécontent de ne pas voir arriver la
conscription. Ces bataillons une fois partis, s'il est convenable d'en former
d'autres pour la garde de l'île, autorisation. . . ' mais
il me semble qu'avec la gendarmerie, les canonniers sédentaires, les deux
bataillons suisses et les deux bataillons du 20e, on a le monde suffisant. Le
Corse est bon soldat; il faut que Morand s'en procure le plus possible, et
n'épargne rien pour cela. Je ne rendrai le décret pour la formation de ce corps
que quand j'en verrai une partie à Livourne et que votre officier dira que Morand
n'y voit aucune difficulté.
Recommandez
à Morand de profiter des bâtiments qui passent en Corse pour faire arriver des
matelots pour la marine.
Stupinigi, 20 avril 1805
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Le
chemin de Lyon à Chambéry est bon; d'ailleurs, les charrois d'artillerie et le
gros bagage pourraient venir par Grenoble; et de Grenoble à Chambéry il n'y a
aucune montée. On peut aussi arriver par Genève; et tout ce qui viendrait
d'Auxonne et de Besançon arriverait par Genève, et le chemin de Genève à
Chambéry est bon. Il ne paraît donc pas convenable de commencer à dépenser
200,000 francs pour améliorer le premier chemin; mais, ce qui me parait très-urgent, c'est d'améliorer la communication de Chambéry
au Mont Cenis; elle est dans un état barbare; il y a beaucoup de passages
dangereux la nuit, et ces mauvais passages ne sont pas nécessités par le
terrain. Tout chemin le long de l'Isère ou de l'Arc qui aurait pour but
d'éviter une montée serait d'une pressante utilité. Je pense que M. Champagny
doit ordonner que, dès cette année, on tâche d'éviter la hauteur de Montmélian,
et que successivement on évitât les montées, autant que cela serait possible.
Stupinigi, 20 avril 1805
Au
maréchal Jourdan
Je
suis arrivé à Turin. Je me rendrai à Milan lorsque j'aurai fait manœuvrer
pendant quelques jours le camp d'Alexandrie. Je désire que vous envoyiez un
aide de camp ayant le rang de capitaine, ou au plus de chef de bataillon,
intelligent et sage, qui se rendra près du commandant des troupes autrichiennes
dans le pays vénitien. Il sera porteur d'une lettre de vous où vous lui direz
que, Sa Majesté l'Empereur étant à Turin et voulant voir les troupes de suite,
sans parcourir les différentes garnisons, les troupes se sont réunies en
plusieurs camps, ce qui donne lieu à quelques mouvements de troupes; que vous
avez cru devoir l'en prévenir pour éviter toute interprétation, et que,
présentement, Sa Majesté doit déjà passer la revue d'Alexandrie, et que tout
rentrera dans l'ordre ordinaire le lendemain de cette revue que l'Empereur aura
passée de chaque camp. Il doit voir dans cette prévenance de votre part un
désir de saisir ............. S'il observe à l'officier que vous faites marcher
du canon, l'officier dira qu'il y a dans chaque camp une vingtaine de pièces de
canon pour les saluts. Si les Autrichiens, en conséquence de cela, ne font
aucun mouvement, dire que cela aura le double ........ d'empêcher
le camp de dissoudre. Il regardera bien ce qu'ils font, ce qu'ils disent; mais portez vos soins à choisir un homme qui ait beaucoup
d'oreille et peu de langue.
Stupinigi, 20 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Je
reçois votre dépêche du 25 germinal. Vous verrez, par la lettre dont je vous
envoie copie, que l'amiral Nelson a encore une fois pris le change sur notre
escadre, et, probablement, fera un second voyage en Egypte. Des lettres du 15,
de Cadix, m'assurent qu'il n'y a devant ce port que 5 vaisseaux; je commence
donc à n'avoir presque plus d'inquiétude pour l'escadre de Toulon. Après y
avoir bien pensé, je préfère que Villeneuve vienne devant le Ferrol, où il
trouvera 15 vaisseaux; et même, s'il m'est possible, je ferai entrer au Ferrol
les 5 de Missiessy. Vous verrez aussi que je ne
prescris point au général Villeneuve de revenir sur-le-champ, mais d'attendre
trente-cinq jours, afin que mon escadre de Brest ait encore le temps de le
joindre; par Dieu ! pressez-la donc.
Si
vous n'aviez pas jugé à propos d'expédier l'amiral Magon, et que vous ayez cru
devoir attendre une nouvelle lettre de moi, faites partir un brick avec des
lettres que vous ferez mettre, à Paris, dans une boîte de plomb, que vous ferez
porter par un officier intelligent. Sans rien changer aux dispositions
primitives, vous préviendrez le général Villeneuve que l'amiral Ganteaume était
prêt à partir, mais n'avait pas encore pu sortir; que vous espérez qu'il
partira sous dix jours; qu'il doit donc attendre quelques jours de plus à la
Martinique; que, de plus, l'escadre de Rochefort va partir, ainsi que les
frégates la Cybèle et la Didon; que ces deux frégates partiront à
dix jours l'une de l'autre; qu'il doit donc attendre l'arrivée de l'une ou
l'autre de ces divisions pour son retour, sauf cependant les circonstances
majeures.
Stupinigi, 20 avril 1805
Au
général Pino, ministre de la guerre du royaume
d'Italie
Vous
avez envoyé des agents dans le pays vénitien. J'imagine que vous leur avez
recommandé de ne faire aucun éclat, mais de bien regarder. Faites-moi connaître
la situation des troupes de Milan. Instruisez-moi des lieux où se trouvent en
ce moment les différents corps de l'armée italienne, et enfin tenez-moi au
courant de ce qui se fait sur la rive gauche, en ne m'envoyant pas de nouvelles
hasardées.
Stupinigi, 21 avril 1805)
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Réunir
dans un conseil les personnes capables de donner des lumières :
1° Sur
ce qui concerne la monnaie de billon (billon : toute
pièce de monnaie faite d'un alliage pauvre en métal précieux); sur les
moyens d'en empêcher l'accroissement; sur le produit du centime imposé pour la
retirer, et sur l'emploi qui a été fait de ces fonds;
2° Sur l'administration économique de la ville de Turin;
3° Sur la navigation du Pô.
Stupinigi, 21 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Vous
donnerez des ordres pour qu'il soit disposé sur-le-champ, dans la citadelle
d'Alexandrie, une salle d'armes propre á à recevoir 40,000 fusils, et vous
ferez connaître au général Chasseloup que 9,000 fusils vont être envoyés de
Turin et 1,500 de Chambéry, à Alexandrie. Il faut donc que l'emplacement soit disposé
à Alexandrie pour recevoir ces 10,500 fusils au ler prairial, et le complément
des 40,000 au ler messidor prochain. Vous ordonnerez au commandant de
l'artillerie de faire faire sur-le-champ les râteliers nécessaires, et de
nommer le garde-magasin et les ouvriers qui doivent être attachés à cette salle
d'armes.
Vous
ferez désigner, dans la journée de demain, un emplacement dans la citadelle de
Turin, propre à recevoir des râteliers provisoires pour 10,000 fusils. Toutes
les semaines, les fusils provenant de la manufacture de Turin seront placés
dans la citadelle. Vous ferez faire à Fenestrelle une salle d'armes pour 10,000
fusils. Comme je ne veux pas de salle d'armes à Turin, vous ferez passer tous
les fusils aux salles d'armes d'Alexandrie et de Fenestrelle. Vous ferez
également disposer un emplacement à Gavi.
Je ne
veux pas de salle d'armes à Chambéry. Vous donnerez l'ordre de diriger toutes
les armes qui se trouvent dans cette place, à Alexandrie; vous y ferez diriger
en même temps, par le mont Cenis et le mont Genèvre ,
de Saint-Étienne, de Grenoble et de Lyon, s'il y en a en dépôt, les fusils qui
ne seront pas en caisse.
Enfin
vous prendrez, sur votre responsabilité, des mesures telles que les salle
d'armes d'Alexandrie, Turin, Fenestrelle et Gavi soient
au complet avant le 1er messidor prochain, et conformément aux dispositions
arrêtées depuis plusieurs années.
On pourra embarquer à Marseille et débarquer à Gênes les fusils pour Gavi. Vous me ferez une proposition dans ce sens.
Stupinigi, 21 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Je
désire que vous fassiez faire un relevé, par division militaire, des places
fortes qui existent en France., Mon intention est que chacune d'elles ait une
compagnie ou une escouade de vétérans. Je crains que, dans l'état joint au
projet de décret, on en ait oublié plusieurs. On a, par exemple, omis
Perpignan; on peut en avoir omis beaucoup d'autres.
Stupinigi, 21 avril 1805
Au
prince Murat
Mon
Cousin, j'ai reçu votre lettre. Vos politiques de Paris n'ont pas de sens. Je
ne crois point que ce soit ce que vous pensez qui ait produit quelque baisse
dans le crédit; mais nous approchons de la saison où il y a à Paris
ordinairement du resserrement dans les fonds.
