16 - 31 Décembre 1805
Schönbrunn, 16 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Le maréchal Berthier écrira au prince Charles, par un parlementaire qu'il enverra à Oedenburg, pour faire connaître à ce prince que les bestiaux pour la subsistance de la ville de Vienne sont arrêtés et les communications coupées entre la capitale et la Hongrie, ce qui fera souffrir la ville de Vienne; que ces procédés sont très-opposés aux termes dans lesquels se trouvent les deux empereurs; que, si l'on en est à n'avoir plus de ménagements, l'empereur Napoléon en jugera par ce que l'on fera à cet égard; que, si l'empereur François a absolument abandonné Vienne et ses malheureux habitants, l'empereur Napoléon prendra des mesures pour le gouvernement de cette capitale, ce qu'il avait toujours différé de faire, voulant donner en cela une preuve d'égards et d'estime à l'empereur François II.
Schönbrunn, 16 décembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je vous renvoie d'anciennes dépêches et de nouvelles que j'ai décachetées. Il n'y a rien à répondre à la demande de la Suisse; il n'y a plus de raisons qui rendent nécessaire le détachement de l'armée fédérale; ils peuvent, s'ils veulent, le licencier.
Je vous ai envoyé le traité fait avec la Prusse; je vous enverrai demain les ratifications que M. Maret fait dresser; il est convenable de préparer votre dépêche à M. Laforest, à qui vous devez l'envoyer. Voici ce que je pense :
1° Le premier effet de l'échange des ratifications doit être d'arrêter sur-le-champ la marche des armées combinées sur la Hollande et devant Hameln; de faire rentrer immédiatement les Suédois, les Russes, les Anglais, chacun chez eux, et d'occuper le Hanovre. Alors j'enverrai des ordres au général Barbou pour remettre la place de Hameln aux Prussiens. Mais avant tout il faut qu'aucun Russe, Suédois ni Anglais, ni aucune armée n'existe de ce côté.
2° Les articles de la Gazette de Berlin annonçant le retour de M. de Haugwitz, les circulaires du cabinet aux ministres prussiens dans les cours étrangères, et le langage de Berlin , doivent faire connaître que les relations d'amitié sont rétablies entre les deux puissances, et que l'intimité est entière et absolue.
3° il est convenable qu'en Hanovre il ne reste aucune trace d'administration anglaise; l'administration doit être sur-le-champ toute prussienne. M. Laforest peut dire, si les circonstances veulent qu'il le dise, que j'ai fait un grand sacrifice en cédant le Hanovre à la Prusse. Dans l'article du traité qui concerne l'Italie, il est question de toute l'Italie; ainsi la Prusse ne doit s'y ingérer en rien. La principauté de Neufchâtel doit être remise sur-le-champ en ma possession, et en même temps que la Prusse prendra possession de Hameln. Je n'ai point besoin de dire que je prétends emporter de Hameln l'artillerie, les munitions, le mobilier et tout ce qui m'appartient; ce sont des détails militaires. Si , pour tous ces objets et pour expédier ledit courrier, qui devra seulement partir dans trois jours, parce que M. de Haugwitz mettra dix jours en route, vous croyez votre présence nécessaire à Vienne, je vous autorise à vous y rendre; aussi bien je crois le séjour de Brünn très-malsain. Alors mon intention n'est point que les plénipotentiaires autrichiens vous suivent; mais vous pourrez établir les négociations dans un lieu plus rapproché de Vienne, par exemple, à Presbourg, où vous serez plus commodément et où vous serez à portée du séjour de l'empereur d'Allen et du mien. Il est bon de vous dire, quant à la raison de votre voyage à Vienne, qu'elle ne se réduit pas à la seule affaire de Prusse : les affaires d'Amérique, d'Angleterre, etc., peuvent rendre nécessaire votre rappel près de moi. Il est inutile de confier au papier mes idées sur tout ce qui a été fait; je vous le dirai à ma première entrevue.
Schönbrunn, 16 décembre 1805
Au général Marescot
Organisez le génie; ayez des caissons d'outils auprès des compagnies de sapeurs; faites-leur porter à eux-mêmes les outils; ne laissez rien sur les derrières, et faites-les avancer à l'armée. Que votre surveillance ne se ralentisse pas sous le prétexte de l'armistice; l'expérience du passé doit vous convaincre que, mes mouvements étant souvent prompts, il faut que tout soit prêt et disposé à chaque corps d'armée, et qu'ils soient munis de tout ce qui est nécessaire.
Schönbrunn, 16 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 10 décembre. J'aurais désiré que vous m'eussiez envoyé l'état de situation des gardes nationales que vous avez réunies. Vous devez avoir reçu mon ordre qui vous donne le commandement du pays vénitien et de tout mon royaume d'Italie. Je ne sais si vous avez reçu le décret qui vous nomme général de division; il est inutile de faire aucun éclat de cette nomination, mais vous pouvez en porter les marques. Vos gardes nationales vous serviront bien à faire le service autour de Venise, avec la cavalerie et l'artillerie française que vous avez en réserve. Le mieux, si nous n'occupons pas Venise, est de construire des redoutes dans tous les lieux où l'ennemi pourrait faire des sorties. Envoyez quelques bataillons de la garde nationale à Bolzano et à Trente, conformément aux ordres que vous avez dû recevoir, pour maintenir la police dans cette partie du Tyrol, qui se trouvera aussi sous vos ordres. Je désire que vous me teniez bien instruit de tout ce qui se passe à l'armée de Naples, et de la marche du général Saint-Cyr. Faites-moi connaître la force des dépôts qui sont restés en Piémont et en Lombardie, le nombre des conscrits arrivés de France, et aussi la situation et les lieux où se trouvent les différents corps qui composent le camp volant d'Alexandrie. Ne désapprovisionnez point la place de Mantoue, l'avenir est encore inconnu, car toute ma force en Italie est dans mon système de places. Je retirerai le maréchal Masséna à moi, si les hostilités recommencent. Veillez à ce que Palmanova soit bien armée et approvisionnée. Envoyez-moi l'état de situation de toutes vos forces et de tout ce qui se trouve en Piémont. Procurez-vous de l'artillerie. Faites beaucoup exercer vos nouvelles troupes, en ne les compromettant point.
Schönbrunn, 18 décembre 1805
A M. Barbé-Marbois
Monsieur Barbé-Marbois, je vous ai ordonné, par ma lettre du 27(18 novembre) brumaire, de tenir la solde assurée jusqu'au ler frimaire (22 novembre). Je compte qu'elle existe dans la caisse du payeur de Strasbourg; cependant j'apprends que vous en disposez pour l'armée du Nord. Il n'y a rien à envoyer à l'armée du Nord. Écrivez au Grand Pensionnaire que c'est à lui à en faire les frais; cette armée est pour la défense de la Hollande.
Schoenbrunn, 18 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, envoyez un officier au maréchal Mortier pour lui faire connaître qu'il se rende à l'extrémité de sa ligne à Prosnitz, pour s'informer lui-même de ce qu'il y a du côté d'Olmütz, et m'en envoie un rapport journalier, ainsi que de ce qui se passe à Zwittau, de ce que l'ennemi fait, et où est sa cavalerie légère; je n'ai pas encore reçu un rapport depuis que je suis revenu de Brünn.
Envoyez également un officier au maréchal Bernadotte, pour lui faire connaître qu'il doit voir par l'ordre du jour qu'une trop grande sécurité serait funeste; qu'il tienne en première ligne les Bavarois, devant le prince Ferdinand, et se place de manière à se porter rapidement à sa droite et à cacher ses mouvements à l'ennemi; que les princes Charles et Jean sont devant nous : le corps du général Merveldt, sur la gauche de la March ; le prince Jean, depuis la rive droite du Danube jusqu'aux positions vis-à-vis Neustadt; et enfin le prince Charles, depuis les positions vis-à-vis Neustadt jusqu'aux positions vis-à-vis Graz; que tout cela peut encore former une armée de plus de 70,000 hommes;
Qu'il me parait donc convenable, comme je l'ai déjà ordonné, que les troupes françaises soient dans le cercle d'Iglau et à portée d'arriver en quatre ou cinq jours sur Vienne, et en deux jours sur Brünn, selon les circonstances; que les Bavarois doivent être bientôt en force pour pouvoir, dans un cas extraordinaire, tenir tête au prince Ferdinand, et lui disputer le terrain, le temps nécessaire pour faire disparaître entièrement le prince Charles.
Donnez l'ordre an général Dumonceau de se rendre à Neustadt où il rentrera dans le corps du général Marmont et sera sous ses ordres. Donnez ordre au général Marmont de tenir une division à Bruck, de manière à se porter le plus rapidement possible à Neustadt, au secours du général Dumonceau, qui s'y trouve. Donnez ordre an maréchal Masséna d'envoyer sa division de dragons à Marburg et sa division de cuirassiers à Cilli; prévenez-en le général Marmont, afin qu'ils prennent des mesures pour leur nourriture. Il est convenable d'attacher à chacune de ces divisions trois pièces d'artillerie légère, selon l'organisation générale de l'armée. Donnez aussi l'ordre au maréchal Masséna de tenir une de ses divisions d'infanterie, avec son artillerie, à l'extrémité de sa province, sur la gauche, prête à se rendre en peu de marches sur Graz.
