7 - 14 novembre 1806
Berlin, 7 novembre 1806
28e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Sa Majesté a passé aujourd'hui, sur la place du palais de Berlin depuis onze heures du matin jusqu'à trois heures après midi, la revue de la division de dragons du général Klein. Elle a fait plusieurs promotions. Cette division a donné avec distinction à la bataille d'Iena, et a enfoncé plusieurs carrés d'infanterie prussienne. L'Empereur a vu ensuite défiler le grand parc de l'armée, l'équipage de pont et le parc du génie; le grand parc est commandé par le général d'artillerie Saint-Laurent, l'équipage de pont par le colonel Bouchu et le parc du génie par le général du génie Cazal.
Sa Majesté a témoigné au général Songis, inspecteur général, sa satisfaction de l'activité qu'il mettait dans l'organisation des différentes parties du service de l'artillerie de cette Grande Armée.
Le général Savary a tourné près de Wismar sur la Baltique, à la tête de 500 chevaux du 1er de hussards et du 7e de chasseurs, le général prussien Usedom, et l'a fait prisonnier avec deux brigades de hussards et deux bataillons de grenadiers. Il a pris aussi plusieurs pièces de canon. Cette colonne appartient au corps que poursuivent le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et maréchal Soult, lequel corps, coupé du côté de l'Oder et de la Poméranie, paraît acculé du côté de Lubeck.
Le colonel Exelmans, commandant le ler régiment de chasseurs du maréchal Davout, est entré à Posen, capitale de la grande Pologne. Il y a été reçu avec un enthousiasme difficile à peindre; la ville était remplie de monde, les fenêtres parées comme en un jour de fête; à peine la cavalerie pouvait-elle se faire jour pour traverser les rues.
Le général du génie Bertrand, aide de camp de l'Empereur, s'est embarqué sur le lac de Stettin, pour faire la reconnaissance de toutes les passes.
On a formé, à Dresde et à Wittenberg, un équipage de siége pour Magdeburg; l'Elbe en est couvert. Il est à espérer que cette place ne tiendra pas longtemps. Le maréchal Ney est chargé de ce siège.
Berlin, 8 novembre 1806
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, j'ai appris avec plaisir, par votre lettre du 30 octobre, que Mme Champagny vous a donné un fils, et qu'elle est bien portante. Votre fils marchera sur vos traces, c'est ce que je puis lui souhaiter de plus heureux. Je le tiendrai volontiers sur les fonts de baptême. Je serai fort aise de faire une chose agréable à Mme Champagny.
Berlin, 8 novembre 1806
A M. Fouché
Les journaux parlent du voyage de Moreau et de ses conférences avec les agents anglais. Les lettres interceptées disent qu'il est passé à Paris. Cela est-il vrai ou non ? Je désire que vous me disiez quelque chose là-dessus. Voici des lettres de ce misérable Fauche-Borel.
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Je vous envoie beaucoup de lettres interceptées de Mittau et autres endroits.
Berlin, 8 novembre 1806
A la margrave de Bade
Ma Cousine, j'ai reçu votre lettre. La recommandation de Votre Altesse est toute-puissante sur moi. J'ai, à sa considération, oublié tous les griefs que j'avais contre le duc de Weimar. J'ai beaucoup à me plaindre du duc de Brunswick. Elle peut être sans inquiétude sur son fils le prince Charles. Il s'est bien comporté à la bataille, et il supporte très-bien la fatigue. Il me reste à assurer Votre Altesse de l'estime que je lui porte et du désir que j'ai de lui en donner des preuves dans toutes les circonstances.
Berlin, 8 novembre 1806
Au prince d'Orange
Mon Cousin, je ne suis pas le juge de la conduite de Votre Altesse. Il ne me convient pas de balancer la nature de ses obligations. Votre Altesse me dit dans sa lettre qu'elle n'était pas le maître de ne pas me faire la guerre; elle ne trouvera donc pas mauvais que je désire avoir à Fulde un prince qui soit maître de rester en paix avec moi.
Berlin, 8 novembre 1806
A la princesse héréditaire de Hesse
Ma Cousine, je vois, par votre lettre du 7 novembre, combien vous avez de peine; j'y prends part. Je remercie Votre Altesse de tout ce qu'elle me dit d'aimable. Je voudrais que mes rapports avec elle fussent dans des circonstances plus tranquilles. Nous nous trouvons tous ballottés au milieu d'un orage : ceux qui l'ont suscité méritent votre blâme et le mien. Toutefois je prie Votre Altesse de croire aux sentiments d'estime et de considération avec lesquels je suis son bon Cousin,
Napoléon
Berlin, 8 novembre 1806
A Madame de Montmorency-Mortemart
Madame de Mortemart, j'ai reçu votre lettre. J'ai ordonné que votre grand'mère pût rentrer en France. Je suis aise que ceci puisse contribuer à votre satisfaction. Ne doutez pas de l'intérêt que je vous porte et de mon intention de vous en donner des preuves dans toutes les circonstances.
Berlin, 8 novembre 1806
NOTE
Prendre tout ce qui se trouve à Stettin de vin, eau-de-vie, liqueurs, rhum et rack, pour le service de l'armée; on donnera des repas aux particuliers.
On fera transporter les trois quarts de tout à Küstrin, et on me fera connaître pour combien de jours il y en a pour l'armée.
Les froids vont devenir vifs et l'eau-de-vie peut sauver mon armée. On m'assure qu'on trouve beaucoup de vin à Stettin; il faut tout prendre, y en eût-il pour vingt millions. C'est le vin qui dans l'hiver me vaudra la victoire; il faut le prendre en règle et on donnera des reçus.
Tous les souliers qu'on pourra se procurer, les diriger sur Küstrin, ne point en distribuer à Berlin; faire venir ceux qui sont à Mayence et à Erfurt jusqu'à Küstrin : tout ce qu'il y a de confectionné.
M. la Bouillerie portera en compte un mois de solde du 5e corps, qui sera payé par M. le maréchal Lannes.
Berlin, 9 novembre 1806
Au roi de Hollande
J'ai reçu votre lettre du 4 novembre, de Paderborn. Il est possible que le corps sorti de Hameln soit sorti pour fourrager et qu'il y rentre. Je ne sais ce que vous voulez dire en parlant d'officiers qui se réunissent au corps dans leurs anciennes garnisons. Chacun de ces officiers doit retourner dans sa famille. S'il y en a d'étrangers au pays, il faut les renvoyer sur-le-champ; ils ont la permission de s'en retourner chez eux et voilà tout. J'espère que vous avez, à l'heure qu'il est, pris possession de Hanovre.
Le corps de Blücher, que je vous avais annoncé se diriger du côté de Lubeck, a été battu et pris. Il était de 20,000 hommes. Magdeburg capitule en ce moment.
Berlin, 9 novembre 1806
A l'Impératrice
Ma bonne amie, je t'annonce de bonnes nouvelles : Magdeburg s'est rendu, et, le 7 novembre, j'ai pris à Lubeck 20,000 hommes qui étaient échappés depuis huit jours. Ainsi voilà toute l'armée prise; il ne reste pas à la Prusse, au delà de la Vistule, 20,000 hommes. Plusieurs de mes corps d'armée sont en Pologne. Je suis toujours à Berlin. Je me porte assez bien.
Adieu, mon amie; mille amitiés à Hortense, à Stéphanie et au petit Napoléon.
Berlin, 9 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 2 novembre. Le bulletin d'aujourd'hui vous intéressera; mais j'imagine que vous aurez été instruit, par des courriers de Hambourg, du combat de Lubeck. Voilà toute l'armée prussienne finie; il ne reste pas, au delà de Vistule, 20,000 hommes au roi de Prusse.
Faites venir l'ambassadeur de la Porte; dites-lui que je sais que la Porte a été forcée de rétablir les deux hospodars; mais que je suis à Varsovie et que je ne ferai pas de paix qu'ils ne soient chassés et remplacés par des amis de la Porte; que la Porte doit prendre courage et montrer un peu d'énergie; que toutes les forces russes vont être obligées de venir sur moi pour défendre la Pologne russe; qu'il faut que la Porte profite de ce moment pour montrer des troupes à Choczim et sur les frontières du Dniester.
Berlin, 9 novembre 1806
Au roi de Hollande
M. de Montesquiou m'apporte votre lettre du 5 novembre. J'agrée que vous retourniez dans votre royaume et laissiez le commandement en chef au maréchal Mortier. Dès que vous serez arrivé chez vous, envoyez en Hanovre de la cavalerie pour compléter la cavalerie hollandaise. Gouvernez d'une manière ferme. Tout n'est pas fini; il faut dire à votre conseil qu'il faut reconquérir les colonies par terre, puisque nous sommes si impuissants sur mer. Il faut qu'au printemps prochain vous puissiez me fournir 20,000 hommes. Complétez le plus possible votre division du Hanovre. Envoyez surtout votre cavalerie, qui ne vous est d'aucune utilité et qui est si utile.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Écrivez à l'officier qui commande le génie à Spandau pour témoigner mon mécontentement de ce que les travaux de cette place ne continuent pas; la raison qu'il allègue du défaut de sapeurs n'est pas valable. Il peut prendre quelques sergents de ligne pour diriger les travaux. Cela peut ralentir, mais non faire suspendre les travaux. Mon intention est donc qu'on continue.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Davout
Mon Cousin, Magdeburg s'est rendu. Il y avait 16,000 hommes et 800 pièces de canon. Le 6, Lubeck a été pris d'assaut par le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult. Le carnage y a été affreux. Le lendemain, le reste du corps de Blücher s'est rendu par capitulation. Il y avait 18,000 hommes, dont 3,000 de cavalerie. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Ney
Je reçois votre lettre du 7. Portez la plus grande attention à ce que les trésors qui sont enfermés dans Magdeburg nous restent. Visitez tous les caissons des officiers et tous les fourgons. Les caisses des régiments sont dans Magdeburg; le trésor de l'armée et des trésors très-considérables appartenant au prince de Hesse-Cassel s'y trouvent également. Faites main basse sur tout. Votre arrivée à Berlin n'est pas urgente. Partez un jour plus tard qu'un jour plus tôt. Au lieu d'un régiment laissez-en deux à Magdeburg. Faites escorter vos prisonniers par de bonnes escortes ; chargez-en les corps qui ont le plus souffert à la bataille d'Iena. Les prisonniers se sauvent partout. Vous sentez combien cela a d'inconvénients. Mettez en marche, seulement le 12, une division avec toute votre artillerie. Que, la garnison prussienne sortie, les portes soient fermées et qu'on visite tout ce qui sortira de la ville, afin que les trésors qui y sont renfermés ne soient pas soustraits quelques jours après. Ce fameux Blücher, avec 20,000 hommes, est à nous. Le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult ont pris la ville d'assaut. Ainsi a fini le reste de l'armée prussienne. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris. Le roi de Hollande me mande qu'il y a à Hameln 7,000 hommes campés sous les murs de la place. Envoyez un officier prendre des renseignements pour que vous soyez instruit si quelque colonne cherchait à s'échapper.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, Magdeburg s'est rendu le 7. Il y a dans cette place 16,000 hommes et 800 pièces de canon, des bagages et des trésor très-considérables. Le 6, Lubeck a été pris d'assaut par le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult. La boucherie a été effroyable. Le général Blücher y était avec la colonne du duc de Weimar et ce qu'il avait pu ramasser, formant une vingtaine de mille hommes. Ce qui n'a pas été pris le jour a été ramassé le lendemain par capitulation. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris.
