16 - 30 avril 1806
Saint-Cloud, 16 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, mon Ministre de l'administration de la guerre, dans les dispositions que présente le trésor public, vous ne suivez pas le même ordre que celui du budget. En examinant avec attention ce que vous avez dépensé en six mois, je trouve des sommes qui me paraissent bien extraordinaires. Ainsi, en six mois, vous avez dépensé douze millions pour la boulangerie, sans y comprendre les principales forces de l'État; six millions pour les fourrages; sept millions pour les étapes et convois militaires; 2,300,000 francs pour le chauffage et l'éclairage; neuf millions pour l'habillement, indépendamment de dix-sept millions de fournitures extraordinaires où l'habillement est compris pour beaucoup. Enfin, pendant six mois, où toutes les armées de la France ont été en pays étranger, vous avez dépensé soixante-huit millions; ce qui ferait, pour douze mois, cent trente-six millions; et comme ces premiers payements ne terminent jamais le service et qu'il y a toujours un arriéré au moins d'un quart, votre dépense serait de cent soixante et dix millions. Si l'on y joint le service de l'armée d'Italie, que vous allez faire désormais et qui ne peut pas monter à moins de 1,500,000 francs par mois, et celui de la Grande Armée, qui ne peut pas monter à moins de trois millions par mois, il faudra ajouter cinquante-quatre millions; ce qui portera votre dépense à deux cent vingt-quatre millions. Il y a dans tout cela des choses incompréhensibles, et qui, avec le compte raccourci du trésor public que j'ai sous les yeux, me confondent absolument. Comment, en effet, concevoir que vous portiez près d'un million par mois pour les hôpitaux, ce qui supposerait plus de 30,000 malades dans l'intérieur; que vous ayez dépensé deux millions par mois pour la boulangerie, ce qui supposerait 2 à 300, 000 rations par jour dans l'intérieur ? Je désire que vous m'apportiez vendredi prochain un aperçu de vos dépenses sur tous les chapitres, et que vous n'ordonnanciez rien sur ce qui vous reste de crédit sur les distributions de l'an XIV et de 1806. Je commence à être sérieusement inquiet des dépenses de l'administration de la guerre.
Saint-Cloud, 16 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, je vous renvoie l'aperçu des ressources du trésor public pour les huit derniers mois de 1806. Mon intention est que vous le fassiez cadrer avec le mémoire que vous m'avez remis hier et que vous y joigniez une situation au ler avril qui constate les ordonnances à payer et les crédits que les ministres ont à réaliser. Je crois donc que ces états devraient comprendre neuf mois. Vous me ferez connaître par ces états la situation de la caisse au ler avril, les ordonnances à payer sur celles des mois passés, les crédits des ministres sur ces mois passés, enfin mes ressources pour neuf mois. Alors cela me forme un ensemble qui me fait bien voir la situation de mes affaires; et même, pour m'éviter les recherches et me porter an premier coup d'œil la conviction, il sera bon d'y joindre un autre état qui contienne le budget tel que l'a réglé le ministre des finance: avec une colonne qui présente la portion qui a été consommée au 1er avril, une seconde colonne qui présente la portion qui sera consommée dans les neuf mois, en conséquence du travail que vous me présentez, et une troisième colonne qui présente la portion qui ne sera point consommée et qui resterait.
Saint-Cloud, 16 avril 1806
Au prince Joachim
Vous avez mal fait de répondre à l'archichancelier que vous ne voulez point établir l'octroi; si vous aviez consulté, vous auriez sa que vous étiez tenu de l'établir par le recès de l'Empire. Vous deviez lui faire répondre que, jusqu'à ce que vous ayez pris connaissance de la situation des choses, vous les laissiez dans l'état où elles trouvaient. Il ne faut point s'indisposer ainsi toute l'Allemagne. J'ai reçu vos lettres du 11 avril. Vous marchez avec une telle précipitation que je ne doute pas que vous ne soyez constamment obligé de reculer. Vous marchez trop à l'étourdie. L'opinion de la population ne signifie rien du tout. Il n'est pas dans ma politique de m'indisposer le roi de Prusse; ma politique est tournée ailleurs. Il ne faut point vous montrer voisin aussi inquiet. On ne se repent jamais de répondre des choses honnêtes et d'attendre. L'archichancelier même est un prince à ménager; vous étiez autorisé à ne pas établir l'octroi comme il le veut, puisque la Prusse ne l'avait pas établi. Quand vous aviez une réponse si simple à faire, pourquoi aller brusquer ? La Prusse, qui n'a jamais établi l'octroi au profit de l'archichancelier, et qui n'en avait pas l'intention, ne disait cependant pas qu'elle ne voulait pas le faire, et gagnait du temps. Je vous recommande de la prudence et de la tranquillité; il n'est pas un propos que vous tenez qui ne soit à l'instant répété à Berlin, Vienne et Saint-Pétersbourg, et par les hommes mêmes qui vous excitent à le tenir. Cependant il était bien plus naturel de commencer par mettre une bonne garnison dans Wesel, par bien connaître l'état de l'artillerie et de la place, et par assurer son approvisionnement et sa défense. Cela doit être la première de toutes les opérations, et j'ai si peu de renseignements, depuis cependant tant de jours, que je ne sais pas quel nombre de pièces il y a. Si une armée se présentait devant Wesel, comment feriez-vous ? Voilà cependant ce à quoi il faut penser avant d'insulter les grandes puissances par des démarches et par des propos hasardés.
Saint-Cloud, 16 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'ai réuni l'État de Venise à mon royaume d'Italie; mon intention est que l'artillerie vénitienne soit remise à l'artillerie du royaume d'Italie. Mais toute l'artillerie autrichienne, soit celle que j'ai fait évacuer de Vienne, soit celle que m'a remise l'Autriche, à Venise et ailleurs, en échange de l'artillerie que je lui ai laissée à Vienne, soit celle prise sur le champ de bataille à l'ennemi, doit toute appartenir à la France.
Saint-Cloud, 17 avril 1806
DÉCRET
NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d'Italie,
En conséquence des services rendus à la patrie par le connétable Duguesclin, de glorieuse mémoire,
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit
ARTICLE ler. - Madame de Gesvres sera rappelée de son exil et relevée de toute surveillance.
ART. 2. - Il lui est accordé, sur notre trésor impérial, une pension de 6,000 francs, dont elle jouira sa vie durant, à dater du 11er janvier 1806.
ART. 3. - Nos ministres des finances, du trésor public et de la police générale, sont chargés de l'exécution du présent décret.
Saint-Cloud, 17 avril 1806
A M. Mollien
Je vous envoie le service du mois de mai; vous verrez que je l'ai diminué de plus de sept millions. Outre que je pense que la somme accordée est suffisante, ce qui m'est prouvé par la constante habitude des ministres d'avoir des crédits qu'ils ne réalisent pas, je considère aussi que le service ne se fait point par mois, mais par année, et qu'il faut donner toute son attention à mettre une grande ponctualité, dans le payement des ordonnances.
Je pense qu'il est très-important de vous occuper sans retard, avec le ministre des finances et le directeur de la caisse d'amortissement, de la fabrication des bons, de manière à pouvoir en émettre, dans le courant de mai, pour cinq millions; on offrira ainsi des ressources aux fournisseurs et des moyens pour soutenir leur service.
Vous verrez que, par l'article second du décret de distribution, j'ai suspendu tous les crédits de l'exercice an XIV et 1806 qui n'auraient pas été ordonnancés au 15 avril. Par ce moyen, il n'en sera plus question dans les écritures, et, dans le fait, cela doit être ainsi; le crédit du mois n'ajoutant rien au crédit législatif, ce n'est qu'une mesure d'ordre pour proportionner les besoins aux moyens. Cet ordre se trouve bouleversé toutes les fois que ces crédits ne sont pas réalisés dans un ou deux mois. Il est aussi très-urgent, pour mettre de l'ordre dans notre comptabilité, d'établir la situation au vrai de tous les ministères, sur tous les exercices, et, pour cela, de faire régulariser tous les payements qui ont eu lieu sans ordonnances des ministres.
Je vous prie de distinguer dans les prochains états, pour l'exercice an XIV et 1806, le budget d'un an et le budget des cent jours. Vous pourrez toujours les considérer comme un seul exercice et porter des parties aliquotes; mais je ne puis pas mettre dans m,a mémoire des sommes de quinze mois, et cette distinction, qui n'est qu'une chose d'ordre, m'évitera les calculs.
Il est nécessaire de porter enfin une grande attention sur les payeurs. Il résulte de vos états que soixante et treize millions de solde auraient été payés pour six mois; ce qui ferait au delà de douze millions par mois, sans compter les armées de Hollande, d'Italie et de Naples, qui n'y sont comprises que pour peu de chose, et la solde de la Grande Armée, qui a été payée en Allemagne avec le trésor de Vienne. La solde de la Grande Armée ne peut être évaluée à
moins de trois millions par mois, ce qui ferait pour les six mois dix-huit millions. Vous n'en portez que douze, ce qui supposera six millions payés à Vienne. Trois millions au moins ont été payés en Italie sur les provinces vénitiennes. Des payements ont été fait sur les revenus de Naples. Ainsi la solde monterait, par mois, à 13,800,000 francs, ce qui est vraiment trop considérable.
Le directeur de l'administration de la guerre a encore dix millions à ordonnancer sur son crédit de l'an XIV et 1806. Je lui ai fait connaître que mon intention est qu'il ne se prévale d'aucune partie de ce crédit. Je ne veux pas le suspendre encore; mais je désire que provisoirement il n'y soit donné aucune suite, jusqu'à ce que j'a reçu les comptes de l'administration de la guerre et vu où en est le service.
Saint-Cloud, 17 avril 1806
A M. Mollien (lettre non envoyée)
Dans les rapports que vous ne faites, il faut parler bien clairement, parce que la langue des finances ne permet pas les sous-entendus. Ainsi, vous dites que, pour les jours de l'an XIV, le ministre a ordonnancé 6,274,000 francs d'ordonnances nouvelles. Je ne sais pas si ces ordonnances sont sur le service d'avril, on bien si elles sont sur les services des mois antérieurs. Cette incertitude me fait comprendre difficilement le rapport que vous m'avez envoyé. Je ne vois pas non plus dans ce rapport le crédit que l'administration de la guerre a sur le trésor en conséquence de mes décisions, et combien il reste encore de ce crédit. En général, les rapports me perdent du temps; je préfère que vous répondiez par un état, en ayant soin d'exposer bien clairement le titre de chaque colonne. Je ne puis donc pas répondre à votre rapport.
Je crois que, par ma lettre d'hier, je vous ai écrit que le ministre de l'administration de le guerre ne devait pas ordonnancer sur les crédits antérieurs au crédit d'avril. Je vous ai aussi demandé le détail, par chapitres, des ordonnances qui ont été délivrées par le ministre, et non le crédit accordé. Renvoyez-moi un état avec une colonne de plus, qui me fasse connaître le crédit de l'administration de la guerre pour tout l'exercice an XIV.
Quant aux 7,5.00,000 francs, il faut distinguer ce qui appartient au service d'avril de ce qui est antérieur. En général, je désire que vous retardiez de quelques jours le payement de cette somme. Les consommations de l'administration de la guerre me paraissent énormes, et je veux attendre que les affaires de ce ministère soient éclaircies. Les crédits dont le ministre a usé pour l'an XIV sont de vendémiaire, brumaire, frimaire, dix jours de nivôse, janvier, février, mars et avril. La manière de me faire comprendre cette situation, c'est de faire un état divisé en sept colonnes, une pour chaque mois, et dans lequel chaque colonne sera subdivisée en trois autres, l'une indiquant le crédit accordé; la seconde, ce qui est ordonnancé par le ministre au 17 avril, époque où je fixe les yeux sur cette administration; la troisième, ce qui est payé par le trésor. Ce qui fait vingt et une colonnes.
La colonne verticale présentera les titres des différents chapitres du budget du ministère.
Autrefois, dans les livrets du trésor, on mettait toujours les crédits accordés par mes décisions; depuis, on ne l'a plus fait, parce que cela n'a plus été nécessaire; mais aujourd'hui qu'il faut rétablir l'ordre et l'économie, je désire que toujours les livrets aient : 10° une colonne pour les crédits ouverts par une décision; 2° une colonne pour ce qui est ordonnancé par le ministre, et une troisième pour ce qui est payé par le trésor.
Paris, 20 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, dès que la mission de M. le conseiller d'État Dauchy, sera terminée à Venise, vous le chargerez de faire l'inventaire de tout ce qui y appartient à la France, comme de l'artillerie autrichienne, etc ., et de dresser l'état de trente millions de domaines qui doivent former les revenus des duchés. Vous le retiendrez ensuite en Italie, pendant quelque temps, pour vous aider de ses conseiils et vous lui ferez connaître qu'il me sera agréable qu'il s'instruise bien de mes affaires, afin que je puisse le consulter lorsqu'il sera de retour à Paris.
Je n'approuve point la sortie de ma marine italienne. Que voulez-vous que deux frégates, une corvette et deux bricks fassent contre deux frégates et un brick ? Il y a égalité de forces. S'il n'y avait que des Russes, on pourrait tenter la sortie; mais il faut éviter tout combat. Si l'ennemi se hasardait à venir avec une frégate devant Venise, je vous autorise alors à faire sortir toute ma flottille. En attendant, que tous les bâtiments restent en rade, prêts à sortir, mais ne sortent jamais; je ne veux point qu'ils luttent contre les Anglais, leur défaite serait certaine; et ils me servent autant qu'ils peuvent me servir en empêchant Venise d'être bloquée par une ou deux frégates. Des bâtiments légers, des chaloupes canonnières, voilà tout ce qu'il faut dans l'archipel. Des frégates qui marchent mal, comme les frégates vénitiennes, ne m'inspirent aucune confiance.
