1 - 15 mai 1806
Saint-Cloud, ler juin 1806.
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'ai lu avec la plus grande attention le travail du général Gassendi sur le matériel de l'artillerie; j'ai parcouru les vingt-cinq états qui y étaient joints. J'ai remarqué que Wesel ne s'y trouvait pas compris, et j'en ai facilement compris la raison. Je désire que cette place soit considérée comme le point d'appui de la ligne du Rhin, et traitée comme Strasbourg et Mayence. Toute l'artillerie qui s'y trouve nous appartient. Il résulte de ce travail que le nécessaire des bouches à feu, pour l'armement des places, est de 5,900 en pièces de bronze, de 3,600 en pièces de fer, de 3,300 mortiers, obusiers et pierriers, et de 3,060 pièces de campagne : total, 15,800 pièces de canon. Il y a plusieurs places , telles que celle de Parme, qui ne doivent pas être comprises dans l'état des places à armer. Gavi et la citadelle de Plaisance sont portées beaucoup trop haut. Mont-Lyon est porté beaucoup trop haut. Au Havre, il n'y a plus d'enceinte. Granville également n'est pas fortifié. A Saint-Florent, il n'y a aucune enceinte. On me porte en Corse 400 pièces de canon comme nécessaires; il n'y en a que 50 à 60; c'est tout ce qu'il faut. En général, le nécessaire des armements est porté trop haut, et la moindre réduction générale que l'on puisse faire, c'est de porter les 1,472 pièces de campagne, que l'on destine en sus des pièces de siège, en dedans de l'approvisionnement de siége, de manière qu'au lieu de 8,000 pièces de bronze il ne m'en faudrait plus que 6,500. Le rôle que joue une pièce de 24 ou de 16, de 12 ou de 8, n'est pas tellement déterminé dans une place que l'on ne puisse employer les unes pour les autres. Pour établir donc la colonne du nécessaire pour l'armement de toutes les places, je désire, 1° que l'on revoie d'abord avec attention ce travail, et qu'on retranche les places qui en sont susceptibles, surtout celles qui n'étant point fermées, ne sont point susceptibles de siége; 2° que l'on diminue le nécessaire actuel, de manière que dans ce qu'on demande pour pièces de siége soient comprises les pièces de campagnes; 3° qu'on ne fasse point une colonne du nécessaire séparée pour les pièces de bronze et de fer, hormis pour les pièces de fer destinées au service des côtes, ce qui est un autre calcul; 4° qu'on base le nécessaire des pièces de différents calibres sur ce qui existe, et sur une perfection idéale; et, pour expliquer mon idée par un exemple, je citerai la direction de Maëstricht : il faut pour cette direction 350 bouches à feu; dans ces 350 il faut comprendre les 50 portées dans l'état 11 des pièces de campagne; il n'en restera donc plus que 300 de siège; sur ces 300, il faut porter comme existantes les pièces de fer, et enfin ne point détailler le nécessaire de ces 300 pièces en idéal; au lieu de quarante pièces de 24, comme le porte l'état 8, on n'en portera comme nécessaires que vingt-deux, puisqu'il y en a vingt en bronze et deux en fer. On portera comme nécessaires, en pièces de 16, les trente-neuf qui existent et les sept de 18 en fer, ce qui fera quarante-six au lieu de quatre-vingts; et, au lieu de quarante de 12 portées comme nécessaires à l'état 8, on portera, pour compenser celles de 16 qui sont portées comme nécessaires, quarante-neuf en bronze, trente-sept en fer, et les vingt de 12 de campagne portées dans les états 14, 15 et 16. Tout ceci est fondé sur le principe qu'une pièce de fer, quand elle est bonne, est d'un bon service; que des pièces de 36 et de 24, de 16 et de 12, des mortiers et obusiers de 12 et de 10, sont la même chose dans une place de guerre. En rédigeant les états sur ces principes, on arrivera à un résultat réel, et on n'aura point tant de manquant et d'excédant, et alors nous pourrons calculer sur notre situation.
Il n'y a cependant à cela qu'une seule restriction : c'est qu'il faut que je trouve à chacune de nos frontières de quoi former des équipages de siège; et, dans ce cas, il n'est pas indifférent d'avoir du 24 ou du 16, du bronze on du fer, des pièces longues ou courtes; mais, dans cette hypothèse, un avantage peut être compensé par un autre, et cela ne peut pas exiger de refondre des pièces et de rendre des affûts inutiles. Il faut donc m'indiquer, dans une colonne séparée, les pièces de chaque place marquées pour former un équipage de siège. Il faut que, sur la frontière du Nord, j'aie de quoi former deux équipages de siége, deux sur le Rhin et la Moselle, un dans les Pyrénées, deux en Italie, un sur les côtes de Bretagne et un sur les côtes de la Méditerranée; ce qui formera neuf équipages de siège, chacun d'une centaine de pièces de canon. Marquer ces pièces au procès-verbal de chaque direction comme devant former J'équipage de siège est une attention convenable à avoir. Alexandrie seule doit pouvoir fournir un équipage de siège; Gènes et Fenestrelle doivent fournir le second. C'est, je crois, la seule considération à avoir dans l'approvisionnement des places, et, n'y aurait-il que Strasbourg, la place ne s'en défendrait pas moins avec des pièces de 16 et de 12, pourvu qu'il y eût le nombre de pièces de 24 nécessaire pour fournir un contingent à l'équipage de siège que doit fournir la frontière. En général, je dois dire aussi qu'il m'a paru que dans l'armement on ne porte point assez de pièces de campagne; il est vrai qu'il est toujours facile d'en faire entrer dans les places; cependant, comme nous avons beaucoup de pièces de 4, de 8 et d'obusiers, on pourrait en augmenter le nombre de beaucoup dans les places, en placer dans les ouvrages avancés, les chemins couverts, etc. Les sorties se font avec des pièces de campagne, en grande partie. En résumé, je désirerais avoir un nouveau travail, pour que le nécessaire se trouvât le plus près possible de l'existant, du moins en pièces. Du reste, le travail me paraît fort bien fait.
Saint-Cloud, ler juin 1806
Au général Lemarois, commandant les troupes de l'Adriatique
Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre d'Ancône du 24 mai. Il paraît que, du côté de l'artillerie, vous n'êtes pas ml et que vous avez de la poudre, des cartouches et du canon en assez grande quantité. La première chose à faire est de vous emparer de toute l'autorité militaire, sans souffrir que les agents du Pape s'en mêlent, et de mettre le port et les environs, et les forts en bon état de défense. Il faut établir une bonne discipline dans le régiment de la Tour d'Auvergne; le colonel doit s'y trouver. Il faut m'envoyer des plans et un détail des fortifications, de ce qui existe, de ce qu'il y a à faire, et de ce que cela coûterait. Toutes les fois que des soldats du Pape seraient pris, comme embaucheurs, il faut les traduire devant une commission militaire et les faire fusiller. Faites exercer constamment les troupes. Faites armer quelques avisos pour avoir des nouvelles de ce qui se passe en mer.
Saint-Cloud, 3 juin 1806
A la princesse Auguste
Ma Fille, j'ai reçu votre lettre du 26 mai. Je sens la solitude que vous devez éprouver de vous trouver seule au milieu de la Lombardie; mais Eugène reviendra bientôt, et l'on ne sent bien que 1'on aime que lorsqu'on se revoit ou que l'on est absent. On n'apprécie la santé que lorsqu'on a un peu de migraine ou lorsqu'elle vous quitte. Il est d'ailleurs utile, pour toutes sortes de raisons, de voir un peu de monde et de se dissiper. Tout ce qui m'est revenu d'Italie m'apprend que vous menez une vie beaucoup trop sage. Je n'entends pas parler de madame de Wurmb; j'imagine qu'elle est auprès de vous et que vous l'aimez toujours. Je reçois toujours avec plaisir de nouvelles; je m'en informe de ceux qui viennent du pays, et j'apprends avec plaisir que tout le monde vous trouve parfaite.
Votre affectionné père
Saint-Cloud, 3 juin 1806
Au général Lemarois
Je reçois votre lettre du 26 mai. J'approuve votre conduite. Organisez le militaire. Tenez-vous sur un bon pied. Maintenez la morale, réprimez tous les abus.
Saint-Cloud, 3 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre de Palmanova. Immédiatement après la réception de ma lettre, vous expédierez un de vos aides de camp an général Molitor, pour lui faire connaître que mon intention est qu'immédiatement après que le général Lauriston sera arrivé à Raguse et qu'il sera maître de toute la presqu'île de Sabioncello, on attaque l'île de Curzola. Le détroit de Sabioncello est étroit. Cette presqu'île est donc le point principal pour nous, pour la défense des îles de Lesina et de Curzola. Maître de Sabioncello, vous donnerez l'ordre au général Lauriston de faire construire un fort à l'extrémité de la presqu'île, de manière que deux batteries, placées là, défendent le détroit de Sabioncello et le canal qui va de Sabioncello à l'île de Lesina, et qu'un bataillon s'y trouve retranché, fortifié, approvisionné et dans le cas de se défendre longtemps. Maître de Curzola, il faut y établir des batteries et un fort pour correspondre avec les batteries et le fort de Sabioncello, de manière que, Raguse étant en notre pouvoir, il nous sera toujours facile de dégager le fort de Sabioncello, s'il était sérieusement attaqué. Ce fort protège la communication avec Curzola, et alors la défense des trois îles de Lesina, Curzola et Brazza devient facile. Il faut donc qu'un ingénieur soit envoyé à Sabioncello pour faire la description de cette presqu'île et faire connaître le point où il faut établir la redoute. Un simple coup d'œil sur la carte vous fera connaître l'efficacité de la défense de Raguse, étant une fois maître de Sabioncello. La légion dalmate, que j'ai ordonné de lever, et dont vous aurez déjà nommé les chefs, pourra fournir 400 hommes dans chacune des îles de Lesina et de Curzola, et 100 hommes dans celle de Brazza, ce qui fera 900 hommes, qui, avec quelques officiers, quelques canonniers, et, s'i1 le faut, avec quelques compagnies françaises, peuvent mettre ces îles en état d'attendre les prompts secours qui leur seraient portés. Envoyez, avec le général Lauriston, quelqu'un qui ait fait la guerre des Turcs en Égypte; il doit y avoir dans votre armée beaucoup d'officiers qui l'on faite. Ils apprendront le peu de cas qu'on doit faire des Monténégrins. Les nouvelles de Corfou et de Constantinople portent que les Russes sont beaucoup affaiblis, et qu'ils n'ont jamais pu avoir plus de 6,000 hommes disponibles à Corfou. Cependant je ne m'oppose à ce que vous ordonniez au 8e régiment d'infanterie légère de se rendre à Zara, et au bataillon brescian ou à un autre bataillon de troupes italiennes de se rendre à Cherso pour prendre la défense de cette île. Alors le général Molitor aura trois régiments formant neuf bataillons. Le général Lauriston, qui formera son avant-garde, aura deux régiments. Le général Molitor devra toujours tenir une réserve de cinq bataillons, sur les neuf qu'il aura, à Spalatro, Almissa, Macarsca et Opus, pour, au premier événement sérieux, envoyé au secours du général Lauriston; et Lauriston aurait ainsi, au moindre événement, pour défendre Raguse contre les Monténégrins et les Russes, les six bataillons sous ses ordres et les cinq du général Molitor; ce qui lui ferait onze bataillons, qui, avec l'artillerie, devraient former 5 ou 6,000 hommes, force hors de proportion avec tout ce que l'ennemi peut lui opposer. On m'assure qu'il trouvera peu d'artillerie à Raguse; mais il se peut qu'il trouve dans cette place beaucoup de bâtiments qui tous ont des pièces de canon. Il doit prendre ces canons, n'importe à quelle nation appartiennent ces bâtiments, pour armer les points de la côte qu'il lui paraîtra important de fortifier. J'imagine que Dandolo est parti. Je compte sur son énergie, sur son activité, sa probité, pour remuer les Dalmates, organiser cette province et tirer parti des habitants, tant pour former la légion que pour défendre leurs côtes, si cela était nécessaire. La possession de la Dalmatie sera coûteuse à mon royaume d'Italie dans les premiers moments, mais il finira par en tirer un grand profit. Au milieu de ces îles, les gros vaisseaux ne font rien; faites donc armer toutes les péniches, pirogues et petits bâtiments que vous pourrez réunir, et envoyez-les là.