Le commandement du maréchal Davout comprendra Presbourg, les pays compris entre Presbourg et Marchegg, les pays faisant partie de la basse Autriche sur la rive droite du Danube jusqu'à Fischamend, et le long du petit ruisseau jusqu'à Goetzendorf. Il tiendra une division d'infanterie à Presbourg, et une cantonnée le long de la Leytha jusqu'aux limites de son commandement. Il mettra là la division la plus reposée. Sa cavalerie légère sera en plus grande partie le long de cette rivière. Il fera construire un pont à Presbourg, avec une tête de pont sur les deux rives. Il s'étudiera à bien connaître le pays, depuis Presbourg jusqu'au lac, sur la rive droite du Danube. Il chargera des ingénieurs d'en lever toutes les positions. Il fera reconnaître surtout la position de Hainburg. Le maréchal Soult tiendra sa cavalerie légère depuis Goetzendorf jusqu'à Neustadt, en ayant toujours des vedettes sur l'extrême frontière; le général Marmont, depuis Neustadt jusqu'à Marburg; le général Milhaud, le long de la rive droite de la March; le maréchal Mortier, tout le long de la ligne de démarcation qu'il occupe depuis Prosnitz , en faisant observer les débouchés de Zwittau, et en se liant par la gauche avec les postes du maréchal Bernadotte à Zwittau; le maréchal Bernadotte, tout le long de sa ligne de démarcation.
Renvoyez un second officier au maréchal Ney, pour lui faire comprendre qu'il est possible qu'il devienne nécessaire sur la ligne d'opérations; que j'attends donc avec impatience son arrivée à Klagenfurt; qu'immédiatement après il poussera sa plus forte division, avec artillerie et cavalerie, sur les limites de la Carinthie, le plus près possible de Leoben; les princes Charles et Jean ayant une armée considérable à plusieurs lieues de Vienne, il est convenable de se tenir toujours en mesure. Vous lui recommanderez, par le même officier, de vous faire connaître le jour où il arrivera à Klagenfurt, et le jour où sa première division sera arrivée à Leoben.
L'armistice existe, il est vrai; mais on ne doit jamais s'y fier lorsqu'on est dans la capitale de son ennemi.
Schönbrunn, 18 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 12 décembre, à dix heures du soir. J'eusse désiré avoir l'état de situation des gardes nationales de mon royaume d'Italie. Vous aurez déjà reçu l'ordre de prendre le commandement de toutes mes troupes dans mon royaume d'Italie et dans le pays de Venise. On doit vous adjoindre une division française pour servir de réserve à toutes mes troupes italiennes. Saint-Cyr doit déjà être parti et, à l'heure qu'il est, avoir, j'espère, dépassé Bologne. Son armée sera assez forte; d'ailleurs je la ferai, selon les circonstances, appuyer, si cela est nécessaire.
Portez une partie des gardes nationales du côté de Rimini, pour que mon royaume soit à l'abri d'être entamé par les Cosaque ou par d'autres troupes légères. Tenez l'autre partie du côté de Venise. Écrivez au général Menou de faire passer une partie de la réserve de son camp volant devant Venise. Renforcez votre corps; ayez beaucoup d'artillerie; faites construire des redoutes. D'ailleurs le corps autrichien qui est à Venise est compris dans l'armistice et ne peut faire de sorties contre le corps que vous mettrez devant cette ville. Je vous recommande Palmanova; car, si les hostilités doivent recommencer, je dégarnirai entièrement Laybach et je ferai venir Masséna sur Vienne. On négocie toujours; mais il faut toujours se tenir sur ses gardes.
Vous pouvez écrire confidentiellement au cardinal Fesch et à la princesse de Piombino que je me suis arrangé avec la Prusse. Ce bruit peut même courir, mais sans aucun caractère officiel.
Schönbrunn, 18 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je désire que vous m'envoyiez, par le retour de mon courrier, un mémoire sur l'Istrie et la Dalmatie, qui me fasse connaître la division de ces deux provinces, leur population, les noms et la population des cinquante principales villes ou bourgs, leurs ports et le revenu de chacune de ces provinces, enfin tout ce qui peut me donner une idée précise de la valeur de chacune d'elles. Dandolo doit être en état de vous faire ce travail.
Schönbrunn, 19 décembre 1805
A M. Fouché
Je ne veux point entendre parler de changement de bail pour les jeux. Tous ces renouvellements de bail ne sont que des prétextes pour se faire donner des pots-de-vin. Les choses resteront ainsi jusqu'à mon arrivée.
Schönbrunn, 19 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Un million en billets sera à votre disposition.
Vous me proposerez un projet de répartition de deux millions entre les maréchaux, généraux de division, de brigade, adjudants commandants et colonels des régiments.
Schönbrunn, 20 décembre 1805
Au prince Joseph
Mon Frère, j'ai reçu votre lettre du 20 frimaire (11 décembre), par laquelle vous m'annoncez la dépêche télégraphique qui vous a appris la nouvelle de la bataille d'Austerlitz. Les négociations continuent; mon armée se repose et se répare. L'armée du prince Charles est tout près d'ici. Il est probable que, si la paix ne se fait pas promptement, il y aura, sous un mois, une affaire après laquelle il ne restera plus à la monarchie autrichienne une ombre de ressources.
Il s'en faut de beaucoup que les états de situation des 11 et 20 frimaire qu'envoie le maréchal Kellermann portent un aussi grand nombre de conscrits que l'annoncent les rapports du maréchal Moncey; il n'y en a pas encore 10,000 dans les deux armées de réserve.
Louis a poussé les choses à l'extrême en dégarnissant Paris à ce point. J'avais fait venir le 86e et le 5e à Versailles pour les appeler à Paris, si cela était nécessaire. L'inconvénient de faire venir à Paris les autres régiments du camp de Poitiers, tout composés de Belges, est que le voisinage les fera déserter. Il n'y a rien à craindre du coté du Nord; les sujets de refroidissement qui existaient entre la France et la Prusse ont été levés, à la satisfaction commune. Cela est inutile à publier, comme de faire de grandes avances à Lucchesini.
Schönbrunn, 20 décembre 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, le temps est assez froid; l'hiver commence à paraître, mais il est beau. Il guérit nos blessés et fait le plus grand bien à l'armée. Nous nous reposons, et tout se répare. Nous avons évacué sur Braunau une partie de l'arsenal de Vienne et beaucoup de choses curieuses (dont les canons qui vont servir à la construction de la colonne Vendôme). La paix se fera; mais, comme je suis décidé à faire une paix qui me mette enfin à l'abri des intrigues de l'Angleterre, il faudra peut-être encore quelques jours pour savoir l'issue définitive qu'auront les négociations.
J'ai fait donner des ordres pour qu'on meuble les Tuileries; je vous prie de presser un peu ces travaux. Recommandez bien qu'on ne mette dans les appartements ni odeur ni peintures à la colle ou autres ("Il était impossible à son organisation particulière de supporter l'odeur de la peinture" - Las Cases), de sorte que je n'aie pas encore à essuyer, après les fatigues de la campagne, l'incommodité des odeurs et le caprice des architectes. Mais, quoi que vous puissiez dire, je doute que ces messieurs veuillent obéir, et ils m'empoisonneront encore, comme ils l'ont fait, avec leur barbouillage.
Schönbrunn, 20 décembre 1805
NOTES POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
Les réclamations de M. de Talleyrand, dès son arrivée, seront :
1° Que la communication soit rétablie entre la Hongrie pour l'approvisionnement de la capitale; sans quoi les négociations seront rompues. Il motivera cette demande sur l'impossibilité de laisser mourir de faim la ville de Vienne. Il dira qu'au même moment l'Empereur fera arborer ses armes et prendra le gouvernement de la ville.
Là-dessus M. de Talleyrand doit témoigner l'indignation de l'Empereur de toutes les mesures que prend le prince Charles depuis son arrivée; que ce n'est point après que l'Empereur a eu tant de ménagements pour le pays d'Autriche, que l'empereur d'Allemagne doit en avoir si peu pour ses sujets.
2° La seconde réclamation sera pour les levées en masse de Hongrie : que l'Archiduc palatin organise une levée en masse, plus bas que Bude, cela est contre l'armistice en général. Il se présentera comme portant peu d'intérêt que l'armistice dure; en leur montrant le danger prochain, c'est le seul moyen de le leur faire voir dans toute son étendue.
3° Il faudrait convenir, pour Presbourg, de ne point mettre de sentinelles aux portes de la ville; que je n'avais pas compris dans l'armistice le comitat de Presbourg; que la demande du maréchal Davout n'est pas fondée, mais que j'avais entendu la banlieue, c'est-à-dire une demi-lieue ou trois quarts de lieue autour de la ville; que je désire que cette demi-lieue ou ces trois quarts de lieue soient accordés; qu'il n'y aura pas de poste français, mais qu'il ne doit point y avoir de poste autrichien, et que je préférerais évacuer Presbourg, si, de leur côté, les armées autrichiennes veulent s'éloigner de plusieurs journées dans l'intérieur de la Hongrie.
M. de Talleyrand doit faire sentir que mon armée est toute réunie sous Vienne, et qu'elle s'y concentre tous les jours davantage; que cela porte préjudice à la capitale, et que ce préjudice est le résultat de la grande extension que le prince Charles donne à ses quartiers; et que je ne suis pas assez nigaud pour donner la même extension à mes cantonnements; que de tout cela c'est la capitale qui souffre.
M. de Talleyrand doit s'attacher à ne pas leur laisser lever le ton, de quelque manière que ce soit; rien ne serait plus contraire à des négociations. Il doit dire ce que j'ai dit plusieurs fois : Si vous avez des moyens de chasser l'Empereur des Français de Vienne, vous avez tort de ne pas le faire; car je ne prétends pas vous dissimuler que, le lendemain d'une victoire que vous auriez remportée, votre traité de paix serait meilleur.