C'est en vain que vous enverrez de l'argent en Istrie et en Dalmatie; si vous n'avez point un ordonnateur, un payeur, un inspecteur aux revues probes, et une grande surveillance, plus vous enverrez d'argent et plus on vous en dilapidera.
Saint-Cloud, 20 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, faites répondre par mon ministre au landamman de la Suisse que la note qu'il a fait remettre pour réclamer les marchandises saisies à Neufchâtel a excité mon indignation; j'ai vu avec beaucoup de peine que, parmi ces avides contrebandiers il y en avait plusieurs qui portaient son nom; que, s'il avait à cœur les vrais intérêts de sa patrie, il devrait les faire arrêter et punir, et les faire chasser d'une ville dont leur coupable cupidité compromettre l'indépendance.
Paris, 21 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, par votre lettre du 15 avril vous me proposez de reconnaître la dette vénitienne. L'Autriche ne la reconnaissait pas. Puisque le dernier souverain, sous les lois duquel le pays a été, ne l'a point reconnue, je dois la regarder comme annulée. C'est en payant ainsi scrupuleusement des choses que les autres ne payaient pas, que je m'ôterais les moyens de soutenir mon armée et de faire face aux besoins les plus pressants. Mon intention est de laisser dormir cela; ne dites et ne faites rien sans mon ordre. Dites seulement que je reconnais ce que l'empereur a reconnu, et que je paye ce que l'empereur a payé.
Saint-Cloud, 21 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'approuve que les 4,000 Napolitains restent à Alexandrie pour être employés aux travaux de cette place. Les galériens napolitains pourraient également être envoyés à Mantoue pour travailler aux fortifications de Pietole.
Il ne doit pas être question de rembourser à Venise les deux millions de contributions qui lui ont été imposés. Ne dirait-on pas, à entendre les Vénitiens, qu'ils se sont donnés à moi par pure volonté ? Voilà l'inconvénient d'avoir une administration trop douce dans le commencement. Je trouve aussi que votre administration coûte bien cher; en mettant ainsi million à million à la disposition des ordonnateurs, ils vous mangeront des sommes immenses. J'imagine qu'à l'heure qu'il est vous avez le million de Bignani et, de plus, les 500,000 francs de Marmont et de Masséna, pour le vif- argent. Marmont doit vous faire remettre les 325,000 francs, sans qu'il soit besoin de le lui intimer; sans cela, je le lui ferai signifier.
Il est honteux qu'un général fasse des profits à l'ennemi, mais surtout lorsque ses troupes manquent de solde.
Saint-Cloud, 21 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre relative à l'esprit public de Venise. Je vous autorise à publier le discours que vous avez tenu au Conseil d'État. Mon intention n'est pas d'appeler aucun Italien ni aucun Vénitien aux duchés, qui doivent être la récompense exclusive de mes soldats. J'ai traité Venise comme pays conquis , sans doute; l'ai-je obtenu autrement que par la victoire ? Il ne faut donc point trop éloigner cette idée. Mais le droit de victoire terminé, je les traiterai en bon souverain, s'ils sont bons sujets. Je vous défends de jamais laisser espérer qu'aucun Italien ni Vénitien puisse être nommé à aucun des duchés. Quant à la principauté de Guastalla , je ne vois qu'un moyen, c'est de faire faire des propositions par le ministre des finances, pour la racheter de la princesse. C'est un pays que j'ai conquis et dont j'ai disposé. Si le duc de Parme eût voulu céder Guastalla au royaume d'Italie, combien le lui eût-on acheté ?
Saint-cloud, 21 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, écrivez au général qui commande en Dalmatie qu'il doit approvisionner la place de Zara, et que tout le biscuit que vous lui envoyez doit être placé dans les deux principales places de la Dalmatie. Si les circonstances voulaient qu'il marchât, soit contre les Autrichiens, soit d'un autre côté, il est nécessaire que ces places et surtout Zara, soient bien approvisionnées pour que les hommes de sa division qu'il y laisserait puissent vivre plusieurs mois sans avoir besoin d'aucun secours.
Je n'ai pas encore un bon rapport sur la Dalmatie, et je ne connais pas encore la situation des places. Il faut avouer que les officiers du génie font là bien mal leur devoir.
J'ai adopté définitivement les plans de défense de Palmanova.
Cependant vous ne me dites pas si le général Lery est arrivé, et si les travaux commencent.
Saint-Cloud, 21 avril 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, des troupes légères comme les Corses, qui, comme les troupes italiennes, parlent la langue du pays, seront excellentes pour faire la guerre aux brigands dans la Calabre. Organisez quatre colonnes mobiles commandées par des officiers intelligents, probes et fermes, composées chacune de 7 à 800 hommes, quelque cavalerie et beaucoup d'infanterie, réparties dans les différentes parties de cette province, et envoyant des détachements partout. Il n'y aura pas un mois que ces colonnes seront établies qu'elles connaîtront toutes les localités, qu'elles seront mêlées avec les habitants, et qu'elles auront fait une bonne chasse aux brigands. Il faut les faire fusiller sur-le-champ dès qu'il y en a d'arrêtés. Occuper les côtes est une autre chose de première nécessité. Toutes les mesures que vous avez prises pour établir des commandants militaires dans les provinces sont très-bonnes. Mais tenez la main à ce que les généraux ne volent pas. S'ils se conduisent arbitrairement, s'ils vexent et dépouillent les citoyens, ils soulèveront les provinces. Il faut frapper hardiment, destituer honteusement et livrer à une commission militaire le premier qui volera. Organisez peu de troupes napolitaines : il n'y a point à se fier à elles dans le premier moment. Vous pourriez former un régiment et renvoyer en France ; dès qu'il sera arrivé en Italie, je le prendrai à ma solde; il sera bon pour servir dans les Pyrénées.
La mesure que vous avez prise de donner une solde à tous les officiers qui n'avaient pas suivi le roi de Naples est sujette à bien des observations. Ne vous entraînez pas dans une immense dépense. L'existence d'un si grand nombre d'individus à Naples n'aura pas d'inconvénient tant que vous y aurez une forte armée française; mais lorsque les troupes françaises seront parties, ces gens-là seront organisés, et vous ne pourrez pas vous fier à eux.
Il faudrait les envoyer en France. Je ne comprends point dans ce nombre ceux qui sont opposés à la Reine et qui étaient en état de persécution sous l'ancien régime.
En masse, je vois dans vos décrets beaucoup de bonnes mesures. Je ne puis trop vous recommander de montrer de la vigueur.
Il faudra, dans chaque province, établir un provéditeur, dans la forme de nos préfets; les généraux ne sont pas en état d'administrer. Il me semble que votre gendarmerie n'a pas assez d'étendue. Placez un capitaine dans chacun de vos commandements militaires, avec une compagnie de gendarmerie à pied; composez vos compagnies moitié de Français et moitié de Napolitains les plus attachés, en mettant quelques-uns de ceux qui ont été en France.
Saint-Cloud, 21 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai remis le rapport sur l'organisation des dépôts des corps de l'armée de Naples. J'imagine que le général Charpentier a tout vu par lui-même. J'attends avec intérêt un nouveau rapport. J'ai donné ordre à tous les majors de rester à leur dépôt, et aux cadres des 3e et 4e bataillons de venir joindre les dépôts. Puisque tous les corps ont des draps et des habits en magasin, j'en conclus que tout ce qui est présent aux dépôts est habillé, et que vous avez là 7ou 9,000 hommes prêts à faire la guerre, s'il le fallait. Je n'ai que trop de monde à Naples; mon intention n'est donc pas qu'aucun homme soit envoyé des dépôts à l'armée, à moins d'un ordre de moi. Je désire également qu'on n'envoie rien des dépôts à l'armée; le prince Joseph saura bien se procurer tout ce dont il aura besoin. On doit préparer aux dépôts des moyens d'habillement et d'armement par un nombre de conscrits suffisant pour porter les dépôts au grand complet de guerre, car telle est mon intention; de manière qu'ils puissent me former un corps de 14,000 hommes disponibles pour mon armée d'Italie. Mettez tout en règle pour ces dépôts, pour que vous soyez assuré qu'en payant la solde on ne paye que les présents; et pour les masses, de même. Tout ce qui est dans le royaume de Naples sera payé par le payeur de l'armée de Naples.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
A M. Champagny
Monsieur Champagny, par mon décret du 18 février dernier j'ai accordé 500,000 francs pour les travaux à faire à Sainte-Geneviève; comme il serait possible que, cette année, vous ne dépensiez pas toute cette somme, je désire que, ce que vous ne pourrez pas consommer, vous le dépensiez à Saint-Denis. Présentez-moi mercredi un rapport qui me fasse connaître ce qui sera fait à Sainte-Geneviève et à Saint-Denis avec ces 500,000 francs. Je vous ai accordé, par le même décret, 500,000 francs pour l'arc de triomphe de l'entrée du boulevard Saint-Antoine; portez-moi également mercredi un projet pour savoir s'il est possible d'arrêter quelque chose sur cet objet. J'ai décidé que, pour faire les fonds de ces dépenses, vingt-cinq pour cent seraient pris sur les coupes de bois. Faites-moi connaître pour combien il y a de rescriptions pour coupes de bois à la caisse d'amortissement, ainsi que leur emploi; je désire en employer une partie à établir une fontaine sur la place de la Concorde, et savoir s'il restera une somme assez notable pour pouvoir être employée à d'autres travaux utiles et d'embellissement pour la capitale.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
A M. Champagny
Monsieur Champagny, j'ai lu avec attention votre rapport sur les eaux de Paris. Mon intention serait qu'à dater du 1er juin les eaux coulassent de toutes les fontaines de Paris depuis le lever du soleil jusqu'à une heure après son coucher, et que, par ce moyen, les marchés et les rues se trouvassent lavés; ce qui sera d'un très-bon effet pour la propreté et la salubrité de la ville. Présentez-moi, la semaine prochaine, un projet de décret, afin de prescrire tout ce qui est nécessaire pour arriver à ce but. Il y sera désigné les fontaines dont l'eau commencera à couler du 1er mai, celles depuis le 1er juin, celles depuis le 1er juillet, celles depuis le 1er août, et jusqu'à ce que toutes les fontaines actuellement existantes à Paris puissent offrir cet avantage précieux.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
A M. Cretet
Je viens de prendre un décret par lequel je mets à votre disposition 1,400,000 francs sur les produits de la régie des sels et tabacs du Piémont. Mon intention est que ce fonds soit employé comme porte le décret. J'attache une grande importance à la route de Savone à Alexandrie. Il faut , avant de rien dépenser sur les roi d'Acqui à Alexandrie, rendre très-carrossable la route de Savone à Carcare; c'est l'affaire de deux lieues et de moins de 300,000 francs. Je désire que vous m'appreniez que cela sera fait cette année. Vous verrez que je porte un soin particulier à la route de Gènes à Port-Maurice. La route de Gènes à Voltri est bonne; de Voltri à Savone, elle est en partie faite : Savone étant une place d'armes et offrant un nouveau débouché pour Acqui, il me sera utile, sous le point vue militaire, que cette communication existe. La route de Savone à Port-Maurice est également importante. Vous avez d'autres fonds pour faire celle de Port-Maurice à Nice.
La route de Port-Maurice à Ormea , par la vallée d'Oneille, est en partie faite; mais il y a une montée assez considérable.
Quant à celle de Plaisance à Sestri , faites tracer cette route et remettez-moi un mémoire; car, ne connaissant pas par moi-même les localités, je ne puis asseoir mes idées, et je ne sais si, sous le point de vue militaire, je ne préférerais pas une route de Plaisance à Gènes. J'attendrai donc votre rapport sur ces deux idées.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
A M. Cretet
Sur les 1,200,000 francs accordés sur les fonds de la police, je désire que 400,000 francs soient employés à l'égout de la rue Froid-Manteau et au prolongement du quai du Louvre, comme je l'ai déjà arrêté; 60,000 francs pour la clôture du Champ-de-Mars et 300,000 francs pour le pont de l'École militaire; bien entendu que cette somme ne sera qu'une avance, qui sera remboursée par la compagnie des ponts, si on parvient à la former. Les 400,000 autres francs seront employés à continuer le quai Bonaparte, d'abord jusqu'aux Invalides. Mon intention est de continuer ensuite ce quai jusqu'au pont de l'École militaire.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
A M. Fouché
Témoignez mon mécontentement au général Menou de ce qu'il fait imprimer des rapports dans les gazettes. Il ne doit faire imprimer aucun rapport quelconque; il ne doit faire de rapport officiel qu'au Gouvernement. Cette manière de parler au public est illégale.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, mon intention n'est point qu'on envoie 10,000 fusils d'Alexandrie sur Ancône. A quoi bon ces transports, si ce n'est qu'à abîmer nos fusils en les faisant voyager tout le long de la botte ? Ce n'est qu'un moyen d'armer les habitants. Ordonnez que les fusils qui sont à Plaisance soient envoyés à Mantoue. Il est nécessaire d'avoir toujours un bon nombre de fusils dans cette place. Il faut y comprendre les fusils que j'ai à Palmanova, venant de Vienne; je dois en avoir au moins 20,000.