J'ai donné l'ordre au général Barbou de se rendre à votre quartier général pour y recevoir vos instructions ; mon intention est qu'il commande les bouches de Cattaro, dès qu'elles me seront remises, sous les ordres du général Lauriston, qui restera à Raguse; c'est un officier qui a montré de la prudence à Hameln.
Saint-Cloud, 3 juin 1806
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 24 mai. Je connais bien le maréchal Jourdan; je pense que c'est un homme que vous devez vous attacher. Il a de l'expérience, de la modération, de l'activité et du dévouement. Je ne connais personne plus dans le cas d'être gouverneur de Naples; car il vous eu faut un de toute confiance, qui étudie cette capitale, d'autant plus importante qu'elle est frontière du côté de la mer. Alors son traitement se composerait du revenu de son duché, que je lui donnerais parmi ceux que je me suis réservés dans le royaume de Naples; vous y joindriez une assez forte somme pour son traitement de gouverneur, ce qui lui formerait un grand état et lui donnerait une grande considération dans le pays. Jourdan et Reynier, voilà les deux hommes que vous devez vous attacher. Masséna n'est bon à rien dans un gouvernement civil; il n'est d'ailleurs point susceptible d'attachement. C'est un bon soldat, mais entièrement adonné à l'amour de l'argent; c'est là le seul mobile de sa conduite, et il n'y a que cela qui l'ait fait mai-cher, même sous mes yeux. C'était d'abord par de petites sommes; aujourd'hui des milliards ne suffiraient pas.
Je suis bien surpris d'apprendre par votre lettre et par d'autres renseignements que les Abruzzes ne sont pas soumises. Que font donc Reynier et Saint-Cyr ? Dorment-ils ? C'est là une nouvelle manière de servir.
Saint-Cloud, 3 juin 1806
Au roi de Naples
Je n'ai pas pu faire mettre le discours de M. Roederer dans leMoniteur, car, en vérité, il n'a pas de sens. Il parle au nom d'un sénat comme il ferait dans un article de journal; il me met à côté de Machiavel. Je n'ai jamais rien vu de fait avec moins de sens et dans une circonstance où il y avait tant de belles choses à dire. Je lis aussi dans votre discours des phrases que vous me permettrez de trouver mauvaises. Vous comparez l'attachement des Français à ma personne à celui des Napolitains pour vous. Cela paraîtrait une épigramme. Quel amour voulez-vous qu'ait pour vous un peuple pour qui vous n'avez rien fait, chez lequel vous êtes par droit de conquête avec 40 ou 50,000 étrangers ? En général, dans tous vos actes, moins vous parlerez directement ou indirectement de moi et de la France, mieux cela vaudra. Il y a aussi des phrases sur le Sénat qui m'ont paru ridicules et ont été trouvées telles par plusieurs membres du Sénat, hommes de sens. Il m'est tombé sous les yeux plusieurs lettres dans lesquelles vous parlez de "vos collègues" Defermom, Berlier, etc. Cela est déplacé et tend à vous donner un caractère que vous n'avez pas. Il faut être Roi et parler en Roi. Si vous n'avez d'autres titres à la bienveillance des sénateurs et des conseillers d'État que d'avoir été leur inférieur ou leur collègue dans un corps législatif, c'est une pauvre ressource. Cette manière déplait à tout le monde, même à ceux à qui vous écrivez.
Je ne pense pas que M. Roederer puisse garder la place de sénateur et sa sénatorerie, et être votre ministre. Gardez-le pour en faire votre société; mais c'est un homme qui n'a point de tact, qui ne vous fera point d'amis , et qui ne vous donnera jamais un bon conseil, quoique du reste il ait des qualités que j'apprécie.
Si vous n'aviez pas d'armée française, et que l'ancien roi de Naples n'eût pas d'armée anglaise, qui serait le plus fort à Naples ? Et certainement je n'ai pas besoin d'une armée étrangère pour me maintenir à Paris. Je remarque avec peine qu'il y a dans votre lettre de l'engouement, et l'engouement est très-dangereux. Le peuple Naples se comporte bien; il n'y a rien à cela d'extraordinaire : vous l'avez ménagé; il s'attendait à pis de la part d'un homme qui était à la tête de 50,000 hommes; vous êtes doux, modéré; vous avez un bon esprit; vous êtes apprécié. Mais il y a loin de là à un esprit national, à une soumission d'attachement raisonnée et d'intérêt. Ces nuances ne doivent pas vous échapper. Je ne sais pourquoi je vous dis cela, parce que cela vous affligera; mais il faut que tous vos actes aient le ton de décence convenable, que toutes vos paroles publiques donnent une idée juste de votre caractère.
Saint-Cloud, 3 juin 1806
Au roi de Naples
Je vous envoie le mémoire des relations extérieures sur les armes de Naples. Il me semble raisonnable, hormis qu'il faut en ôter cet ordre du Croissant qui n'est plus de mode, et qui ne doit pas être renouvelé depuis que le Grand Seigneur en a établi un. On pourrait mettre très-bien la Légion d'honneur, ou bien le nouvel ordre que vous ferez.
Saint-Cloud, 5 juin 1806, 11 heures du matin
Au roi de Naples
La conduite de la cour de Rome est marquée au coin de la folie J'ai voulu lui faire sentir par un premier coup ce qu'elle avait à craindre de moi; et d'ailleurs j'ai pensé qu'en tout état de choses les enclaves de Bénévent et de Ponte-Corve ne pouvaient être que des sujets de troubles pour votre royaume. J'en ai fait deux duchés : celui de Bénévent pour Talleyrand, et celui de Ponte-Corvo pour Bernadotte. Je sais que ces pays sont peu ,riches; mais je suppléerai à la dotation de ces duchés. Talleyrand est assez riche pour n'en avoir pas besoin. Je me chargerai de la dotation de celui de Bernadotte. Faites occuper ces pays, d'abord comme occupation militaire. Vous sentez que, lorsque j'ai donné le titre de duc et de prince à Bernadotte, c'est en considération de votre femme; car j'ai dans mon armée des généraux qui m'ont mieux servi et sur l'attachement desquels je puis plus compter. Mais j'ai pensé qu'il convenait que le beau-frère de la reine de Naples eût un rang distingué chez vous. Quant aux six autres duchés, je serai bientôt dans le cas d'y nommer. Masséna et Jourdan seraient l'un et l'autre convenables. Tout ce qui est tache disparaît avec le temps, et, les titres de vainqueur de Fleurus comme de vainqueur de Zurich sont des titres qui restent; on ne se souviendra que de cela en voyant leurs enfants. Lorsque vous serez maître de la Sicile, instituez trois autres fiefs, dont un pour Reynier; aussi bien je pense que c'est lui que vous chargez de l'expédition, et ce ne sera pas un faible encouragement pour lui s'il se doute de ce que je veux faire en sa faveur. Dites-moi les titres que vous voudriez donner aux duchés qui sont dans votre royaume. Ce ne sont que des titres; le principal est le bien qu'on y attache; il faudrait y affecter 200,000 livres de rente. J'ai exigé aussi que les titulaires aient une maison à Paris, parce que c'est là qu'est le centre de tout le système; et je veux avoir à Paris cent fortunes, toutes s'étant élevées avec le trône et restant seules considérables, puisque se sont des fidéicommis, et que ce qui ne sera pas elles va se disséminer par l'effet du Code civil.
Établissez le Code civil à Naples; tout ce qui ne vous est pas attaché va se détruire alors en peu d'années, et ce que vous voudrez conserver se consolidera. Voilà le grand avantage du Code civil. Si le divorce vous gêne pour Naples, je ne vois pas d'inconvénient de cartonner cet article; cependant je le crois utile; car pourquoi le Pape prononcerait-il lorsqu'il y a cause d'impuissance ou autre force majeure ressortissant de l'ordre civil ? Toutefois, si vous le croyez nécessaire, changez-le. Pour les actes de l'état civil, vous pouvez les laisser aux curés. Au moyen de ces modifications, il faut établir le Code civil chez vous; il consolide votre puissance, puisque par lui tout ce qui n'est pas fideicommis tombe, et qu'il ne reste plus de grandes maisons que celles que vous érigez en fiefs. C'est ce m'a fait prêcher pour un code civil et m'a porté à l'établir.
Dans une heure, je reçois l'ambassadeur turc, et je proclame le prince Louis roi de Hollande, et le cardinal Fesch coadjuteur de l'électeur archichancelier.
Je vous prie de regarder comme un ordre exprès l'envoi que vous je demande de deux escadrons de cavalerie et de quelque infanterie à Bénévent et à Ponte-Corvo, et d'y nommer un commandant qui en remettra la possession à Bernadotte et à Talleyrand; ce qui empêchera tout rassemblement, pétition, etc. Comme les journaux répéteront d'ici à deux jours ces nouvelles, il ne faut pas perdre un moment pour faire ces occupations.
Le cardinal Ruffo est venu à Ancône. Si je l'avais prévu, j'aurais écrit à Lemarois de le faire arrêter et de l'envoyer à Paris.
Paris, 5 juin 1806
RÉPONSE DE L'EMPEREUR À L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA SUBLIME PORTE
Monsieur l'Ambassadeur, votre mission m'est agréable. Les assurances que vous me donnez des sentiments du sultan Selim, votre maître, vont à mon cœur. Un des plus grands, des plus précieux avantages que je veux retirer des succès qu'ont obtenus mes armes, c'est de soutenir et d'aider le plus utile comme le plus ancien de mes alliés. Je me plais à vous en donner publiquement et solennellement l'assurance. Tout ce qui arrivera d'heureux on de malheureux aux Ottomans sera heureux ou malheureux pour la France. Monsieur l'Ambassadeur, transmettez ces paroles an sultan Selim; qu'il s'en souvienne toutes les fois que mes ennemis, qui sont aussi les siens, voudront arriver jusqu'à lui.. Il ne peut jamais rien avoir à craindre de moi; uni avec moi, il n'aura jamais à redouter la puissance d'aucun de ses ennemis.
Paris, 5 juin 1806
RÉPONSE DE L'EMPEREUR AUX AMBASSADEURS EXTRAORDINAIRES DE LEURS HAUTES PUISSANCES LES ÉTATS DE HOLLANDE.
Messieurs les Représentants du peuple Batave, j'ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma Couronne de protéger votre patrie.
Toutes les fois que j'ai dû intervenir dans vos affaires intérieures, j'ai d'abord été frappé des inconvénients attachés à la forme incertaine de votre gouvernement. Gouvernés par une assemblée populaire, elle eût été influencée par les intrigues et agitée par les puissances voisines; gouvernés par une magistrature élective, tous les renouvellements de cette magistrature eussent été des moments de crise pour l'Europe et le signal de nouvelles guerres maritimes. Tous ces inconvénients ne pouvaient être parés que par un gouvernement héréditaire. Je l'ai appelé dans votre patrie par mes conseils, lors de l'établissement de votre dernière constitution, et l'offre que vous faites de la couronne de Hollande au prince Louis est conforme aux vrais intérêts de votre patrie, aux miens, et propre à assurer le repos général de l'Europe. La France a été assez généreuse pour renoncer à tous les droits que les événements de la guerre lui avaient donnés sur vous,; mais je ne pouvais confier les places fortes qui couvrent ma frontière du nord à la garde d'une main infidèle ou même douteuse.
Messieurs les Représentants du peuple Batave, j'adhère au vœu de Leurs Hautes Puissances.
Je proclame Roi de Hollande le prince Louis.