Schönbrunn, 20 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, faites connaître au général Marmont que mon intention est qu'il appuie l'extrémité de sa droite à Graz, de sorte que deux heures après qu'il en aura reçu l'ordre, tout son corps d'armée puisse être réuni à Neustadt, en trois petites journées.
Schönbrunn, 20 décembre 1805
A Joséphine
Je reçois ta lettre du 25 (frimaire, c'est à dire 16 décembre). J'apprends avec peine que tu es souffrante; ce n'est pas là une bonne disposition pour faire cent lieues dans cette saison. Je ne sais ce que je ferai: je dépends des évènements; je n'ai pas de volonté; j'attends tout de leur issue. Reste à Munich, amuse-toi; cela n'est pas difficile, lorsqu'on a temps de personnes aimables, et dans un si beau pays. Je suis, moi, assez occupé. Dans quelques jours je serai décidé.
Adieu, mon amie; mille choses aimables et tendres.
Vienne, 21 décembre 1805
DÉCISION
M. Daru propose à l'Empereur de faire l'acquisition d'un miroir ardent, le plus remarquable de ceux qui existent en Europe. Le sieur Rospini, fils de l'inventeur, est le propriétaire de cet instrument, dont il demande 3,000 florins. Ce miroir, établi aux frais d'une société d'alchimistes, a coûté, dit-on, plus de 10,000 florins. | Approuvé. On ne doit pas laisser échapper l'occasion d'avoir un objet utile aux sciences. M. Petiet fera payer la somme de 3,000 florins sur les 100,000 de dépenses extraordinaires. |
DÉCISION
Le ministre de l'intérieur prie l'Empereur de faire connaître ses intentions au sujet de l'offre d'argenterie faite au préfet d'Indre-et-Loire par le conseil général de ce département. | Le conseil général a excédé son pouvoir. Tout ce qui tient au mobilier des préfectures est propriété publique à l'usage des successeurs des préfets par l'administration desquels elle a été acquise. |
Schönbrunn, 21 décembre 1805
ORDRE DU JOUR
Demain, à onze heures du matin, toutes les brigades de caissons de la compagnie Breidt qui se trouvent à Vienne seront réunies dans l'emplacement où l'Empereur a passé aujourd'hui la revue des troupes, pour passer sa revue.
Le chef de l'entreprise et le commissaire des guerres chargé de faire le décompte s'y trouveront.
Si le général Lauriston a gardé seize caissons à Braunau, sans ordre, que le major général lui ordonne de les faire partir sur-le-champ, et lui en témoigne mon mécontentement.
Schönbrunn, 21 décembre 1805
A l'électeur de Bavière
J'envoie mon grand maréchal du palais, le général Duroc, pour demander à Votre Altesse sa fille, la princesse Auguste, en mariage pour mon fils, le prince Eugène. Il y a déjà plusieurs années que j'ai désiré l'alliance de Votre Altesse, et, dans les circonstances actuelles, où plusieurs propositions m'ont été faites, je suis resté fidèle aux engagements que j'avais pris à Linz avec son ministre Gravenreuth. Il sera fort agréable pour moi de donner à Votre Altesse et à son peuple cette preuve d'amitié et d'estime.
Je charge le général Duroc de prendre de ma part tous les engagements convenables et les arrangements pour ledit mariage, que je désire voir célébrer le plus tôt possible, au même moment de la paix générale, qui sera incontestablement signée dans la quinzaine.
Que Votre Altesse voie dans ce désir, d'avoir dans ma famille une princesse aussi accomplie que la princesse Auguste et de former avec Votre Altesse des liens si étroits, le secret le plus constant de ma politique et la preuve des sentiments d'estime et d'amitié que je lui ai voués.
Schönbrunn, 22 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je vous ai déjà fait connaître que je désirais avoir l'état de situation de vos gardes nationales. Tenez-les sur pied. Mon intention est de leur faire occuper Venise, que je vais réunir définitivement à ma couronne de fer. Je vous ai demandé des notions claires sur l'Istrie et la Dalmatie. Je désire que vous m'envoyiez également un mémoire qui me fasse connaître les domaines nationaux existant dans le pays vénitien, appartenant soit à l'Empereur, aux villes, soit à des corporations religieuses.
Schönbrunn, 22 décembre 1805
A M. Fouché
J'ai ordonné au maréchal Berthier de délivrer un passe-port à M. Hyde pour se rendre en Amérique. Il s'embarquera à Cadix. J'ai accordé aussi une surveillance à Larue, qui paraît moins coupable; éloignez-le du pays où il est dangereux, et de Paris. Le séquestre ne sera levé des biens de ces individus que lorsqu'ils seront rendus à leur poste.
Schönbrunn, 22 décembre 1805
Au cardinal Fesch
Mon Cousin, je cous ai déjà fait connaître que mon intention était qu'au moindre danger vous quittassiez Rome pour vous retirer à Bologne. Vous êtes très-mal avec le cardinal Consalvi; je désire que vous vous mettiez mieux, ou bien que vous me fassiez connaître les raisons que vous avez de vous en méfier, et la personne qui peut le remplacer.
Je désapprouve fort les démarches que vous avez fait faire auprès des commandants russes et anglais pour savoir si votre légation serait en sûreté. Il faut avoir bien peu de tact pour croire que je vous laisserais exposé à leurs vexations. Je vous réitère donc l'ordre de vous retirer à Bologne au moindre danger.
J'ai reçu votre lettre du 21 ; je désire avoir fréquemment de vos nouvelles.
Schönbrunn, 22 décembre 1805
Au général Songis
Vous n'organisez point l'artillerie de mon armée. Je m'embarrasse fort peu des transports de Vienne. Vous avez des moyens considérables au parc et vous laissez l'armée dans le dénuement. Les divisions des généraux Dupont, Gazan, le corps du maréchal Davout, n'ont pas ce qu'il leur faut; pourvoyez-y sur-le-champ. N'oubliez pas que tout dans l'artillerie, à la guerre, doit être à l'armée et non au parc.
Schönbrunn, 23 décembre 1805
Au prince Joseph
Mon Frère, je vous envoie une lettre ouverte dont vous prendrez connaissance, et que vous remettrez à M. Barbé-Marbois après l'avoir cachetée. Je doute si je dois attribuer à la trahison ou à l'ineptie la conduite de ce ministre. Il a avancé aux fournisseurs quatre-vingt- cinq millions de l'argent du trésor. Si j'avais été battu, la coalition n'avait pas un allié plus puissant. Je suspends mon jugement jusqu'à ce que j'aie pu éclaircir par moi-même la nature d'un si énorme déficit. Causez-en confidentiellement avec le ministre des finances, et veillez, autant qu'il vous sera possible, à ce qu'il ne sorte pas un sou du trésor sans ordonnance, et à ce que le mal ne s'aggrave pas. M. Barbé-Marbois a trahi son devoir. Il est inutile de lui parler de cela et de trop l'alarmer jusqu'à mon arrivée, qui est imminente.
Vous pouvez montrer cette lettre au ministre des finances et faire venir secrètement le caissier qui tient les obligations, pour savoir ce qu'il en est sorti de sa caisse et vous assurer qu'il n'en sortira pas davantage. Je vous dirai franchement que je crois que cet homme m'a trahi. Ne dites rien de cela à M. Cambacérès, parce que les frères Michel y sont pour quelque chose, et que je ne sais pas jusqu'à quel point ses intérêts peuvent s'y trouver mêlés. Dites seulement légèrement à M. Marbois que ceci est l'avant-coureur d'un orage; qu'il n'y a qu'un moyen de le conjurer, c'est que les obligations soient rétablies au trésor à mon arrivée; qu'il fera bien de s'arranger avec Desprez pour faire tout rentrer dans l'ordre accoutumé, sans quoi l'orage éclatera. Il ne serait pas étonnant que Desprez et les deux ou trois meneurs de Barbé-Marbois, dans la crainte de ce qui leur arrivera, ne prissent le parti de faire rétablir les sommes.
Schönbrunn, 23 décembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, j'ai reçu votre lettre d'aujourd'hui. Je vois avec plaisir que vous finirez; mais je vous recommande expressément de ne point parler de Naples. Les outrages de cette misérable reine redoublent à tous les courriers. Vous savez comment je me suis conduit avec elle, et je serais trop lâche si je pardonnais des excès aussi infâmes envers mon peuple. Il faut qu'elle ait cessé de régner. Que je n'en entende donc point parler absolument. Quoi qu'il arrive, mon ordre est précis, n'en parlez pas. Quant aux contributions, je vous ai dit mon mot : la moitié, c'est-à-dire cinquante millions.
Schönbrunn, 23 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, j'ai le projet de réunir Venise à mon royaume d'Italie. Il est nécessaire que vous me fassiez préparer un travail de la division de ce pays en départements.
J'approuve tout ce que vous me proposez dans votre lettre du 5 décembre pour les contributions; vous devez considérer le décret comme signé. Dans le moment actuel, il faut de l'argent; mais économisez-le ! Je vous ai chargé du commandement du pays de Venise : ne souffrez point qu'il lui soit fait aucun mauvais traitement; que tout s'y fasse avec ordre; que les contributions qu'on y lève soient à mon profit et versées dans la caisse du payeur de la Grande Armée, la Bouillerie ou à la caisse d'amortissement.
