1 - 15 août 1806


Saint-Cloud,  août 1806. 

Au général Rapp, commandant la 5e division militaire, à Strasbourg

J'ai reçu votre lettre avec le livret, qui y était joint, des trois colonnes que vous avez fait partir pour la Grande Armée, se montant à 41,200 hommes d'infanterie et 2,000 chevaux. Je désire que vous me fassiez connaître, par un livret pareil, ce qui reste aux dépôts en officiers, sous-officiers et soldats, et en chevaux, et ce qui leur manque pour qu'ils fournissent un plus grand nombre de troupes et de chevaux.

J'ai confronté votre livret avec mes états de situation; j'yvois, que le 3e de ligne devait avoir 800 hommes à son dépôt : vous en avez fait partir 400, il doit en rester 400;

Que le 4e de ligne devait avoir 500 hommes : il n'en est rien parti; 

Que le 18e de ligne avait 600 hommes, il en est parti 300, il en doit rester 300;

Que le 24e de ligne avait 470 hommes, il n'en est parti que 140, je suis étonné que vous n'ayez pas fourni les 200 hommes demandés;

Que le 24e avait 650 hommes : il n'en est parti que 2970; pourquoi n'a-t-il pas fourni les 300 demandés ? est-ce défaut d'habillement ou d'équipement ? que le 40e avait 800 hommes : il n'en a fourni que 400, est-ce par la même raison ?

Que les 57e, 88e et 96e n'ont rien fourni;

Que vous n'avez fait partir que 300 hommes du 24e d'infanterie légère, qui est porté à 900 hommes;

Que le 26e n'a fourni que 400 hommes : il doit avoir beaucoup de monde disponible, il a 850 hommes;

Que le l7e de dragons, qui est porté sur mes états comme ayant 143 chevaux, n'en a fait partir que 63 : pourquoi cette différence ? que le 18e, qui avait 108 chevaux, n'en a fourni que 41 ; que le 19e qui avait 200 chevaux, n'en a fourni que 124; que le 27e, qui avait 137 chevaux, n'en a fourni que 89;

Que le 10e de cuirassiers, qui avait 217 chevaux, n'en a fait partir que 129; que le 11e de cuirassiers, qui avait 157 chevaux, n'en a fourni que 123;

Que le 8e de dragons, qui avait 160 chevaux, n'en a fourni que 100; que le 12e de dragons, qui en avait 139, n'en a fourni que 93; que, le 16e de dragons, qui en avait 188, n'en a fourni que 14; que le 2le, qui avait 135 chevaux, n'en a fourni que 120;

Que le 11e de chasseurs, qui avait 137 chevaux, n'en a foui que 87; que le 16e, qui en avait 157, n'en a fourni que 109 ; que le 13e, qui en avait 207, n'en a fourni que 62 : celui-là me paraît le plus extraordinaire; on en avait demandé 180; le régiment paraît en état de les fournir; que le 2le de chasseurs avait 240 chevaux, il n'en a fourni que 187 ;

Que le 8e de hussards, qui en avait 93, n'en a fourni que 52; que le 10e, qui en avait 149, n'en a fourni que 109; enfin que le 8e, qui en avait 138, n'en a fourni que 98.

Faites-moi connaître les raisons de ces différences.


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre état de situation au 15 juillet. Je suis fâché que le général Marmont ait emmené une artillerie inutile, qui me consomme des chevaux sans raison. 

L'officier du génie Somis est trop vieux pour faire utilement un service de montagne. Donnez-lui ordre de se rendre à Venise, où il dirigera les travaux; il y a là le général Poitevin, qui est un officier distingué.

Je vous ai fait connaître que mon intention était que le 2e corps de la Grande Armée se tînt prêt à marcher; il n'y a donc pas un moment à perdre pour l'organiser.

Donnez ordre au 3e bataillon du 8e d'infanterie légère, aux 3e et 4e bataillons des 11e, 35e et 60e de ligne de se rendre à Trévise, Padoue et Vicence, comme je l'ai déjà ordonné. Mon intention est qu'il n'y ait aucun dépôt ni embarras entre la Piave et l'Isonzo. Vous continuerez à laisser sur l'Isonzo les deux divisions du 2e corps de la Grande Armée, l'une composée des 9e de ligne, 82e et 92e, l'autre
des 106e, 53e et 13e.

Vous donnerez ordre que le 3e bataillon du 13e rentre également du côté de Trévise ou de Padoue, de manière que vous aurez au second corps de la Grande Armée trois bataillons du 9e, autant du 84e, autant du 92e; deux bataillons du 106e, deux du 53e.

Vous composerez la garnison de Venise de tous les 3e et 4e bataillons, qui vont s'augmenter successivement par la rentrée des malades laissés en Italie, et maintenant en route pour rejoindre leurs 3e bataillons. Mon intention est qu'aucun homme détaché ne rejoigne l'armée qui est en Dalmatie. Tous les individus sortant des hôpitaux en deçà de l'Isonzo doivent se rendre à leurs dépôts, et, en attendant que vous en ayez un pour les 5e, 23e, 79e et 81e régiments, vous en formerez un provisoire. Je donnerai ensuite des ordres pour que ces individus se rendent en Dalmatie, si cela entre dans nos projets; mais aucun mouvement d'hommes isolés ne doit avoir lieu d'Italie sur l'Istrie sans un ordre positif. Veillez à ce que cela soit ainsi, car j'apprends avec peine qu'un grand nombre d'hommes isolés traversent tous les jours la Croatie pour se rendre en Dalmatie.

Le général Broussier commandera une des divisions du second corps d'armée. Je vous enverrai incessamment un général de division distingué pour commander l'autre division, et un officier d'expérience pour commander tout le corps.

Je vous recommande de nouveau de donner l'ordre qu'il n'y ai en Istrie aucun dépôt, et qu'on n'y laisse que le matériel et l'artillerie strictement nécessaires pour la défense des ports et de la côte.

Que tous les dépôts des 3e et 4e bataillons repassent la Piave, qu'il n'y ait dans le Frioul que le second corps de la Grande Armée composé de six régiments d'infanterie, de deux de cavalerie, ayant son artillerie en état et se trouvant enfin de la même force que celle que le général Marmont commandait.

Le général Marmont a emmené trop de troupes. Je n'avais pas compté sur le 35e; je vous ai déjà mandé de le faire revenir par mer, s'il y avait moyen, et au moins les 3e bataillons des 5e, 23e et 79e. Dans votre état de situation, vous ne me parlez pas de la formation que les dépôts des corps qui sont en Dalmatie et en Italie ont dû recevoir, d'après les ordres que j'ai donnés il y a déjà quinze jours. Ayez soin de vous occuper sans relâche de cet objet et de m'apprendre que tous les dépôts sont organisés et inspectés; il est urgent qu'ils préparent tous les moyens dont ils peuvent disposer,  car ils vont recevoir beaucoup de conscrits dans l'automne.


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au roi de Naples

Toutes les hypothèses que vous faites sont inutiles. Un an plus tôt, un an plus tard, vous serez maître de la Sicile, et cette Médée n'y aura pas un pouce de terre.

Le général Campredon vient d'arriver; il m'a paru extrêmement fatigué. Du moment qu'il sera reposé, je vous le renverrai; mais je voudrais arrêter avant quelques idées sur les fortifications de Naples. Il est donc convenable que vous lui envoyiez tous les plans nécessaires.

Il vous faut une grande place où toute l'artillerie, tous les dépôts puissent être en sûreté et soutenir un long siège, pour donner le temps à des secours d'arriver.

Où doit être située cette place ? Prendra-t-on Capoue ou toute autre ? C'est une question assez importante. Enfin on ne peut rester en l'air au milieu d'un peuple ennemi qui est inconstant, qui l'a toujours été, et qui, pendant les premières années, sera sans consistance.

Supposez les Français battus en Italie, et qu'on fût obligé de faire la guerre dans le royaume de Naples : il serait convenable d'y avoir une place qui pût renfermer les dépôts, les hôpitaux, les munitions de guerre, et où l'armée pût se rallier et concentrer sa défense.

Il peut y avoir des avis pour mettre cette place à Naples même, non qu'aucun homme sensé puisse avoir l'idée d'enfermer cette immense ville dans la place, mais aux. approches de la ville et dans une situation à avoir des feux sur la rade. On aurait le double avantage que la ville serait défendue et qu'elle-même serait contenue, ce qui serait d'un grand résultat. Mais il ne s'agit pas d'avoir une simple citadelle qui ne signifie rien, mais une localité d'une étendue au moins de 3,000 toises. Causez là-dessus avec quelques officiers du génie. Il serait très-avantageux de pouvoir, par une seule place, contenir la capitale, avoir des batteries sur le port, mettre à l'abri tous les établissements d'artillerie, les magasins et les dépôts de ]'armée. En travaillant trois ou quatre ans à cette place, en y mettant trois ou quatre millions par an, on aurait une place qui se défendrait six mois, et qui, contenant 12 à 15,000 hommes, occuperait une armée considérable. Beaucoup de places ne servent de rien. Soit qu'on établisse cette place à Naples, soit qu'on l'établisse à Capoue, il vous en faudra encore deux autres aux extrémités de la Calabre, à Charybde et Scilla, pour lier ces deux parties du royaume, et enfin une à Tarente et dans un meilleur point, s'il est possible d'en trouver, qui puisse, même en perdant la supériorité sur terre, mettre à l'abri nos magasins et nos flottes qui arriveraient à Tarente pour la discussion des affaires du Levant. Il sera ensuite nécessaire d'établir des forts dans les îles et de bonnes redoutes revêtues à la gorge dans le mouillage le plus près de la côte; mais cela n'est que d'un intérêt secondaire. Les plans de Tarente sont déjà faits. Ce qui est le plus important, c'est une belle place de dépôt telle que le roi lui-même puisse s'y enfermer et s'y défendre pendant des années, avec les hommes qui lui sont le plus attachés; car, une fois le royaume de Naples soumis, le principe d'une famille qui y règne est de n'en jamais dépasser les frontières, et d'y périr, s'il le faut, en défendant le territoire; et cette seule idée doit donner une autre direction à l'esprit public.

