15 - 19 Avril 1807


Finkenstein, 15 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 5 avril. J'ai reçu des lettres des généraux Ferino et Aboville, qui se rendent à leur poste. M. Lacuée m'écrit que la conscription de 1808 ne pourra pas partir avant trois mois. Là-dessus il porte un mois comme perdus pour la signature du décret. Ce n'est pas le temps de s'amuser à des enfantillages. Prenez une résolution pour autoriser le ministre Dejean à expédier le décret comme si je l'avais signé. On me l'enverra effectivement et je le signerai, mais on l'exécutera tout d'abord. Arrêtez dans le conseil de guerre le jour où toutes les opérations de la conscription devront avoir lieu. Mais, pour Dieu ! ne perdez pas un moment; éloignez toute vaine formalité, et qu'on commence sur-le-champ la formation de mes cinq légions. J'ai fait connaître à M. Lacuée mes intentions sur la répartition. Je lève en partie l'obstacle de l'habillement en formant des bataillons provisoires de garnison, composés de paysans nus mais armés, pour mes places d'Allemagne, où je les ferai habiller. Ce sont des soldats qu'il faut en France et en Allemagne, et non de vaines formalités. La rapidité de la levée de cette conscription peut décider les puissances à la paix. Elle tranquillisera sur les expéditions qu'on peut tenter sur nos côtes, et elle mettra beaucoup de troupes à ma disposition.


Finkenstein, 15 avril 1807

A M. Gaudin

Je reçois la lettre du 2 avril ainsi que le compte que vous me rendez de différentes perceptions. Je vois avec peine que le droit de greffe éprouvera une grande diminution. Quel déficit croyez-vous que cela nous fera ?


Finkenstein, 15 avril I807

A Fouché

Je reçois votre lettre du 5 avril. Je partage les sentiments qui y sont exprimés, et je n'ai aucun doute que la conscription ne réussisse.

Quelques bavards de cafés, un certain nombre de malveillants, quelques oisifs, qui crieraient plus fort encore si nous ne prenions pas quelques mesures à temps, mais tout cela est moins que rien. Il faut donner à l'opinion une direction plus ferme que celle que lui donne la Gazette de France.

Il n'est pas question de parler sans cesse de paix, c'est le bon moyen de ne pas l'avoir, mais de se mettre en mesure de défense sur tous les points.


Finkenstein, 15 avril 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, vous aurez reçu le décret par lequel j'ai formé un régiment provisoire de garnison de Magdeburg.

J'ai aujourd'hui pris un autre décret par lequel je forme quatre bataillons provisoires de garnison : le 1er, de Hameln; le 2e de Stettin; le 3e, de Küstrin; le 4e, de Glogau. Tous ces bataillons doivent être composés comme les bataillons des régiments provisoires, mais d'hommes non habillés. Ils devront être bien armés, et, autant que possible, avoir des gibernes, quoique cependant le défaut de gibernes ne doive pas retarder leur départ. Des mesures sont prises pour leur donner des habits à Magdeburg, Hameln, Stettin, Küstrin et Glogau. Je charge le maréchal Kellermann de la formation de ces régiments.

Voilà donc près de 8 000 hommes que vous n'aurez pas à habiller; il faudra donc que, dans vos états d'habillement, vous fassiez ajouter une colonne des hommes que chaque régiment aura fournis aux bataillons provisoires de garnison, et vous ne passerez pas d'habillement pour les hommes qu'ils auront fournis.

Le maréchal Kellermann a le plus grand nombre des 3e bataillons sous ses ordres, mais il n'a pas ceux du camp de Boulogne et de Paris. Faites-vous remettre l'état de leur habillements et, s'il est là des corps qui puissent fournir 140 hommes non habillés, ne perdez pas un moment pour leur donner l'ordre de départ, en les dirigeant sur Wesel et Mayence, et en prévenant le maréchal Kellermann, qui les placera dans ses cadres. Vous pouvez donner cet ordre au 31e léger et aux bataillons qui sont à Paris et hors de l'inspection directe du maréchal Kellermann. Vous voyez facilement quel bien produit cette mesure : économie de 8,000 habillements pour mon trésor, économie de nourriture pendant plusieurs mois; mais, ce qui est le plus important, c'est que je reste sans inquiétude sur mes principales places. Vous sentez ensuite qu'au fur et à mesure que ces bataillons seront bien habillés et bien exercés, ce sera des ressources pour réparer les pertes des corps actifs. Vous pouvez compter que, sur la levée de la conscription de 1808, vous remplacerez dans les villes les hommes que j'appelle des anciens cadres. Vous pouvez donc établir vos calculs sur 16,000 hommes, à l'habillement desquels vous n'aurez pas à penser. Mettez la plus grande activité dans l'envoi de ces hommes.