Vous, Prince, régnez sur ces peuples. Leurs pères n'acquirent leur indépendance que par les secours constants de la France. Depuis, la Hollande fut l'alliée de l'Angleterre : elle fut conquise. Elle dut encore à la France son existence. Qu'elle vous doive donc des rois qui protègent ses libertés, ses lois et sa religion; mais ne cessez jamais d'être Français:
Là dignité de connétable de l'Empire sera possédée par vous et vos descendants. Elle vous retracera les devoirs que vous avez à remplir envers moi, et l'importance que j'attache à la garde des places fortes qui garnissent le nord de mes États et que je vous confie. Prince, entretenez parmi vos troupes cet esprit que je leur ai vu sur les champs de bataille. Entretenez dans vos nouveaux sujets des sentiments d'union et d'amour pour la France. Soyez l'effroi des méchants et le père des bons : c'est le caractère des grands rois.
Saint-Cloud, 5 juin 1806
MESSAGE AU SÉNAT
Sénateurs, nous chargeons notre cousin l'archichancelier de l'Empire de vous faire connaître qu'adhérant au vœu de Leurs Hautes Puissances nous avons proclamé le prince Louis-Napoléon, notre bien-aimé frère, roi de Hollande, pour ladite couronne être héréditaire en toute souveraineté, par ordre de primogéniture, dans sa descendance naturelle, légitime et masculine; notre intention étant en même temps que le roi de Hollande et ses descendants conservent la dignité de connétable de l'Empire.
Notre détermination, dans cette circonstance, nous a paru conforme aux intérêts de nos peuples. Sous le point de vue militaire la Hollande possédant toutes les places qui garantissent notre frontière du nord, il importait à la sûreté de nos États que la garde en fût confiée à des personnes sur l'attachement desquelles nous ne pussions concevoir aucun doute. Sous le point de vue commercial la Hollande étant située à l'embouchure des grandes rivières qui arrosent une partie considérable de notre territoire, il fallait qui nous eussions la garantie que le traité de commerce que nous conclurons avec elle fût fidèlement exécuté, afin de concilier les intérêts de nos manufactures et de notre commerce avec ceux du commerce de ces peuples. Enfin la Hollande est le premier intérêt politique de la France. Une magistrature élective aurait eu l'inconvénient de livrer fréquemment ce pays aux intrigues de nos ennemis, et chaque élection serait devenue le signal d'une guerre nouvelle.
Le prince Louis, n'étant animé d'aucune ambition personnelle, nous a donné une preuve de l'amour qu'il nous porte et de son estime pour les peuples de Hollande, en acceptant un trône qui lui impose de si grandes obligations.
L'archichancelier de l'empire d'Allemagne, électeur de Ratisbonne et primat de Germanie, nous ayant fait connaître que son intention était de se donner un coadjuteur, et que, d'accord avec ses ministres et les principaux membres de son chapitre, il avait pensé qu'il était du bien de la religion et de l'empire germanique qu'il nommât à cette place notre oncle et cousin le cardinal Fesch, notre grand aumônier et archevêque de Lyon, nous avons accepté ladite nomination au nom dudit cardinal. Si cette détermination de l'électeur archichancelier de l'empire germanique est utile à l'Allemagne, elle
n'est pas moins conforme à la politique de la France.
Ainsi le service de la patrie appelle loin de nous nos frères et nos enfants; mais le bonheur et les prospérités de nos peuples composent aussi nos plus chères affections.
Saint-Cloud, 5 juin 1806
MESSAGE AU SÉNAT
Sénateurs, les duchés de Bénévent et de Ponte-Corvo étaient un sujet de litige entre le roi de Naples et la cour de Rome; nous avons jugé convenable de mettre un terme à ces difficultés, en érigeant ces duchés en fiefs immédiats de notre empire. Nous avons saisi cette occasion de récompenser les services qui nous ont été rendus par notre grand chambellan et ministre des relations extérieures, Talleyrand, et par notre cousin le maréchal de l'Empire, Bernadotte. Nous n'entendons pas cependant, par ces dispositions, porter atteinte aux droits du roi de Naples et de la cour de Rome, notre intention étant de les indemniser l'un et l'autre. Par cette mesure, ces deux gouvernements, sans éprouver aucune perte, verront disparaître les causes de mésintelligence qui, en différents temps, ont compromis leur tranquillité, et qui, encore aujourd'hui , sont un sujet d'inquiétude pour l'un et pour l'autre de ces États et surtout pour le royaume de Naples, dans le territoire duquel ces deux principautés se trouvent enclavées.
Saint-Cloud, 5 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, expédiez aujourd'hui un courrier à la Haye pour informer mon ministre que le prince Louis est reconnu roi de Hollande, et pour le charger d'annoncer au Grand Pensionnaire que le Roi part vendredi de Paris, qu'il sera dans la semaine à la Haye; qu'il ait à faire disposer son palais pour le recevoir, et à donner des ordres pour que tout soit convenablement fait; qu'il voie aussi de quelle manière il doit être reçu.
Il faut que le général Michaud se rende à la Haye avec les généraux français, et y fasse venir un bataillon de grenadiers et une bonne partie du 20e régiment de chasseurs, afin que tout se fasse avec la pompe convenable.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, je désire que vous m'apportiez mercredi une note qui me fasse connaître l'état du travail de la colonne en bronze d'Austerlitz.
Le monument Desaix étant fini, je désire qu'on le fasse partir pour le placer au mont Saint-Bernard.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES
Présenter un projet de décret pour prescrire les formalités à prendre pour le payement des rentes viagères; désigner vingt notaires qui seront nommés par Sa Majesté. Il leur sera donné une rétribution. Ils seront tenus de faire connaître, tous les ans, les extinctions. On pourrait même assigner aux notaires les clients. Les rentiers qui sont en province traiteront par correspondance. Ne payer que sur un certificat d'un notaire. Autant de notaires que de lettres. Les signatures des notaires seront connues du grand-livre.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'approuve la sollicitude du premier inspecteur d'artillerie. Mon intention est que les propriétaires des départements du Rhin qui ont fourni des chevaux à l'armée soient récompensés. Je voulais les payer, mais je trouve préférable de leur donner des chevaux d'artillerie, au moment où l'armée rentrera, en remplacement de ceux qu'ils ont perdus.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 27 mai, de Palmanova. Il n'est pas vrai que les Russes aient 6,000 hommes aux bouches de Cattaro; ils n'en ont pas 3,000. Je ne comprends pas pourquoi le général Molitor dit, dans sa lettre du 18, qu'il a des conscrits nus; ils doivent avoir des vestes et des culottes. Quant à l'instruction, des conscrits qui ont deux mois de service se battent très-bien, mêlés avec de vieilles troupes. Il est dit, dans la même lettre, que l'ennemi a jeté 1,200 hommes dans la presqu'île de Sabioncello. Il s'est donc emparé de Raguse ? Cette nouvelle méritait d'être plus développée; mais elle a besoin d'être confirmée pour que j'y ajoute foi. Du reste, ces 1,200 hommes seront obligés de s'en aller du moment qu'on aura occupé Raguse. Je ne sais pas si le provéditeur que j'ai nommé est parti ou non. Il est bien important qu'il y ait en Dalmatie quelqu'un qui ait la confiance du pays; le général ne peut pas suffire à tout. J'imagine que vous avez fait filer tout le 8e d"infanterie légère sur Zara, comme je vous l'ai ordonné. Cela sera un renfort considérable au général Molitor. Je ne sais pas non plus si la Dalmatie est organisée militairement, comme je l'ai ordonné. Qui est-ce qui commande dans tous les arrondissements ? Témoignez au général Molitor mon mécontentement de la faiblesse qu'il a montrée à Spalatro. Il devait faire arrêter une douzaine des principaux habitants, et, si le bourg se révoltait, y mettre, le feu. Il doit réunir plus de troupes dans le midi de la Dalmatie, afin d'être à portée de soutenir le général Lauriston. Il n'y a besoin que de très-peu de forces à Zara, puisqu'il n'y a rien à craindre à présent de la part de l'Autriche.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, les mots sont tout. J'ai ordonné la levée d'une légion dalmate; vous pouvez faire assurer qu'elle n'est destinée qu'à défendre le pays; cela donnera de l'assurance aux habitants. Voici un décret pour la formation du camp de Dernis; vous verrez que mon intention est de réunir les conscrits et les dépôts dans ce camp; ils y seront en bon air, s'y porteront bien, et se formeront plus vite. Voici comment je conçois que le général Molitor pourrait distribuer ses troupes : il mettrait le 3e bataillon du 79e à Zara, un bataillon à Sebünico, et il concentrerait les autres à Macarsca, pour pouvoir aller au secours du général Lauriston, si cela était nécessaire. Si les dépôts du 5e et du 23e sont restés en Dalmatie, placez-les dans le camp de Dernis; l'artillerie de réserve de campagne sera également placée dans ce camp, de manière qu'il n'y aura qu'un bataillon brescian ou un autre bataillon italien à Cherso, un bataillon à Zara, un à Sebenico, et tout le reste disponible. Faites bien comprendre au général Molitor que, pour défendre les îles de Lesina et de Curzola avec succès, il faut être maître de la presqu'île de Sabioncello. Indépendamment de cela, ce général peut réunir les compagnies de grenadiers des corps qu'il laisse dans les villes, de manière qu'il ait toujours dans la main 4,000 hommes pour faire marcher au secours du général Lauriston qui, lui-même en ayant plus de 4,000, sera partout supérieur à l'ennemi.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 27 mai. Il serait bien important que vous pussiez enfin opérer votre descente en Sicile. La paix pourrait se faire d'un moment à l'autre, et l'incertitude de vos opérations y porterait du retard. Votre lettre ne me dit pas le nombre des bateaux que vous avez, et n'entre dans aucun développement, de sorte que je ne sais pas si votre expédition est prête ou éloignée. Il devient cependant très-nécessaire que j'aie des renseignements très-précis là-dessus. Comment comptez-vous embarquer vos troupes ? Dans quel port les placez-vous pour attendre le montent favorable ? Il faut que vous débarquiez 9,000 hommes de troupes à la fois avec dix pièces de canon, et trois cents coups à tirer par pièce, et avec quinze rations de biscuit et 900 cartouches par homme. Le maréchal Jourdan est beaucoup plus capable de commander des troupes dans l'intérieur que le maréchal Masséna, lequel, à son tour, est beaucoup plus capable de vous aider dans une expédition de Sicile. Pour un coup de main, le commandement de 9,000 hommes qui doivent débarquer les premiers en Sicile exige un homme ferme et ayant été dans de grands événements. Le général Verdier vaut peut-être mieux que Reynier; si vous ne mettez pas Masséna, mettez-les tous les deux.