Si la nouvelle de la bataille du 14 n'a pas arrêté la marche des Russes, je ne serais pas étonné que, le 8 ou 10 novembre, une colonne de 10 ou 15,000 hommes fût arrivée à Graudenz.
Tâchez de faire observer une bonne discipline en Pologne.
Berlin, 9 novembre 1806
Au général de Wrede
Je reçois votre lettre. Je suis fâché de votre maladie. Je comptais sur vous dans cette campagne, parce que je connais votre zèle et vos talents, dont vous m'avez donné des preuves l'année passée. Mais tout n'est pas fini : nous avons encore les Russes à battre, et, pour que vous puissiez prendre part aux événements, il faut tranquilliser votre esprit; c'est le meilleur moyen de guérir le corps. Ne doutez pas de l'estime que je vous porte.
Berlin, 9 novembre 1806
29e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La brigade de dragons du général Beker a paru aujourd'hui à la parade.
Sa Majesté, voulant récompenser la bonne conduite des régiments qui la composent, a fait différentes promotions.
Mille dragons qui étaient venus à pied à l'armée, et qui ont été montés au dépôt de Potsdam, ont passé hier la revue du maréchal Bessières; ils ont été munis de quelques objets d'équipement qui leur manquaient, et ils partent aujourd'hui pour rejoindre leurs corps respectifs, pourvus de bonnes selles et montés sur de bons chevaux, fruits de la victoire.
Sa Majesté a ordonné qu'il serait frappé une contribution de cent cinquante millions sur les Etats prussiens et sur ceux des alliés de la Prusse.
Après la capitulation du prince de Hohenlohe, le général Blücher, qui le suivait, changea de direction et parvint à se réunir à la colonne du duc de Weimar, à laquelle s'était jointe celle du prince Frédéric Guillaume Brunswick-OEls, fils du duc de Brunswick. Ces trois divisions se trouvèrent ainsi sous les ordres du général Blücher. Différentes petites colonnes se joignirent également à ce corps.
Pendant plusieurs jours, ces troupes essayèrent de pénétrer par des chemins que les Français pouvaient avoir laissés libres; mais les marches combinées du grand-duc de Berg, du maréchal Soult et du prince de Ponte-Corvo avaient obstrué tous les passages.
L'ennemi tenta d'abord de se porter sur Anklam , et ensuite sur Rostock : prévenu dans l'exécution de ce projet, il essaya de revenir sur l'Elbe; mais, s'étant trouvé encore prévenu, il marcha devant lui pour gagner Lubeck.
Le 4 novembre, il prit position à Grevismühlen; le prince de Ponte-Corvo culbuta l'arrière-garde; mais il ne put entamer ce corps, parce qu'il n'avait que 600 hommes de cavalerie et que celle de l'ennemi était beaucoup plus forte. Le général Watier a fait dans cette affaire de très-belles charges, soutenu par les généraux Pacthod et Maison, avec le 27e régiment d'infanterie légère et le 8e de ligne.
On remarque dans les différentes circonstances de ce combat, qu'une compagnie d'éclaireurs du 94e régiment, commandée par le capitaine Razout, fut entourée par quelques escadrons ennemis ; mais les voltigeurs francais ne redoutent point le choc des cuirassiers prussiens; ils les reçurent de pied ferme et firent un feu si bien nourri et si adroitement dirigé, que l'ennemi renonça à les enfoncer. On vit alors les voltigeurs à pied poursuivre la cavalerie à toute course. Les Prussiens perdirent 7 pièces de canon et 1,000 hommes.
Mais, le 4 au soir, le grand-duc de Berg, qui s'était porté sur la droite, arriva avec sa cavalerie sur l'ennemi, dont le projet était encore incertain. Le maréchal Soult marcha par Ratzeburg. Le prince de Ponte-Corvo marcha par Rehna ; il coucha du 5 au 6 à Schoenberg, d'où il partit à deux heures après minuit. Arrivé à Schlutup sur la Trave, il fit environner un corps de 1,600 Suédois, qui avaient enfin jugé convenable d'opérer leur retraite du Lauenbourg pour s'embarquer sur la Trave. Des coups de canon coulèrent les bâtiments préparés pour l'embarquement. Les Suédois, après avoir riposté, mirent bas les armes.
Un convoi de 300 voitures, que le général Savary avait poursuivi de Wismar, fut enveloppé par la colonne du prince de Ponte-Corvo et pris.
Cependant l'ennemi se fortifiait à Lubeck. Le maréchal Soult n'avait pas perdu de temps dans sa marche de Ratzeburg ; de sorte qu'il arriva à la porte de Müllen lorsque le prince de Ponte-Corvo arrivait à celle de la Trave. Le grand-duc de Berg, avec sa cavalerie, était entre deux.
L'ennemi avait arrangé à la hâte l'ancienne enceinte de Lubeck; il avait disposé des batteries sur les bastions; il ne doutait pas qu'on ne pût gagner là une journée : mais le voir, le reconnaître et l'attaquer fut l'affaire d'un instant.
Le général Drouet, à la tête du 27e régiment d'infanterie légère des 94e et 95e régiments, aborda les batteries avec ce sang-froid, cette intrépidité, qui appartiennent aux troupes françaises. Les portes sont aussitôt enfoncées, les bastions escaladés, l'ennemi mis fuite, et le corps du prince de Ponte-Corvo entre par la porte de la Trave.
Les chasseurs corses, les tirailleurs du Pô et le 26e d'infanterie légère, composant la division d'avant-garde du général Legrand, qui n'avaient point encore combattu dans cette campagne, et qui étaient impatients de se mesurer avec l'ennemi, marchèrent avec la rapidité de l'éclair : redoutes, bastions, fossés, tout est franchi; et le corps du maréchal Soult entre par la porte de Müllen.
Ce fut en vain que l'ennemi voulut se défendre dans les rues, dans les places; il fut poursuivi partout. Toutes les rues, toutes les places furent jonchées de cadavres. Les deux corps d'armée, arrivant des deux côtés opposés, se réunirent au milieu de la ville. A peine le grand-duc de Berg put-il passer, qu'il se mit à la poursuite des fuyards. 4,000 prisonniers, 60 pièces de canon , plusieurs généraux, un grand nombre d'officiers tués ou pris, tel est le résultat de cette belle journée.
Le 7, avant le jour, tout le monde était à cheval, et le grand-duc de Berg cernait l'ennemi près de Schwartau avec la brigade Lasalle et la division de cuirassiers d'Hautpoul. Le général Blücher, le prince Frédéric-Guillaume de Brunswick-OEls et tous les généraux se présentent alors aux vainqueurs, demandent à signer une capitulation, et défilent devant l'armée française.
Ces deux journées ont détruit le dernier corps qui restait de l'armée prussienne, et nous ont valu le reste de l'artillerie de cette armée, beaucoup de drapeaux et 16,000 prisonniers, parmi lesquels se trouvent 4,000 hommes de cavalerie.
Ainsi ces généraux prussiens qui, dans le délire de leur vanité, s'étaient permis tant de sarcasmes contre les généraux autrichiens, ont renouvelé quatre fois la catastrophe d'Ulm : la première, par la capitulation d'Erfurt; la seconde, par celle du prince de Hohenlohe; la troisième, par la reddition de Stettin, et la quatrième, par la capitulation de Schwartau.
La ville de Lubeck a considérablement souffert : prise d'assaut, ses places, ses rues ont été le théâtre du carnage. Elle ne doit s'en prendre qu'à ceux qui ont attiré la guerre dans ses murs.
Le Mecklenburg a été également ravagé par les armées francaises et prussiennes. Un grand nombre de troupes, se croisant en tout sens et à marches forcées sur ce territoire, n'a pu trouver sa subsistance qu'aux dépens de cette contrée. Ce pays est intimement lié avec la Russie; son sort servira d'exemple aux princes d'Allemagne qui cherchent des relations éloignées avec une puissance à l'abri des malheurs qu'elle attire sur eux, et qui ne fait rien pour secourir ceux qui lui sont attachés par les liens les plus étroits du sang et par les rapports les plus intimes. L'aide de camp du grand-duc de Berg, Dery, a fait capituler le corps qui escortait les bagages qui s'étaient retirés derrière la Peene; les Suédois ont livré les fuyards et les caissons. Cette capitulation a produit 1,500 prisonniers et une grande quantité de bagages et de chariots. Il y a aujourd'hui des régiments de cavalerie qui possèdent plusieurs centaines de milliers d'écus.
Le maréchal Ney, chargé du siège de Magdeburg, a fait bombarder cette place. Plusieurs maisons ayant été brillées, les habitants ont manifesté leur mécontentement, et le commandant a demandé à capituler. Il y a dans cette forteresse beaucoup d'artillerie, des magasins considérables, 16,000 hommes appartenant à plus de 70 bataillons, et beaucoup de caisses des corps.