Il ne peut entrer dans l'idée de personne de rendre inutiles les affûts que nous avons, soit qu'ils appartiennent au système de M. de Gribeauval, soit qu'ils appartiennent au nouveau système. Dès que le premier inspecteur général sera arrivé, on agitera la question des pièces de 12. En attendant, je désire qu'on ne fasse aucun changement à nos pièces de 12, qui jusqu'à présent ont été reconnues bonnes.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE
Si l'on construit des bâtiments pour faire des salles d'armes, on a tort. Avec deux ou trois chambres de caserne, on construit une superbe salle d'armes, capable de contenir 20,000 fusils. C'est dans tout que l'on porte cet esprit de luxe ruineux et qui empêche de faire le nécessaire. Dans l'état actuel de notre artillerie, et dans les circonstances de la guerre où nous sommes engagés, il est ridicule de faire des salles d'armes; partout où il y a des casernes on a des salles d'armes.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, il parait que les affaires de Cattaro ne se décident pas; je suis pourtant bien résolu à ne pas évacuer l'Allemagne que je ne sache à quoi m'en tenir. Faites surveiller les mouvements des Autrichiens. J'ai une grande quantité de biscuit à Augsbourg; faite le transporter à Braunau, et faites passer à Passau celui que j'ai Ulm; si je dois faire la guerre, il me servira; si je ne dois pas faire la guerre, je le donnerai au roi de Bavière.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
J'adopte votre travail du 14 sur la Martinique. Présentez-moi des projets de décrets pour rappeler l'amiral Villaret en France et lui donner le commandement d'une escadre, pour nommer le général Ernouf commandant des deux îles, le général Ambert, lieutenant général Ernouf, commandant la Guadeloupe. Il me semble qu'à moins de grandes raisons on pourrait conserver le général d'Houdetot, sans envoyer un autre général, ce qui occasionnerait de nouvelles dépenses. Il faut rappeler M. Lefessier-Grandpré et nommer M. Bertholio grand juge des deux îles. Voyez le grand juge pour un procureur général près la cour d'appel de la Martinique.
A ces mesures, il faut ajouter celle de rappeler le colonel d'artillerie Villaret, et de nommer un autre colonel d'artillerie directeur; même chose pour le génie; de manière qu'il n'y ait là que des officiers du génie et d'artillerie qui aient fait la campagne de la Grande Armée.
Mon intention est de rappeler le capitaine d'artillerie Saucé, actuellement sous-directeur, Jacob , Brabant, Bexon, du génie et Laberthie, chef d'escadron, Louis-Claude-Auguste Mollet, qui est dans la gendarmerie. Je ne signerai ces différents décrets que lorsque j'aurai la certitude que vous êtes descendu dans tous les étages de la milice, et que vous me proposez de rappeler en France tous ceux qui ont servi les Anglais, et de les remplacer par des officiers sûrs.
Les frégates qui porteront ces hommes aborderont à la Guadeloupe; elles y prendront le général Ernouf et le conduiront à la Martinique. Il lui sera remis un paquet qu'il n'ouvrira que huit jours après le départ de l'amiral Villaret. L'amiral Villaret parti, on fera partir tous ceux dont le paquet du général Ernouf contiendra l'ordre de départ, malades ou bien portants, jeunes ou vieux. Telle est ma volonté formelle. Ils seront bien traités à leur arrivée en France. Dans ces mesures, je ne comprends pas les officiers civils, comme le procureur impérial, etc. Je ne veux à la Martinique que des militaires dévoués et ennemis des Anglais.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 5 avril. Je vois avec plaisir qu'on a brûlé un village des insurgés. Des exemples sévères sont nécessaires. J'imagine qu'on aura fait piller ce village par les soldats. On doit ainsi traiter les villages qui se révoltent. C'est le droit de la guerre, mais c'est aussi un devoir que prescrit la politique.
A dater du ler mai, j'ai établi une estafette pour communiquer régulièrement avec le royaume de Naples, cette mesure aura l'avantage de nous offrir des moyens de correspondance plus rapides que par les courriers ordinaires et dont vos administrations pourront profiter.
J'ai réuni les dépôts de votre armée en Romagne, dans le Bolonais et dans le Modénais; je les ai partagés en deux divisions d'infanterie, une division de chasseurs et une de dragons. J'ai dirigé en même temps un grand nombre de conscrits sur ces dépôts, afin que les quatorze bataillons qui les composent soient portés au complet et me forment une réserve de 14,000 hommes pour contenir le haut de l'Italie. Il est nécessaire que les majors s'y rendent et que les cadre des autres bataillons, c'est-à-dire les officiers et sous-officiers, y soient envoyés, ainsi que les registres des corps, sans quoi ils seront perdus dans ces courses multipliées ; ce qui serait une source de désordres et de confusion pour les corps.
Le 62e régiment a quatre bataillons à votre armée; renvoyez aux dépôts les cadres des 3e et 4e, ce qui vous laissera deux bataillons passables de 7 à 800 hommes chacun; les cadres de ces 3e et 4e bataillons, réunis à leur dépôt, le porteront à 2,000 hommes. Le 20e est à quatre bataillons; il y en a un à votre dépôt et trois à votre armée; gardez le ler et le 2e, et renvoyez le cadre du 3e. Le 14e de chasseurs a quatre escadrons à votre armée; renvoyez le cadre du 4e au dépôt. Même chose pour les 25e de chasseurs, 23e, 29e, 30e de dragons. Ne gardez, en général, que les trois escadrons à cheval de tous vos régiments français de cavalerie, pour en avoir un au dépôt; cela soulagera votre solde, mettra de l'ordre dans la comptabilité et augmentera mes troupes en Italie; car l'Europe n'est pas tellement rassise que je n'aie besoin d'avoir encore des troupes sous la main.
Je vois que le 14e d'infanterie légère a trois bataillons à l'armée : si cela est, renvoyez le 3e bataillon au dépôt. Je dirai la même chose du ler d'infanterie légère, des 42e et 6e de ligne et du 23e d'infanterie légère. Ne gardez que deux bataillons à l'armée et renvoyez les cadres des autres bataillons aux dépôts, dans le royaume d'Italie.
Je verrai avec plaisir que vous renvoyiez quatre régiments français, tels que le 62e et les trois autres régiments qui ont le plus fatigué. Si vous prenez ce parti , vous les dirigerez sur Ancône. Le régiment de la Tour d'Auvergne, qui est fort de 3,000 hommes, les deux bataillons du 1er régiment suisse, vous indemniseront de la perte de ces quatre régiments; et vous sentez que, pour moi, ce n'est point la même chose : car si les Russes faisaient des mouvements qui me donnassent lieu de marcher à leur rencontre, il serait trop tard de retirer des troupes de chez vous.
Vous avez beaucoup trop de monde; vous avez aussi trop de chevaux. Renvoyez en Italie et à Ancône tout ce qui vous est inutile. Gardez avec vous les Polonais, les Suisses, les Corses, troupes qui sont très-bonnes pour le pays où vous êtes. Vous devez trouver des draps et des souliers à Naples et dans le royaume. Faites habiller vos troupes avec des draps faits de laines du pays.
Je crois que dix régiments francais de deux bataillons chacun, à 1,000 hommes par bataillon, ce qui ferait 90,000 hommes, 2,000 Allemands, 1,200 Suisses, autant de Corses, suffisent pour les royaumes de Naples et de Sicile. Il ne faut pas, en Sicile, plus de 15,000 hommes. Cependant ce n'est pas très-pressant; je laisse encore tout ce que vous avez à votre disposition, hormis que je vous recommande d'envoyer aux dépôts qui sont en Italie les 3e et 4e, bataillons et les 4e escadrons, et de ne garder que deux bataillons par régiment d'infanterie et trois escadrons par régiment de cavalerie.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, donnez ordre à l'amiral Villeneuve de se rendre chez lui, en Provence , et d'y rester tranquille jusqu'à son échange.
Si le capitaine Infernet s'est bien conduit, témoignez-lui ma satisfaction.
Faites venir à Paris le capitaine Lucas; je verrai avec plaisir et brave homme.
Saint-Cloud, 22 avril 1806
Au maréchal Moncey
J'apprends avec peine la mort du lieutenant Gonin ; mais il est mort en faisant son devoir. Faites-moi connaître le nombre et l'âge de ses enfants et leur situation, afin que je pourvoie à tout ce qui peut leur être nécessaire.
Saint-Cloud, 23 avril 1806
Charles Filangieri, Napolitain, sous- lieutenant au 3e de ligne, sur le point de partir pour Naples, demande à l'Empereur la décoration de la Légion d'honneur. | Qu'il aille toujours à Naples. Il est encore jeune pour avoir la décoration de la Légion d'honneur. Je sais qu'il se conduit bien. Je le recommanderai au roi de Naples. |
Saint-Cloud, 25 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, je vous envoie une réclamation de la princesse de Lucques. Il faut absolument que la reine d'Étrurie cède ces pays à cette princesse, soit en lui en rendant l'équivalent sur les terres du Pape, qui, d'un autre côté, pourra être indemnisé sur le royaume de Naples, soit en lui en payant la rente.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je viens de me faire rendre compte de la situation des finances de mon royaume d'Italie. Il en résulte que la recette pour 1805 s'est montée à cent quatre millions, et que la dépense a été de quatre-vingt-huit millions; qu'ainsi il y avait en caisse seize millions au 1er janvier; que, pour 1806, le revenu sera de cent quatorze millions et la dépense de cent huit millions; qu'ainsi il y aura encore six millions de reste, ce qui fera, au ler janvier 1807, une vingtaine de millions en caisse. Cette situation est très-satisfaisante. Les dépenses de la guerre, tant pour 1805 que pour 1806, sont énormes; j'espère que Caffarelli y mettra de l'économie.
La réunion de Venise vous donnera au moins un excédant de quatre ou cinq millions par an. Ainsi vous avez les finances les plus prospères du monde. Vous pouvez donc vous en aider pour le service de la Dalmatie- Il est possible que je fasse une opération pour reconquérir les bouches de Cattaro. Il est convenable que vous puissiez aider à cette opération par l'emploi de quelques millions sur mon trésor d'Italie.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vois dans votre lettre du 19 avril qu'on a le projet de dépenser 100,000 francs à Venise, 40,000 francs à la Rocca d'Anfo, 290,000 francs à Pizzighettone, 4,000 à Vérone. Cela est contre mon intention. Je ne veux rien dépenser à la Rocca d'Anfo, rien à Pizzighettone, rien à Venise. Je me réfère aux ordres que j'ai donnés.
J'ai arrêté les plans de Palmanova; ils doivent être arrivés; c'est là que je veux dépenser beaucoup d'argent. Je ne veux point que le général Chasseloup continue à me jeter des millions sans rien faire.
Je vous envoie copie de mes lettres du 28 février et du 1er mars. Je vous rends responsable si l'on dépense un sou ailleurs que dans les places que j'ai désignées.
Je vous avais demandé, par ma lettre du 13 mars, une reconnaissance entre l'Isonzo et Palmanova pour y établir une troisième place; je n'en entends plus parler. Je ne connais point encore Zara.
Écrivez à Lauriston de rester en Dalmatie, où je vais lui donner une mission. S'il n'y était plus, qu'il reste à Milan; dans peu de jours je lui enverrai des ordres.
Peschiera mérite toute votre attention. Les plans du général Chasseloup sont gigantesques et déplacés. Mon intention est qu'il soit construit sur la hauteur une redoute maçonnée avec escarpe et contrescarpe, laquelle battra toute la plaine et rendra ce côté-là tellement fort que l'ennemi préférera attaquer de l'autre côté. On pourra construire une casemate à feux de revers; elle doit être telle qu'elle ne me coûte pas plus de 300,000 francs. On peut en faire, cette année, le massif et la contrescarpe, et, une autre année, l'escarpe et les établissements. Au reste, il faudrait que le général Chasseloup, s'il continue à en être chargé, m'envoyât d'autres plans, car, je le répète, tout son plan est à réformer. J'imagine que le côté qui regarde Lonato est fini. Ces travaux sont suffisants pour donner un nouveau degré de force à la place.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il n'y a pas d'inconvénient à accorder au pacha de Scutari ce qu'il demande; il est utile de le bien traiter. Vous lui ferez sentir que ce que vous faites est contre la règle établie, mais que je désire faire quelque chose qui lui soit agréable.
Dites à M. Guicciardi qu'il faut qu'il reste à sa place, que les raisons qu'il donne n'ont pas de sens, et qu'il faut qu'il serve.