Dans le métier de la guerre, comme dans les lettres, chacun a son genre. S'il y avait des attaques vives, prolongées et où il fallût payer de beaucoup d'audace, Masséna serait plus propre que Reynier. Pour garantir le royaume de toute descente pendant votre absence, Jourdan est préférable à Masséna. Il faut qu'au moment où l'expédition sera prête les attaques deviennent vives à Gaète, afin d'y attirer la plus grande quantité possible de vaisseaux anglais. Une fois la descente faite, je regarde le pays comme conquis. Voici ce qui arrivera : l'ennemi s'opposera au débarquement; s'il est forcé, il attaquera dans les trente-six heures; et, s'il est battu, alors les Anglais se retireront pour s'embarquer. Quoique le détroit ne soit que d'une ou deux lieues, les courants sont tels, dans ces parages, qu'il est impossible que, dans ces trente-six heures, les mêmes bâtiments ne puissent pas aller, revenir et retourner en Sicile. Il vous faut des bateaux, ensuite un port, et, ayant un port, quinze jours plus tôt ou quinze jours plus tard, vous aurez des bâtiments; car les spéronares, les felouques napolitaines, tout est bon pour le passage. Quel est le port que vous avez choisi ? Combien peut-il contenir de bâtiments de toute espèce ? Quels sont vos moyens de bâtiments ? Je désirerais beaucoup avoir mes idées fixées là-dessus. Toute opération qui tendrait à faire passer une avant-garde de 9 à 10,000 hommes serait une folie. Selon les renseignements que j'ai, il y a en Sicile près de 6,000 Anglais. En relisant avec attention votre lettre, j'y trouve des choses que je ne comprends point. Vous dites que le général Reynier, de l'autre côté, établirait une batterie vis-à-vis Pezzo, et qu'alors le reste de l'armée passerait. En ayant quelques chaloupes canonnières, cette batterie sera sans doute bientôt établie; mais encore il ne faudrait pas l'attendre. Dans cette hypothèse, les deux tiers de vos bâtiments ne doivent être chargés que de troupes, chaque homme ayant ses 50 cartouches et 50 en caisse distribuées aux compagnies, douze à quinze rations de biscuit et quelques rations d'eau-de-vie. L'autre tiers doit être chargé d'artillerie, de manière que, deux heures après le débarquement , les bateaux qui ne sont chargés que de troupes puissent retourner pour en prendre de nouvelles, sans faire attention s'il y a des batteries ou non et attendre qu'elles soient dressées. 9 à 10,000 hommes choisis valent autant que 20,000. Nécessairement, s'il n'y a que 6 ou 7,000 Anglais, ils sont indubitablement suffisants pour prendre la Sicile, non que je m'oppose à ce que 5 ou 6,000 hommes passent après. Il ne faut vous en rapporter à personne pour l'organisation de vos troupes de passage. Il faut composer vos 9,000 hommes de l'élite de 20,000 bien armés, divisés en trois divisions, chaque division commandée par un général de division et deux de brigade, tous hommes guerre et vigoureux. Chaque division doit avoir trois pièces d'artillerie et des officiers du génie. Mais avec cela, que le reste passe ou ne passe pas, on se trouve maître du pays. Je crois Masséna plus capable de commander ces trois divisions, dans ce cas donné, qu' aucun autre. Si vous aviez vraiment l'habitude de la guerre, je vous engagerais à passer avec ces trois divisions; mais il est plus convenable que vous restiez à Naples; c'est jouer trop gros jeu , et vous n'y seriez d'aucune utilité, car enfin votre présence n'accroîtra pas la force de ces divisions. Vous n'avez pas assez l'habitude de guerre pour que le mal qu'il y aurait à ce que vous soyez battu compensé par le bien que pourrait faire votre présence. Je crois que vous devez vous établir à Reggio pour diriger vous-même l'embarquement. Votre présence deviendra sans doute nécessaire après, mais ce sera dans l'intérieur de la Sicile, quand vos 9,000 hommes seront débarqués. Il est à penser que l'expédition ne sera pas plus forte. Lorsque votre personne sera nécessaire en Sicile, ce sera comme elle l'a été en Calabre, pour traiter les affaires politiques intérieures. Il faut aspirer au genre de gloire qui vous appartient, ne pas risquer de tout compromettre pour courir après un genre gloire qui n'est pas le vôtre. Quand vous aurez organisé l'expédition vous en aurez réellement toute la gloire, et un général, homme de guerre, fera mieux seul qu'avec vous. Si vous organisez l'expédition de Sicile comme devant y passer, et que, par des événements de mer, vous ne puissiez pas joindre votre avant-garde, cela peut vous exposer à des affronts. Je pense donc qu'il est plus convenable que l'expédition soit organisée de manière que vous ne deviez pas passer avec elle; qu'elle se fasse tout d'un coup par le débarquement de l'avant-garde, et que les 5 ou 6,000 hommes qui doivent renforcer ou alimenter cette avant-garde soient prêts à passer après. Vous n'êtes militaire que comme doit l'être un roi. Si vous vous chargez des détails de l'expédition, vous vous exposez à des choses très-désagréables, et sans raison. Si la Sicile était moins loin, et que je me trouvasse avec l'avant-garde, je passerais avec elle; mais mon expérience de la guerre ferait qu'avec ces 9,000 hommes je pourrais battre 30,000 Anglais. Si donc je courais des risques, ils seraient compensés par des avantages réels, et ces avantages donneraient tant de chances qu'il n'y aurait presque aucun danger à courir. Supposons que Masséna ou Reynier passe avec les 9,000 hommes : s'ils réussissent, bien; s'ils ne réussissent pas, ce n'est qu'un échec médiocre. Passez-y, vous, cela ne donnera aucune chance pour réussir, peut-être cela en diminuerait-il; et, venant à ne pas réussir, ce serait un échec très-considérable. Je désire que vous m'écriviez avec un peu plus de développement là-dessus.
Le jeune aide de camp que vous m'avez envoyé, et avec qui j'ai causé pour connaître. l'opinion de J'armée, m'a dit beaucoup d'extravagances.
L'expédition de Sicile est facile, puisqu'il n'y a qu'une lieue de trajet à faire; mais elle demande à être faite par un système, parce que le hasard ne fait rien réussir. Votre entrée en campagne a été si fautive, qu'il est probable que, si les Anglais et les Russes fussent restés, vous eussiez été battu. A la guerre, rien ne s'obtient que par calcul. Tout ce qui n'est pas profondément médité dans ses détails ne produit aucun résultat. Après la descente, il faut bien calculer la position que doivent occuper vos troupes, afin qu'aucun échec ne puisse porter coup, à mon armée à Naples. Je le répète : trente-six heures après que les 9,000 hommes seront débarqués, les Anglais seront culbutés; s'ils sont battus, ils se rembarqueront; et, comme la Cour elle-même les suivra, il ne paraît pas que la résistance puisse être bien longue.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au roi de Naples
Par tout ce qui me revient sur Gaète, il paraît que les Napolitains vous ont encloué quatre pièces de canon; qu'ils ont réussi dans leur sortie et vous ont tué beaucoup de Français; qu'il n'y a aucun ordre de service devant cette place, et qu'on fait la guerre comme des recrues. Je vous ai dit cent fois que vous deviez tenir quatre généraux de brigade devant Gaète, puisqu'il en faut toujours un qui passe vingt-quatre heures à la tranchée dans son manteau; que vous devez y avoir au moins 6,000 hommes. En vérité, je ne puis concevoir ce que vous faites de vos 40,000 hommes. Il vous faut à Gaète un général supérieur pour commander; vous avez des généraux, des maréchaux partout, excepté où il en faut. Depuis que le monde est monde, on n'a jamais relevé le service de la tranchée le jour. On n'a point d'état de situation de votre armée; je ne sais si vous avez fait ce que je vous ai dit relativement à Ancône et à Cività-Vecchia, de manière que je ne connais pas la situation de mon armée de Naples. Je désire cependant que vous ne démoralisiez pas mes troupes en les faisant battre par des Napolitains. La sortie de Gaète est un véritable échec, qui encourage les Napolitains et qui décourage mes soldats.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, vous avez dans le royaume de Naples 862 milliers de poudre, savoir : 300 milliers à Naples, 200 à Ancône, plus de 300 milliers à Capoue. C'est beaucoup plus qu'il ne vous faut pour tout ce que vous pouvez avoir à faire. Vous ne manquez donc pas de poudre. D'ailleurs, du moment que vous aurez des détachements de votre armée à Ancône et à Cività-Vecchia, vous pourrez en tirer d'Ancône. Vous avez soixante-huit pièces de canon de 24 en bronze, quarante-cinq de 16, et dix-neuf de 12, c'est-à-dire cent trente-pièces de canon de bronze de gros calibre, et quarante-six mortiers. Vous avez en pièces de fer dix-sept pièces de 36, cent quarante de 33, cent quatre de 24, cinquante et une de 18, et trente de 12, c'est-à-dire près de quatre cents pièces de canon en fer, indépendamment des pièces de 8, de 6, et de tout votre équipage de campagne. Vous avez des projectiles en nombre suffisant. Avec un peu d'activité et de savoir-faire, votre artillerie n'est donc pas dans une mauvaise situation. En tout, vous n'avez pas loin de mille bouches à feu; la France n'en a pas en tout plus de quinze mille; et vous savez la nuée de places fortes que nous avons.
Saint-Cloud, 6 juin 1806
Au roi de Hollande
J'ai vu les notes que vous m'avez remises. Les bâtiments du Texel tiennent aux opérations militaires, et il faudra voir la plan définitif qui aura lieu.
Il y aura un couronnement; il faut le remettre à un an.
Je vous autorise à emmener M. Fleury.
La formule du serment est celle-ci : "Je jure fidélité au Roi et obéissance à la constitution du royaume."
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au roi de Naples
Je ne puis vous envoyer aucun renfort. Je ne puis engorger toutes mes troupes à Naples. Je n'ai que très-peu de monde en Italie. La Dalmatie, l'Istrie et Cattaro m'occupent beaucoup de monde. Par votre état de situation, il résulte que vous avez 53,000 hommes, dont 8,000 aux hôpitaux, ce qui fait 45,000 hommes bien portants, présents sous les armes. C'est 15,000 de plus qu'il ne vous faut. Vous avez en abondance de tout. Vous n'êtes point si pauvre en poudre que vous croyez. Vous avez plus de canons de côtes et de siège qu'il ne vous en faut. Vous avez le double de généraux et d'état-major qu'il vous faut. Si, avec l'armée que vous avez, vous ne pouvez pas prendre la Sicile, Gaète, et maintenir Naples, vous ne le ferez pas davantage avec 1 00,000 hommes.
Je vais analyser l'état de situation que vous m'avez envoyé, en date du 29 mai. Qu'avez-vous besoin de deux compagnies d'artillerie à cheval à Naples, c'est-à-dire 120 hommes ? Quatre régiments d'infanterie à Naples sont beaucoup trop; deux suffisent, en y mettant, s'il le faut, un ou deux régiments de cavalerie de plus; la police des grandes villes se fait par la cavalerie, la surveillance des côtes de même. Votre cavalerie est employée de manière qu'elle ne vous sert de rien. Vous pouvez donc économiser très-bien à Naples 3,000 hommes d'infanterie. Un régiment d'infanterie de ligne à Portici est fort inutile; un à Capoue est fort inutile. A Portici, il suffit d'un régiment de cavalerie, lequel fera l'exercice du canon tout aussi bien que l'infanterie; à Capoue, un régiment de cavalerie est suffisant. Un régiment de cavalerie à Caserte est assez inutile. Le ler d'infanterie de ligne est inutile à Chieti. Deux régiments de cavalerie sont inutiles à Gravina et Matera : un suffit. Le 2e régiment italien est inutile à Pescara; le 5e est inutile à Molfetta. Enfin vous tenez 9,600 hommes depuis Tarente jusqu'à Pescara; il vous suffit d'en tenir 3,000, ce qui vous rendra 6,000 hommes disponibles. Si vous prétendez garder tous les points de votre royaume de Naples, ce ne sera point assez des forces de France. Dans votre état de situation, je vois que vos troupes ne sont point employées.
Pendant que je me battais en Moravie, à vingt lieues de Vienne, je ne tenais pas dans cette ville le nombre de troupes que vous avez à Naples; et qu'avez-vous à craindre à Naples, où il y a des forteresses ?
Voici comment je placerais vos troupes au moment de l'expédition de Sicile : 22e léger et 52e à Naples; 25e de chasseurs, 14e de chasseurs, 4e de chasseurs à Naples; ce qui ferait, pour cette ville, 4,000 hommes, dont plus de 1,200 à cheval. Ils seraient chargés de garder Portici. Deux régiments de dragons seraient joints à Naples pour garder la côte de Salerne.
Le 6e de ligne, le 10e, le 62e, le 10le et le 4e italien avec 800 chevaux, ce qui ferait, y compris l'artillerie et les sapeurs, plus de 9,000 hommes, seraient chargés de Gaète, en mettant une garnison à Capoue.
Le 14e léger, le 1er léger, le 23e léger, le ler de ligne, le 20e de ligne, le 29e de ligne, 42e et 102e, les Polonais, les Suisses, les Corses et quelques régiments de chasseurs et de dragons, seraient chargés de l'expédition de Sicile. Cela formerait 18,000 hommes, en y joignant le bataillon de grenadiers des deux régiments qui sont à Naples et ceux des quatre régiments italiens.
Pour surveiller depuis Pescara jusqu'à Manfredonia, 400 chevaux et le 2e régiment italien, et quatre pièces d'artillerie; cela pourrait former deux colonnes mobiles de plus de 600 hommes, qui se porteraient partout où il serait nécessaire.
Du côté de Tarente, trois régiments à cheval, ce qui ferait 1,200 hommes, et deux régiments italiens d'infanterie faisant plus de 4,000 hommes, qui pourraient former six colonnes mobiles de 600 hommes, infanterie et cavalerie, qui occuperaient toute la presqu'île d'Otrante et se porteraient sur tout le fond de la botte.