Pendant ces événements importants, plusieurs corps de notre armée arrivent sur la Vistule.
La malle de Varsovie a apporté beaucoup de lettres de Russie qui ont été interceptées. On y voit que, dans ce pays, les fables des journaux anglais trouvent une grande croyance : ainsi l'on est persuadé, en Russie, que le maréchal Masséna a été tué, que la ville de Naples s'est soulevée, qu'elle a été occupée par les Calabrais, que le Roi s'est réfugié à Rome, et que les Anglais, avec 5 à 6,000 hommes, sont maîtres de l'italie. Il ne faudrait cependant qu'un peu de réflexion pour rejeter de pareils bruits. La France n'a-t-elle donc plus d'armée en Italie ? Le roi de Naples est dans sa capitale; il a 80,000 Français; il est maître des deux Calabres; et, à Pétersbourg, on croit les Calabrais à Rome ! Si quelques galériens armés et endoctrinés par cet infâme Sidney Smith, la honte des braves militaires anglais, tuent des hommes isolés, égorgent des propriétaires riches et paisibles, la gendarmerie et l'échafaud en font justice. La marine anglaise ne désavouera point le titre d'infâme donné à Sidney Smith. Les généraux Stuart et Fox, tous les officiers de terre, s'indignent de voir le nom anglais associé à des brigands. Le brave général Stuart s'est même élevé publiquement contre ces menées aussi impuissantes qu'atroces, et qui tendent à faire du noble métier de la guerre un échange d'assassinats et de brigandage. Mais, quand Sidney Smith a été choisi pour seconder les fureurs de la Reine, on n'a vu en lui qu'un de ces instruments que les gouvernements emploient trop souvent, et qu'ils abandonnent au mépris qu'ils sont les premiers à avoir pour eux. Les Napolitains feront connaître un jour avec détail les lettres de Sidney Smith, les missions qu'il a données, l'argent qu'il a répandu pour l'exécution des atrocités dont il est l'agent en chef.
On voit aussi dans les lettres de Pétersbourg, et même dans les dépêches officielles, qu'on croit qu'il n'y a plus de Français dans l'Italie supérieure: on doit savoir cependant qu'indépendamment de l'armée de Naples il y a encore en Italie 100,000 hommes prêts à punir ceux qui voudraient y porter la guerre. On attend aussi à Pétersbourg des succès de la division de Corfou; mais on ne tardera pas à apprendre que cette division, à peine débarquée aux bouches de Cattaro, a été défaite par le général Marmont, qu'une partie a été prise, et l'autre rejetée dans ses vaisseaux. C'est une chose fort différente d'avoir affaire à des Français ou à des Turcs que l'on tient dans la crainte et dans l'oppression, en fomentant avec art la discorde dans les provinces.
Mais, quoi qu'il en puisse être, les Russes ne seront point embarrassés pour détourner d'eux l'opprobre de ces résultats. Un décret du Sénat Dirigeant a déclaré qu'à Austerlitz ce n'étaient point les Russes, mais leurs alliés, qui avaient été battus. S'il y a sur la Vistule une nouvelle bataille d'Austerlitz, ce sera encore d'autres qu'eux qui auront été vaincus, quoique aujourd'hui, comme alors, leurs alliés n'aient point de troupes à joindre à leurs troupes, et que leur armée ne puisse être composée que de Russes.
Les états de mouvement et ceux des marches de l'armée russe sont tombés dans les mains de l'état-major francais. Il n'y aurait rien de plus ridicule que les plans d'opérations des Russes, si leurs vaines espérances n'étaient plus ridicules encore.
Le général Lagrange a été déclaré gouverneur général de Cassel et des États de Hesse.
Le maréchal Mortier s'est mis en marche pour le Hanovre et pour Hambourg avec son corps d'armée.
Le roi de Hollande a fait bloquer Hameln.
Il faut que cette guerre soit la dernière, et que ses auteurs soient si sévèrement ;punis, que quiconque voudra désormais prendre les armes contre le peuple français sache bien, avant de s'engager dans une telle entreprise, quelles peuvent en être les conséquences.
Berlin, 10 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 4 novembre. Je vous donne tous mes pouvoirs pour l'affaire de la conspiration jacobine. Voyez ce qu'il faut faire. Il ne faut pas lui donner plus d'importance qu'elle ne mérite. Il est possible qu'un petit exemple ne soit pas inutile, afin qu'à l'avenir les malveillants ne soient pas à l'affût des événements, dans l'espérance de revers, pour remuer.
Je vois avec peine qu'on arrête des diligences. Il faut éveiller la sollicitude de la police et déployer un peu de forces. Voyez le ministre Dejean et le gouverneur de Paris. Mon intention est que les quatre dépôts de dragons qui sont à Paris fournissent chacun un détachement de 30 hommes commandés par un officier; ces quatre détachements, formant 120 hommes, seront répartis sur les routes de Chartres, sur les confins de l'Orne, du côté des Andelys et d'Évreux. Pour peu que le mal augmente, on formera sur-le-champ un camp volant composé des carabiniers et voltigeurs des 2e, 4e et 12e régiments d'infanterie légère, des 120 dragons et de plusieurs brigades de gendarmerie. Cette force, faisant 5 ou 600 hommes, se rendra successivement à Évreux, aux Andelys, à Laigle, et, s'il est nécessaire, du côté de Domfront, arrêtera les mauvais sujets et fouillera les forêts. Cela rassurera les bons citoyens et comprimera ce commencement de malveillance. Mais c'est à l'archevêque de Rouen à lancer des monitoires (note : avertissement officiel de l'autorité ecclésiastique) contre ce brigandage public, si le mal augmente.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Indépendamment des détachements que j'ai ordonné au maréchal Kellermann de faire partir dans la première quinzaine de novembre pour venir renforcer les corps, mon intention est qu'il soit formé 8 bataillons provisoires. Chaque bataillon sera composé d'une compagnie fournie par chacun des 3e bataillons des corps qui sont à Grande Armée; chaque compagnie sera complétée à 140 homme les bataillons seront formés conformément à l'état ci-joint.
Le maréchal Kellermann nommera un chef de bataillon et un adjudant-major pour chaque bataillon, et un major pour commander deux bataillons.
Il aura soin de ne pas prendre les majors dans les mêmes corps où il prendra les chefs de bataillon ou adjudants-majors.
Il ne sera pas nécessaire que les conscrits soient instruits : il suffira qu'ils aient huit ou dix jours d'instruction, qu'ils soient armés et qu'ils aient la veste, la culotte, les guêtres, le chapeau d'uniforme et une capote. Il ne faudra pas attendre qu'ils aient l'habit.
Ces bataillons seront placés dans les places suivantes, où ils achèveront leur instruction.
Le 4e et le 5e bataillon se réuniront à Cassel, le plus tôt possible, pour maintenir la tranquillité de l'électorat de Hesse-Cassel; et vous remarquerez à cet effet qu'il faudra que vous donniez l'ordre au commandant de la 2e division militaire pour la compagnie du 12e régiment, au commandant de la 2e division pour la compagnie 12e de ligne, et au commandant de Verdun pour la compagnie du 25e d'infanterie légère. Donnez ordre aux commandants de ces trois divisions d'organiser sur-le-champ ces compagnies et de les diriger sur Mayence.
Les autres bataillons se dirigeront sans délai sur Magdeburg, où ils resteront le temps nécessaire pour compléter leur instruction. Faites sentir au maréchal Kellermann qu'il ne faut pas perdre un moment pour former ces bataillons; que, pourvu qu'ils soient armés, tout est bon ; que je les fournirai de tout à Magdeburg; qu'enfin j'obtiendrai par là deux avantages, puisqu'ils ne me coûteront rien en France et qu'ils me garderont Magdeburg, ce qui me rendra d'autres troupes disponibles.
J'espère que ces troupes seront réunies à Mayence et partiront le 25, pour être rendues le plus tôt possible à leur destination.
Donnez ordre an commandant de la 25e division militaire (Wesel)de faire partir au 20 novembre tous les dragons à pied, chasseurs et hussards qui s'y trouveront au-dessus du nombre de chevaux qu'ils ont.
Donnez le même ordre pour les 5e (Strasbourg)et 26e (Mayence) divisions militaires. Donnez le même ordre à Paris pour les corps de dragons. Les ordres sont donnés aux corps de cavalerie qui se trouvent dans les 6e (Besançon), 24e Bruxelles), 16e (Lille), 1e (Paris) et 18e (Lille) divisions. Tout doit donc venir à la Grande Armée. Il ne doit donc plus y avoir aux dépôts d'hommes à pied, hormis les invalides, auxquels il faut donner leur retraite, et les hommes qui ont des chevaux non encore dressés, et encore faut-il que ces chevaux partent à mesure qu'il y eu a dix d'équipés et d'arrangés, pour venir rejoindre leur régiment.
Vous ferez remarquer au général Dejean l'avantage qu'il y aura, pour l'économie de mes finances et le bien de mon armée, dans l'envoi de ces hommes; qu'ils tiendront garnison dans les grandes places de Magdeburg, Potsdam, Spandau, Küstrin, Stettin, garderont mes derrières, s'instruiront plus vite parce qu'ils en sentiront le besoin, et ne coûteront rien à mes finances.
Il y a à Juliers deux compagnies de sapeurs qui y sont inutiles; faites-en partir une pour Magdeburg. N'en laissez qu'une à Mayence et à Wesel; que le reste parte. Il n'y en a pas besoin à Strasbourg.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je désire que vous fassiez donner à Mme de Montmorency, âgée de soixante et quatorze ans, retirée à Brunswick dans la maison du Duc, un passe-port pour se rendre en France.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Ney
Je reçois la capitulation de Magdeburg; cela m'a fait le plus grand plaisir. Je vous recommande de bien faire escorter les prisonniers. Désarmez tous les habitants de Magdeburg dès votre entrée dans la ville. Qu'il n'y ait aucune arme. Je pense que vous devez garder l'artillerie de Dresde et de Wittenberg. Comme c'est de l'artillerie saxonne, elle est plus à ma disposition à Magdeburg qu'à Dresde même. Faites-la débarquer et mettre dans la ville. Mes coureurs sont déjà arrivés à Varsovie. Nous sommes en pleine possession de la capitale de la haute Pologne. Je fais en ce moment bombarder Glogau. J'espère que cette place sera rendue dans peu de jours. Votre présence n'est pas urgente; cependant je verrai avec plaisir l'arrivée à Berlin de votre première division et de votre artillerie. Quant au reste, ne le faites venir qu'au cas que cela ne puisse pas nuire au service et à l'escorte des prisonniers. Huit jours plus tôt ou plus tard ne m'importent pas assez, dans l'état actuel des choses, pour que je risque de perdre une partie de mes prisonniers.