Une dynastie élevée dans ce principe ne sera jamais vaincue et conservera le trône intact. Vous voyez que, si le roi avait eu une place pareille et s'y fût renfermé au lieu d'aller en Sicile, vous auriez eu deux sièges à faire; vous n'auriez trouvé aucune ressources ni aucune artillerie; en deux ans vous n'eussiez pas pris ces places, et la paix ou d'autres événements continentaux auraient pu le sauver.


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre du 27 juillet. Les reproches que je faits sont relatifs à la précipitation que vous mettez dans vos opérations. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous vous fassiez faire un rapport général sur vos places fortes. Je désire que vous me le soumettiez. Vous devez penser que je puis avoir un jour la guerre avec la Prusse et l'Autriche réunies, et que des places du coté l'Allemagne me seront utiles. Je ne puis vous donner mon opinion sur les capitulations que vous avez avec les princes de Waldeck et de Saxe-Gotha pour des régiments. Songez bien que vous avez besoin de troupes pour vous former une armée de 30,000 hommes qui vous défende contre les descentes des Anglais et dans toutes les autres circonstances, et qui garde vos colonies. Il ne faut rien précipiter; ce n'est que lorsque vous m'aurez fait connaître la situation de vos troupes, votre manière de les recruter, que je pourrai vous donner mon opinion sur cette question.

Les meilleures troupes, celles auxquelles vous pouvez avoir le plus de confiance, sont les Suisses; elles sont fidèles et braves; mais en général elles ne veulent point aller aux colonies. Lorsque vous m'aurez fait un rapport général sur votre armée et sur vos conditions, on pourra voir s'il est possible de mettre à votre service quelques régiments, soit de Bade, soit de Wurtemberg, soit de Hesse-Darmstadt, lesquels, appartenant à des princes plus puissants, seraient bons et déserteraient moins.


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au roi de Hollande

Les circonstances peuvent exiger que vous réunissiez à Utrecht un camp de troupes hollandaises, le plus considérable que vous pourrez, de 18,000 hommes, si cela est possible. J'ai donc besoin que vous me fassiez connaître de quels corps et de quelles armes il sera composé. Il pourrait occuper les mêmes positions qu'occupait le corps du général Marmont.


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au roi de Hollande

Le 21e régiment d'infanterie légère qui arrive à Wesel n'a point ses carabiniers; j'avais cependant donné ordre que ce qu'il y avait de ce régiment en Hollande s'y rendît. Que voulez-vous que je fasse d'un régiment sans carabiniers qui va marcher à l'ennemi ? Je suis fort mécontent de cette inexécution de mes ordres, qui me paralyse un régiment. 


Saint-Cloud, 1er août 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il n'y a pas d'inconvénient, puisque vos ordres sont partis, que la Grande Armée se trouve sur un pied respectable. J'ai seulement retenu les détachements et les 3e, et 4e bataillons qui sont à Boulogne, Anvers, Paris, et j'ai laissé continuer tout le reste des mouvements. Rapp, à qui j'ai donné provisoirement le commandement de la 5e division, me rend compte que trois colonnes, formant 4,200 hommes d'infanterie et 2,000 chevaux, ont passé le Rhin.


Saint-Cloud, 2 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je vous envoie des lettres du duc de Clèves. Je vous prie de me les renvoyer lorsque vous en aurez pris connaissance. Mon intention est que vous expédiiez à Berlin un courrier extraordinaire à M. Laforest, pour l'informer confidentiellement de ce qui se passe. J'envoie l'ordre positif au duc de Clèves de ne se permettre aucune espèce d'hostilité directe ni indirecte envers la Prusse. Le but de votre dépêche à M. Laforest sera donc de lui faire connaître que, si le cabinet prussien apprenait qu'il fût arrivé quelque chose de grave, il doit déclarer que, dans un moment où je ne fais point ma paix avec l'Angleterre pour ne pas priver la Prusse du Hanovre, je n'ai certainement point le dessein de rien faire contre elle; que, si le duc de Clèves n'a point été prévenu, c'est que j'on n'avait pas prévu que les pays fussent occupés par des troupes prussiennes. Je n'ai pas besoin de vous dire que, s'il ne se passe rien, M. Laforest ne doit rien dire. Réitérez-lui qu'à tout prix je veux être bien avec la Prusse, et laissez-le, s'il le faut, dans la conviction que je ne fais point la paix avec l'Angleterre à cause du Hanovre.


Saint-Cloud, 2 août 1806

Au prince Joachim

Mon Cousin, je reçois votre lettre. La résolution où vous êtes de repousser par la force les Prussiens du pays qu'ils occupent est une véritable folie; ce serait alors vous qui insulteriez la Prusse, et ceci est très-contraire à mes intentions. Je suis en bonne amitié avec cet puissance, je cesse de faire la paix avec l'Angleterre pour lui conserver le Hanovre; jugez après cela si je voudrais me brouiller avec elle pour des bêtises. Je veux m'entendre à l'amiable avec elle. S'il y des troupes prussiennes dans les pays que vous devez occuper, gardez-vous de leur faire aucune offense, et ne donnez aucun prétexte. Je suis, encore une fois, en bonne harmonie avec la Prusse. Vos propos doivent être très-rassurants. Je ne puis vous exprimer la peine que j'éprouve en lisant vos lettres; vous êtes d'une précipitation désespérante. Votre rôle est d'être conciliant et très-conciliant avec les Prussiens, et de ne faire aucun pas qui leur nuise. Le premier mal vient de l'occupation de Werden, que vous ne deviez pas occuper. Ce n'était pas votre affaire.

La division Dupont se rend sur l'Inn; vous ne devez en disposer en rien. Vous ne savez pas ce que je fais. Restez donc tranquille. Avec une puissance comme la Prusse, on ne saurait aller trop doucement. La division Dupont a ordre de se cantonner depuis Cologne jusqu'à Coblentz, et de là rejoindre l'armée. Ne dérangez aucune de mes dispositions.


Saint-Cloud, 3 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois vos lettres du 24. Vous pouvez dire au maréchal Masséna, que j'ai fait mettre en liberté Ardant.

Après avoir vu avec attention tout le profil de Gaète, je crois que c'est une trop mauvaise place pour l'occuper. Une place que l'on bat en brèche sans que l'on ait couronné le chemin couvert, et dont la brèche est praticable sans passer le fossé et sans faire sauter la contrescarpe, est une mauvaise place. Je n'ai aucune idée de Capoue; je ne connais pas Pescara : j'ai peine à croire cependant qu'il faille 3,000 hommes pour défendre cette place.

Quand même la guerre renaîtrait sur le continent, je me contenterais de reprendre à l'armée de Naples le même nombre de troupes que je lui enverrais de ses dépôts, c'est-à-dire la valeur de quatre régiments et les trois quarts de la cavalerie qui s'y trouve; avec cela j'aurais suffisamment. 


Saint-Cloud, 5 août 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous prie de lire avec attention ce rapport sur Bordeaux. Faites-moi connaître ce que vous pensez du maire et des adjoints. Causez-en avec Pérignon, Jaubert et Grammont. Mou intention est au reste de ne point souffrir dans ces places des hommes opposés aux opérations du Gouvernement et beaux-frères d'agitateurs. Éclairez-vous là-dessus, et faites-moi connaître comment on pourrait les mieux remplacer. 


Saint-Cloud, 5 août 1806

A M. Fouché

Si le baron de Vernazza est à Turin, faites-le arrêter et conduire Paris, comme étant retourné auprès du roi de l'île de Sardaigne.

S'il n'y est pas, faites mettre le séquestre sur ses biens, par la même raison, et faites-le inscrire sur la liste des émigrés.

Donnez ordre que l'abbé Pullini se rende en surveillance dans quelque petite ville du Languedoc que vous désignerez. On n'est point assez sévère pour des hommes qui ont eu des intelligences avec le roi de Sardaigne. Donnez ordre au général Menou et aux préfets de correspondre avec vous pour vous faire connaître ces individus; mon intention n'est pas de les ménager. Tout individu ayant correspondu directement ou indirectement avec le roi de Sardaigne ou ses agents doit ne pas être souffert en Piémont et doit être l'objet d'une mesure extraordinaire.

Je suis fâché que vous ayez accordé à Mme Turgot la permission de revenir à Paris; elle a été impliquée dans la conspiration Georges. Mon intention est que tous les individus compromis dans un si grand attentat soient tenus éloignés de la capitale. Ce n'est pas faire la police que ne pas y tenir la main. Vous autorisez également Beuquet de la Pommeraye à revenir. Quelle est donc cette folie de rappeler à Paris de mauvais sujets incorrigibles ? En général je désire que vous ne laissiez revenir aucune des personnes exilées sans mon autorisation. Vous jouez trop avec les éléments de la tranquillité publique. Il me semble que Mme Turgot a été tellement compromise qu'elle doit ne jamais revenir dans la capitale et être l'objet d'une surveillance spéciale. Chargez M. Réal de me faire un rapport sur tous les individus qui ont été impliqués directement ou indirectement dans la conspiration de Georges. Pas un ne doit rester à Paris. Le moindre mal de cette douceur mal entendue est d'accoutumer ces gens-là à regarder comme des peccadilles ce qui est tramé contre le Gouvernement. Il faut que tous les jours un crime de cette nature devienne plus grave.