J'ai appelé 1,000 hommes de la réserve de 1807 pour le 3e bataillon du 17e de ligne, qui est à Mayence, tandis que son 4e bataillon et son dépôt sont à Boulogne. J'invite le maréchal Kellermann à former de ces 1,000 conscrits, au fur et à mesure qu'ils arriveront, six compagnies, et de les placer dans un bataillon de garnison. Par ce moyen, vous n'aurez point d'habillement à fournir à ce bataillon. Vous avez du également fournir des habits pour 340 hommes du dépôt des deux bataillons du 15e de ligne qui sont à la Grande Armée. Ce dépôt devait se réunir dans le temps à Mayence, tandis que le 3e et le 4e bataillon sont à Brest. J'ai également suggéré au maréchal Kellermann l'idée de former deux compagnies de ces 300 hommes, de placer ces compagnies dans un bataillon de garnison; et, par ce moyen, les habillements qui étaient destinés à ces 300 hommes pourront servir à d'autres, et même au nouveau dépôt qui sera formé de la conscription de 1808, puisque le 15e ne peut tirer aucun renfort de son dépôt de Brest, qui est trop éloigné.

Écrivez au major de ce régiment d'envoyer, des 3e et 4e bataillons, un capitaine avec deux ou trois sergents et caporaux, et quelques ouvriers, à Mayence, pour être à la tête de ce dépôt. Il faudra que, sur la conscription de 1808 ou sur la réserve, M. Lacuée fournisse encore 900 hommes à ce dépôt; cela vous rendra disponible et vous permettra, comme je vous l'ai dit ci-dessus, de leur affecter l'habillement que vous destiniez aux 300 hommes de la conscription de 1807.


Finkenstein, 15 avril 1807 

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, répondez à M. Vial que, si cela convient en Suisse, je verrai avec plaisir que le ler régiment suisse passe à la solde du roi de Naples.

Je reçois votre lettre du 19 avril au soir. J'attends votre projet de réponse à la notification de la cour de Vienne.

Je ne sais ce que veut dire ce bavardage des Bavarois. Berthier me dit que ce M. de Leyden, qui avait une très-jolie femme, s'est tué par querelle de jalousie il y a un mois.

Dans votre lettre du 10 avril vous me dites que M. Essen a mis fin à sa ridicule comédie. Cela veut-il dire qu'il a cessé de rassembler du bois, des matériaux, etc. , à Wyskow, pour la construction de son pont ? Répondez-moi là-dessus.


 Finkenstein, 15 avril 1807

Au général Lemarois

Monsieur le Général Lemarois, vous attendrez les ordres du maréchal Masséna pour l'opération que vous devez faire. Vous vous concerterez avec le commandant du génie de Sierock. Vous placerez de l'artillerie sur la rive droite de la Narew et la long du Bug. Vous ferez passer le Bug au bataillon d'infanterie légère bavarois et à 3 ou 4,000 Polonais. Vous ferez établir une bonne flèche, protégée le plus possible par Sierock, et qui vous assure le passage du Bug. En vingt-quatre heures, une bonne flèche doit être établie là. Vous la ferez palissader. Vous ferez passer alors quelques cavaliers polonais pour faire des patrouilles jusqu'aux villages de Nowawies et Popowo. Vous tiendrez toute votre brigade à Niegow et vis-à-vis de la redoute que vous aurez fait construire. Mon intention est que vous chassiez l'ennemi jusqu'au delà de Wyskow; mais, avant tout, vous ne vous avancerez pas que les ouvrages ne soient assez avancés. Comme vous n'aurez principalement à craindre que des Cosaques, vous aurez soin de faire des abatis dans le lieu qui sera le plus opportun. Il y a là beaucoup de bois, et cela doit être bientôt fait, d'autant plus que les inondations qui existent aujourd'hui font qu'il n'y a que de petites langues de terre praticables. Il faudra vous procurer à Sierock, ou faire transporter de Varsovie sur des charrettes, assez de bateaux pour pouvoir faire passer 200 hommes à la fois.


Finkenstein, 15 avril 1807

Au maréchal Lefebvre

Vous trouverez ci-joint un rapport du général Songis. Vous verrez que le premier convoi est parti de Thorn. Je sais que le premier convoi a passé vis-à-vis de Marienwerder. En outre un convoi de 15 ou 16 milliers de poudre doit être arrivé, par terre, de Stettin. Vous avez donc 150 milliers de poudre devant Danzig : 90,000 en cartouches à canon de 12, confectionnées; 23,000 existant au parc le 10; 16,000 arrivées à Stettin par terre; 38,000, premier convoi annoncé dans le rapport; 40,000, second convoi annoncé dans le rapport : total, 137,000.