Berlin, 10 novembre 1806
Au prince Jérôme
Je reçois votre lettre. Le général Lefebvre aurait dû vous envoyer plus de renseignements sur ce qui s'est passé dans le pays. Je désire fort être maître de Glogau. J'ai donné ordre au général qui commande à Küstrin de faire embarquer six mortiers et quatre obusiers de siège, et de vous les envoyer pour bombarder la ville. Si Glogau se rend, envoyez un officier en prévenir à Küstrin , afin qu'on ne fasse pas ce mouvement. Du moment que Glogau sera investi par le général Deroy, envoyez des partis de cavalerie sur Breslau, et, comme il est possible que l'ennemi ait là du monde, envoyez une force considérable sur l'une et l'autre rive. Vous pouvez continuer à charger vos deux généraux de brigade français, avec leurs corps, de cette mission. Faites ramasser tous les bateaux que vous rencontrerez sur l'Oder, afin de faire un pont dans une nuit et où vous voudrez. Tout bateau qu'on prendra il ne faut point le vendre; nous ne sommes pas ici sur mer; il faut leur faire descendre le fleuve jusqu'à Küstrin et les mettre entre les mains de l'administration.
Berlin, 10 novembre 1806
Au général Songis
Envoyez sur-le-champ un courrier extraordinaire pour faire embarquer à Küstrin six mortiers et quatre obusiers de siège, pour remonter au camp devant Glogau et bombarder la place , si elle veut tenir. Faites passer des obus au corps bavarois, qui a usé tous les siens en commençant déjà le bombardement. Je vous le répète encore, Küstrin est le point d'appui de l'armée. Il me faut là des cartouches d'infanterie et des cartouches à canon. Comme le parc est à Küstrin, ces mouvements se feront vite. Avant de faire remonter l'artillerie, le directeur du parc enverra un officier au prince Jérôme, parce que la ville pourrait être déjà rendue. Il vous fera connaître aussi s'il est possible d'envoyer plus de bouches à feu incendiaires devant Glogau.
Berlin, 10 novembre 1806
30e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La place de Magdeburg s'est rendue le 8. Le 9, les portes ont été occupées par les troupes françaises.
16,000 hommes, près de 800 pièces de canon, des magasins de toute espèce, tombent en notre pouvoir.
Le prince Jérôme a fait bloquer la place de Glogau, capitale de la haute Silésie, par le général de brigade Lefebvre, à la tête de 2,000 chevaux bavarois. La place a été bombardée le 8 par 10 obusiers servis par de l'artillerie légère. Le prince a fait l'éloge de la conduite de la cavalerie bavaroise. Le général Deroy, avec sa division, a investi Glogau le 9 ; on est entré en pourparler pour sa reddition.
Le maréchal Davout est entré à Posen, avec son corps d'armée, le 10. Il est extrêmement content de l'esprit qui anime les Polonais. Les agents prussiens auraient été massacrés si l'armée française ne les eût pris sous sa protection.
La tête de quatre colonnes russes, fortes chacune de 15,000 hommes, entrait dans les États prussiens par Georgenburg, Olita, Grodno et Jalowka. Le 25 octobre, ces têtes de colonnes avaient fait deux marches, lorsqu'elles reçurent la nouvelle de la bataille du 14 et des événements qui l'ont suivie ; elles rétrogradèrent sur-le-champ.
Tant de succès, des événements d'une si haute importance, ne doivent pas ralentir en France les préparatifs militaires; on doit au contraire les poursuivre avec une nouvelle énergie, non pour satisfaire une ambition insatiable, mais pour mettre un terme à celle nos ennemis.
L'armée française ne quittera pas la Pologne et Berlin que la Porte ne soit rétablie dans toute son indépendance, et que la Valachie et la Moldavie ne soient déclarées appartenantes (sic) en toute souveraineté à la Porte.
L'armée française ne quittera point Berlin que les possessions des colonies espagnoles, hollandaises et francaises ne soient rendu es, et la paix générale faite.
Ci-joint la capitulation du général Blücher.
On a intercepté une malle de Danzig, dans laquelle on a trouvé beaucoup de lettres venant de Pétersbourg et de Vienne. On use à Vienne d'une ruse assez simple pour répandre de faux bruits. Avec chaque exemplaire des gazettes, dont le ton est fort réservé, on envoie, sous la même enveloppe, un bulletin à la main, qui contient les nouvelles les plus absurdes. On y lit que la France n'a plus d'armée en Italie ; que toute cette contrée est en feu ; que l'État de Venise est dans le plus grand mécontentement et a les armes à la main ; que les Russes ont attaqué l'armée française en Dalmatie et l'ont complètement battue. Quelque fausses et ridicules que soient ces nouvelles, elles arrivent de tant de côtés à la fois, qu'elles obscurcissent la vérité. Nous sommes autorisés à dire que 1'Empereur a 200,000 hommes en Italie, dont 80,000 à Naples, et 25,000 en Dalmatie; que le royaume de Naples n'a jamais été troublé que par des brigandages et des assassinats; que le roi de Naples est maître de toute la Calabre; que si les Anglais veulent y débarquer avec des troupes régulières, ils trouveront à qui parler; que le maréchal Masséna n'a jamais eu que des succès, et que le Roi est tranquille dans sa capitale, occupé des soins de son armée et de l'administration de son royaume; que le général Marmont, commandant l'armée française en Dalmatie, a complètement battu les Russes et les Monténégrins, entre lesquels la division règne; que les Monténégrins accusent les Russes de s'être mal battus, et que les Russes reprochent aux Monténégrins d'avoir fui; que, de toutes les troupes de l'Europe, les moins propres à faire la guerre en Dalmatie sont certainement les troupes russes; aussi y font-elles en général une fort mauvaise figure.
Cependant le corps diplomatique, endoctriné par des fausses directions données à Vienne à l'opinion, égare les cabinets par ces rapsodies. De faux calculs s'établissent là-dessus, et, comme tout ce qui est bâtit sur le mensonge et sur l'erreur tombe promptement en ruine, des entreprises aussi mal calculées tournent à la confusion de leurs auteurs. Certainement, dans la guerre actuelle , l'Empereur n'a pas voulu affaiblir son armée d'Italie ; il n'en a pas retiré un seul homme; il s'est contenté de faire revenir huit escadrons de cuirassiers, parce que les troupes de cette arme sont inutiles en Italie. Ces escadrons ne sont pas encore arrivés à Inspruck. Depuis la dernière campagne, l'Empereur a au contraire augmenté son armée d'Italie de quinze régiments qui étaient dans l'intérieur, et de neuf régiments du corps du général Marmont. 40,000 conscrits, presque tous de la conscription de 1806, ont été dirigés sur l'Italie ; et, par les états de situation de cette armée au 16 novembre, 25,000 y étaient déjà arrivés. Quant au peuple des États vénitiens, l'Empereur ne saurait être que très-satisfait de l'esprit qui l'anime. Aussi Sa Majesté s'occupe-t-elle des plus chers intérêts des Vénitiens ; aussi a-t-elle ordonné des travaux pour réparer et améliorer leur port, et pour rendre la passe de Malamocco propre aux vaisseaux de tout rang.
Du reste, tous ces faiseurs de nouvelles en veulent beaucoup à nos maréchaux et à nos généraux : ils ont tué le maréchal Masséna à Naples; ils ont tué en Allemagne le grand-duc de Berg, le maréchal Soult. Cela n'empêche heureusement personne de se porter très-bien.
Berlin, 11 novembre 1806
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, le roi de Hollande s'en retourne dans son royaume. Vous avez donc le commandement de toutes les troupes. Mon intention est que vous en fassiez quatre divisions, dont deux divisions françaises, une division hollandaise et une division italienne.
La première division française sera composée du 2e d'infanterie légère et des 65e et 72e de ligne.
La deuxième division française sera composée du 4e régiment d'infanterie légère et des 122e et 58e de ligne. Ce dernier régiment sera le 20 novembre à Wesel ; jusqu'à ce qu'il y soit arrivé, vous le remplacerez par le 12e d'infanterie légère, que vous pourrez cependant laisser encore une quinzaine de jours à Cassel , jusqu'à ce y soit relevé par un millier d'hommes, que j'ordonne au maréchal Kellermann de former à Mayence et d'y envoyer.
La division hollandaise sera composée de troupes hollandaises, et la division italienne, des trois régiments italiens.
Je n'ai pas besoin de vous dire que mon intention est que les deux divisions françaises soient toujours réunies. Chacune des divisions doit avoir douze pièces de canon que vous vous occuperez d'organiser en Hanovre. Lorsque le 58e sera arrivé, je retirerai les 12e et le 15e, qui arrivent également le 20 à Wesel, auxquels je donnerai une autre destination.
Envoyez-moi la formation de votre armée sur ces bases. Il vous faut un général de cavalerie française pour commander la cavalerie de votre avant-garde. Vous devez avoir un millier de chevaux hollandais. Il faut aussi se procurer des chevaux en Hanovre et monter quelques escadrons de dragons à pied, que je vous enverrai des dépôts de France.
