1 - 15 Novembre 1805
Ried, 2 novembre 1805
A l'électeur de Wurtemberg
Mon Frère, tout ce que je vous ai dit chez vous, je vois avec plaisir que je pourrai le réaliser. J'approuve fort que vous envoyiez un ministre près de moi. Il peut d'abord se rendre à Munich auprès de M. Talleyrand, qui devait passer à Stuttgart, mais qui, à vous le dire franchement, n'a pas attendu mes ordres pour venir me joindre. De là il peut se rendre à Braunau, où l'aide de camp que j'ai laissé à ce quartier général pourra lui donner des indication pour sa destination ultérieure. Je n'ai reçu encore aucune proposition de paix; cependant mes troupes ont passé l'Inn, la Salza et la Traun.
L'empereur d'Autriche était le 9-5 octobre à Wels. Il a été extrêmement peiné des nouvelles qu'il y a apprises de son armée et aussi des cris de ses peuples. Les Russes pillent, brûlent et bâtonnent d'une manière si effrénée que les peuples d'Autriche et de Bohême nous appellent à grands cris pour les délivrer de ces singuliers alliés. Nous avons pris leur arrière-garde et leur avons fait une centaine de prisonniers.
Dans les instructions que vous donnerez à votre ministre, il faut bien déterminer la portion des usages germaniques qu'il faut abolir, qui ne serviraient qu'à donner à l'Empereur un pouvoir qui n'a plus de compensation, puisqu'il n'offre plus de garantie : je veux dire d'abord la Cour aulique, une grande partie des attributions de la Diète de Ratisbonne, qui en vérité n'est plus qu'une misérable singerie. Je ne sais point quel parti prendra la cour de Vienne. Les événements d'Ulm ont été sus à Vienne extrêmement tard. Les lettres de Vienne du 28 octobre ne parlaient encore que du combat de Wertingen; mais aujourd'hui, que nous sommes à Wels, il n'est plus possible qu'on ignore les derniers événements; ce qui amènera une résolution.
J'ai appris avec plaisir que le prince électoral était arrivé. Un père est toujours père; je sens donc combien cet événement doit être agréable pour vous et votre famille. Du reste le prince électoral, qui peut être vif, a des talents et des connaissances; et, à vingt-deux ans, bien des choses sont permises qui ne le sont pas à plus de trente.
16e BULLETIN DE LA GRANDE
ARMÉE.
Le prince Murat a continué sa marche en poursuivant l'ennemi
l'épée dans les reins et est arrivé, le 9 (31 octobre) , en avant de Lambach. Les
généraux autrichiens, voyant que leurs troupes ne pouvaient
plus tenir, ont fait avancer huit bataillons russes pour
protéger leur retraite. Le 17e régiment d'infanterie de ligne,
le ler de chasseurs et le 8e de dragons chargèrent les Russes
avec impétuosité et, après une vive fusillade, les mirent en
désordre et les menèrent jusqu'à Lambach. On a fait 500
prisonniers, parmi lesquels sont une centaine de Russes.
Le 10, au matin, le prince Murat mande que le général Walther, avec sa division de cavalerie, a pris possession de Wels. La division de dragons du général Beaumont et la 1e division du corps d'armée du maréchal Davout, commandée par le général Bisson, ont pris position à Lambach. Le pont sur la Traun était coupé; le maréchal Davout y a fait substituer un pont de bateaux. L'ennemi a voulu défendre la rive gauche : le colonel Valterre, du 30e régiment, s'est jeté un des premiers dans un bateau et a passé la rivière. Le général Bisson, faisant ses dispositions de passage, a reçu une balle dans le bras.
Une autre division du corps du maréchal Davout est en avant de Lambach sur le chemin de Steyer. Le reste de son corps d'armée est sur les hauteurs de Lambach.
Le maréchal Soult arrivera ce soir à Wels.
Le maréchal Lannes arrivera ce soir à Linz.
Le général Marmont est en marche pour tourner la position de la rivière de l'Enns.
Le prince Murat se loue du colonel Conroux, commandant du 17e régiment d'infanterie de ligne. Les troupes ne sauraient montrer dans aucune circonstance plus d'impétuosité et de courage.
Au moment de son arrivée à Salzburg, le maréchal Bernadotte avait détaché le général Kellermann à la tête de son avant-garde pour poursuivre une colonne ennemie qui se retirait par le chemin de la Carinthie. Elle s'était mise à couvert derrière le fort de Lueg-Pass dans le défilé de Golling. Quelque forte que fût sa position, les carabiniers du 27e régiment d'infanterie légère l'attaquèrent avec impétuosité. Le général Werlé fit tourner le fort, par le capitaine Campocasso, par des chemins presque impraticables. 500 hommes, dont 3 officiers, ont été faits prisonniers. La colonne ennemie, forte de 3,000 hommes, a été éparpillée dans les sommités. On y a trouvé une si grande quantité d'armes qu'on espère ramasser encore beaucoup de prisonniers. Le général Kellermann donne des éloges à la conduite du chef de bataillon Dherbez-Latour. Le général Werlé a eu son habit criblé de balles.
Nos avant-postes mandent de Wels que l'empereur d'Allemagne y est arrivé le 25 octobre, qu'il y a appris le sort de son armée d'Ulm, et qu'il s'est convaincu par ses propres yeux des ravages affreux que les Russes font partout et de l'extrême mécontentement de se peuples. On assure qu'il est retourné à Vienne sans descendre de voiture.
La terre est couverte de neige. Les pluies ont cessé. Le froid a pris le dessus; il est assez vif. Ce n'est point un commencement de novembre, mais un mois de janvier. Ce temps plus sec a l'avantag d'être plus sain et plus favorable à la marche.
Haag près Wels, 2 novembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je pense qu'il est nécessaire de rappeler tôt mes commissaires des relations commerciales en Russie, en Suède et en Autriche, et que M. de Cobenzl vienne à Strasbourg pour être échangé contre M. de la Rochefoucauld. J'ai ordonné qu'on coure sur les pavillons suédois, autrichiens et russes. Faites mettre dans le Moniteur les articles patents du traité fait avec le roi de Naples; faites-les précéder d'un petit article qui portera que l'Empereur, considérant que la conquête du royaume de Naples ne ferait que mettre de nouveaux obstacles à la paix générale, a pris le parti de conclure le traité suivant, donnant en cela une nouvelle preuve è sa modération, etc.
Haag près Wels, 2 novembre 1805
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je ne sais pourquoi vous avez envoyé en Italie le commissaire des guerres Masséna : je vous l'avais défendu. Il s'est déjà très-mal conduit. Donnez-lui l'ordre de se rendre à Paris. Lorsqu'il y sera arrivé, demandez-lui la justification de sa conduite. Si M. Bérenger est encore sur les lieux, qu'il aille y faire un tour, qu'il vous rende compte du résultat de ses recherches. La manière de voler de ces Messieurs est toute simple. Ils font des réquisitions au nom de l'armée, s'entendent avec les municipalités, et donnent des reçus pour le rachat. C'est ainsi que le commissaire Masséna fait pour Modène. Faites une circulaire qui fasse connaître, sans nommer personne, que je suis instruit de ces menées. Faites-vous remettre l'état des réquisitions qui ont été faites et le nom des commissaires qui ont donné des reçus. Chargez un inspecteur aux revues ou un commissaire des guerres, honnête, de vous écrire confidentiellement; car il est impossible d'abandonner ainsi le royaume d'Italie à la dévastation des brigands. Deux ou trois exemples sévères remettront tout le monde dans le devoir.
Haag près Wels, 2 novembre 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, vous avez reçu l'ordre d'embarquer des hommes de l'artillerie de marine, au lieu de garnison; cela vous fait donc les 500 hommes qui vous sont nécessaires. La division de Lorient ne partira pas si vous ne lui écrivez deux fois par jour de partir; également les frégates de Flessingue. Les 11 vaisseaux de Brest ne partiront jamais, l'équinoxe de mars viendra, et ils ne pourront plus partir. Je ne conçois pas comment le ministre du trésor public ne vous donne pas les 300,000 francs de traites sur le cap de Bonne-Espérance. Que cela ne vous empêche pas de partir. Vous voyez le mal que fait Allemand; jugez de celui que feraient nos croisières si l'on voulait partir; mais on ne partira pas, tantôt pour une raison, tantôt pour une autre. J'imagine que M. Jérôme est parti. Je vous rends responsable de la conduite qu'on tiendra avec lui. Il faut qu'il soit maintenu rigoureusement dans son grade. J'espère que vous aurez écrit qu'il ne lui soit rendu aucun honneur à Brest : il ne lui est rien dû. Je suis fâché de la mauvaise santé de Ganteanme. Dites- lui que je l'aime, parce que je sais qu'il m'est attaché. S'il était absolument hors d'état de reprendre la mer de longtemps, on pourrait le faire rentrer au Conseil d'État.
Que rien n'arrête mes escadres; qu'elles partent. Je ne veux point que mon escadre reste à Cadix. Faites venir mes troupes par terre, et distribuez tous les vaisseaux en quatre ou cinq grosses croisières. Donnez des instructions à toutes mes escadres d'arrêter tous les vaisseaux russes, suédois, autrichiens. Donnez également des lettres de marque à nos corsaires contre les bâtiments de ces trois puissances. Faites mettre également le séquestre sur leurs bâtiments qui se trouveraient en France, et partout où j'ai des escadres. Je vous le répète : si mon escadre de Cadix peut sortir d'ici à nivôse pour remplir sa mission, bien; sans quoi, dispersez-la en croisière. Je puis m'occuper de ces objets; c'est à vous à faire que tout parte.
Haag près Wels, 2 novembre 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je prends des mesures pour arrêter le gaspillage à l'armée d'Italie et faire quelques exemples sévères. Je sais gré à M. de Brème de tenir ferme à son poste; il faut, avant tout, être homme d'État.
Vous aurez vu par les bulletins que je suis à Salzburg et à Linz. Quand vous lirez cette lettre, je serai à peu de journées de Vienne. L'armée russe est déjà entamée. Le froid est extrême pour la saison; la terre est couverte de neige.
Faites chanter un Te Deum dans toutes les églises du royaume des action de grâces des victoires que nous avons obtenues. Vous pourrez prendre votre temps au moment où les victoires de l'armée d'Italie seront plus caractérisées.
Je vous donne le pouvoir de faire la distribution des fonds aux ministres et de me suppléer en tout. Mes occupations deviennent trop considérables. Jusqu'à ce que je sois de retour à Paris, faites tout pour le mieux et comme vous l'entendrez.
J'ai reconnu la neutralité du roi de Naples et fait rappeler le corps du général Saint-Cyr, qui doit déjà être de retour.
Haag, 3 novembre 1805
Je suis en grande marche; le temps est très froid, la terre couverte d'un pied de neige. Cela est un peu rude. Il ne manque heureusement pas de bois-; nous sommes ici toujours dans les forêts. Je me porte assez bien. Mes affaires vont d'une manière satisfaisante; mes ennemis doivent avoir plus de soucis que moi.
Je désire avoir de tes nouvelles, et d'apprendre que tu es sans inquiétude.
Adieu, mon amie, je vais me coucher.
Camp impérial de Lambach, 3 novembre 1805
Au prince Murat
Je reçois votre lettre de Linz. Je passerai la nuit à Lambach. La caisse que vous avez trouvée appartient à l'armée, et je ne puis pas en disposer. Il n'y a point d'inconvénient à la faire verser dans la caisse du payeur de la cavalerie, pourvu que ce payeur en tienne compte au receveur général des contributions de l'armée. J'attends tous les renseignements que vous m'enverrez de Linz; il doit y en avoir beaucoup. Le maréchal Davout, avec son corps d'armée, sera ce soir à Kremsmünster, et demain à Steyer. Le général Marmont sera à Lambach. Je vous expédierai cette nuit une réponse à la lettre de l'Empereur.
A l'empereur d'Autriche
Monsieur mon Frère, l'entrée des Russes dans les États de Votre Majesté Impériale, l'entrée de son armée en Bavière, la lettre de M. de Cobenzl, par laquelle il était constant qu'on voulait m'obliger à recevoir la loi de l'Angleterre, ne m'ont pas laissé de choix sur le parti à prendre. Il m'a fallu, d'ailleurs, passer le Rhin pour repousser son armée déjà arrivée sur mes frontières. Cependant Votre Majesté pouvait, d'un mot, mettre un terme même à la guerre maritime. Assurée de ne pouvoir rallumer la guerre sur le continent, l'Angleterre eût senti la nécessité d'en revenir aux clauses du traité d'Amiens. Votre Majesté eût été le bienfaiteur du monde entier. Elle eût acquis des droits éternels à ma reconnaissance, à celle de mes peuples, et même de ceux d'Angleterre, qui sentent, aussi bien que les autres, le poids d'une longue guerre. Mais, quoi qu'il en soit, je suis prêt à oublier l'injustice de cette troisième agression, et à essayer encore si ce troisième traité tiendra davantage contre les intrigues et les efforts de l'Angleterre que les deux premiers. Par sa lettre, il paraît que Votre Majesté fait dépendre la paix d'une autre puissance. C'est à elle à voir si cette intervention étrangère est la plus propre à satisfaire ce que semble exiger le besoin de ses peuples, qui souffrent moins de la présence de mes armées que de celle des Russes.
Quel que soit le parti que prenne Votre Majesté, soit qu'elle négocie directement pour arriver à une prompte paix, soit qu'elle veuille attendre l'intervention d'autres puissances, ce qui retardera de beaucoup la conclusion, elle sentira qu'il est juste que je profite des chances qui m'ont été si favorables, et que les conditions de la paix m'offrent une garantie contre une quatrième coalition avec l'Angleterre. Il faut qu'il n'y ait plus entre nous aucun sujet de division, aucune chose qu'on puisse lui faire accroire que je désire avoir. C'est le moyen de ramener enfin , si cela est possible, Votre Majesté aux véritables idées que son ennemi naturel n'est point la France, qui n'a rien à lui envier.
Mon ambition est uniquement concentrée dans le rétablissement de mon commerce et de ma marine; et, oppressivement, l'Angleterre s'oppose à l'un et à l'autre.
