16 - 31 juillet 1806
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
A M. Fouché
Il y a eu hier un accident d'un cocher qui, par sa faute, à ce qu'il paraît, a tué un petit enfant. Le faire arrêter, n'importe à qui appartienne, et le faire punir sévèrement.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, il est inutile d'entrer dans tant de détails dans votre réponse au landgrave de Hesse et de parler dg coparrains. Répondez au général Vial que j'ai donné des ordres au ministre de la guerre pour que tous les obstacles au recrutement fussent levés. L'argent ne doit pas manquer. Il faut qu'avant la fin d'août le régiment soit à son grand complet, de manière que je puisse, à cette époque, nommer les officiers du second régiment. Écrivez au général Vial que, tous les quinze jours, il fasse connaître l'état de ce recrutement, et, si le ministre de la guerre a pourvu tout ce qui était nécessaire, en indiquant tout ce qu'il y aurait faire. Faites mettre dans le Moniteur ce qui est relatif au décret contre l'introduction des marchandises anglaises en Suisse.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je vous ai prescrit différentes dispositions, par ma dernière lettre, sans vous en dire la cause. Je vous envoie aujourd'hui un traité (Projet de traité de la Confédération du Rhin - Note de la minute.) que je désire que vous gardiez pour vous seul, et que je veux faire sanctionner avant que mon armée repasse le Rhin; par ce moyen, je n'aurai pas de dispute sur ce point. D'un autre côté, Cattaro ne m'est pas encore remis. Mon intention est, si l'empereur d'Allemagne fait la moindre difficulté d'adopter ces mesures, de porter toute mon armée entre l'Inn et Linz, ce qui déchargera la Bavière. Vous pouvez en causer avec M. Otto, mais avec lui seulement. Comme vous serez chargé de l'échange des ratifications, vous aurez à faire un grand travail, dans lequel il pourra vous aider, tout cela devant passer par vos mains.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Je vous envoie une lettre de mon ministre en Suisse. Levez tous les obstacles. Il est ridicule que, depuis quelques années, je solde quatre bataillons et que je n'aie pas 1,500 hommes. Qu'on envoie de l'argent et que l'on fasse un règlement pour que le recrutement s'opère avec la plus grande activité, de manière à compléter en un mois le régiment à 4,000 hommes.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
Au maréchal Soult
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre; j'ai lu avec intérêt le rapport que vous m'avez envoyé. Quelque impatience que j'aie de voir l'armée revenir, je vois avec peine que son retour sera encore retardé de quelques jours, afin d'appuyer les arrangements d'Allemagne, pour lesquels il st indispensable de ne rien laisser derrière soi.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je ne sais pourquoi vous voulez faire des généraux de division de généraux de brigade qui n'ont pas tiré un coup de fusil. Si vous n'avez pas envoyé le général Lechi en Dalmatie pour y commander les troupes italiennes, envoyez-y le général Fontanelli. Il y a aujourd'hui assez de généraux de division. Il faut que les généraux actuels fassent la guerre et se distinguent pour arriver aux grade.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806.
Au prince Eugène
Mon Fils, l'état que vous m'avez envoyé ne signifie rien pour moi. Je n'ai aucune foi aux pièces, je n'en ai qu'aux revues. Je connaît parfaitement la force des corps à toutes les époques, et c'est par la force des corps que se justifient les consommations.
Quant aux bons, on en fait tant qu'on veut. C'est un genre comptabilité qui est bon pour les détails; mais l'ensemble ne se juge que par les revues et la masse des troupes qu'on a dû nourrir.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
Au roi de Naples
Le 6e bataillon bis du train a dû arriver à Naples. Vous avez dû recevoir l'ordre de renvoyer en Italie les compagnies et détachements du 7e bataillon et du 4e bataillon bis et principal. Du moment que Gaète sera pris, renvoyez les détachements des bataillons, cette mesure ayant pour but de mieux entretenir les corps.
Faites juger, pour être punis comme ils le méritent, ceux qui ont assassiné les aveugles d'Égypte. Faites-en faire une procédure éclatante, à laquelle je donnerai ici la plus grande publicité. Au reste, tout le monde, Russes, Autrichiens, Anglais, connaissent l'atrocité de la reine de Naples, et savent bien qu'elle ne pourrait pas retourner à Naples, puisqu'elle naviguerait sur une mer de sang. Le mépris qu'elle inspire est général chez toutes les puissances et affaiblit l'intérêt que prennent à elle ceux qui l'ont compromise.
Saint-Cloud, 16 juillet 1806
DÉCISION
Question proposée par le préfet de la Charente sur l'inhumation des morts. | Tout individu doit être porté à l'église du culte qu'il a professé pendant sa vie. |
Saint-Cloud, 17 juillet 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je vous envoie une demande de la grand'mère de la princesse Auguste, pour laquelle je désire faire quelque chose. Faites-m'en un prompt rapport, en me faisant connaître en quoi consiste sa demande et ce qu'il faut faire pour lui conserver ses droits.
Saint-Cloud, 17 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, pour pénétrer de Carinthie et de Carniole dans le pays vénitien, il existe trois principaux débouchés : celui de droite à Palmanova; celui de gauche à Osoppo. J'ai ordonné la construction d'un fort à Osoppo; mais j'ai demandé que les plans soient faits par les officiers du génie. La place d'Osoppo est à elle seule une place forte, et le problème que j'ai proposé aux officiers du génie est que cette belle position puisse être mise à l'abri d'une attaque de vive force avec 1,000 hommes , et puisse cependant en contenir 4 ou 5,000. Il parait que le général Lery dresse ses plans; on continue cependant les travaux pendant ce temps. Je ne désire pas qu'on les discontinue, mais je désire qu'on me communique bientôt les plans des officiers du génie. Le général Marmont propose un petit fort sur les hauteurs d'Ospedaletto, ayant pour but de fermer la vallée. Il propose ensuite une ligne de redoutes de plus d'une lieue de développement, d'Ospedaletto à Osoppo. Ces ouvrages ne peuvent être considérés que comme ouvrages de campagne, que l'on pourrait faire dans un laps de temps assez long, où l'on se trouverait obligé à une rigoureuse défensive. Il pourra être utile, lorsque Osoppo sera dans une situation respectable, d'établir sur la hauteur d'Ospedaletto un petit fort à l'abri d'un coup de main, et tel que 2 ou 300 hommes ferment la vallée; mais,. comme il n'est pas possible d'exécuter ce travail avant deux ou trois ans, je désire qu'on lève en détail le pays à trois ou quatre lieues autour d'Osoppo, et qu'un officier du génie soit chargé de discuter ce projet.
Le troisième débouché par où l'ennemi peut pénétrer dans Frioul, c'est par Caporetto. Le général Marmont propose d'établi Stupizza un fort qui conterait 300,000 livres et qui fermerait cette vallée. C'est spécialement sur cet objet que je désire, avant le mois d'octobre, un projet présenté par les officiers du génie. Si effecfivement le débouché de Caporetto à Cividale se trouvait fermé par le fort proposé, et, que l'ennemi ne pût arriver sur Udine avec son artillerie qu'en prenant ce fort, ou en descendant de manière à mettre sous la sphère d'activité de Palmanova, ce fort deviendrait utile pour la défensive et pourrait, dans des circonstances donné, rendre des services de premier ordre, car ce qui constitue la faiblesse de cette frontière, c'est le grand éloignement où elle se trouve de Paris et même des Alpes; mais il faudrait, pour m'engager dans cette dépense, qu'elle fût effectivement aussi médiocre qu'on la présente, et que le fort puisse bien appuyer la division qui, dans le cas de la défensive, serait chargée de défendre ce débouché, et puisse même permettre de la diminuer considérablement.
Saint-Cloud, 17 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vous renvoie votre travail sur le nombre troupes qu'on peut entretenir en Italie avec un fonds de soixante et dix millions. Je désire que vous le refassiez avec les modifications suivantes :
Au lieu de dix régiments de chasseurs, je n'en veux que six.
Au lieu de six régiments de dragons, je n'en veux que quatre, mais ces quatre régiments de dragons auront chacun 800 chevaux.
Au lieu de deux régiments d'artillerie à cheval, je n'eu veux qu'un.
Les trois bataillons du train sont bien; mais il faut qu'ils n'aient que 2,100 chevaux, au lieu de 3,300 que vous leur donnez.
Au lieu de cinq régiments d'infanterie légère, il faut en mettre huit.
Pour les dépenses du génie, vous retrancherez celles des places de Palmanova, d'Osoppo et des autres places d'Italie, qui doive être payées par le royaume d'Italie et non par la France.
Vous ôterez les traitements de retraite et de réforme, qui ne font point partie des dépenses de l'armée active.
Vous mettrez dix régiments d'infanterie de ligne à quatre bataillons, et autant de régiments d'infanterie à trois bataillons qu'il en faudra pour consommer soixante et dix millions.
Je désire que vous spécifiez en détail les officiers d'état-major, d'artillerie et du génie que vous laissez.
Ce ne sera pas un vain travail que celui-ci; ce sera une base du budget de l'année prochaine.
Je destine une partie de ma conscription à mettre au grand complet mes corps d'Italie. Partagez les dépenses dans des rapports tels qu'elles soient de vingt-cinq millions pour le royaume de Naples, de trente millions pour le royaume d'Italie, et de quinze millions pour les 27e et 28e divisions militaires. Lorsque j'aurai arrêté ce travail, j'arrêterai celui du reste des troupes pour la France; ce qui servira de base pour le budget de 1807, qu'il faut avoir fini avant le mois d'octobre , afin de mettre de la régularité et de l'ordre dans les dépenses.
Saint-Cloud, 17 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vois dans l'état de situation des divisions militaires que vous me remettez : invalides liguriens à Gênes, 196; invalides piémontais à Asti , 53. Faites-moi connaître pourquoi ces individus sont portés dans l'état, ce qu'ils coûtaient, et s'ils sont de quelque service. Même observation pour le corps auxiliaire : Gênes, 60 invalides piémontais; Turin , 120; Moncalieri, 150. Envoyez- moi un état de situation des compagnies de vétérans au ler juillet. Faites passer à Savone une bonne compagnie de vétérans, de celles qui sont dans la 8e division militaire. Je vois à Monaco un détachement de 22 hommes d'une compagnie de vétérans, et 64 hommes de la 4e compagnie : vous pourriez y envoyer toute la 4e compagnie.
Vous ne m'avez pas envoyé d'état de situation des vétérans depuis le 15 ventôse an XIII. Dans celui que vous m'enverrez du 1er juillet, vous aurez soin de faire distinguer les compagnies composées de Génois des compagnies composées de Piémontais.
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
DÉCISION
Le ministre de la police présente à l'Empereur, comme mesure de sûreté, un projet de décret pour le dépôt des passe-ports des étrangers arrivant aux frontières. | La loi existe. Ce n'est pas de nouveaux décrets qu'il faut, mais l'exécution. |
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
Au général Dejean
J'ai lu le rapport du général Sorbier sur la situation de l'artillerie française en Italie. L'équipage de l'artillerie de campagne en Italie doit être divisé en trois : l'un de vingt-deux pièces de canon, qui se réunira à Palmanova, que l'on pourra même placer de préférence à Osoppo, lorsque cette place sera en état; le second équipage de trente pièces, qui sera réuni à Vérone, et le troisième de trente pièces, qui sera réuni à Pavie.
Il y aura dans les départements au delà des Alpes deux équipages de campagne, dont l'un, de trente pièces de canon, sera réuni moitié à Gènes et moitié à Fenestrelle.
L'équipage qui doit se réunir à Palmanova sera composé de ce qui forme aujourd'hui l'équipage du second corps de la Grande Armée commandé par le général Marmont. Mais on changera les pièces hollandaises et on les remplacera par des pièces conformes aux modèles d'Italie. Cet équipage sera composé de quatre pièces de 12 obusiers et douze pièces de 6, avec soixante caissons d'infanterie et un double approvisionnement de campagne.
L'équipage de Vérone sera composé de six pièces de 12, de quatre obusiers et de vingt pièces de 6 , avec cent caissons d'infanterie. Il sera composé de l'artillerie qui se trouve aujourd'hui à Vérone et à l'armée d'Italie.
L'équipage de Pavie sera composé de l'équipage qui est aujourd'hui à l'armée de Naples et qui en reviendra après que la conquête de ce royaume sera achevée, l'artillerie napolitaine étant alors suffisante pour le service. Cet équipage sera composé de six pièces de 12, de six obusiers et de dix-huit pièces de 6.
L'équipage d'Alexandrie sera composée, de la même manière, avec les pièces qui seraient aujourd'hui à Plaisance et qui se trouvent Piémont. Un égal nombre de pièces sera placé moitié à Gênes et moitié à Fenestrelle. Il sera formé de pièces de 3, pour servir dans les montagnes des Alpes.
Toutes les pièces de 4, de 8, les obusiers d'ancien modèle et les pièces hollandaises du corps du général Marmont, seront répartis entre Osoppo, Palmanova, Venise , Legnago , Peschiera, Mantoue, la citadelle de Plaisance, Alexandrie, etc., pour servir à la défense de ces places. Toute l'artillerie italienne se réunira à Pavie et devra toujours avoir vingt pièces de campagne mobiles avec double approvisionnement et soixante caissons d'infanterie, pour se porter où il sera nécessaire.
On n'enverra en Istrie que le nombre de fusils nécessaire pour la défense des principaux ports et points de la côte. On n'y tiendra aucun magasin ni dépôt , mais seulement les munitions suffisantes pour fournir cent coups à tirer par pièce. On n'y tiendra qu'une division de six pièces attelées pour suivre les mouvements des troupes. On organisera ces pièces comme l'artillerie le jugera convenable, et on se servira des affûts les plus propres au pays. Il faut donc n'avoir en Istrie aucun magasin de fusils ni autres, et s'y considérer comme dans une position en l'air qu'on pourra évacuer en quarante-huit heures en laissant le moins possible à l'ennemi. Ainsi les fusils qui s'y trouvent actuellement doivent être évacués sur Palmanova ou sur Zara. Il n'y a de véritable place en Dalmatie que Zara; les poudres, cartouches, et tous les moyens de la division doivent être réunis dans cette place, et on ne doit laisser dans les autres points que ce qui est nécessaire pour défendre la côte. Une portion des affûts et du train qui sont à Vérone peut être envoyée en Dalmatie. Toutes les pièces de campagne qu'on enverra en Istrie et en Dalmatie ne compteront pas dans les équipages réguliers ci-dessus annoncés.