Ainsi vous commencez à être grandement en mesure. Je suis toujours dans l'espérance que le feu pourra sérieusement commencer le 20. Je compte donc que, pour mon bouquet du ler mai, vous m'enverrez les clefs de Danzig.

J'ai vu avec plaisir la vigueur que vous avez déployée à la reprise des ouvrages; c'est lorsqu'on veut fortement vaincre que l'on fait passer sa vigueur dans toutes les âmes.

Je suppose que vous avez fait passer le régiment de Paris au général Schramm, ou bien que vous lui avez envoyé tout le 20 bataillon du 2e.

Je vous ai déjà mandé qu'un convoi de 16 milliers de poudre, avec des boulets, était parti de Varsovie.


Finkenstein , 16 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai mandé au ministre Dejean que je ne voulais pas qu'on envoyât rien par les roulages, mais bien par les transports militaires. Les bureaux sont constants dans leur pratique de me dépenser beaucoup d'argent et de ne me rien procurer.


Finkenstein, 16 avril 1807

A M. Fouché

Je suis fâché que l'on n'ait pas affiché la sentence de l'espion Vuitel qui a été fusillé à Paris; Cela est très-important, car il faut que le public soit toujours informé des raisons de ces événements extraordinaires.


Finkenstein, 16 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 13 avril à neuf heures du soir. Il est fâcheux que M.  Beauharnais n'ait pas fait connaître le jour où les troupes espagnoles seraient rendues sur les Pyrénées. Je vous ai envoyé hier la nouvelle du changement du ministère anglais. Est-ce l'affaire des catholiques irlandais qui est la cause de cet événement, ou l'affaire des noirs ? Quel est, dans tous ces ministres, le dirigeant ? Il ne parait pas que ce puisse être celui qui en porte le nom, puisqu'il est de la Chambre des pairs et qu'il a quatre-vingts ans.

Le siège de Danzig avance fort. Nous sommes à 80 toises de la place, et il y a tous les jours des événements de siège importants.

Les Suédois ont passé la Peene. Mortier n'a pas laissé que de faire de graves sottises, beaucoup de faux mouvements. Tout doit être réparé actuellement. Il n'y a pas eu de monde de perdu.

Vous ne me parlez plus de ce que dit M. de Vincent et des conférences que vous avez dû avoir avec lui. Je suppose qu'en m'envoyant le projet de réponse à la note de la cour de Vienne vous me direz quelque chose là-dessus.


Finkenstein, 16 avril 1807

M. de Talleyrand

Monsieur le prince de Bénévent, je vous envoie la note telle que je désire qu'elle soit remise. Il me semble que je suis parvenu à lui donner un ton de naïveté. Elle est vraie, et dès lors bonne. Il restera actuellement à la cour de Vienne à nous faire connaître la réponse qu'ont faite les autres puissances. Dans quel lieu doit se réunir le congrès ? Cela est assez indifférent. Cependant il faut songer que Vienne serait un très-mauvais endroit, à cause du grand nombre de petits princes. et de noblesse immédiate, peut-être Cracovie, Leopol seraient-ils préférables. Mais le moment n'est pas arrivé de s'expliquer sur cette question. Vous verrez que j'ai évité de parler de la Porte, mettant l'empereur et ses alliés. Quand on demandera quels sont nos alliés, nous dirons : "L'Espagne, etc., la Porte et la Perse." Mais cette question est encore oiseuse dans ce moment. Si l'on veut véritablement la paix, on proposera probablement un armistice, et alors les choses prendront un caractère plus sincère; car enfin la Russie et même l'Angleterre ne peuvent me voir avec plaisir jouir, pendant cinq ou six ans, des revenus de la Prusse; ou l'on ne voudra point d'armistice, et dès lors on cherchera à profiter de cela pour entraîner l'Autriche, la note y répond. Remédiez autant que possible à cet inconvénient. Il faut donc laisser venir. A toutes les observations de M. de Vincent, il faut répondre : "Nous sommes très-faciles sur tous les accessoires. Retranchez-vous souvent, aussi, dans les conversations sur ce que, éloigné de moi, vous ne savez pas.


NOTE

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de Sa Majesté l'Empereur et Roi la note qui lui a été remise par M. le baron de Vincent.

L'Empereur accepte, pour lui et ses alliés, l'intervention amicales de l'Empereur François II pour le rétablissement de la paix, si nécessaire à tous les peuples. Il n'a qu'une crainte, c'est que la puissance qui, jusqu'ici, paraît s'être fait un système d'asseoir sa grandeur et sa puissance sur les divisions du continent, ne cherche à faire sortir de ce congrès de nouveaux sujets d'aigreur et de nouveaux prétextes de dissension. Cependant toute voie qui peut faire espérer la cessation de l'effusion du sang et porter enfin des consolations parmi tant de familles ne doit pas être négligée par la France, qui, au su de toute l'Europe, a été entraînée malgré elle dans la présente guerre.