Berlin, 11 novembre 1806
Au sultan Selim
Très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et invincible Prince, grand Empereur des Musulmans, Sultan Selim, mon très-cher et parfait ami, Dieu veuille augmenter votre gloire et hautesse, avec fin très-heureuse ! Le jour nième où nos ennemis vous redemandaient la Moldavie et la Valachie en vous parlant de mes désastres, je remportais à Iena une mémorable victoire, et je marchais à d'autres triomphes. Les armées de Prusse sont détruites ou prisonnières. Tout le pays est à moi. Je suis à Berlin, à Varsovie. Je poursuis avec 300,000 hommes mes avantages, et je ne ferai la paix que lorsque vous serez rentré en possession de vos principautés par le rétablissement des deux hospodars, Callimachi et Alexandre Suzzo. Reprenez confiance. Les destins ont promis la durée de votre empire; j'ai la mission de le sauver, et je mets en commun avec vous mes victoires. Le moment est venu où la Sublime Porte doit retrouver son énergie et faire marcher ses armées pour couvrir Bender, Choczim , toute la ligne du Dniester. Je sais que les Russes retirent leurs forces de cette frontière ; ils se dirigent sur moi; je les cherche et vais au-devant deux. Ne balancez plus; ils ne vous trompent que par impuissance. Ils se faisaient livrer vos provinces ; la valeur ottomane doit les fermer.
Sur ce, je prie Dieu , très-haut, très-excellent, très-puissant, très- magnanime et invincible Prince, notre très-cher et parfait ami, qu'il augmente les jours de Votre Hautesse et les remplisse de toutes prospérités, avec fin très-heureuse.
Écrit en notre château impérial à Berlin, le 11 novembre 1806.
Votre très-cher et parfait ami,
Napoléon
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Gaudin
J'ai reçu le compte que vous me rendez de mes finances. Je vois avec peine que les douanes aillent si mal. Je crains qu'il n'y ait de grands abus du côté d'Anvers, de la Suisse et de l'Italie.
Lorsque la recette de la loterie diminue trop, il faut partir du principe qu'il se glisse des abus et donner l'éveil à l'administration. Je vous charge de bien veiller à ce qu'aucun escroc ne trouve les moyens de jouer à coup sûr. Vous dites que nous perdons là trois ou quatre millions; cela n'est pas très-agréable. Vous comprenez bien que ce n'est pas cinq millions que j'entends retirer de l'impôt du sel au delà des Alpes, mais 7,500,000 francs, avec l'accroissement provenant de la dernière loi.
Quant à la Banque, peut-être ne s'avance-t-elle pas assez, car on ne laisse pas de faire beaucoup d'affaires en France, et l'argent est assez rare; à Lyon, par exemple. Ce serait peut-être le cas d'émettre bientôt la troisième série.
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Fouché
Je vous envoie une lettre qui vous aura été, j'imagine, communiquée. Dans tous les cas, faites comme si vous ne l'aviez pas reçue.
Écrivez au gouverneur de Parme que, pour peu qu'il soit mécontent des hommes qui tiennent des propos, il les fasse arrêter et les envoie en France.
J'ai ordonné à M. Cambacérès de vous parler de plusieurs mesures à prendre du côté de l'Eure, des Andelys et des confins de l'Orne; mais c'est surtout les moyens de police qu'il faut employer avec la plus grande activité. Certainement l'arrestation de trois diligences en un mois n'est pas le résultat d'un événement ordinaire ; ceux ne veulent y voir qu'un cas fortuit sont dans l'erreur; il y a là un commencement de combinaison ayant pour but de m'obliger à laisser des troupes dans l'intérieur.
A l'égard de M. de Montagnac, il faut que vous vous concertiez avec M. Cambacérès et revoir les termes du sénatus-consulte. Je crois être autorisé à révoquer la radiation que j'avais accordée et à le faire remettre sur la liste des émigrés. Mon intention est qu'il soit enfermé dans la citadelle de Fenestrelle. Je mettrai ma décision sur le rapport que vous me ferez et qui serait l'extrait de votre bulletin du 3 novembre. Cet acte de sévérité en contiendra d'autres. Je ne puis que vous blâmer d'avoir fait venir cet homme à Paris. Vous avez la rage d'y rappeler des gens qu'on ne doit pas y souffrir. Il fallait laisser cet homme en surveillance dans son village.
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Lemontey (Pierre-Edouard Lemontey, 1762-1826, écrivain.)
L'Empereur désire, Monsieur, que les Éléments de l'histoire de France, par l'abbé Millot, soient continués jusqu'à nos jours. Je lui ai proposé de vous charger de cet ouvrage, et Sa Majesté consent à vous donner cette marque honorable de sa confiance. Je vous invite à la justifier promptement en consacrant tout votre zèle et tous vos talents à cet important travail.
Le ministre de la police, par ordre de l'Empereur.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'ai fait ici, sans exagération, plus de 140,000 prisonniers. Il est probable que la moitié arrivera jusqu'en France : que faire de tant d'hommes ? Il ne faut pas qu'ils me ruinent. Il faut les employer aux travaux publics et les mettre à la disposition des cultivateurs pour les faire travailler. Cela aura d'ailleurs l'avantage qu'il en restera beaucoup en France. Je vous recommande les gens d'armes; ce sont des freluquets et des polissons. N'en laissez pas venir à Paris et placez-les à Dijon, avec ordre de les tenir ferme. Si l'Espagne et la Hollande veulent avoir de ces prisonniers, on peut leur en donner. Écrivez à mon ministre à Madrid pour qu'il en propose au prince de la Paix. S'il en veut 10,000, je les lui enverrai; cela aura l'avantage de peupler l'Espagne, parce que, si ces prisonniers sont bien traités, ils resteront dans le pays. Cependant j'y attache la condition qu'on ne les enverra pas en Amérique travailler aux mines, mais qu'on en fera des soldats en Espagne.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vois avec plaisir que vous portez une attention particulière à l'organisation des régiments suisses. Cela est de la plus grande importance. Écrivez au landamman, écrivez aux colonels, servez-vous beaucoup de M. de Maillardoz; que l'argent surtout ne manque pas. Je compte essentiellement sur ces régiments pour la défense de mes côtes. Le régiment qui est à Avignon gardera les ports de Toulon et de Marseille; celui de Rennes gardera la Bretagne; celui de Lille gardera Boulogne et les côtes. Il faut qu'ils aient chacun 3,000 hommes avant le mois de mai.
Continuez à suivre le travail des réformes avec la plus grande activité. Purgez les cadres de tous les hommes inutiles. Les dépôts des régiments des armées d'Italie et de Naples ont de vieux officiers : donnez-leur leur retraite et remplacez-les par un bon nombre d'élèves de récole militaire de Fontainebleau, sachant bien l'exercice et capables de former les recrues.
Je n'entends point dire que le 5e escadron des régiments de cuirassiers soit formé.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, il est possible que je demande un sénatus-consulte pour lever la conscription de 1807 au mois de janvier. Concertez-vous avec M. Lacuée pour me présenter, sans délai, un travail. Je lèverai 100,000 hommes; 50,000 de l'armée active et 50,000 de l'armée de réserve. Je voudrais porter mes cadres au grand complet, non à l'ancien complet de guerre, mais à un complet où les compagnies seraient à 140 hommes, tant l'artillerie et les sapeurs que l'infanterie.
Quant à la cavalerie, je voudrais former un 5e escadron comme je l'ai fait pour les carabiniers et les cuirassiers, et porter les régiments de chasseurs et de hussards à 1,000 hommes. Vous sentez que, jusqu'à ce que j'aie fait connaître mes motifs, il faut faire ce travail-là très-secrètement.
Toute la monarchie prussienne est en mon pouvoir. Un comité d'insurrection très-formidable est organisé à Varsovie, et toute la Pologne va se soulever. Vous sentez que, si je prends le parti de soutenir l'insurrection de la Pologne, il sera convenable que je me mette en mesure et que je renforce mon armée.
Il est convenable d'ailleurs que, pour cet été, j'aie plus de forces que je n'en ai en Bretagne et sur les côtes. Celles que j'y ai dans ce moment seront suffisantes, si les cadres sont portés à 140 hommes par compagnie. Je ne suis point en peine de l'armement. Ce n'est point la dépense qui m'effraye, mais c'est la grande quantité d'habillements qu'il faudra. Des vestes et des capotes me paraîtraient suffisantes.
Berlin, 12 novembre 1806
Au maréchal Ney
Je reçois votre lettre du 11 novembre. Je vous fais mon compliment sur l'heureuse reddition de Magdeburg.
Témoignez-en ma satisfaction à votre corps d'armée. Votre première division, qui reçoit ordre de venir directement à Berlin, pourra apporter les drapeux, qu'elle présentera à son arrivée.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Lagrange, gouverneur de Hesse-Cassel et de Hanau
Le bataillon de 800 hommes de cavalerie qu'a formé le maréchal Kellermann a du vous arriver. Ainsi je pense qu'à
l'heure qu'il est vous avez fait mettre pied à terre à la cavalerie hessoise; que vous avez réuni les chevaux et que vous avez monté ce bataillon. Faites détruire les fortifications de Hanau, Marburg et Ziegenhain, et faites-en transporter toute l'artillerie en France.
Je verrai avec plaisir que l'Électrice et le prince Frédéric se retirent chez eux en Danemark.
J'ai déjà demandé l'état des pensionnaires et des vieux officiers, ainsi qu'un projet de réforme à accorder à ces individus.
Berlin, 12 novembre 1806
ORDRE
Je tiendrai demain mon premier conseil d'administration à dix heures. M. Maret fera prévenir M. Daru; M. Daru, le gouverneur général, M. Estève, M. la Bouillerie et M. d'Angern, et autres gens du pays qui connaissent l'administration; ceux-ci n'entreront que quand ils seront appelés.
Depuis dix jours on doit connaître enfin la situation des finances, et on me fera un rapport sur les finances de la Prusse, l'état des bateaux de sel qui ont été saisis, chantiers de bois, tabacs, etc.
Le payeur y viendra et portera l'état de ce qu'il a reçu et celui de la solde payée corps par corps.
Après-demain j'aurai un conseil de l'administration de l'armée. On portera l'état de l'habillement, de la caisse, de la solde qui est due, et payée, de la compagnie Breidt, des magasins pris sur l'ennemi. Tous les chefs de service y seront et entreront quand il seront appelés.
Berlin, 12 novembre 1806
ORDRES
La ville de Berlin n'a que huit jours de vivres; c'est une chose absurde. Il faut sur-le-champ mettre, dans la journée de demain, les 12,000 quintaux de seigle que j'ai à Spandau, à la disposition de la ville; en les lui vendant, exiger qu'elle les fasse moudre.