Dandolo sera bon partout où vous le mettrez. Vous vous faites peut-être de fausses idées de la popularité. Il a été très-populaire à Venise; pourquoi n'y serait-il pas employé, puisque beaucoup de gens qui ont servi les Autrichiens doivent l'être ? On n'a jamais attaqué sa probité, ses mœurs; il peut avoir été exalté, mais c'était dans des circonstances extraordinaires. S'il veut aller en Dalmatie, il faut l'y employer. Quant à ridée qu'il ne veut point servir, il fera tout ce qu'on voudra.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, si j'avais besoin d'envoyer en Corse le bataillon brescian, irait-il ? Pourrais-je organiser des dépôts italiens pour envoyer également en Corse 400 dragons sachant monter à cheval, habillés et armés ? Ceci est pour vous seul.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, la princesse Pauline ne demandera pas mieux que de céder Guastalla au royaume d'Italie, c'est-à-dire les douanes et toutes les impositions directes et indirectes, en se réservant seulement le titre et les biens allodiaux qu'elle pourrait posséder, ou de le vendre entièrement, en s'en réservant seulement le titre; de manière qu'elle puisse, avec ce que lui en donnerait le royaume d'Italie, acheter en France une terre qui lui rendrait ce que lui rend Guastalla. Faites-moi connaître ce que cela peut valoir.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
A M. Lacépède
Je n'ai pas encore jugé à propos de signer le décret que vous m'avez présenté sur Chambord; la lecture de votre rapport m'a fait naître des idées que je veux mûrir. En attendant présentez-moi un projet de décret qui mette à votre disposition la somme nécessaire pour faire réparer la maison et faire les dépenses préalables, pour qu'au 1er janvier 1807 cette maison soit en activité et puisse recevoir les cent élèves.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
Je désirerais avoir l'état de rations par ports et par mois pendant l'an XII, l'an XIII et les cent jours de l'an XIV. Comment en l'an XIV et 1806 ont-elles pu coûter 12,600,000 francs ? Comment en l'an XIII trente et un millions, et en l'an XIII trente-quatre millions ? Il y a bien de l'exagération dans tous ces calculs-là. Vous dites qu'avril coûtera 1,400,000 francs; on prend donc actuellement dans la marine 50,000 rations ? J'ai de la peine à le concevoir.
Saint-Cloud, 25 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, mon intention est que les drapeaux du duc de Clèves soient arborés dans Wesel , mais qu'en réalité le commandement en reste tout entier à la France. En conséquence, gouverneur militaire, officiers d'artillerie et du génie, garnison, tout doit être français; entretien de l'artillerie, des fortifications, approvisionnements, tout doit être fait aux dépens de la France. Vous donnerez ordre au commandant d'armes de Wesel d'y exercer la même influence qu'exercent mes commandants dans les places de Hollande, en étant cependant subordonné au prince, mais au prince seul; et, pendant son absence, il doit se considérer, par rapport aux autorités du duché, comme mes commandants d'armes en Hollande vis-à-vis des agents de la république Batave, si le Grand Pensionnaire était à Bois-le-Duc. Il ne fait partie d'aucune division militaire; il doit correspondre tous les jours avec vous et vous rendre compte de l'état de la place. Donnez ordre que les casernes soient promptement réparées et mises en état de recevoir 3,000 hommes. Vous devez avoir les états de la garnison en règle; je vous envoie des états provisoires qui me sont arrivés.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
Au prince Joachim
J'ai reçu votre lettre. Voici les ordres que j'ai donnés pour Wesel. Les drapeaux y seront arborés, quoique en réalité le commandement de cette place appartiendra à la France, et, toutes les fois que vous serez à Düsseldorf, le commandant vous rendra compte et sera sous votre dépendance; mais en votre absence aucun de vos ministres ni agents n'aura aucun ordre à donner à ma garnison , à mes officiers ou à mes magasins d'artillerie et du génie. Le commandant, de son côté, n'aura à donner aucun ordre aux habitants; il sera considéré comme les commandants français dans la république de Hollande. J'ai nommé le général de brigade Piston commandant d'armes, et j'ai ordonné qu'on fasse réparer promptement les casernes, et qu'on les mette en état de recevoir 3,000 hommes.
Je crois que Wesel est la seule place de votre duché où je doive garder des troupes. Du moment que vous aurez fini vos démêlés avec vos voisins, et que votre prise de possession sera terminée , je ne verrai point de difficulté à faire rentrer toutes les troupes françaises.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, l'affaire de l'adjoint de la mairie de Dijon a fixé mon attention. Le préfet n'avait pas le droit de nommer un commissaire pour recevoir le serment du maire; il n'avait pas le droit, pour une simple difficulté d'attributions, de prendre un arrêté et de le rendre public, et de placer ainsi un magistrat respectable dans l'alternative, ou de subir le déshonneur, ou de faire un coup de tête. Par la publicité donnée à son arrêté, le préfet a fait un appel au public, qui n'avait point à se mêler de cette discussion. Il ne s'est point comporté, dans cette circonstance, avec cet esprit de conciliation dont il est dans mon intention que mes agents usent entre eux. La subordination civile n'est point aveugle et absolue; elle admet des raisonnements et des observations, quelle que puisse être la hiérarchie des autorités. Ici, l'autorité qui a imprimé la première est celle qui a tort. Quelle opinion le préfet a-t-il donc des égards qu'il doit à la capitale du département qu'il administre, puisqu'il a dédaigné de se rendre à l'hôtel de ville pour installer son maire ? Si je m'étais trouvé à Dijon dans cette circonstance, je me serais fait un plaisir de cette installation. Le préfet est un magistrat populaire; mais le maire est plus particulièrement le magistrat de la ville. Les honneurs qu'on accorde à ce dernier, lors d'une installation solennelle, sont une marque de considération pour la ville et une fête communale. Je n'exige d'obéissance aveugle que dans le militaire. L'adjoint a, par son arrêté du ler avril, déclaré que M. Durande était maire; il l'a déclaré parce que mon décret le portait, et mon décret a force d'exécution du moment qu'il est contre-signé par un ministre. L'attache du préfet devenait non-seulement inutile, mais elle pouvait être dangereuse. Dans l'ordre militaire, qui est sans application pour les choses civiles, un ordre de moi n'est rien s'il n'est transmis en suivant les degrés de la hiérarchie; mais un décret contre-signé par mon ministre s'exécute de lui-même dans l'ordre civil. Les préfets ne sont que trop enclins à un gouvernement tranchant, contraire à mes principes et à l'esprit de l'organisation administrative. Par l'arrêté du 29 mars, le préfet ordonne à un conseiller de préfecture de recevoir le serment du maire; mais l'adjoint, par son arrêté du 1er avril, ne prescrit rien de contraire; il reconnaît sur-le-champ le maire, sauf la prestation de serment, et sans prescrire le lieu où ce serment doit être prêté. Tout pouvait donc encore se concilier; il fallait faire prêter serment le 2 avril à M. Durande; tout était alors terminé. L'arrêté du préfet et l'espèce de proclamation du maire se trouvaient d'accord. L'arrêté de protestation pris par l'adjoint le 5 a en effet quelque chose de coupable et d'inconséquent, puisque, d'après sa déclaration, il n'exerçait plus les fonctions de maire. Mais cette protestation a-t-elle été ou n'a-t-elle pas été imprimée ? Si elle ne l'a pas été, ce n'est qu'un appel à l'autorité supérieure, et il est bien évident que ce n'est qu'une protestation, puisqu'il y est dit qu'elle sera remise à M. Piette, en l'invitant à la joindre au procès-verbal lorsqu'il viendra pour recevoir le serment du maire, en exécution de l'arrêté du préfet. L'insubordination serait caractérisée si l'adjoint s'était opposé à l'exécution de cet arrêté, et encore il l'aurait fait sous sa responsabilité, et sauf à justifier sa conduite; et assurément je ne lui donnerais pas tort sans avoir pesé ses observations; car je ne reconnais pas d'obéissance aveugle dans l'ordre civil. Quel est le résultat de tout ceci ? C'est que, d'après la proclamation de l'adjoint, qui se rapportait à mon décret et à l'arrêté du préfet, ma volonté aurait été exécutée au 1er avril; tandis que, par l'acte du préfet, elle ne l'était pas encore le 5. Il y a dans tout cela défaut de tact et de véritable esprit d'administration. Je désire donc que vous témoigniez mon mécontentement au préfet de ce qu'il a apporté du retard dans l'exécution de ma volonté; de ce qu'il n'a pas usé, envers la ville de Dijon, de la considération et de l'aménité qu'il est dans mon intention que les préfets manifestent dans leurs rapports avec les communes; de ce que, sans en avoir le droit, il a délégué l'obligation de recevoir le serment du maire; de ce qu'il a dédaigné une de ses plus belles et de ses plus douces fonctions, tandis qu'un administrateur habile aurait profité de cette occasion pour parler aux notables d'une ville, exciter leur attachement à l'État, et donner de la considération à des places si importantes. Vous témoignerez mon mécontentement à l'adjoint de ce que sa prestation a été imprimée, si elle l'a été en effet; car c'est là son tort le plus réel. S'il ne l'a pas imprimée, vous lui témoignerez encore mon mécontentement de ce que, par son arrêté du ler avril, il a directement rendu inutile la prestation de serment telle que le préfet l'avait prescrite, et montré peu d'égards pour ce magistrat. Le préfet est trop coupable administrativement, il s'est conduit d'une manière trop contraire à mes intentions pour que je puisse aller plus loin. L'autorité des préfets est trop considérable; il y a à en craindre l'abus plus que le relâchement; et, à cette occasion, vous ferez une circulaire aux préfets, pour leur faire connaître que je n'entends qu'ils impriment aucun arrêté contre les officiers municipaux et leurs subordonnés. C'est vous qui êtes juge des faits d'administration, et non la ville ou le département, à moins qu'on ne veuille que le préfet délibère et qu'il prononce entre le préfet et les municipalités. Je sais fort bien que, dans l'ancien ordre de choses, des contestations de cette nature avaient souvent lieu , et cet inconvénient résultait de la trop grande complication des autorités, et de cet esprit d'indécision qui empêchait le Gouvernement de les classer d'une manière précise. Mais alors ces contestations étaient constamment un objet de désordre et de scandale. Au sujet du cas particulier dont il s'agit, il doit être établi en règle fixe qu'un maire nommé par moi doit être installé avec solennité dans la maison commune, et que son serment doit être prêté entre les mains du préfet ou entre celles de celui qui, par une distinction honorable, aurait été chargé de le recevoir par mon décret.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, mon intention est que toute ordonnance qui serait délivrée pour payement de fourrages au profit des fournisseurs soit rejetée au trésor, et renvoyée au ministre Dejean, auquel vous ferez connaître qu'elles sont biffées, car l'examen de ses comptes prouve que les fournisseurs me doivent deux millions sur ce chapitre. Je crois que le ministre a ordonnancé pour 4,852,000 francs de fourrages pour vendémiaire, brumaire, frimaire, janvier, fèvrier et mars. Faites-moi connaître ce que vous avez payé là-dessus par chaque mois à chaque compagnie.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, remettez au cardinal Caprara une note, que vous me communiquerez avant, pour témoigner mon mécontente-ment de ce que, tandis que, par une bienveillance marquée pour le Saint-Siège, j'ai toujours payé les dépenses qu'a occasionnées le passage de mes troupes, on met sur le peuple un impôt odieux et vexatoire, en faisant accroire que c'est pour payer la nourriture de l'armée française; que je demande satisfaction pour cette injure; que la reine de Naples n'a rien fait de pis quand elle était le plus forcenée contre la France; que ces mesures, jointes aux renseignements que j'ai sur la grande quantité de chefs de bande que l'on réunit à Rome, me convainquent que le projet du gouvernement est d'aiguiser les poignards contre les traînards de l'armée française et de renouveler le système du cardinal Busca; que je déclare qu'au premier soldat français qui serait assassiné, le secrétaire d'État Consalvi, véritable cause des malheurs et des dissensions qui divisent le Saint-Siège, en sera personnellement responsable; qu'on met les choses dans un état de crise tel, qu'il faudra bien que je prenne des mesures pour le faire cesser.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, donnez ordre au général Travot de se rendre à l'île d'Aix, et de visiter dans le plus grand détail les batteries, les magasins et les troupes qui forment la garnison de cette île; de se rendre ensuite aux îles de Ré et d'Oléron et de les visiter avec le même soin. Il restera dans chacune de ces îles jusqu'à ce qu'elles soient dans en parfait état de défense, car il sera possible que l'ennemi veuille y tenter quelque chose pour nuire à notre escadre. Le général Travot chargera le général Dufresse de la défense de ces trois îles, et spécialement de l'île d'Aix, où il établira, passant la journée à exercer les troupes et les maintenant dans le meilleur ordre. Vous ne manquerez point de lui faire sentir toute l'importance de cette mission.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
Au général Mouton, aide de camp de l'Empereur
Partez dans la journée, rendez-vous à l'île d'Aix, et prenez les mesures nécessaires pour qu'il y ait dans cette île au moins 1,200 hommes; que les canonniers soient bien exercés. Faîtes sentir au préfet maritime, au général qui commande à Rochefort, qu'à l'apparition de la première croisière ennemie qui voudrait forcer mon escadre, on doit mettre dans l'île toutes les troupes dont on peut disposer. J'ai ordonné au général commandant la division de s'y rendre, mais je désire que vous y restiez pour y recueillir tous les renseignements sur sa situation et me répondre. Au moindre doute resterez dans l'île pour en prendre le commandement. Vous visiterez mon escadre, et vous me ferez connaître sa situation; vous visiterez les batteries, les travaux du Boyard et les îles de Ré et d'Oléron, et vous me rendrez compte de tout dans le plus grand détail.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, si le roi de Naples s'empare de la Sicile, il restera plus de ressource aux Anglais que de s'emparer de la Sardaigne. D'un autre côté, la prise de la Sardaigne me rendra plus facile la prise de la Sicile. J'aurais donc le projet de m'emparer de la Sardaigne à la fin de mai. Pour cela, j'ai besoin d'une escadre et de quelques flûtes qui puissent embarquer 6,000 hommes et 300 chevaux à Toulon. Il faut que tout soit fait dans cinq ou six jours; sans quoi, si l'ennemi est instruit que l'on prépare un armement à Toulon, il viendra le bloquer. Je crois qu'il y aurait trop de danger pour une escadre d'aller à Cagliari. Je conçois donc qu'elle devrait aller droit à Porto-Conte et y débarquer ses 6,000 hommes; en même temps 3,000 hommes qui sont en Corse passeraient le détroit sous la protection des bricks et frégates de l'escadre. Le détroit n'est que de trois heures de passage. Deux frégates resteraient à Porto-Conte, trois bricks à Bonifacio, et le reste de l'escadre rentrerait à Toulon , sans que mes vaisseaux aient même mouillé. Il faudrait qu'ils débarquassent du biscuit pour 6,000 hommes pour trois mois. L'artillerie serait de peu d'importance. Au bout de vingt-quatre heures, mon expédition serait maîtresse de Sassari et de tout le nord de la Sardaigne; peu de jours après, elle serait maîtresse de Cagliari. Le roi de Sardaigne n'a point de troupes. Les Anglais n'auraient pas le temps d'être prévenus, et d'ailleurs ils n'ont point de troupes. Les Russes n'ont point de troupes; ils en ont besoin à Corfou et aux Bouches. Une fois ce noyau passé, la Corse fournirait, s'il le faut, plus de 10, 000 hommes, que personne ne pourra empêcher de passer. Portez-moi dimanche un rapport là-dessus. Puis-je embarquer 6,000 hommes pour les transporter à Porto-Conte ? Pouvez-vous me fournir du biscuit pour 6,000 hommes pendant trois mois ? Des vaisseaux de guerre, des frégates, peuvent-ils entrer à Porto-Conte ? Combien pouvez-vous fournir de tartanes ou de bricks pour tenir dans le port de Bonifacio, afin de maintenir le passage libre des flottilles ennemies ? Ganteaume pourrait-il se charger de cette opération ? car je vois tant de bêtises, que je n'ose plus mettre un vaisseau à la mer; il n'y a pas un homme de sens pour le commander. Quel est l'argent que vous avez dans la caisse de la marine, à Toulon, appartenant à la marine ou à la Corse ? Avez-vous à Toulon quelques demi-chebecs, quelques demi ou quarts de galère, quelques felouques, ce qui, joint à tous les bateaux côtiers de la Corse, entretiendrait une communication constante, quelques forces que les ennemis pussent y avoir dans la suite ? Quelles ressources avez-vous à Gênes ? Toutes les nouvelles gabares que j'ai fait construire à Toulon et aux environs sont-elles en état ?