Schönbrunn, 24 décembre 1805
DÉCISION
M. Portalis fils, secrétaire général du ministère des cultes, fait observer à l'Empereur, au sujet du désir d'un jeune prêtre des environs de Bordeaux, nommé Boisset, d'épouser une de ses paroissiennes, que les lois en vigueur ne le défendent pas, mais que la défense du mariage des prêtres dans le catholicisme est autant une loi politique que religieuse; qu'elle a eu autant pour objet de veiller sur la sainteté du sacerdoce que de protéger la société elle-même contre des prêtres qui oublieraient leur devoir pour se livrer à leurs passions. | Le ministre de la police générale fera lancer un mandat d'arrêt contre le prêtre Boisset, et ordonnera qu'il soit détenu dans une maison de correction à Bordeaux. Mon intention est que cette décision ne soit pas secrète. Les prêtres doivent savoir qu'abuser des sacrements pour attenter à la fois à la paix des familles, aux mœurs et à la religion, c'est le plus grand délit qu'ils puissent commettre. La demoiselle Rosalie Plantey sera rendue à la surveillance et à la garde de sa famille. |
Au bas de cette décision le secrétaire d'État a écrit : Sur de nouvelles informations, Sa Majesté a retiré décision. Elle a fait connaître ses intentions aux ministres des cultes et de la police. Munich, 2 janvier 1806.
Schönbrunn, 24 décembre 1805
A l'électeur archichancelier de l'empire germanique
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 18 décembre; j'ai vu avec peine les démarches qu'a faites Votre Altesse pour réveiller l'esprit germanique, surtout lorsqu'elle n'avait point jugé à propos d'en faire au moment où la Bavière avait été occupée par l'Autriche et le territoire germanique envahi par les barbares du Nord.
Je serai probablement à Munich dans la huitaine; j'y verrai Votre Altesse avec plaisir, et je serai toujours fort aise des occasions qui se présenteront de lui renouveler l'assurance de mes sentiments d'estime et de constante amitié.
Schönbrunn, 24 décembre 1805
Mon Cousin, donnez ordre au maréchal Masséna de faire lever sur une grande échelle tout le cours de l'Isonzo et jusqu'à trois lieues du côté de l'Allemagne, et d'employer à ce travail un grand nombre d'ingénieurs, afin qu'il soit fait très-promptement.
Quartier impérial, Schönbrunn, 25 décembre 1805
ORDRE DU JOUR
L'Empereur a passé lundi la revue des divisions des carabiniers et cuirassiers des généraux Nansouty et d'Hautpoul.
Sa Majesté, après la revue, a éprouvé une véritable satisfaction de voir en aussi bon état ces braves régiments de cuirassiers qui ont donné tant de preuves de courage dans le courant de la campagne, et notamment à la bataille d'Austerlitz.
Mardi, Sa Majesté a passé la revue de la division Vandamme. L'Empereur charge le maréchal Soult de faire connaître qu'il a été satisfait de cette division, et de revoir, après la bataille d'Austerlitz, en aussi bon état et si nombreux, les bataillons qui ont acquis tant de gloire et qui ont tant contribué au succès de cette journée.
Arrivé au 1er bataillon du 4e régiment de ligne, qui avait entamé à la bataille d'Austerlitz et y avait perdu son aigle, l'Empereur lui dit : Soldats, qu'avez-vous fait de l'aigle que je vous ai donnée ? Vous aviez juré qu'elle vous servirait de point de ralliement et que vous la défendriez au péril de votre vie; et avez-vous tenu votre promesse ? Le major a répondu que le porte-drapeau ayant été tué dans une charge au moment de la plus forte mêlée, personne ne s'en était aperçu au milieu de la fumée; que, cependant, la division avait fait un mouvement à droite; que le bataillon avait appuyé ce mouvement, et que ce n'était que longtemps après que l'on s'était aperçu de la perte de son aigle; preuve qu'il avait été réuni et qu'il n'avait point été rompu, c'est qu'un moment après il avait culbuté deux bataillons russes et pris deux drapeaux dont il faisait hommage à l'Empereur, espérant que cela leur mériterait qu'il leur rendît une autre aigle.
L'Empereur a été un peu incertain, puis il a dit : Officiers, soldats, jurez-vous qu'aucun de vous ne s'est aperçu de la perte de son aigle, et que, si vous vous en étiez aperçus, vous vous seriez précipités pour la reprendre, ou vous auriez péri sur le champ de bataille, car un soldat qui a perdu son drapeau a tout perdu ? Au même moment mille bras se sont élevés : Nous le jurons, et nous jurons aussi de défendre l'aigle que vous nous donnerez avec la même intrépidité que nous avons mise à prendre les deux drapeaux que nous vous présentons. En ce cas, a dit en souriant l'Empereur,je vous rendrai donc votre aigle.
Le major général rappelle à M.M. les maréchaux et généraux commandant en chef à la bataille d'Austerlitz la demande qui leur a été faite d'un état certifié des conseils d'administration des corps qui servaient sous leurs ordres à cette bataille, vérifié par le sous-inspecteur aux revues et revêtu de leur visa, constatant les veuves et les enfants des officiers et soldats français morts dans cette mémorable journée, afin de les faire jouir sans délai des bienfaits des deux décrets du 16 frimaire, insérés dans l'ordre du jour du 17. MM. les colonels doivent sentir combien il importe d'accélérer l'exécution de ces deux décrets, qui font la fortune et assurent le bien-être des veuves et des enfants de leurs camarades morts au champ d'honneur.
Le maréchal Berthier, par ordre de l'Empereur.
Schönbrunn, 25 décembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je reçois votre lettre du 3 nivôse. Je regrette beaucoup que la paix ne soit point signée. L'empereur et le prince Charles m'ont écrit, en m'envoyant le général-major comte de Grünne. La lettre était du 23 décembre; j'ai répondu aujourd'hui 25; j'aurai une entrevue avec le prince Charles le 27, à deux heures après midi, dans une maison de chasse de l'empereur, à trois lieues de Vienne; l'empereur n'en saura l'issue que le 28, et ses plénipotentiaires ne pourront recevoir de nouveaux ordres que le 30. Vous trouverez ci-joint copie de ma lettre à l'empereur, qui m'en a écrit une d'un style tout à fait aimable. Vous verrez tout de suite la position que j'ai prise. Sans faire connaître ma lettre aux plénipotentiaires, dites-leur-en la substance. J'ai félicité l'empereur sur la conclusion de la paix; je n'y ferai aucun changement; en signant sans délai , ils gagneront cinq ou six jours. Je n'ai point voulu donner de rendez-vous au prince Charles ici, parce que je ne veux point beaucoup parler d'affaires avec lui. Au rendez-vous que j'ai choisi je passerai deux heures; une sera employée à dîner, l'autre à parler guerre et en protestations réciproques. Du reste, tout est ici évacué ou vendu, hormis cinq ou six cents pièces de canon, que je puis d'autant plus aisément leur laisser que j'en trouverai à peu près l'équivalent à Venise. En homme de la paix, faites donc sentir aux plénipotentiaires combien les délais qu'ils apportent à la signature sont imprudents avec un prince qui, chaque jour, reçoit 10,000 hommes de renfort dans son armée, qui se trouve avoir 40,000 hommes disponibles dans le Nord, depuis que la nouvelle de la bataille d'Austerlitz a frappé de terreur les Anglais et les Russes et les a engagés à rétrograder, et que la Prusse ne laisse plus de doute sur ses sentiments. Enfin, s'il n'y a pas moyen de signer sur-le-champ, attendez et signez au nouvel an; car j'ai un peu de préjugés, et je suis bien aise que la paix date du renouvellement du calendrier grégorien, qui présage, j'espère, autant de bonheur à mon règne que l'ancien. Il n'y a qu'un inconvénient, c'est que cela retarde de quelques jours mon arrivée à Paris; mais cela a aussi de l'avantage, c'est de nous faire rester de plus cinq ou six jours dans Vienne, que nos malades auront plus de temps pour se rétablir, et que beaucoup de choses pourront être évacuées; ce sont des jours qui valent beaucoup pour l'armée. En dernière analyse, signez demain, si vous pouvez, ou bien le premier de l'an. Du reste, vous pourrez assurer ces messieurs qu'il ne tiendra qu'à leur maître que je sois bien avec lui; que je n'ai d'autre intérêt que celui de faire fleurir mon commerce et de réorganiser ma marine, et, après avoir été général de terre, d'être amiral; que, cela dépend d'eux. Cependant, si je suis obligé de traiter d'affaires avec le prince Charles, pour assurer mon langage, envoyez-moi tous les articles dont on est convenu.
Schönbrunn, 25 décembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, faites connaître à M. Laforest que je ne suis pas trop content de sa lettre du 22 frimaire. Il se donne beaucoup trop de mouvement; il fait des propositions sans savoir si elles me conviennent; il propose, par exemple, de masquer la forteresse de Hamelia ; c'est une proposition ridicule; j'aime beaucoup mieux qu'elle soit démasquée.
Schönbrunn, 25 décembre 1805
A M. Fouché
Je vois des difficultés au sujet de la lecture des bulletins dans les églises; je ne trouve point cette lecture convenable, elle n'est propre qu'à donner plus d'importance aux prêtres qu'ils ne doivent en avoir car cela leur donne le droit de commenter, et, quand il y aura de mauvaises nouvelles, ils ne manqueront pas de les commenter. Voilà comme on n'est jamais dans des principes exacts : tantôt on ne veut point de prêtres, tantôt on en veut trop; il faut laisser tomber cela, M. Portalis a eu très-tort d'écrire sa lettre sans savoir si c'était mon intention.