L'Empereur Napoléon trouve d'ailleurs, dans cette circonstance, une occasion naturelle et éclatante de témoigner au souverain de l'Autriche la confiance qu'il lui inspire, et le désir qu'il a de voir se resserrer entre les deux peuples les liens qui ont fait, dans d'autres temps, leur prospérité commune, et qui peuvent aujourd'hui, plus que toute autre chose, consolider leur tranquillité et leur bien-être.


Finkenstein, 16 avril 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les Hessois redemandent leur artillerie, qu'ils ont prêtée aux Polonais. Donnez l'ordre au général Zajonchek de renvoyer devant Graudenz les pièces d'artillerie qu'il a emmenées.

Donnez l'ordre que le 1er bataillon du 2e régiment de la 1e légion polonaise et le 1er bataillon du 4e régiment, chacun complété à 900 hommes, avec les hommes disponibles du 2e bataillon, partent sans délai sous les ordres d'un colonel pour se rendre devant Graudenz.

Donnez ordre au prince Poniatowski d'envoyer 300 hommes à chacun des bataillons des 1er et 2e régiments de la Ir, légion polonaise qui sont au corps du général Zajonchek, afin de renforcer un peu ces bataillons.

Vous me rendrez compte du jour où ces 1,800 hommes arriveront devant Graudenz.

Mon intention, lorsque ces deux bataillons polonais seront arrivés devant Graudenz, est d'attacher au quartier général tout le régiment des Gardes du corps hessois, avec deux pièces de canon; ce qui mettra ainsi 600 hommes à la disposition du quartier général.

Il y a au dépôt de Culm beaucoup plus de dragons que de chevaux. Donnez ordre au grand-duc de Berg de faire former un bataillon provisoire de dragons à pied, composé de quatre compagnies, chaque compagnie de 100 hommes; de veiller à ce que ce bataillon soit bien armé, et de lui faire faire le service à pied devant Graudenz. Du moment que ce bataillon sera formé et arrivé à Graudenz, vous retirerez de devant cette place le 1er bataillon des Gardes du corps de Hesse-Darmstadt, qui sera réuni au 2e pour faire le service du quartier général. Vous le dirigerez d'abord sur Marienwerder, pour garder les magasins et fournir tous les jours un capitaine et 60 hommes de garde au pont de Marienwerder. Vous écrirez au général qui commande à Mlarienwerder que le pont est sous son commandement et sous sa responsabilité; qu'il ait à y veiller  et à y faire bonne garde; que les gendarmes d'ordonnance doivent tous les jours fournir un piquet de 10 hommes au pont; que les dépôts de cuirassiers doivent en fournir un également; et qu'aussitôt que le 1er bataillon des gardes du corps de Hesse-Darmstadt sera arrivé à Marienwerder, il devra placer une forte garde, au moins 50 hommes, au pont. Ce général aura soin de s'y rendre fréquemment et d'y envoyer, tous les jours, des officiers d'état-major pour veiller à ce que les pontonniers exercent une grande surveillance et prennent toutes les mesures nécessaires pour la conservation du pont.

------------

Lemarois me mande que le bataillon du 1er régiment polonais, fort de 900 hommes, est parti le 13 avril; vous ne donnerez donc l'ordre que pour un bataillon du 4e régiment polonais de la 1e légion.


Finkenstein, 16 avril 1807

Au général Clarke, à Berlin

Je reçois votre lettre du 12. Ce que vous me dites de Schill m'étonne. Il faut qu'il soit sorti par mer de Kolberg.

Les journaux de Londres du 3 avril ne parlent d'aucune expédition. Je ne crois pas que l'Angleterre puisse rien faire partir avant le mois de mai. J'ai 20,000 Français, venant d'Italie, qui seront à Augsbourg le 30 avril. Une fois maître de Danzig, je renforcerai le
corps de Stralsund. Les Espagnols ne font encore que passer les Pyrénées.

Kellermann me mande que le 2e régiment de cavalerie provisoire est parti; vous allez donc avoir 800 bons chevaux à votre disposition. Il m'écrit aussi que le 3e suivra incessamment : le 9e, le 10e et le 11e sont à Marienburg; le 12e y arrive le 18. Ainsi vous avez encore quatre régiments de plus. Le 13e et le 14e sont partis de Cassel.

Vous avez vu la mesure que j'ai prise pour avoir promptement des Français à Magdeburg et dans les autres places.