Saint-Cloud, 26 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je pense qu'il faut que vous fassiez faire une relation par le médecin de l'amiral Villeneuve pour être mise dans les journaux de lundi, et, s'il est possible, même demain , afin d'empêcher que de fausses directions s'emparent de cette affaire. Vous ferez imprimer les deux lettres que vous lui avez écrites et celles qu'il vous a répondues, la relation du médecin et le rapport du maréchal Moncey qui dit comment on l'a trouvé mort. Il est inutile de parler de la lettre à sa femme.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
DÉCISION
Le prince Ferdinand, duc de Wurtemberg, expose que la révolution française lui a fait perdre toute la fortune à sa mère. Il supplie l'Empereur de lui faire obtenir, en indemnité, un établissement dans l'Empire germanique. | Renvoyé à M. Talleyrand pour me faire connaître ce qu'on rait faire pour ce prince. |
DÉCISION
Le prince de Wittgenstein et de Hohenstein prie l'Empereur d'accorder sa protection au fils dont la princesse, son épouse, est accouchée le 10 avril. | Renvoyé à M. Talleyrand me faire connaître ce que c'est que ce prince. |
Palazzo di Saint-Cloud, 26 aprile 1806
DECRETO (Les noms imprimés en italique sont écrits de la main de l'Empereur sur une copie du décret.)
NAPOLEONE, per la grazia di Dio e per le Costituzioni, Imperatore de' Francesi, Re d'Italia.
Visti gli articoli 3, 4, 5 del nostro decreto del 30 marzo pri scorso relativâmente alti gran feudi imperiali eretti nelle provincie venete ceduteci nel trattato di Presburgo;
Considerando la necessità di determinare i diritti e le prerogative de' feudatarj per modo che resti pienamente libero l' esercizio del Governo e dell' amministrazione economica del nostro regne d'Italia, di cui i suddetti gran feudi sono parti integranti;
Abbiamo decretato e decretianio quanto segue :
ARTICOLO 1°. - In luogo della quindicesima parte della rendita enunciata all' articolo 5 del suddetio decreto, i possessori degli infrascritti nostri gran feudi riceveranno dal pubblico tesoro del regno d regno d'Italia un' annua invariabile corrisposta in moneta di Francia, da cominciare dal 1° luglio 1806, regolata conte segue :
Ney Lannes Soult Bessières Serurier Périgon Moncey Mortier Dejean Champagny Davout Fouché | Dalmazzia Istria Friuli Cadore Belluno Conegliano Treviso Feltre Bassano Vicenza Padova Rovigo | 100,000 100,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 60,000 |
ART. 2°. - In luogo de' trenta milioni di beni nazionali enunciati nel precitato articolo 5, il nostro regno d'Italia pagherà la somma di trenta milioni di franchi mediante il versamento di trecento boni della Cassa di ammortizzazione di franchi 100,000 l'uno, portanti interesse del cinque per cento da decorrere dal 1° luglio 1806.
ART. 3°. - 1 boni saranno distribuiti in cinque classi di sessanta boni per ciaschedmia.
ART. 4°. - La prima classa sarà pagala nelr anno 1807 di mese in inese in dodici rate uguali, e nella stessa maniera le altre quattro classi ne' quattro anni successivi.
ART. 5°. - A rimborsare la Cassa di ammortizzazione saranno posti in vendita quaranta milioni di beni provenienti dalle commende dell' ordine di Malta esistenti nelle suddette provincie, e dalle corpo-razioni ecclesiastiche soppresse e da sopprimersi a norma del nostro decreto 24 marzo, prossimo passato.
ART. 6°. - Il prodotto della vendita sarà versalo nella Cassa di ammortizzazione, e ne sarà tenuto conto a parte.
ART. 7°. - 1 gran feudatarj non avranno sulla provincia di cui saranno rispettivamente investiti altra prerogativa che il titolo di Duca.
ART. 8°. - Il ministro delle finanze del nostro regno d'Italia è incaricato dell' esecuzione del prescrite decreto, il quale sara stampato, publicato, e inscritto nel Bollettino delle leggi.
Dato dal nostro palazzo di Saint-Cloud, il di 26 aprile 1806.
Saint-Cloud, 26 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, le royaume d'Italie m'a payé et me paiera 1,600,000 francs par mois jusqu'au ler mai. Je désire connaître ce que vous avez fait des 1,600,000 francs qui ont été perçus en fructidor, vendémiaire, brumaire, frimaire, janvier, février, mars et avril. Mon but est de connaître la partie de cette contribution que j'ai abandonnée au trésor d'Italie, soit pour le payement des dépenses de l'armée, dans le trimestre de l'an XIV, soit pour indemniser le trésor d'Italie des réquisitions qui ont été faites; et, comme aujourd'hui les dépenses de cette armée me sont portées dans les comptes de M. Dejean comme si on n'avait rien requis, il en résulte que je payerais deux fois.
Faites-vous remettre par M. Dejean le montant de la dépense qui a été faite par l'armée espagnole en France, soit pour travaux militaires, soit pour tout autre objet, et tirez des lettres de change à vue sur le trésor d'Espagne pour l'acquittement de ces dépenses.
Saint-Cloud , 27 avril 1806
Au vice-amiral Decrès
Le rapport de la frégate la Comète prouve que les véritables croisières pour faire du mal à l'ennemi seraient deux vaisseaux et une frégate. Leissègues a rencontré un convoi; la corvette en a rencontré; Missiessy en a rencontré plusieurs; le Marenyo en a rencontré; le Régulus en a rencontré et l'a entamé même; il n'y a pas de doute que l'escadre Villaumez n'en ait rencontré aussi. Je suis donc persuadé que trois escadres que l'on ferait partir de Rochefort au mois de septembre, une de deux vaisseaux et d'une frégate que l'on ferait faire partir de Lorient, deux pareilles croisières qu'on pourrait faire partir de Brest, feraient un grand mal à l'ennemi. Tout convoi vu serait un convoi perdu.
Saint-Cloud, 27 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, l'armée d'Italie a vécu de réquisitions, et tellement vécu de réquisitions qu'une portion a été payée par le sacrifice de la contribution mensuelle, et une autre partie sur les ressources extraordinaires de mon royaume d'Italie, comme je l'ai ordonné par un décret. Cependant on me porte en compte, à l'administration de la guerre, 2,100,000 rations de viande, c'est-à-dire plus de 600,000 francs pour les trois premiers mois de 1806. Pour riz et légumes, eau-de-vie, sel, vinaigre, vin, on me porte également des sommes très-considérables, savoir : 42,000 francs pour les légumes du 1er trimestre, 21,000 francs pour le sel du ler trimestre, 125,000 francs pour l'eau-de-vie, 140,000 francs pour le vin. On me porte également pour les vivres-pain, 434,000 francs pour vendémiaire, 434,000 francs pour brumaire, et 434,000 francs pour frimaire. Voyez l'ordonnateur et envoyez-moi un mémoire sur cet objet. Me fait-on payer double, oui ou non ? Toutes les réquisitions en vivres, fourrages, etc., faites à l'armée d'Italie ont-elles été payées par le munitionnaire ? Dans ce cas, pourquoi les fait-on payer au trésor d'Italie, et par la retenue de la contribution qu'on doit à la France ? Dans le pays vénitien, a-t-on vécu aux frais de M. Vanlerberghe ? Tout cela me paraît inconcevable. Faites toutes les recherches pour bien approfondir cette matière, car on cherche à voler tant qu'on peut. On me porte également de fortes sommes pour les fourrages.
Saint-Cloud, 27 avril 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 12, de Cosenza. Les Polonais sont peu propres à la guerre de montagne; la conduite du colonel polonais ne m'étonne pas. Je regrette que vous n'ayez pas dans la Calabre deux régiments italiens; la facilité de parler la langue est un grand objet. Les Corses sont également très-propres à ce service.
Je n'ai lu qu'avec indignation le refus qu'a fait le général Duhesme d'envoyer un bataillon au secours de Cosenza; témoignez-lui-en mon extrême mécontentement; ce n'était pas un, mais trois bataillons qu'il devait envoyer, avec un général de brigade. Cette division de corps d'armée a été funeste aux armées du Rhin; je ne l'ai jamais soufferte où j'ai été. Sur le seul avis qu'il y avait une insurrection sur les derrières du général Reynier, il devait faire toutes ses dispositions et marcher. Le général Saint-Cyr est susceptible, plus qu'au-cun autre, de ce genre d'amour-propre; c'est ce qu'il y a de plus funeste à la guerre.
Réunissez tout le corps du général Reynier, qui est de 9,000 hommes, pour pouvoir passer en Sicile et garnir la Mettez à Cosenza des troupes corses et italiennes , ou des propres Napolitains, si vous en avez d'assez sûrs; ménagez les troupes françaises en ne les faisant pas ainsi battre isolément contre des paysans; proscrivez surtout les petites garnisons, sans quoi vous ferez beaucoup de pertes. Le vrai système est celui des camps volants de 1,800 hommes sous les ordres d'un général de division, placés autour de Cosenza, et fournissant perpétuellement des colones de 5 à 600 hommes parcourant le pays, sont les meilleurs moyens.
Tous les points de la côte où il y a des citadelles et où un grand nombre d'hommes peuvent être à l'abri des insurrections d'une ville et des paysans peuvent être occupés avantageusement pour garantir les côtes; mais que nulle part il n'y ait moins de 400 hommes. Ne mettez de petits détachements que dans les forteresses et dans les postes bien fortifiés.
Faites faire des souliers et des habits à Naples; l'habillement qu'on vous ferait en France ne vous arriverait jamais. Soldez exactement votre armée.
Si vous avez trop de troupes, renvoyez en Italie la portion de cavalerie qui vous est inutile; et même, comme je vous l'ai déjà mandé, renvoyez quatre régiments français à Ancône. Il faut prendre la légion corse à votre service, ce qui vous donnera la faculté d'y employer des Calabrais et des Napolitains. Vous pouvez envoyer en Corse pour la recruter. Vous savez que le roi de Naples y recrutait autrefois. Envoyez-y donc des recruteurs; mais n'employez pas Ferrendi , qui est un mauvais gueux, et qui d'ailleurs est lâche et ne vous servirait de rien.
Renvoyez vos dragons aux dépôts en Italie; ils ont beaucoup d'hommes aux dépôts; ils ne sont pas exercés comme les autres régiments de la Grande Armée, et je veux les préparer à faire la guerre comme je l'ai fait faire aux autres corps en Allemagne.
Toutes les fois que vous me parlez d'une ville, mettez en note population; car on ne trouve ici aucun renseignement là-dessus.
