1 - 15 mars 1806
Paris, 16 mars 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je désire que vous vous assuriez, sans délai et sans recourir à l'intermédiaire de votre bureau des vivres, ni à celui des commissaires des guerres, si les magasins des vivres du munitionnaire général de l'armée de terre contiennent réellement les froments et les seigles portés sur les états e certifiés par les commissaires des guerres.
Vous ferez faire cette vérification dans cinq ou six divisions à votre choix, et vous m'en ferez un rapport.
Paris, 16 mars 1806
Au vie-amiral Decrès
Deux frégates anglaises croisent entre Venise et la Dalmatie, et ne laissent pas, surtout dans ces premiers moments, de me nuire. Je désirerais que le Borée et l'Annibal, trois frégates et deux on trois bricks partissent de Toulon, reconnussent l'île d'Elbe, se présentassent devant Naples et servissent à l'expédition de Sicile, si cela est possible. Si des forces supérieures étaient dans ces parages, elles continueraient leur route en doublant le cap Bon, entreraient dans l'Adriatique, s'empareraient des deux frégates anglaises, laisseraient en Dalmatie les trois bricks et deux frégates, et, à leur volonté, opéreraient leur retour. Tous les bâtiments siciliens, russes et suédois seraient de bonne prise. Il faudrait un homme intelligent pour commander cette division. Il me semble que surtout il faudrait avoir des bâtiments bons marcheurs. Je suppose que l'Annibal, qui sort du bassin, marche bien. Si l'on s'apercevait, à la hauteur de l'île d'Elbe, qu'il marchât mal, on le renverrait. Présentez-moi, demain à une heure après midi, une note sur cette expédition.
Paris, 16 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 10 mars. J'approuve beaucoup la mesure d'envoyer une partie des approvisionnements de siège en Istrie et en Dalmatie ; mais il faut prendre des précautions pour n'être point volé ; je m'en remets là-dessus à votre activité et à votre amour de l'ordre. Il faut des états en règle. Le commissaire ordonnateur Joubert a une bonne réputation; cependant portez-y toute votre attention.
Ne croyez point que ce soit une chose facile de donner vingt-deux pieds d'eau à chacune des passes de Venise. Les travaux dans l'eau sont extrêmement coûteux et d'une réussite ordinairement très-incertaine. Toutefois, ces travaux seraient très-utiles; mais, avant de les entreprendre, il faut y bien penser. On a ainsi jeté à Gènes plusieurs centaines de mille écus dans l'eau , sans rien faire.
Je ne puis avoir aucun égard aux réclamations des gouvernements provisoires autorisés par le maréchal Masséna, car il est évident qu'ils ont dilapidé tous ces fonds.
Comme les lettres de change que tirera le prince Joseph, pour la solde arriérée, sur les 2,700,000 francs qui sont à Milan provenant du maréchal Masséna, seront d'une longue échéance, vous pouvez vous aider d'une partie de cette somme. Toutefois, le général Solignac a promis de se rendre à Naples et de faire rentrer cinq millions; ce sera une nouvelle ressource.
Paris, 16 mars 1806
Au prince Murat
Je vous ai fait connaître que vous devez prendre possession tout le duché de Clèves. Je ne sais si je vous ai parlé aussi de la place d'Emerich. Aussitôt que vous aurez pris possession de cette place et de celle de Wesel, écrivez au directeur de Mayence de vous envoyer un officier du génie pour les visiter, et envoyez-moi un mémoire avec des observations sur ces deux places.
Il serait possible que la Prusse se réservât, dans le duché de Clèves, les impositions arriérées. Écrivez au général Beaumont que, dans le procès-verbal de prise de possession, il n'admette cette clause qu'en compensation avec les revenus arriérés du Hanovre.
Paris, 17 mars 1806
DÉCISIONS DICTÉES FN CONSEIL D'ADMINISTRATION.
Le Ministre de l'intérieur fait un rapport sur les différentes mesures ordonnées pour la construction de la ville Napoléon, sur les fonds affectés à la dépense et sur l'état actuel des travaux et des approvisionnements.
Le ministre directeur de l'administration de la guerre fait un rapport sur les mêmes objets, pour tout ce qui concerne le casernement et les divers établissements militaires.
Sa Majesté, après avoir entendu ces rapports, prescrit les dispositions suivantes :
Il sera nommé un ingénieur des ponts et chaussées, chargé de toutes les constructions à faire à Napoléon , soit pour les établissements militaires, soit pour les établissements civils de tous genres. Ces travaux seront faits au moyen des fonds spéciaux, sous la direction de M. Cretet et sous la surveillance du préfet. M. Cretet fera, dans la huitaine, des rapports, et présentera des projets de décrets, 1° pour mettre à la disposition de l'ingénieur les bois nécessaires, soit à la construction en bois, soit à la fabrication des briques; il fera, sous le rapport de la dépense et du temps, la comparaison de la construction en pierre, de la construction en bois, de la construction en brique, ou de tout autre moyen mixte; 2° pour que, cette année, l'auberge, la préfecture et la caserne soient bâties; on n'entend pas que l'on suive, pour la construction de la caserne, les vues du génie militaire, et l'on désire qu'il ne soit pas travaillé à l'établissement définitif, si l'on juge qu'il soit praticable, comme on ne peut guère en douter, de construire en bois un îlot de maisons pour loger provisoirement deux ou trois bataillons.
En général, on doit avoir pour règle de sacrifier tout à la célérité, même dans la construction permanente de la préfecture. On a de la peine à penser que la pierre de taille soit d'une nécessité absolue dans un pays où l'abondance du moellon est avouée.
Sa Majesté, en terminant ce qui concerne la ville Napoléon, invite le ministre de l'intérieur à lui présenter, mercredi prochain , un rapport sur l'état actuel des constructions de Pontivy.
Paris, 17 mars 1806
DÉCISIONS DICTÉES EN CONSEIL D'ADMINISTRATION
Ce conseil a pour objet l'examen des mesures à prendre pour améliorer la navigation de la Seine dans l'intérieur de Paris.
La première question mise en discussion est celle de la destruction ou de la conservation de la pompe Notre-Dame et de celle de la Samaritaine, considérées, la première, comme rendant difficile la navigation descendante et faisant obstacle à la navigation ascendante; la seconde, comme présentant des inconvénients qui sont moindres, et auxquels on ne devrait s'arrêter que si on reconnaissait que cette machine est inutile au service de la ville de Paris.
Sa Majesté, avant d'arrêter son opinion à cet égard, charge le ministre de lui faire un rapport sur les questions suivantes :
1° Quelle est la quantité d'eau que fournissent les pompes à vapeur, qui sont annoncées comme pouvant satisfaire en même temps au service dont elles sont actuellement chargées et à celui que font les machines établies sur la rivière ? Quel est le maximum de la quantité d'eau que ces pompes peuvent fournir, et quelle sera la dépense calculée d'après les prix de l'an XIII ?
2° Quelle est la quantité d'eau produite par la pompe du pont Notre-Dame et par la Samaritaine ? Quelle est la dépense d'entretien, réparations, canaux, garde, etc. ?
3° Si ces usines embarrassent la navigation, quelle est la perte qui en résulte, en temps ou en argent, pour la remonte d'un bateau chargé et pour celle d'un bateau vide ?
4° Quel est le produit en argent de rétablissement des eaux de Chaillot ou des pompes à vapeur, en distinguant ce que valent les abonnements ou les services d'eau aliénés, et ce qu'on retire du droit payé aux fontaines publiques par les porteurs d'eau qui s'y approvisionnent dans des tonneaux ?
5° Quel est le produit des machines du pont Notre-Dame et de la Samaritaine, en distinguant les intérêts des capitaux versés par les particuliers pour avoir des eaux dans leurs maisons et la rétribution qui se paye aux fontaines publiques ?
6° Combien y a-t-il de fontaines alimentées par la machine du pont Notre-Dame et de la Samaritaine, par les pompes à vapeur, par les eaux d'Arcueil et par les autres moyens qui peuvent exister, dans Paris ?
7° Quels sont les obstacles qui s'opposent à ce que toutes les fontaines alimentées, soit par le pont Notre-Dame, soit par la Samaritaine, soit par les pompes à vapeur, soit par les eaux d'Arcueil, etc., coulent sans interruption jour et nuit ?
8° Que faut-il faire pour parvenir à ce but, et quelles seraient les pertes qui en résulteraient pour la commune? Et ne pourrait-on en trouver le dédommagement dans la conservation des abonnements particuliers et dans la rétribution à laquelle les porteurs d'eau en tonneau peuvent être justement réunis, puisqu'ils profitent des dépenses faites pour rapprocher d'eux les eaux qu'ils distribuent aux consommateurs ?
9° Enfin, en supposant que toutes les eaux actuelles soient conservées, et que les pompes à vapeur produisent leur maximum, quel serait le nombre de fontaines versant de l'eau jour et nuit que l'on pourrait répartir dans les différents quartiers de Paris ?
Ce n'est qu'après avoir réuni toutes ces données qu'on pourra décider s'il est prudent et convenable de supprimer un des agents quelconques qui fournissent de l'eau à Paris, en quelque quantité que ce soit.
Le ministre de l'intérieur est invité à présenter son rapport dans la huitaine.
Le ministre de l'intérieur présente à Sa Majesté les renseignements qu'il a recueillis sur la valeur des maisons qui couvrent le pont Saint-Michel et les bords de la rivière, aux rues Saint-Louis, de Hurepoix et de la Huchette.
Sa Majesté désire qu'on recueille, comme élément indispensable d'une juste appréciation, des renseignements sur les titres originaires de propriété des possesseurs actuels de ces maisons.
Paris, 17 mars 1806
A M. Berlier, conseiller d'État, président du conseil des prises
Monsieur Berlier, je suis instruit qu'il y a un grand nombre d'individus arrêtés, dans les prisons de Bruxelles, et qu'ils y manquent des choses nécessaires. Mon intention est que vous partiez sans délai pour vous rendre dans cette ville, que vous confériez avec mon procureur impérial et le président de la cour criminelle, et avec le préfet, que vous interrogiez chaque individu arrêté l'un après l'autre, et que vous me fassiez connaître quelle est la cause d'un si grand nombre de prisonniers et pourquoi la justice ne les juge pas. Vous connaissez toute ma sollicitude pour que les criminels soient sévèrement punis, mais aussi pour qu'aucun innocent ne souffre. Vous réglerez votre conduite selon ces principes.
Paris, 17 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous envoie des lettres par lesquelles il paraît qu'il serait possible de saisir l'argent des Russes à Venise; ces fonds étaient destinés à solder les dépenses de Corfou. Faites en sorte de mettre la main dessus. Le moindre indice doit suffire pour prendre des mesures extraordinaires.
Paris, le 17 mars 1806
A M. Bigot de Préameneu
Monsieur Bigot Préameneu, M. Locré vous remettra quinze mille francs en forme de gratification. Je désire que vous y voyiez un témoignage de ma satisfaction pour les services que vous avez rendus à l’État dans le courant de l’année dernière.
Sur ce je prie Dieu qu’il vous ait en Sa Sainte garde.