Comme actuellement j'ai Hambourg, Lubeck et Magdeburg, je n'ai pas besoin que la ville me remplace ce seigle; je saurai comment le remplacer; j'aime mieux avoir de l'argent.
On fera venir de Küstrin tout ce que j'ai au-dessus de 100,000 quintaux; on le vendra également à la ville. Par le même principe j'aime mieux de l'argent que ce blé.
S'il peut être avantageux d'en faire venir de Stettin, on en fera aussi venir, par le même principe. Je veux cependant à Stettin de quoi nourrir 60,000 hommes pendant trois mois.
On fera venir le magasin de Rathenow et on le vendra à la ville. J'ai ordonné au gouverneur de faire partir un lieutenant de gendarmerie, qui partira avant minuit pour faire venir ce magasin.
Un autre lieutenant prendra à Oranienburg et sur la ligne tout qui est converti en farines, afin d'avoir en magasin pour un mois, en cas de glaces.
Le courrier extraordinaire pour Küstrin sera expédié cette nuit afin que dans six jours ces 20 ou 30,000 quintaux soient ici. La circonstance presse à cause des glaces.
On enverra quelqu'un à Damm, où il y a des approvisionnements pris sur l'ennemi; on les versera dans les magasins militaires.
On enverra quelqu'un à Lubeck pour faire venir sur-le-champ à Magdeburg tous les grains appartenant aux Prussiens, Russes, Suédois et Anglais. On enverra un courrier à M. Bourrienne.
On donnera des ordres pour que désormais l'intendant de Magdeburg se tienne dans la ville, qu'il y ait un commissaire des guerres pour la place. J'y veux un fort approvisionnement; c'est la place la plus importante pour l'armée; il doit y avoir pour 10,000 hommes pendant un an, et pour 200,000 hommes pendant dix jours; pour 500 chevaux pendant un an, et pour 60,000 chevaux pendant jours.
Les 50,000 quintaux de Küstrin et de Spandau, on exigera que les boulangers les achètent, de manière que chacun ait pour deux mois, selon la règle de France; point de difficultés pour leur faire des crédits.
On doit parler très-haut, et donner l'assurance à la ville que le pain ne manquera jamais.
Il faut mettre un auditeur à la tête des approvisionnements de la ville, se concerter avec le comité, me rendre compte; il embrassera tous les détails de la mouture et de la consommation.
On fera des recherches qui fassent connaître la consommation de Berlin; au lieu des calculs ridicules qui m'ont été présentés, on les basera sur le nombre de fournées qui se font tous les jours chez les boulangers; c'est par là qu'à Paris on a des calculs très-différents de la théorie.
L'auditeur aura quarante-huit heures pour me faire un rapport là-dessus.
Berlin, 12 novembre 1806
A la princesse de Hesse
J'ai reçu la lettre de Votre Altesse du 3 novembre. Je la remercie de tout ce qu'elle veut bien me dire d'aimable. Je sens toutes ses peines; elles sont le résultat des événements dans lesquels nous sommes engagés. Depuis plusieurs années on prêche la guerre avec fureur; on est toujours disposé à accueillir les agents de l'Angleterre. Si la guerre a des maux, la France en éprouve les plus grands. Votre maison natale seule a eu le bon esprit de fermer l'oreille aux insinuations des ennemis du continent; le repos dont elle jouit en est le résultat. Pourquoi n'a-t-on pas été aussi sagement gouverné partout ?
Berlin, 12 novembre 1806
Au roi de Naples
Vos gazettes ne contiennent que de petits détails d'assassinats et de meurtres; cela sert merveilleusement le but des ennemis, qui est de faire croire que tout est sens dessus dessous dans le royaume de Naples. Défendez qu'on n'imprime désormais que ce qui est important.
Berlin, 12 novembre 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai envoyé des ordres pour la réunion d'une division à Brescia et à Vérone, et d'une division à Alexandrie; mais, pour peu que cela tarde, j'espère que vos troupes actives pourront être considérablement augmentées par vos dépôts, et que vous pourrez former uné division active des dépôts de l'armée de Naples. Je ne pense cependant pas que vous puissiez être dans cette situation avant le mois de Janvier. Je vois que vous n'avez que 1,700 chevaux des dépôts de l'armée de Naples; il devrait y en avoir 2,000. Faites-moi connaître quand ils existeront et ce qui empêche qu'ils n'y soient déjà. Les régiments de dragons que vous envoie le roi de Naples vous feront bientôt une augmentation considérable, et pourront remplacer les régiments de grosse cavalerie et de cavalerie légère que j'ai appelés à la Grande Armée. Pourquoi les majors du 14e de chasseurs et des 24e et29e de dragons ne sont-ils pas à leurs dépôts, non plus que les chefs d'escadron des 9e et 25e de chasseurs et des 7e, 23e, 24e et 29e de dragons ? Il manque des adjudants-majors, des chirurgiens et des capitaines. Je vois même que les 24e et 30e de dragons n'ont que deux sous-lieutenants. Si ce sont des places vacantes, écrivez au ministre Dejean pour qu'il y soit nommé; si ce sont des
hommes qui sont absents, qu'on les fasse revenir. Relisez l'instruction générale que je vous ai envoyée avant de partir de Paris, veillez à ce qu'elle s'exécute. Faites-moi connaître où en est l'armement et l'approvisionnement de Venise; a-t-on retiré tout ce qui inutile ? Et les deux lunettes de cette place sont-elles massées, armées et en état de se défendre ?
Berlin, 12 novembre 1806
31e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La garnison de Magdeburg a défilé le 11, à neuf heures du matin, devant le corps d'armée du maréchal Ney. Nous avons 20 généraux, 800 officiers, 22,000 prisonniers, parmi lesquels 2,000 artilleurs, 54 drapeaux, 5 étendards, 800 pièces de canon, un million de poudre, un grand équipage de pont et un matériel immense d'artillerie.
Le colonel Gérard et l'adjudant commandant Ricard ont présenté ce matin à l'Empereur au nom des ler et 4e corps, 60 drapeaux qui ont été pris à Lubeck au corps du général prussien Blücher; il y avait 22 étendards; 4,000 chevaux tout harnachés, pris dans cette journée, se rendent au dépôt de Potsdam.
Dans le vingt-neuvième bulletin, on a dit que le corps du général Blücher avait fourni 16,000 prisonniers, parmi lesquels 4,000 cavalerie. On s'est trompé : il y avait 21,000 prisonniers, parmi quels 5,000 hommes de cavalerie montés; de sorte que, par résultat de ces deux capitulations, nous avons 120 drapeaux et étendards, et 43,000 prisonniers. Le nombre des prisonniers qui ont été faits dans la campagne passe 140,000; le nombre des drapeaux pris passe 250; le nombre des pièces de campagne prises devant l'ennemi et sur le camp de bataille passe 800; celui des pièces prises à Berlin et dans les places qui se sont rendues passe 4,000.
L'Empereur a fait manœuvrer hier sa Garde à pied et à cheval dans une plaine, aux portes de Berlin. La journée a été superbe.
Le général Savary, avec sa colonne mobile, s'est rendu à Rostock, et y a pris 40 ou 50 bâtiments suédois sur leur lest; il les a fait vendre sur-le-champ.
Berlin, 13 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je vous envoie un manuscrit trouvé dans le cabinet du roi de Prusse; je désire qu'il soit imprimé à Paris, sur beau papier, et que vous fassiez faire par un homme de lettres un précis rapide qui peigne toute l'indignité du partage de la Pologne, et son influence sur l'abaissement de la Suède et de la Porte, et dès lors sur l'équilibre de l'Europe. Il faut que cette préface de l'éditeur, qui sera mise à la tête du livre, soit faite pendant l'impression, et que l'ouvrage soit publié sous huit jours; on pourra mettre pour titre Manuscrit trouvé dans le cabinet du roi de Prusse, à Berlin.
Berlin, 13 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le comté de Hanau aura une administration particulière. Il y sera envoyé un sous-inspecteur aux revues pour remplir les fonctions d'intendant. Tout ce qui est police sera sous les ordres du maréchal Kellermann, qui y tiendra un adjudant commandant qui correspondra avec lui. Ce sera donc par les soins du maréchal Kellermann que la forteresse sera démolie, le pays désarmé et toute l'artillerie et les armes transportées à Mayence.
L'enclave de Hesse-Cassel, où se trouve la forteresse de Rinteln, fera partie du gouvernement de Minden.
Le maréchal Kellermann fera prendre possession directement de l'enclave de Hesse-Cassel, qui est sur le Rhin, entre Coblentz et Mayence. Il fera démolir le petit château, fera enlever toutes les armes et me proposera quelqu'un pour administrer le pays pour mon compte.
Berlin, 13 novembre 1806
DÉCISION
Le maître de poste de Mittenwalde demande que les courriers français payent leurs chevaux. | Renvoyé au major général, pour faire mettre une ordonnance chez ce maître de poste et saisir le premier qui ne payerait pas. |
Berlin, 13 novembre 1806
Au maréchal Bernadotte
Mon Cousin, j'ai reçu les drapeaux que vous m'avez envoyés. J'ai vu avec plaisir l'activité et les talents que vous avez déployés dans cette circonstance et la bravoure distinguée de vos troupes. Je vous en témoigne ma satisfaction; vous pouvez compter sur ma reconnaissance.