Stupinigi, 21 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, le non-départ de Ganteaume me contrarie
beaucoup. Toutes les nouvelles que je reçois jusqu'à cette heure de la
Méditerranée me portent à penser que Villeneuve aura fait une bonne et heureuse
route. Vous n'avez point besoin de mon autorisation pour expédier des bricks;
faites-en partir un tous les huit jours, en prenant les précautions nécessaires
pour qu'ils ne tombent point entre les mains de l'ennemi, et instruisez
Villeneuve de tout ce qui se passe.
Stupinigi, 22 avril 1805
A M.
Gaudin
Monsieur
Gaudin, par votre lettre du 27 germinal, vous ne me prouvez point qu'il y ait
lieu à compensation pour la régie des poudres. Je crois avoir des
renseignements sûrs que cette régie devrait avoir versé, depuis quatre ans, des
sommes considérables au trésor public, ce qu'elle n'a point fait, parce que la
marine et la guerre n'ont pas payé. Je voudrais qu'elle versât, et que la
marine et la guerre payassent. Voilà ce que j'appelle une compensation; alors
les affaires seraient en règle, car les articles de recette et de dépense sont
des articles séparés, et l'un ne doit jamais faire tort à l'autre.
Je me
suis adressé à vous comme ministre des finances, parce que vous êtes intéressé
à ce qu'il n'y ait aucun embarras ni retard dans les recettes. Faites venir les
régisseurs; demandez-leur pourquoi ils n'ont pas versé, depuis quatre ans, au
trésor public. Ordonnez-leur de le faire, et prévenez les ministres de la
marine et de la guerre d'ordonnancer les comptes de cette régie, qui seront
soldés par des ordonnances.
Stupiaigi , 22 avril 1805
A M.
Fouché
Monsieur
Fouché, les journaux se plaisent, dans toutes les circonstances, à exagérer le
luxe et les dépenses de la cour, ce qui porte le public à faire des calculs
ridicules et insensés. Il est faux que le château de Stupinigi
soit si magnifique; il est meublé avec d'anciens meubles, que des serviteurs
zélés du roi avaient cachés et qu'ils se sont empressés de restituer après le
sacre. Faites faire des articles détaillés sur cet objet. On pourra même en
tirer parti pour faire sentir l'amélioration de l'esprit public dans ce pays. Faites
vérifier qui a fait mettre dans les journaux que M. Saliceti avait reçu un
présent de 200,000 francs du gouvernement génois; ce fait n'est point à ma
connaissance, et, fût-il vrai, les journaux n'auraient pas dû le publier, à
moins qu'il ne leur ait été communiqué de Gènes. Réprimez un peu plus les
journaux; faites-y mettre de bons articles. Faites comprendre aux rédacteurs du
Journal des Débats et du Publiciste que le temps n'est pas
éloigné où, m'apercevant qu'ils ne me sont pas utiles, je les supprimerai avec
tous les autres, ét n'en conserverai qu'un seul; que,
puisqu'ils ne me servent qu'à copier les bulletins que les agents anglais font
circuler sur le continent, qu'à faire marcher, sur la foi de ces bulletins les
troupes de l'empereur de Russie en Pologne, à contremander le voyage de
l'empereur d'Autriche en Italie, à l'envoyer en Courlande pour avoir une
entrevue avec l'empereur de Russie, puisqu'ils ne me servent qu'à cela, je
finirai par y mettre ordre. Mon intention est donc que vous fassiez appeler,
les rédacteurs du Journal des Débats, du Publiciste, de la Gazette de
France, qui sont, je crois, les journaux qui ont le plus de vogue, pour
leur déclarer que, s'ils continuent à n'être que les truchements des journaux
et des bulletins anglais, et à alarmer sans cesse l'opinion, en répétant
bêtement les bulletins de Francfort et d'Augsbourg sans discernement et sans
jugement, leur durée ne sera pas longue; que le temps de la révolution est fini
, et qu'il n'y a plus en France qu'un parti; que je ne souffrirai jamais que
les journaux disent ni fassent rien contre mes intérêts; qu'ils pourront faire
quelques petits articles où ils pourront montrer un peu de venin , mais qu'un
beau matin on leur fermera la bouche. Il faut avoir bien peu de discernement
pour ne pas voir qu'en annonçant que les empereurs d'Allemagne et de Russie
vont s'aboucher, une pareille nouvelle ne peut que faire un mauvais effet; que,
pour la donner, il faut qu'elle soit sûre; que celle de la marche des Russes en
Pologne ne peut pas faire un meilleur effet; et ce n'est point ni à Augsbourg
ni à Francfort qu'ils auront des sûretés là-dessus, puisque cela est fait
exprès.
Stupinigi, 23 avril 1805
A M.
Cambacérès
Mon
Cousin, j'ai reçu les autorités de Turin. Je suis toujours resté à Stupinigi, hormis que j'ai fait quelques courses à cheval
dans les environs, mais sans entrer dans Turin. Je compte y faire mon entrée
demain. Du reste je me porte fort bien. Je ne partirai d'ici que dimanche. Les
affaires ne vont point mal ici, et je suis satisfait du pays.
Stupinigi, 23 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
M.
Jérôme est arrivé à Lisbonne. Mademoiselle Paterson, sa maîtresse, doit se
rendre à Bordeaux par mer. Faites-lui signifier l'ordre qu'on ne lui accorde
pas de pratique. Qu'elle ne descende pas à terre, et faites connaître que, de
quelque endroit de France et de Hollande il débarque, il ne trouvera point
pratique, et qu'il est indispensable qu'elle retourne en Amérique. J'ai donné
ordre à cet officier de se rendre près de moi par Barcelone, Toulouse,
Grenoble, Turin et Milan, et de l'arrêter s'il s'écarte le moindrement de cette
route.
Stapinigi, 23 avril 1805
A M.
Fouché
M.
Jérôme est arrivé à Lisbonne; je lui ai donné ordre de se rendre à Milan, en se
rendant par Perpignan, Toulouse, Grenoble et Turin; mon intention, s'il se
détourne de cette route, par Bordeaux et Paris, est de le faire arrêter. Veillez
à ce qu'il ne séjourne pas à Bordeaux et qu'il soit arrêté et dirigé sur Milan
par un officier de gendarmerie. La femme avec laquelle il est, si elle vient à
Bordeaux, mon intention est qu'on ne la laisse pas débarquer, et qu'il lui soit
signifié l'ordre de retourner en Amérique. L'appeler mademoiselle Paterson dans
la signification qu'on lui fera. Vous sentez combien cette affaire m'intéresse.
Si cette femme s'était soustraite à la police. . . . . . à
Paris avec lui, l'envoyer à Amsterdam, où elle s'embarquera sur le premier
bâtiment américain.
Stupinigi, 23 avril 1805
A M.
Talleyrand
Un
courrier d'Espagne m'apprend la nouvelle que Villeneuve a joint Gravina devant
Cadix le 20 germinal. Mon intention est que vous écriviez à Beurnonville que
j'avais espéré 8 vaisseaux; il n'y en avait que 5, et on m'en avait promis 6;
que je désire qu'on active les armements du Ferrol, afin que, si l'escadre de
Brest tardait à sortir, elle pût y trouver 8 vaisseaux au lieu de 6 qu'on
m'avait promis. Ce n'est pas tout aujourd'hui que d'avoir des escadres à la
mer, il faut les soutenir. Il faut avoir à Cadix des escadres considérables qui
obligent les Anglais à en tenir une pour les bloquer. L'escadre de Carthagène,
isolée, ne peut rien. Proposez au prince de la Paix d'envoyer ces 6 vaisseaux à
Toulon, ce qui, avec les 2 vaisseaux que j'y ai, obligera
l'ennemi à craindre pour la Sicile et la Sardaigne et à tenir une escadre dans
la Méditerranée. Si le prince de la Paix y consent, je prendrai l'obligation de
nourrir et d'entretenir les équipages. Il faudra que l'escadre espagnole
reçoive l'ordre exprès d'agir selon mes instructions, sans être assujettie aux
différents généraux de la marine espagnole. Mon intention ne serait pas de
faire sortir cette escadre, mais d'en faire la menace; et, comme j'aurai là un
camp de 4 à 5,000 hommes, je donnerai une grande inquiétude aux Anglais. Si le
prince de la Paix ne prend pas ce parti, je pense que l'escadre de Carthagène
doit se rendre à Cadix , où on activerait les
armements de manière à avoir là une escadre de 12 vaisseaux; cela obligera les
Anglais d'en avoir 12 dans le détroit, ou de s'exposer à voir tous leurs
convois interceptés. Recommandez donc à Beurnonville de faire sentir au prince
de la Paix l'importance d'avoir une escadre considérable à Cadix.
Stupinigi , 23 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Je
croyais M. Daugier à son poste; je l'y croyais depuis
longtemps. Que font donc les officiers de marine à Paris ? Et un capitaine de
vaisseau ne peut-il être à la mer que lorsque j'y suis ?