Je remplis un dernier devoir envers Votre Majesté, et le titre, quoique ennemis, qu'elle et moi prenons dans notre correspondance, semble m'y autoriser. Qu'elle ne se dissimule pas l'extrême mécontentement de ses sujets pour cette troisième guerre. Que Votre Majesté, qui a tant de titres pour être heureuse, qui a tant vertus qui devraient la faire adorer de ses sujets, cesse de faire leur malheur et le sien propre.
Je prie Votre Majesté de ne voir dans la présente lettre rien qui ne lui soit désagréable, et de rester persuadée qu'elle a été écrite dans des sentiments tout contraires; car je regarderai comme heureuses pour moi toutes les circonstances qui me mettront à même de concilier la sûreté de mes peuples avec son amitié, à laquelle je la prie de permettre que je prétende encore, malgré le nombre et la puissance de mes ennemis auprès delle.
17e BULLETIN DE LA GRANDE
ARMÉE.
Aujourd'hui 12, le maréchal Davout a ses avant-postes prés de
Steyer. Le général Milhaud, avec la réserve de cavalerie aux
ordres du prince Murat, est entré à Linz le 10; le maréchal
Lannes y est arrivé le 12, avec son corps d'armée. On a trouvé
à Linz des magasins considérables dont on n'a pas encore
l'inventaire; beaucoup de malades dans les hôpitaux, parmi
lesquels une centaine de Russes. On a fait des prisonniers, dont
50 Russes.
Au combat de Lambach, il s'est trouvé deux pièces de canon russes parmi celles qui ont été prises; un général russe et un colonel de hussards autrichien ont été tués.
La blessure que le général Bisson, commandant la 1e division du corps d'armée du maréchal Davout, a reçue au bras est assez sérieuse pour l'empêcher de servir tout le reste de la campagne; il n'y a cependant aucun danger. L'Empereur a donné au général Caffarelli le commandement de sa division.
Depuis le passage de l'Inn, on a fait 15 à 1,800 prisonniers, tant autrichiens que russes, sans y comprendre les malades.
Le corps d'armée du général Marmont est parti de Lambach le 12 à midi.
L'Empereur a établi son quartier général à Lambach, où l'on croit qu'il passera toute la nuit du 12.
La saison continue à être rigoureuse. La terre est couverte de neige; le temps est très-froid.
On a trouvé à Lambach des magasins de sel pour plusieurs millions. On a trouvé dans la caisse de Linz plusieurs centaines de milliers de florins.
Les Russes ont tout dévasté à Wels, à Lambach et dans tous les villages environnants. Il y a des villages où ils ont tué huit ou dix paysans.
L'agitation et le désordre sont extrêmes à Vienne. On dit que l'empereur d'Autriche est établi au couvent des Bénédictins de Melk. Il paraît que le reste du mois de novembre verra des événements majeurs et d'une grande importance.
M. Lezay, ministre de France à Salzburg, a eu une audience de l'Empereur au moment où Sa Majesté partait de Braunau. Il n'avait pas cessé jusqu'alors de résider à Salzburg.
On n'a point de nouvelles de M. de la Rochefoucauld; on le croit toujours à Vienne. Au moment où l'armée autrichienne passait l'Inn, il demanda des passe-ports qu'on lui refusa.
Il est arrivé aujourd'hui plusieurs déserteurs russes.
Linz, 4 novembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, donnez l'ordre
an prince Murat de mettre à la disposition du capitaine de
frégate Lostange, qui est à votre état-major, tous les dragons
qui n'ont point de chevaux et qui font partie des divisions de
dragons Beaumont, Walther et Klein. Donnez également l'ordre au
maréchal Lannes de faire fournir au capitaine Lostange 50 hommes
de la division Oudinot, et 50 hommes par chacune des divisions
Suchet et Gazan. Chaque détachement de 50 hommes sera sous les
ordres d'un lieutenant, de deux sergents et de quatre caporaux,
fournis par la division, et les 150 hommes sous les ordres d'un
capitaine. Donnez également l'ordre au général Marmont de
fournir 100 hommes, pris dans chaque régiment de son corps
d'armée. Ces 100 hommes seront sous les ordres d'un capitaine et
d'un lieutenant. On choisira les hommes les plus fatigués,
éclopés et se faisant conduire sur les voitures. Ces hommes
seront destinés à être embarqués sur les bateaux qui doivent
descendre le Danube, que le capitaine de frégate Lostange
commandera. Vous
donnerez ordre à cet officier de faire ramasser tous les bateaux
qui sont sur la Traun et de les faire descendre à l'embouchure
de l'Enns dans le Danube, par Ebelsberg.
Je suis à Linz. Le temps est beau. Nous sommes à vingt-huit lieues de Vienne. Les Russes ne tiennent pas; ils sont en grande retraite. La Maison d'Autriche est fort embarrassée; à Vienne, on évacue tous les bagages de la Cour. Il est probable que d'ici à cinq on six jours il y aura du nouveau. Je désire bien te revoir. Ma santé est bonne.
Je t'embrasse
Linz, 5 novembre 1805
18e BULLETIN DE LA GRANDE
ARMÉE.
Le prince Murat ne perd pas l'ennemi de vue. L'ennemi avait
laissé dans Ebelsberg 3 ou 400 hommes pour retarder le passage
de la Traun; mais les dragons du général Walther se jetèrent
dans des bateaux, et, sous la protection de l'artillerie,
attaquèrent avec impétuosité la ville. Le lieutenant
Billaudel, du 13e régiment d, dragons, a passé le premier dans
une petite barque.
Le général Walther, après avoir passé le pont sur la Traun, se porta sur Enns. La brigade du général Milhaud rencontra l'ennemi au village d'Asten, le culbuta, le poursuivit jusque dans Enns, et lui fit 200 prisonniers, dont 50 hussards russes. Vingt hussard russes ont été tués. L'arrière-garde des troupes autrichiennes, soutenue par la cavalerie russe, a été partout culbutée; ni l'une ni l'autre n'ont tenu à aucune charge. Les 22e et 16e de chasseurs et leurs colonels Latour-Maubourg et Durosnel ont montré la plus grande intrépidité. L'aide de camp du prince Murat, Flahault, a eu une balle dans le bras.
Dans la journée du 13, nous avons passé l'Enns, et aujourd'hui le prince Murat est à la poursuite de l'ennemi. Le maréchal Davout est arrivé, le 12, à Steyer; le 13, dans la journée, il s'est emparé de la ville et a fait 200 prisonniers. L'ennemi paraissait vouloir se défendre. La division de dragons du général Beaumont a soutenu sa réputation. L'aide de camp du général Beaumont a été tué. L'un et l'autre des ponts sur l'Enns sont parfaitement rétablis.
Au combat de Lambach, le colonel autrichien de Graff et le colonel russe Golofkin ont été tués.
L'empereur d'Autriche, arrivé à Linz, a reçu des plaintes de la régence sur la mauvaise conduite des Russes, qui ne se sont pas contentés de piller, mais encore ont assommé à coups de bâton les paysans, ce qui avait rendu déserts un grand nombre de villages. L'empereur a paru très-affligé de ces excès, et a dit qu'il ne pouvait répondre des troupes russes comme des siennes et qu'il fallait souffrir patiemment; ce qui n'a pas consolé les habitants.
On a trouvé à Linz beaucoup de magasins et une grande quantité de draps et de capotes dans les manufactures impériales.
Le général Deroy, à la tête d'un corps de Bavarois, a rencontré à Lofer l'avant-garde d'une colonne de cinq régiments autrichiens venant d'Italie, l'a complètement battue, lui a fait 100 prisonniers et pris trois pièces de canon. Les Bavarois se sont battus avec la plus grande opiniâtreté et avec une extrême bravoure. Le général Deroy lui-même a été blessé d'un coup de pistolet.
Ces petits combats donnent lieu à un grand nombre de traits de courage, de la part des officiers en particulier.
Le major général s'occupe d'une relation détaillée où chacun aura la part de gloire qu'aura méritée son courage.
L'Enns peut être considérée comme la dernière ligne qui défend les approches de Vienne. On prétend que l'ennemi veut tenir et se retrancher derrière les hauteurs de Saint-Poelten, à dix lieues de Vienne. Notre avant-garde y sera demain.
Linz, 6 novembre 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 5 brumaire (27 octobre) et celle du Conseil d'État. Je vous prie de lui faire mes remerciements de tout ce qu'elle contient d'aimable. Nous sommes à peu de journées de Vienne. Nous n'avons encore atteint les Russes que faiblement; quelque vite que nous marchions, ils se retirent encore plus vite. Le pays est extrêmement mécontent d'eux. Dans le fait, ils ne sont pas aimables : ils ne se contentent pas de piller, ils brûlent et tuent.
Linz, 6 novembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je pense qu'il faut écrire à M. Vial pour qu'il tienne la main à ce que les officiers qui seront mis à la tête des cercles et des contingents des cantons soient des hommes sages et attachés à la France, et que ceux qui seraient connus pour avoir des dispositions contraires ne soient pas employés.
Linz, 6 novembre 1805
Au prince Murat
Vous m'avez laissé toute la journée d'hier sans nouvelles, et je n'apprends qu'à huit heures du matin l'engagement que vous avez eu hier. Il faut m'écrire deux et trois fois par jour. Si j'avais su que l'ennemi était là, j'aurais fait mes dispositions sur-le-champ. Serrez la division Suchet aux grenadiers, et faites que ces divisions se touchent et marchent toujours ensemble. Il n'y a point de chemin. Le maréchal Soult est obligé de venir sur la grande chaussée. Il faut donc se serrer, afin que la queue puisse venir an secours de la tête .L'officier que vous m'avez envoyé est si bête qu'il n'a pu rien m'expliquer, et votre lettre ne donne non plus aucun renseignement, de sorte qu'on ne sait pas si l'ennemi a battu en retraite, s'i1 a pris position, le nombre de pièces d'artillerie, et la partie de la division Oudinot qui a donné.
Il paraît que les chevaux de poste sont harassés. Il faut, à chaque trois lieues, laisser un piquet de cavalerie légère, de six hommes, lequel portera vos lettres, ce qui fera que votre correspondance passera très-rapidement.
Schönbrunn, 6 novembre 1805
Note pour le ministre de 1'intérieur
Les travaux du Louvre donnent lieu à une question qu'il faut décider. On demande quel est l'ordre d'architecture qu'on suivra. Les architectes voudraient adopter un seul ordre, et, dit-on, tout changer. L'économie, le bon sens et le bon goût sont d'un avis très différent; il faut laisser à chacune des parties qui existent le caractère de son siècle, et adopter pour les nouveaux travaux le genre le plus économique. Il est en même temps très important de régler l'ordre des travaux et de prescrire qu'on s'occupera d'abord et uniquement de ce qui est indispensable pour mettre le Louvre en état de recevoir la Bibliothèque; les choses d'art et d'ornement viendront ensuite.
Linz, 6 novembre 1805
A M. Portalis
En plaçant, Monsieur, sous les yeux de Sa Majesté, votre travail du 24 vendémiaire, elle a remarqué un rapport par lequel Votre Excellence propose d'approuver la dédicace à saint Napoléon de l'un des autels de la Croix, de Nice. Il n'y a nul doute, Monsieur, que le vu des chanoines chargés de l'entretien de cette chapelle ne soit agréable à Sa Majesté; mais l'Empereur n'a pas pensé qu'il convînt que son autorité intervînt en aucune façon dans cette affaire; la vôtre est assurément très-suffisante, et vous pouvez être persuadé que, dans cette circonstance comme dans toute autre, l'usage que vous en faites ne peut donner lieu à aucune observation.
Le secrétaire d'État, par ordre de l'Empereur.
Linz, 6 novembre 1805
19e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.
Le combat de Lofer a été très-brillant pour les Bavarois. Les Autrichiens occupaient au delà de Lofer un défilé presque inaccessible, flanqué à droite et à gauche par des montagnes à pic. Le couronnement était rempli par ces chasseurs tyroliens qui en connaissent tous les sentiers. Trois forts en maçonnerie, fermant les montagnes, en rendent l'accès presque impossible. Après une vive résistance, les Bavarois culbutèrent tout, firent 600 prisonniers, prirent deux pièces de canon et s'emparèrent de tous les forts. Mais à l'attaque du dernier, le lieutenant général Deroy, commandant en chef l'armée bavaroise, fût blessé d'un coup de pistolet. Les Bavarois ont eu 12 officiers tués ou blessés, 50 soldats tués et 250 blessés. La conduite du lieutenant général Deroy mérite les plus grands éloges; c'est un vieil officier plein d'honneur, extrêmement attaché à l'Electeur, dont il est l'ami.
Tous les moments ont été tellement occupés que l'Empereur n'a pu encore passer en revue l'armée bavaroise ni connaître les braves qui la composent.
Le prince Murat, après la prise d'Enns, poursuivit de nouveau l'ennemi. L'armée russe avait pris position sur les hauteurs d'Amstetten. Le prince Murat l'a attaquée avec les grenadiers du général Oudinot. Le combat a été assez opiniâtre. Les Russes ont été dépostés (sic)de toutes leurs positions, ont laissé 400 morts sur le champ de bataille et 1,500 prisonniers. Le prince Murat se loue particulièrement du général Oudinot; son aide de camp Lagrange a été blessé.
Le maréchal Davout, au passage de l'Enns à Steyer, se loue spécialement de la conduite du général Heudelet, qui commande son avant-garde. Il a continué sa marche et s'est porté à Waidhofen.
Toutes les lettres interceptées portent que les meubles de la Cour sont déjà embarqués sur le Danube et qu'on s'attend à Vienne à la prochaine arrivée des Français.
Linz, 7 novembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, depuis deux jours ou n'a éprouvé ici que la mauvaise volonté des agents que l'empereur a placés pour l'administration de la ville.
Voici les mesures qu'il est nécessaire de prendre : 1° que ceux qui auraient pillé des magasins, ou, sous prétexte d'achats, auraient tiré des effets des magasins les huit derniers jours qui ont précédé l'arrivée des Français, soient tenus de les rapporter sur-le-champ dans les magasins militaires; 2° que la ville fournisse chaque jour, à point nommé, sous peine d'exécution militaire, 25,000 rations de pain; 3° que l'on prenne tous les cuirs et souliers qu'on peut trouver dans les magasins militaires et particuliers, ainsi que tous les draps propre à faire des capotes, en donnant des bons.