Schönbrunn, 25 décembre 1805
A l'empereur d'Autriche
Monsieur mon Frère, je remercie Votre Majesté de la lettre aimable qu'elle a bien voulu m'écrire. J'ai éprouvé un grand plaisir d'apprendre ce matin par un courrier de M. Talleyrand que toutes les difficultés sont levées et que la paix est rétablie entre nous, qu'il n'y avait plus que des formalités de rédaction, Que Votre Majesté me permette de me réjouir avec elle de cette heureuse circonstance : je sens, aux sentiments profonds qu'elle m'a inspirés lorsque j'ai eu le bonheur de la voir, qu'il ne tiendra qu'à elle que je sois aussi sincèrement son ami, et que le reste de ma vie soit employé à
lui être agréable, autant que ces dernières années ont pu lui être contraires. Que Votre Majesté ne doute jamais de l'estime et de l'amitié que toutes les qualités qu'elle possède m'ont fait concevoir pour elle et dont on ne peut se défendre dès le moment qu'on a l'avantage de la connaître. Je serai charmé, avant de quitter les Etats de Votre Majesté, d'avoir une occasion de lui faire ma cour, et de lui renouveler l'assurance de tous les sentiments que je lui porte.
Schönbrunn, 25 décembre 1805
A l'archiduc Charles
Mon Cousin, M. le général comte de Grünne m'a remis votre lettre. J'aurai un véritable plaisir à faire votre connaissance. L'estime que je vous porte date déjà de bien des années, et depuis, dans toutes les circonstances, vos grandes et belles actions m'ont confirmé dans cette haute opinion que j'avais conçue de vous. La première chose que je ferai, lorsque j'aurai l'avantage de vous voir sera de vous remercier des choses aimables que contient votre lettre, et de vous offrir l'assurance des sentiments d'estime et d'amitié je vous porte.
Schönbrunn, 26 décembre 1805
37e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Voici la position de l'armée aujourd'hui :
Le maréchal Bernadotte occupe la Bohème;
Le maréchal Mortier, la Moravie;
Le maréchal Davout occupe Presbourg, capitale de la Hongrie;
Le maréchal Soult occupe Vienne;
Le maréchal Ney occupe la Carinthie;
Le général Marmont, la Styrie;
Le maréchal Masséna, la Carniole;
Le maréchal Augereau reste en réserve en Souabe.
Le maréchal Masséna, avec l'armée d'Italie, est devenu le 8e corps de la Grande Armée.
Le prince Eugène a le commandement en chef de toutes les troupes qui sont dans le pays de Venise et dans le royaume d'Italie.
Le général Saint-Cyr marche à grandes journées sur Naples punir la trahison de la reine et précipiter du trône cette femme, criminelle qui, avec tant d'impudeur, a violé tout ce qui est sacré parmi les
hommes.
On a voulu intercéder pour elle auprès de l'Empereur; il a répondu : Les hostilités dussent-elles recommencer, et la nation soutenir une guerre de trente ans, une si atroce perfidie ne peut être pardonnée. La reine de Naples a cessé de régner : ce dernier crime a rempli sa destinée; qu'elle aille à Londres augmenter le nombre des intrigants et former un comité d'encre sympathique avec Drake, Spencer Smith, Taylor, Wickham; elle pourra y appeler, si elle le juge convenable, le baron d'Armfeld, MM. de Fersen, d'Entraigues et le moine Morus.
M. de Talleyrand est à Presbourg, où l'on négocie. Les plénipotentiaires de l'empereur d'Autriche sont : le prince Jean de Lichtenstein et le général Gyulai.
Le prince Charles a demandé à voir l'Empereur. Sa Majesté aura demain une entrevue avec ce prince à la maison de chasse de Stammersdorf, à trois lieues de Vienne.
L'Empereur passe aujourd'hui la revue de la division Legrand, près Laxenburg.
L'Empereur ne prend à Vienne aucun divertissement; il a reçu fort peu de personnes.
Pendant quelques jours le temps a été assez froid. La journée d'aujourd'hui est fort belle. L'Empereur a fait une grande quantité de promotions dans l'armée et dans la Légion d'honneur, mais les grades qu'il a à sa disposition peuvent difficilement récompenser tant de braves.
L'électeur de Wurtemberg a envoyé à l'Empereur le grand cordon de l'ordre de Wurtemberg, avec trois autres qui ont été donnés au sénateur Harville, premier écuyer de l'Impératrice, au maréchal Kellermann et au général Marmont. L'Empereur a donné le grand cordon de la Légion d'honneur à l'Électeur, au prince électoral et au prince Paul, ses fils, et à ses frères les princes Eugène-Frédérie-Henri et Guillaume-Frédéric-Philippe : il a connu ces deux derniers princes à son passage à Ludwigsburg et a été bien aise de leur donner une preuve de l'opinion qu'il a conçue de leur mérite.
Les électeurs de Bavière et de Wurtemberg vont prendre le titre de Roi, récompense qu'ils ont méritée par l'attachement et l'amitié qu'ils ont montrés à l'Empereur dans toutes ces circonstances.
L'Empereur a témoigné son mécontentement qu'on eût osé faire à Mayence une proclamation signée de son nom et qu'on a remplie de sottises. Elle est datée d'Olmutz, où l'Empereur n'a jamais été; et ce qu'il y a de plus surprenant, c'est qu'elle a été mise à l'ordre du jour de l'armée de Mayence. Quel que soit l'individu qui en est l'auteur, il sera puni selon toute la rigueur des lois. Est-il un plus grand crime dans un État civilisé que d'abuser du nom du souverain ?
L'empereur d'Autriche est toujours à Holics.
Un grand nombre de blessés sont guéris. L'armée est en meilleur état qu'elle n'a jamais été. Le prince Murat rend compte que sa cavalerie a presque doublé depuis la bataille d'Austerlitz. Tous les chevaux qui, par suite des marches forcées , étaient restés en route, sont rétablis et ont rejoint leurs corps. Plus de deux mille pièces de canon sont évacuées de l'arsenal de Vienne sur la France. L'Empereur a ordonné qu'il y aurait une salle au musée Napoléon destinée
à recevoir les choses curieuses qui ont été recueillies à
Vienne.
Il a fait rendre à la Bavière les canons et les drapeaux qui lui ont été pris en 1740. Les Bavarois faisaient alors cause commune avec la France; mais la France était gouvernée par un prêtre pusillanime.
Les peuples d'ltalie ont montré beaucoup d'énergie. L'Empereur a dit plusieurs fois : Pourquoi mes peuples d'Italie ne paraîtraient pas avec gloire sur la scène du monde ? Ils sont pleins d'esprit et de passion : dès lors il est facile de leur donner les qualités militaires. Les canonniers italiens de la garde royale se sont couvert de gloire à la bataille d'Austerlitz et ont mérité l'estime de tous les vieux canonniers français. La garde royale a toujours marché avec la garde impériale et a été partout digne d'elle.
Venise sera réunie au royaume d'Italie.
Les villes de Bologne et de Brescia sont toujours les premières à se distinguer par leur énergie; aussi l'Empereur, en recevant les adresses de ces villes, a-t-il dit : Je sais que les villes de Bologne et Brescia sono mie di cuore.
L'Empereur a fort approuvé les dispositions du prince Louis pour la défense de la Hollande, la bonne position qu'il a prise à Nimègue et les mesures qu'il a proposées pour garantir la frontière du nord.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Monsieur Talleyrand, dans la journée, je vais avoir une entrevue avec le prince Charles; ainsi, il est probable que dans la nuit il fera connaître à ces messieurs que je ne lui ai rien accordé. A l'article 3, je ne voudrais point de ces mots : S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche reconnaît S. M. l'empereur des Français comme roi d'Italie; mais je voudrais que cet article fût ainsi rédigé : S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, convient que, conformément à la déclaration qu'il a faite au moment où il a accepté la couronne d'Italie, etc. Vous sentez aisément qu'en faisant ce changement je veux n'avoir pas besoin qu'on reconnaisse ce que j'ai fait; comme dans le traité que j'aurai à faire avec la Russie, je n'accepterai point la reconnaissance qu'elle voudrait en faire.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au roi de Bavière
Monsieur mon Frère, je m'empresse d'instruire Votre Majesté que la paix a été conclue hier; que l'empereur d'Allemagne a cédé à Votre Majesté tout ce dont j'étais convenu avec elle. Elle trouvera ci-joint les articles qui la concernent. J'aurais peut-être obtenu davantage pour mes alliés; mais j'ai tout sacrifié au bien de la paix; un plus long séjour de mes troupes dans le pays aurait culbuté entièrement la monarchie autrichienne.
Indépendamment des articles déjà accordés à Votre Majesté, j'ai obtenu le Tyrol, Brixen et l'évêché de Trente ; mais je me suis engagé à obtenir d'elle la cession de la principauté de Würzburg, pour servir d'indemnité à l'électeur de Salzburg, dont l'électorat est réuni à la monarchie autrichienne. Il est, dans l'évêché de Trente, des positions nécessaires à mon royaume d'Italie; mais elles sont d'une très-petite population, et cela n'ira pas à plus de 6,000 âmes.