Songez que vous avez dans le royaume de Naples le fond de 60,000 hommes. D'ailleurs, je n'ai point fait encore l'appel des conscrits, et il n'est pas possible que les cadres se trouvent remplis avant le mois de décembre, et encore aurais-je besoin des 3e bataillons pour d'autres destinations. Vous avez une armée immense. Je fais cette répartition pour vous; car, si c'était moi, je ne laisserais que 400 hommes à Pescara et qu'un seul régiment dans la presqu'île d'Otrante.
Quant à la poudre, vous pouvez en tirer d'Ancône et Cività-Vecchia; vous en avez 430,000 kilogrammes, c'est-à-dire 860 milliers, indépendamment de 1,800,000 cartouches. Avec cela, vous ne pouvez pas manquer. Vous avez le seizième de tout ce que j'ai dans toute la France.
Enfin les forces de la reine de Naples en Sicile sont très-peu de chose, et les Anglais n'ont pas plus de 6,000 hommes. Quant aux Russes, ils n'ont pas 3,000 hommes à Corfou; il ne pensent pas à vous.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je vous ai demandé une note sur les forces de la Prusse. Les renseignements que vous me donnez dans les lettres de M. Laforest ne sont pas ce que je désire. J'ai besoin dé la situation générale de l'armée du roi de Prusse.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, des lettres que je reçois de Vienne, par un courrier extraordinaire, m'apportent l'avis que les Russes ont enfin rendu les bouches de Cattaro. Dans cet état de choses, je n'attends que la nouvelle du jour où elles auront été remises à mes troupes pour faire évacuer l'Allemagne par mon armée, et je rendrai la place de Braunau le jour où j'en recevrai l'avis. Écrivez au général Andréossy pour qu'il fasse connaître à Vienne qu'il peut être inutile d'envoyer des bataillons autrichiens à Cattaro, que j'ai donné l'ordre au général Lauriston d'en recevoir la possession avec huit bataillons, que la cour de Vienne peut y envoyer un commissaire autrichien, que cela épargnera un mouvement de troupes à l'Autriche, et que je ne demande pas mieux que de livrer Braunau et d'occuper Cattaro le plus tôt possible. Andréossy doit écrire dans ce sens à Lauriston, qui doit être actuellement à Raguse.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au général Mouton
J'ai reçu votre lettre du 31 mai. J'attendrai la revue de rigueur que vous allez passer de la légion du Midi , sous le point de vue du personnel, armement, habillement et comptabilité. Je donne ordre que les officiers du 26e qui sont au conseil militaire rejoignent sur-le-champ. J'ai accordé pour le chef de bataillon Lépine. Il sera difficile de faire venir la partie du 26e qui est à l'île d'Yeu , où elle est nécessaire. Il ne faut point rester sur une fausse confiance. Tenez les troupes en haleine. Vous ne m'apprenez pas qu'on ait fait l'exercice à feu, ni au canon sur un tonneau. Dites à Allemand de mettre un vieux bâtiment au milieu de la rade et de faire tirer dessus les canons de la rade et des batteries, soit bombes , soit canons, afin de les exercer.
Quand ce que vous avez à faire à l'île d'Aix sera fini, et que vous m'aurez fait vos observations, vous pourrez venir par Bordeaux, y rester cinq ou six jours. Ne vous en rapportez point à ce que vous diront le commissaire de police, le préfet, le maire, le général; vous verrez tout par vous-même en bourgeois. Vous visiterez Blaye, les bouches de la Gironde, la tour et les batteries qui la défendent. Vous visiterez les batteries de la côte jusqu'à Bayonne. Vous irez au port du Passage et visiterez la frégate qui est là. Après cela, vous visiterez en détail Bayonne et sa citadelle. A votre retour, vous irez voir les marais de Rochefort, la ville Napoléon, l'île de Normoutiers, parcourrez le Bocage, Nantes, et de là vous retournerez à Paris.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au général Junot
Je reçois vos lettres du 31 mai, dans lesquelles vous me rendez compte de la bonne situation du 3e léger. Vous savez que l'air de la citadelle de Parme est quelquefois malsain ; voyez donc à le caserner dans la ville, et à prendre des mesures pour que mes troupes ne tombent pas malades. Je n'entends pas raison; je m'en prendrai à vous si elles sont malades, puisque vous avez Plaisance, et même les montagnes, s'il le faut.
Vous avez demandé la permission de venir à Paris; je vous l'accorde. Laissez l'administration au préfet, et le commandement militaire à un général de brigade prudent et sage. Recommandez-1ui de bien vivre avec le préfet, et venez à Paris, où je serai bien aise de vous voir.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au roi de Bavière
M. de Cetto m'a remis la lettre de Votre Majesté, du 29 mai. Je lui ai fait connaître ce que je pensais qu'il fallait faire. Je m'en rapporte au compte qu'il lui en rendra; j'espère qu'elle en sera satisfaite. Elle ne doute pas que, dans toutes les circonstances, mon désir est de lui être utile et agréable. Assurée comme elle doit l'être de ce côté, elle doit prendre un langage clair et décidé, qui empèchera aucune puissance d'élever d'injustes prétentions.
Dans les négociations avec Berlin et l'Autriche, elle peut demander qu'elles se fassent à Paris, entre les ministres et sous mon intervention. Cela lui donnera toujours une situation favorable dans toutes les affaires.
Saint-Cloud, 7 juin 1806
DÉCISION
Le ministre des relations extérieures présente une note adressée par M. de Montgelas, ministre du roi de Bavière, au prince de Neufchâtel, pour protester contre le projet de la Prusse de ne céder qu'une partie du pays d'Anspach. | Renvoyé à M. Talleyrand, pour me faire un rapport sur ces embrouillaminis d'Anspach et me présenter un rapport pour en finir promptement. |
Saint-Cloud, 7 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Après ce qu'on m'écrit, je mets pour certain que l'escadre est partie probablement le 21 ou le 22 pour la Martinique; et, si la traversée n'est que d'un mois, comme je le pense, je la crois arrivée avant le 1er mai. J'espère qu'à l'heure qu'il est, s'ils ont pu faire des vivres, ils formeront une nouvelle croisière.
Conservez toutes les pièces qui tendent à confirmer si le Régulus a été dans l'Inde. Ce serait un bon parti qu'aurait pris là le capitaine Lhermite. Cette nouvelle acquiert toute probabilité, après ce que vous m'avez dit qu'il connaissait beaucoup l'Inde. J'ai toujours vu ceux qui y avaient été avoir un grand désir d'y retourner.
Saint-Cloud, 8 juin 1806
Au roi de Wurtemberg
Monsieur mon Frère, j'ai reçu les lettres de Votre Majesté; je m'empresse d'y répondre. Les armées françaises, pour retourner en France, ne peuvent passer que dans ses États ; mais cette charge que supportent ses sujets est une suite naturelle des circonstances. M'étant refusé à rendre les prisonniers autrichiens depuis les événements de Cattaro , ils ont dû rester où ils se trouvaient. Je ferai solder volontiers leur dépense. Je suis fâché que Votre Majesté ait pris si vivement des choses qui n'en valaient pas la peine. Votre Majesté, qui a tant de qualités que j'estime, porte quelquefois dans les affaires de détail une chaleur dont j'aurais, au reste , mauvaise grâce de me plaindre, puisqu'elle la porte aussi dans les circonstances importantes au service de ses amis. Toutefois, peu d'heures après avoir reçu sa lettre, j'ai appris la notification faite par l'ambassadeur de Russie pour la remise des bouches de Cattaro. Cela étant, tout va finir,
je m'en fais une véritable fête par le soulagement qu'en éprouveront mes alliés. Ayant tant souffert, je prie Votre Majesté, par amitié pour moi, de souffrir encore un peu.
Saint-Cloud, 9 juin 1806
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, l'armée ne pourra pas être à Paris avant le 15 août. C'est définitivement à cette époque que seront fixées le fêtes qui doivent être célébrées pour le retour de la Grande Armée.
Saint-Cloud, 9 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, les instructions du général Sebastiani se divisent en deux parties : l'une formée des renseignements sur la situation géographique et politique de l'empire ottoman, extraits de la correspondance du ministre : celle-là n'a pas besoin de m'être soumise; l'autre partie doit être l'instruction positive dont je vous envoie les bases.
1° Mon ambassadeur à Constantinople doit s'attacher, dans toutes les circonstances et par tous les moyens , à inspirer confiance et sécurité à la Porte ; à faire bien comprendre que je ne veux rien de l'empire de Constantinople ; que je veux, autant qu'il est en moi, en pacifier toutes les parties, réorganiser et rétablir, s'il est possible, ce formidable empire, qui, dans son état de faiblesse même, en impose à la Russie et la contient.
2° Le but constant de ma politique est de faire une triple alliance de moi, de la Porte et de la Perse, dirigée indirectement ou implicitement contre la Russie.
3° Je veux être traité comme la puissance la plus favorisée. Mais je veux regagner l'influence que j'ai perdue, par l'adresse , l'insinuation, la confiance, et non par l'arrogance, la force ou la menace. Mon ambassadeur doit plaire et inspirer de la confiance. Je jugerai qu'il aura inspiré de la confiance et rempli ses instructions toutes les fois qu'il sera instruit par la Porte des demandes de la Russie ou de l'Angleterre.
4° Je ne soutiendrai aucun rebelle à la Porte, ni aucun de mes anciens amis d'Égypte ou de Syrie, ni aucun Grec. Ma politique est une et simple : être intimement lié à la Porte.
5° Je veux être bien avec la Porte par la confiance, par l'amitié et par le sentiment; mais cela n'est pas suffisant : je veux que cette liaison apparaisse à la Russie, à l'Angleterre, à toute l'Europe; que tout ce qui est amitié ait de l'éclat; que tout ce qui est froideur et mécontentement soi tenu secret.
6° L'étude constante de mon ambassadeur doit être de jeter de la défaveur sur la Russie; il doit déprécier ses forces militaires, la bravoure de ses troupes, de toutes manières et constamment; vivre avec la légation russe froidement et sans beaucoup d'égards; la traiter plutôt avec hauteur qu'avec quelque complaisance. Quelles que soient d'ailleurs les relations de la France avec la Russie, la légation française à Constantinople doit toujours vivre froidement avec la légation russe. Au contraire, elle peut être bien avec l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre, lorsque la paix sera faite.
7° Le but de toutes les négociations doit être la fermeture du Bosphore aux Russes, et l'interdiction du passage de la Méditerranée dans la mer Noire à tous leurs bâtiments armés ou non armés (c'est une vaine simagrée que de fermer les sabords et de dire qu'un bâtiment est armé en flûte) ; de ne laisser naviguer aucun Grec sous pavillon russe; de fortifier et d'armer toutes les places contre la Russie; de soumettre les Géorgiens, et de faire reprendre à la Porte l'empire absolu sur la Moldavie et sur la Valachie.
8° Je ne veux point partager l'empire de Constantinople; voulût-on m'en offrir les trois quarts, je n'en veux point. Je veux raffermir et consolider ce grand empire, et m'en servir tel quel comme opposition à la Russie.
Saint-Cloud, 9 juin 1806
OBSERVATIONS SUR LES FORTIFICATIONS DE MAYENCE, DE CASSEL ET DE RUREMONDE
Il faut distinguer les travaux de Mayence et Cassel en deux classes: la première, de travaux urgents à faire cette année et l'année prochaine; la seconde, de ceux à faire graduellement chaque année.
Cassel pris, Mayence n'a plus que la moitié de son jeu. Il faut donc mettre Cassel en bon état de défense. On fera, pour cet objet, un fonds de 300,000 francs cette année, et un autre fonds pareil l'année prochaine pour l'achever entièrement.
Mais, quelque chose qu'on fasse, Cassel ne sera jamais qu'une petite place, et, pour que Mayence ait toute sa propriété, il faut être maître non-seulement du Rhin, mais encore du Mein. Il faut aussi, pour protéger le pont de Cassel , être le maître du Mein. On oblige alors l'ennemi qui veut faire le siège de Mayence à avoir trois ponts de communication, deux sur le Rhin et un sur le Mein.