Je désire trouver ici du cuir pour une soixantaine de milliers de paires de souliers, du drap pour autant de capotes, et du drap fin pour quatre mille capotes d'officiers, que je donnerai en gratification aux officiers.
Il faut se servir de la Régence, si elle veut s'y prêter, sinon s'adresser directement aux magasins de la ville, en employant des soldats de la ville, mêlés à des gendarmes et à des soldats français pour faire des visites domiciliaires.
Vous adresserez cet ordre à M. Daru, qui restera ici, et au commandant de la place, en leur faisant connaître que mon intention est qu'ils fassent partir, tous les jours, 20,000 rations de pain, 20,000 d'eau-de-vie par le Danube pour rejoindre l'armée.
Les soldats qui font la police de la ville seront mis en activité, on exigera serment des chefs de ne rien faire contre mon service. Il sera facile au commandant d'armes de trouver dans ces soldats quelques espions qui le mettent au fait des localités.
Il faut tirer tout ce qui sera possible de la ville pour la réorganisation et le bien-être de l'armée. On donnera des bons sur lesquels on payera par la suite; et, avec cette formalité, on pourra prendre dans les magasins et propriétés particulières. On fera également la recherche de tous les plombs et poudres qui pourront se trouver dans les magasins particuliers.
Linz, 7 novembre 1805, 11 heures du soir.
Au prince Murat
Je ne sais où vous avez été chercher que j'ai été mécontent du combat d'Amstetten; je l'ai été de ce que vous ne m'aviez pas écrit.
Il faut prendre des mesures, car dans une affaire pressée vous perdriez bien du temps. Je peux être parti , mais j'attends cette nuit l'électeur de Bavière.
Recommandez aux maréchaux Lannes et Davout de ramasser le plus de bateaux possible. Les ordres que j'ai donnés ce matin sont-ils exécutés ?
Le maréchal Mortier, qui est sur la rive gauche du Danube, va s'élever à votre hauteur avec les divisions Klein et Gazan, et sera joint demain par la division Dupont et la division batave; il a emmené 14 bateaux avec lui; mais il m'en faut 3 ou 400 pour qu'il n'y ait point de Danube et que je puisse le passer promptement. Les Russes, qui ne s'attendent pas à cette manuvre, pourront en être les victimes, puisqu'ils croiront n'avoir à faire qu'au maréchal Mortier, et que je pourrai leur en mettre un plus considérable sur le corps.
Je désire beaucoup que votre manuvre pour enlever l'artillerie et les bagages réussisse.
Je vous rejoindrai aussitôt que possible. Le maréchal Davout a décidément pris la route de Lilienfeld, d'où il aura une grande chaussée qui le mènera droit à Vienne; mais je compte qu'il n'arrivera à Lilienfeld que demain soir. L'ennemi se trouvera alors débordé et tourné par sa gauche.
J'espère que le général Klein parviendra à prendre un ramassis de 2,000 recrues sur la rive gauche, qui m'ont surpris 20 dragons il y a huit jours; 2 ou 300 dragons qui arriveront dessus leur feront poser les armes; ce sont des recrues qui ont trois semaines et qui ne sont pas même habillées.
J'ai reçu une lettre de la princesse Caroline, qui jouit de tous les honneurs du gouverneur de Paris et qui m'en parait très-satisfaite.
Linz, 7 novembre 1805, 11 heures du soir
Au maréchal Marmont
Mon Cousin , je vous ai écrit de tâcher de vous aider pour vous nourrir par la rive gauche. Mais je vous expédie 220,000 rations de pain qui m'arrivent de Passau par le Danube, sur quatorze barques, et qui probablement demain seront à votre hauteur. Je vous ai fait dire que le maréchal Mortier opérait sur la rive gauche. Serrez-vous le plus que vous pourrez au maréchal Lannes, puisque la fatalité du pays veut que nous ne fassions qu'une seule colonne; au moins serrez-vous le plus possible, afin que, de la tête à la queue, vous puissiez vous secourir.
Linz, 7 novembre 1805
20e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.
Le combat d'Amstetten a fait beaucoup d'honneur à la cavalerie, et particulièrement aux 9e et 10e régiments de hussards et aux grenadiers de la division du général Oudinot.
Les Russes ont depuis accéléré leur retraite; ils ont en vain coupé les ponts sur l'Ips (Ybbs), qui ont été promptement rétablis, et le prince Murat est arrivé jusqu'auprès de l'abbaye de Melk.
Une reconnaissance s'est portée sur la Bohême. Nous avons pris des magasins très-considérables, soit à Freystadt, soit à Mauthausen. Le maréchal Mortier, avec un corps d'armée, manuvre sur la rive gauche du Danube.
Une députation du Sénat vient d'arriver à Linz; l'électeur de Bavière y est attendu dans deux heures.
(Linz, 8 novembre 1805)
L'électeur de Bavière et le prince électoral sont arrivés hier soir à Linz. Le lieutenant général comte Gyulai, envoyé par l'empereur d'Autriche, y est arrivé dans la nuit. Il a eu une très-longue conférence avec l'Empereur. On ignore l'objet de sa mission.
On a fait au combat d'Amstetten 1,800 prisonniers , dont 700 Russes.
Le prince Murat a établi son quartier général à l'abbaye de Melk Ses avant-postes sont sur Saint-Poelten (Saint-Hippolyte).
Dans la journée du 17, le général Marmont s'est dirigé sur Leoben. Arrivé à Weyer, il a rencontré le régiment de Gyulai, l'a chargé et lui a fait 400 prisonniers, dont un colonel et plusieurs officiers; il a poursuivi sa route. Toutes les colonnes de l'armée sont en grande manuvre.
Linz, 7 novembre 1805
ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL - ORDRE DU JOUR
Il se commet les désordres les plus affreux en arrière de l'armée par des traînards qui, non contents de quitter leurs drapeaux, se déshonorent par toutes sortes d'excès, et il est temps d'y mettre un terme.
L'Empereur ordonne au général français commandant à Stuttgart de faire faire des patrouilles par les troupes de l'Electeur de Wurtemberg et celles de l'Électeur de Bade; de faire arrêter les hommes isolés qui ne seront pas munis de feuilles de route ou d'ordres ; de faire mettre en prison ceux qui auraient commis des excès et de faire traduire devant une commission militaire ceux qui seraient coupables de crimes.
Il est ordonné au commandant d'Ulm d'envoyer une douzaine de patrouilles pour le même objet et qui battront continuellement la campagne.
Les patrouilles de Wurtemberg comprendront tout le pays entre le Tyrol et le Danube et la Mindel, qui passe à Mindelheim.
Ces patrouilles feront rejoindre tous les hommes isolés à leurs drapeaux ; ils y renverront également les hommes qui sont mis en sauvegarde sans autorisation régulière.
Le général commandant à Augsburg tiendra également en campagne une quinzaine de patrouilles dans le pays compris entre le Lech, le Danube et la Mindel, et dans le pays compris entre Augsburg, Aichaclhet Ingolstadt.
Le général commandant à Ingolstadt fera égaleraient faire des patrouilles entre Neustadt et Pfaffhofen. Les baillis bavarois, les commandants des forces militaires de l'Electeur de Bavière feront aussi arrêter tous les hommes isolés qui se comporteraient mal et les feront conduire aux généraux qui commandent, soit à Passau, soit à Braunau, soit à Ingolstadt.
Le général commandant de Braunau enverra des patrouilles sur tous les rayons, à 5 et 6 lieues de cette place, afin de bien battre la province et faire arrêter les hommes isolés, ainsi q'il est dit ci-dessus : il traduira à une comniission militaire les hommes qui se seraient rendus coupables de crimes.
Il est ordonné au commandant de Spire de precrire à tous les détachements et à tout militaire ou employé muni d'ordre ou de passeport en règle, de suivre la route de l'armée, par Bruchsal, Eppingen, Heilbronn, Öhringen, Hall, Ellwangen, Nördlingen, Donauwörth, Elchingen, Augsburg, Schwabhausen, Freising; Landshut, Vilsbiburg, Eggenfelden, Braunau, Ried, Lambach et Linz.
Tout individu convaincu d'avoir enlevé de force des chevaux et particulièrement des chevaux de poste sera arrêté.
L'Empereur met sous la sauvegarde de l'armée française toutes les postes aux chevaux des pays qu'elle occupe. Il exempte les maîtres de poste de tout logement militaire quelconque et de toute réquisition de fourrages.
Il ordonne qu'il soit placé dans chaque poste, depuis Spire jusqu'au quartier-général, un gendarme comme sauvegarde. A mesure que les corps de la Grande Armée avanceront dans le pays ennemi, les généraux commandants d'avant-gardes placeront des sauvegardes dans les maisons de poste.
MM. les maréchaux et généraux commandant les corps d'armée ordonneront aux généraux de division de faire passer une revue des chevaux attelés aux voitures, de renvoyer les chevaux de poste qui auront pu être requis ; on ne peut plus correspondre avec la France, beaucoup d'individus ayant gardé des chevaux de poste pendant plus de 30 lieues. Il est défendu à quelque personne que ce soit de faire ppasser les chevaux de poste au delà de leur relai ordinaire.
Plusieurs agents des administrations suivent la marche des colonnes en voiture, tandis que, d'après le règlement, ils devraient le faire à cheval, ce qui encombre les chemins.
L'Empereur a vu plusieurs femmes en voiture, suivant l'armée; il ordonne de leur faire passer sur-le-champ l'Inn.
MM. les baillis des différents Etats qui auraient des plaintes à porter contre des individus de l'armée doivent s'adresser aux généraux francais commandant à Stuttgart, Augsburg, Ingolstadt, Munich, Braunau t Linz, pour les baillages qui avoisinent ces commandements.
(Picard)
Linz, 8 novembre 1805
A l'empereur d'Autriche
Monsieur mon Frère, le lieutenant général comte Gyulai m'a remis la lettre de Votre Majesté Impériale. Qu'elle permette que je la remercie de tous les bons sentiments qu'elle contient pour moi. J'ose le dire à Votre Majesté, les ennemis des deux nations n'ont pu parvenir à rallumer le flambeau de la guerre qu'en calomniant mes intentions. C'était la seule marche que pouvait suivre l'Angleterre pour arriver à son but d'être encore longtemps l'arbitre absolu des mers et du commerce du monde. Il ne m'appartient pas de juger ce que Votre Majesté doit faire dans sa situation; mais je vois avec quelque peine que Votre Majesté s'en rapporte à l'empereur de Russie, qui n'a point dans nos querelles le même intérêt qu'elle et moi, puisque la sûreté et le bien-être de ses peuples ne dépendent pas des événements actuels. Cette guerre n'est pour la Russie qu'une guerre de fantaisie; elle est pour Votre Majesté et pour moi une guerre qui absorbe tous nos moyens, tous nos sentiments, toutes nos facultés. Je ne puis que réitérer à Votre Majesté ce que j'ai dit à M. le comte Gyulai en grand détail : je désire la paix, et je regarderai comme un moment fortuné celui où Votre Majesté n'écoutera que l'intérêt de sa couronne et le bien de ses peuples, et non le vu d'une puissance qui se trouve dans une position si différente. Ce n'est pas que je veuille entacher en rien le caractère personnel de l'empereur Alexandre. Je connais trop toute l'étendue de la trame dont il est entouré depuis trois ans, pour mètre étonné que ses intentions, bonnes et bienfaisantes, aient cependant produit un effet tout contraire. Il voulait être le pacificateur et le bienfaiteur de l'Europe , et ses intermédiaires l'ont rendu le boute-feu et le principal moteur de la discorde du continent. J'ai eu personnellement beaucoup de relations avec l'empereur Alexandre, et ces relations ont laissé dans mon cur des traces de sa bonté et de ses belles qualités. Aujourd'hui, jeune, il acquerra plus d'expérience, et il réalisera tout le bien qu'il veut à l'Europe et au genre humain. J'espère qu'alors il rendra plus de justice à mes sentiments et à la franchise de l'amitié que je lui ai montrée dans toutes nos communications. Mais, jusqu'à ce que cet instant soit arrivé, faut-il que les peuples d'Allemagne et de France soient livrés à toutes les incertitudes et à toutes les angoisses de la guerre ? M. le comte Gyulai ne s'est pas cru autorisé à rien conclure pour une suspension d'armes. Il dira à Votre Majesté combien je suis disposé à en finir très-promptement, mais aussi combien je crains les délais et les intrigues dont j'ai éprouvé toute l'amertume dans les circonstances passées. Tous les objets qui peuvent nous diviser sont si communs à nos ministres qu'ils peuvent les terminer en peu d'instants. Mais quelle que soit la tournure que les circonstances compliquées et difficiles où nous nous trouvons donneront à ces premières ouvertures, je prie Votre Majesté de ne pas douter du plaisir que j'ai de lui être agréable, et d'être bien convaincue que mon véritable penchant, comme ma volonté la plus déterminée, est de contribuer au bonheur de ses peuples et à son bonheur particulier, en les conciliant toutefois avec ce que je dois au bien-être de mes peuples.
Linz, 8 novembre 1805, 8 heures du soir
Au prince Murat
M. le général Gyulai retourne à Vienne; il doit revenir. Je désire que vous favorisiez son passage autant qu'il vous sera possible. Je serai demain dans la journée à Melk; faites-y préparer mon quartier général. Faites-y mettre mes chevaux et mes 400 hommes de Garde qui doivent vous avoir joint. Poussez vos postes jusqu'au bas de la forêt de Vienne, en supposant que l'ennemi ne vous oppose pas trop forte résistance. Tenez-vous en mesure et en masse. Serrez Soult contre vous. Bernadotte sera demain à Amstetten. Envoyez-moi de vos nouvelles. L'électeur de Bavière est ici, ce qui m'a donné beaucoup d'occupation. Il est probable que si les Russes ont repassé le Danube, c'est qu'ils ont appris le passage du maréchal Mortier, ce qui les porte à couvrir Vienne sur la rive gauche. Tâchez de ramasser le plus de Russes que vous pourrez. Je les vois arriver avec grand plaisir; il y en a déjà 5 à 600. Il en est cependant arrivé fort peu jusqu'ici.
Le maréchal Davout arrive demain à Lilienfeld. Il poussera des reconnaissances sur Saint-Poelten. Envoyez à sa rencontre des reconnaissances. Instruisez-le de ce que fait l'ennemi.
Linz, 8 novembre 1805
DÉCRET.