Quant au personnel, les deux régiments d'artillerie à pied doivent continuer à rester dans les royaumes de Naples et d'Italie, ainsi que les deux régiments d'artillerie à cheval. Les trois bataillons du train qui doivent rester en Italie sont les 4e, 6e et 7e bataillons, qui y sont avec les bataillons bis, ce qui fait six bataillons. Le dédoublement ne se fera qu'à la paix générale et lorsque j'en aurai donné l'ordre.
Le 6e bataillon restera avec le corps de troupes qui restera à Naples, et les 4e et 7e resteront dans la haute Italie. Il faut donner l'ordre aux 4e et 7e, qui sont en Italie, d'acheter 300 nouveaux chevaux, et leur envoyer les fonds nécessaires pour cet achat, car ils commencent à être réduits à peu de chose; et il faut qu'il y ait dans la haute Italie 2,000 chevaux d'artillerie mobile et en bon état et pouvant seconder les opérations de l'armée.
Je vois du reste avec peine qu'on dégarnisse Mantoue, de manière que cette place se trouve désapprovisionnée et hors d'état de se défendre. Donnez donc des ordres précis pour que tout ce qui en aura été ôté y soit remplacé sur l'heure, et rendez responsable le commandant de l'artillerie de tout envoi qui dégarnirait cette place, qui doit toujours considérer comme devant être assiégée à un mois de distance. On doit envoyer en Dalmatie les pièces et boulets que Mantoue aurait de trop ; mais c'est à Venise qu'on doit trouver une grande quantité d'affûts marins qu'on peut envoyer en Dalmatie. La Dalmatie est un pays de bois; Venise a un grand arsenal, des affûts y seront bientôt construits. Qu'on n'aille donc pas dégarnir Mantoue. Demandez des détails et rassurez-moi sur la crainte que j'ai qu'on dégarnisse entièrement la défense de cette place. Je désire qu'aucun envoi qui pourrait nuire à son armement et à ses approvisionnements ne se fasse sans mon ordre, laissant le commandant de l'artillerie et le général en chef de mon armée les maîtres d'en laisser sortir ce qui serait au-dessus de l'armement ou inutile à la défense de la place.
Comme je désire que mes ordres soient fixes, je vous prie de me présenter un projet de décret, avec les états à l'appui de tout ce que doit contenir chaque place, pour que la répartition que j'ai ordonnée soit constamment maintenue, car il peut échapper à un officier particulier d'encombrer trop d'artillerie de campagne sur un seul point.
Donnez ordre que tous les bronzes de rebut qui sont dans la place de Venise, en Istrie et Dalmatie, soient dirigés sur Ferrare pour être embarqués sur le Pô, d'où ils seront envoyés sur des bateaux à l'arsenal de Turin.
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il y a des poudrières dans l'État vénitien qui sont sans activité; faites-les travailler, et faites-y fabriquer plus de poudre qu'on n'en fabrique, puisque le royaume en a si grand besoin. Il n'y a point de places fortes en Istrie; il ne faut donc tenir là aucun dépôt. Il y a cependant dans ce moment 2,000 fusils; si la guerre avait lieu avec les Autrichiens, il serait possible que la division d'Istrie fût obligée de se replier sur Palmanova, et ces fusils seraient perdus. Il ne faut donc tenir là que ce qui est nécessaire pour la défense du pays, et faire évacuer les fusils et les choses inutiles sur Palmanova. Il ne faut pas non plus avoir en Istrie plus de six pièces de campagne attelées, et rien de mobile, si ce n'est les munitions destinées à la défense des ports de la côte. Il faut avoir en Istrie le moins de pièces de bronze possible.
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, la correspondance du général Bellegarde n'est pas si mauvaise que le dit le général Molitor. Elle me paraît, au contraire, sensée et convenable. Puisque le général Molitor est instruit que le général Lauriston a pour deux mois de vivres, j'espère qu'il ne se sera point légèrement exposé et qu'il aura attendu l'arrivée de ses renforts. L'arrivée du général Marmont arrangera tout le reste. Je vous envoie le général Broussier, qui a fait la guerre dans le Frioul, dans la Carinthie et dans la Carniole, et qui commandera une de vos divisions. Si le général Marmont a emmené le général Boudet, je vous enverrai un autre général de division. Ayez bien soin, comme je vous l'ai écrit, de tenir toute l'organisation du corps du général Marmont en état.
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
Au roi de Hollande
Faites partir les deux bataillons du 65e avec deux pièces de canon pour se rendre à Arnheim, où ils seront à la disposition du prince Joachim, qui leur enverra des ordres de Wesel. Ils sont destinés à prendre possession pour ce prince du duché de Bentheim et autres Etats voisins. Mettez de la célérité et du secret dans ce mouvement. Pendant tout le temps que ces troupes seront sur les États du prince Joachim, elles seront nourries à ses frais; mais vous continuerez à leur donner la solde.
Saint-Cloud, 18 juillet 1806
DÉCISION
Le ministre directeur de l'administration de la guerre propose de renvoyer à Liège 204 soldats du 32e régiment de ligne qui sont passés à Rocroy, munis de permissions pour se rendre à Paris. Ces soldats, dont le régiment se recrute dans le département de l'Aisne, avaient pris les devants pour voir leurs familles ; au moment où le corps reçut l'ordre de s'arrêter à Liège, ces militaires étaient déjà à Rocroy. | Si ces militaires sont arrivés chez eux dans l'Aisne, le ministre Dejean écrira au général commandant le département et au colonel de la gendarmerie qu'il leur est accordé une prolongation de congé de huit jours pour voir leurs familles; après quoi ils rejoindront leurs corps à Liège. |
DÉCISION
Le ministre de la guerre demande si l'Empereur consent que lord Shaftesbury, actuellement à Lyon, vienne résider à Paris. M. Fox s'intéresse beaucoup à lui. | Accordé |
Saint-Cloud, 19 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, réitérez l'ordre an général Broussier de se rendre en Italie en poste, pour prendre le commandement d'une des divisions du Frioul. J'ai envoyé le général Marmont en Dalmatie. Le 3 juillet il n'y avait rien de nouveau à Raguse. Le général Lauriston y est enfermé avec deux mois de vivres. Les Autrichiens sont restés à Curzola, tant ils ont eu peur qu'on ne leur livrât pas les bouches de Cattaro. Le siège de Gaète a commencé vigoureusement; le troisième jour, la brèche était dessinée. Les Anglais ont débarqué, 3 juillet, 5,000 hommes dans le golfe de Sainte-Euphémie. Le général Reynier a marché à eux; j'ignore le résultat. Il est probable qu'ils s'en repentiront.
Saint-Cloud, 19 juillet 1806
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je suis étonné que vous ne m'ayez pas encore rendu compte de la reconnaissance de vos côtes jusqu'aux frontières du royaume de Naples; si vous ne l'avez pas faite, partez sur-le-champ pour la faire, et poussez jusqu'à Pescara. Il faut que vous puissiez, en cas d'événement, vous appuyer sur cette frontière. Mettez-vous en correspondance avec le général qui y commande. Je suis étonné que vous ne m'ayez pas instruit de ce qui se passe à Sainte-Euphémie et à Cotrone. Le vice-roi a dû vous envoyer des ordres pour l'approvisionnement de Raguse; employez-vous-y avec la plus grande activité.
Saint-Cloud, 19 juillet 1806
Au roi de Naples
J'ai reçu votre lettre. Rien n'est plus heureux que le débarquement des Anglais. Le général Reynier aura été rallié par les brigades qui se trouvent en échelons sur les différents points de la côte, et culbutera les Anglais. Ceux-ci, sans cavalerie, ne peuvent pas avoir la prétention de se maintenir dans le pays. Il est probable qu'ils s'en repentiront. Vous avez une nombreuse cavalerie, et ils n'en ont point. Il est difficile de concevoir quelle espèce de fatalité les a poussés.
Ne vous étonnez pas du peu de mal que la canonnade fera, les premiers jours, à Gaète; mais, si le feu est bien-dirigé, comme j'imagine qu'il l'est, les pans de muraille tomberont tout d'un coup le sixième ou le septième jour de la canonnade. C'est alors qu'il ne faut pas perdre un moment pour enlever les ouvrages. J'ai donné ordre qu'on vous envoyât, des dépôts, non-seulement la masse de linge et de chaussure, mais encore tout ce dont on pourra disposer. Mettez de la vigueur.
Saint-Cloud, 19 juillet 1806
Au maréchal Berthier
J'ai reçu votre relation de la bataille d'Austerlitz. Elle laisse beaucoup de choses à désirer. Je vous prie de m'envoyer les rapports des maréchaux Davout, Soult, et les autres rapports que vous avez sur cette bataille.
Saint-Cloud, 20 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, voici quelques observations sur la place de Wesel. Il me paraît que l'île de Büderich sera à l'abri de toute attaque en y construisant trois bastions casematés pouvant servir de magasins, à l'abri de la bombe, isolés et fermés à la gorge. Ils seraient enveloppés par une enceinte continue en terre, formant digue. Elle masquerait les établissements et surtout trois grands corps de caserne qui seraient placés dans les courtines. L'île ainsi à l'abri de toute attaque, il faudrait la coordonner avec une tête de pont sur la rive gauche. Un carré de 180 ou 200 toises de côté serait d'une dépense médiocre; protégé par l'île, l'ennemi ne pourrait l'attaquer que d'un côté, auquel on donnerait, avec le temps un grand degré de force, en portant cette dépense à trois millions. L'importance de Wesel est telle qu'on peut, dès cette année, y faire une dépense de 1,200,000 francs. Ainsi, on voudrait que, dès la fin de cette année, l'île de Büderich se trouvât à l'abri de toute attaque par le tracé des digues, des trois bastions, le tout ayant la force d'une fortification de campagne, excepté un bastion qui serait achevé et aurait déjà toute la résistance d'une fortification permanente. On aurait sur la rive gauche une tête de pont, dont deux bastions, et s'il était possible, quatre auraient déjà la consistance d'une fortification permanente revêtue et avec contrescarpe. Au 1er janvier 1808, ces ouvrages seraient parfaitement finis. On ferait une demi-lune sur le front d'attaque, des contre-gardes, des lunettes, enfin tout ce que l'art indique pour augmenter successivement chaque année la force de cette tête de pont. Lorsque l'ennemi serait obligé de perdre dix ou douze jours de tranchée ouverte devant une tête de pont dont la prise ne le conduirait à rien, il est probable que cette tête de pont serait hors de toute attaque. Enfin sa prise n'aurait aucune influence sur la prise de Büderich, qui conserverait sa communication avec la citadelle de Wesel, de manière que, la ville prise, la citadelle, l'île de Büderich et la tête de pont formeraient encore une place; que, la ville et la citadelle étant prises, l'île et la tête de pont formeraient une place qui arrêterait encore les efforts de l'ennemi. L'île enfin serait la dernière prise; et, si l'armée française venait à rejeter l'ennemi au delà du Rhin, elle se trouverait dégagée. Je désire qu'on donne sur-le-champ les ordres pour les approvisionnements, et qu'on me présente dans la huitaine un deuxième projet sur les nouveaux ouvrages demandés. Quant aux établissements, je pense qu'il est impossible de les avoir tous dans l'île et sur la rive gauche; ils seraient trop loin de la ville; trop d'accidents pourraient rendre difficiles les communications : il faut donc les placer, partie dans la citadelle, partie dans l'île et partie sur la rive gauche. Il faut se procurer dans la ville des logements pour 6,000 hommes en prenant pour cet objet le couvent des Dominicains, la maison de correction et autres établissements publics.
L'année prochaine on donnera les fonds nécessaires pour que la tête de pont et l'île de Büderich soient terminées. Quant aux établissements à faire cette année dans la citadelle, il faut y avoir, à l'abri de la bombe, une salle artifice, des magasins à poudre en suffisante quantité, un hôpital, un magasin aux vivres. On fera connaître s'il existe déjà des magasins pour placer tout ce qui est nécessaire à l'artillerie pendant le siège, et ce qu'il faudrait pour les compléter. En évaluant la dépense totale des ouvrages qu'on demande à quatre millions, dont un million pour l'île et trois millions pour la tête de pont, il resterait trois millions à fournir pour l'année prochaine; on les donnerait, et même davantage, si on pouvait les employer. Les ponts et chaussées sont chargés de l'entretien des digues et épis qui garantissent la citadelle et l'île, ainsi que de la construction d'un pont sur pilotis. Il a été mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 100,000 francs pour le premier objet, de 50,000 francs pour le second.
Je désire avoir l'opinion du génie sur les différents travaux de fortifications demandés, ainsi que sur les établissements militaires qu'il faudra construire à l'épreuve de la bombe dans la citadelle, l'île et la tête de pont.
Saint-Cloud, 20 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, voici quelques observations sur Juliers. J'approuve les travaux de la couronne, la redoute 6 et les trois redoutes E, F, D. Toutes les observations se réduisent donc au front de la citadelle. On demande s'il y aurait moyen, soit dans l'ouvrage B, soit dans l'enceinte même de la place, soit dans la demi-lune 10, d'élever un cavalier qui dominât la hauteur de Mersch; on aurait alors des feux sur toute la hauteur de Mersch.
J'adopte la rectification d'enceinte 13-14-10 pour fermer les trouées des fossés des demi-lunes, et la disposition de trois lunette A, C, B. Je ne verrais point de difficulté à faire une redoute en forme de réduit dans le bastion du centre sur la hauteur. Le premier tracé de la hauteur a été fait ainsi parce qu'on a voulu embrasser 500 toises de terrain, afin de rendre plus difficiles les cheminements des bastions 2 et 3, tandis que l'occupation seule du bastion central ne pourrait suffire pour remplir le but. Mais aujourd'hui qu'on a rapproché, la défense de la place, les grands coups ne se porteraient plus sur la hauteur de Mersch. Un fort dans le genre du fort Meusnier à Mayence, ou le bastion du centre avec une redoute servant de réduit au milieu, revêtue avec escarpe et contrescarpe, n'offrira pas une résistance telle que l'ennemi voulût la négliger, et il faut balancer la force de cet ouvrage et le degré d'incommodité qui donnerait aux attaques sur les capitales des lunettes A et C, c'est pour cela qu'on croit que la dépense ni la force de cet ouvrage ne doivent être considérables.