Ainsi, après une crise qui menaçait sa Maison de la destruction, elle en sort avec un nouveau lustre et un accroissement d'un tiers de puissance de plus. Si elle reste constamment fidèle au traité, recevra, dans d'autres circonstances, un nouvel accroissement. Je prie Votre Majesté de ne jamais douter de l'amitié que je lui porte.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au prince Joseph
Mon Frère, la paix a été signée à Presbourg, capitale de la Hongrie, ce matin , à quatre heures, entre M. de Talleyrand et M. le prince de Liechtenstein et le général Gyulai. Je vais avoir une entrevue avec le prince Charles. Je n'ai pas le temps de vous en écrire davantage. En fait de paix, il ne faut tirer le canon que lorsqu'elle est faite ; vous pouvez donc la faire annoncer par quarante coups de canon.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je vous annonce que la paix a été signée à Presbourg, capitale de la Hongrie, ce matin, à cinq heures, entre M. Talleyrand et MM. le prince de Liechtenstein et le général Gyulai. La ville de Venise et ses États, tels qu'ils ont été cédés au traité de Campo-Formio, font partie de mon royaume d'Italie. Vous pouvez annoncer cet article du traité à mon peuple d'Italie. Faites annoncer la signature du traité par une salve de soixante coups de canon.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au roi de Wurtemberg
Monsieur mon Frère, la paix a été signée hier. Votre Majesté trouvera ci-joint les articles qui la concernent. Je me trouve heureux d'avoir procuré un nouveau lustre à sa Maison, et de lui témoigner de cette manière tout l'intérêt et l'amitié que je lui porte.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
A l'électeur de Bade
Mon Frère, j'ai conclu la paix; j'ai obtenu pour Votre Altesse l'Ortenau, le Brisgau et toutes les possessions de la noblesse immédiate. Voilà la seconde fois que j'ai le plaisir de procurer à sa Maison un accroissement qui la met aujourd'hui au niveau des grandes puissances. Plus que personne, elle connaît l'intérêt que je porte à sa Maison, et j'espère qu'elle et ses enfants continueront d'avoir pour la France les sentiments qui nous ont depuis longtemps réunis.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
PROCLAMATION A L'ARMÉE
Soldats, la paix entre moi et l'empereur d'Autriche est signée. Vous avez dans cette arrière-saison fait deux campagnes; vous avez rempli tout ce que j'attendais de vous. Je vais partir pour me rendre dans ma capitale. J'ai accordé de l'avancement et des récompenses à ceux qui se sont le plus distingués. Je vous tiendrai tout ce je que vous ai promis. Vous avez vu votre Empereur partager avec vous vos périls et vos fatigues; je veux aussi que vous veniez le voir entouré de la grandeur et de la splendeur qui appartient au souverain du premier peuple de l'univers. Je donnerai une grande fête aux premiers jours de mai, à Paris; vous y serez tous, et après nous verrons où nous appelleront le bonheur de notre patrie et les intérêts de notre gloire.
Soldats, pendant ces trois mois qui vous seront nécessaires pour retourner en France, soyez le modèle de toutes les armées : ce ne sont plus des preuves de courage et d'intrépidité que vous êtes appelés à donner, mais d'une sévère discipline. Que mes alliés n'aient plus à se plaindre de votre passage, et, en arrivant sur ce territoire sacré, comportez-vous comme des enfants au milieu de leur famille; mon peuple se comportera avec vous comme il le doit envers ses héros et ses défenseurs.
Soldats, l'idée que je vous verrai tous avant six mois, rangés autour de mon palais, sourit à mon cœur, et j'éprouve d'avance les plus tendres émotions. Nous célébrerons la mémoire de ceux qui, dans ces deux campagnes, sont morts au champ d'honneur, et le monde nous verra tous prêts à imiter leur exemple, et à faire encore plus que nous n'avons fait, s'il le faut, contre ceux qui voudraient attaquer notre honneur ou qui se laisseraient séduire par l'or corrupteur des éternels ennemis du continent.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
PROCLAMATION AUX HABITANTS DE VIENNE
Habitants de la ville de Vienne, j'ai signé la paix avec l'empereur d'Autriche. Prêt à partir pour ma capitale, je veux que vous sachiez l'estime que je vous porte, et le contentement que j'ai de votre bonne conduite pendant le temps que vous avez été sous ma loi. Je vous ai donné un exemple inouï jusqu'à présent dans l'histoire des nations : 10,000 hommes de votre garde nationale sont restés armés, ont gardé vos portes; votre arsenal tout entier est demeuré en votre pouvoir, et, pendant ce temps-là, je courais les chances les plus hasardeuses de la guerre. Je me suis confié en vos sentiments d'honneur, de bonne foi, de loyauté : vous avez justifié ma confiance.
Habitants de Vienne, je sais que vous avez tous blâmé la guerre que des ministres vendus à l'Angleterre ont suscitée sur le continent. Votre souverain est éclairé sur les menées de ces ministres corrompus; il est livré tout entier aux grandes qualités qui le distinguent, et désormais j'espère pour vous et pour le continent des jours plus heureux.
Habitants de Vienne, je me suis peu montré parmi vous, non par dédain ou par un vain orgueil; mais je n'ai pas voulu distraire en vous aucun des sentiments que vous deviez au prince avec qui j'étais dans l'intention de faire une prompte paix. En vous quittant, recevez, comme un présent qui vous prouve mon estime, votre arsenal intact, que les lois de la guerre ont rendu ma propriété; servez-vous-en toujours pour le maintien de l'ordre. Tous les maux dont vous avez soufferts, attribuez-les aux malheurs inséparables guerre; et tous les ménagements que mon armée a apportés dans vos contrées, vous les devez à l'estime que vous avez méritée.
De mon camp impérial de Schönbrunn, 27 décembre 1805 (publié au Moniteur le 1er février 1806)
PROCLAMATION A L'ARMÉE
Soldats, depuis dix ans, j'ai tout fait pour sauver le roi de Naples : il a tout fait pour se perdre.
Après la bataille de Dego, de Mondovi, de Lodi, il ne pouvait m'opposer qu'une faible résistance. Je me fiai aux paroles de ce prince, et je fus généreux envers lui.
Lorsque la seconde coalition fut dissoute à Marengo, le roi de Naples, qui le premier avait commencé cette injuste guerre, abandonné à Lunéville par ses alliés, resta seul et sans défense. Il m'implora; je lui pardonnai une seconde fois.
Il y a peu de mois, vous étiez aux portes de Naples. J'avais d'assez légitimes raisons de suspecter la trahison qui se méditait et de venger les outrages qui m'avaient été faits. Je fus encore généreux. Je reconnus la neutralité de Naples; je vous ordonnai d'évacuer le royaume; et pour la troisième fois la Maison de Naples fut affermie et sauvée.
Pardonnerons-nous une quatrième fois ? Nous fierons-nous une quatrième fois à une cour sans foi, sans honneur, sans raison ? Non ! non ! La dynastie de Naples a cessé de régner; son existence est incompatible avec le repos de l'Europe et l'honneur de ma couronne.
Soldats, marchez, précipitez dans les flots, si tant est qu'ils vous attendent, ces débiles bataillons des tyrans des mers. Montrez au monde de quelle manière nous punissons les parjures. Ne tardez pas à m'apprendre que l'Italie tout entière est soumise à mes lois ou à celles de mes alliés; que le plus beau pays de la terre est affranchi du joug des hommes les plus perfides; que la sainteté des traités est vengée, et que les mânes de mes braves soldats égorgés dans les ports de Sicile à leur retour d'Égypte, après avoir échappé aux périls des naufrages, des déserts et des combats, sont enfin apaisés.
Soldats, mon frère marchera à votre tête; il connaît mes projets, il est le dépositaire de mon autorité, il a toute ma confiance; environnez-le de toute la vôtre.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, donnez ordre à M. Villemanzy de se rendre dans le Tyrol pour y prendre connaissance de la levée des contributions qui y a été faite, et des magasins, soit de sel, soit de tabac, qui y existent, appartenant à l'armée, afin de pouvoir en tirer parti au profit de l'armée. Donnez ordre à M. Petiet de voir les agents de Bavière, de Wurtemberg et de Bade; ils savent le pays qu'ils doivent avoir; il leur fera connaître que je n'accorderai l'évacuation de ces pays par mes troupes, et leur prise de possession, que lorsque les contributions seront payées; que, s'ils veulent se charger de les payer, il est probable que je me résoudrai à leur faire remettre sur-le-champ les pays qui doivent leur revenir. Il pourra faire, en conséquence, un traité pour le payement des contributions en lettres de change sur Paris, payables en trois mois.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, vous êtes autorisé à conclure une convention avec le général que nommera l'empereur d'Allemagne, pour l'exécution des dispositions portées dans l'article 23 du traité de paix, et notamment à déterminer, d'un commun accord, l'espèce et la nature des objets qui, appartenant à S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche, devront, en conséquence, rester à sa disposition, et convenir, soit de la vente au royaume d'Italie de l'artillerie impériale et des munitions, soit de leur échange contre une quantité d'artillerie ou d'objets de même ou d'autre nature qui seraient laissés par l'armée française dans les États héréditaires; c'est-à-dire qu'on laissera à Vienne et à Braunau la même quantité d'artillerie et de munitions que l'empereur d'Allemagne laissera à Venise.
Il sera tracé une route d'étapes de Vienne à Linz par la rive gauche du Danube, une autre route de Brünn à Linz en passant par Iglau, ce qui, avec la grande route de Vienne à Linz par la rive droite, formera les trois lignes d'évacuation de l'armée.
Le maréchal Augereau a reçu l'ordre de prendre ses cantonnements dans le pays de Darmstadt, où il attendra de nouveaux ordres et où il vivra par réquisitions, en délivrant des bons.
Le maréchal Ney se rend à Salzburg, où il restera jusqu'à nouvel ordre.
Le général de Wrede, du corps du maréchal Bernadotte, fait partir sur-le-champ une brigade de troupes bavaroises pour se rendre à Munich; cette brigade sera suivie de tout le reste des troupes bavaroises.
Les troupes de l'électeur de Wurtemberg ont reçu l'ordre de rétrograder de Linz sur Stuttgart;
Celles de l'électeur de Bade, de rétrograder de Braunau et Augsbourg sur Bade.
Les troupes bataves du corps du général Marmont ont l'ordre de se mettre en marche dimanche, 8 nivôse (29 décembre), pour se rendre en Hollande, prenant le chemin de la rive droite du Danube et passant par Ingolstadt et Mayence; cependant, avant de continuer leur route, elles attendront de nouveaux ordres à Ingolstadt.