Stupinigi, 23 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, vous avez sans doute reçu le courrier de Cadix. A tout événement, je
vous envoie le journal du général Lauriston; il parait que 5 vaisseaux et une
frégate ont rallié l'amiral Villeneuve; qu'un sixième avait touché, mais allait
partir. Le 20 , l'escadre réunie était hors de vue, il
est probable qu'avant le 10 de ce mois elle sera rendue à sa destination. Nous
sommes donc sûrs d'avoir là une escadre de 18 ou au moins de 17 vaisseaux de
ligne. Vous aurez sans doute déjà fait partir l'escadre de Rochefort. Envoyez
un nouveau courrier et une nouvelle dépêche pour faire connaître à l'amiral
Villeneuve que je suis instruit de son départ; que l'amiral Nelson a été le
chercher en Égypte. J'expédie un courrier à Ganteaume pour l'informer de cet
événement; Dieu veuille que mon courrier ne le trouve point à Brest ! Je vous
réitère l'ordre de faire partir, tous les dix jours, un brick ou goélette, en
prenant toutes les précautions pour que les paquets ne tombent pas entre les
mains de l'ennemi. Envoyez un courrier en Espagne; écrivez au prince de la Paix
que je juge nécessaire que l'escadre espagnole de Carthagène vienne à Toulon;
que, dans ce cas, je me chargerai de la nourrir; ou bien que cette escadre se
réunisse à Cadix; qu'il faut qu'on arme sans délai, à Cadix, les 7 vaisseaux
qui y restent, de manière à avoir en rade 12 ou 13 vaisseaux, et que ces
vaisseaux appareillent souvent pour obliger les Anglais à avoir là le même
nombre, et leur faire craindre l'interception de leurs convois. Vous lui direz
que le Ferrol sera débloqué au moment où l'on s'y attendra le moins; qu'il est
donc convenable que le nombre de vaisseaux qui y sont soient toujours prêts, et
qu'il faut même l'augmenter, selon le retard de l'escadre française, et faire
en sorte d'en préparer jusqu'à 10. Enfin faites connaître au prince de la Paix
que les plus heureux résultats pour les deux nations seront le prix de ses
efforts; qu'il ne faut point s'endormir; qu'il faut tenir les Anglais dans une
alarme et une incertitude perpétuelles, et leur porter à l'improviste des coups
terribles partout où se porteront nos escadres. Vous lui parlerez du cas que je
fais de lui, et de la confiance que j'ai dans son activité et dans son zèle
pour la cause commune.
Faites
battre le ban et l'arrière-ban pour faire armer la Topaze, qui nous
devient aujourd'hui bien nécessaire pour porter des nouvelles.
Enfin
voyez, si l'escadre de Brest ne sortait pas et que l'amiral Villeneuve dût
venir au Ferrol, s'il ne serait pas bon d'avoir nos 5 vaisseaux disponibles. Les
équipages ne peuvent manquer, puisque j'ai envoyé au Ferrol 2 frégates et un
brick, qui peuvent fournir des équipages aux vaisseaux.
Tenez
encore secret le passage à Cadix et le départ des escadres. Faites mettre dans
les journaux hollandais qu'une escadre française a débarqué en Égypte 10,000
hommes; que l'amiral a manœuvré avec beaucoup d'habileté pour tromper
Nelson; qu'il a feint de passer le détroit, mais que pendant la nuit il l'a
repassé et est allé sur la côte d'Afrique; que l'amiral Nelson, averti que
l'escadre française était destinée pour l'Égypte, s'était d'abord dirigé sur la
Sicile; que le 20 germinal il était arrivé à Palerme, mais qu'il a été instruit
que l'escadre avait passé le détroit; qu'il s'était à l'instant mis à sa
poursuite, et était arrivé devant Gibraltar, comme l'escadre française avait
passé le cap Bon et naviguait sur Alexandrie, ayant plus de quinze jours
d'avance sur l'amiral Nelson. Faites mettre dans le journal de Francfort que
les rapports sur la sortie de l'escadre française sont des plus
contradictoires; que les uns prétendent que cette escadre a trompé plusieurs
fois Nelson par de fausses manœuvres et de fausses routes, et qu'en
dernière analyse elle a été rencontrée se dirigeant sur l'Égypte.
Stupinigi, 23 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, un courrier que je reçois de l'amiral Ganteaume, du 25, me dit qu'il
est près de partir; c'est avec bien de l'impatience que j'attends la nouvelle
qu'il est enfin parti. J'ai vu avec plaisir que vous ayez donné l'ordre au
général Magon de partir. Je vous recommande de nouveau l'expédition de bricks
et de goélettes; répétez par le premier qui partira, et recommandez au général
Villeneuve de faire tout le mal qu'il pourra à l'ennemi, en attendant l'amiral
Ganteaume, puisque avec les Espagnols et les Français j'ai beaucoup troupes là.
Qu'on prenne Saint-Vincent, Antigoa, la Grenade;
pourquoi ne prendrait-on pas la Barbade ? Je laisse à votre disposition
d'envoyer des ordres pour reprendre Tabago ou la
Trinité,
les Espagnols seraient merveilleusement employés. Je vois par états que j'ai
reçus qu'il y a 1, 300 hommes d'infanterie ou
espagnols embarqués sur l'escadre, et 300 hommes de cavalerie : ce qui fait
1,600 hommes. Voilà la récapitulation des troupes que j'ai aux îles du Vent :
La
Martinique avait . . . . . . . . . . . . .1,500
hommes.
La Guadeloupe . . . . . . ... . . .. . . 1,600
Le général Lagrange a amené . . . . . .3,400
Le général Lauriston a. . . . . . . . . . .3,500
Le général Magon emmène . . . . . . . . . 840
Il est
vrai que le général Lauriston ne doit débarquer que 1,100 hommes, mais, à la
rigueur, il les débarquerait tous, s'ils étaient nécessaires pour garder de
nouvelles colonies. J'ai donc 10,840 hommes, et, en y joignant 1,600 Espagnols,
j'ai 12,440 hommes. Avec ces forces, je puis très-bien
occuper toutes les îles du Vent. Il y en a, je crois, dix, en comprenant la
Trinité et Tabago. Une fois conquises, les 1,600
Espagnols seront suffisants pour garder la Trinité, puisqu'ils ne manqueront
pas de recevoir du secours de leur continent. A Tabago,
500 hommes pourraient suffire, en retranchant tout de suite le morne et s'y
approvisionnant. Toutefois, il y a des calculs de vent et des circonstances
particulières qui doivent déterminer à laisser celles de ces colonies qui
éloigneraient trop de la route. Si Tabago et d'autres
petites îles étaient impossibles à garder, on pourrait, après les avoir
occupées, en avoir fait la garnison prisonnière, n'y laisser aucune troupe, si
ce n'est quelques hommes et un officier, pour maintenir la police et organiser
des milices de paysans avec un drapeau. Il ne faudrait point maltraiter l'île
de Tabago, parce qu'elle est française ; mais, pour
les autres colonies anglaises qu'on jugerait devoir abandonner après les avoir
occupées, on pourrait en tirer la moitié des noirs ,
lever une contribution sur les habitants, en ôter l'artillerie, et vendre les
noirs à la Martinique et à la Guadeloupe. C'est ainsi que les Anglais ont fait
plusieurs fois et ont tiré parti de leurs prises.
L'amiral
Villeneuve sera toujours sûr d'avoir dix jours devant lui, vu la précaution
qu'aura l'amiral Ganteaume d'expédier en sortant une frégate bonne marcheuse. Il
est probable qu'elle fera assez de chemin pour gagner plusieurs jours sur l'escadre.
Vous sentez que, l'escadre de l'amiral Ganteaume arrivant, les forces se
trouveraient augmentées de plus de 2,000 hommes, ce qui me maintiendrait maître
de tous ces pays.
Stupinigi, 23 avril 1805
Au
vice-amiral Ganteaume
Monsieur
l'amiral Ganteaume, le général Villeneuve est parti le 9 germinal avec 11
vaisseaux de guerre, 6 frégates et 2 bricks. Le 19, à cinq heures du soir, il
était devant Cadix, chassant devant lui 6 vaisseaux, 2 frégates et 4 bricks
anglais. Il a été joint à l'heure même par le vaisseau français l'Aigle,une grosse
corvette et un brick français, et par 6 vaisseaux espagnols, 4 frégates et 2
bricks commandés par l'amiral Gravina. Le 20, à la pointe du jour, l'escadre
combinée était hors de vue. Un courrier que je reçois de Palerme m'apprend que,
le même jour, l'amiral Nelson était dans le détroit de Messine, semant l'alarme
et croyant que l'escadre de Toulon allait en Sicile et en Égypte. Il comptait
attendre deux jours et naviguer sur Alexandrie. Vous connaissez l'heureux
résultat de l'expédition du contre-amiral Missiessy,
qui a pris la Dominique et, je pense, Sainte- Lucie. Il ne me reste plus que
d'apprendre la nouvelle de votre départ. Je pense que vous et vos équipages
êtes constamment à bord et prêts à profiter du moindre moment. Je vous
exprimerais difficilement toute l'impatience que j'éprouve. Ne manquez aucune
des occasions qui se présenteront, mais maintenez à bord une sévère discipline,
et tenez la main à ce que tout le monde reste à bord. Augmentez les vivres de
vos flûtes autant qu'il vous sera possible.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M.