Ainsi, si la garnison était très-forte, elle pourrait défendre ce bastion en terre et s'en servir de point d'appui pour disputer
le terrain entre la place et ce point, et établir ainsi des lignes de contre attaque contre les cheminements des lunettes A et C ; si, au contraire, la garnison était faible, 150 hommes dans cette redoute retarderaient la prise de six à sept jours; et, en cas que l'ennemi négligeât pour cheminer tout de suite sur les lunettes A ou C , et gênerait l'ennemi soit par des feux de flanc et de revers, soit en l'obligeant à un plus grand développement de tranchées, soit en servant de point d'appui pour les sorties; enfin elle procurerait l'avantage de tenir l'ennemi très-loin pendant le blocus et le temps qui lui sera nécessaire pour faire les préparatifs de siège, temps qui peut être souvent d'un mois, six semaines ou davantage.
Une place comme Juliers peut d'ailleurs avoir occasion de donner protection à divers corps de troupes, et alors cette redoute serait d'un merveilleux service; elle peut même servir dans une bataille qu'on donnerait dans les environs de cette place. On estime donc qu'une somme de 150, 000 francs dépensée au bastion du centre ne pourrait être que d'un effet très-avantageux, sinon à la défense de la place, du moins à tous les environs de la place; bien entendu que la véritable défense de la place serait fondée sur les bastions 2, 3, l'enveloppe 13-14-10 et les lunettes A, B, C.
Le désir que j'ai d'avoir enfin une place sur cette frontière me porte à accorder un fonds extraordinaire de 500,000 francs, qui, joint à celui de 500,000 francs déjà porté au budget de cette année, fera un million pour la place de Juliers.
Je désire qu'avec cette somme Juliers se trouve en bon état de défense à la fin du mois de mai de l'année prochaine; et comme la place ne peut être investie dès le premier mois, on voit que, dans le courant de la campagne, avant le moment du siège, elle pourrait être mise en état.
L'année prochaine on accordera un nouveau million, dont 2 ou 300,000 francs pour achever les ouvrages, le reste pour les établissements militaires, parmi lesquels trois magasins à poudre, une salle d'artifice et un hôpital paraissent de première importance. On accorderait même davantage si les circonstances le rendaient nécessaire.
Lorsque les travaux prescrits pour la place de Juliers seront finis, je désire que les officiers du génie me présentent de nouveaux projets sur la manière d'occuper la hauteur de Mersch, non comme portant toute la défense de la place du côté de la citadelle, mais comme éloignant l'ennemi de la place, et pour tous les autres avantages que l'on a développés. On sent que la garnison aurait un immense avantage si elle pouvait rester maîtresse des hauteurs pendant que l'ennemi attaquerait de tout autre côté.
Saint-Cloud, 20 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, les places de Wesel, Venloo, Maëstricht et celle intermédiaire de Stevensweert me forment une ligne de places fortes sur un espace de vingt-quatre lieues.
La place de Juliers se trouve en avant de six lieues sur cette ligne, vers Cologne, également appuyée par Maëstricht, Stevensweert et Venloo.
Une armée prussienne qui voudrait arriver à Bruxelles pour se réunir à une armée anglaise, et ainsi isoler la Hollande, serait d'abord obligée de bloquer Wesel.
En supposant qu'elle passât le Rhin entre Wesel et Cologne, et qu'elle voulût cheminer par Venloo, elle aurait sur son flanc Juliers, et ne pourrait passer la Meuse sans s'être emparée de Juliers et de Venloo.
Si , au contraire, cette armée passait le Rhin à Cologne, afin d'être moins dans la sphère d'activité de Wiesel, elle serait obligée de bloquer Juliers. En supposant qu'elle prît le chemin de Liége elle aurait sur son flanc Maëstricht, Stevensweert, Venloo et Wesel; elle serait donc obligée nécessairement de prendre Juliers pour avoir un point d'appui, et, pendant le siège, la principale armée se rangerait vis-à-vis cette place, la droite au Rhin, la gauche vis-à-vis la Meuse, pour soutenir le siège de Juliers; et, Juliers pris, elle arriverait à Liège prêtant toujours le flanc à toutes ces places, et il faudrait qu'il y eût bien peu de forces pour que l'armée française ne manœuvrât pas derrière ces places pour déboucher par Wesel et inquiéter toute la ligne d'opération de l'ennemi; elle ne passera probablement pas outre sans avoir aussi pris Maëstricht.
Les places de Nimègue et Grave, celles de Wesel, Venloo, Juliers, Stevensweert et Maëstricht, commencent donc à nous donner un frontière qui flanque la Belgique, protège la Hollande, et presque déjà assez forte pour obliger l'ennemi à perdre une campagne.
Un ennemi qui passerait le Rhin à Coblentz s'approcherait d'abord de la sphère d'activité de Mayence, trouverait des obstacles dans toutes les gorges de la Moselle, ne pourrait pénétrer jusqu'à Liége sans passer par Bonn, parce qu'il n'y a pas de chemin : il rentrerai alors dans le système qu'on vient d'examiner.
S'il arrivait à Trèves, il n'aurait fait que la conquête d'un pays peu important et ne se combinant avec aucune grande opération et viendrait s'arrêter tout court sur Luxembourg et les places de la Sarre.
Ce n'est pas un territoire comme celui de la France qu'on peu avoir la prétention de fermer hermétiquement; le plan de campagne que nous venons de supposer ne produirait que la dévastation de quelques provinces qui ne vaudrait pas les frais et les risques, et ne pourrait offrir aucun but à l'ennemi, qui n'espérerait jamais pouvoir prendre Luxembourg. La trouée par Cologne, au contraire, qui conduit à Bruxelles, et de là à Anvers et Ostende, donne la possession d'un beau pays, coupe la Hollande, combine l'opération avec nos éternels ennemis. On peut dire qu'on a réussi, lorsqu'on est arrivé à Ostende ou Anvers, à procurer aide au débarquement des Anglais.
De tous les plans de campagne que des puissances combinées puissent tenter contre nous; c'est celui auquel il faut le plus s'opposer. Il est fâcheux cependant qu'on ait démoli Ehrenbreitstein; que faudrait-il cependant pour le remplacer ?
Il est aussi des positions sur la Moselle qui de tout temps ont été considérées comme extrêmement faciles à fortifier, et qui donnent des appuis à cette ligne et à toute armée qui, destinée dans des opérations de cette espèce à protéger l'Alsace et le pays derrière Mayence, borderait la Moselle et se trouverait sur les flancs de l'ennemi, pendant que Mayence et les places du Rhin l'empêcheraient de pénétrer en Alsace.
Je désire avoir des plans et mémoires sur Montréal et autres positions dans cette situation.
Il serait peut-être aussi à désirer d'avoir une petite place entre Juliers et Bonn à quelque distance du Rhin ; son but serait d'intercepter la route de Bonn à Liège.
On peut même mettre en discussion si cette place doit être située entre Juliers et Bonn, ou bien dans les montagnes , de manière cependant toujours à arrêter l'ennemi qui voudrait tourner Juliers pour arriver à Liège; alors il serait bien difficile qu'on pût tenter une opération sérieuse avant d'avoir pris trois places, au moins deux.
Le premier inspecteur avait déjà fait des projets pour Bonn avec des devis; je désirerais que ces projets me fussent mis sous les yeux.
Saint-Cloud, 20 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vous envoie le plan de Ruremonde. La position de Stevensweert, situé à égale distance de Maëstricht et Venloo, me séduit d'autant plus qu'il me paraît qu'il y aurait peu de dépense à y faire. Je désire un mémoire et une carte qui me fassent connaître, 1° le terrain à 1,200 toises; ce fort domine-t-il partout, on est-il dominé ? 2° la profondeur de l'eau dans les deux bras de la Meuse, et la superficie de l'île; 3° la nature de l'air, s'il est bon ou mauvais, s'il y a des marais; 4° enfin, quelle sorte de résistance il peut faire dans l'état actuel. Par la grandeur de l'île je verrai si on petit cheminer dans l'île.
Saint-Cloud, 20 juillet 1806, 4 heures et demie après-midi
Au prince Eugène
Mon Fils, je m'empresse de vous prévenir que la paix vient d'être signée avec la Russie; que, par cette paix, il est dit que les hostilités cesseront au même moment sur terre et sur mer, et que les bouches de Cattaro seront remises sans délai. Faites donc partir sur-le-champ un courrier par terre pour le général qui commande en Dalmatie et faites partir de Venise un petit aviso en parlementaire, qui ira trouver la croisière russe. Un officier du grade de capitaine sera suffisant pour être chargé de votre lettre au commandant russe. Votre lettre sera ainsi conçue :
Monsieur l'amiral, je m'empresse de vous prévenir que la paix vient d'être conclue entre S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, mon auguste père et souverain, et S. M. l'empereur de toutes les Russies. Le traité a été signé à Paris, le 20 juillet, par M. le général Clarke et par M. d'Oubril. Il y est stipulé que les hostilités cesseront sur-le-champ, et vous en recevrez l'avis par le courrier qui devra vous être expédié de Paris le lendemain. J'ai cru cependant de mon devoir de vous en prévenir, vous priant d'en faire part au commandant français qui se trouvera à votre portée afin que toute hostilité cesse, et qu'il n'y ait point d'effusion inutile de sang. Quand l'empressement que je mets à vous informer de cette nouvelle n'aurait pour résultat que d'épargner la vie d'un seul homme, je me croirais heureux d'avoir pu y contribuer.
Quant au courrier par terre, il suffira que vous l'adressiez au général Marmont ou au général Molitor, pour qu'ils en prévienne officiellement les commandants de terre et de mer russes.
Probablement avant de me coucher, je vous expédierai les originaux des ordres du ministre plénipotentiaire russe au général de sa nation.
Mon intention est que mes 3 frégates et 1 brick se tiennent prêts à partir, pour qu'aussitôt qu'il sera constaté que les Russes ne commettent plus d'hostilités, ces bâtiments mettent à la voile et se rendent à Cattaro, afin de pouvoir approvisionner cette place avant l'arrivée des croisières anglaises, qui probablement ne tarderont pas à arriver.
Je désire que vous gardiez cette nouvelle pour vous seul, de manière qu'elle ne soit connue à Milan que quelques jours après le départ de votre parlementaire et de votre courrier.
Comme, du reste, les agents russes sont assez rebelles à la volonté de leur maître, il faut toujours continuer vos expéditions pour approvisionner Raguse. Vous les munirez de passe-ports, qui porteront qu'en vertu du traité signé à Paris, le 20 juillet, les hostilités cessent par terre et par mer, et que toutes les prises qui seraient faites à dater du 20 juillet seront rendues. Faites charger vos bâtiments de biscuit, de farine, de poudre, de canons de fer et de mortiers, afin que tout cela se rende promptement aux bouches de Cattaro, à Raguse et en Dalmatie. Faites toujours marcher des troupes, car il est très-douteux que les Monténégrins veuillent retourner chez eux, et il sera nécessaire de rosser ces brigands pour les contenir.
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Vous écrirez à Marmont que cependant cela ne doit pas empêcher d'exiger que sur-le-champ Raguse soit libre; et, s'il est en mesure, il doit attaquer et battre les Monténégrins.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 9 heures du matin
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre des 11 et 12 juillet. Vous n'aviez pas encore de nouvelles du général Reynier, et vous n'aviez fait aucun mouvement de Naples. L'art de la guerre, dont tout le monde parle, est un art difficile; vous n'avez pas un homme dans tout votre conseil qui en ait les premières notions.
J'ai conclu ma paix avec la Russie; le traité a été signé le 20 juillet. La Russie ne se mêle point des affaires de l'ancien roi de Naples. Il a été statué qu'elle vous reconnaîtrait sans difficulté, lorsque les événements de la guerre seraient finis, et qu'en attendant son commerce serait accueilli et protégé dans les ports de Naples comme le vôtre le serait dans les ports de Russie; que les Russes resteraient à Corfou, et que les communications seraient libres de part et d'autre.
On négocie toujours avec les Anglais. La Sicile est toujours la pierre d'achoppement. Cependant ils paraissent céder un peu. Mais, par Dieu, avec 36,000 hommes ne laissez pas écraser une de vos divisions ! Puisque vous n'avez pas de nouvelles de Reynier, c'est que sa communication est coupée et que le pays est insurgé.
Je regrette cette grande quantité d'affaires qui me retiennent à Paris. Si j'avais été à Naples, pas un Anglais ne serait débarqué, ou, s'ils avaient débarqué, ils auraient été enveloppés, avant quatre jours, par des forces doubles, et poursuivis par des colonnes de cavalerie; pas un n'aurait échappé. Mais qu'y faire ? Ce résultat aurait été obtenu par des mouvements de brigades en échelons.
Je donne ordre qu'on vous envoie 5.00,000 francs et cent milliers de poudre; mais songez qu'il est bien difficile de vous envoyer cinq ou six millions tournois. Il y a bien des moyens à Naples, mais il faut savoir les en tirer par une administration ferme et vigoureuse.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, j'ai conclu la paix avec la Russie. Cattaro me reste. La cause de l'ancien roi de Naples est abandonnée. La Russie garde Corfou. Ces notions sont pour vous seul; vous pouvez cependant laisser entrevoir que la paix avec la Russie est faite.
Vous avez dû recevoir beaucoup de lettres du ministre des relations extérieures. J'attends, pour vous écrire en détail, de connaître les mouvements de troupes que vous avez faits. Je serais fâché que vous eussiez donné des ordres à des troupes de l'intérieur, mon intention étant que vous en donniez seulement à celles qui sont au delà du Rhin. Instruisez-moi des mouvements que vous avez ordonnés.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 11 heures du matin.
Au prince Eugène
Mon Fils, vous trouverez ci-joint trois lettres que vous expédierez, l'une de Venise, sur un bâtiment parlementaire, par un de vos officiers, avec une petite lettre pour l'amiral russe; la seconde, par un courrier et par terre; vous enverrez la troisième, par un courrier à Ancône, où elle sera également expédiée sur un bâtiment. Comme les lettres sont sous cachets volants, vous y verrez les articles du traité qui vous concernent. Vous donnerez l'ordre au général Marmont de faire occuper les bouches de Cattaro en force; on doit d'ailleurs garder Raguse jusqu'à nouvel ordre. Vous pouvez hasarder d'expédier un brick chargé de poudre, de canons, de biscuit et de vivres, pour que ce brick puisse sur-le-champ entrer à Raguse, et de là à Cattaro, dès l'instant que mes troupes y seront.