Conformément aux articles séparés du traité, l'empereur d'Allemagne doit faire verser huit millions en argent au moment de la ratification du traité. Avant que les troupes françaises évacuent Presbourg, vous vous assurerez que cette somme est versée, et aussitôt vous la ferez mettre en route et conduire, sous bonne escorte, à Paris, pour être versée dans la caisse d'amortissement; si ladite somme est payée en traites, le sieur la Bouillerie l'adressera également au sieur Mollien.
Il doit aussi être versé quarante millions, en bons ou en lettres de change acceptées sur les places désignées dans les articles séparés, et payables aux époques déterminées.
Vous n'évacuerez Vienne que quand vous vous serez assuré que les dispositions ci-dessus sont exécutées et les traites remises au sieur la Bouillerie, receveur général.
On n'évacuera Graz que quand on saura que Venise est occupée par les troupes françaises, à l'époque déterminée par le traité; le reste sera évacué, jour par jour, comme il est stipulé audit traité.
On commencera à évacuer sur-le-champ, le plus possible, les blessés qui sont à Brünn et ceux qui sont à Vienne; on se servira, pour cette évacuation, des caissons de la compagnie Breidt.
Il sera expédié des ordres au général Marmont pour se rendre en Italie avec ses deux divisions françaises, et il prendra possession du Frioul et de la ligne de l'Isonzo.
La division aux ordres du général Dupont suivra immédiatement le mouvement des troupes bataves par la rive droite du Danube; mais, arrivée à Braunau, elle prendra la route de Munich.
Les grenadiers de la division Oudinot, à l'exception des bataillons des 9e, 13e et 81e de ligne, rentreront sous les ordres du maréchal Mortier; à cet effet, ils partiront de Vienne et prendront la route de Stockerau, Freystadt et Linz, où ils passeront le Danube et feront l'arrière-garde du maréchal Mortier.
La division de cuirassiers du général d'Hautpoul et celle de dragons du général Klein suivront le mouvement de la division de grenadiers.
Ces divisions de cavalerie marcheront à petites journées et prendront leurs cantonnements sur la ligne de défense de l'Enns, pour y attendre et y laisser expirer le temps de l'évacuation, de manière à ce qu'elles aient quinze à vingt jours de repos dans ces cantonnements.
La ville de Linz ne sera évacuée que lorsqu'on saura que l'Istrie et la Dalmatie ont été mises en notre pouvoir.
Le corps d'armée du maréchal Davout quittera Presbourg à l'époque déterminée, et suivra sa route par la rive droite du Danube jusque derrière l'Enns.
La division du général Caffarelli rentrera sous les ordres du maréchal Davout; mais, pour éviter qu'elle passe à Vienne, elle marchera directement sur Krems et traversera le Danube pour rejoindre le maréchal Davout.
L'état-major général de l'armée partira trois jours avant le corps du maréchal Soult.
Le général Nansouty se mettra en route pour prendre position derrière l'Enns, et se placera de manière à ne pas gêner le passage.
Le corps du maréchal Soult formera l'arrière-garde de toutes les troupes qui suivent la rive droite du Danube, et il évacuera Vienne au terme fixé par le traité, si les conditions sont remplies.
La brigade du général Milhaud se réunira à la cavalerie du maréchal Soult.
On se servira de tous les chevaux d'artillerie et de transport pour les évacuations successives.
La division du général Gazan évacuera par la route de la rive gauche du Danube, celle qui suit le plus près la rivière, sur Linz.
Les deux divisions françaises du maréchal Bernadotte évacueront sur Linz par la rive gauche, et pourront être placées entre les débouchés de l'Inn et de l'Enns, au moment où le maréchal Mortier occupera les cercles de l'Autriche sur la rive gauche du Danube.
La division de dragons du général Beaumont et celle du général Walther évacueront par la route de la rive gauche qui passe par Iglau.
Le maréchal Mortier, avec sa division, formera l'arrière-garde de tout ce qui passe par les deux routes de la rive gauche. On aura soin que les troupes qui marcheront par la rive gauche soient toujours une marche en avant par rapport au corps du maréchal Soult, qui marche par la rive droite.
Lorsque les troupes tiendront la ligne de l'Enns, on aura soin de tenir aussi sur la rive gauche toutes les provinces de l'Autriche qu'on n'est pas obligé d'évacuer.
Lorsqu'on sera assuré que la Dalmatie et l'Istrie sont évacuées les Autrichiens, on évacuera la ligne de l'Enns, pour prendre celle du Lech, où l'armée recevra des ordres pour l'évacuation ultérieure, ce qui dépendra des circonstances où se trouvera alors l'Europe.
On ne mettra les électeurs de Bavière et de Wurtemberg en possession des pays qui leur reviennent par le traité, que lorsque les contributions frappées sur ces pays auront été acquittées, soit en argent, soit en lettres de change, sans excepter les pays que doit occuper l'électeur de Bade dans le Brisgau et dans l'Ortenau; il n'en sera mis en possession que par un ordre particulier de l'Empereur.
Le 8e corps, aux ordres du maréchal Masséna, recevra l'ordre de retourner en Italie. Il mettra en marche tous ses dragons pour rejoindre l'armée de Naples, ainsi qu'une de ses trois divisions d'infanterie à son choix ; immédiatement après, le maréchal Masséna se rendra à l'armée de Naples, dont il prendra le commandement. Le général de brigade Mortières, à la tête des 9e, 13e et 81e bataillons de grenadiers, partira dimanche, 8 nivôse (29 décembre), pour se rendre en Italie, par Graz.
La division de cuirassiers aux ordres du général Pully prendra position du côté de Trévise et de Padoue. Toutes les autres troupes du corps d'armée du maréchal Masséna rentreront en Italie aux ordres du prince Eugène.
Toute la cavalerie française et italienne qui se trouve devant Venise, avec le général Partouneaux, deux régiments d'infanterie les plus forts, et la plus grande partie de l'artillerie de campagne, se mettront en marche pour renforcer l'armée de Naples.
Le général Molitor, avec trois régiments de sa division, prendra possession de la Dalmatie. Le général Duhesme, avec trois régiments de sa division, prendra possession de l'Istrie. Comme ces divisions ont quatre régiments, les deux régiments qui resteront se rendront à Venise, aux ordres du général Miollis, qui prendra possession de cette ville.
Toutes les troupes en Dalmatie, en Istrie, dans le pays de Venise et en Italie, seront sous les ordres du prince Eugène.
Dans tous les cas imprévus, le général Lauriston, commissaire pour prendre possession des nouveaux pays cédés en Italie, demandera les ordres du prince Eugène pour les arrangements avec l'Autriche.
L'intendant général de l'armée donnera des ordres pour assurer les subsistances sur toutes les lignes d'étapes, en raison de la quantité de troupes qui doit y passer, et il lui sera remis les états nécessaires.
Aussitôt après le départ de l'Empereur, le général Andréossy sera envoyé à Holics , afin de connaître le commissaire de l'empereur d'Allemagne qui doit traiter de tous les objets.
M. Talleyrand ne doit pas quitter Presbourg que ce commissaire ne soit nommé.
L'intendant général de l'armée, le général Songis, le général Marescot , ne quitteront Vienne qu'avec l'état-major général.
Le général Dumas sera envoyé en Dalmatie; il fera la reconnaissance de ce pays.
Le général Marescot sera envoyé à Venise, pour connaître la place et les moyens de défense.
Enfin le secrétaire d'État vous expédiera des pleins pouvoirs pour traiter de toutes les évacuations.
Le traité, les articles particuliers, vous seront remis. Vous communiquerez les dispositions du traité en ce qui concernera les diverses administrations de l'armée, mais vous tiendrez secrets les articles particuliers.
RÉSUMÉ
Le maréchal Ney évacuera sur Salzburg, et se nourrira dans cet électorat, tout le temps que l'armée mettra à passer l'Enns.
La division du général Dupont forme une avant-garde isolée, qui se rend sur-le-champ à Munich.
Le maréchal Davout forme la première ligne d'évacuation sur l'Enns, et le maréchal Soult forme la seconde ligne.
Le maréchal Bernadotte, avec ses divisions françaises, forme la première ligne d'évacuation sur la rive gauche ; le maréchal Mortier forme la seconde sur la même rive.
Si le maréchal Ney ne reçoit pas l'ordre de se diriger sur l'Italie, il évacuera sur Kufstein, sans passer ni à Munich ni à Augsbourg.
Quant au second mouvement d'évacuation, les maréchaux Davout et Soult passeront à Munich et à Augsbourg.
Le maréchal Bernadotte et le maréchal Mortier passeront à Ingolstadt, Neuburg, Bain et Donauwoerth.
Quant an troisième mouvement, cela dépendra de la direction définitive que l'on donnera aux troupes.
Le général Marmont et le maréchal Masséna rentrent en Italie.
Le général Lauriston est commissaire pour prendre possession de l'Istrie et de la Dalmatie, conformément à l'article 23 du traité.
Le général Andréossy est commissaire pour traiter avec les généraux autrichiens de tout ce qui est relatif à l'évacuation de l'Allemagne.
S. A. S. le prince Eugène est lieutenant de l'Empereur, commandant en chef l'armée d'Italie.
S. A. I. le prince Joseph est lieutenant de l'Empereur, commandant en chef l'armée de Naples.
Vous m'enverrez tous les jours un courrier, et vous recevrez également tous les jours mes ordres.