(Publié sur www.napoleonica.org)
Paris, 18 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous envoie une lettre du général Solignac. Faites-moi connaître ce que vous en pensez.
je vous ai demandé un rapport sur les mines d'Idria.
(Mémoires du prince Eugène)
Paris, 18 mars 1806
A M. Talleyrand
Monsieur de Talleyrand , vous ferez venir dans la journée M. de Vincent, et vous lui porterez plainte sur ce que l'on a refusé le passage au 8e régiment d'infanterie légère pour aller prendre possession de la Dalmatie, avec des formes extrêmement malhonnêtes, quoique ce corps fait partie de la division qui doit occuper la Dalmatie et qu'aucun article du traité ne me restreigne à n'y envoyer qu'un tel ou tel nombre de troupes. Vous lui déclarerez que nos troupes n'évacueront pas Braunau ni l'Allemagne, 1° avant que je sache si les bouches de Cattaro ont été remises à mes troupes, 2° si l'on ne convient pas que je puis avoir une communication libre par terre avec la Dalmatie. Il est ridicule de croire que, pour le blocus de trois ou quatre frégates anglaises, je laisserai égorger en Dalmatie un corps de 10,000 hommes par les Russes ou les Monténégrins. Je préfère la guerre et je la ferai, si l'on me continue cette misérable querelle. En un mot, je veux, et c'est le mot que vous emploierez, une route d'étapes pour mes troupes pour aller et venir, sans quoi je n'ai point de troupes en Dalmatie et elles sont exposées à y être égorgées. Je ne sais si je dois reconnaître dans cette affaire l'influence du retour de M. de Thugut. Vous direz à M. de Vincent que je ne le recevrai que lorsque je saurai si la cour de Vienne veut ou non discuter le traité. Envoyez un courrier à M. de la Rochefoucault pour porter les mêmes plaintes à Vienne; qu'il fasse connaître que je ne veux point recevoir M. de Vincent, et que, si l'on me refuse le passage en Dalmatie par journées d'étapes, il quittera Vienne et que je ferai la guerre, parce que c'est ne point exécuter le traité et ne me point donner la Dalmatie que de m'empêcher d'y communiquer; que ce n'est point que je veuille y envoyer une armée, mais je veux pouvoir y faire passer mes conscrits, mais semestriers, les hommes isolés des corps, enfin tout ce qui est relatif au mouvement d'une armée, par journées d'étapes. Je consentirai, comme cela avait été fait pour Venise, à ne faire passer qu'un certain nombre de troupes à la fois et à prévenir d'avance.
Paris, 18 mars 1806
Au prince Eugène
Mon fils, la cour de Vienne ne peut me refuser le passage de mes troupes à travers son territoire pour communiquer avec la Dalmatie. Soutenez que la République de Venise l’avait, et faites prévenir le général autrichien qui commande dans cette partie du passage de cinq cents hommes, en disant que ce sont des conscrits et des hommes isolés des corps qui sont en Dalmatie, qui vont les rejoindre. Vous attendrez sa réponse; je ne doute point qu’il ne défère sur-le-champ à votre demande. Du moment qu’il vous aura répondu, faites suivre vos premiers cinq cents hommes par cinq cents autres. Tout ce que vous ne pourrez pas envoyer par terre, envoyez-le par mer.
Chargez le généra1 Marmont de régler les journées d’étapes, mais ayez soin de pourvoir à leur subsistance.
P. S. Faites également passer la 8e légère par terre.
(Mémoire du prince Eugène)
Paris, 18 mars 1806
Au prince Eugène
Mon fils, je vous envoie le budget de ma maison d’Italie, arrêté comme vous l’avez désiré. Renvoyez-moi celui que j’avais signé, et qui se trouve annulé par celui-ci.
(Mémoires du prince Eugène)
Paris, 18 mars 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, j'ai lu avec la plus grande attention la réclamation du ministre de Bade, relative à l'abbaye de Saint-Blaise et aux autres possessions qui, par le recès de l'empire, avaient été accordées à l'ordre de Malte. Il est tout simple que les choses restent comme elles sont. L'Autriche s'est toujours refusée à mettre l'ordre de Malte en possession de l'abbaye de Saint-Blaise et des autres abbayes. La Maison de Bade lui a succédé dans le Brisgau; elle peut donc, de plein droit, prendre possession de ces abbayes. Mon intention est que vous passiez la note ci-jointe à M. de Reizenstein. « Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de S. M. l'Empereur et Roi la note de M. de Reizenstein. Sa Majesté reconnaît que S. A. S. l'électeur de Bade a succédé aux droits du prince Ferdinand en Brisgau. Les abbayes de Saint-Blaise et autres étant entre les mains de l'Autriche au moment de la guerre, Sa Majesté trouve juste et conforme au traité fait avec l'électeur de Bade que sa Maison entre en possession de ces abbayes et domaines, et en jouisse avec la même plénitude de droits que la Maison d'Autriche. Sa Majesté ne voit donc aucun inconvénient à ce que S. A. S. l'électeur de Bade entre en jouissance de cesdits biens; et elle a ordonné à son ministre en Bavière, M. Otto, de comprendre ces biens dans le travail qu'il fait à Munich, spécialement parmi ceux dont la France garantit la possession à Son Altesse Sérénissime. »
Quant à la prise de possession du roi de Wurtemberg, il faut la renvoyer à M. Otto, et expédier à ce ministre un courrier extraordinaire pour que, vingt-quatre heures après la réception de votre lettre, il m'envoie ce travail, afin que je décide avant que mes armées sortent d'Allemagne; sans quoi je verrai l'électeur de Bade vexé par tous ses voisins.
Paris, 18 mars 1806
DÉCISION
M. Collin propose de réduire à 3 francs le droit de 9 francs par pièce de dix aunes que les crêpes de Bologne payent à leur entrée en France. | Renvoyé à M. Collin pour présenter un projet de décret conformément à ces conclusions. Cela fera un bon effet pour mon royaume d'Italie. |
Paris, 19 mars 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, faites mettre un article sur les dépêches d'Égypte, dans le Moniteur. Demandez au commissaire des relations extérieures à Trieste des renseignements plus positifs sur les abus commis à Trieste par les commandants de mes troupes; qu'il ne ménage personne, afin que je sois instruit de tout et que je connaisse la vérité. Faites mettre dans le Moniteur un article relatif au péage du Weser et aux bâtiments qui ont été obligés de revenir à Hambourg.
Faites connaître à M. Otto que j'ai ordonné au maréchal Berthier de faire chasser tous les recruteurs prussiens qui sont, soit dans les possessions de la noblesse immédiate, soit dans les pays soumis à la Bavière.
Paris, 20 mars 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
M. Laforest ne doit point conférer avec M. de Hardenberg ni chez lui, ni en société; s'il lui indique un repas, le décliner sous prétexte de maladie.
Dire à M. de Haugwitz qu'on a toujours supposé que M. de Harenberg se retirerait. Dans toutes les suppositions, il a insulté la France, que ce fût en guerre ou en paix. Le droit d'être en guerre appartient à chaque couronne. On n'est point insulté par la guerre, mais il y a de la lâcheté à refuser des audiences à un ministre d'un grand prince. Ni Laforest, ni aucun homme de la légation, ni aucun Français ne doit avoir de communications avec M. de Hardenberg comme ennemi de la France.
Paris, 20 mars 1806
A l'électeur de Hesse
Mon Cousin, je veux remercier Votre Altesse Sérénissime de sa lettre du 29 janvier. Les circonstances qui avaient interrompu nos relations avaient été pénibles à mon cœur. Comment en effet n'aurais-je pas été affecté de voir qu'elle donnait refuge dans ses États à des personnes envoyées, sous le titre de ministres, pour ourdir des trames et des complots contre la France, et autorisées publiquement dans ces coupables intrigues par la déclaration de leur gouverne- ment ? Mais Votre Altesse m'oblige à oublier le passé, lorsqu'elle me montre des sentiments aussi aimables que ceux exprimés dans sa lettre; je me flatte de les mériter par les sentiments que je lui porte. Désormais je ne me souviendrai plus que des assurances qu'elle se plaît à me donner, et, en tant qu'ils seront la base de sa conduite, ils seront la règle de la mienne. Que Votre Altesse croie à mes sentiments d'estime et d'amitié.
Paris, 20 mars 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 14 mars. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que j'ai écrite au maréchal Bernadotte; elle vous mettra au fait. Vous la communiquerez au roi de Bavière. Je crois vous avoir déjà écrit de demander à ce prince la note de ce qu'il désire, pour la faire passer à Anspach au maréchal Bernadotte ; sans quoi la Bavière se verra dupée par la Prusse. Faites chasser les recruteurs prussiens qui se trouvent dans les pays soumis à la Bavière. Le sort de ces pays ayant changé, les anciens droits n'existent plus. Si les recruteurs prussiens ne se retirent point de plein gré, vous devez les y contraindre par la force. Du reste , dans tous vos propos, dites du bien , jusqu'à l'affectation, du roi de Prusse et de l'armée prussienne; assurez que l'on n'a jamais ajouté foi aux bruits qui ont couru; mais, en revanche, dites beaucoup de mal de M. de Hardenberg, et que c'est lui qui est cause du froid qui a régné momentanément entre les deux couronnes.
Paris, 20 mars 1806
Au maréchal Bernadotte
Mon Cousin, le maréchal Berthier m'envoie l'acte que vous avez fait avec le ministre prussien. Je ne puis que vous en témoigner mon mécontentement. Vous ne pouvez signer aucun acte diplomatique, puisque vous ignorez l'état des affaires. Vous ne devez rien signer ni avec la Bavière ni avec la Prusse. Vous devez vous borner à occuper Anspach, à bien entretenir vos troupes, à toucher les revenus du pays depuis votre entrée et même l'arriéré, à ne laisser rien sortir pour la Prusse, à déclarer sur chaque événement que vous n'avez point d'ordre, et m'instruire de tout. Mon intention est que la remise d'Anspach à la Bavière soit faite sans réserve. Il n'est pas juste que, si je donne à la Bavière d'une main, la Prusse lui enlève de l'autre; ou lui fasse supporter tant de charges que c'est comme si elle n'avait rien. Quant aux impositions arriérées, vous déclarerez verbalement aux habitants du pays qu'elles sont en compte de l'arriéré que je dois toucher en Hanovre, car je n'ai pas non plus cessé de posséder le Hanovre que cinq jours après la ratification du traité.
Paris, 20 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous avez bien fait de prendre en considération la demande de M. de la Luzerne relativement aux secours de la religion à donner aux soldats malades dans les hôpitaux.
Paris, 20 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Frère , je reçois votre lettre du 7 mars. Je suis tout étonné que vous n'ayez pas fait fusiller les espions du roi de Naples que la mer a rejetés. Que voulez-vous que j'en fasse à Fenestrelle. Il n'y a que les abbés et les Anglais qu'il faut envoyer à Fenestrelle.