Vous donnerez au général Lauriston l'ordre d'occuper les bouches de Cattaro et de rester là. Je n'ai pas besoin de vous réitérer d'envoyer à Cattaro toutes sortes de munitions et une grande quantité de blé. Donnez ordre qu'on arme les forts, qu'on lève la carte du pays, et que les forteresses soient en état de soutenir un siège, s'il le fallait.
Faites tracer par le général Poitevin un fort à la position de Stagno, de manière à avoir vue sur les deux mers et à pouvoir constamment protéger le passage.
Vous ferez remarquer au général Lauriston qu'il est dit dans le traité que je reconnais l'indépendance de Raguse; ce qui ne dit pas que je dois l'évacuer, quoique, quand les Monténégrins seront rentrés chez eux et que tout sera rétabli dans l'ordre, je réorganiserai ce pays et l'abandonnerai même, s'il le faut , en conservant la position de Stagno.
Rendez-moi compte en détail de toutes les expéditions de blé, poudre et approvisionnements de toute espèce que vous envoyez à Cattaro.
Vous ferez prendre copie des articles sur les lettres de M. d'Oubril, si que ce sont les mêmes, hormis que vous aurez soin de mettre mon nom avant celui de l'empereur de Russie, et la France partout avant la Russie.
Ne perdez point de vue que sous très-peu de temps les Anglais viendront bloquer Cattaro, et qu'il est important de profiter de ce premier moment pour y expédier 12 ou 15,000 quintaux de grains, une vingtaine de pièces de canon de 18, 24 et 36 approvisionnées, et des mortiers, afin que tout cela se rende promptement à Raguse et se trouve tout porté à Cattaro. Envoyez votre aide-de-camp, officier du génie, visiter les bouches de Cattaro. Il vous en rapportera des plans, profils et tous les renseignements qu'il prendra sur les forteresses et la défense du pays.
Faites connaître au général Marmont que, si les Monténégrins se tiennent sages, je ne veux qu'occuper le pays; mais que, le moindrement qu'ils se comporteront mal, je veux leur donner une bonne leçon.
Ne faites pas partir mes frégates, parce que je ne veux point les exposer; faites partir des bricks, et que, quatre jours après la réception de la présente lettre, toutes vos expéditions soient parties pour Raguse. Si le blé est à meilleur marché à Ancône, faites-y acheter dix mille quintaux de blé que vous ferez partir de là pour Cattaro, sous pavillon francais, mais en donnant pour instructions aux bâtiments de bien éviter les croisières anglaises. Il est très-probable que l'on ne sera pas maître de l'Adriatique plus de quinze jours.
Stagno me paraît le point dominant où il est important que j'établisse des fortifications; il faut qu'elles coupent la presqu'île de Sabioncello, de manière que, moyennant les fortifications établies à l'isthme, cette presqu'île soit tout entière à moi; car, si les ennemis s'emparaient de cette presqu'île, toutes mes communications seraient coupées avec les bouches de Cattaro.
Vous m'enverrez le rapport de l'officier du génie; il pourrait aller par mer. Il rapportera le plan de Raguse, que Lauriston aura eu temps de faire faire ou de recueillir pendant le temps qu'il y aura été.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806
Au maréchal Brune, commandant en chef le 1er corps de réserve, au camp de Boulogne
J'ai reçu votre lettre du 19 juillet. Je vois avec peine que le secrétaire interprète russe soit débarqué à Calais sans mes ordres. Prendre des mesures pour que cela n'arrive plus. Mon intention est de ne laisser passer que les courriers anglais dirigés à lord Yarmouth et envoyés par lui; mais le passe-port de M. de Starhemberg devait d'autant moins servir à violer la consigne, que cet ambassadeur lui-même se serait présenté qu'il n'eût pas dû être reçu. Prenez des mesures avec le contre-amiral Lacrosse pour que ce principe soit rétabli dans toute sa sévérité.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806
Au prince Joachim
J'ai donné ordre au ministre de la guerre de vous donner deux mille fusils de modèle autrichien. L'artillerie de la place de Wesel restant à la France, on vous donnera toute l'artillerie dont vous avez besoin. Je donne ordre qu'on vous envoie douze pièces d'artillerie de campagne.
Aussitôt que je pourrai faire revenir les Polonais, je vous les enverrai. Je ne puis vous donner le général Broussier; il est employé dans le Frioul qu'il connaît. Le major Gheiter, les capitaines Gentili et Nlouff, que vous demandez, seront mis à votre disposition.
Vous pouvez proposer quelques jeunes gens qui aient les qualités nécessaires; on les admettra à Fontainebleau. Si le maréchal Soult consent au changement de sénatorerie, je n'y vois pas d'inconvénient. L'orangerie de Bonn pourra vous être accordée; mais cela dépendra de quelques arrangements à faire.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806
Au roi de Hollande
Vous m'écrivez tous les jours pour me chanter misère. Je ne suis pas chargé de payer les dettes de la Hollande; j'en serais chargé que je n'en ai pas les moyens. Voyez votre conseil et arrangez vos affaires avec lui. Si la Hollande renonce à ses colonies, elle peut licencier l'escadre du Texel, désarmer tous les vaisseaux et la flottille; mais tout cela n'a pas de sens. La Hollande est obérée sans doute, mais elle a des ressources. Quelques années de paix vous rétabliront sans doute; mais il faut, en attendant, soutenir ce qui existe. Je me garderai bien d'envoyer à Curaçao le bataillon qui est à Boulogne et de laisser désorganiser votre flottille.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806
Au roi de Hollande
Je suis mécontent de ce que vous avez fait pour Flessingue. J'ai donné ordre que le lieutenant général Van Guerick n'y fût pas reçu, parce que cette place appartient à la France et à la Hollande, et que vous n'y devez rien faire sans ma participation. Je ne suis pas non plus satisfait que vous veuillez en ôter le général Monnet, qui doit rester à Flessingue, et auquel vous ne devez donner aucun ordre contraire au bien du service. Située à l'embouchure de l'Escaut, indivise par les traités, Flessingue est moitié française et moitié hollandaise.
Vous désorganisez aussi, me dit-on, votre escadre du Texel. Si cela est, je ferai ma paix sans vous faire restituer aucune colonie.
On dit aussi que vous voulez m'envoyer, pour résider près de moi, le général Dumonceau. Il serait étonnant que vous le fissiez sans me consulter. Je ne veux point de généraux hollandais pour ambassadeurs à Paris.
Il ne doit être rien innové à la flottille batave.
Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 10 heures du soir
Au roi de Naples
Vous pouvez publier la paix avec la Russie, sans en montrer cependant trop de joie, ce qui blesserait le sentiment de notre puissance. Un courrier qui vient de Londres, me fait penser que cette décision de la Russie a fort étonné les Anglais, et qu'ils ne sont loin éloignés de lâcher la Sicile, qui est jusqu'ici le point d'achoppement. Si ces premières données se confirment, vous aurez le plus beau royaume du monde, et j'espère que, par la vigueur que vous mettrez à avoir un bon corps d'armée et une escadre, vous m'aiderez puissamment à être maître de la Méditerranée, but principal et constant de ma politique. Mais il faut pour cela que les peuples payent beaucoup. Naples et la Sicile doivent vous rendre cent millions. Le royaume d'Italie et la France rendent proportionnellement davantage.
Vous devez avoir six vaisseaux, neuf frégates et des bricks, entretenir un corps de 40,000 hommes, soit français, soit de troupes de votre armée. Gardez cependant ces notions secrètes, car il serait possible que cela manquât, et je préfèrerais soutenir dix ans de guerre que de laisser votre royaume incomplet et la possession de la Sicile en contestation.
Saint-Cloud, 22 juillet 1806
A M. Champagny
Monsieur Champagny, ayant ordonné, par notre décret du 30 mai dernier, de réunir les plus considérables d'entre les Juifs en assemblée, dans notre honnête ville de Paris, nous avons nommé, par notre décret de ce jour, MM. Molé, Portalis et Pasquier, maîtres des requêtes en notre Conseil d'État, pour nos commissaires près ladite assemblée. Nous désirons que les membres de cette assemblée se réunissent le 26 du présent mois, et ensuite à leur volonté, et qu'ils nomment un président, deux secrétaires et trois scrutateurs pris parmi eux. L'assemblée étant organisée, nos commissaires soumettront à sa discussion les questions que nous joignons à cette lettre. Elle nommera une commission pour préparer le travail et diriger la discussion sur chacune de ces questions. Les Juifs de notre royaume d'Italie ayant demandé la faveur d'être admis dans cette assemblée, nous la leur avons accordée et nous voulons qu'ils y aient entrée à mesure qu'ils arriveront à Paris. Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français, et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d'entre eux se livrent au détriment de nos sujets.
ANNEXE
QUESTIONS A FAIRE A L'ASSEMBLÉE DES JUIFS
1° Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ?
2° Le divorce est-il permis par la religion juive ?
Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du code français ?
3° Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien, et une Chrétienne avec un Juif ? ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu'entre eux ?
4° Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ?
5° Dans l'un et l'autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
6° Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ?
7° Qui nomme les rabbins ?
8° Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?
9° Ces formes d'élection, cette juridiction de police et judiciaire sont-elles voulues par leurs lois , ou seulement consacrées par l'usage ?
10° Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ?
11° La loi des Juifs leur défend-elle de faire l'usure à leurs frères ?
12° Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ?
Saint-Cloud, 22 juillet 1806
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, la paix a été signée entre la France et la Russie le 20 de ce mois. Il est dit, par un article du traité, que les hostilités cesseront à l'heure même de la signature, et que les prises qui, à partir de ce moment, pourraient être faites, seront rendues. Mon intention est que vous fassiez publier dans tous nos ports que les vaisseaux russes doivent y être considérés comme amis, et que tous les commandants de nos ports, de nos escadres et de nos bâtiments doivent les traiter comme tels.
Saint-Cloud, 23 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il n'y a pas d'inconvénient d'expédier les 300 bons formant trente millions à Marescalchi. Vous pouvez vous servir du retour d'un de mes courriers ou même de l'estafette.
J'ai donné ordre qu'on envoyât à Naples toute la poudre qui est à Parme et à Plaisance; faites partir de Ferrare et de Rimini tout ce que vous avez; si vous n'y voyez pas d'inconvénient, faites-en partir de Venise sur un bâtiment qui ira à Ancône, et, si la navigation n'est pas gênée, on pourra l'envoyer d'Ancône jusqu'à Pescara; en tout, envoyez cent milliers de poudre; autorisez Lemarois à envoyer tout ce qu'il a à Ancône. Je vous ai déjà écrit de faire partir des dépôts de l'armée de Naples tout ce qui appartient à la masse de linge et chaussure. Envoyez également aux corps l'habillement qui serait inutile aux dépôts actuels. Donnez ordre que tout ce qui appartient au 1er régiment suisse et à la légion corse se dirige sur Ancône, et de là sur Naples.
Saint-Cloud, 23 juillet 1806
DÉCISION
Le ministre de la marine propose de différer jusqu'au mois de mars 1807 la mise à l'eau de Caroline. | Elle doit être lancée le 10 août, mâtée le 10 septembre, et envoyée à Flessingue le 1er octobre. |
Saint-Cloud, 24 juillet 1806
A M. Gaudin
Je vous envoie le compte du ministre des finances de mon royaume d'Italie. Je vous invite à le faire traduire et à le méditer. Il n'est pas indifférent que vous soyez bien au fait de mes finances dans ce royaume : d'abord la France italienne a les mêmes mœurs, et cet ouvrage peut vous suggérer des vues d'améliorations pour mes finances dans ce pays; en outre, parce qu'il est utile que vous jetiez un coup d'œil sur les finances de ce pays. Je désire que ce compte soit traduit dans vos bureaux, et dans les termes qui me sont familiers. Vous me remettrez ce travail dans les dix jours, ainsi que toutes les observations qu'il vous suggérera.
Je remarque que mon revenu en 1807 sera de cent quarante-deux millions. Ainsi mes départements-au delà des Alpes, qui peuvent être considérés, en population et en richesse comme la moitié de mon royaume d'Italie, devraient me rendre soixante et onze millions de Milan. Il me semble que la poste et la loterie rendent peu de chose et devraient rendre davantage; que, l'imposition foncière étant de soixante-deux millions en Italie, elle devrait être de trente et un millions de Milan pour le Piémont; elle n'est, je crois, que de seize millions de francs.
Vous verrez que les douanes n'ont rendu en 1805 que huit millions. Quelle différence avec ce que le Piémont m'a rendu cette année ! Que le sel en 1805, rien que dans l'ancien royaume d'Italie, et non compris Venise, a rendu 14,700,000 francs.
Il serait aussi convenable d'adopter pour le Piémont de ces sels de Cervia qui paraissent meilleur marché.
Saint-Cloud, 24 juillet 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, j'ai reçu votre lettre du 14 à onze heures du soir. Vous pouvez employer le général Saint-Cyr comme il vous plaira, ou le renvoyer, à votre volonté. Il faudrait que l'ennemi fût bien fou pour faire des tentatives sur Naples. Comment, avec 36,000 hommes, vous vous êtes réduit à la défensive devant 8,000 Anglais, et vous leur abandonnez les deux tiers de votre royaume ! Il n'y a pas dans votre conseil deux idées militaires. Ce serait vous affliger inutilement que de vous dire tout ce que je pense. J'espère qu'à l'heure qu'il est vous avez Gaète.
Vous ne m'annoncez pas que vous faites des mouvements sur la Calabre pour dégager les généraux Verdier et Reynier; mais je me fie, pour le salut de ces deux généraux, sur la lenteur et la malhabileté (sic)des Anglais sur terre.
Saint-Cloud, 24 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je ne comprends pas pourquoi Dandolo dépense tant d'argent; il faut qu'il économise. Faites régler ses dépenses par le Conseil d'État; il ne doit pas être payé plus qu'un préfet de Bologne.
Faites pour Bodoni tout qui conviendra. Quant à le faire chevalier de la Couronne de fer, c'est une autre chose.
Saint-Cloud, 24 juillet 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, M. de la Rochefoucauld donne des passe-ports à tout le monde, entre autres à des officiers autrichiens, pour venir demander du service en France: Enjoignez-lui d'être plus circonspect, et de ne point donner de passe-ports à des personnes qui ne viennent point pour des raisons déterminées, avant de connaître mes intentions.