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au roi d'Espagne

Monsieur mon Frère, j'ai tardé à répondre à la dernière lettre de Votre Majesté. Je désire contribuer à donner au prince de la Paix une preuve signalée de l'amitié toute particulière que Votre Majesté lui porte. Le roi d'Angleterre m'ayant paru sincèrement animé du désir de mettre fin à la présente guerre, j'ai autorisé M. le général Clarke, mon secrétaire du cabinet et mon conseiller d'État, à entrer en conférence avec lord Yarmouth, et les premières ouvertures ont été assez satisfaisantes de part et d'autre pour que le cabinet de Saint-James ait jugé convenable de donner un caractère authentique et des pouvoirs pour négocier, conclure et signer un traite définitif à lord Yarmouth et à lord Lauderdale. Ce dernier est arrivé aujourd'hui même dans ma capitale. Votre Majesté jugera sans doute convenable d'envoyer à Paris un ministre chargé de ses instructions et de ses ordres. Il ne me reste qu'a réitérer à Votre Majesté l'expression des sentiments de la sincère amitié que je lui porte.


Saint-Cloud, 5 août 1806

A la reine d'Espagne

Madame ma Sœur, je ne saurais assez remercier Votre Majesté des choses aimables qu'elle veut bien me dire sur les évènements de la dernière campagne. Je la prie d'être convaincue de l'intérêt que je porterai constamment à sa fille la reine d'Étrurie, qui se distingue par tant de belles qualités. Elle ne doutera pas non plus du désir que j'ai de trouver des circonstances qui me mettent à même de lui donner des preuves de la parfaite amitié que je porte à Votre Majesté.


Saint-Cloud, le 5 août 1806

DÉCISION

Le prince de Neuchâtel écrit que les libelles récemment publies en Allemagne contre l'Empereur ont été répandus par les libraires Kopfer de Vienne, Enrich de Linz et Stein de Nuremberg

M. le prince de Bénévent fera une note très-forte à M. de Metternich à ce sujet. Il fera sentir combien je suis indigné que la cour de Vienne ait recours à des moyens si lâches, après que j'ai tenu envers elle une conduite aussi généreuse; il demandera l'arrestation et la punition exemplaire des auteurs et colporteurs de ces libelles.


Saint-Cloud, 5 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, tous les libelles qu'on répand en Allemagne sortent de la ville de Nuremberg. Faites connaître au Sénat de cette ville que si, sur-le-champ, il ne fait pas arrêter les libraires et brûler tous ces libelles, avant de quitter l'Allemagne, je punirai la ville de Nuremberg d'une manière exemplaire.


Saint-Cloud, le 5 août 1806

DÉCISION

Il est demandé une place d'élève à l'école militaire de Fontainebleau pour le jeune Fontbonne, fils d'un général mort à l'armée d'Italie.

Le faire interroger pour savoir s'il a les qualités nécessaires, et me le proposer pour une place d'élève à l'école militaire Fontainebleau .


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au général Decaen

Vous ferez connaître à l'artillerie et au génie ma satisfaction de la conduite de ces deux corps à Gaète, ainsi qu'aux régiments composant l'armée assiégeante. J'ai ordonné que quatre places dans la Légion seraient accordées aux officiers et quatre aux sous-officiers et soldats de chacun de ces régiments. Je désire que vous me fassiez un rapport sur les officiers, sous-officiers et soldats du génie et de l'artillerie qui se sont plus particulièrement distingués.


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'imagine que vous avez fait arrêter les libraires d'Augsbourg et de Nuremberg. Mon intention est qu'ils soient devant une commission militaire et fusillés dans les vingt-quatre heures. Ce n'est pas un crime ordinaire que de répandre des libelles dans les lieux où se trouvent les armées françaises pour exciter les habitants contre elles : c'est un crime de haute trahison. La sentence portera que, partout où il y a une armée, le devoir du chef étant de veiller à sa sûreté, les individus tels et tels, convaincus d'avoir tenté de soulever les habitants de la Souabe contre l'armée française, sont condamnés à mort. C'est dans ce sens que sera rédigée la sentence. Vous mettrez les coupables au milieu d'une division, et vous nommerez sept colonels pour les juger. Vous ferez constater, dans la sentence, que les libelles ont été envoyés par les libraires Kupfer, de Vienne, et Enrich, de Linz, et qu'ils sont condamnés à mort comme contumax; lequel jugement sera exécuté, s'ils sont saisis, partout où se trouveront les troupes françaises. Vous ferez répandre la sentence dans toute l'Allemagne.


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au maréchal Lefebvre

J'ai reçu votre lettre du 28 juillet. Vous ne rentrerez à Paris qu'avec l'armée. Si l'on ne se bat pas, il faudra que vous restiez tranquille, si l'on se bat, vous aurez un commandement digne de votre grade et de votre ancienneté. 


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis fâché que vous ayez fait rétrograder le 11e régiment de ligne. Dans la saison où nous sommes, rien ne dégoûte plus le soldat que ces marches et contre-marches. Le général Marmont ayant donné ordre aux deux bataillons du 11e de retourner dans le Frioul, il eût mieux valu les laisser revenir. Il faut éviter les contre-ordres; à moins que le soldat n'y voie une grande raison d'utilité, il prend du découragement et perd la confiance. Ce régiment aura donc fait six contre-marches dans un pays ingrat et dans cette horrible chaleur; cela est bien léger.


 Saint-Cloud, 5 août 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, il paraît que les Anglais s'adoucissent. Les négociations sont ouvertes en forme. Lord Lauderdale et lord Yarmouth sont les deux négociateurs anglais. Le premier est arrivé ce matin. Comme le roi d'Angleterre sait que je veux rester maître de Naples et de la Sicile, on peut regarder ce point comme entendu; toutefois rien n'est encore décidé. Vous aurez un beau royaume; ce sera à vous à pas vous endormir sur le trône et à organiser vigoureusement vos finances, de manière à avoir une bonne marine et une bonne armée. Il ne faut point perdre de vue que la force et une justice sévère sont la bonté des rois. Vous confondez trop la bonté des rois avec la bonté des particuliers. J'attends de savoir la quantité de biens que vous avez confisqués en Calabre , le nombre de révoltés dont avez fait bonne justice. Faites fusiller trois personnes par village, des chefs des rebelles. N'ayez pas plus d'égards pour les prêtres que pour les autres.


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au roi de Hollande

Mon Frère, je sens que vous avez besoin de Français pour votre Garde; mais il ne faut point les prendre dans le même corps, et surtout ne pas organiser votre Garde d'une manière aussi coûteuse que la mienne. Si vous voulez avoir 600 hommes de troupes françaises, je crois que le mieux est de les composer de conscrits de choix pris dans les départements, auxquels vous donnerez une masse plus forte, pour que leur habillement soit plus soigné. J'ai été moi-même obligé d'avoir recours à cette méthode, car l'armée ne peut pas me fournir tous les soldats dont j'ai besoin pour ma Garde. Toutefois, si vous persistez à vouloir d'anciens soldats, il faut en prendre tant par corps; mais le nombre de 600 est bien considérable.

L'organisation de votre armée doit marcher d'un seul pas. Je crois que vous n'avez pas de conscription en Hollande. Vous avez besoin de troupes pour vos colonies et pour le continent. Il faut que vous m'envoyiez un mémoire là-dessus, afin que nous calculions les choses de manière que vous ayez des soldats et non de la canaille, et que cela ne nuise pas trop à l'armée française.


Saint-Cloud, 5 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, mon intention est que tous les militaires qui obtiennent les Invalides pour des blessures reçues dans la guerre de la troisième coalition soient admis à l'hôtel des Invalides de Paris. Donnez des ordres en conséquence.


Saint-Cloud, 6 aout 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES

Le projet sur les missions à l'intérieur, tel qu'il est rédigé, n'organise pas de manière à atteindre le but qu'on se propose.

L'utilité de ces missions se réduit aujourd'hui à quelques départements de montagnes et à ceux de l'ouest. Il faudrait donc avoir une vingtaine de prêtres qu'on élèverait, non point à Lyon, mais à Paris, et qui parleraient le bas-breton et les idiomes particuliers des habitants des montagnes du Languedoc. Ce n'est ni dans les villes, ni dans les autres départements que les missions peuvent être utiles.

Quant aux missions étrangères, il faut voir s'il ne serait pas plus avantageux de les placer à Versailles.

Il ne conviendrait pas de donner les Minimes de la Place des Vosges à l'un de ces établissements. Ce local est beaucoup trop étendu. Il serait beaucoup plus propre à placer les sœurs de la Charité, s'il n'était également plus à propos de les établir à Versailles.


Saint-Cloud, 6 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je vous envoie quelques observations sur le traité de paix avec l'Angleterre. Sa rédaction me paraît encore loin de la maturité.

OBSERVATIONS SUR LE PROJET DE TRAITE AVEC L'ANGLETERRE

Je ne puis adopter l'article 4, parce qu'il a l'air de subordonner l'article 5 à l'article 4. Je n'ai point d'États à donner au roi de Naples. Je ne puis prendre cette forme. A effacer.

Article 5 : Pas besoin de m'embarrasser du roi d'Étrurie. Effacer. Ridicule de parler du prince de Neufchâtel et des arrangements d'Italie. Il ne faut pas plus que les Anglais se mêlent des affaires d'Italie que moi des affaires de l'Inde. Ne pas parler de cela.

Article 7 [8] : effacer le roi d'Étrurie.

Article 8 [9] : mettre l'Espagne. Il est vrai qu'elle n'a rien de pris; mais elle pourrait avoir quelque chose de pris dans l'intervalle.

Point d'article 10 [11] : Pourquoi la Suède ne conserverait- elle : la Poméranie, puisque personne ne la lui a prise ? Chose absurde. Si les Anglais persistent, on pourra dire que je reconnais la séparation faite de la Poméranie et son incorporation aux États de Suède.

Article 14 [15] : ajouter : « Les deux parties contractantes reconnaissent à S. M. le roi de Naples et de Sicile la décoration de l'ordre de Malte et le droit de la conférer à ses sujets, et ce comme un ordre privé et particulier à son royaume, sans que cela puisse lui donner aucun droit à Malte, car l'Empereur des Français renonce pour lui à tout droit de souveraineté et autre sur Malte. »

Effacer l'article 15 [16], comme contraire à l'unité respective des deux puissances; c'est un article d'armistice et non d'un traité de paix.