ARTICLE 1er. - Il sera
formé une armée du Nord, composée de six divisions : deux
divisions se réuniront à Anvers; deux autres divisions seront
composées des troupes de l'avant-garde du corps de réserve de
Mayence et de l'avant-garde du corps de réserve de Strasbourg.
La division de Mayence se réunira à Juliers, et celle de
Strasbourg dans cette ville.
Les deux autres divisions seront formées de toutes les troupes
françaises et bataves qui se trouvent en Batavie et se
réuniront à .......
ART. 2. - Le connétable de l'Empire aura le commandement de
cette armée.
ART. 3. - Les deux divisions qui se réunissent à Anvers seront
composées ainsi qu'il suit, savoir :
La 1e division, du 21e régiment d'infanterie légère, du 65e
régiment de ligne, du 72e de ligne, d'un des régiments de la
garde municipale de Paris;
La 2e division, d'un bataillon formé de six compagnies
complétées chacune à 100 hommes, du 2e régiment d'infanterie
légère; d'un bataillon de six compagnies complétées chacune
à 100 hommes, du 12e régiment d'infanterie légère; du corps
des grenadiers de la réserve de Rennes (les grenadiers de la
réserve de Rennes se rendront d'abord à Évreux, où ils
séjourneront; le connétable les passera en revue, et ils n'en
partiront que dans le cas où leur présence serait jugée
nécessaire à Anvers) ; du 22e régiment de ligne; d'un des
régiments de ligne italiens, qui sont à Boulogne.
La division dite de l'avant-garde de la réserve de Mayence,
réunie à Juliers, sera composée au moins de neuf bataillons;
chaque bataillon composé de deux demi-bataillons, et chaque
demi-bataillon formé de trois compagnies complétées chacune à
100 hommes, savoir : de la compagnie de grenadiers et de deux
autres compagnies de fusiliers de chacun des 3e bataillons qui
forment la réserve de Mayence.
Les nouveaux bataillons composant la division dite l'avant-garde
de la réserve de Mayence continueront, quant à
l'administration, à faire partie de leurs 3e bataillons, leur
réunion n'étant considérée que comme détachement de guerre.
M. le maréchal Lefebvre choisira neuf chefs de bataillon et neuf
adjudants-majors, ayant soin de ne pas prendre les chefs de
bataillon et les adjudants-majors dans le même bataillon.
Cependant tous les 3e bataillons qui pourraient fournir quatre
compagnies de 100 hommes chacune, y compris la compagnie de
grenadiers, formeraient un seul bataillon de quatre compagnies de
400 hommes.
ART. 4. - La division dite avant-garde de la réserve de
Strasbourg sera formée dans cette ville et de la même manière
que celle de la réserve de Mayence, ainsi qu'il est dit dans
l'article ci-dessus.
ART. 5. - Le 20e régiment de chasseurs se rendra à Juliers pour
y faire partie de la division dite avant-garde de la réserve de
Mayence.
ART. 6. - Le général de division Michaud, commandant en
Batavie, formera deux divisions de toutes les troupes françaises
et bataves qui se trouvent en Batavie.
ART. 7. - Il y aura à chaque division huit pièces d'artillerie
attelées et avec double approvisionnement; il y aura une
réserve pièces d'artillerie par deux divisions. Douai et
Boulogne foui le matériel et le personnel pour les deux
divisions d'Anvers; directions de Strasbourg et de Mayence
fourniront le matériel et le personnel pour les deux divisions
dites d'avant-garde des réserves.
ART. 8. - Indépendamment de l'artillerie fournie par la France,
la Batavie fournira l'artillerie des deux divisions de Batavie,
ainsi que toutes les munitions des parcs de réserve des six
divisions.
ART. 9. - Tous les corps qui doivent former les deux divisions
d'Anvers partiront douze heures après la réception de l'ordre
qui leur sera adressé, et ces ordres seront expédiés et
partiront immédiatement après la réception du présent
décret.
Les divisions dites d'avant-garde des réserves seront réunies
et prêtes à partir, savoir : celle de Strasbourg, le 22
brumaire(13
novembre), et celle de
Mayence, réunie et prête à partir de Juliers, le 25.
ART. 10. - Le général Collot commandera les deux divisions
d'Anvers; le général Lagrange commandera, sous ses ordres, la
première division; et le général Clauzel, la seconde.
Les deux généraux de brigade de chaque division seront
désignés par le connétable, sur la proposition du général
Collot.
Les deux généraux de division et les quatre généraux de
brigades qui devront être employés aux deux divisions dites
avant-gardes des réserves de Mayence et de Strasbourg seront
nommés par le connétable, sur la proposition des maréchaux
Kellermann et Lefebvre.
ART. 11. - Le général Dedon commandera l'artillerie de l'armée
du Nord.
Le colonel . . . . . . .commandera le génie.
Le commissaire ordonnateur Dubreton est nommé ordonnateur en
chef de l'armée du Nord; il présentera l'organisation des
administrations de l'armée du Nord.
ART. 12. - Le connétable désignera le chef d'état-major de
l'armée du Nord, qui lui proposera l'organisation des
états-majors des différentes divisions, lesquelles auront pour
chefs d'état-major des adjudants-commandants.
ART. 13. - Le 28e régiment d'infanterie légère, le 31e
régiment d'infanterie légère se rendront à Boulogne pour y
remplacer les troupes qui vont à Anvers.
La garde nationale du Havre et celle de Dieppe seront mises en
activité pour faire le service sur la côte.
ART. 14. -Le ministre de la guerre, le ministre directeur de
l'administration de la guerre, et le ministre du trésor public,
sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du
présent décret.
Linz, 9 novembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, vous mettrez à la disposition de M. le maréchal Davout, une somme de 25.000 francs pour dépenses secrètes, et une de 3.000 francs à la disposition du général Baraguey d'Hilliers pour le même sujet.
(Picard)
Linz, 9 novembre 1805
A M. Maret
Monsieur Maret, envoyez aux ministres, comme si je l'avais signée, la distribution des fonds de brumaire, et gardez-en copie pour me la représenter à votre premier travail. Répondez à M. Fabre, de l'Aude, que le nombre de treize des membres de la députation du Tribunat ne peut que les embarrasser; que, si j'avais connu la marche de celle du Sénat, je lui aurais fait faire la même observation. Écrivez de ma part aux députés du Tribunat une lettre par laquelle vous leur direz que je les autorise à prendre les drapeaux qui sont à Munich, à en garder deux pour le Tribunat et à remettre le reste au Sénat. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous veniez me joindre où je serai, pour faire votre travail. Vous trouverez ci-joint beaucoup de lettres interceptées. Faites mettre dans le Moniteur des extraits de celles qui peuvent peindre le plus l'horreur qu'on a des Russes et le désordre qui règne à Vienne.
Linz, 9 novembre 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je pense qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous veniez me trouver à l'abbaye de Moelk. Vous passerez par Braunau, où vous verrez le général Lauriston, qui vous apprendra tout ce qu'il y a de nouveau. L'empereur d'Allemagne est encore à Vienne. Il m'a écrit plusieurs lettres; il voudrait s'arranger. Il m'a envoyé un général qui est un fort brave homme que j'ai vu à Ulm. Je présume que je le reverrai après-demain à l'abbaye de Moelk.
Melk, 10 novembre 1805
21e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Le 16 brumaire (7 novembre), le corps d'armée du maréchal Davout se dirigea de Steyer sur Waidhofen, Mariazell et Lilienfeld. Par ce mouvement, il débordait entièrement la gauche de l'armée ennemie, que l'on supposait devoir tenir sur les hauteurs de Saint-Poelten et de Lilenfeld; il se dirigeait sur Vienne par un grand chemin de roulage qui y conduit directement.
Le 17, l'avant-garde de ce maréchal, étant encore à plusieurs lieues de Mariazell, rencontra le corps du général Merveldt qui marchait pour se porter sur Neustadt et couvrir Vienne de ce cotés. Le général de brigade Heudelet, commandant l'avant-garde du maréchal Davout, attaqua l'ennemi avec la plus grande vigueur, le mit en déroute et le poursuivit l'espace de cinq lieues. Le résultat de ce combat de Mariazell a été la prise de trois drapeaux, de seize pièces de canon et de 4,000 prisonniers, parmi lesquels se trouvent les colonels des régiments Joseph-Colloredo et Deutschmeister, et cinq majors.
Le 13e régiment d'infanterie légère et le 108e régiment de ligne se sont parfaitement comportés.
Le 18 au matin le prince Murat est arrivé à Saint-Poelten. Il a dirigé le général de brigade de dragons Sebastiani sur Vienne. Toute la cour et les grands sont partis de cette capitale. On avait déjà annoncé, aux avant-postes, que l'empereur se préparait à quitter Vienne.
L'armée russe a effectué sa retraite à Krems en repassant le Danube, craignant sans doute de voir ses communications avec la Moravie coupées par le mouvement qu'a fait le maréchal Mortier sur la rive gauche du Danube.
Le général Marmont doit avoir dépassé Leoben.
L'abbaye de Melk, où est logé l'Empereur, est une des plus belles de l'Europe. Il n'y a en France, ni en Italie, aucun couvent ni abbaye que l'on puisse lui comparer. Elle est dans une position forte et domine le Danube. C'était un des principaux postes des Romains, qui s'appelait la Maison de fer, bâtie par l'empereur Commode. Les caves et les celliers de l'abbaye se sont trouvés remplis de très-bons vins de Hongrie, ce qui a été d'un très-grand secours à l'armée, qui depuis longtemps en manquait. Mais nous voilà dans le pays du vin; il y en a beaucoup dans les environs de Vienne.
L'Empereur a ordonné qu'on mît une sauvegarde particulière au château de Lustschloss, petite maison de campagne de l'empereur d'Autriche, qui se trouve sur la rive gauche du Danube.
Les avenues de Vienne, de ce côté, ne ressemblent pas aux avenues des grandes capitales. De Linz à Vienne il n'y a qu'une seule chaussée. Un grand nombre de rivières, telles que l'Ybbs, l'Erlaf, la Melk, la Traisen , etc., n'ont que de mauvais ponts en bois. Le pays est couvert de forêts de sapins. A chaque pas, des positions inexpugnables, où l'ennemi a en vain essayé de tenir. Il a toujours eu à craindre de se voir débordé et tourné par les colonnes qui manuvraient au delà de ses flancs.
Depuis l'Inn jusqu'ici le Danube est superbe; ses points de vue sont pittoresques ; sa navigation, en descendant, rapide et facile.
Toutes les lettres interceptées ne parlent que de l'effroyable chaos dont Vienne offre le spectacle. La guerre a été entreprise par le cabinet autrichien contre l'avis de tous les princes de la famille impériale. Mais Colloredo, mené par sa femme qui, Française, porte à sa patrie la haine la plus envenimée, Cobenzl, accoutumé à trembler au seul nom d'un Russe, dans la persuasion où il est que tout doit fléchir devant eux, et chez qui d'ailleurs il est possible que les agents de l'Angleterre aient trouvé moyen de s'introduire, et enfin ce misérable Mack, qui avait déjà joué un si grand rôle pour le renouvellement de la seconde coalition, voilà les influences qui ont été plus fortes que celles de tous les hommes sages et de tous les membres de la famille impériale. Il n'est pas jusqu'au dernier bourgeois, au dernier officier subalterne, qui ne sente que cette guerre n'est avantageuse que pour les Anglais, que l'on ne s'est battu que pour eux, qu'ils sont les artisans des malheurs de l'Europe, comme, par leur monopole,, ils sont les auteurs de la cherté excessive, des denrées.
Melk, 11 novembre 1805, 3 heures et demie
Au prince Murat
Mon Cousin, je ne puis pas approuver votre manière de marcher; vous allez comme un étourdi et vous ne pesez point les ordres que je vous fais donner. Les Russes, au lieu de couvrir Vienne, ont repassé le Danube à Krems. Cette circonstance extraordinaire aurait dû vous faire comprendre que vous ne pouviez agir sans de nouvelles instructions; cela en valait sans doute bien la peine. Sans savoir quels projets peut avoir l'ennemi, ni connaître quelles étaient mes volontés dans ce nouvel ordre de choses, vous allez enfourner mon armée sur Vienne. Vous avez cependant reçu l'ordre, que vous a transmis le maréchal Berthier, de suivre les Russes l'épée dans les reins. C'est une singulière manière de les poursuivre que de s'en éloigner à marches forcées. Ces ordres vous avaient même été donnés depuis que vous m'aviez rendu compte qu'ils se dirigeaient sur Krems. Je cherche en vain des raisons pour expliquer votre conduite. Je viens de faire connaître au maréchal Soult qu'il ne devait point exécuter le mouvement que vous avez ordonné. Il sera obligé de faire une contre-marche pour se diriger sur Mautern. Envoyez des reconnaissances; occupez Stadt-Tulln et d'autres points sur le Danube. Le maréchal Davout se porte sur Vienne par Lilienfeld; il sera ce soir à Moedling. Restez à Burkersdorf et le maréchal Davout Mödling jusqu'à nouveaux ordres. Il est probable que l'intention de l'ennemi est de couper les ponts du Danube à Vienne. Ainsi les Russes pourront faire ce qu'ils voudront du corps du maréchal Mortier : je crains qu'il ne soit fort exposé, ce qui ne serait pas arrivé si vous aviez exécuté mes ordres. Avec la mesure que j'avais prise d'avoir une grande quantité de bateaux, non-seulement j'étais à l'abri d'un pareil événement, mais j'avais l'espérance bien fondée d'enlever une partie du corps russe. Mais vous m'avez fait perdre deux jours et n'avez consulté que la gloriole d'entrer à Vienne. Il n'y a de gloire que là où il y a du danger; il n'y en a pas à entrer dans une capitale sans défense, surtout après la victoire du maréchal Davout, qui a battu et pris le reste du corps du général Kienmayer, que commandait le général Merveldt. Voyez, dans les pourparlers avec les magistrats de Vienne, si on pourrait convenir qu'on laissât subsister les ponts du Danube, et cela pour éloigner de la capitale les malheurs de la guerre.
Saint-Poelten, 12 novembre 1805
Au maréchal Mortier
Votre aide de camp, Monsieur le Maréchal, n'a pu arriver ici qu'à trois heures après midi, et l'Empereur attendait avec bien de l'impatience le rapport de votre engagement.