Saint-Cloud, 24 juillet 1806
Au prince Électoral de Bade
J'ai reçu votre lettre du 17 juillet; j'apprends toujours avec un nouveau plaisir de vos nouvelles et de celles du vieil Électeur. Je vois avec plaisir que sa santé se rétablit. Aimez Stéphanie, et occupez-vous, pendant le temps que vous n'êtes encore chargé de rien, à apprendre ce qu'il faut pour gouverner avec gloire et mériter l'amour de vos sujets. Vous voyez par ces conseils toute la tendresse que je vous porte.
Saint-Cloud, 25 juillet 1806
A la princesse Stéphanie de Bade
Ma Fille, je vois avec plaisir que vous vous plaisez à Carlsruhe, et que tout le monde cherche à vous plaire. Aimez le vieil Électeur, parce qu'il est votre père, et parce qu'il est un des princes les plus respectables de son temps, dont l'amitié ne s'est jamais démentie pour moi. Soyez aimable pour ses enfants du second lit, parce que c'est une manière de lui être agréable. Soyez bien pour la comtesse. Je sais combien vous aimez votre mari; mettez tout votre esprit à lui plaire.
Saint-Cloud, 25 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, si vous n'avez point d'argent pour le million d'indemnités que je veux accorder aux cantons de la Bavière qui ont le plus souffert, vous pouvez tirer sur le trésor public pour cette somme.
Si le roi de Bavière n'a point donné l'Ordre du Lion au général Verdière, il fera bien de ne pas le lui donner. S'il ne déclare pas qu'il n'accordera de décorations qu'à ceux pour qui je les lui demanderai, ils l'ennuieront tous.
Je suis fort surpris que M. de la Rochefoucauld donne ainsi des passe-ports à des officiers autrichiens; témoignez-lui-en mon mécontentement.
Saint-Cloud, 25 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'approuve les forts A et B de Boulogne. Je n'adopte point l'ouvrage C pour le-moment, sans me refuser à le faire construire un jour. Je préfère, cette année, faire l'ouvrage 11 en fortification permanente, c'est-à-dire appuyer une ligne composée des ouvrages 15, 14 et 13 par un fort avec escarpe et contrescarpe, bien fermé à la gorge.
L'ennemi attaquera-t-il ce fort ? Il le trouvera appuyé de toute la force de la ligne et essuiera les feux de flanc du fort B, et cheminera dans un rentrant de 600 toises. Attaquera-t-il le fort B ? C'est ce que je désire; car, lorsqu'il l'aura pris, il n'aura rien, et les forts A et 11, éloignés l'un de l'autre de 6 à 700 toises, seront deux points forts qui protégeront toute ma ligne. S'il veut marcher le long de la mer, il faudra encore qu'il prenne l'ouvrage A, et c'est encore ce que je désire. S'il veut, au contraire, cheminer sur l'ouvrage 11, cet ouvrage opposera toute sa résistance. L'ouvrage A ne laissera pas de servir, soit pour favoriser les sorties, soit par quelques feux de flanc; mais enfin tout ce qu'on peut avec si peu de dépense, c'est d'obliger l'ennemi à perdre huit jours pour prendre l'ouvrage B et dix jours pour prendre l'ouvrage 11 : on compte dans ce temps les préparatifs. Au bout de ce temps, la France doit avoir offert des moyens de dégager Boulogne.
Dans la situation des ouvrages A, B, C, l'ouvrage C pris, tout est pris, parce que je n'évalue que pour peu de chose l'ouvrage 11 en terre, sans eau dans les fossés. Je préfère donc décidément travailler cette année à l'ouvrage 11. Si le génie peut trouver le moyen que, cet ouvrage 11 pris, il y ait encore derrière des retranchements en terre de la nature de l'ouvrage 12, qui se flanquent entre eux et qui offriront encore des moyens de retarder l'ennemi, je le trouve très-bien. L'ouvrage D a un but, soutenir le fort la Crèche. Les ouvrages E, F paraissent trop en avant. On désirerait que l'ouvrage E se trouvât tout au plus à 300 toises de l'ouvrage 3, ce qui lui permettrait de voir dans le ravin. Il serait alors à 500 toises de la haute ville et à 500 toises de l'ouvrage D, qui le protégerait. L'ouvrage F parait aussi fort éloigné; ne serait-il pas bien placé dans l'ouvrage 4, qui n'est guère qu'à 400 toises de la haute ville ? Il se trouverait à moins de 400 toises de l'ouvrage E dans sa nouvelle position; donc il serait encore protégé.
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Comme on a sans doute le projet d'occuper l'ouvrage 4, ce ne sera pas du travail perdu; rien n'empêchera qu'un jour on occupe le point F, si Boulogne prend plus d'importance.
Saint-Cloud, 26 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je ne vois pas d'inconvénient à construire, dans le fossé de la demi-lune 40 de la citadelle d'Anvers, un mur pour clore l'arsenal. En cas d'attaque, ce mur serait aisément démoli.
Saint-Cloud, 26 juillet 1806
A M. Portalis, ministre des cultes
Monsieur Portalis, mon intention est d'organiser sans délai les neuf séminaires métropolitains. A défaut de ceux-ci, chaque évêque en forme à sa guise, et le nombre en est d'ailleurs insuffisant. L'éducation des ecclésiastiques destinés à remplacer le grand nombre de vieillards actuellement consacrés au culte doit fixer toute ma sollicitude. Je désire que les séminaires métropolitains soient organisés en grand , de manière à former neuf grandes écoles de théologie qui, si elles ne rendent pas les séminaires diocésains inutiles, dominent au moins sur eux et influent sur l'instruction qui y sera donnée. Dans un rapport que vous me présenterez mercredi sur cet objet, vous me ferez connaître le nombre des prêtres nécessaires pour le culte, le nombre des remplacements probables pour chaque année, et celui des élèves qui recevront l'instruction dans les séminaires. Votre rapport sera rédigé de manière qu'il puisse être imprimé. Vous y exposerez l'importance d'avoir des prêtres instruits et attachés, les maux que produisent la mauvaise théologie et les controverses sur cette matière. Vous en induirez la nécessité d'une instruction saine et uniforme. Vous appuierez dans vos développements sur les principes de l'Église gallicane.
Mon intention étant aussi que le catéchisme paraisse sans délai, et qu'il soit distribué avant le 10 du mois d'août, je désire que vous m'en présentiez mercredi le premier exemplaire.
Saint-Cloud, 26 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, depuis plusieurs jours je ne reçois point de vos nouvelles. Le général Lemarois m'envoie une lettre du général Lauriston qui m'apprend qu'il n'est plus bloqué; qu'il a battu les Monténégrins et fait sa jonction avec le général Molitor; mais il ne me donne point les détails de ces affaires.
Je vous ai déjà fait connaître que le général Marmont commandait le général Lauriston et les bouches de Cattaro. Recommandez-lui bien d'étriller les Monténégrins s'il en trouve l'occasion, mais d'une manière sûre et dont ces brigands puissent se souvenir; il faut qu'il soit sévère envers les habitants des Bouches qui ont pris les armes contre nous, et qu'il les châtie d'importance.
Donnez ordre aux généraux Lemarois et Duhesme, par des courriers extraordinaires, d'être attentifs aux mouvements de Naples, où il paraît qu'une insurrection considérable a eu lieu dans la Calabre. Recommandez à Lemarois de bien centraliser ses troupes et de se mettre à même de se porter dans l'occasion à Pescara, au secours de cette place si elle était menacée. Il doit donner l'ordre au général Tisson de se tenir sur les confins du royaume de Naples, du côté de
Pescara, avec une bonne colonne de son monde.
Si la mer est libre de Venise à Ancône, faites-y passer de la poudre et des cartouches. Une soixantaine de milliers de poudre paraîtrait nécessaire. En général, tenez-vous alerte sur tous les mouvements de Naples. Organisez sur-le-champ huit pièces d'artillerie attelées et bien servies, et dirigez-les sur Rimini, pour pouvoir servir à une colonne de 4 ou 5,000 hommes des dépôts de l'armée de Naples, s'il devient nécessaire de les faire marcher sur Naples.
Saint-Cloud, 26 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous avez écrit au général Marmont que les troupes du général Lauriston ne sont pas sous ses ordres. Cela n'a pas de sens. J'ai fait de la Dalmatie et de l'Albanie une armée. Toutes les troupes qui sont en Dalmatie, à Raguse, aux bouches de Cattaro, sont sous les ordres du général en chef.
Saint-Cloud, 26 juillet 1806
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 17. Je vois que vous dirigez toutes vos opérations de guerre à contre-pied. Je ne puis concevoir qu'ayant autour de vous tant de personnes qui ont l'expérience de la guerre, il y en ait si peu qui puissent vous donner un bon conseil. Vous avez une armée telle que non-seulement vous pouvez faire le siége de Gaète et garder Naples, mais encore repousser tout débarquement et reconquérir la Calabre. Mais tout cela n'a point de mouvement ni de vie, point d'organisation ni de direction. Jusqu'à cette heure vous prenez le mauvais parti. Mais j'ai tort de vous affliger. Je vous avais prévenu de ne pas trop écouter Dumas , qui n'a aucune, habitude de la guerre. Il paraît que personne ne sait où sont vos troupe, qu'elles sont disséminées partout, et en force nulle part. Le général Reynier a mal fait ses dispositions de bataille et n'a pas su diriger 6,000 hommes contre l'ennemi. Mais depuis il a été abandonné d'une manière affligeante; qu'est-ce qu'il deviendra n'ayant pas même contenu le chef-lieu de la province ? Quant à moi, tout ce qui arrive en Calabre ne m'étonne pas; il y a longtemps que je connais ce genre d'esprit, la politique que vous suivez avec les peuples de Naples est l"inverse de la politique à suivre avec les peuples conquis.
Marchez donc en force. Ne disséminez donc point vos troupes. J'imagine que vous avez armé tous les châteaux de Naples. Que va dire cette garde nationale de Naples ? C'est s'appuyer sur un roseau, si ce n'est pas donner une arme à ses ennemis. Oh ! que vous connaissez peu les hommes ! Prenez donc enfin un parti vigoureux et tenez vos troupes dans vos mains, en échelons, de manière à pouvoir réunir 18,000 hommes sur un point et écraser vos ennemis. Je ne vois dans votre lettre aucune réunion de forces; tout cela ne paraît pas clair.
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La Sicile, à ce qu'il parait, est accordée et n'est plus un obstacle. Il serait possible qu'avant dix jours tout cela fût à vous.
Saint-Cloud, 28 juillet 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, vous ferez connaître à l'ambassadeur ottoman que les Monténégrins ont violé le territoire turc par la faute du commandant du petit fort turc de Zarina, près de Raguse; vous demanderez la destitution de ce commandant, et en même temps qu'il en soit envoyé un nouveau qui ait ordre de bien s'entendre avec les généraux francais. Vous demanderez qu'une force de 1,000 à 1,200 Turcs soit envoyée pour défendre le territoire ottoman contre les violations des Monténégrins et contenir les Grecs du district de Trebigne, qui se sont déclarés contre les Français et les Turcs. Si la Porte le désire, je ferai payer ces 1,200 hommes en leur donnant une bonne paye par jour à chacun. Demandez le renvoi du petit pacha de Trebigne, et en même temps que son successeur ait des ordres pour agir de concert avec les Français; enfin qu'il soit envoyé au pacha de Scutari des ordres pour s'entendre avec les Français et coopérer à la réduction des Monténégrins. Demandez qu'on témoigne de la satisfaction au petit pacha d'Utovo, qui s'est bien conduit envers les Francais. L'ambassadeur turc pourra envoyer ses dépêches par le courrier extraordinaire que vous enverrez aussitôt au général Sebastiani, que vous chargerez de presser vivement l'exécution de toutes ces demandes relatives aux divers petits pachas de l'Herzegovine.
Saint-Cloud , 28 juillet 1806
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, le premier vous m'avez appris des nouvelles de Lauriston; je n'en ai point encore reçu d'autres. Vous voyez donc de quelle importance il est que vous ayez toujours en mer de petits avisos. Veillez sur Naples et sur les États du Pape. Envoyez une partie de ce que vous avez de disponible sur les frontières de Naples. Faites annoncer dans les Abruzzes et à Rome que 25,000 hommes de troupes françaises marchent sur Naples. Je suis étonné que vous ne vous soyez pas mis en correspondance avec l'officier qui commande à Pescara; vous ne vous donnez pas assez de mouvement. Tenez le général Tisson de ce côté avec deux régiments de cavalerie, de l'artillerie et une portion de votre infanterie.
Saint-Cloud, 28 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai reçu votre dépêche de Venise, en date du 21. Le commandant de la marine a montré en général peu d'activité. Il n'avait pas besoin de grand ordre pour expédier à Raguse quelques chaloupes avec des munitions, du moment qu'on a su que cette place était bloquée. Je vous ai écrit, par ma dernière lettre, que mon intention n'était pas qu'on évacuât Raguse. Écrivez au général Marmont qu'il en fasse fortifier les hauteurs. Qu'il organise son gouvernement et laisse son commerce libre; c'est dans ce sens que j'entend reconnaître son indépendance. Qu'il fasse arborer à Stagno mes drapeaux italiens; c'est un point qui dépend aujourd'hui de la Dalmatie. Donnez-lui ordre de faire construire sur les tours de Raguse les batteries nécessaires, et de faire construire au fort de Santa-Croce une redoute fermée en maçonnerie. Il faut également construire dans l'île de Lacroma un fort ou redoute; les Anglais peuvent s'y présenter, il faut être dans le cas de les y recevoir.
Le général Marmont fera les dispositions qu'il jugera nécessaires, mais recommandez-lui bien de laisser les 31e et 41e bataillons des 5e et 23e à Raguse, car il est inutile de traîner loin de la France des corps sans soldats. Aussitôt qu'il le pourra, il renverra en Italie les cadres des 3e et 4e bataillons. Si cela pouvait se faire avant l'arrivée des Anglais, ce serait un grand bien. Écrivez au général Marmont qu'il doit faire occuper les bouches de Cattaro par le général Lauriston, le général Delzons et deux autres généraux de brigade, par les troupes italiennes que j'ai envoyées et par les troupes françaises, de manière qu'il y ait aux bouches de Cattaro 67,000 hommes sous les armes. Ne réunissez à Cattaro que le moins possible des 5e et 23e; mais placez-y les 8e et 18e d'infanterie légère et le 11e de ligne; ce qui formera six bataillons qui doivent faire 5,000,hommes; et, pour compléter 6,000 hommes, ajoutez-y le 60e. Laissez les bataillons des 5e et 23e à Stagno et à Raguse, d'où pourront se porter sur Cattaro au premier événement.