Article 16 [17] : effacer, idem.

Article 17 [18 ] : effacer. Qu'est-ce qu'une république que j'ai cédée à la Russie ? C'est ridicule.

L'article 18 [19] est mal rédigé. On pourrait mettre : « Les deux parties contractantes reconnaissent l'acte de médiation comme unique constitution et droit public de la Suisse. » Si cette rédaction conduit le négociateur anglais à ne pas vouloir de cet article, j'y consens.

ARTICLES SECRETS

L'article 1er parait vague. Faire aussi intervenir l'Angleterre dans les cessions avec l'Espagne; surtout ne pas parler de la Russie, ce qui est une chose qui ne regarde pas l'Angleterre.

Article 3 : évidemment ridicule.

S. M. le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne comme roi de Hanovre n'est rien; c'est avec le roi d'Angleterre que je stipule. D'ailleurs il n'y a pas assez de franchise dans cette rédaction. Mettre dans ce sens : « Les deux hautes parties contractantes s'engagent à réunir leurs efforts pour que S. M. le roi de Prusse restitue le Hanovre à l'Angleterre, sans délai, moyennant, 1° une restitution de toutes les prises, etc., comme à la fin de l'article second; 2° une indemnité prise autour de lui et équivalant à 400,000 âmes de population. Surtout ne parler en rien d'Anspach, ni de Clèves, ni de Neufchâtel.

Article 7 : si on ne veut rien dire de plus, inutile. Y suppléer par cet article patent : « Les deux parties contractantes prendront de bonne foi les mesures nécessaires pour que ce qui intéresse l'honneur des deux nations ne soit blessé d'aucune manière par les écrivains, orateurs, etc., de chaque nation. Toutefois il ne sera pas licite à l'une ni à l'autre de s'attribuer tout ce qui pourrait être fait et dit dans l'intérieur de leur gouvernement et de leurs assemblées, de part ou
d'autre.»

De sorte que ce traité est bien loin de me paraître encore mûr. 


Le projet de traité auquel se rapportent les observations de Napoléon n'a pu étre retrouvé aux archives des affaires étrangères; la commission s'est adressée au comte de Flahault, ambassadeur de France à Londres, qui a obtenu du Foreign Office communication du document suivant, lequel porte en marge Projet. - R. by Mr. Godard, august 1 1806. (Voir aussi lettre à Talleyrand du 18 août.)

PREAMBULE. - [ One was proposed by general Clarke, but he said that it was ill writien, and that the Emperor would adopt any that might suit his Majesty.]
ARTICLE ler. - [As usual in treaties,friendship, amity, etc.]
ART. 2.
[Cessation of hostilities.]
ART. 3. [Article about the prisoners, as usual; except, after] : soit  par terre, soit par mer, les otages enlevés ou donnés pendant la guerre et jusqu'a à ce jour, et tout sujet des puissances ci-dessus nommées qui aurait pu être retenu, etc. »
ART. 4. - Par suite des circonstances, et de concert avec Sa Majesté imperiale de toutes les Russies, la famille qui régnait à Naples et en Sicile devant obtenir d'autres États, les deux hautes parties contractantes se réuniront et se concerteront au sujet du nouvel établissement de cette famille.
Ou bien :
La France et la Russie s'étant entendues sur l'indemnité à donner à la famille royale ci-devant régnante à Naples et en Sicile, S. M. le roi du royaume de la Grande-Bretagne et de l'Irlande y déclare son adhésion.
ART. 5. - S. M. le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande reconnaît le prince Joseph-Napoléon de France en qualité de roi des deux Siciles, le prince Louis en qualité de roi de Hollande, les rois d'Etrurie, de Bavière et de Wurtemberg, les grands-ducs de Bade, de Clèves et de Hesse-Darmstadt, le prince de Neufchâtel et les arrangements faits en Italie jusqu'à ce jour, desquels il a été donné connaissance.
ART. 6. - Quelque chose de très-clair sur les dettes; commissaires si l'on veut.
ART. 7. - S. M. l'Empereur Napoléon reconnaît S. M. le roi du royaume de1a Grande-Bretagne et d'Irlande comme souverain du Hanovre. Cette Souveraineté comprend toutes les possessions de Sadite Majesté Britannique dans le nord de l'Allemagne avant la présente guerre.
ART. 8. - Le présent traité est déclaré commun à LL. MM. le roi d'Espagne et des Indes; Joseph-Napoléon , roi des Deux-Siciles; S. M. Très-Fidèle la reine de Portugal; Louis-Napoléon, roi de Hollande; le roi de Suède; le roi d'Etrurie, et aux autres rois et princes désignés dans l'article 5, à moins que, par une déclaration expresse, l'un ou l'autre de ces princes ne fasse connaître qu'il ne veut prendre aucune part au présent traité. Les hostilités cesseront parmi ceux qui y participeront. [An additional article in case of the king of Sweden's refusal]

   
ART. 9. - S. M. le roi de la Grande-Bretagne restitue à S. M. l'Empereur des Français, roi d'Italie, et à S. M. le roi de Hollande, toutes les possessions ou colonies qui leur appartenaient respectivement, dans quelque partie du monde qu'elles soient situées, soit qu'elles étaient été occupées ou conquises par les forces britanniques dans le cours de la guerre actuelle, soit qu'elles aient continué à être occupées par S. M. le roi de la Grande-Bretagne depuis le 25 mars 1802 à l'exception du cap de Bonne-Espérance.
ART. 10. Renonciation par l'Empereur, au nom du roi de Hollande, sur le Cap, etc., en faveur de Sa Majesté Britannique, qui le possédera en toute souveraineté; Sadite Majesté Britannique s'engage à y former un port franc, ouvert aux vaisseaux et bâtiments de toutes les nations et suffisant pour les recevoir.
ART. 11. Intégrité de la Suède. [In the project it was worded Intégrité de la Poméranie suédoise; but, on general Clarke being asked whether there would be any objection to the quaranty of all the king of Sweden's dominions, he rep1ied none.]
ART. 12. - Si l'une des deux hautes parties contractantes, ou si l'une des puissances participant au présent traité avait perdu, au moment de la signature du présent traité ou subséquemment par suite des événements de la guerre actuelle, une ou plusieurs possessions, elles lui seraient restituées dans le délai prescrit par l'article.
ART. 13. - Les deux hautes parties contractantes se garantissent réciproquement l'indépendance et l'intégrité entière ét absolue de l'Empire Ottoman.
[This article was said to be framed in conformity to an idea which prevails in the French government, that Great-Britain has sent out an expedition against some part of Spanish America. It was asked whether the words se and réciproquementmight be omitted. The reply was probably they might
ART. 14.. - Les deux hautes parties contractantes ne reconnaissent plus l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans leurs États, considérant l'impossibilité de le restituer dans l'île de Malte, déclarent qu'elles le regardent comme dissous quant à sa réunion en diverses Langues et nations et quant à l'obligation jadis contractée par ces Langues et nations unies de combattre les infidèles. En conséquence, S. M. l'Empereur des Français ne s'opposant plus à ce que Malte reste entre les mains de S. M. le roi de la Grande-Bretagne, il reconnaît que les îles de Malte, Gozzo et Comino appartiennent à Sadite Majesté en t6oute propriété et souveraineté. 
ART. 15. - Renonciation, au nom du nouveau roi des Deux-Siciles, sur tout droit de souveraineté sur Malte, Gozzo et Comino.
ART. 16. - S. M. le roi du royaume uni, etc., déclare qu'elle ne tiendra pas en Malte plus de 3,000 hommes en temps de paix. Les bâtiments armés des puissances barbaresques ne pourront être admis dams les ports de Malte, de Gozzo et de Comino, lorsqu'ils seront en guerre avec la France ou avec le royaume des Deux-Siciles.
ART. 17. - S.M. l'Empereur des Français déclare que la garnison de Pondichery n'excédera pas 1,000 hommes.
ART. 18. - La  république des Sept-Îles est reconnue.  [As in the Russian treaty with France.]
ART. 19. - S. M. l'Empereur Napoléon déclare qu'il ne sera porté aucune atteinte à l'indépendance de la Suisse régie par l'acte de médiation. [The words underlined were the Emperor's own.]
ART. 20. - Les territoires et possessions de S. M. Très-Fidèle sont maintenus dans leur intégrité, tels qu'ils étaient en vertu des traités existants, etc., reconnus par S. M. Britannique à l'époque du 25 mars 1802.
ART. 21. -  [Evacuations, cessions, etc., as usual.]
ART. 22. - [The 13th, article of the treaty of
Amiens, sauf rédaction.]
ART. 23. - [14th of the same treaty]
ART. 24. - [15th of the same treaty.]
ART. 25. - [16th of the same treaty.]
ART. 26. - [17th of the same treaty.]
ART. 27. - [20th of the same treaty.]
ART. 28. - [22nd of the same treaty.]

ARTICLES SECRETS.

La France et la Russie s'étant engagées à obtenir de la cour de Madrid cession des îles Baléares au fils de Ferdinand IV, pour en jouir ainsi que ses héritiers, successeurs, etc., il aura le titre de roi en dédommagement de ce dont il devait hériter de Naples. S, M. le roi de la Grande-Bretagne déclare ne point s'opposer à cet arrangement, et l'aura pour bon et agréable. Il est convenu que le roi des îles Baléares ne pourra recevoir, ni en paix ni en guerre, d'autres troupes que celles d'Espagne.