Faites condamner à mort les chefs de masses. Votre administration de Naples est trop faible. Il me semble que vous ménagez trop cette populace. Je ne conçois pas comment vous ne faites pas exécuter les lois. Tout espion doit être fusillé; tout chef d'émeute doit être fusillé; tout lazzarone qui donne des coups de stylet à un soldat doit être fusillé. Les biens des hommes qui ont suivi la Cour doivent être confisqués; et s'il est vrai, comme les journaux le disent, que vous ayez fait arrêter ce misérable Castel-Cicala, envoyez-le à Fenestrelle sous bonne escorte, et confisquez ses bijoux et ses biens.
Quant au maréchal Masséna , Solignac a dû se rendre près de lui, et j'espère qu'il restituera tout ce qu'il a pris à la caisse de la Grande Armée; cela se monte à sept ou huit millions. Faites une bonne justice de quelques officiers, fût-ce même des officiers généraux.
Les 7 à 8,000 galériens et autres que vous avez ne sont pas dangereux à Naples; ils le seraient, s'ils venaient à s'échapper dans les Abruzzes. Vous attachez trop d'importance à une populace que deux ou trois bataillons et quelques pièces de canon mettront à la raison; elle ne sera soumise que lorsqu'elle se sera insurgée et que vous aurez fait des exemples sévères. Si vous avez trop de cavalerie, envoyez-en dans le royaume d'Italie; cependant, à vous dire vrai, je ne conçois pas que dans un pays comme Naples, les Abruzzes, Tarente, où elle peut s'étendre, elle puisse vous nuire. La rapidité de ses mouvements est très-utile dans la campagne. J'ai organisé les dépôts de votre armée; il faut les laisser dans la Romagne et dans le Bolonais, et en faire venir des conscrits; vous avez dix fois le monde qu'il vous faut. Il ne faut pas 6,000 hommes pour contenir le royaume de Naples. Montrez de la vigueur et faites des exemples. Je vous le répète, faites fusiller les espions, et ne les envoyez pas à Fenestrelle; n'ayant point de preuves, je ne sais que faire de ces misérables. Vos lettres ne me disent rien , ne me donnent aucun rapport de la mer. Je ne sais pas s'il y paraît des Anglais, ni le monde qu'ils ont du côté de la Sicile. Vos mouvements sont beaucoup trop lents. Vous devriez déjà être maître de la Sicile. Ne craignez rien des Russes, ils ne peuvent vous faire aucun mal. J'espère qu'à l'heure qu'il est vous êtes maître de Reggio et de toutes les villes du continent. La perte du temps est irréparable à la guerre; les raisons que l'on allègue sont toujours mauvaises, car les opérations ne manquent que par des retards.
Paris, 21 mars 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je ne veux plus de commissaire autrichien à Strasbourg. Mon intention est que les faux billets de banque qui ont été arrêtés jusqu'à concurrence de cent millions soient remis au ministre autrichien, afin de faire voir à sa Cour combien il nous était facile de répandre ces billets en Autriche pendant la guerre, si nous avions été d'aussi mauvaise foi que nous ennemis l'ont été du temps des assignats.
Faire une note d'apparat sur cet objet.
Paris, 21 mars 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, la Dalmatie sera difficilement gouvernée par l'administration de Milan. Mon intention serait de la diviser, avec l'Istrie et le pays de Monfalcone, entre six princes. J'y nommerai ceux des généraux qui m'ont le mieux servi à Austerlitz et à Ulm. Ils seraient feudataires des royaumes d'Italie et de France. Ils seraient tenus, avant la prise de possession, d'y faire un an de séjour. L'aîné de la famille porterait le titre et hériterait de la principauté. Il faudrait faire un travail particulier pour bien établir la division. Monfalcone serait une principauté, l'Istrie une autre. Il y en aurait trois dans la Dalmatie, et une dans les bouches de Cattaro. Voyez à prendre secrètement tous les renseignements convenables, afin de me faire un projet. J'ajouterai que Guastalla et Neufchâtel formeraient deux autres principautés.
Faire un projet qui aurait pour objet d'augmenter la principauté de Lucques et Piombino; lui donner Massa di Carrara et la Garfagnana, afin de former ses limites et de mettre cette principauté dans une belle position. Mais je voudrais la vendre au prince de Lucques moyennant 400,000 francs de rente qu'il m'inscrirait sur son grand-livre, et que je donnerais pour récompense à mon armée.
Je réunirai Venise au royaume d'Italie, mais je désire m'emparer de tous les biens domaniaux. Je désire également mettre sur le grand-livre de mon royaume d'Italie deux millions hypothéqués sur Venise, que je donnerais également à mon armée.
Faites-moi connaître la quantité de biens nationaux dont je deviendrais propriétaire pour cet objet et la manière de les distribuer à mon armée. Il faudrait imaginer des ordonnances ou espèces d'assignats, et prendre des mesures pour qu'ils ne devinssent pas un objet d'agio.
Paris, 21 mars 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, les corps d'armée des maréchaux Ney et Davout et une portion de la cavalerie se rapprochent de la France. Je viens d'arrêter les garnisons que doivent prendre définitivement les différents corps. Je vous les ferai connaître par le prochain courrier. Mon intention est qu'aucun corps de mon armée ne passe le Rhin avant le 15 avril, c'est-à-dire lorsque le maréchal Soult aura dépassé le Lech. Du moment que vous saurez que la cour de Vienne m'a accordé le passage de la Dalmatie, et que le ler avril sera arrivé, vous ferez évacuer Braunau; vous aurez soin d'en faire ôter tout ce qui peut être utile à nous ou à la Bavière. Le maréchal Soult se mettra alors en marche à très-petites journées par Augsbourg pour se placer derrière le Lech, où il attendra mes ordres; vous vous rendrez à Strasbourg, où vous atteindrez également mes ordres. Vous pourrez loger à Strasbourg dans mon palais.
Vous ordonnerez aux maréchaux Ney, Soult et Davout de vous envoyer des rapports détaillés à Strasbourg, lorsque vous partirez de Munich, et vous m'enverrez ces rapports, afin que je sois à même de vous envoyer enfin l'ordre de revenir à Paris. Je vous dis cela par précaution , car probablement vous recevrez plusieurs de mes courriers.
Quand vous partirez de Munich, vous suivrez la route d'Augsbourg, Ulm et Stuttgart, afin que mes courriers puissent vous rencontrer.
Paris, 21 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai reçu la réclamation de la commune de Crespino. Je n'entends pas raillerie; mes drapeaux ont été insultés, mes ennemis accueillis : il faut du sang pour expier le crime de cette révolte. Si cette commune veut se laver de l'opprobre dont elle est couverte, il faut qu'elle livre les trois principaux coupables pour être traduits devant une commission militaire et être fusillés avec un écriteau portant ces mots : Traditori al liberatore d'Italia e alla patria italiana. Alors je pardonnerai à la commune et je révoquerai mon décret. Je vous renvoie donc toutes vos pièces, que je ne lirai que quand sera fait.
Paris, 21 mars 1806
Au prince Eugène
Mon fils, il résulte des états que je me suis fait mettre sous les yeux que le pays vénitien rend aujourd'hui vingt-cinq millions de Milan, et qu’en y suivant le même système d’imposition qu’en Italie, il rendra trente-six millions de Milan.
Cc sera donc un grand accroissement de ressources pour mon royaume d’Italie.
(Mémoires du prince Eugène)
Paris, 21 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, dans ce moment-ci, le traité avec la cour de Vienne doit être signé; par ce traité elle m'accorde le passage par terre, soit pour joindre avec ma province d'Istrie, soit pour aller en Dalmatie. J'approuve beaucoup votre projet d'éviter à mes troupes de longs trajets par terre et de les faire embarquer à Fianona, pour de là passer sur des barques dans les îles et se rendre à Zara. Vous enverrez un officier de marine prendre le commandement du port de Fianona. Envoyez-y de Venise 6 chaloupes canonnières armées de pièces de 12 et 24. Établissez votre correspondance avec Zara par le canal intérieur. Faites faire le plan et lever les sondes du port de Fianona, afin que je voie si les frégates et les gros bricks peuvent entrer. Faites-moi connaître également quelle espèce de bâtiment peuvent naviguer de Fianona jusqu'à Zara. Établissez aussi à Fianona des magasins de biscuit et un chef d'administration maritime. Je ne trouve rien de plus propre à communiquer facilement avec la Dalmatie que le canal de la Montagua ou Morlacca, surtout toutes les îles étant occupées. J'approuve beaucoup le projet que vous avez d'envoyer quelques pièces de fer de Venise pour armer les différentes îles. On doit avoir à Venise des renseignements précis sur toutes la côte d'Istrie et Dalmatie; envoyez-moi des mémoires et des renseignements sur les côtes, sur les ports et surtout les sondes des différents ports. J'approuve également que le 66e se rende de Monfalcone à Muggia ou à Capo d'Istria.
Tenez-moi tous les jours au courant de la force des croisières ennemies.
Le bataillon entier des Grecs n'est plus à Marseille; il a été débarqué à Cadix pour donner le change à l'ennemi; mais il reste une soixantaine d'hommes; j'ai ordonné qu'on les fit embarquer à Toulon vous en ferez ce que vous jugerez convenable.
Faites partir, indépendamment des chaloupes canonnières de Venise, quelques barques légères pour servir de postes et communiquer facilement avec Fianona; ayez là un homme de confiance pour correspondre avec vous. Je sais déjà par Vienne que mes troupes ont occupé les bouches de Cattaro; je suis étonné que vous ne m'ayez pas encore fait un rapport officiel.
Je n'approuve pas le projet de changer le préfet de Bologne, c'est aller trop loin ; mais il faut le prévenir qu'il doit être le premier à déclarer que le procès intenté contre le cardinal est calomnieux et à faire toutes les réparations possibles à ce cardinal.
Paris, 21 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous avez pour aide de camp le colonel Sorbier, du génie; envoyez-le dans la Dalmatie, dans l'Istrie et l'Albanie; mais qu'il voie bien, et qu'il vous envoie des mémoires qui lui fassent honneur. Envoyez une autre compagnie d'artillerie italienne en Istrie; il en faut au moins quatre. Je vous recommande de bien veiller à l'exécution de mes dispositions pour l'armement des ports de l'Istrie et de la Dalmatie, car d'un moment à l'autre mes frégates, mes vaisseaux peuvent y arriver poursuivis par des forces supérieures. Je ne connais point l'état de l'artillerie du pays vénitien, de l'Istrie, de la Dalmatie; il doit y avoir des canons en fer et des mortiers à Venise. Mon intention est de garder en Istrie deux régiments au grand complet de guerre, c'est-à-dire à 6, 060 hommes, mais la première condition est de les tenir dans des endroits sains. Je voudrais y établir deux camps à peu près comme à Boulogne , hormis qu'ils seraient en carrés, et qu'ils soient placés dans des positions importantes. Par ce moyen, la discipline serait maintenue; ces corps s'instruiraient , ils contiendraient le pays; mais il faut bien choisir l'emplacement de ces camps; il faudrait qu'ils fussent à portée des deux grands ports. Vous n'êtes pas assez instruit de ce qui se fait dans votre armée. Vous m'aviez dit que le 8e d'infanterie légère était parti , et depuis vous m'avez écrit qu'il ne l'était pas; le 60e de même. Faites qu'avant la fin du mois d'avril j'aie les mémoires de d'Anthouard et des officiers du génie et d'artillerie de ces lieux , afin que je connaisse bien la Dalmatie et que je puisse l'organiser. Je n'ai pas de cartes des ports de ces côtes comme je les voudrais. Faites-les-moi demander à Venise, où elles doivent être en abondance.