Il faut être maître du Mein, de manière que l'ouvrage que l'on établira protège Cassel, et, au lieu de l'investissement d'une petite place comme est Cassel, oblige l'ennemi à un siège plus considérable. Il faut donc que Cassel ne puisse être investi du côté du Mein sans qu'on investisse en même temps le nouveau fort.
L'ennemi ne pourra pas s'établir entre Cassel et le nouveau fort. Le terrain entre deux pourra être occupé par des lignes de contre-attaque, qui n'exigeront ni audace ni grands travaux de la part de la garnison, puisque sa droite et sa gauche seront appuyées par deux forts.
On voudrait que, Cassel pris, le fort restât intact et eût sa communication immédiate avec Mayence, et que, le fort du Mein pris, il fallût encore prendre Cassel.
Enfin, pour compléter les fortifications de Mayence, il faudrait encore un fort vis-à-vis l'île de Saint-Pierre, de manière que la garnison puisse se porter sur l'autre rive par trois ponts, le pont actuel, celui du fort du Mein et celui de l'île de Saint-Pierre.
Le terrain ne doit pas être fort élevé au-dessus des eaux du Mein, puisque ce fleuve a passé autrefois près de Cassel. Il faudrait niveler, lever le terrain à 1,200 toises des forts, et faire des projets là-dessus. Peut-on se procurer des inondations par le Mein ? Cela aurait deux avantages : celui de rendre les trois forts inattaquables et de pouvoir économiser plusieurs dépenses de revêtements en maçonnerie. Pourrait-on changer le confluent du Mein, et alors construire sans épuisement ni batardeaux le pont éclusé sur le Mein, dans le nouveau lit qui lui serait préparé, comme on le fait à Alexandrie pour le pont sur la Bormida ? Pourrait-on se donner autour des forts un espace d'environ 100 toises de largeur, rempli par les eaux de l'inondation, et qui envelopperait les trois forts ? On aurait trois forts indépendants les uns des autres, ayant chacun leur communication séparée avec Mayence; on serait maître du Rhin et du Mein, et Mayence ne serait plus attaquable que sur la rive gauche.
Le côté de Monbach est défendu par un marais; l'attaque de Mayence se réduirait donc à l'attaque du fort Meusnier et du fort 51.
Strasbourg, Mayence et Wesel, voilà les places où on doit constamment travailler, sans dépenser davantage à des places de l'intérieur, ou à de petites places qui, en dernière analyse, ne sont que d'un intérêt secondaire. Il faut, avec dix ou douze millions, c'est- à-dire en quinze ou vingt ans, mettre Mayence en tel état qu'il n'y ait autre chose à faire qu'à le bloquer. Il faut donc que le premier inspecteur fasse lever et niveler les terrains autour de Cassel. Qu'on s'occupe cet été de rédiger un bon projet. S'il n'y a pas moyen d'inonder, le faible de Mayence sera toujours Cassel.
Le ministre est invité à faire un mémoire sur la situation actuelle de Ruremonde, et à rédiger un projet pour en faire une petite place, de 2 à 3,000 hommes de garnison, qui puisse flanquer la Belgique.
Saint-Cloud, 9 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Il est convenable que le contre-amiral Allemand se tienne en position de pouvoir appareiller à tout moment, parce qu'il serait possible que l'escadre du contre-amiral Willaumez ou le Régulus se présentassent pour entrer à Rochefort. Il faut donc que l'escadre de l'île d'Aix soit en mesure d'appareiller rapidement pour marcher à leur secours.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le général Duhesme se rend de l'armée de Naples à Cività-Vecchia, avec le 4e régiment italien et un régiment de dragons italiens. Mon intention est que ce général soit sous vos ordres et corresponde directement avec vous. Faites-lui passer, par un officier de votre état-major, mes ordres qui sont qu'il prenne possession de Cività-Vecchia, qu'il défende toute communication de cette place et de la côte avec les Anglais, qu'il arrête toutes les marchandises anglaises, qu'il arrête tous consuls et agents anglais et négociants de cet te nation, et qu'il ne souffre pas qu'aucun Anglais demeure sur toute la côte. Il fera arborer mon aigle impériale sur les tours et forts de Cività-Vecchia, en y laissant cependant les armes du Pape. Il vous enverra l'état, que vous me ferez passer, de l'artillerie et des bâtiments existants, et maintiendra tout en bon état. Il nourrira bien ses troupes et les entretiendra aux dépens du pays. Il n'aura aucune correspondance avec la cour de Rome, et ne fera aucune espèce de proclamation ni d'écrits publics. Il fera arrêter tout habitant du pays qui aurait des correspondances avec les Anglais, ainsi que tout individu qui leur aurait servi en qualité de vice-consul ou autre. Vous lui ferez connaître que son commandement s'étend à Ostie et aux frontières du royaume de Naples. S'il y a à Cività-Vecchia une grande quantité de poudre, il en enverra au siége de Gaète; il pourra aussi faire partir quelques pièces de canon pour aider au siége de cette place.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'approuve l'idée de former un camp dans la plaine de Montechiaro, propre à contenir douze bataillons; mon intention est que ce camp soit formé de petites baraques en briques on en pierres sèches, afin qu'il puisse durer longtemps et que toute l'armée puisse y passer trois mois, à tour de rôle, pour s'instruire. Un général commandera le camp et aura sa baraque au milieu. Cela ne laissera pas que d'être une dépense assez considérable; elle devra être supportée par le royaume d'Italie.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il n'est pas possible de songer à détruire l'université de Padoue. Trois universités ne sont pas d'ailleurs de trop pour le royaume d'Italie. Elles me paraissent seulement organisées avec trop de luxe. Mais je m'occupe d'un règlement général sur l'instruction publique en France, qui pourra être en grande partie applicable au royaume d'Italie. Je pense que vous devez maintenir l'université de Padoue, en n'y faisant aucune innovation.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, quand j'ai dit le trésor d'Italie, mon intention n'a pas été de désigner le ministère du trésor d'Italie, mais les moyens extra-ordinaires tirés de Venise et des provinces vénitiennes. Je ne conçois pas comment votre dépense a pu se monter pour quatre mois à 15,900,000 francs, c'est-à-dire à quatre millions par mois. Vous ne vous occupez pas assez de l'administration. Tout coûte trop cher. Il y a cependant des principes qui rendent les dépenses fixes. J'attends au reste l'état des dépenses des quatre premiers mois de l'année que doit envoyer l'ordonnateur; pressez pour que je le reçoive promptement avec la justification de chaque masse. Je doute que les dépenses de l'armée, si elles ont été surveillées et faites avec ordre, aient pu passer 2,500,000 francs par mois. L'ordonnateur demande toujours plus qu'il ne faut; il n'y a point assez d'ordre.
Saint-Cloud, 11 juin l806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, il est nécessaire de faire une réponse à la note du ministre de Russie, du 30 mars, que vous remettrez à l'ambassadeur de la Porte qui est ici. Il vous sera facile de démontrer que la Russie ne parle pas comme une puissance amie ou alliée, mais comme une puissance souveraine; que s'il est vrai qu'elle veuille si fort la conservation de l'empire ottoman, pourquoi ne cesse-t-elle pas de secourir les Serviens par des exhortations et de l'argent ? Et si son zèle pour les intérêts de la Porte est tel qu'elle fait un plan de campagne contre la France, qu'elle suppose vouloir attaquer la Porte, que n'envoie-t-elle un corps de 3 à 4,000 homme contre les Serviens ? Cette simple démonstration leur ferait voir qu'il n'ont rien à attendre des Russes et épargnerait beaucoup de sang. Mais la Russie ne prend pas elle-même la peine de masquer se intentions. Est-ce une simple intervention en faveur de paysans ? Mais ne sait-on pas que c'est un acte d'hostilité que de soutenir des sujets en révolte contre leur prince ? La Russie ne devrait-elle pas dire aux Serviens : Si vous êtes prêts à poser les armes, à livrer le chefs qui vous ont égarés, à rentrer dans l'ordre, je vous obtiendrait de la Porte l'oubli du passé ? Au lieu de cela, qu'ose offrir la Russie ? De proclamer l'indépendance de la Servie. C'est là justement le but de la révolte soufflée parmi les Serviens. C'est là le développement du grand plan médité depuis longtemps de pousser ainsi les Ottomans du côté de l'Asie. Si les Grecs de Servie obtenaient ce qu'ont obtenu la Moldavie et la Valachie, l'indépendance, la Moré et les autres parties de l'empire Turc, où il y a une si grande quantité de Grecs, aspireraient au même dessein, et par là, la chute immédiate de l'empire ottoman serait opérée. Ainsi donc la Russie, pou cacher les véritables actes d'hostilité qu'elle commet, a trouvé juste les propositions des Serviens. Encourageant leur révolte, elle ose demander, à la puissance qu'elle appelle son amie et son alliée, son déshonneur et le sacrifice de ses intérêts.
Le reste de la note du ministre de Russie relative à la Valachie prouve aussi bien le ton que prend la Russie envers la Porte. De quel droit la Russie se mêle-t-elle des affaires intérieures de la Valachie ? La Valachie appartient-elle à la Russie ou appartient-elle à la Porte ?
Quant aux prétendues notifications faites à l'Autriche, cela est si absurde qu'il n'y a point d'observation à faire.
Les Serviens et les ennemis de la Porte n'ont aucune intelligence avec la France; elle est trop prudente pour soutenir des rebelles. Si les Serviens s'adressaient à l'empereur des Français, il en instruirait la Porte et ne les écouterait qu'autant qu'ils poseraient les armes, qu'ils livreraient leurs chefs et rétabliraient les choses comme par le passé. Par cette conduite différente des deux puissances, la Porte peut juger où sont ses véritables amis. Faites enfin une note très-détaillée là-dessus, que vous enverrez à M. Ruffin pour qu'il la présente de son côté avec quelques variantes. Faites entrer dans cette note un résumé des nouvelles de Janina. Retracez la conduite des Russes envers les Turcs; appuyez sur les Grecs qui naviguent sous pavillon russe, ce que la France n'a jamais exigé pour elle.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je désire que vous portiez des plaintes très-sérieuses à M. de Lucchesini contre la Gazette de Bayreuth. Vous lui ferez voir l'article ci-joint que je vous envoie, et vous lui déclarerez que je regarderai désormais comme officiel tout ce qui sera imprimé dans cette gazette dans cet esprit. Cette conduite de la cour de Berlin est indécente. Écrivez-en à M. Laforest.
Saint-Cloud , 11 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 4 juin. Aussitôt que M. de la Rochefoucauld vous écrira que l'ordre d'évacuer les bouches de Cattaro est réellement parti, et que toutes les précautions sont prises à cet effet, de manière qu'il n'y ait plus de doute que la remise n'en soit faite à un jour fixe, vous pouvez donner l'ordre de laisser passer tous les prisonniers autrichiens, ce qui débarrassera d'autant l'Allemagne.
Les régiments qui ont le plus besoin de se refaire sont le 15e d'infanterie légère et le 58e de ligne. Donnez ordre que ces régiments rentrent en France, où ils se dirigeront sur les garnisons définitives qu'ils doivent occuper. Les bureaux de la guerre enverront leur route.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois l'état de l'ordonnateur. Cet état n'a pas de sens; ce n'est pas ainsi qu'on administre une armée. Selon l'ordonnateur, mon armée d'Italie aurait donc mangé 6,766,000 rations de pain pendant quatre mois, c'est-à-dire 56,000 rations par jour, sans comprendre l'Istrie et la Dalmatie.
Que l'ordonnateur me justifie cet emploi dans l'armée d'Italie. Vous savez très-bien que, y compris l'Istrie et la Dalmatie, je n'ai jamais eu plus de 40,000 hommes de troupes françaises en Italie, que le corps du général Marmont n'a jamais été au delà 14,000 hommes, ce qui ferait donc 54,000 hommes; mais j'ai toujours eu en Dalmatie 12,000 hommes, et en Istrie 5,000. On m'a donc fait payer pour 20,000 hommes de plus. Il faut faire faire le décompte, mois par mois et corps par corps, et mettre de 1'ordre dans l'administration de mon armée d'Italie. On y dilapide; c'est une vieille habitude qu'ont les garde-magasins d'Italie; il est temps enfin que cela finisse.