Si les Russes restent dans la position où ils sont, ou s'ils marchent sur l'Inn, c'est une armée perdue.
Le prince Murat, qui est aujourd'hui à Vienne, a l'ordre d'y passer le Danube pour se porter sur les derrières de l'armée russe.
Quant à vous, Monsieur le Maréchal, vous formez le corps d'observation de la rive gauche.
Vous pouvez faire passer vos blessés, et tout ce qui peut vous embarrasser, sur la rive droite.
Avec le reste de votre corps, bien réuni, vous devez toujours vous retirer devant l'ennemi supérieur, jusqu'au pont de Linz. Vous préviendrez le général Reille, qui commande à Linz, de tous vos mouvements. Lorsque vous serez dans le cas de vous apercevoir que l'ennemi est attaqué par le prince Murat, alors vous marcherez sur lui de votre côté.
Vous ne devez faire votre mouvement de retraite que devant des forces réelles, afin que l'ennemi ne vous mette pas à trois ou quatre marches de lui par un corps d'observation peu nombreux.
L'Empereur est extrêmement satisfait de la brave conduite des troupes, ainsi que de la bonne contenance que vous avez faite, Monsieur le Maréchal.
Prévenez fréquemment, par la rive droite, de tous vos mouvements et de tout ce qui se passera dans la journée de demain. J'ai établi une chaîne de postes de l'abbaye de Melk à Vienne, avec ordre de porter vos dépêches.
Mettez-vous aussi en communication avec les postes qui sont sur la rive droite, afin d'avoir des nouvelles si l'ennemi évacuait cette nuit; dans ce cas, vous vous mettriez à sa poursuite; mais vous ne le feriez qu'avec toute la prudence nécessaire.
Vous ne devez pas perdre de vue que vous n'êtes que corps d'observation.
Il est arrivé sur un bateau à Melk 8,000 rations de pain, qui sont à votre disposition.
Saint-Poelten, 12 novembre 1805, 5 heures du soir
Au prince de Murat
Je reçois enfin des nouvelles du maréchal Mortier; elles ne sont pas aussi mauvaises que je l'avais craint. Hier, 20 (11 novembre), à huit heures du matin, il s'est porté sur Stein, a enlevé le village de Loiben, qui a été pris et repris trois fois, a fait à l'ennemi 800 prisonniers, pris deux pièces de canon et quatre drapeaux. Mais, pendant ce temps-là, l'ennemi manuvrait : deux colonnes, chacune de 6,000 hommes, tournaient les montagnes, et à quatre heures après midi débouchaient sur le village de Dürrenstein; en même temps l'ennemi a débouché de Stein avec toutes ses forces, et le maréchal Mortier a eu 25,000 Russes sur le corps. Heureusement qu'en même temps la division Dupont arrivait, tombait sur les colonnes russes, leur faisait 200 prisonniers et prenait deux drapeaux. Ceci se passait sur les derrières; le maréchal Mortier n'en eut pas connaissance. Se voyant cerné, il prit le parti le plus sage, de se faire une route. Il fit sa jonction avec la division Dupont. Le carnage de l'ennemi a été horrible. La 4e légère est celle qui a le plus souffert. Les Russes montrant la plus grande barbarie contre les prisonniers qu'ils nous ont faits, nous avons en revanche tué ou blessé beaucoup des leurs; il s'y trouve un colonel russe.
Le maréchal Mortier se trouve aujourd'hui en position entre Spitz et Weissenkirchen. Les Russes ne paraissent point disposés à vouloir sen aller. Vous avez dû passer le pont de Vienne. Si vous avez eu le bonheur d'avoir intact le pont de Vienne, ne perdez pas un moment; passez le Danube avec une portion de la cavalerie, les grenadiers et la division Suchet. Faites-vous suivre par les divisions Legrand et Vandamme. Cette armée russe peut se trouver, par cette manuvre, toute prise. Je viendrai moi-même vous joindre dans la journée de demain. Si, au contraire, il n'y a aucune possibilité de passer le Danube à Vienne, et qu'il soit plus facile de le passer à Stadt-Tulln ou à Klosterneuburg, envoyez l'ordre qu'on le passe.
J'attendrai vos premiers rapports, pour savoir si vous avez pu passer le Danube à Vienne, pour faire mes autres dispositions. Envoyez l'ordre au maréchal Davout, afin que, demain à la pointe du jour, il parte pour se rendre à Vienne.
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Ayez soin que tous les postes de cavalerie que j'ai ordonnés sur la route de Vienne, toutes les deux lieues, soient en activité et même suivent votre quartier général. Du moment que vous aurez passé le Danube, inondez votre route de cavalerie, etc. Le maréchal Mortier continuera à être corps d'observation sur la rive gauche. Le général Klein s'est jeté en avant de la Bohême.
Saint-Poelten, 12 novembre 1805
Au maréchal Soult, 11 heures et demie du soir.
Mon Cousin, tout me porte à penser que les Russes commencent leur mouvement cette nuit. A la petite pointe du jour, le prince Murat tâchera de surprendre le pont de Vienne, et aussitôt y passera le Danube pour se porter sur les Russes. Vos deux divisions, Vandamme et Legrand, s'y porteront également. Ce que fera la division Saint-Hilaire dépendra de ce qu'aura fait l'ennemi à Krems, et de ce qu'aura fait le maréchal Mortier. Prenez vos mesures pour arriver à votre corps d'armée avant qu'il entre à Vienne. Restez à la position où vous êtes jusqu'à ce que le jour soit bien fait et que l'on ait quelques nouvelles de la position de l'ennemi. Laissez Franceschi avec son régiment, ainsi que la division Saint-Hilaire. Si elle pouvait se procurer des moyens de passage pour se mettre à la poursuite de l'ennemi, du moment que son évacuation sera bien caractérisée ou que le prince Murat sera à sa hauteur, cela lui éviterait la peine de passer par Vienne, et la division aurait la journée de demain pour se reposer, car je ne pense pas que le prince Murat puisse être vis- à-vis Krems avant après-demain. Enfin ayez soin, en entrant à Vienne, que ses bagages n'y entrent pas. Il serait aussi nécessaire que vous établissiez, au débouché du défilé, un officier d'ordonnance pour arrêter tous les traîneurs de votre corps d'armée pendant l'espace d'une journée, et de les faire ensuite rejoindre en masse. Par le retour de mon aide de camp, faites-moi connaître tout ce qu'il y a de nouveau. Si le prince Murat ne pouvait pas surprendre le pont de Vienne, ou qu'il fallût beaucoup de temps pour rétablir ce pont, je l'ai laissé maître de passer sur un autre point. On dit qu'aux points de Stadt-Tulln et de Klosterneuburg il y a des moyens de passage.
Saint-Poelten, 13 novembre 1805
Au maréchal Bernadotte
M. le maréchal Bernadotte passera sur la rive gauche du Danube, s'emparera de Stein et de Krems, et suivra l'armée russe pour lui faire tout le mal qui sera possible, entamer son arrière-garde.
Le prince Murat passe à Vienne et va chercher à déborder l'ennemi pour gagner, s'il est possible, sa tête, ou l'attaquer par ses flancs, ce qui dépendra des circonstances.
L'ennemi ne peut prendre que trois partis :
1° Se rendre en Bohême;
2° Ou en Moravie;
3° Se concentrer à Krems.
Ce dernier parti paraît si absurde, que l'on n'a voulu en parler uniquement que pour présenter tout ce qui est possible.
Il n'y aurait pas de vivres, puisqu'il n'est pas maître du Danube; il se trouverait cerné par toute l'armée française, dont il connaît bien la force. Mais toutes les probabilités sont que l'ennemi est déjà en ce moment en marche. Mais, si des considérations inconnues le portaient à attendre encore quelques jours dans la position de Stein ou de Krems, il faudrait se contenter de prendre vis-à-vis de lui une position sur la rive gauche, du côté de Spitz, et faire placer sur la rive droite du canon à Mautern; avoir des postes de cavalerie le long du Danube jusqu'à Vienne, et attendre que le prince Murat eût passé le Danube et se trouvât à hauteur et à même d'attaquer de son côté.
Si l'ennemi se rend en Moravie, il est probable qu'il sera débordé, au moins attaqué en flanc, par le prince Murat. L'intention de l'Empereur est que M. le maréchal Bernadotte le poursuive et lui fasse le plus de mal possible.
Aussitôt que M. le maréchal Bernadotte aura coupé, c'est-à-dire traversé la première grande route de Vienne, il se trouvera, par cette route, en correspondance directe avec cette capitale.
Si l'ennemi se rend en Bohême, M. le maréchal Bernadotte le poursuivra, et, aussitôt qu'il sera assez élevé et qu'il se trouvera à l'intersection des routes de Linz et de Vienne, il communiquera avec les deux villes; il se fera alors joindre par le général Klein et sa division, qui se trouvera dans ce moment sur Freystadt et sur Linz.
L'Empereur, qui d'ailleurs sera à Vienne, enverra à M. le maréchal Bernadotte, suivant les circonstances, de nouvelles instructions et des renforts.
Je préviens M. le maréchal Bernadotte que je donne l'ordre au maréchal Mortier de reformer ses trois divisions et de servir de réserve à son corps d'armée; en conséquence, il occupera Krems et Stein, pendant le temps que le maréchal Bernadotte, avec son armée, poussera en avant. Ainsi, si l'ennemi menaçait de se porter sur Linz, le maréchal Mortier y enverrait un renfort pour garder le pont.
Enfin M. le maréchal Bernadotte aura soin de placer des petits postes de cavalerie depuis Melk jusqu'à Sieghartskirchen; il donnera l'ordre au général Kellermann de laisser, de deux lieues en deux lieues, sur cette route, un maréchal des logis et huit hommes, dont les chevaux serviront à relayer les officiers porteurs de dépêches. Les hommes à cheval pourront même porter les lettres.
Burkersdorf, 13 novembre 1805
Au général Marmont
J'ai reçu votre lettre du 19 (10 novembre), de Leoben. Je crois que, le 21(12 novembre) l'artillerie de votre corps d'armée sera réunie. Si le prince Charles venait effectivement par Judenburg, il y a dans la vallée de la Mur deux ou trois ponts qui, brûlés à propos et défendus par quelques postes, occasionneraient deux ou trois jours de retard à ce prince, et vous donneraient le temps de réunir vos troupes pour marcher à sa rencontre avec précaution, avantage, et me mettre à même de vous envoyer des secours.
Il paraît que l'ennemi a évacué toutes les positions du Tyrol et de l'évêché de Salzburg. Faites donc veiller les débouchés de Rottenmann. Il serait assez important de tenir cette route libre et de vous mettre en correspondance avec le commandant bavarois qui est à Salzburg, et qui a des forces assez considérables. A l'heure qu'il est, Kufstein doit être pris. Le général bavarois pourrait vous envoyer quelques bataillons, de vous à lui. En tout cas, c'est ce que vous devez bien faire reconnaître; et qu'il y ait des patrouilles à moitié chemin, de part et d'autre.
Envoyez un parti sur Graz,
tant pour avoir des nouvelles que pour en tirer des vivres. Vous
vous trouverez à même de bien monter votre cavalerie. Tâchez
de m'envoyer cinq centaines de chevaux pour les chasseurs et les
grenadiers de ma Garde. La Styrie a beaucoup de chevaux, et, pour
peu que vous restiez là, vous aurez doublé votre cavalerie.
Maintenez-vous maître des hauteurs qui séparent Bruck de
Vienne. Il serait bien utile que cette route fût libre pour
nos courriers.
Je suis entré à Vienne ce matin. Je me suis emparé du pont du Danube (en fait, ce sont Lannes et Murat qui, par ruse, se sont rendus maîtres des ponts de Tabor), où j'ai trouvé une soixantaine de pièces d'artillerie de campagne. L'armée russe s'est retirée à Stein en repassant sur la rive gauche du Danube. Elle a eu une forte échauffourée avec le maréchal Mortier, qui, quoique à la tête de 4,000 hommes seulement, a tenu tête à 25,000 Russes et leur a pris quatre drapeaux.
Le pont de Vienne me met à même de marcher sur eux; on ne sait pas ce qui leur arrivera.
Si je me résous à vous laisser longtemps dans votre position, je vous enverrai la division batave. Toutes les nouvelles qu'on débite sur l'armée d'Italie, je les crois fausses. Le fait est que, le 8 brumaire, le quartier général du maréchal Masséna était à Vicence. Ayez l'il sur ce qui se passe dans le Tyrol. Ney devrait être à Innsbruck; cependant je n'ai pas de nouvelles encore. Faites reconnaître aussi la route de Bruck à Saint-Poelten. Faites-en faire un croquis en règle, ainsi que de celle de Bruck à Vienne par Neustadt, de Leoben à Enns par l'Esling, et de Leoben à Salzburg par Rottenmann. Que les distances, les villages, les rivières, tout cela soit bien marqué sur une grande échelle. Faites-vous faire du biscuit, afin de pouvoir, cinq ou six jours , manuvrer librement sans être embarrassé de subsistances.
Emparez-vous de tous les revenus de Styrie, au compte de l'armée, et nommez un commissaire pour les gérer, ainsi que toutes les branches de l'administration. Il ne sera pas difficile de vous procurer en abondance des souliers à votre corps d'armée; procurez-en aussi 12,000 pour les autres corps. Graz est un lieu de grande ressource. Procurez-vous également des capotes.
Saint-Poelten, 13 novembre 1805
22e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Le maréchal Davout a poursuivi ses succès. Tout le corps de Merveldt est détruit. Ce général s'est sauvé avec une centaine d'uhlans, Le général Marmont est à Leoben. Il y a fait 100 hommes de cavalerie prisonniers.
Le prince Murat était depuis trois jours à une demi-lieue de Vienne. Toutes les troupes autrichiennes avaient évacué cette ville. La garde nationale y faisait le service; elle était animée d'un très bon esprit.
Aujourd'hui, 22 brumaire (13 novembre), les troupes françaises ont fait leur entrée dans cette capitale.
Les Russes se sont refusés à toutes les tentatives que l'on a faite pour les engager à livrer bataille sur les hauteurs de Saint-Poelten (Saint-Hippolyte). Ils ont passé le Danube à Krems, et, aussitôt après leur passage, brûlé le pont, qui était très-beau.