Paris, 21 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous envoie un rapport que me remet mon ministre du trésor. Je ne comprends pas ce que c'est que la caisse de l'armée active sous les ordres du maréchal Masséna, ce que c'est que la caisse des troupes françaises stationnées en Italie, ce que c'est que la caisse des troupes françaises dans les États vénitiens. Il me semble qu'il y a trois mois que ces trois armées n'en font qu'une. Faites vérifier comment s'est faite la recette des 2,300,000 francs, si c'est par les ordres du maréchal Masséna ou par des ordonnances de l'ordonnateur, ou si c'est par des déplacements de fonds d'Ardant et autres.
Paris, 21 mars 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean , je n'ignorais pas que les états du comité ne présentaient que l'état de l'effectif au Ier du mois courant. Je savais aussi que les différences entre ces états et ceux du munitionnaire général ne pouvaient provenir que des mouvements survenant pendant le cours du mois; aussi vos observations, ne me faisant pas connaître la cause des différences, ne m'ont point satisfait. Au lieu de vous borner à dire, "La force du camp a changé ; il est rentré des troupes dans l'intérieur", j'aurais désiré que vous m'eussiez dit quelles troupes ont quitté les camps, quelles sont rentrées dans l'intérieur. Je désire que vous essayiez de me motiver de cette manière les différences que je vous ai indiquées; c'est le vrai moyen de me prouver, 1° que les revues sont exactes; 2° que le munitionnaire général est probe; 3° que les bureaux de la guerre peuvent contrôler les opérations qu'ils sont chargés de surveiller.
Paris, 22 mars 1806
A M. Gaudin
Je pense qu'il faut faire monter le budget des recettes plus haut qu'il n'est. Cent soixante et quatorze millions ne me paraissent pas suffisants pour l'enregistrement. Cette branche a rendu cent soixante et douze millions en l'an XIII; mais c'était la première année de la publication du Code civil, et les améliorations ont été progressives. Il faut porter au budget de cette année cent quatre-vingt millions pour cette partie. Il faut porter cinq millions de plus aux douanes. Elles ont rendu cinquante-trois millions en l'an XIII; elles rendront certainement davantage en 1806. Cela ferait une augmentation de dix millions, qui porterait le budget des recettes à six cent quatre-vingt-seize millions. Je porterais à deux millions de plus les recettes accidentelles, et les améliorations des impositions indirectes aussi à deux millions de plus, de manière à avoir sept cents millions de recettes. Votre budget de dépense ne se monte qu'à six cent soixante et quatorze millions; cela fera donc vingt-six millions qui, avec douze de réserve, feraient trente-huit millions d'excédant sur les recettes, qui seraient destinés, soit à un fonds de réserve, soit comme fonds extraordinaire et de toute nature pour des expéditions contre l'Angleterre. Vous direz, dans le discours, que les ministères de la guerre et de la marine supportent déjà une partie de cette dépense.
Palais des Tuileries, 22 mars 1806
DÉCRET.
ARTICLE 1er. - A dater du ler avril prochain, les 2e et 3e corps d'armée de réserve seront dissous. Les maréchaux Lefebvre et Kellermann rentreront au Sénat, et notre ministre de la guerre leur témoignera, en notre nom, notre satisfaction du zèle qu'ils ont montré pour notre service pendant la guerre.
ART. 2. - A cette époque, les troupes qui sont en France seront mises sur le pied de paix.
ART. 3. - Les deux divisions formant la réserve du maréchal Lefebvre, qui sont à Darmstadt, ainsi que les dépôts, se mettront en route le ler avril, pour se rendre aux garnisons que doivent occuper leurs corps en rentrant en France.
ART. 4. - Nos ministres de la guerre, et de l'administration de la guerre, et notre ministre du trésor public, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Paris, 23 mars 1806
Au général Junot
Où diable avez-vous pris que je puis faire entrer des sbires à l'hôtel des Invalides ? C'est inadmissible.
M. Nardon doit connaître les lois administratives de l'Empire. Ainsi les dépenses se divisent en générales et départementales. Les dépenses départementales sont couvertes par les centimes. J'ai, en conséquence, ordonné que tous les centimes fixes ou non soient envoyés à Parme pour être versés dans votre caisse. Cela passe 300,000 francs, c'est plus que suffisant. Quant au produit de l'enregistrement, des douanes et autres impôts, vous ne devez en disposer d'aucune manière sans l'intervention et les ordonnances des ministres, car cela entre dans le bilan général de l'État, et il ne faut pas faire de confusion. Vous pouvez pourvoir à ce qui ne sera pas prévu; mais ne désorganisez pas la masse générale de l'État.
Paris. 23 mars 1806
Au prince Joachim
Je reçois votre lettre de Cologne du 20. Il faut avoir bien étudié l'administration des duchés de Clèves et de Berg. Il ne faut pas vous engager à rien maintenant, parce qu'il sera convenable de donner à ces deux pays la même organisation. Vous ordonnerez que l'octroi du Rhin se paye de la même manière et sur le même pied que sous le régime de la Prusse. Vous pouvez vous emparer de tous les biens de la noblesse immédiate à Berg et dans tout le duché. Il faut, le plus tôt possible, ôter des postes les employés de la Tour et Taxis. A Wesel, il n'y en a point; mais, dans le duché de Berg, ils y sont toujours. C'était un fief de l'Empire, et par là l'Empereur était instruit de tout ce qui se passait en Allemagne. Il vaut mieux faire ce changement tout de suite que de laisser cela en doute. Nommez aux postes des gens du pays qui y seront attachés. Nommez tout de suite des gens de Berg aux postes de Clèves, et des gens de Clèves aux postes de Berg. Le directeur des postes aux lettres de Wesel est un homme ennemi de la France. En général, vous devez avoir plus de confiance dans les Bavarois que dans tous les agents prussiens. Quand vous aurez approfondi la situation des choses dans vos nouveaux États, vous verrez qu'il est impossible qu'une population de 300,000 âmes vous rende aussi peu que vous le dites. Le calcul ordinaire est de sept florins par âme, ce qui supposerait deux millions de florins de revenu, ou quatre millions de francs. Cela ne vous engage pas moins à de l'économie, car il vous faudra une petite armée, tant pour occuper la jeunesse du pays que pour la dignité de votre État. Selon l'usage francais, les troupes coûtent trop; selon l'usage bavarois, elles sont à beaucoup meilleur marché.
Paris, 23 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, mon décret sur la publication du concordat dans le pays de Venise répond à toutes les questions. Prenez, en attendant, des sûretés pour les biens des maisons religieuses, en les mettant tous sous le séquestre. Je vois, par votre lettre du 16 mars, que le 60e est parti pour l'Istrie. Je vous ai envoyé un décret sur l'organisation militaire des provinces de l'Istrie. Je désire bien que les troupes ne soient pas mises dans des endroits malsains.
Paris, 23 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 18 mars. Je ne conçois pas trop que les viandes salées puissent être utiles en Dalmatie; en général, c'est une mauvaise nourriture. Il ne doit point manquer de bétail en Dalmatie, et il doit y être à meilleur marché qu'en Italie.
Vous aurez reçu mon décret sur l'armement et l'organisation de l'Istrie. J'attendrai des mémoires sur la Dalmatie pour l'organiser aussi. Il ne faut point placer des canons indiscrètement, mais les mettre aux mouillages pour les défendre. Je vous recommande surtout de ne point laisser les troupes dans des endroits malsains. L'insouciance des généraux sur cet objet est incalculable; ils seraient capables de laisser, une année entière, des troupes dans les marais de Mantoue sans bouger. Si j'ai des malades en Istrie, c'est à vous que je m'en prendrai; si j'en ai en Italie, ce sera aussi votre faute. Placez-les sur les montagnes et dans des endroits aérés. C'est parce que j'ai toujours porté le plus grand soin dans ces détails que mes armées n'ont point eu de malades proportionnellement aux autres. La seule perte qu'on ne puisse pas réparer, ce sont les morts. Vous ne m'avez pas encore dit que vos aides de camp soient partis.
Paris, 23 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous avez bien fait de changer l'administration de ma Maison et de vous en charger. Caprara a tort de porter aucune plainte sur cet objet. J'achèterai volontiers son palais de Bologne, quand il me coûterait quelques centaines de mille francs de plus; j'en ferai le sacrifice pour retirer Caprara de l'abîme où il est. Chargez mon intendant de traiter de cet achat, que je ferai payer en plusieurs années en donnant des sûretés aux créanciers. Je connais tous les défauts de Caprara; je vous le recommande; c'est un des premiers et des plus constants amis que j'aie eus en Italie. Je consentirai à donner 300,000 francs pour payer les dettes de Pino, mais de même en plusieurs années. Je me chargerai de ses dettes, et j'aurai trois ans pour payer ses créanciers. Chargez aussi mon intendant de cet objet. Cette dépense sera supportée par le ministère de la guerre. Caffarelli part; vous aurez là un bon collaborateur. Je recommande sa femme à la princesse Auguste : c'est une femme remplie de mérite, de mœurs et d'un esprit sûr.
Paris, 24 mars 1806
Au général Oudinot, à Neuchâtel
Vous ne devez pas admettre les quatre articles de M. de Chambrier; vous vous emparerez de l'arsenal, de toutes les impositions arriérées, de tous les meubles du château. Vous ne laisserez rien sortir, et direz à M. de Chambrier qu'il sera tenu compte de tout au roi de Prusse sur ce que la Prusse me doit pour l'arriéré des revenus du pays de Hanovre.
Je suis surpris que vous n'ayez point de solde. Mes ordres avaient été qu'on vous en payât à Strasbourg deux mois. Il n'y a point de difficulté que vous empruntiez sur les caisses de Neufchâtel l'argent dont vous avez besoin. Faites-en recette sur des états en règle, afin de savoir toujours à quoi s'en tenir. Faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, la situation de votre corps, bataillon par bataillon; ce qui vous est dû, mois par mois, pour la solde; si vous avez touché quelque chose à Strasbourg; enfin si vous y avez envoyé vos payeurs, conformément à l'ordre du jour de la Grande Armée, pour y recevoir deux mois de solde. Vous savez que mon intention est de payer la solde des mois de janvier et avril à la fois, en faisant double prêt aux soldats. Faites-moi une demande en règle pour l'exportation des blés. Je viens d'ordonner qu'on vous en laissât passer 6,000 quintaux.
Prenez des renseignements sur le pays. Envoyez-moi un mémoire détaillé qui me mette au fait de tout. Ne laissez rien distraire; les Prussiens sont très-rapaces. Dites-leur de belles paroles et assurez- les constamment qu'il sera tenu compte de tout sur les impôts arriérés qu'ils touchent en Hanovre.