Si le colonel Laffon avait attaqué avec audace les insurgés, avec 400 hommes il devait les mettre à la raison. Toute troupe qui n'est pas organisée est détruite lorsqu'on marche à elle. C'est ce qu'a fait le colonel Dufour. Faites-lui connaître que je lui accorde de l'avancement dans la Légion d'honneur pour sa bonne conduite. Faites connaître également que j'accorde aux 1er et 23e légers, et aux 6e et 42e de ligne huit aigles de la Légion d'honneur. Vous me ferez passer la note de ceux qui se sont distingués.
Saint-Cloud, 27 avril 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 13 avril, de Scigliano, avec la lettre du général Reynier du 11 avril. Je vois avec plaisir que les commissions militaires font justice des brigands qui infestent les grands chemins. C'est le seul moyen de purger le pays et d'annuler l'influence de la Reine. Quand on s'apercevra du danger qu'il y a à courir pour exécuter ses ordres, les choses prendront une autre direction. Je suis à Saint-Cloud depuis quelques jours. Mes troupes possèdent toujours Braunau et sont sur l'Inn. J'attends la restitution des bouches de Cattaro, que la cour de Russie dit vouloir remettre; cette occupation ne fait que compromettre l'Autriche.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
A M. Lavallette
Le duc de Clèves vient de m'envoyer votre lettre du 8 avril. Je ne conçois pas comment vous avez pris sur vous de donner des décisions dans des questions aussi neuves sans connaître mes intentions. Vous marchez directement contre mon but. Je n'entends point favoriser d'aucune manière la Maison la Tour et Taxis, et j'ai besoin d'avoir à Wesel et Düsseldorf des hommes qui soient entièrement dévoués à moi et non à l'empereur d'Allemagne; et c'est vous qui avez fait faire, contre mes intentions, l'arrangement de Bade avec la Tour et Taxis. Je vous défends d'écrire à aucun ministre étranger, puisque vous avez l'imprudence de le faire mal à propos. Mon intention est que les malles passent par Wesel comme à l'ordinaire; que la Maison la Tour et Taxis ne soit point chargée de Wesel ni Düsseldorf, et qu'un inspecteur français bien au fait du service se rende sur-le-champ à Wesel pour le prendre.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
A M. Gaudin
Il faut actuellement régulariser, en conséquence de la dernière loi, nos différents exercices, et me présenter un projet de décret à peu près dans ce sens.
ARTICLE 1-. - Des cinq cent quarante-cinq millions qui forment le budget de l'an IX, 1,400,000 francs seront ôtés à la dette publique comme superflus,
ci . . . . . . . | 1,462,233 | 2,119,831francs |
Même chose pour l'an X, qui se monte à | 3,425,000 | 14,690,000 |
Total . . . . . . . 16,809,831
ART. 2. - Ces 19,869,831 francs joints aux soixante millions de crédit accordés au Gouvernement pour exercices arriérés par la loi du ...... faisant soixante-seize millions, seront distribués de la manière suivante :
Pour l'an IX . . . . . . . . . 4,000,000 francs
l'an X . . . . . . . . . . . . . . . 3,000,000
l'an XI . . . . . . . . . . . . . . 10,000,000
l'an XII . . . . . . . . . . . . . 39,000,000
l'an XIII . . . . . . . . . . .. . 20,000,000
76,000,000
Ce sera la première base sur laquelle il faudra calculer.
Ces sommes une fois ainsi distribuées dans ces années comme fonds de réserve, nous verrons à l'appliquer comme liquidation à chaque ministre sur son fonds d'année. Cela formera alors le budget.
Il a été payé en domaines 20,868,000 francs pour les années X, XI et XII; mais il doit y avoir aussi une somme de sept millions qui a été payée pour l'an XIII et que je ne trouve point portée dans l'état F du budget de l'an XIII. Il paraît qu'on ne l'a point portée parce que le trésor n'a pu la régulariser. Faites-moi connaître à quel ministre elle a été donnée.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, pour faciliter vos opérations de finance du reste de l'année, j'ai cru devoir arrêter définitivement mes besoins. Les cinq premiers mois de l'année, avril et mai dont les distributions sont déjà faites, et moyennant ce qui a été annulé par mon décret d'hier, portent la dépense à quatre cent neuf millions. Dans les sept derniers mois, mes besoins seront de trois cent trente-six millions; savoir :
la Maison (le l'Empereur, les princes et les dettes de l'État par mois . . | 10,000,000 francs. |
Le grand juge . On ne comprend point dans cette somme les | 1,200,000 |
Les relations extérieures . Mon intention est que désormais on ne paye | 500,000 |
Dépenses ordinaires de l'intérieur | 1,100,000 |
Dépenses extraordinaires de l'intérieur. Dans ces dépenses ne sont point compris les | 1,00,000 |
Finances. Dans cette somme sont compris les trois mil- | 1,800,000 |
Ministère de la guerre . | 14,000,000 |
Administration de la guerre | 8,000,000 |
Marine | 8,000,000 |
Police | 50,000 |
Cultes | 1,000,000 |
Ce qui fait par mois | 46,650,000 |
Indépendamment de ce, environ un million par mois sera affecté pour être appliqué aux exercices qui pourraient en avoir besoin; il sera pris sur les fonds de réserve. Il faudra de plus, pour les exercices antérieurs, vingt millions en bons de la caisse d'amortissement, et sur l'an XIII, quatre millions en argent pour payement de solde, travaux de l'intérieur, et autres objets qui ne peuvent être payés qu'en argent.
Ainsi donc, avec quarante-huit millions et demi en argent et près de trois millions de bons de la caisse d'amortissement pour les exercices antérieurs, le service se trouvera brillamment assuré.
Dans toutes les distributions désormais, il faut relater ce que les ministres ont, par chapitre, de crédits antérieurs qu'ils n'ont pas employés. Il faut relater aussi le résultat, pour chaque ministre, de ce que je viens de déterminer dans la présente lettre, sinon dans les états de la trésorerie, au moins dans votre rapport des demandes; ce qui me servira de règle, vu que je vous autorise à régler toutes vos négociations, etc., sur ledit calcul.
Saint-Cloud , 28 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, vous payerez les 419,697 francs qui étaient en suspens pour la boulangerie; mais vous aurez soin de n'acquitter ces ordonnances qu'en bons de M. Vanlerberghe. Quant aux ordonnances de 780,000 francs pour masse de fourrages, de 360,000 francs pour indemnités de fourrages, de 440,000 francs pour étapes, de 97,000 francs pour chauffage, de 46,000 francs pour lits militaires, de 500,000 francs pour indemnités de logement, de 1,900,000 francs pour hôpitaux, de 184,000 francs pour fournitures extraordinaires de vivres, et de 2,300,000 francs pour l'habillement, vous me ferez connaître si elles sont renvoyées au ministre, ou datées au trésor, ou si elles sont toujours en suspens. Si on les a toutes annulées, ces dispositions, jointes à celles ordonnées de tous les crédits de l'exercice an XIV et 1806, dont les ministres n'ont point fait usage, porteront le total des annulations, pour le seul ministère de l'administration de la guerre, à dix-huit millions. Mais il y a, sur les ordonnances ci-dessus, à laisser subsister celles qui ont été données aux corps pour leur habillement.
Dans votre état, vous portez 77,470,000 francs d'ordonnances délivrées; et le ministre, 78,421,000 francs. La différence de cette somme se trouve dans l'article de l'habillement, où le ministre porte un million de plus; ce qui peut venir d'un million d'habillement porté d'une année à l'autre, qui n'aurait pas été régularisé au trésor, ou d'une retenue que vous deviez faire au corps; rendez-moi compte de cela. Il est nécessaire de faire connaître quelle est, sur les 7,200,000 francs d'ordonnances de l'administration de la guerre à solder, la portion qui appartient au crédit accordé pour avril par la distribution du 18 mars. En conséquence des dispositions ci-dessus, vous n'aurez payé que 69,876,000 francs, attendu que, sur sept millions d'ordonnances tirées, je n'en laisse subsister que quelques-unes, et que j'annule tout le reste.
Proposez-moi de faire payer, en bons de la caisse d'amortissement, toutes les ordonnances délivrées pour exercices antérieurs à l'an XIV; envoyez-m'en l'état par ministères et par chapitres; s'il y en a d'urgentes, j'y pourvoirai.
Il faut ôter les 1,600,000 francs sur le royaume d'Italie portés, comme disponibles, attendu que cette somme lui a été cédée, le ministre ne prenant le service qu'au mois de mai; mais il faut, en même temps, transporter en avril et en mai 1,300,000 francs à payer par le royaume d'Italie pour sa portion dans la dette du Piémont.
Ajoutez à l'état n° 1 que vous m'avez présenté, plusieurs colonnes : la première, pour la dépense au 1er avril; la seconde, pour ce qui restera à recouvrer ou à dépenser en 1807 appartenant à 1806; la troisième, pour ce que l'exercice an XIV et 1806 doit aux années antérieures. On doit avoir pour résultat huit cent quatre-vingt-quatorze millions du budget de 1806, plus ce que 1806 devra aux exercices antérieurs. Il faudrait placer au dos du même état une récapitulation, dans laquelle on porterait la quantité d'obligations, de bons à vue, etc., et de toutes autres valeurs qu'on aurait dépensées par mois; ce qui présenterait la contre-épreuve.
Voici maintenant la base du service à régler avec la Banque. Vous présentez un état de service plus que suffisant, et une portion des ressources de l'année restera pour l'année suivante. Il est vrai qu'il restera aussi une queue de liquidation. Vous avez besoin de négocier quatre-vingt-dix millions, dont cinquante-quatre en obligations et trente-six en coupes de bois; mais, indépendamment de cela , vous fondez votre service sur les quatre-vingt-six millions de l'affaire d'Espagne; et, quoique vous n'ayez pris que ce qui vous paraissait le plus clair dans cette opération, il est convenable de donner quarante millions de moyens de plus pour subvenir à ce qui pourrait manquer dans ces versements. Cela est facile en prenant quarante millions d'obligations sur 1807 pour le service de novembre et décembre, et en mettant en place quarante millions d'effets de l'affaire d'Espagne qui ne seraient pas escomptés. Il paraîtrait donc à propos de demander à la Banque, pour cette année, un escompte de cent dix millions qui se répartiraient sur huit mois, mais inégalement et selon les besoins. Je désire, en conséquence, que vous soumettiez au conseil des finances, d'abord le projet de traité à faire avec la Banque en principe, ensuite le service de cette année, avec l'échéance de ces cent dix millions, et le moment où la Banque doit les réaliser.
Un autre travail à faire consisterait à établir, à dater du 1er mai, les ressources et le service de l'Italie française. Il conviendrai aussi de travailler à connaître toutes les dépenses par division, et par chaque département.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien , les troupes italiennes qui sont en France, ont dû être soldées par le trésor d'Italie, et cependant elles ont été payées par le trésor de France. En avez-vous été remboursé par le trésor d'Italie ? Par le dernier décret que j'ai pris, les troupes italiennes que j'ai en France doivent être non-seulement payées, mais même nourries et entretenues par le trésor d'Italie. Écrivez à M. Dejean d'en faire faire le décompte jusqu'au ler juillet; que cet objet soit mis en règle; cela vous donnera des ressources pour le supplément qu'il sera nécessaire de payer pour mon armée d'Italie.
J'imagine que vous avez donné des ordres pour que les 1,600,000 francs que me doit mon trésor d'Italie, pour avril, soient versés dans la caisse du payeur de mon armée d'Italie pour payer la solde et les masses qui sont dues à cette armée. Il faut que le ministre Dejean ordonnance sur ce fonds, et sur ce que je lui ai accordé pour le mois de mai, toutes les dépenses de mon armée d'Italie, hormis celles du casernement et lits que le royaume d'Italie est tenu de fournir en nature; et, comme dans tous les états, les troupes italiennes qui sont à Boulogne ont été comprises pour la solde sur la masse générale, il faut porter comme ressource ce que vous doit et vous devra pour cela le royaume d'Italie jusqu'au ler juillet.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au général Dejean
Je ne sais pourquoi on a mis des prisonniers anglais à Arras; sans doute on a voulu les mettre à portée de chez eux pour se sauver.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au général Lacuée
Je vous envoie copie des observations que m'a fait faire le simple aperçu du compte rendu par le ministre de l'administration de la guerre. Ce qu'un peu de travail vient de me faire apercevoir est sans exemple. Je désire que vous examiniez ce travail avec la plus grande attention et que vous vous mettiez à la recherche de la vérité. Il est impossible que je fasse moi-même tous les calculs; les éléments me manquent et je n'ai point assez de détails pour discuter les raisonnements du ministre.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, voici des observations que m'a fait faire le simple aperçu du compte rendu des différents services de votre ministère depuis le ler vendémiaire an XIV jusqu'au 17 avril 1806.