Le 20 (11 novembre), à la pointe du jour, le maréchal Mortier, à la tête de six bataillons, s'est porté sur Stein. Il croyait y trouver une arrière garde, mais toute l'armée russe y était encore, ses bagages n'était pas filé. Alors s'est engagé le combat de Dürrenstein, à jamais mémorable dans les annales militaires. Depuis six heures du matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi, ces 4,000 braves firent tête à l'armée russe et mirent en déroute tout ce qui leur fut opposé.
Maîtres du village de
Loiben, ils croyaient la journée finie; mais l'ennemi, irrité
d'avoir perdu dix drapeaux, six pièces de canon, 900 hommes
faits prisonniers et 2,000 hommes tués, avait dirigé deux
colonnes par des gorges difficiles pour tourner les Francais.
Aussitôt que le maréchal Mortier s'aperçu de cette
manuvre, il marcha droit aux troupes qui l'avaient tourné
et se fit jour au travers des lignes de l'ennemi, dans l'instant
même où le 9e régiment d'infanterie légère et le 32e
d'infanterie de ligne, ayant chargé un autre corps russe,
avaient mis ce corps en déroute, après lui avoir pris
deux drapeaux et 400 hommes.
Cette journée a été une
journée de massacre; des monceaux de cadavres couvraient un
champ de bataille étroit. Plus de 4,000 Russes ont été tués
ou blessés; 1,300 ont été faits prisonniers. Parmi ces
derniers se trouvent deux colonels.
De notre côté, la perte a été considérable. Le 4e et le 9e
d'infanterie légère ont le plus souffert. Les colonels du 100e
et du 103e ont été légèrement blessés. Le colonel Watier, du
4e régiment de dragons, a été tué. Sa Majesté l'avait choisi
pour l'un de ses écuyers : c'était un officier d'une grande
valeur; malgré les difficultés du terrain, il était parvenu à
faire contre une colonne russe une charge très-brillante; mais
il fut atteint d'une balle et trouva la mort dans la
mêlée.
Il paraît que les Russes se retirent à grandes journées. L'empereur d'Allemagne, l'impératrice, le ministère et la cour sont à Brünn, en Moravie. Tous les grands ont quitté Vienne, toute la bourgeoisie y est restée. On attend à Brünn l'empereur Alexandre à son retour de Berlin.
Le général comte Gyulay a fait plusieurs voyages, porteur de lettres des empereurs de France et d'Allemagne. L'empereur d'Allemagne se résoudra sans doute à la paix lorsqu'il aura obtenu l'assentiment de l'empereur de Russie.
En attendant, le mécontentement des peuples est extrême. On dit à Vienne et dans toutes les provinces de la monarchie autrichienne que l'on est mal gouverné; que, pour le seul intérêt de l'Angleterre, on a été entraîné dans une guerre injuste et désastreuse; que l'on a inondé l'Allemagne de barbares mille fois plus à craindre que tous les fléaux réunis; que les finances sont dans le plus grand désordre; que la fortune publique et les fortunes particulières sont ruinées par l'existence d'un papier-monnaie qui perd 50 pour 100; qu'il y avait assez de maux à réparer pour qu'on ne dût pas y ajouter encore tous les malheurs de la guerre.
Les Hongrois se plaignent d'un gouvernement illibéral (sic)qui ne fait rien pour leur industrie, et se montre constamment jaloux de leur privilèges et inquiet de leur esprit national.
En Hongrie comme en Autriche, à Vienne comme dans les autres villes, on est persuadé que l'Empereur Napoléon a voulu la paix, qu'il est l'ami de toutes les nations et de toutes les grandes idées.
Les Anglais sont les perpétuels objets des imprécations de tous le sujets de l'empereur d'Allemagne, et de la haine la plus universelle. N'est-il pas temps enfin que les princes écoutent la voix de leur peuples, et qu'ils s'arrachent à la fatale influence de l'oligarchie anglaise ?
Depuis le passage de l'Inn , la Grande Armée a fait, dans les différentes affaires d'avant-gardes et dans les diverses rencontres qui ont eu lieu, environ 10,000 prisonniers.
Si l'armée russe avait voulu attendre les Français, elle était perdue; plusieurs corps d'armée la poursuivent vivement.
Saint-Poelten (?), 13 novembre 1805
DÉCISION
Sire, J'ai reç de l'ordonnateur en chef en Italie une lettre, en date du 13 brumaire, dans laquelle il me mande que, les contributions devant tourner au profit direct de l'armée, il est nécessaire de lui ouvrir les crédits que réclament les divers services administratifs. J'ai répondu que, quand même il existerait un décret de Votre Majesté qui accordeait à l'armée d'Italie le partage des contributions, etc., il faudrait toujours commencer par assurer les besoins des troupes au moyen des ressources locales et aux dépens du pays ennemi. J'ai ajouté que je ne pouvais continuer à faire payer que les appointements des employés de mon administration. Il me paraît d'autant plus nécessaire de suivre cette marche que S.A.S. le pince Eugène m'annonce que les ressources du pays où se trouvait l'armée et celles du Trésor royal italien sont presque entièrement épuisées dans le moment actuel. J'ai cru devoir rendre compte à Votre Majesté et j'espère que je ne me suis pas écarté de ses intentions. |
Ce décret n'existe plus et ne doit pas exister. |
(Picard)
Palais de Schönbrunn, 14 novembre 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, on a pris plusieurs bateaux chargés d'artillerie, d'effets d'habillement et de cuirs, tant en descendant qu'en remontant le Danube. Envoyez deux adjoints de l'état-major qui feront quatre lieues, l'un en remontant, l'autre en descendant l'une et l'autre rive du fleuve. Ils feront l'inventaire de tout et auront soin de mettre des sauvegardes, pour que tout soit en règle.
Je suis aussi instruit que, dans les villages en descendant, il y aussi beaucoup d'objets et d'hommes épars; il faut que le général Beaumont fasse faire des patrouilles bien commandées et nettoyent nos environs. Donnez l'ordre qu'on évacue tous les Russes blessé dangereusement sur Vienne. Mon principal but est, par cette mesure, de faire voir à cette grande ville que les Russes ont perdu beaucoup de monde. Prévenez-en sur-le-champ les magistrats de hôpitaux; il ne faut pas qu'on les place dans des hôpitaux français ni autrichiens. Il ne faut pas faire venir les blessés français à Vienne. Il faut envoyer ceux du combat de Dürrenstein à l'abbaye de Melk. Les moines sont assez riches pour les bien traiter; cela leur servir de contribution. Il faut y envoyer une ambulance.
Schönbrunn, 14 novembre 1805
Au maréchal Berthier
Donnez l'ordre au maréchal Mortier d'envoyer à Saint-Poelten tous les Bataves, et de vous faire connaître quand ils y seront arrivés. Cependant il ne les y enverra que quand il croira, par l'éloignement des Russes, qu'ils ne lui sont plus éminemment utiles. Faites-lui connaître que le prince Murat et les maréchaux Lannes et Soult couchent aujourd'hui à Stockerau. Vous lui direz aussi que, comme les divisions Gazan et Dupont ont beaucoup souffert, mon intention est, du moment où elles ne seront plus nécessaires à la poursuite des Russes et à la présente opération, de leur donner du repos et des quartiers d'hiver où elles puissent se remettre.
Faites connaître au général de Wrede, qui commande les Bavarois, qu'il peut demander le nombre de fusils nécessaire pour armer ses troupes.
Faites connaître au maréchal Bernadotte que, du moment où il croira n'avoir plus besoin des Bavarois pour la poursuite de l'armée russe, il les renvoie à Saint-Poelten, vu qu'il ne paraît pas convenable de les faire entrer à Vienne, tant est grande la haine de ces deux peuples.
Schönbrunn, 14 novembre 1805
Au prince Murat
Je vous expédie une lettre du maréchal Mortier fort importante. Il parait que l'ennemi se dirige sur Znaym. Il est probable que son quartier général sera tout au plus aujourd'hui à Meissau. Si la seconde colonne a, comme il parait, longé le Danube, vous ne devez pas être loin d'en être venu aux mains.
Schönbrunn, 14 novembre 1805, 1 heure après midi
Au général Marmont
Monsieur le Général Marmont, le prince Charles était le 11 novembre à Caldiero; on n'avait point encore alors de nouvelles en Italie qu'il y eût eu un détachement fait depuis peu de jours. Il serait possible que les troupes que vous avez devant vous fussent 12,000 hommes détachés depuis bien du temps sur Salzburg, et qui depuis l'auraient été sur Leoben. Toutefois la division Gudin sera ce soir à Neustadt et se mettra en communication avec vous. Votre position militaire est sur les hauteurs entre Leoben et Bruck, au pendant des eaux; c'est là seulement que vous devez vous battre : la division Gudin serait à vous dans une marche.
Vous comprendrez facilement qu'aujourd'hui mon intention n'est pas d'être l'agresseur dans la Styrie, au moins de quelques jours. Les corps des maréchaux Lannes, Soult, Bernadotte et une partie de ma cavalerie investissent l'armée russe et forcent de marche pour l'atteindre. Je suis fondé à espérer qu'avant cinq ou six jours je lui aurai fait un mauvais parti. Le corps du maréchal Ney est entré dans le Tyrol; le corps du maréchal Augereau, au delà de l'Inn et le corps du maréchal Davout, à Vienne. Ne vous battez donc que dans la position que je vous ai indiquée, et plus tard vous serez attaqué , plus cela sera dans mes projets; car, dans peu de jours, vous deviendrez l'avant-garde d'une armée de 60,000 hommes si cela devient nécessaire.
J'ai pris à Vienne tout l'arsenal, tous les magasins d'artillerie; les canons, fusils et munitions de toute espèce sont par milliers et milliers. Envoyez des parlementaires; dîtes que je suis maître de Vienne, que je négocie un arrangement; que l'on s'arrête, de part et d'autre, où l'on est, pour ne pas verser le sang. Gagnez du temps; et par ces communications, que doit désirer le corps qui vous est opposé pour avoir des nouvelles, sachez qui vous avez devant vous.
Camp impérial de Schönbrunn, 14 novembre 1805
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, je reçois votre lettre. Je ne conçois pas pourquoi vous avez laissé échapper 8,000 hommes et ce beau régiment de cuirassiers; il fallait toujours les prendre, jusqu'à ce que vous eussiez reçu mon ordre. Cette complaisance est d'autant plus mal placée qu'ils n'ont pas livré le pont, mais qu'il a été forcé, tant par adresse que par les circonstances impérieuses de leur capitale. Le général Milhaud a pris aujourd'hui, à mi-chemin de Brünn, trente pièces de canon attelées, et à midi il avait fait 600 prisonniers. Désarrnez les bataillons autrichiens de Stockerau; dirigez-les sur Linz, d'où ils seront envoyés à Braunau, et de là en France. Il ne faut pas les faire passer par Vienne.
J'apprends que vous avez trouvé de bonnes chaussures; je suis bien aise que vos braves grenadiers soient bien; j'espère qu'il n'y aura plus de traîneurs. Point de ridicules ménagements; on est toujours à temps d'être généreux. Le parc qui était à la tête du pont est en notre pouvoir. Nous avons trouvé un arsenal immense.
Je n'ajoute pas foi aux renseignements que vous avez sur les Russes. Hier à dix heures du matin, ils ont évacué Krems et Stein; les maréchaux Mortier et Bernadotte étaient à leur poursuite. Vous aurez vu, par les renseignements du maréchal Mortier que j'ai envoyés au prince Murat, qu'ils marchaient en effet sur deux colonnes. Ils ont l'art de se faire croire nombreux; mais soyez assuré qu'ils ne sont pas en tout plus de 30,000 hommes. S'il est arrivé à Znaym une colonne russe, c'est une colonne de 6,000 hommes, qui était attendue depuis longtemps.
Schönbrunn, 14 novembre 1805
Au prince Murat
Le général Milhaud était à midi près de Volkersdorf, et avait pris trente pièces de canon attelées et 600 hommes, et il espérait faire encore des prisonniers. Nous avons fait, dans la ville et les environs, dans la journée d'aujourd'hui, au moins 1,500 prisonniers. Faites-en tant que vous pourrez. Il faut ôter des moyens à l'ennemi pour arriver à la paix et au repos dont les peuples ont tant besoin. Il nous faudrait des chevaux; notre cavalerie en a grand besoin. Il faut que les chasseurs, dans les pays qu'ils traversent, laissent leurs mauvais et en prennent de bons. Le régiment de cuirassiers que le maréchal Lannes a laissé échapper nous serait très-utile. Nos ennemis seraient impitoyables; il ne faut pas l'être, mais il est toujours temps d'être généreux, et auparavant notre ennemi doit être désarmé. Je vous ai envoyé hier des nouvelles des Russes de Krems. Le maréchal Bernadotte a mis tant de lenteur que je crois qu'il n'aura passé le Danube qu'aujourd'hui.
D'après ce que m'écrit le maréchal Lannes à deux heures après midi, combiné avec le rapport de Mortier d'hier, il paraîtrait que l'ennemi ne peut s'échapper.
J'attends avec impatience de vos nouvelles de six heures du soir.
Recommandez bien qu'on protége les postes, afin que la communication puisse se faire facilement.
Château de Schönbrunn, 14 novembre 1805
23e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Au combat de Dürrenstein, où 4,000 Français attaqués, dans journée du 20 (11 novembre), par 25 à 30,000 Russes ont gardé leurs position, tué à l'ennemi 3 à 4,000 hommes, enlevé des drapeaux et fait 1,300 prisonniers, les 4e et 9e régiments d'infanterie légère et les 100e et 32e régiments d'infanterie de ligne se sont couverts de gloire. Le général Gazan y a montré beaucoup de valeur et de conduite. Les Russes, le lendemain du combat, ont évacué Krems et quitté le Danube en nous laissant 1,500 de leurs prisonniers dans le plus profond dénuement. On a trouvé dans leurs ambulances beaucoup d'hommes qui avaient été blessés et qui étaient morts dans la nuit.
L'intention des Russes paraissait être d'attendre à Krems des renforts et de se maintenir sur le Danube; le combat de Dürrenstein a déconcerté leurs projets. Ils ont vu, par ce qu'avaient fait 4,000 Français, ce qui leur arriverait à forces égales.