J'apprends de Stettin que les Suédois commencent à se retirer. Ne gardez sous aucun prétexte des détachements à Berlin. Envoyez à Mortier tous les hommes que vous pourrez; envoyez-lui ceux de Nassau. Ils doivent avoir un effectif de 2,400 hommes; ainsi, au moins 1,600 hommes en bataille. Envoyez aussi de Stettin les hommes de Würzburg. On ne peut se dissimuler que les nouveaux régiments provisoires sont de peu de secours, étant composés d'hommes qui ne sont pas instruits.

Faites remplacer le 7e à Küstrin par un nouveau régiment provisoire, et envoyez le 8e à Mortier. Comme ce régiment a plus d'ancienneté de formation, il doit avoir plus d'instruction.

Après quelque repos, faites marcher le régiment belge et envoyez-le à Mortier.

Des lettres de la Haye, du 5 avril, ne montrent aucune inquiétude au sujet des Anglais; et, s'il y avait une expédition en partance, on serait très-alarmé.

Vous ne m'avez pas encore répondu sur les planches de la bataille d'Eylau que vous a envoyées le général Sanson (Nicolas-Antoine Sanson, 1756-1824. Il est alors responsable du service topographique).


Finkenstein, 18 avril 1807

A l'Impératrice

J'ai reçu ta lettre du 5 avril. J'y vois avec peine que tu as du chagrin de ce que je t'ai dit. Comme à l'ordinaire, sur-le-champ, ta petite tête créole se monte et s'afflige. N'en parlons donc plus.

Je me porte fort bien; le temps est cependant pluvieux. Savary est très-malade, devant Danzig, d'une fièvre bilieuse; j'espère que cela ne sera rien.

Adieu, mon amie; mille choses aimables pour toi.


Finkenstein, 18 avril 1807

A l'Impératrice

Mon amie, je reçois ta lettre du 8 avril. Le dîner de famille doit se tenir chez toi : l'impératrice est le chef de la famille impériale. On a peu d'esprit de famille chez moi, à ce qu'il me semble. D'ailleurs, c'est chez moi que l'on dîne; c'est un honneur dont je serais fâché que l'on ne sentit pas tout le prix. J'en écris du reste à ma famille pour qu'elle ait à s'y conformer. Cela n'empêche pas que tu peux aller dîner chez ma mère, quand elle t'invitera.

Portes-toi bien et ne doute jamais de moi. Tout à toi.

Napoléon


Finkenstein, 18 avril 1807

A Cambacérès

Mon cousin, je vous envoie une lettre de M. de Luçay. Vous sentez que quel que soit le plaisir que j'ai de m'occuper de tout ce qui peut concemer le bien de mes peuples et les détails de l'administration, ce serait cependant aller trop loin que de me mêler des querelles dethéâtre. Je vous charge donc exclusivement de la surveillance de l'Opéra jusqu'à mon retour. Je ne veux plus en entendre parler. Faites-y régner une sévère discipline, faites-y respecter l'autorité, et que ce spectacle, qui intéresse les plaisirs de la capitale, soit maintenu dans toute sa prospérité.

Comme mon intention est que vous ne fassiez jamais rien directement, vous vous servirez du canal du ministre de la Police, auquel j'en écris, pour toutes les mesures que vous croirez nécessaire de prendre.


Finkenstein, 18 avril 1807

A Fouché

Ennuyé des tracasseries de l'Opéra, j'ai chargé mon cousin l'archi-chancelier (Cambacérès) de la surveillance immédiate de l'Opéra jusqu'à mon retour dans ma capitale.

Mais, comme il ne peut ni ne doit rien dire, mon intention est, quand il sera nécessaire de faire intervenir l'autorité, qu'il vous fasse alors connaître ses intentions par une résolution qui restera secrète, et d'après laquelle vous agirez comme si c'était d'après mon ordre.


Finkenstein, 18 avril 1807

A Fouché

Comment ! ne sera-t-il donc pas possible d'arrêter ce Préjean ?

Je partage fort votre opinion sur M. Fiévée(Joseph Fiévée, 1767-1839. Il remet à Napoléon des notes sur les sujets les plus divers, sur la presse, la noblesse, les finances, etc. Sa "Correspondance et relations de J. Fiévée avec Bonaparte de 1802 à 1813" sont extrêmement intéressants et utiles). Je crois qu'il ne s'occupe point de son journal; ce qui est cependant une chose fort importante. Il le laisse aller à la direction que veulent lui donner nos ennemis.

Je vois avec plaisir que je n'entends plus parler de madame de Staël. Quand je m'en occupe, c'est que j'ai des faits devant moi. Cette femme est un vrai corbeau; elle croyait la tempête déjà arrivée et se repaissait d'intrigues et de folies.