AUTRE ARTICLE [2]. - S. M. l'Empereur ne s'oppose point à ce que le roi prenne le titre de grand-duc ou roi de Hanovre, et le reconnaîtra en cette qualité dès qu'il le désirera. Le roi s'engage à indemniser les sujets prussiens des pertes éprouvées sur terre ou mer. [It was observed to MM. Talleyrand and Clarke that this was absolutely impraticable. Upon which M. Talleyrand  said that these stipulations were usual in treaties, but seldom observed.
ARTICLE [3]. - S. M. l'Empereur et Roi et S. M. le roi de la Grande- Bretagne réuniront leurs efforts pour faire avoir au roi de Prusse, en Allemagne, une indemnité territoriale suffisante avec population de 400,000 âmes pour Clèves, Anspach et Neufchâtel, qu'il n'a plus.
AUTRE ARTICLE [4]. - Le roi pensionnera les chevaliers de Malte et autres attachés à l'ordre qui avaient des pensions sur Malte, Gozzo, Comino, et s'oblige à dédommager par un équivalent ceux de ses propres États.
AUTRE ARTICLE [5]. - Le roi de la Grande-Bretagne, etc., déclare que, pour montrer ses intentions amicales envers S. M. l'Empereur des Français, elle a résolu d'interdire aux membres de la famille Bourbon l'entrée de l'Angleterre proprement dite; et, si la cour se rendait en Écosse ou en Irlande, ils seraient tenus de s'en éloigner de 40 milles.
[ General Clarke declared that this article was by no means founded on any personal hatred against the Bourbon family, but for the purpose of preventing a similar scene to that which took place at the lord Mayor's dinner four years ago, when M. Otto was here, and also to prevent their intriguing spirit from having food for itself as hitherto. ]
AUTRE ARTICLE [6]. - S. M. le roi de la Grande-Bretagne déclare qu'elle fixera au Canada, ou qu'elle ne souffrira pas enfin dans ses possessions d'Europe, les principaux chouans qui seront désignés par la France ou dont l'existence en Europe parait contraire à la bonne harmonie rétablie entre les deux États.
AUTRE ARTICLE [7]. - Les hautes parties contractantes prendront de bonne foi et sincèrement tous les moyens que la constitution et les lois de leur pays leur permettent d'employer pour faire cesser, dès à présent, toutes invectives, personnalités et excès qu'on pourrait vouloir insérer soit dans les feuilles périodiques, soit dans tout autre écrit publié dans leurs États respectifs.
Elles s'appliqueront principalement à empêcher la publication et le cours de toutes feuilles périodiques ou écrits publics contenant de telles invectives, personnalités et excès qui seraient imprimés dans une autre langue que celle dont on se sert habituellement dans les pays qui leur sont soumis.
AUTRE ARTICLE [8]. - Les dispositions de l'article des évacuations, etc., sont déclarées communes aux habitants des possessions de S. M. Britannique en Allemagne, lesquels voudront en sortir dans l'espace de trois ans.
[Il was observed to M. Talleyrand and Clarke that neither by the public nor secret article was any engagement taken by the Emperor to compel Prussia to evacuate Hanover; nor any time fixed for such evacuation. They replied that the bonnefoi de l'Empereur, was a sufficient guarant, but that they apprehended an article to this effect might be introduced.]


Saint-Cloud, 6 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, il ne faut pas souffrir que le consul d'Angleterre retourne à Livourne.

Autorisez mon consul à Tanger à faire partir sur un bâtiment neutre les chevaux arabes que veut m'envoyer l'empereur de Maroc, et chargez-le d'y joindre quelques muffoli, s'il y en a dans le pays.


Saint-Cloud, 6 août 1806

Au maréchal Soult

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 28 juillet. J'apprends avec plaisir la formation des magasins autrichiens. Si la cour de Vienne n'adhère pas à l'ultimatum que je lui ai fait notifier, ces magasins nous serviront; mais la paix avec la Russie et les négociations qui j'ai avec l'Angleterre me font croire que tout va se calmer, et qu'une paix profonde succédera à tous ces mouvements guerriers. Je n'en ai pas moins fait passer du renfort à mon armée; elle a près de 30,000 hommes de cavalerie. J'ai placé des réserves sur les différents points de la côte pour prévenir toute descente. J'ai une assez bonne armée en Italie, indépendamment des 40,000 hommes que j'ai dans le royaume de Naples, et j'ai signé un décret pour la levée de 60,000 conscrits. Je crois tout cela ensemble des raisons de paix plus que de guerre. Toutefois il vaut mieux en finir tout d'un coup que de poser le glaive et être fous les jours à recommencer.


Saint-Cloud, 6 août 1806

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je vous ai demandé un rapport sur Saint-Domingue; je vous prie de le faire et de répondre à ces questions :

1° Quels sont les ports sur la partie espagnole de l'île; s'en trouve-t-il où les frégates puissent entrer ? 

2° Qu'est-ce que c'est, l'île de la Tortue ? Donnez-moi sa description, son étendue ; y a-t-il des mouillages ou des ports où des frégates puissent entrer ? Y a-t-il quelque établissement, de l'eau, du bois ?

3° Les mêmes questions sur l'île de la Gonave, sur l'île à Vache et sur la petite île de Cayemite. Donnez-moi une note sur cette question : Qu'est-ce que c'est, que le fort de Filet dans la rade du Port-au-Prince, ainsi que toutes les petites îles qui sont situées dans cette rade ? Donnez-moi la description de toutes les localités qui environnent le Port-au-Prince, le môle Saint-Nicolas et le Port et Fort- Liberté ; quel nombre d'hommes serait nécessaire dans chacune de ces places pour les défendre contre les noirs; les plans détaillés de ces trois villes; quelle est la largeur de l'isthme depuis le Port-au- Prince jusqu'au morne Rouge; quel nombre de troupes devrait occuper la presqu'île du sud, et de quel avantage serait l'occupation de cette presqu'île ? Quel plan le ministère de la marine propose-t-il pour soumettre Saint-Domingue; et, lorsque la paix sera faite, quel plan doit-on suivre pour que le commerce tire tout le parti possible de cette île ? 


Saint-Cloud, 6 août 1806

OBSERVATIONS SUR VENISE CONSIDÉRÉE COMME PLACE FORTE

On peut venir sur les monti di Sabbia et au village de Cava Zuccarina. De là, on peut placer des batteries et passer il porte di Piave Vecchia, qui parait ne pas avoir plus de 50 à 60 toises de large. La batterie n° 14 ne peut en empêcher, puisqu'on en serait à plus de 1,000 toises. On se trouve sur-le-champ maître de tout le littoral de Cavellino, et on arriverait à la première heure du blocus sur le porto di Tre Porti. La batterie n° 14 tomberait ainsi d'elle-même ou serait enlevée. Ainsi l'aile gauche du blocus serait appuyée au porto di Tre Porti.

D'un autre côté, il paraît que rien ne peut empêcher de se porter sur le bord des paludi di Mella; que la petite île de Torcello ne parait pas suffisamment défendue, et qu'on se trouve assez facilement maître. de Barano; ce qui appuierait la gauche du blocus. Mestre en formerait le centre, et la droite serait à l'embouchure de la Brenta. Il paraît que des ouvrages aussi légers ne pourraient empêcher de pénétrer jusqu'à Chioggia. Ainsi on serait bientôt maître de Chioggia. Là, on trouverait le fort San_Felice. Comme on n'a pas de plan en grand, on ignore quelle espèce de respect on peut lui porter; cependant, cet ouvrage étant revêtu, il paraît qu'il serait susceptible de résister huit à dix jours.

Maître de Chioggia, on trouve des matériaux et des moyens pour organiser en deux mois une flottille avec des bâtiments tout plats. Maître de Burano, on ferait même chose de l'autre côté, et Venise se trouverait assiégée sur trois points et par deux flottilles, dans le temps qu'on attaquerait le fort de Malghera.

On aurait d'autant plus de facilité que, par la prise de porto di Piave Vecchia, on ferait entrer jusqu'à Barano les bateaux qu'on aurait construits à Trieste et ailleurs, et que, par Chioggia, on ferai entrer ceux qu'on aurait fait construire sur l'Adige et la Brenta. En moins d'un mois de temps, l'assiégeant serait maître des lagunes par la grande supériorité de ses forces et de son monde. Alors toute les petites batteries et bastions seront pris les uns après les autres  et Venise sera prise sans avoir touché ni au fort San-Nicolo, ni San-Lazaretto, ni à Alberoni, ni à San-Pietro, ni aux ouvrages de  Malghera. Il faut donc, pour qu'on se fasse une idée de la résistance dont Venise est susceptible, un plan de tous les forts, avec un mémoire, et de chaque batterie ou bastion dans l'eau.

Les porti di Malamocco, di San-Nicolò, di Sant' Erasmo, paraissent assez bien défendus.

Le siège de Venise est d'un genre particulier; mais, pour pouvoir y confier 12,000 hommes de troupes et le matériel considérable qu'il y faut, cette place doit offrir quelque perspective de défense.

Deux mois de temps qu'il faut pour construire un matériel propre aux lagunes offrent d'autant moins de sûreté que l'ennemi, pouvant avoir dès longtemps médité l'attaque de cette place, peut s'y présenter dès les premiers jours du blocus avec 200 chaloupes canonnières et 200 bateaux plats. Si on lui laisse il porto di Piave Vecchia libre ou les Tre Porti, il fera entrer cet immense matériel par là, ainsi que par Chioggia, si on la laisse si faiblement défendue.

Il prendra le fort San-Felice, et tout le matériel tirant plus d'eau pourra sur-le-champ s'introduire dans les lagunes. Alors la batterie de Caroman tombera d'elle-même, et tout le littoral de Pelestrina, et Venise sera bien près d'être prise.

Il faut donc considérer Venise, 1° sous le point de vue de la difficulté à la bloquer et de la difficulté de faire des sorties; 2° sous celui de la défense de ses six entrées ou bouches, et ces six entrées ne sont pas les seules qui doivent attirer l'attention, car la Cava Zuccarina, qui se jette dans la mer, peut remonter des bateaux jusqu'au palude di Maggiore Valle.