Le maréchal Mortier s'est mis à leur poursuite; pendant que d'autres corps d'armée passent le Danube sur le pont de Vienne pour les déborder par la droite, le corps du maréchal Bernadotte est en marche pour les déborder par la gauche.
Hier 22 (13 novembre), à dix heures du matin, le prince Murat traversa Vienne. A la pointe du jour, une colonne de cavalerie s'est portée sur le pont du Danube et a passé, après différents pourparlers avec des généraux autrichiens. Les artificiers ennemis chargés de brûler le pont l'essayèrent plusieurs fois et ne purent y réussir.
Le maréchal Lannes et le général Bertrand, aide de camp l'Empereur, ont passé le pont les premiers. Les troupes ne se sont point arrêtées dans Vienne, et ont continué leur marche pour suivre leur direction.
Le prince Murat a établi son quartier général dans la maison duc Albert (aujourd'hui l'Albertina). Le duc Albert a fait beaucoup de bien à la ville; plusieurs quartiers manquaient d'eau; il en a fait venir à ses frais et a dépensé des sommes notables pour cet objet.
Ci-joint l'état de l'artillerie et des munitions trouvées dans Vienne. La Maison d'Autriche n'a pas d'autre fonderie ni d'autre arsenal que Vienne. Les Autrichiens n'ont pas eu le temps d'évacuer au delà du cinquième ou du quart de leur artillerie et d'un matériel considérable. Nous avons des munitions pour faire quatre campagnes et renouveler quatre fois nos équipages d'artillerie, si nous les perdions. Nous avons aussi des approvisionnements de siège pour armer un grand nombre de places.
L'Empereur s'est établi au palais de Schönbrunn. Il s'est rendu aujourd'hui à Vienne, à deux heures du matin. Il a passé le reste de la nuit à visiter les avant-postes sur la rive gauche du Danube, ainsi que les positions, et à s'assurer si le service se faisait convenablement; il était rentré à Schönbrunn à la petite pointe du jour.
Le temps est devenu très-beau; la journée est une des plus belles de l'hiver, quoique froide. Le commerce et toutes les transactions vont à Vienne comme à l'ordinaire. Les habitants sont pleins de confiance et très-tranquilles chez eux; la population de cette ville est de 250,000 âmes; on ne l'estime pas diminuée de 10,000 personnes par l'absence de la cour et des grands seigneurs.
L'Empereur a reçu à midi M. de Wrbna, qui se trouve à la tête de l'administration de toute l'Autriche.
Le corps d'armée du maréchal Soult a traversé Vienne aujourd'hui, à neuf heures du matin; celui du maréchal Davout la traverse en ce moment.
Le général Marmont a eu à Leoben différents petits avantages d'avant-postes.
L'armée bavaroise reçoit tous les jours un grand accroissement. L'Empereur vient de faire à l'Électeur de nouveaux présents. Il lui a donné 15,000 fusils pris dans l'arsenal de Vienne, et lui a fait rendre toute l'artillerie que, dans différentes circonstances, l'Autriche avait prise dans les États de Bavière.
La ville de Kufstein a capitulé entre les mains du colonel Pompei. Le général Milhaud a poussé l'ennemi sur la route de Brünn, jusqu'à Volkersdorf. Aujourd'hui, à midi, il avait fait 600 prisonniers et pris un parc de quarante pièces de canon attelées.
Le maréchal Lannes est arrivé à deux heures après midi à Stockerau. Il y a trouvé un magasin immense d'habillements, 8,000 paires de souliers et de bottines, et du drap pour faire des capotes à toute l'armée.
On a aussi arrêté sur le Danube plusieurs bateaux qui descendaient le fleuve et qui étaient chargés d'artillerie, de cuir et d'effets d'habillement.
Château de Schönbrunn, 14 novembre 1805
ORDRE DU JOUR
L'Empereur témoigne sa
satisfaction au 4e régiment d'infanterie légére, au 100e de
ligne, au 9e d'infanterie légère, au 32e de ligne,
pour l'intrépidité qu'ils ont montrée au combat de Dürnstein
où leu fermeté à conserver la position qu'ils occupaient a
forcé l'ennemi à quitter celle qu'il avait sur le Danube.
Sa Majesté témoigne sa satisfaction au 17e régiment de ligne et au 30e qui au combat de Lambach, ont tenu tête à l'arrière-garde russe, l'ont entamée et lui ont fait 400 prisonniers.
L'Ernpereur témoigne également sa satisfaction aux grenadiers d'Oudinot qui, au combat d'Amstetten, ont repoussé de leurs belles et formidables positions les corps russes et autrichiens et ont fait 1.500 prisonniers, dont 600 russes.
Sa Majesté est satisfaite des ler, 16e et 22e régiments de chasseurs, 9e et 10e régiments de hussards, pour leur bonne conduite dans toutes les charges qui ont eu lieu depuis l'Inn jusqu'aux portes de Vienne. et pour les 800 prisonniers russes faits à Stein.
Le prince Murat, le maréchal Lannes, la réserve de cavalerie, avec leurs corps d'armée, sont entrés à Vienne, le 22, et se sont emparés, le même jour, du pont sur le Danube, ont empêché qu'il ne fût brûlé, l'ont passé sur-le-champ et se sont mis à la poursuite de l'armée russe.
Nous avons trouvé dans Vienne plus de 2.000 pièces de canon, une salle d'armes garnie de 100.000 fusils. des munitions de toute espèce, enfin, de quoi former l'équipage de campagne de trois ou quatre armées.
Le peuple de Vienne a paru voir l'armée avec amitié.
L'Empereur ordonne que l'on porte le plus grand respect aux propriétés, et que l'on ait les plus grands égards pour le peuple de cette capitale, qui a vu avec peine la guerre injuste qu'on nous a faite et qui nous témoigne, par sa conduite, autant d'amitié qu'il montre de haine contre les Russes, peuple qui, par ses habitudes et ses moeurs barbares, doit inspirer le même sentiment à toutes les nations policées.
Sa Majesté, dans la tournée qu'elle a faite, à deux heures du matin, aux avant-postes, a remarqué beaucoup de négligence dans le service et s'est aperçue qu'il ne se faisait pas avec cette exactitude rigoureuse qu'exigent les ordonnances et les règlements militaires. Avant la pointe du jour, les généraux, les colonels doivent se trouver à leurs avant-postes, et la ligne doit se tenir sous les armes jusqu'à la rentrée des reconnaissances : on doit toujours supposer que l'ennemi a manoeuvré pendant la nuit pour attaquer à la pointe du jour.
L'Empereur rappelle donc aux soldats que cette trop grande confiance, en donnant lieu à des surprises, leur a été souvent funeste ; plus on obtient de succès, moins on doit se livrer à une dangereuse sécurité ; il faut, au contraire, mettre la plus grande exactitude et la plus grande régularité dans tous les détails du service.
Maréchal Berthier
Par ordre de l'Empereur.
(Picard)
Schönbrunn, 15 novembre 1805
A l'électeur de Bavière
Mon Frère, je m'empresse de vous donner la nouvelle que je suis entré à Vienne, que j'ai surpris le pont du Danube, et que j'ai trouvé l'arsenal de Vienne presque entièrement approvisionné. Je suis à la poursuite de l'armée russe, qui est en grande marche pour s'échapper; il n'est pas probable qu'elle y réussisse.
J'ai donné l'ordre que l'artillerie qui vous appartenait, dont l'Autriche s'était emparée dans différentes circonstances, vous soit restituée, et qu'il vous fût remis 10,000 des fusils trouvés dans l'arsenal de Vienne. J'ai chargé M. de Gravenreuth de prendre les mesures nécessaires pour le transport de ces objets. Il y a à Braunau 5,000 fusils autrichiens; j'ai donné l'ordre au général Lauriston de vous les faire remettre. J'ai aussi donné des ordres pour que tout ce qui sépare le Tyrol de la Bavière fût démoli, et que la garde de ces provinces fût exclusivement donnée à vos troupes. Je pense que Donauwoerth, Ulm et Rain peuvent rester sans garde, et qu'on peut affaiblir également celle d'Augsbourg et de Forchheim.
Il est nécessaire que vous nommiez un général de division pour commander vos troupes et la province du Tyrol; ce commandant peut correspondre avec vous pour la police. Il faut en désarmer les habitants et prendre tous les moyens pour se les concilier. Je désire aussi que vous donniez des ordres pour fortifier Passau; j'y ai des ingénieurs pour en diriger le travail. Faites également fortifier le vieux château de Burghausen, qui défend bien le passage de la Salza.
J'imagine que vous devez avoir à Passau un général-major, homme ferme, pour commander les habitants et les provinces voisines, et qui puisse s'enfermer dans la citadelle et la défendre jusqu'à ce qu'elle soit délivrée.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, vous avez vu par les bulletins que je suis arrivé à Vienne. Cela me donne, dans le moment actuel, toute espèce d'embarras. Dites donc à Dejean de pourvoir aux services; celui des fourrages et plusieurs autres services importants manquent du côté de Mayence. Ce n'est pas le moment de faire des phrases.
Je ne sais à quoi pense Marbois; je crois qu'il est devenu fou. Il voudrait que je convoquasse le Corps législatif pour avoir de l'argent. Il est vraiment extraordinaire que, devant me savoir occupé comme je le suis, il vienne me faire des sermons si ridicules. S'il n'y a point d'argent, c'est qu'il y a de l'agio, que les régents de la Banque ne suivent aucune loi constitutive de leur Banque, et que Roger n'y entend rien ; on le dupe.
Faites-moi connaître, je vous prie, si enfin le château des Tuileries est achevé. Il ne faudrait pas que M. Fontaine se fiât sur ce que je suis à Vienne, dans les palais de l'empereur d'Allemagne. Sachez aussi si tout est prêt dans mon palais de Bruxelles; faites-vous-en rendre compte.
J'imagine qu'il y a à Paris quelqu'un qui remplace M. Daru, que je viens de faire mon ministre des finances en Autriche.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
A M. Fouché
J'ai vu, dans le bulletin du 13-brumaire, une plainte du préfet contre le général Menou; cela n'est pas raisonnable. Dans les circonstances de la guerre, et dans un pays comme le Piémont, il est nécessaire que les généraux aient une grande autorité. Je suis surpris qu'un homme d'un si bon esprit que le préfet de Turin ne sente pas cela.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
Au maréchal Lefebvre, commandant le 2e corps de réserve, à Mayence
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du ....... Vous avez vu que par l'organisation de l'armée du Nord, j'ai pourvu à ce qui était nécessaire dans les premiers moments pour nous garantir des attaque imprévues de nos ennemis. Je ne doute pas de votre zèle et de tout votre activité dans les circonstances qui peuvent se présenter. Le roi de Prusse m'a fait assurer qu'il voulait garder la plus stricte neutralité; j'ai le droit d'y compter. Comportez-vous toujours bien et honorablement envers les Prussiens.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
Au vice-amiral Decrès
Quatre vaisseaux russes et deux frégates sont sortis de la mer du Nord pour entrer dans la Méditerranée. Si l'on peut les prendre, donnez ordre qu'on ne les manque pas.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
A M. Schimmelpenninck
Monsieur le Grand Pensionnaire de Hollande, j'ai reçu votre lettre du ler novembre, que m'a remise votre beau-frère. Je vous remercie de toutes les choses qui y sont contenues. Je m'en réfère à votre envoyé pour vous faire connaître tout ce qui s'est passé ici. Vous en éprouverez de la joie, car je connais votre attachement à ma personne et à la cause commune. Vous savez tout l'attachement que je vous porte, à votre patrie et à vous.
Schönbrunn, 15 novembre 1805, 10 heures du matin.
Au prince Murat
Les divisions Oudinot, Suchet, Legrand et Vandamme, le maréchal Mortier, qui suit l'ennemi, forment un corps très-considérable. Le maréchal Mortier a été, hier 23 (14 novembre), aux prises avec l'arrière-garde ennemie à la hauteur de Gaindorf. Il parait qu'il se retire avec sécurité et au petit pas. Dans le combat du 20 (11 novembre - Dürnstein), le général autrichien Schmidt a été atteint de trois coups de feu. Le général russe Collinet a été blessé. Il parait que le colonel Watier a été pris. S'il y des parlementaires, vous pouvez le demander en échange avec un colonel russe que nous avons pris dans la même journée.
Nous avons trouvé à Stein 1,500 blessés; vous pouvez faire dire au général Koutouzof qu'il peut être sans inquiétude, qu'on en aura le plus grand soin. Je donne ordre à la division Caffarelli de se rendre à Stockerau; elle y sera ce soir, et sera sous vos ordres. La division Saint-Hilaire ne sera à Vienne que demain à midi.
Pour ne point trop confondre tous les corps de l'armée, ne vous servez de la division Caffarelli que dans le cas où vous en auriez besoin.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
Au maréchal Bernadotte
L'Empereur, Monsieur le Maréchal, est fâché que, dans ce moment où le prince Murat et les maréchaux Lannes et Soult se battent à deux journées de Vienne, vous n'ayez pas encore fait passer le Danube à un seul homme; vos soldats seront sans doute fâchés de n'avoir pas toute la part qu'ils devraient avoir à la gloire de cette campagne. Par le retour de mon officier d'état-major, l'Empereur espère que vous me manderez que toute votre armée est passée, que vous êtes à la poursuite des Russes, et que vous leur tenez la baïonnette dans les reins.
Hier au soir les avant-postes du maréchal Murat, qui a couché à Weikersdorf, avaient rencontré l'ennemi sur plusieurs points.
Il est vraisemblable que, demain 25, les maréchaux Soult et Lannes et le prince Murat combattront l'ennemi; l'Empereur y sera vraisemblablement de sa personne; il ne doute pas que vous n'y soyez aussi, quand vous devriez marcher toute la nuit.
Le génie fera des reconnaissances pour fortifier Passau.
On fera une reconnaissance pour fortifier Enns avec un projet de tête de pont.
On fera faire une reconnaissance par un officier du génie, de Linz à Budweis, de Linz à Freising, de Freising à Passau, de Linz à Krems en longeant le Danube, de Vienne à Krems.
Un officier du génie, attaché au corps du maréchal Davout, reviendra pour faire la reconnaissance de Vienne à Lilienfeld, de Lilienfeld à Steyer en marquant le chemin qu'on a suivi, qu'on aurait pu suivre,, et celui qui aurait été le meilleur.