Tenez vos troupes en repos et faites-les bien nourrir.
Paris, 24 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous ai envoyé un décret sur l'organisation militaire de l'Istrie; vous en trouverez ci-joint un sur l'organisation de la Dalmatie; je l'ai rédigé sur d'assez mauvais renseignements; mais j'ai pensé que, quelque défectueuse que fût mon organisation, il valait mieux la faire que de laisser plus longtemps les choses dans l'état où elles sont. J'attends avec impatience les mémoires de Poitevin, Picoteau et des autres officiers que vous avez envoyés sur les lieux. J'ai besoin d'avoir des renseignements bien détaillés, de connaître la largeur et la longueur des îles, l'élévation des montagnes, la largeur des canaux, leur éloignement du continent, la nature des places fortes, place par place, la nature des chemins, et, entre autres, de ceux de l'Autriche en Dalmatie et de la Dalmatie en Turquie, etc. Tout cela m'intéresse au dernier point. Il ne faut attendre au dernier moment.
D'Ancône à Zara, il n'y a pas plus d'une vingtaine de lieue de navigation; écrivez à mon commissaire des relations commerciales dans ce port et au commandant de la place de faire passer de là blés pour Zara; écrivez-en aussi au cardinal Fesch. Vous avez des chaloupes canonnières qui appartiennent au royaume d'Italie; dans différents ports de l'Adriatique et à l'embouchure du Pô; elles n'y sont point utiles; envoyiez-les en Dalmatie, elles serviront dans les îles. Vous verrez dans mon décret que je veux huit compagnies d'artillerie en Dalmatie; il faut qu'elles soient portées à 100 hommes chaque. On peut en envoyer quatre ou cinq italiennes.
Paris, 24 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 19 mars avec les dépêches du général Molitor. Cette lettre me surprend d'autant plus que le général Andréossy avait écrit de Vienne que les bouches de Cattaro avaient été occupées; on l'avait probablement trompé. Dans ces circonstances, il devient d'autant plus urgent d'armer et d'approvisionner Palmanova, et je n'ai pas encore reçu une dépêche qui me fasse connaître la situation de cette place et l'arrivée des approvisionnements que j'avais ordonné qu'on y envoyât. Augmentez, avec le moins de bruit possible, le corps du général Marmont de deux régiments de cavalerie et d'un régiment d'infanterie. Envoyez l'ordre au général Seras de tenir toutes ses forces bien réunies; il ne faut pas qu'il les disperse dans ces îles; ces détachements pourraient être pris isolément. Il suffit d'envoyer en Dalmatie quelques officiers pour y commander, et qui lèveront quelques compagnies pour y maintenir l'ordre. Ainsi la division du général Seras, composée des 13e et 60e de ligne, et probablement du 8e d'infanterie légère, qui n'a pu passer avec son artillerie, doit, sans faire de trop grands mouvements, se tenir mesure de marcher sur Trieste, si les circonstances s'aggravent. Écrivez au général Marmont de se tenir également en mesure, sans donner l'alarme à l'ennemi. Il n'est point probable que les Russes s'obstinent à rester dans cette position; ils n'ont pas assez de foi pour cela, et ils en seraient infailliblement chassés avec déshonneur. Je ne tarderai pas à recevoir des renseignements de Vienne, et vous-même ne manquerez pas probablement d'en recevoir bientôt de nouveaux de l'Istrie et du général Molitor. Faites-moi connaître le nombre de troupes que les Autrichiens ont dans la Carniole, à Laybach et dans la Styrie autrichienne. Envoyez-moi aussi tous les renseignements que vous aurez sur la Dalmatie, soit des officiers qui y auraient été, soit de Venise, afin que je connaisse bien l'état des chemins et des communications. Restez dans la même situation tranquillité, ne donnez pas l'alarme. Je vous recommande encore l'armement et l'approvisionnement de Palmanova.
Paris, 24 mars 1806, 9 heures trois quarts du soir
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je ne perds pas une minute pour vous écrire que, le 24 à neuf heures du soir, je reçois la nouvelle que les Autrichiens ont livré les bouches de Cattaro aux Russes.
En conséquence, sous quelque prétexte que ce soit, mon intention est que vous ne fassiez pas évacuer Braunau; au contraire, vous le ferez réarmer et réapprovisionner, et vous donnerez ordre aux troupes de marcher en avant. Envoyez au général Andréossy un courrier pour lui rendre compte de cette affaire, que la cour de Vienne connaissait ou du moins qu'elle connaît actuellement. Son commandant nous a entièrement trahis. Je vous expédierai demain matin un autre courrier; mais je ne veux pas tarder davantage à vous faire connaître que votre premier soin est de prévenir, sans perdre un moment, le maréchal Soult de réunir ses troupes et de soutenir la place de Braunau; c'est le point important.
Paris, 25 mars 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je vous envoie la lettre du général Molitor et quatre autres pièces relatives à la livraison des bouches de Cattaro aux Russes. Faites-les copier et communiquer sur-le-champ à mon ambassadeur à Vienne ou au général Andréossy, s'il y est encore. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que je vous ai écrite hier soir. J'espère apprendre que Braunau est toujours en mon pouvoir; faites promptement réarmer et ravitailler cette place. Faites connaître personnellement à M. Liechtenstein que mon armée venait d'être mise sur le pied de paix, et que mes troupes rentraient en France, que Braunau allait être remis, lorsque j'ai appris la trahison du gouverneur de Cattaro, qui a livré cette province aux Russes, après avoir fait toute sorte de mauvais traitements aux troupes qui allaient prendre possession, en entravant leur marche par mille difficultés et en désarmant les places de la Dalmatie, etc. Il faudrait aussi voir si les prisonniers ne sont pas rendus, voir s'il ne serait pas convenable d'en arrêter la marche; au moins on peut la retarder considérablement jusqu'à ce qu'on sache à quoi s'en tenir et la conduite que la cour de Vienne veut tenir dans cette circonstance.
Paris, 25 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le district de Cherso étant beaucoup plus près de Paris que de la Dalmatie, vous en donnerez le commandement à un colonel ou à un général intelligent, et vous mettrez une bonne garnison dans le point le plus important et le plus près de l'Istrie, afin que l'ennemi ne cherche point à s'en emparer et à couper la communication de la Dalmatie avec l'Istrie. Ce commandant doit tenir ses troupes réunies, avoir de l'artillerie et des munitions, et être en
état de faire une bonne défense. Choisissez parmi les officiers de votre armée le plus intrépide et le plus intelligent pour lui confier le commandement de ce district. Vous le chargerez de correspondre avec le général qui commandera en Istrie et de vous rendre compte directement de tout ce qui se passerait d'important. Exigez que sur le continent de l'Istrie, vis-à-vis de ce point, il soit établi un dépôt de tout ce qui est nécessaire pour secourir cette île, si le cas l'exige. Ce district me paraît le plus important de tous, puisque, l'ennemi étant maître de Cherso, toute communication deviendrait impossible avec la Dalmatie par mer.
J'attends avec bien de l'impatience les mémoires de Lauriston et ceux de Dumas sur la Dalmatie. Je suis très-fâché que vous n'y ayez pas laissé aller Lauriston dans le temps; il y serait depuis un mois et j'aurais été instruit de ce qui arrive aux bouches de Cattaro. A défaut d'officier français qui connaisse assez ce pays, envoyez-moi un officier du génie vénitien qui y ait passé sa vie, qui soit sûr et intelligent, et capable de répondre à toutes mes questions sur la profondeur des eaux, la largeur des canaux, la nature des chemins, etc. Les renseignements que j'en tirerai me serviront à dresser mon plan de reprise des bouches de Cattaro. Vous adresserez cet officier au général Clarke, qui me le présentera, et il restera à Paris jusqu'à nouvel ordre. Il se munira à Venise de toutes les cartes, plans, mémoires, enfin de tous les documents qu'il pourra se procurer sur les îles de la Dalmatie, de l'Istrie, de Cattaro, etc. Vous sentez combien j'ai besoin d'avoir une connaissance parfaite de ces localités, qui sont entièrement ignorées ici.
Paris, 25 mars 1806
A M. Champagny
Monsieur Champagny, je vous envoie le budget de Parme; vous l'aurez sans doute déjà reçu. Présentez-moi un projet qui le réduise à sa juste valeur. Au premier coup d'œil, il me paraît absurde. Quant au gouverneur général, j'ai réglé, je crois, par un décret, ce qu'il doit avoir. Les règlements ont aussi fixé les dépenses du préfet. Le reste est susceptible de supporter une pareille réduction.
Paris, 26 mars 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Le ministre est invité à faire connaître aux chambres de commerce qu'elles ne doivent rien imprimer, soit en leur nom collectif, soit au nom d'une commission formée dans leur sein, soit comme rapport fait à la chambre par un de ses membres, sans une autorisation préalable du ministre de l'intérieur.
Elles doivent savoir que la voie la plus inconvenante et la plus inefficace de faire parvenir à Sa Majesté ou des vues , ou des représentations, est celle de l'impression. Une chose imprimée, par cela même qu'elle est un appel à l'opinion, n'en est plus un à l'autorité.
La nécessité de donner un avertissement aux chambres de commerce est démontrée par la dernière publication que M. Dupont s'est permise. Cet écrivain, ayant des principes superficiels et faux sur l'administration , et appartenant à une secte dont les opinions exagérées ne peuvent que donner une direction vicieuse aux esprits, n'était pas propre à énoncer l'opinion des chambres de commerce, qui ne peuvent être admises à s'expliquer que sur des choses précises et des données positives. Il est le maître d'écrire en son nom privé et pour son compte; mais il est imprudent à une chambre de commerce, nécessairement composée d'hommes qui jugent des intérêts commerciaux par ce qui se passe réellement et chaque jour, de se charger de la responsabilité de ces rêveries.
Paris, 26 mars 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Plusieurs députations se sont présentées sans autre pouvoir que la volonté des individus qui les composaient ou l'autorisation des préfets.
Des individus n'ont pas le droit de se constituer députés.
Les préfets n'ont pas le droit de constituer des députés.
Des députations peuvent être envoyées, 1° par les collèges électoraux; 2° par les conseils généraux; 3° par les conseils municipaux.
Lorsque les collèges électoraux enverront une députation, la députation ne sera admise que si la proposition a été délibérée par le conseil à la majorité des voix, si les députés ont été nommés par le scrutin, si l'adresse dont ils seront porteurs a été rédigée et par le collège.
Les conseils généraux, lorsqu'ils voudront faire des représentations ou qu'ils seront déterminés par tout autre motif, ne pourront délibérer une députation que sur l'autorisation du ministre de l'intérieur. Les députés seront nommés au scrutin par le conseil, et l'adresse rédigée et délibérée par lui.
Les députations des villes seront délibérées par les conseils municipaux, qui nommeront les députés au scrutin et arrêteront, par délibération, ainsi que les collèges électoraux, l'adresse dont les députés seront porteurs.