Qu'elle s'en aille dans son Léman ! Ces Genevois ne nous ont-ils donc pas fait assez de mal ?.


Finkenstein, 18 avril 1807

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, vous recevrez des notes relatives aux renseignements dont j'ai besoin pour former mon opinion sur les projets qui ont été distingués dans le concours que j'ai ordonné par mon décret du 1er décembre dernier. Il convient de faire à l'architecte, qui a remporté le prix, ainsi qu'aux trois autres qui ont eu l'accessit, un don qui non-seulement soit pour eux une marque d'approbation, mais qui les couvre largement de tous leurs frais. Présentez-moi un projet de décret à cet égard. Indépendamment de cette disposition, l'auteur des plans que j'aurai adoptés sera chargé de l'exécution du monument, ainsi que je l'ai prescrit par mon décret.


Finkenstein, 18 avril 1807

A M. Fontaine, architecte du palais des Tuileries

Vous serez appelé à un conseil qui se tiendra chez le ministre de l'intérieur avec les architectes qui ont obtenu le prix et les accessits dans le concours que j'ai ordonné par mon décret du 2 décembre. Je désire qu'indépendamment de ce que vous jugerez convenable de faire dans les discussions de ce conseil, vous me fassiez un rapport sur les inconvénients et les avantages de chacun des quatre plans que l'Institut a distingués.


Finkenstein, 18 avril 1807

A M. Mollien

Monsieur Mollien, je reçois votre lettre du 5 avril; 3 francs 55 centimes me paraissent peu de chose, si je dois supporter les risques de la piastre jusqu'à la rade du port américain. Une fois la piastre arrivée dans le port américain, il y a bien peu de chances contre moi. Pour que je puisse avoir la conscience si vous avez fait là un bon marchés faites-moi connaître combien on vendrait aux Américains la piastre rendue dans leur port; il me semble qu'elle doit y valoir plus de 4 francs. Ce n'est pas que je n'approuve tout ce que vous avez fait; mais, comme j'ai l'approbation officielle et l'approbation sentie, je désire quelque explication qui me fasse connaître que j'ai fait là une bonne opération. De quelle manière attendez-vous les trois millions qui sont déjà arrivés au port américain, et à combien vous reviendra la piastre ? Ce n'est qu'après que j'aurai reçu ces renseignements que je pourrai témoigner ma satisfaction à M. Louis, si l'opération est aussi avantageuse qu'elle le paraît; sans quoi, j'approuverai sans rien dire.


Finkenstein, 18 avril 1807

A M. Lacuée

Je reçois votre lettre du 7 avril. J'ai sur-le-champ expédié le décret. J'ai mis les opérations au 15 mai, parce que la connaissance qu'ont les préfets de cette mesure fait qu'ils s'y seront pris d'avance pour faire leur travail. Quant à la répartition, je vous ai écrit en détail par ma lettre du 30 mars. Vous aurez dû recevoir cette lettre le 9 avril. Je vous disais dans cette lettre que les 60,000 hommes actifs de la conscription de 1808 devaient être ainsi répartis, savoir 20,000 hommes aux légions, 15,000 hommes en Italie et 25,000 hommes au reste de la France; que les 20,000 hommes de réserve seraient distribués de la manière suivante : 10,000 hommes aux légions, 5,000 hommes aux corps d'Italie, 5,000 hommes au reste : ce qui ferait 30,000 hommes aux légions, 30,000 hommes en Italie et 10,000 hommes à la Grande Armée; et je vous disais en note que, si les 10,000 hommes que je destine aux légions étaient nécessaires ailleurs, on en disposerait et on compléterait les légions l'année prochaine. Je vous disais, en outre, que l'on ferait supporter une réduction au marc la livre, à chacun de ces contingents, pour les hommes d'élite; et enfin, si cela ne remplissait pas tous les vides, de diminuer également partout selon les bases de répartition. Ainsi j'espère, que vous serez satisfait. Dans le 31e, le 111e, et le 26e de chasseurs, mettez des Piémontais; tous Belges dans le 112e; des Corses dans les tirailleurs corses; des Piémontais dans les tirailleurs du Pô; et en ayez soin de ne pas envoyer des Piémontais dans les corps qui sont en Italie. Mais, au reste, je vous envoie la copie de ma lettre, dans la crainte qu'elle n'ait été interceptée. Il me semble qu'elle dit tout ce que je voulais dire.


Finkenstein, 18 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 15 avril. Je ne vois pas d'inconvénient que l'ambassadeur persan se rende ici.

Vous le ferez accompagner convenablement et suivre d'une ou deux voitures. Je ne vois pas non plus d'inconvénient qu'un de vos jeunes gens, qui était second secrétaire de légation en Prusse, soit employé dans la légation de Perse.