Après que les grandes chaleurs seront passées et que le général Marmont aura rassemblé tous ses moyens et organisé ses forces avec 12,000 hommes il tombera sur les Monténégrins pour leur prendre les barbaries qu'ils ont faites; il tâchera de prendre l'évêque et, en attendant, il dissimulera autant qu'il pourra. Tant que brigands n'auront pas reçu une bonne leçon, ils seront toujours prêts à se déclarer contre nous. Le général Marmont peut employer le général Molitor, le général Guillet et les autres généraux à ces opérations. Il peut laisser pour la garde de la Dalmatie le 8le.
Ainsi le général Marmont a sous ses ordres, en troupes italiennes, un bataillon de la Garde, un bataillon brescian et un autre bataillon; ce qui, avec les canonniers italiens, ne fait pas loin de 2,400 hommes. Il a, en troupes françaises, les 5e, 23e et 79e, qui sont à Raguse et qui forment, à ce qu'il paraît, 4,500 hommes, le 81e, et les hôpitaux et détachements de ces régiments, qui doivent former un bon nombre de troupes. Il a enfin les 8e et 18e d'infanterie légère et les 11e et 60e de ligne.
Je pense que le général Marmont, après avoir bien vu Zara, doit établir son quartier général à Spalatro, faire occuper la presqu'île de Sabioncello, et se mettre en possession de tous les forts des bouches de Cattaro. Il doit dissimuler avec l'évêque de Monténégro, et, vers le 15 ou le 20 septembre, lorsque la saison aura fraîchi, qu'il aura bien pris ses précautions et endormi ses ennemis, il réunira 12 ou 15,000 hommes propres à la guerre des montagnes, avec quelques pièces sur affûts de traîneaux, et écrasera les Monténégrins. L'article du traité relatif à Raguse dit que j'en reconnais l'indépendance, mais non que je dois l'évacuer.
Des quatre généraux de division qu'a le général Marmont, il placera Lauriston à Cattaro et Molitor à Raguse, et leur formera à chacun une belle division. Il tiendra une réserve à Stagno , fera travailler aux retranchements de la presqu'île et au fort qui doit défendre Santa-Croce, ainsi qu'à la fortification du vieux Raguse et aux redoutes sur les hauteurs de Raguse. Il est fâcheux que le général Molitor ait emmené des troupes; il aurait mieux fait de laisser tous ses renforts à Lauriston.
Faites-moi connaître où se trouvent les 3e bataillons du 11e et du 60e, les 3e bataillons des 8e et 18e légers, et si les ordres que j'ai donnés pour la formation des réserves en Dalmatie sont déjà exécutés.
Vous ne m'avez pas envoyé l'état de situation depuis le 1er juillet. Demandez au général Lauriston des plans des ports et du pays de Raguse. J'ai accordé 400,000 francs pour l'approvisionnement de cette place. Faites-y passer tout cela en munitions de bouche.
Écrivez au sénat de Raguse qu'il fasse faire l'évaluation des pertes de la ville, mon intention étant de lui accorder un secours.
Saint-Cloud, 28 juillet 1806
Au roi de Naples
Je suis dans la confiance que vous ne tarderez pas à avoir Gaète. Cette place vous devient importante.
Le général Reynier a dû s'attendre qu'on irait à son secours. Il peut avoir manœuvré en conséquence et se trouver très-exposé. Il est important que, le plus tôt possible, une force imposante 10,000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie, se rende à Cassano pour dégager ce général et se réunir à lui, car ils sont incalculables les événements qui peuvent lui être arrivés. La prermière cause de tout ceci, c'est d'avoir tenu des troupes à Naples. Je vous en avais prévenu. Des commandants dans les forts, des vivres, des munitions, des dépôts, voilà tout ce qu'il faut à Naples, avec un ou deux régiments de cavalerie et un d'infanterie. On s'est trop établi comme en pleine paix. Vous avez trop ajouté confiance aux Napolitains. C'est une première faute qui a eu des suites. Il faut s'en corriger, entrer en Calabre, désarmer les rebelles et faire des exemples qui restent. L'ancienne reine, en faisant ce qu'elle fait , fait un métier de reine. C'est par de la vigueur et de l'énergie qu'on sauve ses troupes, qu'on acquiert leur estime et qu'on en impose aux méchants. Une fois le général Reynier dégagé et réuni à vos renforts, il faut tenir vos troupes en échelons, par brigades, à une journée de distance entre elles de Naples à Cassano, de manière qu'en trois jours quatre brigades formant 10 ou 12,000 hommes puissent se réunir. Vous avez trois régiments français qui ont donné avec Reynier. Il vous en reste onze qui n'ont rien fait; en y réunissant les régiments d'infanterie et un de cavalerie, les Italiens, les Corses et vos Napolitains, cela peut très-bien vous faire huit brigades de plus de 3,000 hommes chacune, sous les ordres de deux lieutenants généraux et de quatre généraux de division, qui peuvent se correspondre et se réunir en peu de temps. C'est par ce placement en échelons qu'on est sur la défensive, à l'abri de tous les événements ce que, lorsqu'on veut ensuite prendre l'offensive pour un but déterminé, l'ennemi ne peut le savoir, parce qu'il vous a vu sur une défensive redoutable, et qu'avant les changements qui se sont passés sur la défensive, les dix ou douze jours d'opérations seront terminés. Je ne sais si l'on comprendra quelque chose à ce que je dis là. On a fait de grandes fautes dans la défensive; on n'en fait jamais impunément; l'homme exercé s'en aperçoit du premier coup d'œil; mais les effets s'en font sentir deux mois après. Puisque les deux points importants étaient Gaète et Reggio, et que vous avez 38,000 hommes, il fallait avoir en échelons des brigades formant cinq divisions qui, placées à une journée ou deux s'il le fallait, pouvaient se correspondre. Un ennemi vous eût trouvé dans une position telle qu'il n'eût pas osé bouger, car dans un moment vous eussiez pu réunir vos troupes à Gaète, à Reggio, à Sainte-Euphémie, et sans qu'il y eût un jour de perdu. Voilà les dispositions qu'il faut prendre pour l'expédition de Sicile. Vous devez partir d'un ordre défensif tellement redoutable que l'ennemi n'ose vous attaquer, et abandonner toute position derrière vous, hormis les dispositions défensives de votre capitale, et être tout offensif contre l'ennemi, qui, la descente faite, ne pourrait rien tenter. C'est là l'art de la guerre. Vous verrez beaucoup de gens qui se battent bien et aucun qui sache l'application de ce principe. S'il y avait eu à Cassano une brigade de 3 on 4,000 hommes, rien de ce qui est arrivé n'aurait eu lieu. Elle aurait été à Sainte-Euphémie en même temps que le général Reynier, et les Anglais auraient été culbutés, ou plutôt ils n'auraient pas débarqué. C'est la fausse position de votre défensive qui les a enhardis.
Quand je vous enverrais des recrues mal organisées, qui dans cette saison tomberont malades, cela achèverait de perdre votre armée. J'ai organisé en réserve vos dépôts; j'en forme deux corps, qui se réuniront avec de l'artillerie à Ancône, pour se joindre aux troupes du général Lemarois et être à même de se porter à votre secours partout où il sera nécessaire.
Enfin je ne ferai jamais la paix sans avoir la Sicile. S'il est nécessaire, je me rendrai à Naples au moment où il sera convenable de le faire; mais je ne suis pas sans espérance qu'avant dix ou douze jours la paix sera signée avec cette cession.
Je dois vous dire que le général Mathieu Dumas emploie dans les administrations des jeunes gens d'un mauvais esprit, dans le genre réacteur (sic), entre autres les enfants de Lafont-Ladebat; tout cela a un esprit détestable.
Les fausses dispositions de la Calabre me coûteront plus de monde que ne m'en a coûté la Grande Armée. Tout l'art de la guerre consiste dans une défensive bien raisonnée, extrêmement circonspecte, et dans une offensive audacieuse et rapide.
Aussitôt que vous aurez Gaète , retirez vos troupes de Naples, garnissez vos châteaux, approvisionnez-les pour un mois; laissez-y un régiment de cavalerie, 1,500 hommes d'infanterie pour faire la police. Laissez votre première brigade à deux journées de Naples et en échelons comme je vous l'ai dit, en consultant un peu les localités.
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
A M. Cambacérès
Je vous envoie toutes les pièces relatives à la législation des émigrés. Je désire que vous me fassiez connaître votre opinion sur l'influence qu'aura toute cette législation sur le bien-être des familles dont les parents sont émigrés, d'ici à quatre ou cinq ans et d'ici douze ou quinze ans, et sur les moyens à prendre, soit cette année, soit l'année prochaine , soit dans deux ans, pour qu'il ne reste plus de traces actives de l'émigration, et pour qu'elle rentre dans le droit commun.
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
DÉCISION
Le ministre directeur de l'administration de la guerre rend compte à l'Empereur des ordres qu'il a expédiés pour que l'on mette dans la plus grande activité la poudrerie de Monte-Chiarugolo près Parme. | Cette fabrique de Monte-Chiarugolo n'est pas la seule qui existait; le roi de Sardaigne en avait d'autres. Me faire un rapport sur chacune d'elles pour les années XII, XIII et XIV. La république de Gênes avait aussi les siennes. Il n'y a pas trop de poudrières en Italie; on ne peut point y envoyer des poudres de France; le port est trop cher, et d'ailleurs, en France même, il n'y en a pas de trop. |
DÉCISION
Le ministre de la guerre demande si le général Junot, nommé gouverneur de Paris, commandera la 1e division. | Il commandera la 1e division, non pas en conséquence qu'il est gouverneur, mais par une décision particulière. Le ministre lui fera, en conséquence, connaître par une lettre que je lui ai accordé le commandement de la 1e division. |
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean , je reçois les états des armes portatives au ler juin. J'y vois qu'il n'est porté que 4,300 fusils neufs dans mes places d'Italie, ce qui n'est pas le sixième de ce que j'y ai; qu'il n'en est point porté dans la citadelle de Turin. En général, il y a aujourd'hui assez de fusils à Grenoble et en Italie; dirigez ceux de la première fabrication sur Metz , Strasbourg, Mayence , Wesel, Veuloo, Juliers, Charlemont, etc. Faites mettre sur vos états les fusils que j'ai à Palmanova, Venise, Mantoue, etc. Je vois que ces états, en général, ne sont pas faits avec exactitude. Il y a à Alexandrie quarante-huit mortiers à la Gomer de 8 pouces et sept cents bombes de 8 : faites-moi connaître pourquoi il y a une si grande quantité de mortiers; à mon dernier voyage, il n'y en avait pas du tout. Si le nombre de bombes de 8 pouces est exact, il y a un grand déficit dans cet approvisionnement important. Il y a quatre milliers de cartouches en Batavie : j'imagine que vous avez donné ordre qu'elles soient évacuées sur Wesel. Il y a 186,000 cartouches dans les places d'Italie : c'est une erreur. Il n'en est point porté pour l'armée d'Italie : c'est encore une erreur. La poudre qui m'appartient dans les places d'Italie n'est point portée, ou du moins il n'en est porté que 1,780 kilogrammes : c'est une autre erreur. Il n'est porté que seize milliers de poudres à Plaisance : il y en a certainement davantage. Ces états sont faits avec une extrême imperfection ; portez-y attention , et qu'il n'y ait point de fautes aussi grossières. Je désire que vous y fassiez comprendre une colonne de tout ce qui m'appartient en Italie comme roi d'Italie. Dans votre état n'est point comprise l'artillerie étrangère appartenant à la France; j'en ai beaucoup à Palmanova, à Venise, etc. Selon cet état, il n'y aurait que deux mortiers à Gênes : il y en a plus de vingt. Je remarque qu'il y a à Toulon bien peu de poudre; peut-être serait-il convenable d'y envoyer une portion des cent cinquante milliers qui sont à Auxonne. Il y en a aussi très-peu dans la direction de Strasbourg. Je ne sais pourquoi la place de Wesel n'est pas comprise dans votre état; je l'avais cependant ordonnée. Faites-le vérifier et portez-moi les réponses à mes différents observations au prochain conseil d'administration.
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 22 juillet. Mon intention est que le général Marmont garde les deux bataillons du 18e, les deux bataillons du 11e et du 60e, et qu'il vous renvoie les 3e et 4e bataillons des 5e, 23e et 79e. Quant aux deux bataillons du 35e, je désire qu'il les renvoie; mais, comme il ne faut point fatiguer inutilement des troupes sans rien faire, il faut qu'il les laisse reposer à Zara, et qu'il les fasse revenir par mer, si cela est possible, pour reprendre leur poste dans le Frioul. Vous voyez que nous retirons aujourd'hui le fruit des soins que vous avez portés aux dépôts de l'armée de Naples, puisque nous avons 5,000 hommes en état de former une bonne réserve, au lieu qu'il n'y aurait personne si on n'avait pas donné ces soins. Continuez à porter la plus grande attention aux dépôts de Dalmatie; faites-en passer des revues particulières et envoyez-m'en des états particuliers. Ces états bien faits et raisonnés, m'occupent plus agréablement que la lecture du plus beau conte. Organisez ces dépôts en brigades, sous les ordres d'inspecteurs, et placez-les dans vos principales villes sur vos derrières. Je me trouve, par le départ du 35e, sur lequel je ne comptais pas, un peu faible sur l'Isonzo; faites-le revenir par mer, s'il est possible. Il ne faut point trop entasser de troupes en Dalmatie, surtout la paix la
avec la Russie étant faite.
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
Au roi de Hollande
Il n'est pas d'usage à Paris de changer des ambassadeurs sans avoir pressenti si celui qu'on veut envoyer est agréable. Je ne veux point du général que vous m'envoyez; laissez-moi l'ambassadeur actuel. Je suis surpris que vous ayez assez peu de tact pour oublier des égards que la Russie et l'Autriche ont pour moi.
On m'assure que vous voulez raser vos places fortes : j'espère que vous ne ferez rien là-dessus sans me consulter. Déjà vous avez dérangé tous mes plans de campagne. Vous allez comme un étourdi, sans envisager les conséquences des choses.