On n'a pas besoin de dire que, pour peu qu'il y ait d'eau, cela sera suffisant, parce qu'on aura des bateaux plats, qu'on s'aidera par un fort halage, et qu'on amènera les bateaux où il y aura plus d'eau.

Maitre de la mer, on peut se maintenir maître de toutes les embouchures; mais, comme l'hypothèse où nous raisonnons est celle où on serait bloqué par terre et par mer, il est à croire que les mêmes moyens qui rendront l'ennemi maître de la mer lui donneront de grandes facilités, s'il y a quelques passages, de s'étendre dans les lagunes et d'en être maître.

Une escadre de 10 vaisseaux de guerre anglais, d'autant de frégates, d'une centaine de chaloupes, offrira une quantité immense de matelots, caronades, canons; ce qui n'empêchera pas l'armée de terre de faire construire sur la Piave et la Brenta une grande quantité de bateaux, qu'on pourrait même construire sur les lagunes. Avec les seuls constructeurs qu'on trouverait sur les rivières, on aurait bien des bateaux de cette espèce en un mois et demi on deux mois.

Les Autrichiens ont voulu conserver Venise; mais ils ne l'ont fait que parce qu'ils étaient certains d'être maîtres de la mer. Dans cette hypothèse-là même, ils ont fait une opération hasardeuse.

Aujourd'hui on pose toujours la question : Peut-on concevoir l'espérance de se maintenir dans Venise comme place forte si on n'est pas maître de la mer ? Les 12 ou 15,000 hommes qu'on laissera dans cette place ne seront-ils pas en l'air ? Et enfin quelles sont les dépenses, les travaux à faire pour se maintenir à Venise ?

Il faut une place à Malghera. Il paraît qu'il n'y a rien aujourd'hui. Cette place ne peut coûter moins de trois millions à construire; il en faudrait une à Chioggia, qui coûtera à peu près autant, il en faudra une qui garantisse Burano, c'est-à-dire bien occuper l'île de Torcello. Enfin il faudrait des forts pour occuper toutes les passes.

Cela ne paraîtrait pas suffisant; il faudrait en outre douze ou quinze forts, non en simples batteries de bois, mais des forts en règle, en maçonnerie et même avec contrescarpe, contenant chacun au moins huit pièces de canon, avec une casemate à l'abri de la bombe, pouvant se défendre et résister aux prames ou espèces de radeaux qu'on fabriquerait pour venir les attaquer. Mais que coûtera chacun de ces forts ?

Alors on comprend que la défense de Venise se trouve circonscrite; Chioggia prise, Malghera prise, on appuie la gauche de sa défense à Malamocco, la droite aux Tre Porti, et le centre sur la circonférence de douze à quinze forts. On ne peut pas supposer que ces forts pourraient se faire pour moins de 300,000 francs l'un. Ce ne serait jamais qu'une dépense de cinq à six millions. Ces forts seraient ainsi éloignés de 1,000 toises l'un de l'autre. Il y a des bastions revêtus 33, 34, 32. Il faudrait savoir ce que c'est, ce que coûterait un fort pareil. Sant' Angelo della Polvere et Poveglia, éloignés l'un de l'autre de 2,500 toises, appuieraient bien cette ligne de forts. San-Giorgio in Alga, San-Secondo, Murano, San-Giacomo, il Lazaretto novo, la Madona del Rosario, San-Francesco del Deserto sont autant de points dont il faut avoir les détails.

Ainsi donc on considère qu'il n'est possible de mettre sa confiance dans Venise, d'y confier 12 à 15,000 hommes et un grand matériel qu'autant qu'on aurait à Chioggia un fort qui défende bien la passe et donne des facilités pour les sorties, une place à Malghera, qu'on se procure pour cette place des inondations telles qu'elles fussent d'une grande défense, qu'on construirait des forts à tous les canaux ou bouches qui entrent dans les lagunes, et qu'à cette défense, extrêmement incertaine, on en ajouterait une plus sûre et infaillible : des forts en maçonnerie appuyant la gauche au fort Alberoni, venant de là sur Poveglia, passant ensuite à Sant' Angelo della Polvere, San-Giorgio, San-Secondo, San-Giacomo, l'île de Torcello, et enfin un fort qui serait établi dans l'île Sant' Erasmo pour bien défendre le passage di Tre Portî; ce qui formerait la défense immédiate de Venise, ce qui lui conserverait le passage de ses trois grandes bouches et formerait une enceinte de 10 à 12,000 toises.

Cette enceinte serait flanquée à 1,000 toises par des forts en arrière, formant une ligne de douze à quinze batteries en bois, avec une estacade à fleur d'eau protégée et couverte par les forts. Cela donnerait à Venise une sûreté convenable.
Il ne resterait plus qu'à trouver un point central pour toute la défense.

Le plan et le mémoire qu'on a envoyés sont faits pour des personnes qui connaissent déjà Venise; il faut des détails sur les lagunes : combien de profondeur ? y a-t-il de la vase ? si un homme tombe, se noie-t-il ? est-il difficile d'y piloter, d'y fonder une maconnerie ?

Pour bien raisonner, il ne faut pas considérer les lagunes comme une défense insurmontable; il ne serait pas juste non plus de considérer comme s'il n'y avait pas de lagunes. Cependant on peut faire un raisonnement approché, vu que les lagunes peuvent être rendues praticables par une construction de 100 à 150 bateaux plats, ne tirant que 6 pouces d'eau, lesquels bateaux ne craindraient même pas d'être échoués pendant les basses eaux, parce qu'ils s'échoueraient les uns près des autres et formeraient un front inattaquable, et que toutes ces suppositions, un peu plus difficiles si on n'est pas
maître de la mer, sont très-faciles si on est maître de la mer.

Il faut considérer Chioggia comme une petite place à part qui contribue à la défense de Venise, avec laquelle il faut toujours conserver une communication par le littoral.


Saint-Cloud, 6 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous employiez à Milan M. Pugnani. Je n'ai point de renseignements sur le compte de M. Kevenhuller; vous pouvez le recevoir comme il vous conviendra. Au moindre sujet de plainte qu'il vous donnera, vous n'avez qu'à le chasser.

La disposition que vous vous proposez de prendre contre les sujets italiens qui ont porté les armes contre leur patrie est bonne; mais au lieu d'une mesure partielle, je ferai rédiger un décret général que je vous enverrai. Au préalable, faites arrêter ceux dont la police aurait à se plaindre, et retenez-les en prison jusqu'à ma décision. Envoyez-m'en la liste. En général, il n'y a pas de mal de montrer un peu de fermeté dans l'administration.

Le demande du général Lauriston me paraît sensée. Donnez ordre que tous les objets qui seront demandés par l'ordonnateur, pour le service de sa division , lui soient envoyés en argent. Comme je sais que le général Lauriston a un grand besoin d'argent, envoyez-lui un fonds de 50,000 francs pour dépenses secrètes et imprévues. Vous prendrez cet argent sur les fonds que j'ai destinés aux dépenses extraordinaires des généraux, et, s'ils ne sont pas suffisants, vous prendrez le reste sur mon trésor d'Italie. Envoyez-lui tout cet argent le plus promptement possible et en bons sequins.


Saint-Cloud, 7 août 1806

A M. Fouché

Lancez un mandat d'arrêt contre le nommé Fragneau accusé, dans votre bulletin du 2 août, d'avoir distribué, à la porte du théâtre de Montauban, des billets aux armes des Bourbons, et faites-le conduire à Paris sous bonne et sûre garde. Donnez ordre qu'on joue Richard Coeur-de-Lion à Montauban tant qu'on voudra. Faites arrêter six des jeunes gens les plus tumultueux et qui se sont le plus mal comportés dans cette affaire, et faites faire une liste de six autres à éloigner à trente lieues de la ville. Le maire doit avoir des renseignements sur tout ce qui s'est passé. Vous lui ferez dire que j'ai connaissance de cette affaire et que je n'entends pas que cela finisse ainsi. Vous me ferez connaître, avant dix jours, le nom des individus que vous aurez fait arrêter, et les familles à renvoyer de Montauban. Vous aurez soin qu'on saisisse les papiers de ceux qu'on arrêtera. Il faudrait s'assurer de deux ou trois meneurs comme celui qui est désigné dans votre rapport. Mon intention est, quand le crime sera bien constaté, de les punir de manière qu'ils servent d'exemple aux agitateurs. Envoyez à Montauban un observateur, qui donnera de fréquents rapports sur ce qui se passe, et ordonnez qu'un officier de gendarmerie s'y rende avec quelques brigades, si cela est nécessaire. Vous ferez expédier, dans la même nuit, pour Paris les individus qui seront arrêtés.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j'approuve le fort projeté pour Kehl. Je désire cependant qu'on agrandisse le réduit H qui doit couvrir le pont éclusé sur la Kintzig, et qu'on y travaille cette année. Il sera nécessaire de construire les deux demi-lunes qui flanquent ce réduit.

Si les fonds faits pour le fort de Kehl étaient dépensés avant la fin de la saison des travaux, je déciderais alors s'il convient d'affecter un fonds supplémentaire pour ces travaux. 