Recommandez à mon ministre à Copenhague d'instruire le général Clarke de ce qu'il y aurait d'important et de ce qui pourrait le concerner dans les mouvements de l'ennemi.

Je reçois votre lettre du 16 avril. J'ai des journaux d'Angleterre du 6; je vous les fais envoyer depuis le 27 mars jusqu'à cette époque. Je vous prie de me dire, quand vous les aurez lus, ce que vous pensez de ces gens-là.

Envoyez un courrier à Dresde avec une lettre de vous à M. de Bose pour lui demander si le Roi ne pourrait pas me faire le plaisir de diriger 1,200 hommes sur Breslau. Je ne ferai point de difficulté de solder ce régiment tout le temps qu'il sera à mon service. En faisant part de cette demande à mon chargé d'affaires, vous lui ferez connaître que je désire cette augmentation de forces en Silésie parce que je sais qu'un agent y est venu avec beaucoup d'argent de l'Angleterre pour y recruter.

Vous répondrez à M. Otto que je ferai l'avance de la solde de la division bavaroise qui est en Pologne, et qu'il peut l'annoncer au Roi; que nous réglerons ensuite nos comptes en y faisant entrer l'argent qu'il a dépensé pour le passage de mes troupes dans ses état depuis le ler janvier, ainsi que les fournitures de Braunau.


Finkenstein, 18 avril 1807

Au prince Jérôme

Mon Frère, je reçois votre lettre du 15 avril à midi. Ce que vous me dites du prince Sulkowski confirme d'autres renseignements qui me sont revenus à son sujet. Faites-lui restituer l'argent qu'il a pris.

Je suis très-fàché qu'à Glogau on n'ait pas obéi à votre ordre. Le général Songis m'assure qu'il va y arriver des fusils. J'en écris au général Clarke.

Je connais depuis longtemps le général Lefebvre, et je vois avec plaisir que vous soyez content de ses services.

Pourquoi, dans la position où vous vous trouvez, laissez-vous 400 hommes à Schweidnitz, si cette place est démolie ? J'approuve le parti que vous avez pris de réunir vos forces. A votre place, je ferais partir les 400 hommes de Schweidnitz pour Breslau. Je suppose Schweidnitz entièrement démolie; s'il y reste quelques forts ou fortins, c'est autre chose.

Les 700 dragons sont venus manquant de tout, c'est tout simple; vous avez donné ordre qu'ils fussent armés et équipés, c'est ce qu'il fallait; vous recevrez 600 cuirassiers : faites-en autant. Vous donnerez à la légion polacco-italienne des fusils prussiens.

Laissez le commandant de la Topaze sur les mers. J'ai besoin de mes officiers de marine dans mes ports et non sur l'Oder.


Finkenstein, 18 avril 1807

Au maréchal Lefebvre, à Pietzkendorf

Le convoi de Küstrin est arrivé sur la Vistule par le canal de Bromberg. Il porte deux mortiers, quatre obusiers, 400 bombes, 800 obus et 70,000 livres de poudre, douze pièces de 24, quatre mortiers, 40,000 livres de poudre et beaucoup de boulets, sont arrivés à Thorn dans la journée du 17 et ont été incontinent débarqués.

J'attends le détail du combat qui a eu lieu le 17, et l'avis que les ouvrages qui ont été construits à l'extrémité du canal sont fraisés et en bon état. Le 12e d'infanterie légère, fort de 2,100 hommes, un des plus beaux de l'armée, vous sera destiné aussitôt que le feu commencera.

On me rend compte de Graudenz qu'il passe tous les jours des bateaux chargés de munitions, et je suppose qu'avant bien peu de jours vous allez être abondamment pourvu de poudre et de munitions de toute espèce. Quand comptez-vous commencer le feu ? Je désirerais fort que ce fût du 20 au 25.


Finkenstein, 18 avril 1807

Au général Songis, à Rosenberg

Monsieur le Général Songis, 700 dragons sont partis il y a quinze jours et sont arrivés à Breslau, 700 autres viennent d'y être envoyés. Il me faut donc à Breslau et à Glogau 1,400 fusils de dragons. Il manque 200 sabres et 1,400 paires de pistolets. J'y ai envoyé 600 cuirassiers, auxquels il manque 250 sabres et 600 paires de pistolets. J'y ai envoyé 800 chasseurs ou hussards, auxquels il manque 300 sabres, 800 paires de pistolets et 800 carabines. Il y a outre cela à Breslau et en Silésie 2,000 malades français, dont 400 sont déjà guéris; c'est encore 2,000 fusils qu'il faut. Le prince Jérôme avait ordonné qu'on laissât les 1,200 fusils qui étaient à Glogau; mais votre ordre est venu, et on n'a pas voulu obtempérer au sien. Il paraissait plus naturel de retarder le départ des 1,200 fusils jusqu'à ce qu'on m'en eût rendu compte. D'ailleurs, ce n'est pas dans les principes militaires. Le prince Jérôme, qui commande un corps d'armée, ne peut être considéré comme le serait un commandant d'armes. Par suite de cette précipitation, la sûreté de la province aurait pu être compromise, s'il avait fallu mettre à ces 2,000 hommes les armes à la main pour contenir Breslau tandis que le prince marchait sur Neisse. Faites-moi connaître quand ces armes, dont le prince Jérôme a besoin, seront arrivées.