Quant à la viande, comment est-il possible qu'on ait dépensé 3,747,000 rations ? Il y a longtemps qu'ou ne donne plus de viande. Pour peu que vous réfléchissiez, vous verrez que cela conduira à un résultat absurde. Je dirai la même chose pour les légumes secs, sel, le vin, l'eau-de-vie. Qu'on me fasse le décompte des distributions, corps par corps et mois par mois.
Témoignez mon mécontentement à l'ordonnateur Joubert. Je suis volé de cinquante pour cent, et, dans beaucoup d'objets, de soixante et dix pour cent.
Qu'est-ce à dire que 1,371,000 rations de fourrage ? J'aurais dons eu 19,000 chevaux, sans comprendre les troupes d'Istrie et de Dalmatie ? cela est trop fort. Vous savez très-bien que je n'ai jamais eu plus de 7,000 chevaux. C'est donc encore une dilapidation très considérable. Puisque vous savez cela aussi bien que moi, ordonnez donc qu'on me fasse un décompte des rations, par régiments et par bataillons du train.
Les frais de bureau sont aussi exagérés : 118,000 francs pour quatre mois, cela ferait près de 400,000 francs pour l'année. Cette dépense serait aussi forte pour le royaume d'Italie que pour toute la France.
Les estafettes étaient établies avant le 1er janvier; il ne doit donc point y avoir une dépense de 49,500 francs pour les courriers.
Faites-moi connaître le nom des payeurs de l'Istrie et de la Dalmatie. J'ai ordonné qu'on vous envoyât un commissaire ordonnateur sûr. Annoncez bien que tout sera pesé avec scrupule aux conseils d'administration, et que tout ordonnateur qui aurait dilapidé ou laissé dilapider sera sévèrement puni.
Je désire que vous m'envoyiez l'état des dépenses du ministère de la guerre d'Italie, depuis le 1er janvier, masse par masse, selon le mode de comptabilité française. Si les dépenses sont appuyées sur les revues et sur la connaissance exacte du nombre d'hommes, comment se fait-il que, lorsque j'ai eu un si petit nombre d'hommes italiens, ils me coûtent autant d'argent ?
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le 17 mai, il n'y avait que huit petites pièces de canon dans les îles de Cherso et d'Osero, et point de poudre; cependant voilà quatre mois que je suis maître de ces îles. Cela marche bien lentement; on dort, ou ne prend point de mesures réelles. Il ne suffit pas de donner des ordres, il faut se faire obéir. Il faut envoyer des officiers d'artillerie suivre les envois. Il est cependant bien urgent d'armer les îles de Cherso et d'Osero. Le 8e d'infanterie légère a beaucoup d'hommes sans fusils; cela est bien honteux; ne perdez pas une heure à vous faire rendre compte de cet objet. Comment est-il possible qu'on ait ainsi, dans des postes avancés, des soldats sans fusils ? Les colonels, chefs de bataillon et capitaines sont bien coupables.
Il n'y a pas de canonniers en Dalmatie; envoyez-y une compagnie d'artillerie de mon royaume d'Italie et un capitaine d'artillerie. Vous n'avez point pris les mesures convenables. Envoyez un officier du génie pour réparer la forteresse de Maltempo dans l'île de Veglia.
Envoyez un conseiller d'État comme provéditeur chargé de l'administration générale en Istrie. Envoyez-en un autre pour inspecter l'administration des îles de Cherso, Veglia, Arbe; un autre dans le district de Zara, un autre dans le district de Sebenico, un dans le district de Spalatro, et enfin un dans le district de Macarsca, pour visiter toutes les îles en détail. Ces conseillers d'État se feront rendre compte, 1° de l'administration de la justice; 2° de l'administration des affaires ecclésiastiques et des domaines nationaux; 3° de l'administration des finances et des revenus; enfin du commerce et de la navigation. Ils visiteront toutes les villes, et ne reviendront que lorsque les mémoires qu'ils m'enverront seront bien complets, afin que je puisse donner une organisation à ce pays. Envoyez, avant tout, un provéditeur en Istrie. J'imagine que celui de Dalmatie est parti. Il serait bien inconvenable (sic) qu'il ne le fût pas encore.
Il faut enfin prendre des mesures pour administrer définitivement ce pays. Envoyez en Dalmatie un des principaux et des plus habiles juges de la cour de cassation de Milan , pour voir la manière dont marche la justice.
Faites-moi connaître si l'organisation militaire de la Dalmatie et de I'Istrie est en activité.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le courrier d'aujourd'hui me porte votre lettre du 6 juin. J'aurais désiré plus de détails. Faites copier les lettres que Lauriston vous écrit, et envoyez-les-moi toujours, car je ne saurais avoir assez de détails sur les affaires militaires. Il est bien nécessaire qu'on prenne des renseignements à l'état-major pour distinguer le personnel qui est sous les ordres du général Lauriston de ce qui est en Dalmatie. En infanterie, les 5e et 23e de ligne doivent y être tout entiers; ils doivent être entièrement armés et faire une force de près de 5,000 hommes. Encore une fois, je m'en prends à vous, si, par les différents renseignements que je reçois, j'apprends qu'il y ait en Dalmatie, en Istrie, dans le royaume d'Italie, dans le Frioul, des soldats qui ne soient pas armés. Indépendamment de ces deux régiments, il doit y avoir en Albanie une compagnie d'artillerie française et une d'artillerie italienne. Faites-y passer une nouvelle compagnie d'artillerie italienne complétée à 100 hommes. Envoyez-y un autre chef de bataillon d'artillerie pris parmi ceux qui sont en Italie, et deux capitaines d'artillerie.
Envoyez-y également un autre chef de bataillon du génie et deux autres capitaines du génie.
Vous comprenez bien pourquoi j'ordonne toutes ces dispositions; c'est pour prendre possession des bouches de Cattaro.
J'ai envoyé le général de division Barbou pour prendre le commandement des bouches de Cattaro. Je vous ai fait connaître qu'il serait sous les ordres du général Lauriston. Le 23e régiment prendra possession des bouches de Cattaro; un chef de bataillon et deux capitaines d'artillerie, un chef de bataillon et deux capitaines du génie, une compagnie d'artillerie française et une compagnie d'artillerie italienne, seront également employés aux bouches de Cattaro.
Je n'ai pas besoin de vous répéter que chaque compagnie d'artillerie doit être portée à 100 hommes.
Comme il y a trop de chasseurs en Dalmatie, envoyez-en un détachement aux bouches de Cattaro, surtout s'ils trouvent là des chevaux pour se monter. Pour mettre moins de retard, vous pouvez y envoyer la compagnie d'artillerie italienne qui est en Dalmatie, ainsi qu'une compagnie d'artillerie française qui est en Istrie. Vous ferez remplacer l'une et l'autre.
Donnez ordre à Ancône qu'on envoie dix milliers de poudre à Raguse; mais recommandez qu'on navigue de manière à éviter les croisières russes; il faut pour cela des marins pratiques.
Vous avez dans l'ancien Milanais des commandants d'armes inutiles : envoyez-en six, mais que ce soit des hommes encore vigoureux, au général Lauriston, qui les emploiera à Stagrio et dans les différentes places des bouches de Cattaro; cela n'accroîtra point la dépense. Il est très-inutile d'avoir des commandants d'armes francais à Crémone et autres places de cette nature; il n'en faut que dans les places de guerre. Au lieu d'envoyer le bataillon brescian à Cherso, dirigez-le sur Raguse, d'où il sera employé aux bouches de Cattaro.
Formez, des dépôts des quatre régiments de mon armée italienne, un bataillon que vous pourrez appeler 3e bataillon du 2e de ligne, que vous porterez à 1,000 hommes, et dirigez-le sur-le-champ sur Raguse, mon intention étant d'avoir aux bouches de Cattaro un régiment francais de quatre bataillons, un bataillon brescian et le 3e bataillon du 2e de ligne.
Levez des hommes en Italie pour compléter le bataillon brescian, de manière à y envoyer promptement 300 hommes de renfort pour le mettre au complet. Ces troupes réunies feront aux bouches de Cattaro un corps de plus de 4,000 hommes italiens et francais.
RÉSUMÉ. Le général Lauriston est gouverneur de l'Albanie et de Raguse. Il correspondra directement avec vous. Il aura sous lui le général Barbou, qui commandera les bouches de Cattaro, deux généraux de brigade, un adjudant commandant, un chef de bataillon d'artillerie et six capitaines d'artillerie francais et italiens, un chef de bataillon et quatre officiers du génie francais ou italiens, deux compagnies d'artillerie française qui seront toujours maintenues à 100 hommes chaque, ainsi que deux compagnies d'artillerie italienne, les 5e et 23e de ligne, que vous aurez soin de maintenir toujours avec le nombre de fusils nécessaire, le bataillon brescian, le 3e bataillon du 2e de ligne italien, 100 hommes tirés des régiment cavalerie qui sont en Dalmatie, un vieux commissaire des guerres de première classe, entendant bien l'administration, trois autres commissaires des guerres et deux adjoints.
Ordonnez au général Lauriston d'avoir les quatre aides de camp que la loi lui accorde. Envoyez-lui les auditeurs que j'avais laissés en Italie; ils lui serviront pour l'administration et pour les missions de confiance. Vous ferez partir pour Raguse un de vos aide camp, qui sera porteur de vos ordres et qui reviendra m'apporter la nouvelle de l'occupation des bouches de Cattaro.
Voyez à prendre des mesures pour compléter le bataillon dalmate qui est à Bergame.
Envoyez au général Lauriston quatre adjoints à l'état-major. Envoyez-lui aussi une compagnie de sapeurs italiens. Faites partir pour Raguse dix milliers de poudre pour Venise, en deux expéditions de cinq milliers chacune, des affûts et quatre pièces de gros calibres. Il faut se servir de bateaux tirant peu d'eau, pour pouvoir esquiver les croisières russes, et cependant assez forts pour ne pas craindre les chaloupes russes.
Les chasseurs d'Orient seront sous les ordres du général Lauriston. Comme il y a 18 officiers dans ce corps, il se formera en six compagnies, chacune de 100 hommes; elles se recruteront en Albanie; on peut ainsi avoir 600 hommes.
Dirigez sur l'Albanie un chef d'ouvriers avec 10 ouvriers, français ou italiens, munis de leurs outils.
Donnez ordre au général Lauriston d'armer à Raguse quelques bâtiments pour pouvoir servir dans l'intérieur des bouches de Cattaro.
Ordonnez au général Molitor de se concerter avec le général Lauriston pour reprendre l'île de Curzola. Les Russes ne tenteront pas de s'y maintenir, si l'on occupe l'extrémité de la presqu'île de Sabioncello.
Enfin il est nécessaire que vous leviez en Italie des conscrits que vous recrutiez vos dépôts. Faites que le plus tôt possible vos quatre régiments italiens soient au grand complet de guerre; aucun d'eux n'est à 2,000 hommes. Recrutez également votre artillerie; l'artillerie italienne va bien mal; vous ne recrutez aucun homme.