Cambacérès
Mon
Cousin, je crois qu'au Conseil d'État on n'entre pas assez dans les besoins des
manufactures; je ne vois pas d'inconvénient accorder les demandes de celles de
Lyon. Toutefois, quand m'enverrez les résultats des discussions du Conseil
d'État, envoyez-moi aussi le projet primitif avec vos observations en marge.. Les États ne prospèrent point par l'idéologie.
Faites discuter les projets, envoyez-moi les objections du Conseil et votre
opinion sur le tout; faites-le clairement, afin que, dans le grand embarras des
affaires que j'ai, les questions se trouvent présentées à mes regards de la
manière la plus claire possible.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M. Bigot-Préameneu, président de la section de législation au
Conseil d'État
Monsieur
Bigot-Préameneu, mon intention est que vous
réunissiez le président de la cour d'appel de Turin, mon procureur général près
cette cour, le président de la cour de première instance, pour recueillir des
renseignements sur les membres des tribunaux dont la conduite est blâmée par
l'opinion. Vous ferez appeler Pico; vous lui direz que je le connais trop bien,
et qu'il faut qu'il donne sa démission; que j'oublie le passé, mais qu'il ne
doit plus faire parler de lui. S'il y a d'autres juges de la même espèce, vous
leur ferez les mêmes instances, et, s'ils, résistent, je prendrai les mesures
convenables. Votre enquête doit s'étendre sur les membres des autres tribunaux
de première instance du département.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M. Barbé-Marbois
Je
reçois votre lettre du 22 germinal. Vous ne devez avoir aucune alarme pour
l'arrestation des fonds publics. L'événement arrivé près de Compiègne a éveillé
la vigilance de la police, et les auteurs ne tarderont pas à être arrêtés. Je
suis satisfait de ce pays. Je le suis davantage encore des nouvelles que je
reçois indirectement des Antilles, et je vous dirai, pour vous seul (quoique je
pense bien que la nouvelle commence à en murmurer à Paris, mais je désire non-seulement qu'elle soit secrète, mais qu'on dise même
que l'escadre de Toulon est allée en Égypte), que j'ai éprouvé du contentement
d'apprendre que mon escadre, après avoir fait route en six jours, avait touché
à Cadix, y avait rallié l'escadre espagnole et avait fait voile pour sa
destination. Lisez avec attention les journaux étrangers; faites-vous rendre
compte des nouvelles de commerce, et tenez-moi au courant des renseignements
qui vous parviendraient.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M.
Fouché
Un
petit événement a eu lieu près de Compiègne : il paraît que des hommes armés
ont arrêté le courrier. Apprenez-moi l'arrestation de ces brigands. Je ne puis
penser que ce soient des dragons; faites- moi
connaître quel indice vous autoriserait à avoir ce soupçon.
Je
suis assez satisfait de ce pays-ci. Tous les tribunaux criminels m'assurent
que, depuis un an, ils ont le tiers moins d'affaires qu'il y a quinze ans. Faites
faire à ce sujet des articles. Le résultat est qu'il y avait deux assassinats
et demi par jour en 1788; il n'y en a pas aujourd'hui les trois quarts d'un.
Ne
restez pas étranger à la conscription. Écrivez au préfet du Puy-de-Dôme que son
département est celui qui a le plus de déserteurs. Faites demander au bureau de
la guerre les sept ou huit départements le plus en retard, et écrivez-leur
sévèrement. Un préfet qui ne fait pas marcher la conscription ou qui tolère des
déserteurs, les laisse en repos et désorganise ainsi
l'armée, ne peut conserver ma confiance.
Toutes
les nouvelles de mer sont bonnes. Faites imprimer quelques articles habilement
faits, pour démentir la marche des Russes, l'entrevue de l'empereur de Russie
avec l'empereur d'Autriche, et ces ridicules bruits, fantômes nés de la brume
et du spleen anglais. Remuez-vous donc un peu plus pour soutenir l'opinion.
Dites aux rédacteurs que, quoique éloigné, je lis les journaux; que, s'ils
continuent sur ce ton , je solderai leur compte; qu'en
l'an VIII je les ai réduits à quatorze. Je pense que ces avertissements
successifs aux principaux rédacteurs vaudront mieux que toutes les réfutations.
Dites-leur que je ne les jugerai point sur le mal qu'ils auront dit, mais sur
le peu de bien qu'ils n'auront pas dit. Quand ils représenteront la France
vacillante, sur le point d'être attaquée, j'en jugerai qu'ils ne sont pas
Français ni dignes d'écrire sous mon règne. Ils auront beau dire qu'ils ne
donnent que leurs bulletins : on leur a dit quels ils étaient ces bulletins;
et, puisqu'ils doivent dire de fausses nouvelles, que ne les disent-ils à
l'avantage du crédit et de la tranquillité publique ? Oiseaux de mauvais
augure, pourquoi ne présagent-ils que des orages éloignés ? Je les réduirai de
quatorze à sept, et conserverai, non ceux qui me loueront, je n'ai pas besoin
de leurs éloges, mais ceux qui auront la touche mâle et le cœur français,
qui montreront un véritable attachement pour moi et mon peuple. Vous savez la
confiance que j'ai en vous ; je trouve que vous ne donnez pas une assez grande
direction à cette partie. Dites à Esménard que je vois avec peine qu'il fasse
un journal. Je suppose que c'est le poète. S'il est dans le besoin, je préfère
que vous lui donniez de quoi faire son voyage et qu'il vienne me trouver à
Milan.
J'ai
renvoyé le rapport sur la contrebande à M. Cambacérès; voici sa réponse. J'en
conclus qu'il faut arrêter tous les individus compromis, mettre inscription sur
leurs biens, ordonner des visites domiciliaires pour confisquer les
marchandises anglaises, et, enfin, me faire un rapport en détail sur chaque
individu, qui pourrait être imprimé pour entacher ces négociants du sceau du
déshonneur. Je vois dans votre rapport qu'un nommé Cavin,
chassé par la guerre comme mauvais sujet, est allé à Versailles. Pour une chose
de cette nature, il faut éloigner à quarante lieues, sans quoi c'est ne rien
faire.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M.
Talleyrand
Je
pense qu'il faudrait faire sentir à la reine d'Étrurie qu'il serait plus
convenable qu'elle vînt elle-même à Milan que d'y envoyer quelqu'un de sa part.
Cependant, comme je n'attache à cela que très-peu d'importance, il faudrait que cette observation
fût faite légèrement.
Stupinigi, 24 avril 1805
Au
maréchal Berthier
Mon
Cousin, je désire que vous présentiez un projet pour vendre le couvent de
Chambéry; les fonds en seront versés dans la caisse du génie et serviront à
achever la caserne. Faites évacuer les fusils qui sont à Chambéry sur
Alexandrie, et toutes les pièces qui y sont, au fort Barraux.
Faites vendre l'emplacement qui sert d'arsenal; je n'ai pas besoin d'aucun
établissement militaire à Chambéry : Grenoble et le fort Barraux
sont suffisants.
J'ai
été satisfait de l'arrangement des fusils au fort Barraux;
mon intention est qu'on prépare un emplacement pour 10,000 autres fusils : 20,000
fusils dans ce petit fort seront bien placés,
Stupinigi, 24 avril 1805
Au
maréchal Soult, commandant le camp de Saint-Omer
J'ai
reçu votre lettre du 24 germinal. J'ai vu avec plaisir que les corvettes de
pêche ne sont pas en aussi mauvais état qu'on me l'avait dit, et que tout
pourra être réparé promptement. Mon intention est d'embarquer trois chevaux par
corvette de pêche. Indépendamment des trois régiments d'Italiens, il y en aura
un quatrième. Le surplus servira pour les corvettes de pêche qui doivent
embarquer des dragons et autres corps. Je ne pense pas qu'il y ait rien à
changer à l'installation actuelle.
Ayez
l'œil sur les différentes parties du service; tenez en état les vivres et
les transports. Le transport de l'eau est la véritable question. Concertez-vous
avec le général Lacrosse; faites-lui bien entendre que, quand je donnerai
l'ordre, tout doit être prêt en trois jours, et que ce n'est pas avec des si
qu'on arrive à des succès.
J'imagine
que vous avez sous les yeux l'état imprimé du matériel de l'artillerie;
vérifiez-le, chaloupe par chaloupe.
Faites-moi
connaître si, en quinze jours, les chevaux, les approvisionnements, les hommes,
et tout pourra être embarqué. Ne répondez pas métaphysiquement à cette
question, mais voyez les magasins et les différents dépôts que j'ai là à ma
disposition.
Stupinigi, 24 avril 1805
Au
général Marmont, commandant le camp d'Utrecht
Je
désire que vous me fassiez connaître le nombre de jours de vivres que vous
embarquez, ce qui est nécessaire pour la traversée, débarquement, et retour de
la flotte. Vous devez calculer pour 25,000 hommes, parce qu'avant votre départ
vos troupes seront portées à ce nombre.