Berlin, 13 novembre 1806, 4 heures du soir
Au maréchal Soult
Mon Cousin, le maréchal Lannes sera le 15 à Thorn. Avancez-vous sur Gnesen, et envoyez un adjoint à Thorn, pour savoir ce se passe. Pour peu qu'il y ait rien de sérieux, prévenez-en le prince Jérôme et conseillez-lui de se rendre à Posen. Le maréchal Augereau a ordre de se rendre à Bromberg. Le major général vous fera connaitre que je vous autorise à diriger sur Kowal la division Beaumont; elle pourra envoyer quelques partis à Plock, et le général Milhaud
pourra essayer de s'approcher de Varsovie. Il ne vous échappera pas que mon intention, en envoyant la division Beaumont à Kowal, est qu'elle soit à portée de Thorn et de Varsovie, de manière que, si les Russes se trouvaient en force entre Grodno et la Vistule, vous puissiez réunir tout ce qui serait sur Thorn. Tous mes renseignements sont que les Russes ont rétrogradé quand ils ont su ce qui était arrivé aux Prussiens; mais cela peut avoir changé. J'ai ordonné à la division Beker de se rendre à Thorn; elle sera sous les ordres du maréchal Lannes, comme elle a été précédemment sous vos ordres. Dirigez-la sur Thorn, si elle n'en avait pas encore l'ordre. Il n'y a pas d'inconvénient que vous laissiez au général polonais les 40,000 francs qu'il a trouvés à Posen; j'en ai mis 50,000 à votre disposition. Voici la conduite à tenir avec les Polonais. Du moment que vos 3,000 fusils seront arrivés à Posen, vous les remettrez au général Dombrowski, et vous lui direz qu'il peut lever six bataillons de jeunes gens, en choisissant, le plus possible, les officiers parmi ceux qui ont servi dans les légions polonaises et parmi les gens les plus considérables du pays. Ces 3,000 fusils peuvent former le fond de six bataillons. Faites-lui connaître qu'il y a 40,000 fusils à Küstrin, et qu'on les emmagasinera à Posen, où ils seront à ma disposition. On m'avait d'abord annoncé des députés de Varsovie : je ne les ai point vus. Sans écrire, faites part aux Polonais du mouvement que vous faites, et faites-leur dire que, s'ils veulent s'insurger contre les Prussiens et désarmer la garnison de Varsovie, ils en sont les maîtres, et que vous les soutiendrez avec votre cavalerie. Si Varsovie s'insurgeait, il serait bon d'y envoyer sur-le-champ le général Dombrowski, pour organiser de suite les gardes nationales et armer des bataillons de jeunes gens. Si cet événement arrivait, vous pourrez faire soutenir les insurgés par la division Beaumont, celle du général Milhaud et même par celle du général Klein. Vous pouvez vous rapprocher de Varsovie, en vous tenant cependant toujours à portée de marcher sur Thorn, si les circonstances l'exigeaient. Il semble que de Gnesen à Kowal il n'y a que trois journées, et que de Kowal à Thorn vous ne seriez pas plus loin que de Gnesen. Il serait assez convenable, si les Polonais sont insurgés à Kalisz et à Posen, d'en envoyer un millier à la ville de Lenczyca pour voir si la citadelle veut se rendre.
Vous voyez que je désire que vous ne passiez pas la route de Kalisz, mais que vous vous rapprochiez le plus possible de la route de Thorn. Donnez-moi quelques renseignements sur la nature du pays jusqu'à Varsovie et de Thorn à Grodno. Ne fatiguez point vos troupes par de fausses marches. Il n'y a dans tout ceci qu'une chose très-importante : c'est que mes trois corps et ma cavalerie puissent se réunir en peu de temps, si les mouvements des Russes le rendaient nécessaire.
Magdeburg s'est rendu, et 22,000 hommes y sont été faits prisonniers de guerre. Je vous ai déjà instruit de l'affaire de Lubeck. Ainsi ces affaires me donnent 45,000 prisonniers.
Berlin, 14 novembre 1806
A M. Gaudin
Vous devez dire au gouverneur de la Banque que je pense que, dans les circonstances actuelles, il est scandaleux d'escompter à six pour cent. Elle ne doit pas oublier qu'elle escomptait déjà à six pour cent lorsque les maisons de commerce faisaient leurs opérations sur le taux de neuf pour cent. Il est donc convenable de revenir à l'intérêt légal de cinq pour cent.
Berlin, 14 novembre 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, je reçois votre lettre du 25 octobre. Tout ce que vous me dites me paraît assez satisfaisant. Tenir toujours sept ou huit millions à Strasbourg, afin que j'en puisse disposer, si cela était nécessaire, pour alimenter la caisse de l'armée, est une bonne sage précaution. Dans les moments de guerre comme ceux-ci, l'argent n'a de valeur que par la rapidité avec laquelle on peut l'avoir. Mais ce qui m'importe surtout, c'est que vous ne perdiez jamais de vue ce qui est dû de solde à mon armée. Il me semble que, dans l'année 1806, l'armée n'a touché que quatre mois : au mois de janvier 1807 il lui sera donc dû huit mois, c'est-à-dire vingt-quatre millions. Je désire que ces vingt-quatre millions existent soit à Mayence, soit dans la caisse de réserve du trésor à Paris, non en effets, mais en argent. Ainsi, si je voulais ces vingt-quatre millions du soir au matin, je devrais les avoir sans produire aucun mouvement sur la place. Vous me dites que vous aurez des obligations : ce n'est pas mon affaire; que vous aurez des effets : ce n'est pas mon affaire; il faut que vous ayez de l'argent; c'est un dépôt dans toute la force du terme. Alors, quelque chose qui arrive, je puis considérer mon armée comme soldée; au lieu que, s'il arrivait quelque chance comme l'affaire d'Ouvrard l'année passée, ou même quelque malheurs, les papiers ne seraient point réalisés, et l'armée perdrait sa solde. Faites-moi connaître ce qui est dû à l'armée, mois par mois, et où sont les fonds pour acquitter cette solde. J'entends que vous ne soyez plus le maître de cet argent, mais que vous l'ayez seulement en dépôt. Du reste, ici, maître de la Prusse et de toute la Westphalie, l'argent va commencer à rentrer, de manière qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Je n'ai fait aucune autre disposition que le crédit de deux millions que j'ai ouvert au prince de Neufchâtel pour les besoins de l'armée, comme je vous en ai instruit. Je vous envoie un décret qui les répartit dans les différents chapitres du budget du ministre de la guerre, comme la distribution en a été faite. Mais il paraît qu'il est encore dû deux millions pour différents objets d'administration. Je ne sais pas si cela a été ordonnancé par les ministres.
Berlin, 14 novembre 1806
Au général Dejean
Tout ce qu'on vous écrit est public. Je ne sais quels sont les gens de vos bureaux qui vont débiter dans les coteries de Paris les choses qui devraient rester dans le secret de votre cabinet.
Berlin, 14 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je n'approuve point que le bataillon du 4e d'infanterie légère aille à Orléans. Ayant retiré les 15e et 58e de Paris, il doit y avoir des casernes. J'ai laissé à Paris six bataillons; je désire que le gouverneur en voie un par jour, de sorte qu'il les ait tous vus en une semaine. Faites-vous rendre compte de leur administration. Il faut que ces six bataillons me fournissent, avant le mois de février prochain, 6,000 hommes pour Paris et mes réserves de l'intérieur. Si on les envoie à Orléans, ils croupiront dans l'oubli et ne feront plus rien qui vaille.
Faites-vous rendre compte de l'état de situation des 2e, 12e et 4e et portez tous vos soins à ce que les bataillons de guerre de ces corps soient à l'effectif de 140 hommes par compagnie; ce qui fait 1,240 hommes par bataillon et 2,500 hommes pour les bataillons qui sont à l'armée; je dis à l'effectif, parce que les malades et absents à leur départ de Paris doivent y être compris. Les 15e et 58e doivent avoir leurs bataillons de guerre au même effectif. Je pense qu'il n'en sera pas parti plus de 2,000 hommes. Vous vous entendrez avec le gouverneur de Paris pour faire partir par mois et par détachements 5 à 600 hommes, tout ce qui est nécessaire pour porter ces corps, ainsi que le 32e, au complet de l'effectif demandé.
Berlin, 14 novembre 1806
CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ARMÉE
Le conseiller d'État Daru, intendant général, est présent. M. Roguin, payeur général, est introduit. Il met sous les yeux de Sa Majesté l'état de sa recette de ses payements, et celui des moyens et des besoins du service. Sa Majesté fait les observations et prescrit les dispositions suivantes :
On ne voit pas figurer dans les rentrées les 700,000 francs provenant des caisses de Cassel. Cette omission doit être réparée.
Il n'est pas nécessaire de s'occuper du 8e corps, attendu qu'il reçu 200,000 francs à Cassel.
Il faut donner sur-le-champ l'ordre de verser dans la caisse du 4e corps, à Lubeck, les 400,000 francs de Hambourg, qui ont été réalisés.
Le payeur général présentera au conseil d'administration, qui se tiendra dimanche prochain, à dix heures, un compte séparé de l'argent qui provient du trésor public de Paris, et de celui qui provient du pays conquis. Ces fonds ne doivent pas être confondus : le payeur doit compte des uns au trésor public, et il doit être tenu des autres un compte particulier dont le trésor public doit avoir connaissance, mais sur l'emploi desquels il n'a aucun moyen de vérification.
L'intention de Sa Majesté est que le mois de solde accordé à l'armée soit entièrement payé avec les fonds du pays conquis. Si, pour activer les payements, on était dans le cas de prendre sur les fonds qui viennent de France, ce ne serait qu'un emprunt. Il doit en être de même des sommes qui seront mises à la disposition de l'intendant général sur les ordonnances du major général. Les fonds envoyés par le trésor public de France sont pour le payement de la solde arriérée. Ainsi le mois qui a été payé à l'armée sur les fonds provenant du pays conquis est pour la solde d'octobre; et, comme l'intention de Sa Majesté est que la solde courante soit payée, le premier mois à acquitter sera celui de novembre.
Dans les besoins auxquels les fonds du trésor de France doivent subvenir, le payeur général comprendra : l° les ordonnances délivrées par les ministres et autorisées par le trésor; 2° la solde jusqu'a 1er octobre exclusivement.
Le payeur général apportera : 1° le bordereau séparé de ce qui été payé sur les deux millions mis à la disposition du major général, et celui des ordonnances en vertu desquelles se sont faits ces payements; comme le trésor public a fait les fonds pour ces deux millions, ils entreront dans les dépenses à payer par le trésor de France; 2° le bordereau des dépenses des ministres de la guerre et de l'administration de la guerre; 3° enfin, le montant détaillé, corps par corps, d'un mois de solde pour toute l'armée.
M. Daru présente l'état des magasins de Magdeburg et de Spandau.
Sa Majesté ordonne que, jusqu'à nouvel ordre, on ne laisse rien sortir de la douane de Magdeburg, et qu'on fasse connaître l'argent qui se trouve dans la banque de cette place.