L'auditeur Abrial peut renvoyer sa femme à Paris, et lui, rendre se en Albanie, où il sera utile au général Lauriston pour les affaires de justice.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, les détails qui me reviennent sur l'affaire du 15 mai prouvent que l'on ne fait pas devant cette place l'ombre de service; que le général Lacour n'a pas la première idée de la conduite d'une place assiégée. Il n'y a pas d'exemple que l'on mette des Corses, c'est-à-dire des troupes neuves, à la tranchée. Mon intention est que vous les ôtiez de Gaète, et vous les envoyiez dans la Calabre, où ils seront plus utiles. On ne peut faire faire un siège par des troupes plus maladroites et moins propres que celles-là.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
DÉCISION
Le général Menou, commandant général des départements au delà des Alpes, fait connaître que le curé de la Spinetta a été mis en état d'arrestation pour avoir servi de receleur au brigand Maino; qu'un chanoine, frère de ce curé, est prévenu de complicité, et qu'un troisième ecclésiastique vient d'être arrêté pour avoir fait assaillir, blesser et dépouiller trois gendarmes. Le général demande s'il y a des formes particulières de procédure contre les ecclésiastiques. | Renvoyé au ministre de la police, pour que, sans aucun égard pour les prêtres, on porte au contraire dans la procédure plus de sévérité et de rapidité. Si le frère du curé est prévenu, quoique moine, il faut le faire arrêter. Le ministre écrira dans ce sens au général Menou. |
DÉCISION
François Hernandez et Gabriel de Madrid, religieux de Terre-Sainte, appellent l'attention de l'Empereur sur leur malheureuse situation. Ils supplient l'Empereur de protéger la religion catholique dans la Syrie et dans la Palestine, et de les faire réintégrer dans leurs anciens privilèges. | Renvoyé au ministre des relations extérieures, pour parler cela à l'ambassadeur de la Porte et lui recommander les religieux de Terre-Sainte. |
Saint-Cloud, 12 juin 1806
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre du 3 juin. J'aurais préféré qu'au lieu de laisser passer le cardinal Ruffo vous l'eussiez arrêté et envoyé à Paris. Dorénavant, si pareil cas se représentait, retenez l'individu et demandez-moi des ordres. J'apprends avec plaisir que vous avez mis un terme à la désertion du bataillon de la Tour d'Auvergne. Si le vice-consul d'Autriche à Sinigaglia donne asile aux déserteurs, faites faire des recherches chez lui.
Le général Lauriston est entré à Raguse; tâchez de lui envoyer dix milliers de poudre sur des barques légères, qui auront soin d'éviter les croisières russes. Envoyez au roi de Naples les Polonais et les Corses, s'il les demande. Ayez des postes à Pescara et des patrouilles qui parcourent sans cesse la côte. Il ne doit pas vous être difficile d'armer quelques barques légères pour croiser du côté de la Dalmatie et de l'Albanie, qui va m'être remise, et me rapporter des nouvelles.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
A M. Lebrun
J'ai vu avec peine votre lettre du 10 juin. Ma confiance en est toujours la même, rien ne peut l'altérer. Je n'ai eu lieu que d'être satisfait de votre mission à Gênes.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le général Marmont demande des sommes immenses pour sa solde; voilà 1,100,000 francs que le trésor d'Italie pour son armée; cela commence à me paraître fort extraordinaire. Chargez un inspecteur aux revues de la Grande Armée de se rendre à Udine, d'inspecter en détail la comptabilité de chaque corps et de bien établir ce qu'ils ont touché depuis le 1er vendémiaire en Italie, en Allemagne, et ce qui leur revient. Faites faire par le payeur général l'extrait de tout ce que ce corps a dû toucher.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
DÉCISION
Les habitants de la commune de Marly prient l'Empereur de donner des ordres pour que l'on ne continue pas les démolitions déjà commencées dans le domaine de Marly. | Renvoyé au ministre de la police, pour faire suspendre ces démolitions, contraires au vœu des habitants. Cet acquéreur a assez gagné, sans pousser plus loin le scandale de démolir pour avoir des pierres. |
Saint-Cloud, 13 juin.1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous ai déjà ordonné de prendre des mesures pour que les Bignani versassent au trésor les 8 ou 900,000 francs qu'ils ont dans les mains; faites-leur intimer cet ordre par le grand juge, et faites donner quittance par le payeur de l'armée. C'est une faiblesse impardonnable que d'en agir autrement. Les bons viendront lorsque l'argent sera versé. Le général Marmont dépense prodigieusement pour sa solde; cela commence à devenir extraordinaire. J'ai ordonné qu'on fit une vérification scrupuleuse de cette comptabilité. Toutes vos évaluations de dépenses sont exagérées de trente pour cent: 2,300,000 francs sont portés pour votre solde; il ne faut pas plus de 1,600,000 francs. Tâchez de rendre au payeur les 300,000 francs qu'il a avancés pour le corps du général Marmont. Vous pouvez les affecter sur le produit des mines d'Idria. Il ne faut point, si cela est possible, qu'ils figurent dans les 2,500,000 francs du mois de mai, parce que ces fonds ont leur destination pour les dépenses de ce mois-là, et que cela embrouillerait notre comptabilité à Paris.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
A la princesse Élisa
Ma Sœur, puisque l'archevêque de Lucques ne finit pas, faites-lui connaître qu'au moindre manquement dont il se rendra coupable vous le chasserez du pays et le renverrez à Rome; et ne manquez pas de le faire. Défendez-lui d'avoir aucune communication avec la cour de Rome, et prenez des mesures pour qu'aucune correspondance adressée de Rome à l'archevêque ou à son clergé n'arrive dans le pays sans que vous l'ayez lue. Ordonnez que le bref du Pape ne pourra être lu nulle part sans une permission émanée de votre Conseil d'État, conformément à ce qui se pratique en France et dans tous les pays. Enfin, si cela était nécessaire, il faut faire venir un bataillon français, faire arrêter le premier séditieux, et faire des exemples.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, j'ai reçu votre lettre du 4 juin. Vous me dites que vous avez envoyé en France des commissaires des guerres qui ont commis des dilapidations à Cosenza et à Civitella. Vous auriez bien pu les faire arrêter. Ce n'est pas avec cette mollesse qu'on gouverne. Envoyez-moi leurs noms, afin que je les fasse arrêter avant qu'ils passent les Alpes.
Envoyez-moi aussi les noms des officiers corses qui étaient service des Anglais. Vous me dites qu'ils ont quitté la Corse depuis peu; ils sont donc coupables de rébellion. Dans ce cas, faites-les arrêter et envoyez-les à Fenestrelle. Écrivez-en au prince Eugène, au général Junot à Parme, et au général Menou à Turin. Il serait extraordinaire que mes sujets eussent le droit de prendre du service chez mes ennemis et en fussent quittes pour y renoncer lorsqu'il leur plaira.
Il ne suffit pas de faire des plaintes contre le général Lechi, il faudrait savoir quelle espèce de plaintes. La reine de Naples se plaignait aussi beaucoup de lui sans raison.
Dans tous les actes de votre administration qui me reviennent, il y a trop de mollesse; il faut plus de vigueur que cela.
La proclamation que les Anglais envoient aux noirs est toute simple; ce n'était pas devant Gaète qu'il fallait mettre les noirs.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
A M. Champagny
Témoignez mon mécontentement au préfet de Rouen. Il a montré beaucoup trop de faiblesse dans la scène qui a eu lieu au théâtre le 30 mai. Écrivez-lui qu'il fasse assembler sa compagnie de réserve et donne aux soldats le courage militaire. On ne doit pas lever la main sur eux. Si c'eût été un vieux corps, je l'aurais licencié. Il n'appartient pas à une vingtaine de polissons d'insulter les soldats. Qu'on fasse arrêter sur-le-camp dix des principaux coupables.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, on me remettait jadis un extrait de la correspondance des généraux, qui me tenait au courant de tout ce qui se passait; aujourd'hui on ne me remet plus rien, de sorte que je ne sais pas même si j'ai une armée de Naples. Cependant le roi de Naples m'informe qu'on rend de son armée des comptes très-précis au ministre de la guerre.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Beaucoup de renseignements qui me parviennent d'Angleterre me font penser que les Anglais ont le projet d'attaquer la Martinique. Ce qu'ils apprendront dans le mois prochain et dans le mois d'août sera pour eux une nouvelle raison; il est donc urgent de s'occuper des moyens de faire passer des secours à cette colonie. La prise de la Martinique serait le plus grand échec que nous pussions recevoir dans le moment actuel. Nous pouvons secourir la Martinique de deux manières : secours direct et secours par diversion. Une diversion ne peut être faite que par les escadres de Rochefort et de Brest. Nous n'avons aucun renseignement sur le Brésil, et tout nous porte à penser que ce serait une forte expédition. Au mois d'octobre, on pourrait y faire transporter 500 hommes par les deux frégates de Cherbourg, la Vénus et le Département-de-la-Manche.Mais ce qui me paraîtrait important serait de faire partir 5 ou 600 hommes pour cette colonie, au plus tard à la fin d'août, en les faisant arriver avant l'expédition anglaise, qui probablement partira pour cette époque, si elle doit partir. La frégate la Comète et le brick l'Oreste, qui sont au Passage, pourront être destinés à cela. Il faut faire réparer la Comète au Passage, sans la faire venir à Rochefort.
Il faudrait aussi tâcher, s'il était possible, de faire sortir de Cad et de Brest des bâtiments portant quelques centaines d'hommes. Les détachements seraient fournis à Cadix par les garnisons des vaisseaux. Il me semble qu'une expédition qui part de Cadix se trouve déjà avoir fait quinze jours de chemin. Je ne pense pas que les Anglais bloquent ce port avec assez de rigidité pour que quelques bâtiments ne puissent pas en sortir.
Vous sentez toute l'importance de secourir la Martinique. Faite moi un rapport sur les moyens d'arriver à ce but.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Envoyez-moi une note qui me fasse connaître ce que c'est qu'une pirogue, qu'une caïque, qu'une djerme, une demi-gabare, un trabacco, une canonnière, une obusière et une anson vénitienne, en les comparant à des bâtiments de la flottille et autres bâtiments de marine que je connaisse.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je n'ai aucun détail sur votre tournée en Istrie, à Palmanova, sur les bords de l'Isonzo. Je ne reçois pas non plus les mémoires de vos aides de camp sur la Dalmatie, de manière que je ne sais pas ce que c'est que Zara, Knin, Spalatro. Ils dorment donc, ou ils n'ont rien vu; car je n'ai vu aucun rapport. Cependant vous en avez un qui est officier du génie, et l'autre d'artillerie.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il faut laisser entier le corps du général Marmont, qui est rassemblé pour pouvoir agir, en cas d'événement, sur tous les points. Il paraît que vous avez donné l'ordre d'envoyer le 18e en Dalmatie, parce que Meneval s'était trompé en vous écrivant; mais il vous a, le lendemain , écrit que c'était le 8e d'infanterie légère. Ma lettre du 3 vous aura fait connaître que je ne veux envoyer en Dalmatie que le bataillon brescian ou un autre bataillon de troupes italiennes. Vous verrez, par l'ordre que j'ai donné, que j'ai fait des dispositions inverses des vôtres; je mets les bataillons de dépôt au camp, parce qu'ils doivent être exercés, et qu'il faut que toute l'administration y soit réunie.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Envoyez le capitaine Daugier à Venise, au vice-roi, et chargez-le de voir le nombre de petits bateaux qu'on pourrait expédier côte à côte par Ancône et Otrante, pour contribuer à l'expédition de Sicile.
Vous ordonnerez à ce capitaine, après qu'il aura vu Venise en grand détail, d'aller voir les ports d'Istrie et de Dalmatie. Il vous écrira.
Il me semble utile qu'une personne que j'ai sous la main à Paris puisse me donner, lorsqu'il en sera besoin, des renseignements sur un théâtre qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, sera l'objet des calculs militaires.
Vous chargerez aussi le capitaine Daugier de tout ce qui est relatif à la sortie du port de Venise des vaisseaux de 74, avec chameaux e de toute autre manière.
Saint-Cloud, 15 juin 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES
Sa Majesté désire que S. Exc. le ministre des cultes écrive au général Menou et à l'archevêque de Turin qu'ils ont agi irrégulièrement en faisant faire le jeudi la procession de la Fête-dieu. Cette fête, n'étant point conservée par le concordat, devait être remise au dimanche.
Saint-Cloud, 15 juin 1806
DÉCISION
Le ministre de la guerre fait un rapport relatif à des armes et pièces d'armes qui encombrent l'arsenal de Douai. Le ministre propose d'en faire la remise à l'administration des domaines, pour être vendues et le produit en être versé à la caisse d'amortissement. | Il y a toujours beaucoup d'inconvénients à ces ventes. Il faudrait faire faire l'inventaire de tout ce qu'il y a à vendre, en constater l'état, et soumettre à mon approbation l'inventaire. S'il y a des fusils de chasse, pourquoi les vendre ? Il peut y avoir des temps où peut-être ils deviendraient utiles |