Le général Sanson donnera pour ces reconnaissances une échelle commune, au moins aussi forte que celle de la grande carte de Cassini. La population des villes, la hauteur des montagnes, la largeur des rivières, la physionomie du pays, doivent être désignées; et, relativement aux rivières, il faut avoir soin de dire, lieue par lieue, quelle est la rive qui domine.
Le général Sanson me fera demain le rapport des personnes qu'il convient de choisir pour ce travail, et me fera connaître le temps où il sera terminé. Il ne s'agit ni de planchette, ni de graphomètre, ni d'opérations astronomiques, mais de simples reconnaissances fait au pas et dessinées au coup d'il.
Il doit y avoir à Vienne des plans de cadastre ou d'autre reconnaissances que l'on doit trouver et qui pourraient enrichir le cabinet topographique : il faut en faire faire la recherche avec soin.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
ORDRE AU MAJOR GÉNÉRAL
Des ingénieurs géographes feront la reconnaissance de l'Enns, en établissant toutes ses communications avec la Styrie. Ils feront celle de tout le pays entre l'Enns et Vienne. Ils reconnaîtront d'abord toutes les rivières transversales, ensuite toute la chaîne des montagnes qui séparent de la Styrie et toutes les routes qui peuvent mener sur Vienne, enfin le Danube depuis l'Enns jusqu'à Vienne.
D'autres ingénieurs géographes seront chargés des reconnaissances depuis l'Enns jusqu'à l'Inn et la Salza, en établissant bien les débouchés du 'I'yrol. Ils feront celle du Danube depuis Passau jusqu'à l'Enns, des routes qui peuvent mener de Salzbourg et de la Styrie jusqu'à Vienne; enfin ils feront la reconnaissance de la Trasen.
Schönbrunn, 15 novembre 1805, 3 heures après midi
Au prince Murat
Mon Cousin, vous trouverez ci-joint la note des renseignements qu'on me donne à Vienne sur la marche des colonnes russes, une de 5,000 hommes et une de 9,000 hommes. Le général Bernadotte a perdu un jour; je viens de lui en témoigner mon extrême mécontentement. Il partira de Krems demain, à trois heures avant le jour pour appuyer fortement sur l'armée ennemie. Hier, 23 (14 novembre), un bataillon de la 9e légère a joint l'arrière-garde de l'armée russe; il en est résulté quelques coups de fusil. Bernadotte et Mortier n'auront pas moins de 25,000 hommes. L'armée du prince Charles, en Italie, est en pleine retraite, mais il est certain que, le 3 novembre, il était encore à Vicence. Marmont a poussé le corps qui était devant lui et qui bat en retraite. Ce corps était de 12,000 hommes et formait le premier détachement de l'armée d'Italie. Je ne suppose pas que le gros détachement du prince Charles puisse être, avant bien des jours, près de Leoben, si toutefois il ne se retire pas en Hongrie. Je pense qu'aujourd'hui je recevrai des renseignements plus précis sur la situation de l'ennemi. Le général Milhaud vient de prendre cent quatre-vingts pièces de canon. Je n'ai de ses nouvelles que depuis neuf heures du matin; il avait de l'infanterie et poussait vigoureusement l'ennemi. Tant que l'ennemi marchera, et que vous l'attaquerez par ses flancs, il ne sera pas très-redoutable pour vous. S'il prend une position, il parait qu'il ne la peut prendre que parallèle au Danube, du moment surtout qu'il sentira bien l'effet de la poursuite de Bernadotte.
Schönbrunn, 15 novembre 1805, 3 heures après midi.
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre. Continuez à me donner des renseignements. Appuyez ferme les mouvements du prince Murat; Bernadotte doit appuyer aussi. Saint-Hilaire ne sera ici que demain à midi. Pour ne pas perdre un moment, j'ai envoyé la division Caffarelli à Stockerau; car il faudra que la division Saint-Hilaire reste la journée de demain ici.
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Saint-Hilaire arrive à l'heure même; il a forcé de marche.
Schönbrunn, 15 novembre 1805, 4 heures après midi
Au général Marmont
Monsieur le Général Marmont, vous êtes un corps d'observation. Vous ne pouvez pas être, depuis plusieurs jours, appuyé par l'armée, puisque toutes mes forces sont dirigées contre les Russes. Je n'en ai pas beaucoup, puisque je suis obligé de garder Vienne et que, voulant les déborder pour les entamer sérieusement, il m'en faut davantage que si je ne voulais que les combattre. Toutes les fois que vous empêchez l'ennemi de s'emparer du Semmering-Berg et de déboucher dans la vallée du Danube, votre rôle est rempli. Si j'estime que vous n'êtes pas assez fort pour agir indépendamment, je vous crois trop fort pour vous tenir posté sur le Semmering-Berg. J'approuve donc que vous occupiez Bruck, Leoben; que vous ayez de forts postes à Oedenburg, à Graz. Éclairé de loin, vous avez le temps de me prévenir pour vous envoyer des forces suffisantes, non pour résister à l'ennemi, mais pour l'écraser. Il paraît déjà qu'il se doute que vous pouvez tenir à Leoben, puisque ses courriers se dirigent de Venise sur Presbourg, et qu'une de nos patrouilles vient d'en arrêter un jusqu'aux portes de cette capitale. Dans cette situation des choses, pour vous mettre à même de faire vos calculs, je vous envoie l'extrait des dépêches trouvées dans le courrier qu'on a arrêté. Il en résulte que le prince Charles était encore le 3 novembre à Vicence. J'estime qu'il faut à son corps d'armée au moins huit jours pour se rendre à marches forcées à Udine, et huit autres jours pour se rendre à Leoben. Il ne serait donc pas étonnant que, du 24 au 25, il se trouvât soit sur Graz, soit sur Leoben, suivant la route qu'il aurait prise. Nous sommes au 15; j'estime donc que, d'ici à neuf ou dix jours, la masse de ses forces ne peut être dans vos environs. J'espère donc alors pouvoir agir par vous et tous appuyer par une forte armée.
Schönbrunn, 15 novembre 1805
24e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Au combat de Dürrenstein, le général major autrichien Schmidt, qui dirigeait les mouvements des Russes, a été tué ainsi que deux généraux russes. Il paraît que le colonel Watier n'est pas mort, mais que, son cheval ayant été blessé dans une charge, il a été fait prisonnier. Cette nouvelle a causé la plus grande satisfaction à l'Empereur, qui fait un cas particulier de cet officier.
Une colonne de 4,000 hommes d'infanterie autrichienne et un régiment de cuirassiers ont traversé nos postes, qui les ont laissé passer sur un faux bruit de suspension d'armes, qui avait été répandu dans notre armée. On reconnaît, à cette extrême facilité, le caractère du Français, qui, brave dans la mêlée, est d'une générosité souvent irréfléchie hors de l'action.
Le général Milhaud, commandant l'avant-garde du corps du maréchal Davout, a pris cent quatre-vingt-onze pièces de canon avec tous les caissons d'approvisionnements, et 400 hommes. Ainsi presque totalité de l'artillerie de la monarchie autrichienne est en notre pouvoir.
Le palais de Schönbrunn,
dans lequel l'Empereur est logé, a été bâti par
Marie-Thérèse, dont le portrait se trouve dans presque tous les
appartements. Dans le cabinet où travaille l'Empereur est une
statue de marbre qui représente cette souveraine. L'Empereur, en
la voyant, a dit que, si cette grande reine vivait encore, elle
ne se laisserait pas conduire par les intrigues d'une femme telle
que madame de Colloredo. Constamment environnée, comme elle le
fut toujours, des grands de son pays, elle aurait connu la
volonté de son peuple; elle n'aurait pas fait ravager ses
provinces par les Cosaques et les Moscovites; elle n'aurait pas
consulté, pour se résoudre à faire la guerre à la France, un
courtisan comme ce Cobenzl, qui, trop éclairé sur les intrigues
de la cour, craint de désobéir à une femme étrangère,
investie du funeste crédit dont elle abuse; un scribe comme ce
Collembach; un homme enfin aussi universellement haï que
Lambertie; elle n'aurait pas donné le commandement de son armée
à des hommes tels que Mack, désigné, non par la volonté du
souverain, non par la confiance de la nation, mais par
l'Angleterre et la Russie. C'est en effet une chose remarquable
que cette unanimité d'opinions dans une nation tout entière
contre les déterminations de la Cour; les citoyens de toutes les
classes, tous les hommes éclairés, tous les princes mêmes se
sont opposés à la guerre. On dit que le prince Charles, au
moment de partir pour l'armée d'Italie, écrivit encore à
l'empereur pour lui représenter l'imprudence de sa résolution
et lui prédire la destruction de sa monarchie; l'électeur de
Salzburg, les archiducs, les grands tinrent le même langage.
Tout le continent doit s'affliger de ce que l'empereur
d'Allemagne, qui veut le bien, qui voit mieux que ses ministres,
et qui, sous beaucoup de rapports, serait un grand prince, ait
une telle défiance de lui-même, et vive si constamment isolé;
il apprendrait des grands de l'empire, qui l'estiment, à
s'apprécier lui-même; mais aucun d'eux, mais aucun des hommes
considérables qui jugent et chérissent les intérêts de la
patrie, n'approche jamais de son intérieur. Cet isolement, dont
on accuse l'influence de l'impératrice, est la cause de la haine
que la nation a conçue contre cette princesse. Tant que cet
ordre de choses subsistera, l'empereur ne connaîtra jamais le
vu de son peuple, et
sera toujours le jouet des subalternes que l'Angleterre corrompt,
et qui le circonviennent de peur qu'il ne soit éclairé. Il n'y
a qu'une voix à Vienne comme à Paris : les malheurs du
continent sont le funeste ouvrage des Anglais.
Toutes les colonnes de l'armée sont en grande marche et se trouvent déjà en Moravie et à plusieurs journées au delà du Danube. Une patrouille de cavalerie est déjà parvenue jusqu'aux portes de Presbourg, capitale de la haute Hongrie. Elle a intercepté le courrier de Venise, au moment où il cherchait à entrer dans cette ville. Les dépêches de ce courrier ont appris que l'armée du prince Charles se retire en grande hâte, dans l'espoir d'arriver à temps pour secourir Vienne.
Le général Marmont mande que le corps qui s'était avancé jusqu'à Oedenburg, par la vallée de la Mur, a évacué cette contrée après avoir coupé tous les ponts, précaution qui l'a mis à l'abri d'une vive poursuite.
Le nombre des prisonniers que fait l'armée s'accroît à chaque instant.
Sa Majesté a donné audience aujourd'hui à M. le général-major batave Bruce, beau-frère du Grand Pensionnaire, venu pour féliciter l'Empereur de la part de Leurs Hautes Puissances les États de Hollande.
L'Empereur n'a encore reçu aucune des autorités de Vienne, mais seulement une députation des différents corps de la ville, qui, le jour de son arrivée, est venue à sa rencontre à Sieghartskirchen. Elle était composée du prince Zinzendorf, du prélat de Seidenstetten, du comte de Veterani, du baron de Kess, du bourgmestre de la ville, M. de Wohebben (lire Wohlleben, Stephan Edler von, 1751-1823, maire de Vienne de 1804 jusqu'à sa mort), et du général Bourgeois, du corps du génie.
Sa Majesté les a accueillis avec beaucoup de bonté et leur a dit qu'ils pouvaient assurer le peuple de Vienne de sa protection.
Le général de division Clarke est nommé gouverneur général la haute et de la basse Autriche. Le conseiller d'État Daru en est nommé intendant général.
Schönbrunn, 15 novembre 1805, 9 heures du soir
Donnez ordre au général Fauconnet de se rendre à Volkersdorf, d'où il suivra le mouvement du général Milhaud et le soutiendra.
(Picard)
Schönbrunn, 15 novembre 1805
A Joseph
Vous avez vu par le bulletin tout ce que j'ai trouvé à Vienne. Je manuvre aujourd'hui contre l'armée russe, et, dans cette circonstance, j'ai été peu content de Bernadotte; peut-être sa santé en est-elle la cause. Son entrée à Munich et à Salzbourg, et la gloire que je lui ai donnée par ces belles missions, sans qu'il ait tiré un coup de canon, ni fait aucune des corvées de l'armée, ne me mettaient pas dans le cas de m'attendre qu'il manquerait d'activité et de zèle.
Il m'a fait perdre un jour, et d'un jour dépend le destin du monde; pas un homme ne m'aurait échappé.
J'espère qu'il réparera cela demain, en activant sa marche. Je désire beaucoup voir Junot; car je me convaincs tous les jours davantage que les hommes que j'ai formés sont, sans comparaison, les meilleurs. Je continue à être fort content de Murat, de Lannes, de Davout, de Soult, de Ney et de Marmont. Quant à Augereau, je n'entends pas parler de sa marche.
Masséna s'est conduit très médiocrement; il s'est fait battre à Caldiero (30 octobre 1805) par de fausses dispositions. L'armée du prince Charles vient sur moi, et, en ce moment, le pays vénitien doit être évacué. Il ne serait pas mal que, par des amis communs, vous lui fissiez entendre que je suis médiocrement content, non de sa valeur, mais du talent qu'il a montré. Cela aura l'avantage d'exciter son zèle et peut-être aussi d'empêcher les désordres qui commencent dans cette armée. Je sais qu'on a imposé une contribution de quatre cent mille francs à Vérone autrichienne. Mon intention est de rendre si riches les généraux et officiers qui mont bien servi, que je n'entends pas qu'ils déshonorent par la cupidité le plus noble métier, en s'attirant la déconsidération du soldat.
Le général Dejean (Jean François Aimé Dejean, 1749-1824. Il est alors ministre de l'Administration de la guerre) a mis pour l'armement de la citadelle d'Ancône une emphase vraiment ridicule; les raisons qu'il donne sont des pauvretés. Appuyez le connétable (Louis Bonaparte). Toutes les raisons que Dejean peut donner ne signifient rien. C'est l'usage des officiers du génie de faire de l'esprit; mais je veux qu'on arme, et cela suffit.
L'empereur d'Allemagne m'écrit les plus belles lettres du monde; mais il m'a laissé occuper sa capitale, et il n'a pas encore secoué l'influence des Russes. Il doit être à présent avec l'empereur Alexandre; mais, un jour ou l'autre, il faudra bien qu'il se décide.