Saint-Cloud, 29 juillet 1806
Au roi de Hollande
Je lis dans les journaux que vous avez suspendu toute exécution de sentence à mort dans votre royaume. Si cela est, vous avez fait une grande faute. Du droit de faire grâce ne dérive pas la nécessité de réviser tous les procès. C'est une manie d'humanité déplacée. Le premier devoir des rois, c'est la justice.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
NOTES POUR LE MINISTRE DES CULTES
Il faut coordonner les séminaires diocésains avec les séminaires métropolitains.
Les séminaires diocésains doivent appartenir à l'évêque, être sous sa direction immédiate et ne rien coûter à l'État. On ne doit y prendre aucun grade, mais seulement entrer dans les ordres.
Les séminaires métropolitains doivent être considérés sous deux rapports différents : 1° comme écoles spéciales de théologie; 2° comme séminaires.
Comme écoles spéciales de théologie et ayant le droit de conférer les grades, ils doivent être regardés comme membres de l'université impériale. Le grand maître et le conseil auront droit d'expédier les grades, ainsi qu'ils le font pour les facultés de jurisprudence, de sciences, de belles-lettres et d'arts. Il paraît que cette sorte de dépendance ne sera pas une innovation.
Comme séminaires, les séminaires métropolitains se trouveront sous la direction de l'autorité ecclésiastique, c'est-à-dire de l'archevêque.
Quand un élève d'un séminaire diocésain voudra prendre des grades, il se présentera à l'école spéciale de théologie qui fera partie du séminaire métropolitain. Il subira les examens, et son brevet lui sera conféré par les officiers de l'université impériale. Cette marche aura cet avantage, que, si un séminaire métropolitain avait adopté des principes contraires à l'autorité de l'État, un corps rival pourrait intervenir et refuser les grades. En suivant ce mode, les grades ne seraient pas conférés par une autorité ecclésiastique; et, comme on l'a déjà dit plus haut, cela ne répugne point aux usages anciens, puisque les grades, qui étaient autrefois donnés par les universités, se trouveraient conférés par une autorité civile. Lorsqu'un séminariste, soit diocésain, soit métropolitain , voudra se faire prêtre, son admission dans les ordres ne dépendra que du jugement de ses supérieurs, de l'évêque ou de l'archevêque, c'est-à-dire de l'autorité ecclésiastique. Si on pose en principe que, pour être chanoine, vicaire général ou évêque, il faut être licencié ou docteur, que, pour être curé de 1e classe, il faut être bachelier, il s'ensuivra qu'un homme qui, pour être prêtre, n'aura été sous aucune autre dépendance que celle de ses supérieurs ecclésiastiques, ne pourra avoir les grades nécessaires pour occuper des places du premier rang dans le ministère des cultes que si l'université impériale les lui confère : ce qu'elle pourra refuser dans le cas où il serait connu pour avoir des idées ultramontaines ou dangereuses à l'autorité.
Ces bases générales établies, il faudra déterminer l'âge de l'admission dans les séminaires diocésains. Il faudra examiner aussi si l'on permettra d'y établir des écoles où les enfants soient admis, pour y apprendre les éléments du latin; ce qui ne parait pas nécessaire. Il paraîtrait plus convenable de ne recevoir que des élèves de quatorze ans, dont la première instruction aurait été faite dans les pensions particulières, les écoles secondaires et les lycées.
Quant aux séminaires métropolitains, on n'y admettrait que des élèves sortant, par examen , des séminaires diocésains et des lycées, ou des pensionnaires âgés de plus de quatorze ans et ayant l'instruction que cet âge comporte.
Le but principal de ces observations est d'éviter l'inconvénient d'avoir deux corps enseignants qui se placeraient en concurrence, et probablement en opposition.
Des prêtres ne doivent pas avoir de collèges, et un petit séminaire serait un véritable collège. On peut seulement tolérer, dans les séminaires diocésains, une seule classe de latin, comme moyen de perfectionner l'enseignement des élèves âgés de plus de quatorze ans qui y seraient admis,
Les frais d'établissement des séminaires métropolitains seront sans doute fort considérables; il n'y a probablement pas d'exagération à estimer à 150,000 francs les dépenses à faire, tant pour approprier les bâtiments à cette destination que pour les meubler. Il faudra donc se borner, cette année, à l'établissement des séminaires métropolitains de Paris, Lyon , Tours et Malines; les six autres séminaires seront établis l'année suivante.
M. Portalis se concertera avec le ministre de l'intérieur pour faire la désignation des maisons convenables, en connaître l'état, et proposer, mercredi prochain, un projet de décret pour les mettre à sa disposition.
Il s'entendra aussi avec M. Fourcroy pour avoir, sur l'organisation définitive de l'université impériale, les notions qui lui sont nécessaires afin de déterminer positivement, dans son projet de décret, les rapports des séminaires métropolitains, comme écoles de théologie, avec le grand maître et le conseil de l'enseignement.
M. Portalis présentera mercredi prochain :
1° Un état nominatif des cures, par préfectures et sous-préfectures, en indiquant les différentes classes;
2° L'état nominatif des succursales, également par préfectures et sous-préfectures, en distinguant les succursales à la charge du trésor et celles à la charge des communes.
Il fera connaître, en marge de ces états, le montant de la pension dont jouit le titulaire, et ce que les cures et succursales coûtent au trésor et aux communes.
Il établira, dans un rapport par lequel il proposera de mettre toutes les succursales à la charge du trésor, ce que coûterait cette disposition et le montant des pensions dont jouissent actuellement les succursales à la charge des communes.
M. Portalis présentera en même temps deux autres rapports et projets de décrets :
1° Pour fixer le lieu de l'établissement des missions étrangères, et pour organiser définitivement les missions de l'intérieur, qui ont déjàfait beaucoup de bien dans les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée;
2° Pour donner aux dames de la Charité une maison convenable, l'encouragement nécessaire, et une assez grande extension pour qu'elles rendent les mêmes services qu'elles rendaient jadis.
M. Portalis est invité à envoyer à M. Aldini le catéchisme, pour qu'il soit traduit en italien et répandu dans le royaume d'Italie.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je suis fâché que vous ayez donné de l'argent à la ville d'Augsbourg. J'aurais pu y lever une contribution de deux millions, et elle n'a rien payé. Vous donnez 90,000 francs au margrave d'Anspach : c'est beaucoup trop. Vous ne donnez pas assez à Stubingen et à Passau; ce sont les frontières qu'il faut le mieux traiter, puisque ces malheureux pays ont autant souffert de la présence des Français que de celle des Autrichiens. Vos lettres de change seront acquittées à la trésorerie. J'aurais préféré que vous eussiez employé les fonds qui sont à Augsbourg. Au reste (pour le reste), cela est égal. Votre lettre parle d'omission du 13e régiment d'infanterie légère : c'est une erreur de copie, car je l'avais porté. Au reste, j'ai donné contre-ordre à Anvers, à Boulogne, à Paris, etc. Si ces détachements devaient marcher, cela serait assez tôt décidé.
Si je devais aller à Munich, je pense que je pourrais trouver deux ou trois chevaux chez vous. Voyez aussi, sans faire semblant rien, ce que le roi de Bavière pourrait me prêter dans ce cas.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai en Istrie trois ports qui peuvent contenir des vaisseaux de ligne, celui de Porto-delle-Rose, celui de Porto-Quietto et celui de Pola. Comme mon intention est d'avoir une place forte en Istrie pour y réunir les dépôts et les troupes qui seraient dans les chef-lieux de la province, au commencement d'une nouvelle guerre, je désire que vous donniez l'ordre aux officiers du génie de faire dresser les plans de ces trois localités, en faisant connaître celles des trois
qui sera la plus facile à fortifier. Ils traiteront aussi la question sous le point de vue maritime, et n'oublieront pas surtout la grande considération de l'air. Il me semble que Pola n'a que 600 âmes, Porto-Quieto 800, et Pirano 6,000. Vous ferez aussi traiter la même question par les plus habiles officiers de marine de Venise, sous le rapport maritime, et leur demanderez un mémoire sur la facilité ou la difficulté que présentent ces ports à être bloqués, et sur la nature de leurs communications avec Venise et Ancône.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, traitez bien les patriotes de Bologne et ceux que vous appelez les partisans de Somenzari. Somenzari ne retournera pas à Bologne, puisque cela vous déplaît. Dans les événements sérieux, le parti patriote est celui qui a toujours montré le plus d'énergie pour la France et pour le trône. La considération est un mot vide de sens; à entendre les différents partis, il n'y en a nulle part. Mettez-vous au-dessus de ces petits préjugés et de ces petites idées.
Je suis fort étonné que vous n'ayez pas encore reçu le décret sur la nomination des préfets.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vois par les états qu'on a envoyé 6,000 fusils dans le mois de mars en Dalmatie : cela est absurde; que désormais on n'y envoie aucune arme ni munitions sans mon ordre. Il y a aussi beaucoup trop de cartouches; il y en a trois millions; c'est ainsi qu'on épuise les arsenaux en pure perte. Faites-moi connaître qui a fait ces dispositions. Est-ce le ministre de la guerre de mon royaume d'Italie, ou mon général d'artillerie ?
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vois avec plaisir ce que vous avez fait à Venise pour les hôpitaux et les établissements publics; cela était très-urgent. Vous aurez reçu plusieurs décrets sur Venise relatifs à la dette et à d'autres objets.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au roi de Naples
Je vous ai déjà fait envoyer 500,000 francs; je viens de donner ordre qu'on vous en envoie 500,000 autres. J'ai aussi donné ordre qu'on réunisse cinq bataillons, de 1,000 hommes chacun, à Ancône, d'où ils se mettront en marche pour vous soutenir immédiatement après leur arrivée.
J'ai vu avec plaisir la prise de Gaète.
J'attends des nouvelles du général Reynier. Je ne puis trop vous répéter de ne pas tenir vos troupes à Naples. Faites former de camps ou cantonnements à une ou deux journées de Naples, en tenant juste le nombre d'hommes nécessaire pour la défense de la ville et des châteaux. Vous-même placez-vous dans une maison de campagne. Cette mesure, qui n'était pas bonne avant la prise è Gaète, est convenable à présent que les esprits sont rassurés. Donnez vous bien de garde d'écouter les conseils de ceux qui voudraient vous placer entre Bénévent et Capoue. Placez-vous entre Naples et
la Calabre; réunissez vos forces et envoyez des expéditions pour brûler les villages insurgés. J'imagine que vous avez rejeté dans mer les Anglais qui auraient débarqué du côté de Salerne. Ne vous soumettez pas à l'initiative des mouvements des Calabrais et des ennemis. Vous avez assez de forces pour conquérir le royaume Naples et toute l'Italie. Les Anglais ne sont pas redoutables; mais lorsqu'on les attaque sans artillerie et en désordre avec la plus grande partie de mauvaises troupes comme les Polonais, il n'est pas étonnant qu'on réussisse mal.
Le gouverneur de Naples doit avoir une maison en ville; mais il doit avoir aussi un logement dans les châteaux, qui doivent être approvisionnés pour trois mois.
Vous devez ne jamais faire aucun pas rétrograde et périr, s'il le faut, sur le territoire napolitain.
Toutes les dispositions qui ont été faites ne sont pas bonnes.
Il ne faut point de troupes à Naples; avec 100,000 hommes, vous ne garderiez pas celle ville, et avec 15,000, vous n'y feriez pas la police, qui peut se faire tout aussi bien avec 1,500. Des mesures vigoureuses rassureront plus la capitale que de voir des troupes encombrées dans son sein et qu'elle s'accoutumera à croire à peine suffisantes pour la police.
Vous pouvez prendre l'offensive en Calabre sans vous précipiter au fond de la botte, à moins que cela ne soit nécessaire pour dégager le général Reynier. Vos troupes marcheront avec plaisir. De Cassano à Naples il n'y a pas plus de 50 lieues. Il n'y a pas un moment à perdre pour placer là votre avant-garde. Cela seul peut mettre en repos votre royaume. Il serait même dangereux pour les négociations que cela ne se fit pas bientôt. Cette position, occupée par 6,000 hommes pouvant être renforcés dans un jour par 3,000 autres et dans deux jours par 6,000 autres, qui, en cas d'attaque par des troupes très-supérieures, pourraient se retirer d'une marche et se réunir encore à 3,000 hommes, vous rendra la tranquillité et fera que les affaires de Calabre n'auront plus d'influence sur la politique. Pendant ce temps, vous organiserez votre service, vous ferez des expéditions pour soumettre les villages, et enfin, si l'ennemi prétendait vous attaquer sur Naples, en deux jours vous auriez 9,000 hommes sur cette capitale. Mais toutes ces choses ne se font pas ainsi; un débarquement n'est pas une chose facile; on le verra toujours précédé par les mouvements de l'intérieur. Je suis très-impatient d'apprendre que vous avez occupé Cassano. La saison va devenir supportable, et l'armée reprendra de l'ardeur. D'ailleurs faites piller deux ou trois gros bourgs, de ceux qui se sont le plus mal conduits; cela fera des exemples et rendra aux soldats de la gaieté et le désir d'agir. En supposant que les Anglais eussent beaucoup de forces en Calabre et voulussent soutenir sérieusement une guerre si disproportionnée, avec une avant-garde à Cassano, appuyée, à quelques marches, de deux ou trois brigades, vous seriez renforcé en trois jours par 9,000 hommes; et, si enfin ils ne se croyaient pas suffisamment forts, ils se retireraient d'une marche et seraient encore rejoints par 3,000 hommes. C'est ainsi que l'on fait la guerre, lorsqu'on a plusieurs points à garder et qu'on ne sait pas sur lequel l'ennemi vous attaquera. Vous-même pouvez porter votre séjour à dix ou douze lieues de Naples. Des postes de cavalerie, des signaux doivent être établis, afin de correspondre avec les points de la côte qui sont sur votre flanc droit; et, quand enfin il en sera temps, que la saison sera rafraîchie, vous vous mettrez en mouvement et vous reprendrez toute la Calabre.
Je ne ferai jamais la paix sans avoir la Sicile; cela n'entre pas dans mes projets. Si les affaires de Calabre y mettent obstacle, et que les affaires du continent ne m'appellent point ailleurs, je me rendrai à Naples à la fin de septembre.