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j'adopte le projet pour l'île de Büderich. Je préfère l'hexagone à tous les autres projets. Je désire qu'il y ait une lunette immédiatement à la tête de pont, à peu près à la hauteur de la maison de Noé, que cette lunette se rattache à l'île de Büderich et qu'elle soit jointe par une caponière ayant fossé et palissade ait bastion P de l'hexagone, et que cela soit fait de manière que l'hexagone, par la nouvelle flèche, soit entier et exige une attaque séparée. Mon intention est que, cette année, on ne travaille qu'à l'île de Büderich et à la lunette formant la tête de pont de Wesel, et qu'on emploie la fin de la campagne à étudier les projets de l'hexagone pour m'en soumettre les devis, afin qu'on sache bien en détail la dépense dans laquelle on s'engagera, laquelle devra être terminée l'année prochaine. Comme j'approuve la masse des travaux, le génie les fera faire comme il l'entendra; mais comme, en fait de fortifications, le présent ne doit pas être perdu de vue, il faut que, cette année, on mette en état de défense l'île de Büderich et la lunette de la tête de pont; ce qui m'établira, dès cette année, une communication sûre entre la rive gauche et Wesel. Dans les nouveaux tracés de l'hexagone, on verra à tracer la lunette D de manière qu'elle dépende de Büderich et que, l'île prise, la lunette ne tombe
pas pour cela.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je désire qu'on travaille, cette année, aux contrescarpes de l'enceinte de Palmanova et aux neuf lunettes, afin qu'elles puissent être finies l'année prochaine. On a dû travailler, cette année, à réparer les casernes existantes. Ce qu'on propose pour les établissements militaires ne doit pas être pressé, excepté les magasins à poudre, s'il n'en existait pas à l'épreuve de la bombe.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, dans les projets envoyés pour Osoppo, je n'en vois pas pour la citadelle; c'est un projet que je désire surtout avoir. Il me parait assez inutile d'occuper par une enceinte bastionnée le bas de la hauteur d'Osoppo. Cette hauteur est impraticable; elle demande d'être améliorée dans plusieurs points, et je crois qu'il est nécessaire d'établir au pied des flèches qui protègent les sorties. Un chemin couvert, qui contournerait le pied de la hauteur en forme de camp retranché, ne peut être que convenable.

Le but de ces flèches serait aussi d'avoir des batteries rasantes qui flanqueraient bien le pied de la montagne, de manière que tous les accès du rocher soient vus, découverts et battus.

On ne voit pas ce que l'ennemi pourrait faire pour prendre un point de cette force, tandis que, si on portait les trois ou quatre millions qu'on propose de dépenser en bas, ce serait en pure perte. Quatre ou cinq petites lunettes ayant le but développé ici sont tout ce qu'il faut. Ces lunettes seraient des points forts, appuieraient le camp retranché, éclaireraient le bas des hauteurs, protégeraient les sorties, donneraient des feux rasants.

Quant au projet d'établir une place qui embrasse les deux hauteurs, il faut l'ajourner. Si on prend le parti d'occuper Venise comme place forte, il sera impossible de faire une place à Osoppo. Le grand avantage d'Osoppo, c'est qu'avec très-peu d'argent 500 hommes peuvent s'y défendre pendant un temps déterminé, et qu'une division tout entière doit pouvoir y trouver son refuge, s'y réorganiser sous sa protection, y avoir ses magasins et son dépôt.

Le général Lery ne fait pas connaître la situation de la forteresse, les points qui ont besoin d'être escarpés, les batteries faites ou à faire, la situation des bâtiments militaires, et ce qu'on fait aujourd'hui. Il faut lui demander un travail sur ces divers objets.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, le prytanée de Saint-Cyr va mal. Comme il est placé dans les attributions du ministre de la guerre, je désire que vous vous y transportiez un jour où on ne vous y attendra pas. On m'assure qu'il y a malprpreté et peu de discipline.


Saint-Cloud, 7 août 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre présente un rapport sur la demande du colonel les chasseurs hanovriens à cheval qui sollicite l'autorisation d'enrôler des Français dans ce corps.

Défendre à ce régiment d'admettre aucun Français. Recommander aux inspecteurs aux revues d'être très-sévères sur cet objet, puisque ce n'est pas un corps français que j'ai voulu former. Me rendre compte de la situation de ce régiment, qu'il est convenable de réduire à raison de 150 hommes par escadron. Le ministre de la guerre me fera un rapport là-dessus mercredi prochain. Le Hanovre n'étant plus en notre pouvoir, il est clair qu'il ne sera pas possible de maintenir ce régiment à quatre escadrons.


 Saint-Cloud, 7 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, il est inutile de travailler à la ville de Monfalcone, qui est dominée de tous côtés. Quant an château situé sur une hauteur, il faut connaître, 1° si elle n'est pas dominée; 2° si de cette hauteur on peut se rendre sur les hauteurs de Gradisca en suivant le plateau, ce qui supposerait qu'on empêcherait l'ennemi de garnir le plateau jusqu'à la crête des hauteurs, puisque cela fournirait une bonne position.

Quant à l'enceinte bastionnée, elle paraît inutile. Il faut que l'ingénieur fasse connaître la situation actuelle du fort, si les fosséssont profonds et les contrescarpes bonnes. Il ne s'agirait plus alors que de faire un chemin couvert.

Je donnerai des ordres lorsque j'aurai une description de ce point. On comprend que 100 ou 150 hommes en vedette, occupant ce fort avec cinq ou six pièces de canon, protégeraient le chemin de l'Istrie à Palmanova, et, pendant les moments qui précèdent la reprise des hostilités, seraient une cause d'inquiétude pour l'ennemi. Mais cela ne peut jamais valoir la peine de dépenser plus de 10 à 12,000 francs.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je ne sais pas pourquoi je ne reçois qu'aujourd'hui 7 août, vos lettres du 2; il me semble que j'aurais dû les recevoir hier.

Je vous ai déjà dit que c'était une très-grande maladresse que d'envoyer des hommes isolés en Dalmatie; c'est les exposer à périr. Réunissez-les aux dépôts, et, lorsqu'il y en aura un certain nombre, vous m'en rendrez compte; je les ferai passer par mer, quand la saison sera moins chaude. Envoyer un conscrit ou un homme sortant des hôpitaux faire vingt lieues sur le littoral de la Dalmatie par le temps qu'il fait, c'est l'envoyer à la mort.

Les Croates sont voleurs; il ne faut donc pas s'étonner de tout les voleries qu'ils peuvent avoir faites à nos troupes. Il n'y a là de sérieux que d'avoir attaqué les derrières de troupes. Il faut en écrire à M. de la Rochefoucauld, qui en portera plainte à la cour de Vienne.

En général, tout ce qui est contenu dans le rapport du général Charpentier me paraît un peu ridicule. Nous sommes au mieux avec les Turcs, et je ne vois pas là de faits qui puissent faire suspecter beaucoup les Autrichiens.

Il faut faire arrêter les déserteurs brescians, et faire en sorte qu'ils ne restent point tranquilles chez eux. 


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois voire lettre du 29 juillet. Je vois avec plaisir que les troupes étaient arrivées à Lagonegro; d'où je conclus qu'elles sont, à l'heure qu'il est, réunies à Cosenza avec le général Reynier, et que les Anglais auront été ou jetés dans l'eau ou obligés de se rembarquer.


Saint-Cloud, 7 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous envoie un exemplaire du catéchisme qui vient d'être adopté pour toute la France; s'il pouvait, sans inconvénient, l'être pour le royaume d'Italie, ce serait un grand bien; mais ce sont des matières très-délicates sur lesquelles il faut être très-circonspect. Consultez le ministre des cultes. Le mieux serait que quelque évêque le publiât dans son diocèse comme catéchisme diocésain; mais il faut mettre à cela beaucoup de prudence et de secret.


Saint-Cloud, 8 août 1806

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, je désirerais avoir un état général, par départements, de tous les terrains vagues qui, en vertu de l'article 560 du Code civil, appartiennent au domaine et dont je puis disposer par concessions, tels que les polders, etc. A l'endroit où la Garonne se divise en deux branches, entre les communes de Coutures et de Sainte-Bazeille, se trouve un gravier qui est dans ce cas. Je désirerais avoir l'évaluation de ce terrain. On m'assure qu'il est assez considérable et que j'ai à ma disposition une grande quantité de terrains de cette nature qui pourraient servir de récompenses pour les personnes qui ont rendu le plus de services dans toutes les carrières.

Vous aurez soin d'établir dans cet état la valeur approximative de chaque objet.


Saint-Cloud , 8 août 1806

A M. Fouché

Faites démentir dans le Journal de l'Empire l'article qui dit que lord Lauderdale a été présenté à l'Empereur. Faites dire que ce lord n'aurait pu m'être présenté qu'au cas que la paix fût faite, parce qu'il n'est pas d'usage qu'un plénipotentiaire ennemi soit présenté à un souverain; que, quant à la nouvelle que la paix est signée, c'est une grande inconvenance de la part du Journal de l'Empire de favoriser par ces bruits des spéculations d'agiotage; que les négociations sont commencées, il est vrai, mais qu'elles ne sont pas près de finir.


Saint-Cloud, 8 août 1806

A M. Fouché

Je lis dans le bulletin du 6 août des choses fort extraordinaires sur une dame Beaugeard. Je trouve que c'est une étrange manière de faire la police que de permettre à une femme qui reçoit pension de l'Angleterre d'aller et venir aussi librement qu'elle le le fait, à moins que le but de la police ne soit de la faire épier pour l'arrêter avec tous ses papiers; mais alors il ne faudrait pas la manquer. Faites-moi un rapport là-dessus. La conduite de cette dame est très-extraordinaire et doit exciter au plus haut degré la surveillance de la police.


Saint-Cloud, 8 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je vous envoie une lettre qui enfin vous fera connaître tout entier ce coquin de Lucchesini. Il y a longtemps que mon opinion est faite sur ce misérable. Il vous a constamment trompé, parce que j'ai reconnu depuis longtemps que rien n'est plus facile que de vous tromper. Je pense qu'il est nécessaire d'envoyer un courrier à M. Laforest, en lui confiant la dépêche pour qu'il soit à même d'éclairer le cabinet prussien, et en lui faisant sentir toute la discrétion qu'il doit mettre dans cette affaire. Il dira, de plus, à M. de Haugwitz que Lucchesini voit ici fort mauvaise compagnie, et qu'il n'a que les renseignements les plus ridicules sur tout ce qui se fait. Je crois qu'il est difficile, en effet, de donner une plus grande preuve de l'imbécillité de ce Pantalon; parce qu'il est faux et bas, il n'y a pas de bassesse ni de fausseté dont il ne me suppose capable, jusqu'à me lier avec la Russie et la Suède pour ôter la Poméranie prussienne à la Prusse. En vérité, il y a là de quoi mettre un ministre aux petites maisons ! Cela cependant fait voir de quelle nature doivent être nos relations avec la Suède. Iis voient bien que nous sommes toujours fâchés de la déclaration du 3 novembre; que nous ne sommes point revenus de ce système; qu'ainsi il faut considérer que, lorsqu'ils nous ont cédé Wesel, c'est qu'ils ont pensé qu'ils ne pouvaient faire autrement; qu'ils ont bien senti le coup, et qu'ils regardent le traité comme un sacrifice. Voilà un plaisant conseil que celui qu'on donne au roi de Prusse de se rendre à Saint-Pétersbourg.