On a donné l'ordre au général Marmont qu'avec ses deux divisions françaises il prenne possession du Frioul et de la ligne de l'Isonzo, en attendant de nouveaux ordres; mais, avant de s'y rendre, lui ordonner d'occuper le comté de Goritz, Trieste et la Carniole, jusqu'à ce que la division française qui doit occuper la Dalmatie et l'Istrie en soit en possession. Par le traité de paix, les Autrichiens ont deux mois pour rendre la Dalmatie et l'Istrie; mais le moyen d'avoir ces deux provinces tout de suite, ce serait d'occuper Goritz, Trieste et la Carniole avec beaucoup de troupes, pendant les deux mois que nous avons pour évacuer cette partie, en disant aux autrichiens que nous évacuerions sur-le-champ ces pays qui leur tiennent tant à cœur, parce que cela gêne leur commerce, au moment où eux-mêmes évacueraient la Dalmatie et l'lstrie.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au général Dejean
J'ai destitué les commissaires des guerres G et Masséna. Écrivez à l'ordonnateur de faire connaître, par rapport détaillé, tout ce qui est à sa connaissance; c'est là son métier.
S'il est d'autres commissaires des guerres qui se soient mal comportés, il faut les destituer.
L'armée du Nord doit être entièrement nourrie, soldée, habillée par la Hollande. Écrivez au Grand Pensionnaire, et faites-lui sentir qu'au milieu des énormes dépenses que je suis obligé de faire, il faut que la Hollande m'aide.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
Au général Songis
Mon intention est que vous fassiez évacuer sur Palmanova cent pièces de canon de siège et cinquante pièces de canon de campagne, toutes en bronze. Vous les ferez partir en deux convois. Vous ferez partir en même temps leurs affûts. Vous disposerez à cet effet, pour chaque convoi, de 400 chevaux des parcs de Vienne. Vous enverrez un officier au général Marmont, pour qu'il prenne ces objets à Neutadt et les fasse conduire jusqu'à Cilli, où ils seront pris par des chevaux de l'armée du maréchal Masséna pour être conduits jusqu'à Palmanova.
Demain partira le premier convoi, et après-demain le second.
Au retour des 800 chevaux, qui doivent faire leur route en deux jours, vous ferez partir 12,000 fusils.
Après le transport de ces 12,000 fusils, vous ferez partir des mortiers, les fers coulés, les affûts, les divers ornements de pièces, etc.
Voous évacuerez ensuite des canons de fer, dont j'ai grand besoin pour armer les côtes de Venise et de la Dalmatie.
Enfin ces évacuations continueront pendant tout le temps que les Français seront ici.
Ainsi donc vous emploierez 800 chevaux, que vous prendrez dans le parc général on dans celui du maréchal Soult, pour établir des relais jusqu'à Neustadt. Marmont aura des relais à Neustadt, Graz et Marburg; ces relais seront de 300 chevaux chacun.
Vous ferez partir l'officier d'artillerie Pernety pour Budweis, afin d'évacuer tout ce qui s'y trouve et de le transporter sur Passau. Vous ferez transporter également tous les effets d'artillerie qui se trouvent à Iglau. Le maréchal Bernadotte aura ordre de faire faire ces transports jusqu'à Linz. Le général Eblé établira, à cet effet, les relais nécessaires.
Vous enverrez un chef de bataillon dans le Tyrol, pour prendre connaissance de tous les objets d'artillerie qui s'y trouvent et les faire évacuer sur l'Italie, en les dirigeant sur la tête du lac de Garde ou sur le premier point où l'Adige commence à porter bateau.
Je vous recommande de suivre exactement ces dispositions.
Schönbrunn, 27 décembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, j'ai reçu votre lettre et le traité.
J'ai vu ce soir le prince Charles. Nous avons causé, deux heures, militaire; après quoi il s'en est allé. Il n'a refusé qu'indirectement deux ou trois articles sur lesquels je n'ai fait que plaisanter. La Styrie est bien grande; vous me la faites évacuer bien vite, en dix jours. J'ai laissé tous mes pouvoirs au maréchal Berthier. Vous recevrez demain mes ratifications. Je pars dans la journée de demain. J'attendrai à Munich de savoir l'échange des ratifications. Adressez-y votre courrier. Demandez quelqu'un pour concerter avec le maréchal Berthier les détails de l'évacuation du pays. J'ai nommé Lauriston commissaire pour l'évacuation de Venise et de la Dalmatie. Restez à Vienne jusqu'à ce que le commissaire de l'empereur soit arrivé. J'ai laissé l'instruction au maréchal Berthier de ne point laisser évacuer Presbourg que les huit premiers millions ne soient payés, et la ville de Vienne que les quarante millions ne soient acquittés, soit en lettres de change, soit en bons.
Schönbrunn, 21 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, la paix est conclue, comme je vous l'ai déjà mandé par le dernier courrier. Je charge M. Maret de vous en adresser, pour vous seul, les conditions. J'ai nommé Lauriston mon commissaire pour l'occupation de Venise et de la Dalmatie. Berthier vous fera connaître toutes les dispositions que j'ai faites. Vous aurez en Italie sous vos ordres Marmont et Molitor. Chargez Miollis de l'occupation de Venise. Vous ne devez y aller que lorsqu'il n'y aura plus d'Autrichiens. Faites lever toutes les difficultés par Miollis et Lauriston. Écrivez-moi à Munich et à Paris par duplicata. Je fais évacuer cent cinquante pièces de canon sur Palmanova. Si Rapp est encore avec vous, qu'il vienne me joindre à Munich par le Tyrol.
Schönbrunn, 27 décembre 1805, 11 heures du soir
Au prince Eugène
Mon Cousin, vous êtes dans l'indépendance la plus parfaite du maréchal Masséna. Mettez la plus grande activité à vous faire informer de la quotité des contributions qui ont été levées dans toute l'étendue du pays vénitien, et faites-moi connaître l'usage qu'on en a fait. J'ai destitué les commissaires des guerres G et Masséna, dont mes sujets d'Italie avaient à se plaindre. Portez, dans la recherche des dilapidations qui auraient été commises, la plus grande surveillance et la plus grande rigidité.
Venise doit être réunie à mon royaume d'Italie. Il faut que le ministre des finances, M. Prina , parcoure le pays et me propose un projet d'organisation des finances à y établir ; il faut également prendre des mesures pour les monnaies et l'établissement des douanes. Enfin il est convenable que vous m'envoyiez un mémoire qui me fasse connaître à combien se montera le revenu du pays vénitien, en y établissant le même système de finances que dans le royaume d'Italie.
Munich, 31 décembre 1805
Au prince Joseph
Mon Frère, je suis arrivé à Munich. J'y resterai quelques jours pour recevoir la ratification de la paix et donner les derniers ordres relatifs à mon armée; après quoi je me rendrai à Paris.
Mon intention est de m'emparer du royaume de Naples. Le maréchal Masséna et le général Saint-Cyr sont en marche avec deux d'armée sur ce royaume. Je vous ai nommé mon lieutenant commandant en chef l'armée de Naples.
Partez quarante heures après la réception de cette lettre pour vous rendre à Rome; et que votre première dépêche m'apprenne votre entrée à Naples, que vous en avez chassé une cour perfide, et rangé cette portion de l'Italie sous nos lois.
Vous trouverez au quartier général de ladite armée vos instructions et les décrets relatifs à votre mission.
Vous prendrez l'uniforme de général de division. Le titre de mon lieutenant vous donne le commandement sur les maréchaux. Votre commandement ne s'étend pas au delà de l'armée et du territoire de Naples. Si ma présence n'était pas nécessaire à Paris , j'aurais marché en personne sur Naples; mais, avec les généraux que vous avez et les instructions que je vous donnerai, vous ferez ce que j'aurais pu faire. Ne dites pas où vous allez ; qu'on ne l'apprenne que par vos premières lettres de l'armée; n'en prévenez que l'archichancelier seul.
Munich, 31 décembre 1805
Au prince Joseph
Mon Frère, j'ai demandé la princesse Auguste, fille de l'électeur de Bavière, qui est une très-jolie personne, en mariage pour prince Eugène. Le mariage est arrêté. J'ai demandé une autre princesse pour Jérôme. Comme vous l'avez vu le dernier, faites-moi connaître si je puis compter que ce jeune homme fera ce que je voudrai. J'ai également arrangé un projet de mariage de votre fille aînée avec un petit prince qui deviendra un jour un grand prince. Comme ce dernier mariage n'aurait lieu que dans quelques mois, j'aurai le temps de vous en entretenir. Je vous charge de faire connaître de ma part à ma mère le mariage du prince Eugène avec la princesse Auguste. Je ne désire pas qu'on en dise rien publiquement.
Munich, 31 décembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, ce n'est pas l'Inn, mais l'Enns qui est la première ligne d'évacuation.
Faites mettre à l'ordre du jour ce qui suit :
"L'Empereur a passé la revue de la division Legrand. Il a été content de la belle tenue de cette division, et lui a témoigné sa satisfaction sur la bonne conduite que les bataillons qui la composent ont tenue à la bataille d'Austerlitz"
Le mariage entre le prince Eugène et la princesse Auguste de Bavière est arrêtée. La princesse m'a parue fort bien. Ce sera, j'espère, un joli couple. Je vous écrirai plus en détail demain.
Munich, 31 décembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je suis arrivé à Munich. J'ai arrangé votre mariage avec la princesse Auguste. Il a été publié. Ce matin, cette princesse m'a fait une visite, et je l'ai entretenue fort longtemps. Elle est très-jolie. Vous trouverez ci-joint son portrait sur une tasse, mais elle est beaucoup mieux.
Je recevrai demain la députation, qui est encore à Munich.