Stupinigi, 24 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, j'ai reçu votre lettre du 29 germinal. J'ai appris avec plaisir que le
vaisseau le Régulus a été lancé; il faut le
faire armer; si on y mettait de l'activité, il pourrait, d'ici à six semaines,
être à la mer et jouer aussi son petit rôle. J'attends avec impatience les
dépêches qu'apporte le brick le Diligent. Je désire que vous fassiez
mettre dans les journaux que de grandes nouvelles sont arrivées des Indes; que
les dépêches ont été expédiées à l'Empereur; que le contenu n'en transpire pas,
mais qu'on sait seulement que les affaires des Anglais vont fort mal, et que
tout ce que le capitaine général de l'île de France avait promis, il l'a tenu. Ces
petits moyens sont d'un effet incalculable sur les hommes, dont les calculs ne
sont pas le résultat de têtes froides et dans lesquels chacun porte les alarmes
et les préjugés de sa coterie.
Dites
au général Beurnonville, que ce qu'il dit de l'amiral Villeneuve, qui a refusé
de rallier l'escadre de Carthagène, n'est point vraisemblable; c'est, au
contraire, le commandant de cette escadre qui a déclaré qu'il ne le pouvait
pas, et je ne puis lui en savoir mauvais gré, puisqu'il n'avait pas d'ordre de
sa cour; mais que l'amiral Villeneuve, passant le détroit et ayant des
craintes, eût refusé le secours de 6 vaisseaux, un ambassadeur, un homme sensé
ne se laisse pas dire de pareilles nigauderies.
Stupinigi, 24 avril 1805
A la
Consulte d'État du royaume d'Italie
Messieurs,
j'ai reçu votre lettre du 18 avril. J'ai fait connaître à mon ministre Marescalchi la marche que je tiendrai. Je serai promptement
au milieu de ma ville de Milan, et je serai fort aise de revoir un corps dont
j'ai connu le zèle et le dévouement à ma personne dans toutes les
circonstances.
Stupinigi, 24 avril 1805
A M. Felici, ministre de l'intérieur du royaume d'Italie
Monsieur
Felici, mon intention est qu'à l'occasion de mon
couronnement il soit frappé des médailles d'or, d'argent et de bronze. Je
désire que mon Institut soit consulté sur la légende et sur les emblèmes de
cette médaille. Vous en ferez alors frapper un nombre suffisant. J'ai ordonné
que mon itinéraire vous fût envoyé. Je désire que tout se fasse avec l'ordre et
l'éclat convenables.
Stupinigi, 26 avril 1805
A M. Barbé-Marbois
La
caisse centrale du Piémont, depuis le moment de sa réunion jusques aujourd'hui,
n'a point rendu de comptes, ou n'a pu me les présenter parce que ces comptes
ont été envoyés an trésor. On trouverait, m'assure-t-on, beaucoup de
dilapidations. On me dit qu'il y a 100,000 francs pour gratifications accordées
pour loups tués; il n'a pas été donné un sou. Revoyez ces comptes.
Présentez-moi un projet pour les faire examiner par une commission spéciale.
Stupinigi, 26 avril 1805
A M.
Fouché
Je
désire connaître à quel point le préfet d'Anvers a des reproches à se faire
dans l'affaire de la contrebande. Il faut me parler clair, sans quoi je ne puis
me faire une idée de la situation des choses.
Je
vous envoie des lettres dont vous tirerez les renseignements que vous pourrez.
Stupinigi, 26 avril 1805
A M.
Talleyrand
L'État
de Gênes a toujours été un refuge pour les brigands. La tranquillité des
départements des Alpes-Maritimes, de la Stura et de
Marengo, et des États de Parme et de Plaisance, ne sera pas assurée tant qu'il
n'y aura point une gendarmerie organisée comme dans le reste de mes Etats. Mon
intention est donc de charger le maréchal Moncey d'organiser, pour les États de
Gênes, deux compagnies de gendarmerie, une pour chaque Rivière. Elles seront
sous les ordres d'un chef d'escadron, qui correspondra avec le colonel de la
gendarmerie des six départements du Piémont. Je donne, en conséquence, l'ordre
au premier inspecteur général de la gendarmerie d'envoyer directement à mon
ministre, à Gênes, l'état de ce que coûteraient ces deux compagnies. Il est
nécessaire que ce ministre obtienne du sénat les fonds et les ordres
nécessaires pour leur organisation. Je désire que les deux tiers des officiers
en soient Français et le reste Liguriens. Cette mesure est indispensable pour
la tranquillité de mes États; et ce n'est qu'autant que le voisinage de la
République de
Gênes n'en trouble point l'équilibre, que je puis lui laisser son indépendance.
Stupinigi, 26 avril 1805
Au
maréchal Davout, commandant le camp de Bruges
Mon
Cousin, j'ai reçu votre lettre du 27 germinal. J'ai donné des ordres pour faire
nettoyer non-seulement le bassin, mais encore la
cunette, et mettre le port d'Ambleteuse dans le cas
de contenir la flottille batave. J'apprends avec plaisir, par votre dépêche,
que les matelots bataves arrivent. Ce qui m'importe le plus, ce sont les
écuries; n'oubliez pas les installations, et faites placer les équipages aux
écuries : ils doivent être du premier intérêt dans la flottille de transport. Ne
vous laissez point endormir par les apparences. Vous connaissez assez le pays
pour savoir qu'on peut mettre deux mois pour aller à Milan, mais mettre très-peu de jours pour revenir de Milan à Boulogne.
Stupinigi, 26 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
J'ai
fait mettre dans le Moniteur les principales dépêches de l'île de
France; je vous renvoie les autres. Je pense que vous n'avez pas encore eu le
temps de lire votre courrier, car vous ne me donnez aucun détail sur notre
colonie, sur la situation des Indes, de nos croisières, et du mal qu'elles ont fait
à l'ennemi. Envoyez-moi les pièces, et faites faire un rapport par le colonel , qui me fasse connaître la situation des Indes.
Le 1er
floréal, on n'avait pas encore commencé le déblayement du port d'Ambleteuse; cependant il faut six semaines pour désensabler
ce port. Donnez des ordres pour qu'on commence sans délai. N'oubliez pas de
comprendre dans ce déblayement la cunette, partie principale de ce port, sans
quoi la flottille batave ne pourrait y être contenue.
L'escadre
combinée n'est point forte de 17 vaisseaux et 6 frégates, mais de 18 vaisseaux
et de 7 frégates. J'ai des nouvelles que le San-Rafaelet la frégate ont
rejoint. Deux des trois frégates qui sont à Lorient doivent être prêtes à
partir. Mon intention est qu'elles partent, mais quinze jours après l'amiral
Magon. Comme Villeneuve est décidément passé, elles ne porteront aucunes
troupes. Vous ferez connaître au ministre de la guerre que les détachements que
j'avais ordonné d'embarquer sur ces trois frégates deviennent inutiles. La
frégate le Président se tiendra prête à partir quinze jours après les
deux frégates. Si nous n'en avons pas besoin, elle formera, avec le Régulus, une petite division qui ne manquera pas de
trouver son emploi.
Stupinigi, 26 avril 1805
A M.
Champagny
Le
préfet de Rennes est nécessaire à son département; donnez ordre qu'il s'y rende
sous vingt-quatre heures; le bien du service l'exige.
Stupinigi, 27 avril 1805
A M.
Cambacérès
Mon
Cousin, j'ai reçu votre lettre du 3 floréal. J'ai vu le Saint-Père deux fois;
il doit être parti aujourd'hui. Je partirai moi-même lundi; et, comme j'ai 25 à
30,000 hommes dans la plaine de Marengo, je resterai quatre ou cinq jours à
Alexandrie pour les faire manœuvrer.
Stupinigi, 27 avril 1805
A M.
Gaudin
Je
vous envoie des mémoires sur différentes questions que j'ai faites ici
relativement à la dette. Il en résulte que 19,500,000
francs de la dette du Piémont appartiennent à des mainmortes, clergé, hôpitaux
ou villes. Je pense que tout ce qui est dans cette colonne ne doit pas être
admis, en principe, à être acheté en biens nationaux et remboursé; que tout ce
qui appartenait aux corporations du royaume d'Italie ou de la Ligurie qui ont
été supprimées doit ne plus être payé et être regardé comme acquis au trésor.
Il n'y
a donc à rembourser dans le Piémont que 30 millions de dettes. Les 18 ou 20
millions de biens qui s'y trouvent les éteindront probablement tous
entièrement.
Mais
il y a sur ces 19 millions appartenant à des mainmortes beaucoup d'observations
à faire; ce qui appartient aux évêques, couvents et églises, la nation pourrait
s'en emparer, s'ils sont suffisamment dotés. Dans tous les cas, présentez-moi
un projet de décret portant que les dettes qui forment ces 19 millions, et qui
ne sont pas rachetables en biens du Piémont, seront liquidées par le
liquidateur général, pour être inscrites sur le grand-livre de France et
remboursées avec les rentes nationales du Piémont, qui se montent à près de
300,000 francs de rentes. Par ce moyen toutes les dettes du Piémont seront
anéanties, moins toutes les rentes viagères et pensions.