Lorsque ces diverses députations seront arrivées à Paris, elles se présenteront au ministre de l'intérieur, qui ne proposera leur admission à Sa Majesté qu'après avoir vérifié si toutes les formalités sus prescrites ont été remplies.
Le ministre est invité à rédiger, d'après ces bases, une instruction en forme de circulaire, qui sera adressée à tous les préfets, et qui pourra être imprimée.
Paris, 26 mars 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, vous trouverez ci-joint deux bordereaux de lettres de change que le payeur, M. Mesny, agent des contributions, a livrées par les ordres du maréchal Masséna. Mon intention est que vous fassiez connaître mon mécontentement à ce payeur de ce qu'il a donné la main à une aussi coupable manœuvre. Les fonds ne doivent sortir de la caisse du payeur que sur ordonnance de l'ordonnateur. Envoyez copie de ces bordereaux à Milan au vice-roi, à
Gênes à l'architrésorier, à Parme au général Junot, et dans les autres pays aux agents que j'y ai, pour que cet argent soit séquestré, avec la déclaration du payeur que cet argent doit rentrer dans sa caisse. Vous en préviendrez le payeur, en lui notifiant que , si ces sommes ne sont pas rétablies dans sa caisse, il en sera comptable. Sur ces quatre millions, 2,500,000 francs ont été recouvrés à Milan; il ne reste donc plus que 1,500,000 francs à rentrer. Faites une circulaire aux payeurs pour leur rappeler que, sous leur responsabilité, ils ne doivent laisser sortir aucun argent de leur caisse que sur les ordonnances de l'ordonnateur ou de l'inspecteur aux revues.
Paris, 26 mars 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, vous ferez connaître à M. de Vincent que je vois avec peine qu'on renvoie M. de Cobenzl; son nom est trop odieux à Paris. Dites-lui qu'il est assez désagréable de voir que toutes les personnes de l'intrigue de Cobenzl, et qui ont conseillé l'alliance de la Russie, sont ceux qu'on emploie, et que ceux du bon parti sont ceux qu'on écarte; que cela présage de nouveaux malheurs. Faites également appeler le chargé d'affaires et dites-lui la même chose. Dites-lui qu'on rend justice à M. de Cobenzl, mais qu'il est impossible qu'un homme de ce nom puisse être désormais accueilli en France. J'écris au maréchal Berthier pour qu'il ne lui soit point donné de passeports. Tâchez de m'informer si M. de Cobenzl s'est retiré à Vienne, afin que, si je me décide à lui envoyer l'ordre de ne pas entrer chez moi, je sache par quel point il viendra. Remarquez que dans la lettre qu'on vous écrit de Vienne, du 10 mars, on pressent si ce choix serait agréable. Répondez que, si l'on voulait être agréable, il faudrait envoyer ici quelqu'un de la maison de Kaunitz, maison vraiment autrichienne, et qui a été longtemps attachée au système de la France. Informez-vous, avant, s'il y a un Kaunitz dans le cas d'être envoyé ici, autre que celui dont vous m'aviez dit tant de bien.
Paris, 26 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, les armements de Tunis ne peuvent pas nous regarder, nous sommes très-bien avec la régence.
Je reçois votre lettre du 22; je vois avec plaisir que 3,551, 000 francs sont déjà recouvrés. Faites payer la solde à toute mon armée et tenez-la bien au courant. Ayez soin qu'aucune somme ne sorte que par ordonnance de l'ordonnateur ou de l'inspecteur aux revues car, lorsqu'on veut être sévère avec les autres, il faut observer soi-même toutes les formes. Je m'en rends esclave plus que qui que ce soit; on ne payerait pas à Paris un sou, sur mon ordre, sans une ordonnance du ministre.
J'ai donné ordre qu'on arrêtât le nommé Ardant à Naples. Solignac est parti; il a promis de faire verser cinq à six millions. C'est à cette condition que j'arrête toute poursuite. Vous pouvez sans difficulté ordonner le versement, dans la caisse du payeur, des sommes de M. Bignani, qui mettra dans sa caisse les reçus de M. Ardant, ce qui couvrira les contre-bons. Les 2,400,000 francs à tirer par le payeur de Naples commencent déjà à m'arriver; mais les traites sont à l'échéance de trois ou quatre mois. Je désire que, sur ce qui vous est rentré et rentrera, le payement de ces sommes soit perçu.
Je n'ai pas un rapport bien exact de vous sur la situation de votre armée. N'accordez à chacun que ce qui lui revient. J'ai donné des fournitures aux corps; ne donnez pas plus que je n'ai accordé; cela doit suffire. Quant à la solde, qu'elle soit exactement payée; rien sur ce chapitre ne doit être en arrière. J'ai ordonné que l'armée fût mise sur le pied de paix; vous entendez bien que cela ne regarde pas le nombre de soldats , mais seulement les traitements et les fournitures.
Vous devez avoir un payeur général à Milan; il doit avoir des préposés à Venise, en Istrie, en Dalmatie, auprès du corps du général Marmont, et enfin près des autres divisions militaires.
Faites en sorte que l'Istrie et la Dalmatie ne manquent pas d'argent. Ils doivent facilement se procurer de la viande par la Bosnie.
Envoyez-leur du riz; il y a beaucoup d'huile; ils ne doivent pas non plus manquer de vin. Faites payer exactement leur solde. Mettez un homme très-intelligent pour payeur de cette province.
Paris, 26 mars 1806, midi
Au prince Eugène
Mon Fils, les trente pièces de 18 que vous avez envoyées à Zara ne sont pas suffisantes; il faudrait y envoyer plusieurs pièces de 6 et de 3 et des obusiers pour servir à la défense des fortifications du côté de terre. N'envoyez, autant que possible, que des pièces de fer. Je vois qu'il y a à Palmanova 10,000 fusils; faites-les mettre en salle d'armes, et veillez à ce qu'ils soient tenus en bon état, ainsi que les mousquetons, baïonnettes, etc.
Donnez ordre au général de brigade Buchet de se rendre en Istrie et en Dalmatie, pour faire l'inspection de toutes les places. Il désignera la quantité d'artillerie nécessaire pour la défense de chaque port et de chaque place, et fera ce qu'on appelle l'armement des principaux points fortifiés de la Dalmatie.
Je vois dans une lettre du général Mathieu Dumas que les Autrichiens voudraient enlever de l'île de Pago leurs sels; ils nous ont trop maltraités en Dalmatie; il ne faut leur laisser rien emporter, et tout garder.
Envoyez un officier d'état-major dans la Carniole et la Hongrie pour savoir pourquoi les prisonniers ne sont pas rentrés; il prendra des renseignements sur les lieux où ils se trouvent. Il pourra même pousser jusqu'à Vienne.
Paris, 26 mars 1806, midi.
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai reçu le mémoire du général Poitevin sur la Dalmatie. Faites-lui connaître que je l'ai trouvé maigre, fait à la hâte et ne disant rien. Il ne lui était pas difficile de parler des routes, des communications, des établissements, des casemates, des magasins, du nombre d'hommes qui peuvent servir à la défense des différents points. Demandez-lui donc des renseignements plus détaillés et des reconnaissances plus réelles que celles qu'il m'envoie.
J'ai déjà donné des ordres pour proclamer le Code Napoléon dans les États vénitiens. Je suis étonné qu'au 20 mars vous n'ayez pas reçu ce décret. Vous avez très-bien fait de faire verser les 2,800,000 francs par les banquiers de Milan. Le vif-argent qui a été pris a au moins une valeur de 2,500,000 francs. Je ne sais pourquoi les traites des banquiers de Vienne sont dans la caisse du payeur de l'armée du général Marmont. Donnez ordre qu'elles soient envoyées à la caisse d'amortissement.
M. Hennin, que vous avez nommé receveur général des contributions dans le pays de Venise, refuse de rendre ses comptes à M. Duliège, que la trésorerie a nommé pour lui succéder; il est autorisé par vous. Cela West pas en règle; les affaires de finances ne se traitent pas ainsi. Ordonnez à M. Hennin de rendre ses comptes et envoyez-m'en copie. Si vous n'avez pas de raisons particulières qui s'y opposent, faites-lui rendre ses comptes à M. Duliège. Je laisse sous cachet volant la lettre que j'écris au conseiller d'État Dauchy. Je lui témoigne mon mécontentement de ce qu'il ne m'a pas instruit qu'il avait arrêté le vif-argent de Venise, ce que je n'ai appris que par le ministre, parce qu'il ne vous en avait point rendu compte; qu'ilest indispensable qu'il communique tous les jours avec vous.
Paris, 26 mars 1806
A M. Dauchy
Monsieur Dauchy, je n'approuve point que vous ne rendiez pas compte au prince Eugène; vous lui devez compte de tout ce qui garde votre service, et vous devez correspondre avec lui au moins tous les jours. Ce prince correspond avec moi plusieurs fois par jour et m'instruit de la situation des affaires de mon royaume d'Italie. Il est mon lieutenant et mon premier agent dans ce royaume et dans les pays de Venise. Vous devez donc lui rendre compte de tout. avez fait arrêter le vif-argent de Venise; faites-moi connaître à combien se monte le produit. Mon intention est qu'il rentre en
entier dans la caisse de l'armée. On y a déjà fait rentrer une partie des sommes qui en avaient été détournées. Je désire que vous informiez le prince Eugène de tout ce qui viendrait à votre connaissance, afin qu'il m'en rende compte et vous transmette mes ordres plus rapidement; ce qui ne doit pas vous empêcher de correspondre une fois par semaine au moins avec M. Gaudin.