Fourrages. La dépense présumée pour les fourrages est portée, pour six mois, à 6,259,000 francs; on évalue la ration à 1 franc 60 centimes, évaluation plutôt forte que faible. On suppose une consommation de 3,900,000 rations; ce qui, divisé par jours donne 20,500 chevaux. Il est vrai qu'on réduit ces 20,500 chevaux à 17,186; mais cette réduction est faite par des motifs qui ne pas bons. D'abord, dit-on, il faut ôter la consommation de vendémiaire, qu'on évalue à 928,000 rations, pour le mouvement de la Grande Armée : mais ce mouvement était fini avant vendémiaire; et, le 8 ou le 10 vendémiaire, il n'y avait pas un homme de cavalerie sur la rive gauche. Deuxièmement, on ôte 118,000 rations au corps d'armée du général Saint-Cyr, qu'on calcule à 3,900 chevaux : il ne les avait pas, et les trois quarts étaient italiens et, dès lors, nourris par le royaume d'Italie. Ainsi cette réduction à 17,186 chevaux ne peut être admise. Pour dire que 6,259,000 francs sont nécessaires, il faut que l'on ait consommé 3,900,000 rations; il faudrait donc qu'il y eût eu 20,000 chevaux par jour : mais si l'on regarde les états remis par les inspecteurs aux revues, on y voit portés :
Pour vendémiaire, 16,000 chevaux; mais, sur ces 16,000 chevaux, il faut ôter 2,300 chevaux, qui étaient à l'armée de Naples, et nourris par le roi de Naples en vendémiaire, et les 7,600 chevaux de l'armée d'Italie, qui ont tous été nourris par réquisition.
En brumaire, on trouve 15,000 chevaux, sur lesquels il y en a 9,000 de l'armée d'Italie, qui ont été nourris par les pays vénitiens ou par réquisition, ceux de Batavie, nourris par le gouvernement batave.
En frimaire, on porte 22,000 chevaux : mais les 12,00o chevaux de l'armée d'Italie étaient nourris par le pays vénitien et par la Styrie et la Carinthie; plus de 300 chevaux, qui étaient en Hollande, étaient nourris par la Hollande; 1,000 chevaux étaient dans le royaume d'Étrurie, quoique j'aie peine à concevoir qu'il y ait eu 1,000 chevaux en Étrurie; mais encore ils auraient été nourris par la reine d'Étrurie.
En janvier, on trouve 21,000 chevaux; mais il y en a 8,800 de l'armée d'Italie et 1,800 de l'armée du Nord qui étaient en Hollande. D'ailleurs le service de l'armée d'Italie, en janvier, était fait par le royaume d'Italie.
En février, on trouve 20,000 chevaux; mais il y a toujours 8,900 du royaume d'Italie, 400 du maréchal Lefebvre en Allemagne, 680 du général Colaud en Hollande, 270 du général Michaud en Hollande. On ne parle pas de l'exagération des autres articles.
En mars, on porte 11,000 chevaux.
De sorte qu'en prenant pour complant les calculs de l'inspecteur aux revues, et je crois qu'il y aurait beaucoup à redire, on arrive jamais qu'à 192,000 rations pour vendémiaire, 144,000 pour brumaire, 206,000 pour frimaire, 270,000 pour janvier, 297,000 pour février, 342,000 pour mars; ce qui, à 1 franc 60 centimes, ferait 2,328,000 francs de dépenses. Il a été payé 4,852,000 francs. Cela forme une différence de 2,500,000 francs qui ont été donnés de plus aux fournisseurs.
Je ne puis me dissimuler que le chef de bureau Laumoy, qui a signé ces états, est d'une grande malhabileté, s'il pense justifier des avances si considérables sur des calculs aussi évidemment irréfléchis.
Quant à l'indemnité de fourrages, elle est évaluée à 830,000 francs, lorsque, dans l'an XIII, où toute l'armée était à Boulogne, cette indemnité a coûté 1,200,000 francs. Par analogie, j'arrive à prouver que l'indemnité de fourrages ne peut être, pour ces six mois, de 300,000 francs; cependant 830,000 francs sont sortis du trésor.
Chauffage. En l'an XIII le chauffage a coûté six millions; ce qui fait pour six mois trois millions. J'ai donc gagné, à ce que mon armée était dehors, une augmentation de dépense ! Certes, le chauffage ne peut coûter un million.
Étapes, convois et transports militaires. Les étapes, convois et transports militaires ont coûté en l'an XIII 7,400,000 francs, ce qui fait pour six mois 3,700,000 francs. On demande onze millions. Je sais bien qu'il a été fait, cette année, plus de mouvements que l'année passée, non de conscrits, car les mouvements de conscrits n'ont pas été plus considérables cette année, mais de troupes; mais cela peut-il faire l'effroyable différence de quadrupler la dépense ?
Invalides. Comment demande-t-on deux millions pour les Invalides ? Cette dépense sera donc plus forte que l'année passée, et par quelle raison ? Cela est d'autant moins convenable que, dans le mémoire qui appuie l'état, cette dépense n'est portée, par évaluation, qu'à 1,500,000 francs.
Lits militaires. Les lits militaires n'ont coûté en l'an XIII que 2,200,000 francs, et l'on demande, pour six mois, 2,300,000 francs !
Logements. L'indemnité de logement n'a coûté, l'an passé, que 3,500,000 francs, et cette année vous demandez un million pour six mois; et il n'y a pas sans doute la même quantité de troupes dans l'intérieur.
Hôpitaux. On porte 5,100,000 rations pour six mois; ce qui fait 24,000 malades par jour. L'état que je fais faire prouvera qu'il n'y a pas eu constamment 12,000 malades par jour, l'un portant l'autre. L'état que vous présentez porte 18,000 malades, et sans doute on ne veut pas me faire payer les malades de Hollande, de Hanovre, d'Italie et de Naples, qui sont cependant portés dans les états.
Mobilier. Les 1,500,000 francs donnés pour achat et entretien de mobilier sont une dépense inutile qu'on a faite. On aurait pu tout aussi bien dépenser quinze millions.
Officiers de santé. Il me semble que tous les officiers de santé de la Grande Armée ne sont pas payés; cependant on a 500,000 francs pour extraordinaire des officiers de santé.
Viande. Il faut observer que l'armée d'Italie a vécu de réquisitions et que les 2,200,000 rations de viande n'ont pas été fournies par M. Delannoy; que, dans les corps de réserve, il y a une exagération d'au moins un quart.
Habillement. La première et la seconde portion de la masse d'habillement se monteraient à neuf millions pour sept mois; l'année passée, elles se sont montées à treize millions pour toute l'année, tant pour les fournitures ordinaires que pour les fournitures extraordinaires. Il faut commencer par faire connaître la retenue à faire pour ce que doit chaque corps pour fournitures, soit de souliers, soit de tricots, qui ont été payés par le ministre et fournis en nature aux corps. Il faut avoir l'état des souliers qui existent aujourd'hui, et de ceux distribués aux corps, parce qu'il faudra la leur retenir.
Boulangerie. L'armée d'Italie a vécu de réquisitions; au mois de brumaire, elle était dans le pays vénitien. Par vos états, il parait que, pour sept mois, vous avez payé 40,030,000 rations, ce qui fait 182,000 hommes par jour. Il faut en ôter d'abord tout ce qui est relatif à l'armée d'Italie, ensuite tout ce qui est relatif aux compagnies de réserve et à la gendarmerie, qu'on parait avoir compris dans les états. Rien n'est aussi inexact que les états remis par les inspecteurs aux revues : ce corps s'est bien relâché depuis un an et ne remplit point son but. Je fais dresser des états des troupes qui sont en France depuis six mois, sur les livrets qui me sont remis chaque mois, et d'après la connaissance que j'ai de l'emploi des troupes. Vous y verrez une immense différence avec les vôtres.
Je ne puis me dissimuler que les états qui me sont remis sont faits par des hommes qui ne suivent pas l'administration, et qu'il y a du relâchement dans cette partie du service.
Dans le mois de janvier , il n'y avait dans l'intérieur que 60,000 individus prenant ration, en y comprenant les 27e et 28e divisions militaires : vous en portez 85,600 , ce qui fait un quart de plus qu'il ne faut.
RÉSUMÉ - Les dépenses de la boulangerie ne peuvent dépasser 7,300,000 francs pour sept mois, desquels il faut ôter, pour réquisitions en France, 572,000 francs. Je ne conçois pas pourquoi vous ajoutez au service présumé fait les 720,000 francs de réquisitions que vous avez payés. C'est par ce faux calcul que vous portez que le munitionnaire doit 2,124,000 francs, tandis qu'il doit 2,700,000 francs; et, en y joignant 1,300,000 francs qu'on lui a mal à propos payés pour le royaume d'Italie, et 1,400,000 francs pour ce que les consommations de l'intérieur ont été portées trop haut, cela fera monter son débet à cinq millions.
Pour les fourrages, les fournisseurs ont reçu de trop 2,500,000 francs : pour indemnités de fourrages, il y a 500,000 francs de trop payé.
Pour chauffage, 1,600,000 francs de trop payé.
Pour étapes et convois militaires, un million.
Pour lits militaires, indemnités de logement et geôlage, au moins 380,000 francs.
Pour les hôpitaux, au moins trois millions.
Pour la viande, au moins 3,500,000 francs.
Pour l'habillement, il faut faire connaître ce qui a été payé, ce qui n'a pas été fourni, et les à-compte donnés à chaque corps, qui n'ont pas été retenus. Faute de faire ces retenues, on fait payer double aux corps, et l'on introduit des abus et du désordre dans leur administration. Ceci est encore un objet de plusieurs millions. Tout cela réuni composerait un trop payé de quinze à vingt millions, sans compter qu'au lieu de payer les trois quarts du service on aurait tout soldé.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
A la princesse Élisa
Ma Sœur, j'ai reçu vos différentes lettres. Il est cependant indispensable que vous me présentiez des dispositions pour établir la dotation du duc de Massa. La vente des biens des couvents vous rendra beaucoup d'argent. Enfin, si tout ce qu'on a demandé est trop exagéré, on pourra se contenter d'un arrangement qui en assurera la moitié; mais cette partie sera absolument nécessaire.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous trouverez ci-joint des observations sur le mémoire du général Marmont, dans lequel il y a de bonnes choses; mais il ne remplit pas encore mon but. Je désire apprendre qu'on ne perd pas de temps et que les travaux de Palmanova sont en grande activité. Il y a six ans que j'ai ordonné qu'on levât la carte du Milanais jusqu'à l'Adige. Je n'en ai encore tiré aucun profit. Je désire savoir où en est ce travail. Faites d'abord lever les bords de 1'lsonzo, puisque nous les avons encore, et que le temps peut venir où nous serons obligés de reprendre les anciennes frontières vénitienne. Faites faire ce travail dans le moins de temps possible; car, comme c'est là que se porteraient les premiers coups, il sera bon d'avoir des cartes. Vous ferez suivre le travail de là au Tagliamento, du Tagliamento à la Piave et de la Piave à l'Adige.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
NOTE
On a lu le mémoire du général Marmont, en date du 15 avril. Il renferme de bonnes idées; mais voici les observations qu'il fait naître.
Si l'on ferme la vallée de l'Isonzo par une place, l'ennemi, une fois maître de cette place, la trouverait tout à son avantage; où bien il faudrait la construire tellement forte qu'elle pût raisonnablement être à l'abri d'être prise; ce qui exigerait d'abord un grand nombre d'hommes, de grands travaux, et des frais pour l'artillerie et pour les vivres beaucoup trop considérables. Il ne faut donc placer aucun obstacle dans la vallée de l'Isonzo, parce que cet obstacle serait avantageux pour l'ennemi s'il s'en emparait dès le commencement d'une campagne. Si l'on est sur la défensive et maître de la rive droite de l'Isonzo, il sera facile de trouver une position qui intercepte la vallée; et quand l'ennemi voudra combiner l'opération de ses divisions partant de Tarvis avec ses divisions partant de Laibach, l'armée française, qui sera entre ces divisions, aura toujours le moyen de tomber sur l'une ou l'autre isolément et de les accabler séparément quelle que soit, d'ailleurs, la justesse de l'opération en question et elle n'aura pas besoin d'avoir un fort pour cet objet. Dans une manœuvre de cette espèce, Palmanova serait très-utile ; elle contiendrait l'ennemi , devant lequel on se serait dérobé sur un point, et mettrait en sûreté les magasins, pendant deux ou trois jours qu'on se serait dégarni devant lui.
La seconde observation est que nous ne sommes pas maîtres de l'Isonzlo, que nous devons tenir à le garder, mais qu'en réalité il ne nous appartient pas par le traité de Presbourg.
Un fort qui fermerait la vallée de Natisone n'aurait cependant pas les inconvénients relatés ci-dessus. En supposant même que l'ennemi s'en emparât, il ne gênerait en rien les opérations de Goritz à Tarvis, ni celles d'Osoppo à Tarvis. Il faudra le bloquer seulement pendant les huit ou dix jours que l'artillerie de Palmanova mettrait à le reprendre.
Où doit être ce fort ? A Robig. Mais n'est-ce pas sur le territoire autrichien ? Ne doit-on pas le placer plutôt à Stupizza, où l'ennemi prit position en l'an VI, et reçut le combat de la division du général Guieu ?