Faites
venir tout le grand-livre du Piémont à Paris, cette opération terminée.
Le
Sénat a ici 10 millions et la Légion d'honneur 20 millions. C'est un grand
malheur pour ce pays que d'avoir une si grande quantité de maisons dont les
propriétaires vivent au delà des Alpes.
Je
vous envoie le rapport. Il y a là 2 ou 3 millions à retirer; faites-les payer.
Je vous envoie aussi un travail étendu de M. Hourier. Faites finir l'affaire du camp des vétérans. J'avais déterminé d'établir trois camps de vétérans en Piémont; je n'en établirai qu'un ; il me restera donc . . . . . . 122 qui ont été réservés dans le département du Tanaro.
Stupinigi, 27 avril 1805
NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC
J'ai
renvoyé l'avis au Conseil; je vois beaucoup d'objections à y faire. Je ne
conçois pas, en effet, quelle est la garantie du Gouvernement, si un ministre
ordonnance sous le prétexte d'une dépense et met les pièces d'une autre; par
exemple, s'il a été acheté pour trois millions des remontes, si toutes les
ordonnances sont timbrées Remontes, et qu'on y glisse 150,000 francs
pour chaises ou autres objets, la Comptabilité ne peut en prévenir le ministre
du trésor . N'est-elle pas autorisée à rejeter les
pièces et à déclarer que le payeur a mal payé, puisque le payement est certifié
de chaises au lieu de chevaux ? Alors, quel inconvénient que le payeur
s'adresse au ministre pour réparer l'erreur ou demande
une autre affectation ? Quant à l'Empereur et aux dépenses secrètes, la Comptabilité
doit demander le bon de l'Empereur; elle ne demande pas à l'Empereur ce qu'il
en a fait, ce serait arriver à l'absurde et manquer à sa personne. Le payeur
n'est point autorisé à payer l'ordonnance d'un ministre, si, en indiquant pour
un objet, on en paye un autre. Il suffit de dissimuler les événements qui
donnent lieu à ces erreurs.
En
commençant par le ministre, il est clair que fournitures de maison n'est pas
frais de bureaux.
Stupinigi, 27 avril 1805
A M.
Fouché
Il
paraît, par les renseignements contenus dans votre bulletin du 29 sur M. de
Saint-Paul, qu'il est un des hommes qui correspondent avec Moreau. Puisqu'il
est allé à Lorient, il est possible qu'il soit le courtier de quelque intrigue.
Stupinigi, 27 avril 1805
Au
maréchal Moncey
J'ai
lu avec attention votre rapport du 27 germinal(17 avril) relativement
au département d'Ille-et-Vilaine. Je désire que vous donniez l'ordre au colonel
Mignotte de . . . . . . . . . . . . . . . .Je pense
qu'il se sera transporté dans le canton de Fougères. L'existence de trente ou
quarante brigands dans ce département ne doit pas être traitée légèrement, et
je désire qu'il soit pris des mesures extraordinaires. S'il doutait de cette
existence, qu'il se mette en campagne avec la réserve de sa légion; qu'il voie de
ses propres yeux les lieux où l'on dit qu'ont été les brigands, et, si leur
existence se confirmait, qu'il le fasse connaître par des courriers
extraordinaires.
Je
pense que le colonel Ponsard se sera rendu à Compiègne pour donner plus
d'activité aux poursuites contre les brigands; le courrier arrêté est une
affaire d'importance. Il ne doit rentrer à Paris qu'après avoir découvert et
fait saisir les brigands. La demeure d'un colonel de gendarmerie est partout où
il y a un événement extraordinaire dans sa légion.
Mon
intention est d'établir deux compagnies de gendarmerie dans l'État de Gênes. Envoyez
à mon ministre à Gênes l'état de ce qu'elles coûteraient, commandées par un
chef d'escadron , qui resterait à Gênes. J'estime que
les deux compagnies pourraient être composées chacune de 30 brigades, dont 25 à
pied et au plus 5 à cheval. Le général Radet serait très-propre à cette organisation. Je désire, dès que mon
ministre vous aura fait connaître qu'il est d'accord avec le sénat, que vous
donniez l'ordre pour la formation de ces deux compagnies, que je désire
composer au moins de deux tiers Français. Vous pourrez y mettre deux officiers
du Golo et du Liamone, comme plus accoutumés à la langue et à sympathiser avec
les habitants.
Stupinigi, 27 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, votre courrier du 3 floréal (23 avril) ne
m'apporte aucune nouvelle des Indes; les pièces que vous m'avez envoyées ne
contiennent rien; le nom de Linois n'y est pas même
prononcé, et j'ignore la situation des choses dans ce pays.
La
lettre qu'a reçue Vanlerberghe a été écrite par
Beurnonville; cela est par trop ridicule; faites-lui-en connaître mon
mécontentement. Dans les affaires de cette nature, le secret doit être toujours
essentiellement gardé. Ce sera par Paris que l'Angleterre apprendra cette
nouvelle, et elle le saura sept ou huit jours plus tôt qu'elle n'aurait dû le
savoir, résultat immense pour nos opérations. Recommandez-lui d'être désormais
plus circonspect.
J'imagine
que l'escadre de Rochefort partira; s'il y a empêchement, et que vous jugiez à
propos de faire partir une des deux frégates de Lorient, je n'y vois pas
d'inconvénient. Dans tous les cas, mon intention est que Villeneuve arrive
devant le Ferrol, quand même l'escadre de Rochefort ne l'aurait pas joint; il a
18 vaisseaux; il est impossible qu'il en trouve plus de 10 devant le Ferrol.
Je suis surpris de ne pas recevoir des nouvelles de la Martinique; il est probable que le brick qui a été expédié aura été pris. Il est impossible qu'en pressant, comme vous le faites, l'escadre de Rochefort, en faisant partir une frégate de Lorient, et une corvette ou un brick de Bayonne ou de Bordeaux, l'amiral Villeneuve ne soit pas instruit, et que, de ces trois points si éloignés, quelque chose ne lui arrive. J'espère encore dans le départ de Ganteaume.
Stupinigi, 27 avril l805
Au
vice-amiral Decrès
Je
vous envoie un rapport sur le Creusot. Il est essentiel de maintenir cet
établissement. Il n'est pas convenable de racheter, mais je crois utile de
régler une commande fixe, afin qu'il ait une base fixe pour ses opérations et
pouvoir se maintenir.
Stupinigi, 27 avril 1805
A M. Felici, ministre de l'intérieur du royaume d'Italie
Le
ministre de la guerre n"informe que l'avoine est rare. J'ai déjà ordonné
qu'on en prohibât la sortie. La grande quantité de chevaux que nous avons en
Italie rend cette mesure indispensable.
Stupinigi, 28 avril 1805
A M.
Champagny
Toutes
les petites communes, depuis Lans-le-Bourg jusqu'à
Saint-Jean-de-Maurienne, ont de petits hospices qu'il serait essentiel
d'encourager et de doter. Le passage nombreux des conscrits et des soldats par
cette vallée rend utile l'établissement d'hospices militaires, hospices qui
sont tous coûteux, et je préfère que le service soit fait par les hospices
civils. Il doit y en avoir à Lans-le-Bourg, Saint-
Michel, Saint-Jean-de-Maurienne et autres petites communes. Connaître leur état
et leur dotation actuelle, afin d'en mettre plusieurs en état de faire le
service.
Stupinigi, 28 avril 1805
DÉCISION
Mll, Pays, orpheline, réclame le produit de la succession
de ses père et mère, déposé à l'hospice des vieillards. |
Renvoyé au ministre de l'intérieur, pour savoir
pourquoi on a dépouillé cette orpheline. |
Stupinigi, 28 avril 1805
A M.
Gaudin
Je
reçois le compte que vous me rendez des produits des différentes régies, par
votre rapport du 3 floréal. Je suis frappé du malheur constant qu'éprouve la
loterie. Des événements malheureux qui se succèdent dans cette partie, aussi
souvent, doivent donner l'éveil. Surveillez cette administration, et
faites-vous rendre des comptes fréquents pour voir s'il n'y a pas lieu à
quelque friponnerie. J'avais été instruit de la volerie de . . . . . . . .. de la conservation de Paris. Faites-vous faire un rapport,
et donnez-y une grande publicité dans le Moniteur. Ce serait une grande
erreur de penser que l'administration est bien organisée et rend ce qu'elle
doit rendre. Elle est susceptible d'augmentation. Une administration sévère,
vigilante et bien organisée (en bien des endroits il n'y a pas assez
d'employés), nous ferait gagner dix millions.
On m'assure que les droits d'enregistrement baissent depuis la publication du code civil. On l'attribue aux hypothèques légales pour peu de chose, mais plus aux changements survenus dans la législation relative aux actes sous seing privé. Faites-vous faire un rapport sur cet objet.