Saint-Cloud, 8 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je vous envoie mes lettres pour le roi et la reine d'Espagne. Expédiez M. de Barante, auditeur en mon Conseil d'État, pour remettre ces lettres. Vous écrirez par la même occasion une lettre au prince de la Paix, pour lui annoncer officiellement l'ouverture des négociations et lui faire connaître le désir que j'ai de lui être agréable.


Saint-Cloud, 8 août 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre expose que la direction de Strasbourg avait expédié déjà sur Wesel les douze canons autrichiens avant l'arrivée du contre-ordre.

Mon intention est qu'on ne fasse pour le matériel que ce qu'on fait pour le personnel, où aucun mouvement, même de 10 hommes, ne se fait jamais sans m'avoir été soumis.

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande à l'Empereur quelles sont ses intentions à l'égard des officiers français qui accepteront des emplois civils ou militaires dans les royaumes de Naples et de Hollande.

On ne peut occuper deux places. Tout officier qui sera employé au service des rois de Naples ou de Hollande perdra le traitement qu'il recevait en France, mais sur l'assurance de le reprendre si par des raisons majeures, il était obligé de quitter le service de l'un ou de l'autre de ces princes. De même, tout particulier qui accepterait de l'emploi des mêmes princes, sera remplacé dans celui qu'il occuperait en France, toujours avec la promesse de le reprendre si, par des circonstances majeures, il était obligé de quitter leur service.


Saint-Cloud, 9 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les compagnies qui composent les réserves que j'envoie à Ancône doivent conserver la correspondance avec les bataillons de dépôt. Ce que je fais là n'est pas nouveau; j'ai eu pendant la guerre 110,000 hommes organisés de cette manière; les réserves des maréchaux Kellermann et Lefebvre étaient ainsi composées.

Dandolo a mal fait de ne pas voir le général Marmont. Je ne sais où il va chercher ses prétentions; c'est mal faire les fonctions de sa charge que de ne pas protéger ses administrés auprès d'un général étranger qui a la force en main. De cette conduite il faut attendre la plus grande désunion. Cependant je loue différentes dispositions que Dandolo a prises pour soulager le pays. Écrivez de votre côté à Marmont que cette conduite de Dandolo vient, dans le fond, d'un bon principe; dites-lui d'avoir quelques égards pour le provéditeur et de lui donner de la considération dans le pays, parce que c'est un homme sur l'attachement et la probité duquel je peux me fier; en même temps, recommandez-lui de ménager le pays autant que possible. Je ne sais, vu l'immense quantité d'argent envoyée en Dalmatie, comment il peut se faire qu'il n'y en ait pas suffisamment. Veillez à ce que l'ordonnateur Aubernon retourne au 2e corps d'armée. J'ai envoyé en Dalmatie l'ordonnateur qui était à Parme.

Dites confidentiellement à Marmont que les affaires de comptabilité sont revues ici avec la plus grande rigueur; que tout désordre pourrait le perdre, lui et ses amis; que, dans les distributions qui seront faites pour la Grande Armée, il n'aura rien à désirer; qu'il a une réputation d'intégrité à conserver; qu'il soit l'homme que j'ai connu au sac de Pavie en l'an V, et qu'il réprime les abus auxquels les militaires se portent en l'an XIV.

Je vois avec peine, dans vos réponses à mes questions, l'ordre que vous avez donné au 3e bataillon du 60e régiment de revenir; comment pourra-t-il revenir par terre dans cette saison ? Vous êtes trop vif. Quand on fait partir des troupes, il faut les organiser; vous devez sentir que le bataillon du 60e était mal placé là. Réunissez les deux bataillons et faites-les partir.

Prévenez le général Lemarois que, selon toutes les apparences, cette réserve de 6,000 hommes restera longtemps là.


Saint-Cloud, 9 août 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre du 30 juillet. Je vois avec peine le système que vous suivez. A quoi vous serviront 50,000 gardes provinciales armées et organisées ? A rien qu'à vous dépenser de l'argent, à s'opposer à vos volontés, à élever et avoir beaucoup de prétentions. Il n'y a point de système plus faux, qui, en dernière analyse, soit plus funeste. Au premier bruit de guerre sur le continent, ces individus seront au moins neutres, et leurs chefs ouvriront des négociations avec l'ennemi. A la nouvelle d'une bataille perdue sur l'Isonzo ou sur l'Adige, ils se tourneront contre vous; suis-je vainqueur ou en paix, qu'en avez-vous besoin ? Eh ! mon Dieu ! je ne regarderais pas ce système comme sans inconvénient en France. Combien ne peut-il pas être dangereux chez des peuples dont l'antipathie ne se vaincra que par le temps et les années ? Tout cela est de la précipitation. Quelques malheureux galériens, quelques débarquements partiels seront arrêtés : à quels frêles avantages sacrifiez- vous la sûreté et la souveraineté de votre royaume ! Ne craignez donc pas que ces débarquements partiels se renouvellent sans cesse et renaissent comme la tête de l'hydre. Quelques avantages marqué inspireront une terreur telle, que personne n'osera débarquer chez vous. J'ai vu la Vendée qu'on croyait ne devoir pas finir; j'ai vu les Bédouins inquiéter et harceler mon armée en Égypte : quelque grands échecs ont mis fin à tout. Mais ceux qui vous entourent n'ont point de connaissance des hommes. Vous n'écoutez pas un homme qui a beaucoup fait, qui a beaucoup vu, qui a beaucoup médité. Ne suivez pas le système des gardes provinciales; rien ne sera plus dangereux. Ces gens-là s'enorgueilliront et croiront n'être pas conquis. Tout peuple étranger qui a cette idée n'est pas soumis. Quand vous les appelez les 50,000 ennemis de la Reine, cela me fait rire; Naples est un pays d'intrigues où l'on revient sur tout. Vous vous exagérez le degré de haine que la Reine a laissé à Naples; vous ne connaissez pas les hommes. Il n'y a pas vingt personnes qui la haïsse comme vous le pensez, et il n'y a pas vingt personnes qui ne se 
rendissent à un de ses sourires, à une de ses avances. Le premier sentiment de haine d'une Nation est d'être ennemie d'une autre. Vos 50,000 hommes seront ennemis des Francais. Le rapprochement se fait qu'avec le temps, avec de la prudence et des liaisons famille. Vous levez 50,000 hommes; quand vous leur faites croire qu'ils vous sont nécessaires, vous vous mettez dans une fausse position; vous gâtez votre conquête.

Je ne suis point satisfait de la distribution de vos troupes. Dans les régiments que vous avez en Calabre, les 1er et 42e ont beaucoup souffert et sont réduits à moitié. Vous y avez envoyé cinq régiments d'infanterie ; ce serait assez si vous aviez à trois jours en arrière 2,500 hommes, et à deux autres journées 2,500 autres. Je vous ai expliqué là-dessus la manière dont se fait la guerre. Je suis fâché ne pas voir Masséna assez fort et en mesure de recevoir des renforts, car il n'est pas douteux que les Anglais ne se soient renforcés dans le bas de la Calabre.

Je vois que vous avez trop de troupes partout. Votre réserve serait bien si elle était à moitié chemin de Naples et de Cassano. Le monde que vous avez à Naples est une chose ridicule. L'ennemi ne débarquera jamais devant la ville. Il ne sera pas plus curieux que vous de s'enfermer dans une grande ville sans avoir battu l'armée d'observation. Il doit y avoir une brigade à deux lieues de Naples, de manière à pouvoir s'y porter en quatre heures de temps. Vous n'aviez pas en réserve assez de cavalerie au camp de Sainte-Euphémie; elle eût fait là merveille.

Vous avez trop de monde à Gaète, dans les Abruzzes et dans la Pouille. L'art de la guerre est de disposer ses troupes de manière qu'elles soient partout à la fois. Par exemple, vous mettez plus de 2,600 hommes dans la Pouille; il faut que les trois quarts de ce monde soient placés de manière qu'une partie en deux jours, une partie en quatre, puissent se porter sur Cassano. Tout ce que vous aviez à Gaète doit être placé de manière à pouvoir en un jour retourner à Gaète, s'il le faut, ou se rendre à Naples. Je voudrais avoir une armée moitié moindre de la vôtre et avoir plus de monde à Cassano, à Gaète, s'il était nécessaire, dans les Abruzzes et dans la Pouille. Je vous prie de ne pas lire cela légèrement. L'art du placement des troupes est le grand art de la guerre. Placez toujours vos troupes de manière que, quelque chose que fasse l'ennemi, vous vous trouviez en peu de jours réuni. C'est le défaut de cette première connaissance de la guerre qui a causé les malheurs arrivés à Reynier et le malaise où vous vous trouvez avec des troupes considérables. Tant que vous ne prendrez pas pour principe d'avoir des dépôts dans Naples, deux régiments de cavalerie et un d'infanterie aux portes (vous pouvez encore y mettre les Napolitains que vous avez à Capoue et ailleurs), vous n'aurez point assez de troupes; une armée ne suffirait pas pour garder cette capitale, et deux bataillons seraient suffisants si le peuple y était accoutumé.

Votre correspondance est régulière, mais insignifiante.

Je vois