Il faut pour cela une position qu'on puisse défendre par un seul ouvrage; un petit mamelon qui ne soit pas dominé et que couronnerait une redoute maçonnée, avec contrescarpe; ou, si l'on veut, une casemate à feux de revers, qui coûterait tout au plus 3 à 400,000 francs, qui présenterait un logement pour 2 ou 300 hommes, et serait suffisamment garnie avec douze à quinze pièces d'artillerie; enfin, des chemins couverts et autres ouvrages en terre au bas du mamelon, et qu'on établirait en quinze jours de temps et suivant les circonstances. On veut qu'une division de 4 à 5,000 hommes puisse se trouver protégée par cette redoute contre des forces supérieures, et qu'on puisse appuyer, par son moyen, le point qu'on choisirait pour intercepter la vallée de l'Isonzo; que, devant ployer toute la gauche sur la droite, afin de marcher, soit sur Monfalcone, soit sur Goritz, pour attaquer l'ennemi avec toutes les forces de l'armée française réunies, et en gagnant sur lui une ou deux marches, cette redoute l'arrêtàt, et pût aussi renfermer les petits magasins et un petit dépôt de munitions de guerre, et aidât à prolonger l'erreur des ennemis et mît obstacle à sa marche sur Cividale : car on suppose que quelques hussards, quelque artillerie légère et quelques compagnies d'éclaireurs se replieraient devant l'ennemi et tiendraient toujours ses éclaireurs en respect. L'ennemi qui, après avoir cerné et sommé la redoute, voudrait continuer sa marche, ne pourrait aller jusqu'à Udine sans artillerie. Il faudrait donc, s'il était possible, que l'emplacement du fort fût tellement choisi que l'ennemi ne pût transporter son artillerie sans éprouver un retard de plusieurs jours, qu'il devrait employer et perdre en construction de chemins.
Ainsi donc il ne peut être question d'établir une place si à proximité de l'extrême frontière. Il vaut mieux diriger tous ses efforts pour avoir une bonne place de dépôt dans Palmanova, et se contenter d'établir dans l'endroit désigné un très-petit fort, que l'ennemi ne pourrait cependant prendre avec de l'artillerie de campagne, qui soutiendrait quelques jours de tranchée ouverte; et ce but serait rempli moyennant une dépense de 3 à 400,000 francs, sauf, par la suite, à y continuer des ouvrages de défense si cela était nécessaire. Si l'armée était battue ou qu'elle dût se replier derrière le Tagliamento sans espérance de revenir sur ses pas avant quelques semaines, alors le fort pourrait être abandonné et son artillerie serait transportée à Palmanova.
Quoique ce fort doive être une fortification permanente, on ne peut cependant le considérer que sous le point de vue de fortification de campagne. Il pourra, dans la main d'un général, contribuer au succès d'une opération, et dès lors rendre un immense service; et dans la défensive il en rendrait encore, en ôtant toute inquiétude et en donnant plusieurs jours à l'armée qui serait réunie du côté de Palmanova, et qui ne se trouverait pas obligée de se diviser, puisque ce petit fort protégerait assez une très-petite division pour que la grande communication d'Udine se trouvât suffisamment surveillée. Malgré tous les avantages qu'on vient d'examiner, la considération de la défense serait de nature à y faire renoncer. Il faut connaître plus exactement les localités et tout ce qui intéresse Caporetto, Cividale, Udine et les principaux endroits des environs.
Le général Marmont parle d'une route de Canale à Cormons, praticable pour les voitures. Il importe d'être parfaitement sûr s'il en existe pas d'autre de cette espèce. Il faudrait pour cela faire lever un croquis du pays et donner des détails exacts sur les torrents de Natisone et de Judrio, etc., afin qu'on pût apprécier d'une manière vraie si la dépense du fort dont on a parlé serait compensée par les avantages qu'on en retirerait.
Indépendamment des opérations que l'ennemi peut faire par les routes de Tarvis à Caporetto, et de Goritz à Laybach, il peut en faire, et c'est assez dans le génie autrichien, en combinant les divisions qui déboucheraient par Caporetto et Cividale avec celles qui passeraient par Pontebba, la Chiusa vénitienne et Gemona, et c'est pour cela qu'on s'est établi et fixé à Osoppo, où le terrain épargnait des frais considérables en offrant des fortifications naturelles auxquelles l'art n'avait pas beaucoup à ajouter. Il serait bon d'avoir des descriptions exactes de la communication d'Osoppo à la Chiusa vénitienne et à Pontebba.
Il faut donc faire faire des croquis et des reconnaissances plus détaillées de toute cette partie; mais c'est à Palmanova surtout qu'il faut travailler avec la plus grande activité. Il faut avoir fini cette année les casernes, les citernes, les magasins, et que les neuf flèches qui ont été ordonnées et qui augmentent si considérablement la défense de Palmanova soient aussi cette année dans tout leur jeu. On n'a pas encore reçu les plans d'Osoppo; on les attend pour les examiner. Cette place a un double avantage : celui de servir de dépôt pour la ligne du Tagliamento et d'observation pour le débouché de Pontebba.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vois, par la lettre du général Chasseloup du 21 avril, qu'il a fait des dettes pour des achats de bois. Les approvisionnements de bois ne regardent pas le génie, et l'argent que je donne pour les fortifications ne doit pas être employé à ces dépenses. Faites liquider ces objets, et assurez-vous qu'il n'est rien dû. Le général Chasseloup est accoutumé à jeter l'argent à tort et à travers, et pour n'arriver à aucun résultat. Je ne veux dépenser à Mantoue que ce que j'ai ordonné. Qu'ai-je besoin de tant dépenser à la Rocca d'Anfo ? Ne me coûte-t-elle déjà pas assez ? Avant de rien dépenser davantage à Peschiera, je veux voir les plans. Il est temps enfin de savoir comment l'on dépense l'argent; c'est en le dépensant mal que les ingénieurs n'en ont pas pour les choses importantes. La chose qui m'importe essentiellement, c'est que les principales dépenses soient faites à Palmanova et à Osoppo, et que les travaux de ces places soient poussés avec la plus grande activité. Je compte employer, des fonds du royaume d'Italie, 300,000 francs pour Zara; mais j'attends les plans de cette place.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au prince Eugène
Depuis le 1er janvier, le service se fait en Italie aux frais du trésor d'Italie. Faites-moi connaître qui fait le service du pain. Si c'est compte de la compagnie Maurin, et que vous lui deviez de l'argent, il est nécessaire de m'en prévenir, car elle m'en doit furieusement.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'approuve la mesure que vous proposez pour la solde du corps de troupes qui est en France. J'ordonne au ministre du trésor public d'en agir comme vous le désirez. Je ne sais pas pourquoi l'on fait payer par le trésor italien la solde que j'ai faite aux troupes italiennes à Vienne.
La garde italienne ayant rendu des services et ayant été payée les contributions levées en pays conquis, il n'est pas juste de faire rembourser ces sommes par le trésor italien; prenez des mesures pour les faire restituer. Celte restitution me servira à donner une gratification à la Garde.
Le traitement que vous faites à M. Bertin est beaucoup trop fort; 50,000 francs sont un traitement immense. Vous avez dû recevoir, à son sujet, des lettres du ministre de la marine.
Je n'approuve point les magistrats civils pour préfets; vous pouvez cependant les laisser jusqu'au ler juillet; mais, passé le mois de juillet, il faut suivre la marche générale. Envoyez des Italiens dans le pays de Venise, et des Vénitiens en Italie. Vous pouvez prendre le titre de prince de Venise.
Saint-Cloud, 28 avril 1806
DÉCISION
Le sieur Saucède, agent de change à Paris, propose à l'Empereur de lui vendre le château de Bagatelle, pour en faire le rendez-vous de ses chasses dans le bois de Boulogne. | Renvoyé au ministre des finances. Je ne veux pas faire de Bagatelle un rendez-vous de chasse; mais l'administration forestière peut l'acheter, afin de ne rien défaire. |
Saint-Cloud, 29 avril 1806
A M. Delamalle, avocat.
Monsieur Delamalle, j'ai lu avec plaisir ce que vous avez dit de M. Tronchet. J'approuve beaucoup la manière dont vous avez parlé de circonstances délicates, qui auraient été, pour un mauvais esprit, une occasion de blesser beaucoup de monde et de réveiller des passions, chose la plus contraire à ma volonté. Je vous sais gré de ce bon esprit, et je désire des occasions de vous le témoigner.
Saint-Cloud, 29 avril 1806
A M. Gaudin
J'ai nommé M. Cretet gouverneur de la Banque, et M. Thibon sous-gouveneur, parce que je les connaissais personnellement l'un et l'autre; mais je ne connais point M. Vital-Roux, qui m'est aussi proposé, et je ne pourrais le nommer que sur la présentation que vous m'en ferez. Remettez-moi demain une liste de candidats.
Saint-Cloud, 30 avril 1806
A M. Lacépède
Je crains que, dans le grand nombre de promotions dans la Légion d'honneur qui ont été faites dans la Grande Armée, les corps n'en aient proposé légèrement et, entre autres, beaucoup de jeunes gens qui n'auraient qu'un an ou deux de service; ceci ne s'applique pas aux soldats qui auraient pu se distinguer par de grands traits de courage. Je vous prie de me faire un relevé des officiers qui n'auraient que vingt-cinq ans et qui n'auraient pas huit ans de service, et que cependant j'aurais nommés, cette campagne, de la Légion d'honneur.
Saint-Cloud, 30 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, recommandez bien au général Molitor de tenir ses troupes réunies et de ne pas les disséminer dans les îles, car on me les ruinera entièrement. Si l'on a mis des Français dans l'île de Curzola, qui est si éloignée, on a fait une grande imprudence. Il est beaucoup plus convenable d'y mettre des Dalmates et même de former quelques compagnies de gens du pays. Je reçois votre lettre du 25 avec la carte de la Dalmatie. Ces renseignements que vous me donnez sont encore bien peu de chose. Je vous le répète de nouveau, recommandez bien qu'on ne dissémine pas mes troupes, et qu'on ne les expose pas à être prises dans les îles. Ne pourrait-on pas employer là un bataillon de Dalmates ? Vous comprendrez facilement que Anglais et les Russes, qui sont maîtres de la mer, s'empareront toujours des îles quand ils voudront, en y mettant cinq fois plus de monde. Il n'y a que les Dalmates qui puissent les défendre. Plusieurs dispositions comme celles de Curzola ruineraient entièrement mes troupes.
Saint-Cloud, 30 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, on me donne des préjugés contre votre préfet de Venise. Tâchez de nommer là un Bolonais ou un Milanais choisi parmi les personnes considérables du pays et qui aient eu affaire avec moi dans le premier temps de la République; il y en avait dans la République cispadane qui étaient des hommes d'un grand mérite. Faites venir Dandolo, traitez-le bien, c'est un homme de talent, de caractère, probe, et qui a sa portion de popularité et d'influence. Les hommes supérieurs voient d'en haut et dès lors au-dessus des partis.
Il serait assez convenable qu'une députation de Vénitiens, composée des hommes les plus considérables et les plus connus, se rendit à Paris, tant pour me prêter serment au nom de leurs compatriotes que pour me témoigner leur contentement de faire partie du royaume d'Italie. Je les recevrai à Paris avec apparat, et cette démarche serait convenable sous tous les points de vue, mais il faut que l'initiative vienne d'eux. Je recevrai volontiers deux députés de Padoue, deux du Frioul, deux de Trévise, un de Bassano, deux de Vicence; je ne parle pas de la Dalmatie, elle est trop éloignée.
Je vous recommande de compléter les bataillons dalmates à 1,000 hommes chacun, de ne pas les mettre à Mantoue, où ils périraient tous, mais dans l'intérieur, à Crémone par exemple. Faites-les recruter en Dalmatie ; ce sont des soldats braves et qui me seront utiles dans bien des circonstances. Dites à Caffarelli qu'il me rende bien compte de tout l'argent qui a été dépensé dans son ministère. Quarante millions me paraissent une dépense énorme pour une si petite armée. Vous donnerez aux bataillons dalmates le dernier numéro des régiments italiens.
Tâchez de faire tomber les choix pour les députés des pays vénitiens sur des hommes dignes d'être faits membres de la Légion d'honneur, susceptibles d'être nommés chambellans et d'occuper des emplois de cour ou des places dans l'administration.
Faites connaître au général Lery que je vous demande fréquemment des détails sur Palmanova; que j'espère qu'à la fin de mai les neuf lunettes seront entreprises à la fois. Je vous ai écrit hier pour des reconnaissances à faire le long de l'Isonzo par vos ingénieurs géographes; profitez du temps où nos troupes y sont. N'oubliez pas Monfalcone et la partie des montagnes de Monfalcone qui dominent Gradisca. En l'an VI, les Autrichiens avaient fait là un camp retranché, et je crois que par Monfalcone j'ai des positions qui rendraient vaines toutes les dispositions que l'ennemi pourrait faire en temps de paix. Quand vos occupations vous le permettront, partez de Milan incognito avec trois voitures, rendez-vous à Palmanova, à Monfalcone, parcourez à cheval les bords de l'Isonzo en revenant par Gemona : ce sont là vos frontières, vous serez un jour appelé à les défendre; il faut que le plus petit chemin, la moindre position, vous l'ayez vue. Huit jours de reconnaissance à cheval à Osoppo, à Monfalcone, à Canale, à Caporetto, à Udine, à la Chiusa di Pletz, à Pontebba, à la Chiusa vénitienne, sont des reconnaissances importantes et qui vous seront bien précieuses; non-seulement on visite, mais on fait des notes, qu'on retrouve dans le temps. Je crois que vous avez vu tout cela fort jeune, mais je crois que vous n'avez pas vu avec le détail convenable; il faut revoir aujourd'hui.
Saint-Cloud, 30 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous ai écrit pour que vous vous formiez un équipage de chasse. Il est assez important que les grands d'Italie prennent l'habitude de monter à cheval; l'exercice et la fatigue de la chasse ne peuvent que leur être avantageux. Il vaudrait beaucoup mieux qu'ils prissent ce passe-temps que de rester toujours auprès des femmes. Pour vous, d'ailleurs, ce délassement est nécessaire.