Vous avez d'aussi bons généraux qu'il peut y en avoir en France. Saint-Cyr est un général très-prudent. Il est vrai que Reynier a fait des fautes de toute espèce et auxquelles je ne m'attendais pas; l'art d'être tantôt audacieux et tantôt très-prudent est l'art de réussir. Du moment que Reynier vous aura rejoint, faites-passer les trois régiments qui sont avec lui, sur les derrières, dans des positions où ils puissent se reposer; ce doit être à l'un des échelons intermédiaires, ni le plus près de Cassano, ni le plus près de Naples.
Je ne vois pas d'inconvénient que vous employiez à votre service des officiers français, et que vous en premier pour votre Garde comme vous le jugerez convenable, sans trop affaiblir les cadres. Vous m'en donnerez avis et m'en enverrez la note, afin que je les fasse remplacer dans leur corps.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au roi de Naples
J'ai reçu votre lettre du 19 juillet. Je vois avec plaisir que vous avez fait partir six régiments d'infanterie et deux de cavalerie pour Cassano. Il y a de quoi soumettre toute la Calabre et culbuter les Anglais. Il est assez inquiétant de savoir ce qu'est devenu le général Reynier; peut-être se maintient-il aux environs de Cotrone. Il urgent de le dégager, car il doit avoir très-peu de vivres. Par différentes lettres que je vous ai écrites, je vous ai fait connaître les dispositions que votre position comportait : des échelons et des échelons, les châteaux de Naples approvisionnés et armés, vos dépôts enfermés dans Gaète et dans Capoue, et vos 25 ou 30,000 hommes placés de manière à pouvoir être réunis en quatre ou cinq jours, pour trois quarts, et en cinq marches forcées, sur Naples ou sur Cassano. Vous avez des côtes, sans doute, mais j'en ai partout; et, s'il est vrai que des vaisseaux donnassent tant d'avantage aux Anglais, il s'ensuivrait qu'avec les 40,000 hommes qu'ils ont de disponible ils pourraient tenir en échec un bien plus grand nombre de troupes. Mais pour chaque chose il faut un plan.
Il y a longtemps que je vous ai dit que vous disséminiez trop vos troupes. Tenez-les réunies, et il vous arrivera ce qui est arrivé en France : les Anglais ont débarqué plusieurs fois, mais ils ont été bien rossés et n'osent plus débarquer.
Si vous n'aviez, pas laissé Cassano sans forces, et que vous y eussiez tenu deux régiments, au lieu de les tenir dans la Pouille et disséminés sur les côtes, les Anglais eussent été rejetés dans la mer, et vous eussiez assuré votre tranquillité pour longtemps. L'idée que Naples ne peut être défendue contre une puissance maritime est une idée ridicule. Si vous dites ensuite que vous devez choisir pour séjour habituel une autre ville que Naples, plus avant dans les terres, je suis de votre opinion. J'aurais bien désiré avoir les plans des forts de Naples avec une dissertation des officiers du génie, et les plans de Capoue avec des mémoires qui me fassent connaître les points environnants.
Vous aurez Naples et la Sicile, vous serez reconnu par toute l'Europe; mais, si vous ne prenez point des mesures plus vigoureuses que celles que vous avez prises jusqu'ici, vous serez détrôné honteusement, à la première guerre continentale. Vous êtes trop bon, surtout pour le pays où vous êtes. Il faut désarmer, faire juger et déporter. A mon sens, les premiers travaux à faire, lorsque vous serez maître de la Sicile, c'est d'établir un fort au phare et un autre à Scilla. Au reste, soyez sans inquiétude, je vous tiendrai ce que je vous ai promis. Je serai moi-même à la fin de septembre à Naples, s'il le faut.
Le royaume d'Italie me rend cent quarante millions de Milan ; il faut que les royaumes de Naples et de Sicile me rendent autant, sans cela vous n'aurez rien. Il faut avoir à votre service 3,000 Corses, 6,000 Suisses et pas plus de 6,000 Napolitains. Vous n'employez pas assez les officiers napolitains qui ont servi dans l'armée d'Italie. Suivez mes principes politiques; faites l'armée patriote; employez les officiers partisans de la France et qui ont montré de l'énergie; ceux-là ne vous trahiront jamais pour la reine Caroline. Si vous gouvernez votre pays avec vigueur, et que vous en retiriez cent quarante à cent cinquante millions de Milan de contributions, vous aurez six vaisseaux de guerre et autant de frégates, qui, joints à ma marine de Toulon , rendront plus difficile et plus chanceuse aux Anglais leur domination sur la Méditerranée. N'employez pas trop de troupes napolitaines, qui vous abandonneraient si j'étais battu en Italie; il faut calculer ainsi : employez des troupes qui ne vous abandonneront pas.
Le 1er régiment suisse, est composé d'hommes qui ont servi en France, et qui seront fidèles. Les Corses vous seront fidèles, et vous pouvez facilement les recruter. Les Napolitains patriotes, qui ont été en France lors de la révolution de l'an VII, seront fidèles. Je ne parle pas de l'armée française; puisque les destins de la France ne peuvent être mis en balance que par l'Europe réunie, elle aurait besoin de toutes ses troupes, et probablement je ne pourrais vous laisser que deux ou trois régiments. Souvenez-vous bien de ce que je vous dis : le destin de votre règne dépend de votre conduite à votre retour dans la Calabre. Ne pardonnez pas. Faites passer par les armes au moins 600 des révoltés. Ils m'ont égorgé un plus grand nombre de soldats. Faites brûler les maisons de trente des principaux des chefs de villages, et distribuez leurs propriétés à l'armée. Désarmez tous les habitants et faites piller cinq on six gros villages de ceux qui se sont le plus mal comportés. Recommandez aux soldats de bien traiter les villes qui sont restées fidèles. Privez de leurs biens communaux les villages révoltés, et donnez ces biens à l'armée. Surtout désarmez avec rigueur.
Puisque vous comparez les Napolitains aux Corses, souvenez-vous que, lorsqu'on entra dans le Niolo, quarante rebelles furent pendus aux arbres, et que la terreur fut telle que personne ne remua plus. Plaisance s'était insurgée; à mon retour de la Grande Armée, j'y envoyai Junot, qui prétendait que le pays ne s'était pas insurgé et m'envoyait de l'esprit à la française : je lui ai envoyé l'ordre de faire brûler deux villages et de faire fusiller les chefs de la révolte, parmi lesquels étaient six prêtres. Cela fut fait et le pays fut soumis, et le sera pour longtemps.
Vous voyez la terreur qu'inspire la reine; certes, jene vous propose pas son exemple à imiter; mais il n'en est pas moins vrai que c'est une puissance. Si vous vous conduisez avec vigueur et énergie, les Calabrais ni les autres ne bougeront de trente ans.
Je finirai ma lettre comme je l'ai commencée. Vous serez roi de Naples; vous aurez trois ou quatre ans de paix. Si vous vous faite roi fainéant, si vous ne tenez pas les rênes d'une main ferme e décidée, si vous écoutez l'opinion du peuple, qui ne sait ce qu'i veut, si vous ne détruisez pas les abus et les anciennes usurpations de manière que vous soyez riche, si vous ne mettez pas des impositions telles que vous puissiez entretenir à votre service des Français, des Corses, des Suisses, des Napolitains, et armer des vaisseaux, vous ne ferez rien du tout; et, dans quatre ans, au lieu de m'être utile, vous me nuirez, car vous m'ôterez de mes moyens. Vous avez une place à construire à Scilla; envoyez-m'en au plus tôt les plans, pour que je les approuve. Arrivé en Sicile, ne perdez pas un mois sans faire travailler à un pareil fort sur le rivage opposé à Scilla, pour lier ensemble vos deux royaumes.
Puisque la Calabre s'est révoltée, pourquoi ne prendriez-vous la moitié des propriétés de ce pays pour distribuer à l'armée ? Ce serait une ressource qui vous serait d'un grand secours, et en même temps un exemple pour l'avenir. On ne change et réforme pas les États avec une conduite molle; il faut des mesures extraordinaires et de la vigueur. Comme les Calabrais ont assassiné mes soldats, je prendrai moi-même le décret par lequel je confisquerai, au profit de mes troupes, la moitié des revenus de la province, particuliers et publics. Mais si vous commencez à prendre pour principe qu'ils ne se sont pas révoltés et qu'ils vous ont toujours été attachés, votre bonté, qui ne sera que faiblesse et timidité, sera très-funeste à la France. Vos amis le disent : vous n'inspirez pas de confiance; vous êtes trop bon.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au roi de Hollande
Je ne vois pas de difficulté que vous preniez les 600 hommes que vous désirez, pour former votre Garde, parmi les troupes françaises qui sont en Hollande. Mais vous mettez dans tout cela beaucoup trop de précipitation; marchez donc plus doucement. Vous devez vous rappeler que vous m'avez fait beaucoup de tort dans votre commandement de mon armée du Nord. Vous m'avez ôté des moyens de ma Grande Armée, et vous avez dissous mon armée du Nord avec une précipitation sans exemple.
Saint-Cloud, 30 juillet 1806
Au prince Joachim
J'ai reçu vos lettres. J'ai été surpris de vos observations sur Wesel. Je dépenserai cette année plus de deux millions sur cette place; je dépenserai encore beaucoup d'argent pour la garantir des mouvements du Rhin. Wesel ne peut appartenir qu'à une grande puissance. Quant à la garantie de vos enfants, c'est un raisonnement pitoyable et qui m'a fait hausser les épaules; j'en ai rougi pour vous. Vous êtes Français, j'espère, vos enfants le seront; tout autre sentiment serait si déshonorant que je vous prie de ne m'en jamais parler. Il serait fort extraordinaire qu'après les bienfaits dont le peuple français vous a comblé vous pensiez à donner à vos enfants les moyens de lui nuire. Encore une fois ne me parlez plus de cela, c'est trop ridicule.
Je vous recommande beaucoup de sagesse avec les Prussiens; point de démarches hasardées, parce que vous serez désavoué; beaucoup de prudence dans vos discours, parce que vous êtes très-observé. Veuillez aussi ne vous éloigner en rien du recès de l'Empire sur l'octroi du Rhin et n'y faire aucune innovation, sans quoi vous vous attirerez un affront. Il faut marcher avec beaucoup de prudence, et faire davantage ce que je vous dis. Vous me connaissez assez pour savoir que je suis homme à faire exécuter ce que je crois utile à mon empire, et que je n'agis pas sans de bons motifs, parmi lesquels vous devez compter l'amitié que je vous porte.
Saint-Cloud, 31 juillet 1806
DÉCISION
Mesdames Laura Cornaro-Mocenigo; Delfin, née Gradenigo-; Elisabetta da Mulla, née Pisani; Maria Tiepolo, née Priati; Chiara Coutarini, née Correo; Catarina Manin née Pesaro, dame du palais de la princesse Auguste, ayant reçu la croix étoilée d'Autriche, dernandent à l'Empereur d'être autorisées à la porter. Joseph Josy, premier dignitaire du Dôme de Milan, demande l'autorisation de porter l'ordre de Saint-Etienne de Toscane. | Renvoyé à M. Marescalchi, pour répondre à ces dames que mon intention est qu'aucun de mes sujets italiens ne porte d'ordres étrangers; que, si elles avaient ces décorations pendant le temps que l'Autriche régnait sur Venise, je n'y aurais fait aucune attention, mais que je ne puis regarder que comme une inconvenance qu'elles leur soient données depuis la paix et que je désire que ces dame les renvoient , en faisant sentir le refus que j'ai fait de leur permettre de les porter. |
Saint-Cloud, 31 juillet 1806
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je désire qu'on mettre en place du vaisseau le Commerce-de-Paris un vaisseau à trois ponts, en construction à Toulon, qui sera appelé la Ville-de-Vienne. Je désire qu'en place du Robuste on mette un vaisseau de 80 canons, qui sera appelé, comme vous le proposez, le Donawert. Les deux vaisseaux de 74, que vous mettrez sur les cales qui sont vacantes, s'appelleront l'Ulm et le Danube.
Faites remplacer l'Ajax, à Rochefort, par un vaisseau de 74, qui d'appellera le Vénitien.
Les deux premiers vaisseaux que vous mettrez sur le chantier à Anvers, s'appelleront le Dalmate et l'Albanais; je dis à Anvers, parce que je veux que ce soient de petits vaisseaux. Je vous recommande de veiller à ce que beaucoup de constructions soient commencées.
Saint-Cloud, 31 juillet 1806
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre de 22 juillet, par laquelle vous me faites connaître l'entrée à Naples des troupes du siège de Gaète. J'ai vu avec plaisir que vous avez donné 10,000 hommes au maréchal Masséna pour aller en Calabre; mais j'ai vu avec peine que vous ne placiez pas vos troupes en échelons pour pouvoir en trois jours les réunir, si cela est nécessaire, et tomber sur les Anglais. Je suppose Masséna arrivé à la hauteur de Cassano; qu'il apprenne que les Anglais cernent le général Reynier avec 12,000 hommes et 4 ou 5,000 révoltés : il prendra une position et sera obligé de perdre quinze jours à attendre que vous lui renvoyiez des renforts. Au contraire, en plaçant en échelons ces troupes, qui, en trois on quatre
jours, pourront le joindre ou revenir sur Naples et Salerne, s'il le fallait, il ne perdra point de temps pour dégager Reynier. Vous savez bien que Reynier n'a pas aujourd'hui plus de 4,000 hommes de troupes, désorganisées et découragées. Quelle honte et quel malheur si ces braves gens, après s'être défendus, étaient obligés de rendre leurs drapeaux ! Je vous ai écrit deux longues lettres là-dessus.
J'ai donné ordre que les Polonais vous rejoignissent, ainsi que le dépôt. J'ai donné ordre que 6,000 hommes soient réunis Ancône, sous les ordres du général Lemarois, pour se porter sur Naples; mais il faut le temps qu'ils se réunissent à Ancône. J'ai également donné ordre au général Lemarois de vous envoyer tous les détachements qu'il a de la légion corse et des Polonais, et le bataillon suisse qui est à Ancône. Je donne ordre au général Duhesme de vous faire passer le bataillon du régiment de la Tour d'Auvergne, qui est à Cività-Vecchia. Les deux autres bataillons de ce régiment sont à Gênes et vont filer incessamment pour rejoindre le premier. Mais ce ne sont pas les troupes qui vous manquent, c'est la manière de les rassembler, de les tenir réunies et de les faire agir avec vigueur.