Paris, 26 mars 1806
DÉCISION
Le ministre directeur de l'administration de la guerre remet à l'Empereur l'analyse du rapport de la commission nommée pour rechercher les malversations exercées à l'occasion des versements ordonnés pour le service de l'armée d'Italie. | Tous les individus nommés dans le rapport du ministre, à l'exception des sieurs G et Masséna, qui ont été destitués, seront arrêtés. Ils seront placés dans les prisons de Mantoue et traduits devant une commission militaire. S'ils n'étaient plus en Italie, on les y enverrait; à cet effet, ils seront arrêtés en France, partout où on les trouvera. Il sera fait un rapport particulier sur ceux que la commission ne condamnerait point, afin qu'ils soient destitués et déclarés incapables de servir dans quelque administration ou établissement public que ce soit. |
Paris, 27 mars 1806
A M. Gaudin
Je vous renvoie votre rapport sur la communication des postes à établir d'ici à Naples, en laissant toujours les lettres entre les mains des préfets français. Vous ne me parlez pas d'une communication semblable d'ici à Milan., ce qui me fait supposer qu'elle existe. D'ailleurs, si elle n'existait pas régulièrement, elle existerait du moins par l'estafette. Faites-moi cependant connaître si, indépendamment de l'estafette, une communication sûre avec Milan existe par des malles. Cela étant, on pourrait se passer de celle de Milan à Venise. On pourrait en établir une de Milan à Naples. Il faudrait qu'on pût envoyer tous les jours à Naples. Vous me dites que cela coûterait 400,000 francs. Il faudrait prévoir ce que cela rendrait et aussi ce que cela économiserait; car enfin j'ai aujourd'hui une armée très nombreuse à Naples. Cette armée a des postes; comment arrive ses lettres? Il faudrait que les lettres de l'armée et du commerce couvrissent les dépenses du service qu'il s'agit de monter. Toutefois, je ne regretterai jamais une dépense qui aura pour résultat de faire disparaître l'inconvénient des distances. Mon intention est que le directeur général fixe toute son attention sur les moyens d'activer l'arrivée des courriers d'ici à Nice, à Gênes, à Turin, à Wesel, Amsterdam, à Strasbourg, à Bayonne, à Brest. S'il est possible de rendre ces communications plus rapides d'un jour, il faut me proposer des mesures pour le faire. Cela me coûterait-il de l'argent, ce serait de l'argent bien employé; d'ailleurs, en augmentant le port des lettres, on s'indemniserait de l'augmentation des frais. Plus l'Empire est vaste, plus on doit donner d'attention à ces grands moyens de communication. Je l'éprouve déjà pour Milan. Depuis que les estafettes sont établies, je gouverne Milan avec autant de facilité que Lyon. Les courriers extraordinaires coûtent beaucoup d'argent et ne donnent pas un résultat satisfaisant. L'administration est régulière; ce n'est que dans la régularité qu'est l'avantage. Il faut donc regarder l'estafette de Milan comme un établissement permanent. C'est un service dont il faut approfondir les détails, afin qu'il se fasse encore plus rapidement, s'il est possible. Pourquoi la poste de Paris ne donnerait-elle pas à cette estafette un paquet d'une vingtaine de livres ? Pourquoi Lyon ne lui donnerait-elle pas autant ? Quel poids de lettres faudrait-il que l'estafette portât pour que la dépense se trouvât tout à fait couverte ? J'envoie beaucoup de courriers à Naples; mais je n'y trouve pas le même avantage que par l'estafette. Je ne veux pas cependant confier mes dépêches à ces postillons inconnus qui sont sur les routes de Milan à Naples; mais il me semble qu'il pourrait être possible d'établir une communication française par un courrier qui irait de Parme à Bologne, serait remplacé à Bologne par un autre qui irait de Bologne à Rimini; celui-ci serait relayé à Rimini par un autre qui irait à Ancône; celui d'Ancône irait à Foligno; celui de Foligno à Rome, et enfin celui de Rome à Naples; de manière qu'avec six courriers pour aller et six pour revenir, total douze courriers, et seize au plus, mes dépêches seraient toujours entre des mains françaises et arriveraient avec rapidité. Comme ces hommes deviendraient très-pratiques de la route et connaîtraient bientôt les maîtres de poste , les chevaux ne retourneraient pas à vide; la régularité du service pour l'aller et le retour croiserait les courriers et ramènerait exactement les chevaux. Je pense que cette disposition est assez intéressante pour que M. Lavallette me fasse à cet égard un rapport très détaillé. J'ai aujourd'hui de grands intérêts à Naples, et il n'y a de moyens d'y pourvoir que par les estafettes. Il faudrait qu'à Alexandrie le paquet de Naples fût détaché pour être porté jusqu'à Parme, et de là être expédié à Naples par la nouvelle organisation. Les courriers italiens vont en voiture, ce qui nécessairement, dans les Apennins, apporte de grands retards. Le voyage d'ailleurs est tellement long qu'un courrier y perd beaucoup de temps. D'ici à Milan, l'estafette met généralement de quatre-vingt-douze à quatre- vingt-seize heures. Les courriers mettent beaucoup plus de temps, or la course d'ici à Milan n'est qu'une course ordinaire. Il y a quarante-huit heures à gagner en établissant l'estafette d'ici à Naples. Les dépêches d'ici à Naples devraient parvenir en huit jours; en huit jours je devrais recevoir celles de Naples, ce qui ferait que j'aurais une réponse en seize jours; alors ce pays ne serait pas plus éloigné que ne l'était Milan lorsque les généraux et les ministres ne pouvaient correspondre que par la poste; la malle de l'administration n'avait guère ses réponses qu'en seize jours.
Paris, 27 mars 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, il ne faut qu'un payeur dans le royaume d'Italie; sans quoi il y aura désordre et confusion; mais il faut établir un préposé du payeur à Venise, un en Istrie et un en Dalmatie, indépendamment des préposés qu'il doit y avoir dans les grandes divisions de l'armée. Quant aux états que vous me remettez de la situation de la caisse de ce payeur au 15 mars , ils ne me satisfont point. Je désire que, dans chaque état qu'il vous enverra, il vous fasse connaître les recettes par nature de recettes, en distinguant les dépenses faites par le ministre de la guerre et par le ministre de l'administration de la guerre. A cette occasion, je vous prie de me faire connaître si, au conseil des finances du 15 avril prochain, je pourrai savoir à quoi m'en tenir sur ce qui est dû par mois sur les crédits des années antérieures et même de cette année; cela me devient important pour que j'aie une idée nette de ma position.
Paris, 29 mars 1806, 10 heures du matin
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 21. Si le cardinal Oppizzoni n'est pas coupable, ce qu'on lui a fait demande vengeance; s'il est coupable, ce qu'on lui a fait n'en est pas moins mal. Parlez de ma part au cardinal; faîtes-lui connaître que mon opinion à cet égard est que, si la chose est vraie, je n'en tiens pas moins l'administration de Bologne comme coupable, et que, si les faits sont faux, elle doit être punie exemplairement. Si, en effet, l'accusation n'est pas vraie, faites venir la prostituée, la tante, l'employé qui avait fait le rôle du cardinal, et donnez le plus grand éclat à cette infamie; mais il faut être bien sûr des faits.
Dans mon opinion particulière , et malgré tous les raisonnements que vous me faites, je suis porté à croire que la chose est vraie. L'interrogatoire du préfet, de l'employé qui est supposé avoir fait le rôle du cardinal; ce que le cardinal vous dira confidentiellement; ce que vous aurez vous-même remarqué; ce que des hommes dont l'expérience vous manque, tels que Moscati, croiront entrevoir de cette affaire, après en avoir causé (mais non pas avec le cardinal, dont le caractère ne doit jamais être compromis) : ces diverses données fixeront mon opinion, et alors je prendrai, s'il le faut, un décret pour créer un tribunal extraordinaire; car une telle infamie serait un crime envers tous les citoyens; mais le crime serait bien plus grand envers un cardinal; ce serait attenter envers la religion et mettre le désordre dans l'État. J'ai cependant peine à croire qu'on puisse se rendre coupable à ce point pour faire seulement niche à l'Église, à moins qu'il n'y ait quelque inimitié particulière, et c'est aussi ce qu'il faut chercher à vérifier.
Vous m'annoncez dans votre lettre du 20 une carte que je n'ai point reçue.
RELATION OFFICIELLE DE LA BATAILLE D'AUSTERLITZ, PRÉSENTÉE A L'EMPEREUR ALEXANDRE PAR LE GÉNÉRAL KOUTOUZOF, ET OBSERVATIONS D'UN OFFICIER FRANÇAIS.
Palais des Tuileries, 2 mars 1806
MESSAGE AU SÉNAT
Sénateurs, nous avons chargé notre cousin , l'archichancelier de l'Empire, de vous donner connaissance, pour être transcrits sur vos registres,
1° Des statuts qu'en vertu de l'article 14 de l'acte des constitutions de l'Empire en date du 28 floréal an XII, nous avons jugé convenable d'adopter; ils forment la loi de notre famille impériale;
2° De la disposition que nous avons faite du royaume de Naples et de Sicile, des duchés de Berg et de Clèves, du duché de Guastalla et de la principauté de Neufchâtel, que différentes transactions politiques ont mis entre nos mains;
3° De l'accroissement de territoire que nous avons trouvé à propos de donner, tant à notre royaume d'Italie, en y incorporant tous la États vénitiens, qu'à la principauté de Lucques.
Nous avons jugé, dans ces circonstances, devoir imposer plusieurs obligations et faire supporter plusieurs charges à notre couronne d'Italie, au roi de Naples et au prince de Lucques. Nous avons ainsi trouvé moyen de concilier les intérêts et la dignité de notre trône, et le sentiment de notre reconnaissance pour les services qui nous ont été rendus dans la carrière civile et dans la carrière militaire. Quelle que soit la puissance à laquelle la divine Providence et l'amour de nos peuples nous ont élevé, elle est insuffisante pour récompenser tant de braves, et pour reconnaître les nombreux témoignages de fidélité et d'amour qu'ils ont donnés à notre personne.
Vous remarquerez, dans plusieurs des dispositions qui vous seront communiquées, que nous ne nous sommes pas uniquement abandonné aux sentiments affectueux dont nous étions pénétré, et au bonheur de faire du bien à ceux qui nous ont si bien servi. Nous avons été principalement guidé par la grande pensée de consolider l'ordre social et notre trône, qui en est le fondement et la base, et de donner des centres de correspondance et d'appui à ce grand empire; elle se rattache à nos pensées les plus chères, à celle à laquelle nous avons dévoué notre vie entière, la grandeur et la prospérité de nos peuples.
Paris, 31 mars 1806
DÉCISION
Le ministre de la 3uerre propose de réformer, sans traitement, un sous-lieutenant d'infanterie soupçonné d'escroquerie au jeu. | S'est-il battu ? A-t-il été blessé ? Était-il à Austerlitz ? |
Paris, 31 mars 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je ne sais pas ce que le maréchal Bernadotte a à démêler avec le conseiller Nagler. Ce conseiller n'a plus rien à faire à Anspach; il a rendu le pays, sa mission est finie. Le maréchal Bernadotte doit répartir ses troupes dans le pays et vivre là jusqu'à nouvel ordre. Comment a-t-on fait dans toute la Bavière, dans toute l'Autriche ? etc.
Vous verrez dans le Moniteur que ces imbéciles de marins viennent de me faire une autre échauffourée sans exemple. J'avais expédié 5 vaisseaux pour porter des secours à Saint-Domingue; sans s'y arrêter, ils devaient continuer leur croisière pour se porter à quatre ou cinq cents lieues de là. Ils ont pris racine à Saint-Domingue et y sont restés dix-neuf jours. Une escadre anglaise supérieure est venu et les a jetés à la côte. Cela n'est pas du malheur, mais c'est d'une bêtise et d'une fatalité qui n'a pas d'exemple.
Paris, 31 mars 1806
A la princesse de Lucques
Ma Sœur, vous trouverez ci-joint le décret que j'ai pris pour la principauté de Lucques. Vous verrez que je vous donne l'autorisation de réformer vos moines, et que j'ajoute à votre principauté un assez grand accroissement de terrain; j'y mets quelques clauses qui sont importantes. Ce décret sera demain dans le Moniteur, et tout sera connu dans quelques jours.