Stupinigi, 28 avril 1805
A M. Barbé-Marbois
On ma
instruit de l'événement arrivé à Compiègne et de l'arrestation des coupables;
ainsi l'exemple sévère qu'on fera produira un bien au lieu d'un mal.
Stupinigi, 28 avril 1805
A M.
Fouché
Monsieur
Fouché, la réforme des journaux aura bientôt lieu; car il est par trop bête
d'avoir des journaux qui n'ont que l'inconvénient de la liberté de la presse
sans en avoir les avantages, et qui, par malveillance ou ineptie, colportent
tous les bruits propres à alarmer le commerce, et toujours dans le sens et dans
la volonté de l'Angleterre. Ditês aux rédacteurs que
vous ne leur ferez aucune observation sur de petits articles; qu'il n'est plus
question aujourd'hui de n'être pas mauvais, mais d'être tout à fait bons; car
on ne les laissera pas jouir de bons revenus pour ne rendre aucun service, et
au contraire pour nuire. En répétant cela aux différents journalistes et leur
disant qu'ils ont encore trois ou quatre mois pour faire leurs preuves, ce sera
à eux à faire leur profit de ces avertissements.
Stupinigi, 28 avril 1805
A M.
Portalis
Je ne
vois pas d'inconvénient à donner une retraite au curé de Saint- Valery; mais je
crois convenable de ne donner aucune publicité à cette affaire : il y aurait
trop de mal et d'inconvénient à ce scandale.
Stupinigi, 28 avril 1805
Les habitants de Bourg prient l'Em
pereur de faire ouvrir l'église de Brou et d'en
faire une succursale. |
Accordé. Renvoyé à M. Portalis. Cette église est une
des plus belles de France; il est dommage qu'on n'y officie pas. |
Stupinigi, 29 avril 1805
A M.
Gaudin
Comme
les inspecteurs des forêts sont nommés par moi, je désire que vous me
présentiez un projet pour destituer ceux compromis dans la forêt d'Armainvilliers. Il faut tâcher de ne faire que de bons
choix, et surtout nommer des hommes actifs et probes; il y a beaucoup de
mélange dans l'administration forestière.
Stupinigi, 29 avril 1805
A M.
Fouché
Je me
suis aperçu que les forêts étaient mal administrées.
Je
suis assez content du Piémont. Je désire que vous fassiez faire des articles
pour bien faire connaître qu'entouré de 100,000 personnes à Turin, je n'avais
aucune troupe française; que toutes les troupes du Piémont étaient à Marengo;
que, dans toutes mes courses à Veneria, Moncalieri, je n'avais que de la garde turinoise; cela
flattera les Piémontais, et fera voir que je me fie à cette portion de l'Empire
autant qu'à toutes les autres.
Stupinigi, 29 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
J'attends
avec bien de l'impatience le départ de l'escadre de Brest et de Rochefort. Je
m'imagine que vous avez déjà fait partir quelques goélettes et bricks. Il est
bien instant que Villeneuve soit instruit. Je suis bien surpris que vous n'ayez
pas de nouvelles directes de Missiessy. Toutes les
nouvelles que je reçois, c'est que 5 ou 6,000 hommes aux Indes ruineraient la
Compagnie anglaise. Dans le cas que, par des événements quelconques, notre
expédition n'ait pas un plein succès, et que je ne puisse pas arriver au plus
grand de tous les buts, qui fera tomber tout le reste, je pense qu'il faut
calculer l'opération de l'Inde pour septembre. Il y a aujourd'hui beaucoup plus
de moyens qu'il y a quelque temps. On pourrait toute la baser sur le départ de
l'escadre de Brest et sa jonction avec celle du Ferrol, puisque cela ferait 36
vaisseaux de guerre. Faites-moi connaître la saison où l'on pourra faire
l'expédition d'Afrique. Écrivez donc en Espagne pour le cinquième vaisseau, et
en désarmant, s'il est possible, une frégate, je me trouverai avoir le nombre
de vaisseaux nécessaire.
Voyez
à Brest si l'on peut, sans décider que Ganteaume ne peut sortir, s'attendre à
être débloqué par Villeneuve. Voyez donc alors de tâcher d'y joindre l'Océan;
quand il ne suivrait pas l'escadre, il pourrait prendre part au combat; car
vous ne doutez pas que l'escadre de Brest ne se batte, et un vaisseau à trois
ponts de plus ne peut être que d'un grand avantage.
Stupinigi, 29 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, M. Rosily m'a écrit pour me demander à être grand officier de la Légion
d'honneur; cela m'est difficile. Missiessy, Gourdon,
Lacrosse, Magon sont dans mon esprit au-dessus de lui; il a donc très-tort de se comparer à Bruix, à Ganteaume, à vous, à
Villeneuve. J'estime même que tout capitaine de vaisseau qui a fait la guerre,
et qui a quelque mérite, a plus de considération à mes yeux que M. Rosily. Cependant
c'est un bon officier. Il n'est pas tellement vieux qu'il ne puisse rendre des
services à la mer. Voyez à l'employer, ou bien qu'il reste comme il est; mais
que je n'entende plus parler de lui pour aucune espèce d'avancement. Les hommes
qui restent à Paris ne peuvent se comparer aux hommes qui s'exposent à tous les
dangers qu'on court à la mer, et, dès qu'ils s'élèvent à se comparer à eux, il
faut le leur rappeler et les faire rentrer en eux-mêmes.
Stupinigi, 29 avril 1805
Au
vice-amiral Rosily
Monsieur
le Vice-Amiral Rosily, je ne puis établir aucune parité d'ancienneté entre
Bruix, Ganteaume, Decrès et vous. Ils ont navigué, et vous n'avez pas navigué
depuis dix ans. Ils ont, à mes yeux, le mérite bien grand de n'avoir pas
désespéré de notre marine, d'avoir lutté souvent contre des forces supérieures,
et d'avoir toujours soutenu l'honneur du pavillon. N'ayant pas navigué depuis
longtemps, et vos talents et votre expérience de la mer m'étant connus, c'est
un véritable tort qu'ont éprouvé nos forces navales. Je pense donc que, si
vous, vous sentez encore en état de rendre des services, c'est à la mer que
vous le devez, et je ne me refuserai pas à ce que le ministre de la marine me proposera. Les amiraux anglais, qui passent constamment leur
vie à la mer, sont plus âgés que vous.
Asti,
30 avril 1805
A M.
Cambacérès
Mon
Cousin, je reçois votre lettre du 6 floréal. J'apprends avec plaisir que le
code judiciaire avance. Faites aussi imprimer tout ce qu'il y a de relatif au
code de commerce, qu'il faut faire en sorte de présenter à la législature
prochaine. Il ne paraît pas qu'il puisse y avoir des discussions telles que la
confection en soit considérablement retardée. Je désirerais, à mon arrivée à
Paris, pouvoir, en quatre ou cinq séances, présider à la discussion des points
principaux. Faites donc préparer ce travail.
Je
n'ai pas encore eu de nouvelles directes des Antilles; je suis cependant bien
impatient d'en recevoir. Comme le commerce est aujourd'hui plus en mesure que
moi d'en savoir, puisque des bâtiments de l'Amérique ou de Londres peuvent lui
en porter, faites-moi connaître tout ce que vous en apprendriez à Paris. Apprenez-moi
aussi tout ce qu'on y dit de la destination de l'escadre de Toulon.
Asti,
30 avril 1805
A M.
Talleyrand
Je
désire que vous écriviez en Espagne pour que désormais, lorsqu'il y aura des
nouvelles d'événements majeurs, on défende aux postes de donner des chevaux,
d'au moins cinq jours, parce que, par cette voie, l'Angleterre se trouve
prévenue trop promptement. Cela gagne sur-le-champ la Hollande et Hambourg, et,
d'ailleurs, les espions que les Anglais ont à Paris les instruisent bien vite;
au lieu qu'avec cinq jours de retard ils ne sont instruits que par le cours
naturel des choses.