Elle prescrit de faire publier par les commandants, à Berlin, Magdeburg, Stettin et Küstrin, que toute personne qui fera connaître un magasin d'effets ou de denrées ayant appartenu au roi de Prusse, aux régiments ou aux capitaines de l'armée prussienne, recevra le quart de la valeur de ce magasin, à quelque somme qu'elle puisse s'élever.
M. Cetty, faisant les fonctions d'ordonnateur du service de l'habillement, et M. de Riccé, inspecteur général, sont introduits. Les états de magasins des diverses sortes d'effets d'habillement sont mis sous les yeux de l'Empereur.
Sa Majesté prescrit les dispositions suivantes :
Les 2,103 culottes de peau existant dans les magasins seront distribuées aux régiments de dragons et de cuirassiers, excepté le ler et le 2e, qui en ont déjà reçu, à raison de 50 par régiment. Cette distribution sera mise à l'ordre du jour de demain.
Il faut également distribuer les 6,000 chapeaux.
Donner aussi à l'armée les caisses de tambours qui se trouvent à l'arsenal, et dont le magasin général doit faire recette.
Donnez à l'artillerie les poudrières.
Présenter, pour être mise à l'ordre du jour, une distribution des draps fins provenant tant de Berlin que de Leipzig.
Distribuer les 14,000 aunes de coutil, en en donnant d'abord aux grenadiers d'Oudinot un pantalon par homme.
La mesure proposée de faire venir les capotes en masse est impraticable; mais il faut ordonner que chaque maréchal d'empire, en conséquence de l'ordre du jour, fasse une distribution partielle, régiment par régiment, et que cette distribution soit mise à l'ordre de chaque corps d'armée.
Comprendre, dans la distribution des capotes, les grenadiers d'Oudinot en masse, pour 3,000 capotes.
Avoir soin, lors de la distribution des manteaux aux dragons à pied qui ont été montés, de faire rendre une capote pour chaque manteau délivré.
Faire connaître au prochain conseil la quantité des draps qui proviennent de Stettin et de Francfort, et donner un état positif détaillé de ceux qui ont été requis à Leipzig.
Faire réunir à Magdeburg du drap provenant des boutiques de draperie de cette ville, pour 20,000 capotes; en demander à Hambourg pour 50,000, et à chacune des villes de Brême et de Lubeck pour 15,000. Faire emmagasiner ces draps et confectionner les capotes, qui seront dirigées sur Magdeburg.
Enfin remettre, tous les huit jours, l'état de ce qui aura été donné, corps par corps.
Sa Majesté représente la nécessité de s'occuper avec activité d'un grand approvisionnement de souliers. Elle prescrit à cet effet les dispositions suivantes :
L'intendant général passera des marchés qui seront soumis à l'approbation du major général : à Berlin, pour 50,000 paires, qui seront versées à Spandau; à Magdeburg, pour 50,000 paires, qui seront emmagasinées dans cette place; à Stettin, pour 25,000 paires, qui seront emmagasinées dans cette place; à Francfort-sur-l'Oder pour 15,000 paires, qui seront versées à Küstrin; à Küstrin, pour 10,000 paires, qui y seront emmagasinées; à Leipzig, pour 50,000 paires, qui seront versées à Magdeburg, et à Dresde, pour 50,000 paires, qui seront versées à Küstrin.
Les marchés fixeront l'époque des livraisons, savoir :
Le premier cinquième, au 1er décembre; le second, au 15, le troisième, au 30, et les deux derniers cinquièmes, avant le 20 janvier; avec la condition d'une déduction sur le prix en cas de retard. Les payements seront faits après chaque livraison de 1,000 paires.
Des ordres seront donnés à l'avant-garde pour passer aussi des marchés de souliers, savoir: de 25,000 paires à Glogau, de 25,000 à Posen, et à Varsovie de 50,000; aux mêmes conditions et dans les mêmes délais.
On fera acheter à Hambourg du cuir pour 200,000 paires; la livraison s'en fera à Magdeburg. Dans ce cas, les marchés de souliers, pour cette quantité de 200,000 paires, ne seront passés que pour la façon.
M. Breidt, entrepreneur des transports et équipages militaires, et M. Thévenin, inspecteur général de ce service, sont introduits. Sa Majesté prescrit les dispositions suivantes :
Au lieu de laisser les agents de l'inspecteur général auprès de chaque corps d'armée, il convient de les rappeler tous auprès de l'inspecteur général. Ils y seront employés pour le service du transport des réquisitions et pour d'autres missions. On pourra, tous les mois ou tous les deux mois, les envoyer faire l'inspection de l'état du service dans les corps.
Il convient aussi d'envoyer sans délai un inspecteur des équipages militaires à Lubeck, à Prenzlow et dans les autres lieux du pays où l'armée prussienne a été coupée, pour réclamer, auprès des baillis, les caissons, voitures et équipages, selles et harnais de l'ennemi.
Les inspecteurs doivent être chargés non-seulement des missions qu'ils recevront pour les transports par terre, mais encore de tout ce qui concernera les transports par eau. Il faut donc que M. Thévenin se mette au courant de tout ce qui regarde les transports : sur l'Elbe, de Dresde à Hambourg; sur l'Oder, de Glogau à Stettin, et sur la Warta, de Posen à Küstrin. Il enverra des inspecteurs pour être au fait, par leurs rapports, des prix, du nombre et de la capacité des bateaux, etc., afin d'être en état de disposer de ces moyens naturels de transport.
M. Lombard, commissaire ordonnateur du service des hôpitaux, et MM. Coste, médecin en chef, Percy, chirurgien en chef, Bruloy, pharmacien en chef, et Meuron, régisseur, sont introduits. M. Lombard met sous les yeux de Sa Majesté les états relatifs au service des hôpitaux et de l'ambulance.
Sa Majesté défend expressément aucune évacuation sur la France. Les évacuations sont funestes aux blessés et aux malades. Mais, quand elles sont indispensables, elles doivent avoir lieu sur Weimar et sur Leipzig, pour ce qui est au delà de la Saale, et, pour ce qui est en deçà, sur Magdeburg, Spandau et Küstrin.
Sa Majesté ordonné l'établissement d'un hôpital pour 500 malades et 500 blessés à Magdeburg. Les hôpitaux prussiens seront ôtés de la ville et évacués sur Brunswick et dans cette direction.
M. Roman, commissaire ordonnateur du service des subsistances, et MM. Reibell, entrepreneurs des vivres-pain, Valette, entrepreneur des vivres-viande, et Lannoy, entrepreneur des fourrages, sont introduits. Les états de ces divers services sont mis sous les yeux de Sa Majesté, qui prescrit les dispositions suivantes:
Les grains qui sont à Weissenfels seront transportés à Magdeburg. On fera remonter 100,000 boisseaux d'avoine de Stettin sur Küstrin.
Sa Majesté remarque qu'il y a bien peu de chose à Erfurt. Elle désire qu'on prenne des mesures pour y maintenir toujours un approvisionnement de 15,000 quintaux de grains.
Elle ne voit pas d'inconvénient à ce que l'on frappe une réquisition sur Weimar et sur Fulde, ainsi que sur les pays prussiens qui sont voisins.
Berlin, 14 novembre 1806
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, vous avez dû recevoir du major général l'ordre de vous rendre à Thorn. J'ai donné cet ordre aussitôt après avoir reçu la lettre que vous m'écriviez. La pénurie de vivres nécessitait ce mouvement. J'ai ordonné aux maréchaux Davout et Augereau de vous soutenir, si vous en aviez besoin. Thorn est une grande ville où vous pourrez vivre.
Toutes les nouvelles sont que les Russes sont loin et peu nombreux. Cependant j'aurai plus de confiance dans les renseignements que vous me donnerez. Il est possible que vos soldats aient trouvé qu'on n'ait pas parlé d'eux aussi dignement qu'ils l'auraient mérité; ils ont raison d'être exigeants, car ils sont aussi braves que bons. A la prochaine bataille, ils se comporteront comme à Austerlitz et à Iena, et on aura soin de mettre quelques mots de plus.
La tête des corps qui étaient à Lubeck va arriver. J'attends pour la voir, et immédiatement après je me rendrai en Pologne.
Vous ne me parlez point, dans vos lettres, de l'esprit qui anime les habitants du pays où vous êtes. Tâchez de m'en dire un mot par le premier officier que vous m'expédierez.
Berlin, 14 novembre 1806
Au maréchal Davout
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 12. Je vous ai écrit hier ce que vous deviez faire des Polonais. J'imagine que les 3,000 fusils que vous avez fait partir sont arrivés; pour les 20,000 autres, l'artillerie a ordre de les faire transporter de Küstrin à Posen. Si les Polonais peuvent aider à ce transport, ils n'ont qu'à envoyer des voitures. Ces fusils seront distribués, à Posen, selon le besoin. Je vous ai écrit de préparer la formation de six bataillons à Posen. Douze autres doivent être formés à Varsovie, s'ils s'insurgent. Je vous ai fait connaître que je ne voyais pas d'inconvénient à ce qu'ils se saisissent de la garnison prussienne et la désarment. Je ne vois pas non plus d'inconvénient à ce que l'on donne permission aux deux plus riches du pays de former des régiments de uhlans à leurs frais, à ce qu'on organise des gardes nationales à Posen et dans les autres villes, et qu'on forme un comité, composé des hommes les plus considérables, pour organiser l'insurrection administrative et militaire. Ne prenez part à tout cela que par vos conseils et par des encouragements verbaux, et faites connaître que je ne puis me déclarer que lorsque je verrai les Polonais organisés et armés. Il doit y avoir une gazette à Posen; j'imagine qu'on commence à y imprimer les nouvelles et tout ce qui peut mettre du mouvement dans le pays. Je désire beaucoup savoir positivement sur quoi l'on peut compter, et si, dans ce pays, on est assez décidé pour que les hommes armés nous soient d'une assistance réelle.
Berlin, 14 novembre 1806
A M. Daru
Monsieur Daru, voici une note des blés qu'on pourrait se procurer aux environs de Berlin pour l'approvisionnement de la ville. Je désire savoir la partie de ces blés qui appartient au domaine, aux princes ou aux seigneurs de la cour. Il ne serait pas hors de propos d'obliger ces messieurs à les livrer pour l'approvisionnement de Berlin.