Paris, 31 mars 1806
A la princesse de Lucques
N'allez pas tourmenter vos peuples de Piombino. Que gagnerez-vous à supprimer quatre ou cinq paroisses et quelques couvents ? Il est ridicule que tous vos amis vous mettent dans les journaux. Écrivez-leur que cela n'est pas convenable.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous trouverez ci-joint le décret que je viens de prendre. Il a déjà été communiqué au Sénat et sera demain dans le Moniteur. Vous le recevrez officiellement; faites-le publier et mettre à exécution. Faites-moi connaître ce que rendra le quinzième des revenus des duchés que je viens de créer. Il y en a qui rendront peu de chose; mais il y en a qui rendront beaucoup. Mon intention est de les composer de manière qu'il y en ait de 120,000 livres, 200,000 livres, et même de 300,000 livres.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai destitué le général Solignac. Mon intention est bien de lui faire rendre tout ce qu'il a pris.
L'article 3 de votre décret d'abolition de la censure est un peu vif. Tout homme est libre d'écrire et d'imprimer ses pensées , mais avec bien des restrictions. Il n'y a pas plus de loi en Italie qu'en France contre la calomnie. D'ailleurs, par un article, vous établissez la censure, car votre bureau de la liberté de la presse n'est pas autre chose qu'une censure. Mais je crois que tout cela n'a pas le même inconvénient à Milan qu'à Paris.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, faites naviguer les Vénitiens sous pavillon italien. Mais vous savez qu'ils ont beaucoup de dangers à courir de la part des Russes, des Anglais; il faut donc qu'ils ne se hasardent qu'avec circonspection.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Joseph
Mon Frère, j'ai jugé convenable de finir les affaires de Naples. Les circonstances d'ouverture de négociations avec l'Angleterre m'ont décidé à ne pas perdre un moment; car, les négociations une fois ouvertes, toute chose nouvelle eût été inconvenante. Une députation de trois membres du Sénat va se rendre près de vous, et Roederer sera du nombre. La princesse Joseph est traitée de Majesté. Du moment que la députation du Sénat vous arrivera , mon intention est que vous fassiez tirer le canon et que vous receviez le serment de tous vos sujets. Vous verrez que j'ai créé six fiefs dans votre royaume. Je pense que vous devez donner le plus considérable, avec le titre de due de Tarente, au maréchal Bernadotte. J'ai donné à Berthier Neuchâtel, parce que je devais commencer par penser à celui qui me sert depuis le plus longtemps et qui ne m'a jamais manqué. Mes liaisons de parenté avec Bernadotte exigent que vous lui accordiez dans votre palais des privilèges particuliers, puisque ses enfants sont vos neveux, et que vous lui assuriez 4 ou 500,000 livres de rente. La reine de Naples l'avait fait pour Nelson. Vous voyez que je récompense et que je récompenserai amplement les chefs et les soldats. Mais soyez inflexible et ne laissez personne voler.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Joseph
Mon Frère, je vous ai envoyé le maréchal Jourdan pour que vous l'employiez comme gouverneur de Naples.
On vous a fait un monstre de cette place de Gaëte. Je ne vois que le transport d'une trentaine de pièces de canon, avec les bon et poudres nécessaires, puisse coûter tant d'argent. Je suis fâché de voir que vous ne l'assiégiez pas. Le bombardement vous coûtera plus qu'un siège; il n'y a rien de si cher qu'un bombardement, lorsqu'il est suivi. Cela vous coûtera beaucoup d'argent, et peut-être inutilement. Un siège eût été beaucoup plus sûr.
Je ne saurais que faire en France des galériens que vous m'envoyez. J'ai décidé d'en mettre 500 à Palmanova et 500 à Alexandrie, pour être employés aux travaux de ces places. Il faut aller doucement sur l'organisation des corps napolitains; il ne faut pas lever plus de deux régiments, autrement vous formeriez une canaille qui ne servirait de rien et qui s'enfuirait au premier coup de canon.
Il y a eu beaucoup d'abus dans les pays conquis en Italie; il en a eu aucun à la Grande Armée.
Le général Damas ne pouvait rien faire de passable avec d'aussi mauvaises troupes que les Napolitains.
On a déjà trouvé quatre millions provenant du maréchal Masséna; il doit en être recouvré encore deux autres. Je n'aurais pas pu payer vos lettres de change sans cette ressource. Les arrendamenti n'ont rien de sacré, parce que rien n'est sacré après une conquête. Avec ces principes-là, vous ne fonderez pas un pays. Mon opinion est que vous gouvernez Naples beaucoup trop mollement. Vous mettriez votre armée en grande aise avec plus de vigueur.
Il ne faut pas renvoyer tous les régiments italiens, afin de ne pas leur faire faire des voyages inutiles. Je ne pense pas que les affaires soient bien éclaircies. Je préfère que vous renvoyiez en Italie deux ou trois régiments francais; je vous laisse le maître de renvoyer ceux que vous voudrez; mais gardez les Italiens; ils me serviraient peu dans une grande guerre contre l'Autriche, et ils seront très-bons à Naples, parce qu'ils sont fidèles, qu'ils maintiendront la police et qu'ils sont infiniment supérieurs aux Napolitains. Dans tout état de cause, moins vous pourrez garder de troupes françaises à Naples et mieux cela vaudra. J'en ai besoin partout et ne suis pas en peine de les nourrir et de les solder. Un corps de 12 ou 15,000 hommes est plus que suffisant pour prendre la Sicile.
Vous ne m'instruisez encore pas si vous êtes maître de Reggio et de Tarente. Votre lettre est du 18. Or il y a cependant plus d'un mois que vous êtes à Naples. Tout cela va beaucoup trop lentement.
Paris. 31 mars 1806
Au prince Joseph
Le général Dumas doit vous être arrivé à l'heure qu'il est. Je désire qu'il puisse satisfaire les espérances que vous en concevez. Il a du talent. Voyant que vous n'avez personne à mettre à la tête de Naples, je vous ai envoyé le maréchal Jourdan, homme d'un grade supérieur. Il sera uniquement destiné au gouvernement de Naples. Lucatte ne peut inspirer ni aux maréchaux ni même aux habitants; il pourra remplir sous lui les fonctions de commandant d'armes.
J'ai reçu votre lettre du 13 mars. Voilà près d'un mois que vous êtes maître de Naples. Je n'entends pas encore que vous soyez à Tarente. J'espère qu'à l'heure qu'il est vos troupes sont arrivées à Reggio. Je vous ai déjà dit que j'ai réuni vos dépôts dans la Romagne et le Bolonais ; je vais y envoyer un commandant. Vous avez quatorze régiments; avec les Italiens, cela vous fera un corps beaucoup plus considérable. Vous n'avez pas besoin de 25,000 hommes pour prend la Sicile; un corps de 15,000 est plus que suffisant. Toute cette canaille, Napolitains et Siciliens, sont bien peu de chose. Les Corses étaient bien autre chose, et ils n'ont jamais résisté seulement à huit bataillons.
Les Russes se sont emparés des bouches de Cattaro, que les Autrichiens leur ont indignement livrées. Cela les attire de ce côté, qui les intéresse beaucoup plus que les affaires de Naples. Je vous ai envoyé... en or. J'ai fait payer les 500,000 francs que vous ai passés sur moi. Je ferai encore payer 2,500,000 francs de lettre de change; mais ne comptez pas sur davantage. J'ai des dépenses immenses. Mon armée doit être maintenue sur un pied respectable car tout peut ne pas être fini. J'ai pris possession de Wesel, qui est une des plus fortes places du Rhin. Je lui cède le Hanovre. Le prince Murat a été reconnu duc de Clèves et de Berg, ce qui lui donne 400,000 âmes de population. J'ai écrit en Hollande, et, sous peu de jours, le prince Louis sera fait stathouder héréditaire de Hollande.
Je désirerais avoir un rapport de vos places fortes. Ne serait-il pas convenable de raser Capoue ? Faites-moi faire, par le général du génie, un rapport général, afin que je fasse connaître mon opinion. Maîtres comme nous le sommes ..... les places fortes ne peuvent que retarder la marche d'une armée. S'il en faut, il en faudrait une seule pour servir de grande place de dépôt, où l'on pourrait réunir ses dépôts et établissements, dans le cas où il faudrait concentrer ses forces pour défendre l'Adige. Vous sentez que je parle pour dix premières années; car, dans ce terme, vous aurez assez de crédit parmi cette population pour avoir une armée vraiment napolitaine. L'armée napolitaine n'est rien, n'a jamais rien été, ne peut devenir une armée que par une suite de soins et de temps. Bien loin d'exiger que le royaume de Naples me nourrisse une trop grande armée, je voudrais y laisser le moins de troupes possible. Je voudrais n'avoir à Naples que six régiments à quatre bataillons chacun, toujours au grand complet de guerre, ce qui ferait 16,000 hommes; dix compagnies d'artillerie au complet de guerre, ce qui ferait 1,000 hommes; deux régiments de chasseurs, formant 1,600 hommes et 1,400 chevaux; deux compagnies d'artillerie légère et un bataillon du train; deux généraux de division; un général de cavalerie, un d'artillerie, six généraux de brigade. Tout le reste des officiers, si vous en avez besoin, vous les prendriez à votre service. Cette armée, je voudrais qu'elle eût son quartier général, ses dépôts, son parc, réunis dans un seul point, qui serait la place forte. Vous pourrez avoir à votre solde un régiment allemand, un ou deux régiments suisses, et je vous céderais celui que j'ai, de quatre bataillons, et composé d'hommes attachés, extrêmement opposés aux Anglais. Je ne pense pas que vous deviez tenir à Naples quatre régiments de trois bataillons chaque, car que sert d'avoir une nombreuse canaille, qui coûtera beaucoup et s'enfuira au premier coup de canon ? Les officiers qui vous viennent du royaume d'Italie sont, en général, des gens attachés. Si, ce que je ne crois pas, le peuple napolitain aimait la guerre, avec trois ou quatre régiments tous les goûts militaires doivent être satisfaits. S'il en était autrement, je préférerais avoir trois ou quatre régiments qui serviraient en France, à ma solde , que je mettrais dans le nord, qui purgeraient le pays et franciseraient aisément l'armée napolitaine. Il faut que vous réfléchissiez qu'il n'y a qu'un seul moyen de vous maintenir à Naples, c'est de faire la fortune d'un grand nombre d'officiers francais, qui s'y établiront, et, étant riches, se marieront. Cela est facile, en leur distribuant une quarantaine de millions de domaines nationaux. Ainsi donc, avant d'atteindre les grandes chaleurs, vous pouvez renvoyer en France tous les dragons qui ont besoin de se former, qui ne peuvent vous servir en Sicile et vous sont superflus à Naples. Je crois que 3,000 chevaux vous suffiraient. Et, enfin, il faut tenir vos troupes réunies pour les exercer, les tenir en bon état, et, à tout événement, se porter sur le haut et sur le bas de l'Italie.
Paris, 31 mars 1806
Au prince Joseph
Mon Frère, je vous ai déjà fait connaître mon opinion sur les opérations : elles sont trop lentes. La première chose à faire est de vous procurer de l'argent et de faire des exemples sévères des assassins. Dans un pays conquis , la bonté n'est pas de l'humanité. Plusieurs Français ont déjà été assassinés. En général, il est de principe politique de ne donner une bonne opinion de sa bonté qu'après s'être montré sévère pour les méchants.