Asti,
30 avril 1805
Au
vice-amiral Decrès
Monsieur
Decrès, j'ai relu avec attention les instructions données à l'amirai Villeneuve. Je suppose qu'il arrivera à la
Martinique le 15 de ce mois; que dès lors il en partira pour se rendre, par
Santo- Domingo, dans la baie de Santiago, le 25 prairial, y restera vingt
jours, et après entrera à Cadix. Si l'amiral Magon part avant le 20 ou le 25
floréal, il lui porte l'ordre d'attendre trente-cinq jours, et après de se
rendre, par le plus court chemin, devant le Ferrol. L'amiral Magon n'arrivera
pas avant le 20 ou le 25 prairial, et l'amiral Villeneuve devra attendre
jusqu'au 11 thermidor; il ne serait alors rendu devant le Ferrol que le ler
fructidor. Ainsi donc l'amiral Villeneuve est parti le 9 germinal; lorsqu'il
arrivera devant le Ferrol, il y aura cinq mois qu'il sera parti, et il n'aura
plus qu'un mois de vivres, en supposant que, pendant son séjour à la
Martinique, il ait consommé les vivres de son escadre, ce qui n'est pas
probable, surtout pour son biscuit. Toutefois, dans cette hypothèse, qui est la
plus désavantageuse, il aurait encore les vivres nécessaires pour achever sa
mission. Mais quarante et trente-cinq jours font soixante et quinze jours;
l'amiral aura donc séjourné deux mois et demi aux Antilles. Les Anglais ne
seront certains de la marche du général Villeneuve que lorsqu'il sera arrivé,
c'est-à-dire le 20 prairial. L'amiral restera donc trente-cinq jours depuis que
les Anglais auront la nouvelle de son arrivée à la Martinique; cela est, je crois,
trop au moins de quinze jours. Il faut donc que, si l'amiral Magon n'est point
encore parti, vous écriviez à l'amiral Villeneuve que, dans la lettre que lui
porte l'amiral Magon , il est dit qu'il restera
trente-cinq jours, mais qu'on avait espéré que le général Magon serait parti
quinze jours plus tôt; que mon intention est donc qu'il ne reste à la
Martinique que jusqu'au 15 messidor. Mais, si le général Magon n'est point
parti au 20 floréal, et que vous n'ayez expédié aucun bâtiment à cette époque au
général Villeneuve pour lui dire d'attendre, il sera à penser que le général ne
rencontrera plus le général Villeneuve, qui, selon moi, partira le 20 ou le 25
prairial; et alors il n'y aura plus de possibilité de le joindre que dans la
rade de Santiago. Je pense qu'il sera alors convenable que l'amiral Magon se
rende dans cette rade pour porter l'ordre au général Villeneuve de se porter
sur-le-champ sur le Ferrol. Quant aux mouvements de l'escadre de Brest, ils
dépendent des mouvements de l'escadre de Rochefort. Si l'amiral Magon est parti
avant le 20 floréal, et que l'amiral Ganteaume ne soit pas parti au 1er
prairial, il ne reste plus à l'amiral Ganteaume que d'attendre tranquillement à
être débloqué. Mais si, au contraire, l'amiral Magon, partant après le 20
floréal, se dirige sur Santiago, je pense que l'amiral Ganteaume doit se rendre
également dans cette rade avec l'escadre du Ferrol. L'amiral Villeneuve
n'arrivera point à Santiago avant le 10 ou le 15 messidor; l'amiral Ganteaume
peut donc se rendre à Santiago, quand il ne partirait pas avant le 15 prairial.
L'amiral
Villeneuve, suivant ses premières instructions, arrive donc à Santiago le 10 ou
le 15 messidor; il aura donc encore plus de trois mois de vivres, dans cette
hypothèse; l'escadre de Brest sera d'ailleurs dans le cas de lui en donner. Ainsi
donc il convient aujourd'hui de bien déterminer ce que nous avons à faire. Si
le général Magon part avant le 20 floréal, et que Ganteaume parle avant ler
prairial, mon armée peut encore se réunir à la Martinique; elle serait
rassemblée avant le ler messidor, et serait de retour avant le 15 fructidor. Si,
au contraire, le général Magon part avant le 20 floréal, et qu'au ler prairial
Ganteaume n'ait pas pu sortir, il faut qu'il ne parte plus et attende l'arrivée
de l'armée qui doit le débloquer. Enfin, si le général Magon n'est point parti
au 20 floréal, il convient qu'au lieu de se diriger sur la Martinique il se
dirige sur Santiago, pourvu qu'il parte avant le 15 prairial; et mes escadres
pourraient alors se réunir dans les quinze premiers jours de messidor dans baie
de Santiago.
Il est
certain que je préfère à tout la réunion à la
Martinique; que je préfère même la réunion de Santiago au déblocus de Brest,
afin d'éviter toute espèce de combat. Dans tous les cas, il est nécessaire que
vous me fassiez un rapport détaillé sur toutes ces questions; que vous me
donniez les noms des bricks, goélettes ou frégates que vous aurez expédiés;
que, sans attendre d'autres ordres, vous écriviez au général Magon que, s'il n'est
pas à la voile le 25 floréal au matin il attende de nouveaux ordres pour
partir. Je suppose que vous n'avez expédié aucun bâtiment ni frégate à l'amiral
Villeneuve pour le prévenir d'attendre : il faut que vous écriviez une nouvelle
dépêche à l'amiral Magon en cas qu'il parte avant le 23, et que vous
prescriviez au général Villeneuve qu'au plus tard le 15 messidor il soit à la
voile pour opérer son retour sur le Ferrol; et qu'enfin vous fassiez connaître
au général Magon, dans une dépêche cachetée, qu'arrivé à Martinique et en
trouvant l'amiral Villeneuve parti depuis quelques jours, il doit se diriger en
droite ligne sur Santiago, parce que l'amiral Villeneuve devant passer devant
Santo Domingo et rester vingt jours à Santiago, il aura le temps de l'atteindre
à cette baie et que, dès le moment de sa jonction avec cet amiral, il doit lui
remettre l'ordre de se rendre devant le Ferrol et de ne plus attendre l'escadre
de Brest.
Quant
au général Ganteaume, vous devez toujours l'encourager à partir jusqu'au 5
prairial, si le général Magon est parti.
Je
crois avoir prescrit au général Villeneuve, dans les instructions que lui porte
le général Magon, de se rendre par le plus court chemin au Ferrol et de ne
point passer par la Jamaïque, parce que c'est pour cette île que seront alarmés
les Anglais, dès qu'ils le sauront aux Antilles. J'imagine que l'amiral Missiessy, dans quelque port qu'il arrive, trouvera ses
vivres prêts. J'imagine que, s'il pouvait se rendre à Santiago, ses 5 vaisseaux
pourraient aussi jouer leur rôle.
En cas
que Ganteaume ne soit point encore parti au moment où vous recevrez cette
lettre, envoyez-moi des projets d'instructions pour le général Magon et pour le
général Ganteaume, dans l'hypothèse que l'amiral Villeneuve suivra ses
premières instructions et que la jonction de mes escadres doive se faire à
Santiago.
Missiessy a dû partir le 22 mars; il devrait être
de retour en Europe dans la première quinzaine de mai; il ne devrait donc pas
être loin. S'il arrivait à Rochefort, et que l'amiral Magon ne fût pas parti,
il y aurait possibilité de les faire repartir sur-le-champ ensemble pour
Santiago; il faudrait pour cela que les vivres pussent être prêts à Rochefort.
L'amiral
Missiessy a emporté des vivres pour six mois; il est
parti le 29 nivôse; au 22 messidor il y aura six mois qu'il sera en mer; mais
les hommes de passage ont dû lui manger un mois de vivres : s'il n'en a pas
reçu à la Martinique, il n'en doit plus avoir que jusqu'au 22 prairial; raison
de plus pour calculer sur sa prochaine entrée.
Dans
tous les cas, je pense que l'amiral Magon ne doit pas emmener tant d'hommes;
qu'il complète ses équipages avec de bonnes troupes, et qu'il embarque
seulement une centaine de Piémontais sur chaque vaisseau; qu'il épargne ses
vivres, non pour lui, mais pour pouvoir en donner à l'amiral Villeneuve; il
pourrait en donner trois mois pour 2 vaisseaux, ce qui ferait un mois pour 6
vaisseaux et dix jours pour toute l'escadre de l'amiral Villeneuve; c'est un
secours qui n'est pas à dédaigner.
---------
Je vous
recommande le Régulus; ce bâtiment peut très-bien être armé, et prêt à partir pour le 20 prairial :
et cela étant, il peut entrer dans nos combinaisons et figurer d'une manière
bien avantageuse.
La
saison étant déterminée pour les jours de départ et d'arrivée, vous êtes plus à
même de les juger. Faudra-t-il à l'amiral Magon plus on moins d'un mois pour
arriver à la Martinique ? S'il ne lui faut qu'un mois, il est clair qu'en
partant le 20 il y a toute probabilité qu'il joindra l'amiral Villeneuve. J'ai
mis que l'amiral Magon pourrait partir le 25; comme cela dépend d'une manière
de voir, vous pouvez ne mettre que le 20, si vous craigniez que l'amiral soit
déjà parti.
Asti,
30 avril 1805
Au
vice-amiral Ver Huell
Monsieur
le Vice-Amiral Ver Huell, j'ai reçu votre lettre de Bruges du 30 germinal. Non-seulement je consens, mais je désire même que vous
acceptiez le ministère de la marine. En plaçant des hommes aussi attachés que
vous à ma personne, c'est le seul moyen de relever votre pavillon, plus abattu
encore par la lâcheté et l'ineptie de ceux qui le dirigeaient que par toute
autre circonstance. Mais vous ne devez point quitter le commandement de la
flottille batave; réunissez-la toute le plus tôt possible à Ambleteuse.
Vos chaloupes doivent, à l'heure qu'il est, pouvoir entrer dans le port;
faites-les-y passer également. Faites que toute votre flottille soit réunie à Ambleteuse pour le 20 prairial.