Si vous avez des ordres à donner à Spandau, Küstrin, Magdeburg, etc., envoyez-les-moi, et je les adresserai au général Clarke, qui veillera à leur exécution.


Finkenstein, 18 avril 1805

Au général Songis

L'équipage de siège de Glogau est arrivé le 15 ; je désire que vous me fassiez connaître la destination à donner à cet équipage. Une fois Danzig pris, mon intention serait de prendre Kolberg et Stralsund. La première question qui se présente est : 1° l'équipage préparé pour Danzig est-il suffisant ? 2° l'équipage qui a été préparé pour Kolberg est-il suffisant ? 3° à quoi évalue-t-on l'équipage nécessaire pour prendre Stralsund ?

Le convoi qui est arrivé par eau est arrivé à Bromberg le 14. Faites-moi un rapport qui me fasse connaître quand vous pensez
qu'il sera convenable de commencer le feu devant Danzig.


Finkenstein, 18 avril 1807

Au général Clarke

Les trois millions qui sont à Spandau peuvent être dirigés sur Küstrin et de là sur Posen sans inconvénient. A Posen, ils recevront des ordres pour Thorn. Les sept millions de Silésie sont dirigés sur Thorn et y sont arrivés. Les dix millions qui sont à Magdeburg sont une somme bien forte pour les y laisser; on peut diriger cette somme en plusieurs convois sur Küstrin et de là sur l'armée. Mais pour cela il faut que l'affaire des Suédois soit éclaircie.

---------------

En deux mots, voici les principes que tous devez suivre pour l'argent. L'argent existant aujourd'hui à Leipzig, à Magdeburg et en route, vous pouvez, sans inconvénient, le faire diriger sur Küstrin, si d'ailleurs cela est à l'abri des mouvements actuels des Suédois. Pour l'avenir, il faut que M. Daru ordonne que tout l'argent provenant des gouvernements de Cassel, Erfurt, Brunswick, Hanau, Münster, ,Minden, etc. qui est inutile au service actuel du payeur, soit dirigé sur Mayence et Wesel. Voilà mon mot. Ainsi vous ferez diriger les dix millions de Magdeburg , et les trois millions de Spandau, sur Thorn. Tout ce qui serait en route des différentes intendances, il faut le laisser arriver sur Spandau. Je ne veux point de mouvements rétrogrades à moins d'obligation absolue.

Je compte que, dans la deuxième quinzaine de mai j'aurai 20,000 Français de vieilles bandes réunis à Magdeburg, et, quinze jours après, 15,000 Espagnols. Vous sentez que, cela réuni aux forces des maréchaux Mortier et Brune, je me trouverai non-seulement à l'abri de tout événement, mais même avoir une réserve pour faire beaucoup de choses. Mais, d'ici à ce temps-là, je ne vois que les troupes actuellement sous les ordres du maréchal Mortier, et ce que vous pouvez vous procurer des régiments provisoires, qui puissent garantir Berlin. Je voudrais donc, s'il arrivait jamais des événements et que vous fussiez obligé d'évacuer Berlin momentanément, qu'il y eût le moins possible d'argent engagé. Si, comme je le pense, l'affaire actuelle des Suédois n'est pas grand'chose, profitez-en pour faire filer l'argent sur Thorn.

Prenez donc des mesures efficaces pour faire monter tous les hommes à pied du dépôt de Potsdam.

Le courrier qui vient d'arriver, et qui est parti le 8 de Paris, ne m'a rien apporté de vous.


Finkenstein, 18 avril 1807

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre du 29 mars. Je vous remercie de ce que vous m'y dites. La paix est un mariage qui dépend d'une réunion de volontés. S'il faut se battre encore pour l'obtenir, je suis en mesure. Vous verrez, par mon message au Sénat, que je viens de lever de nouvelles troupes.

Je ne suis pas de votre opinion, que les Napolitains vous aiment. Tout cela se réduit à ceci : S'il n'y avait pas un Français dans Naples, lèveriez-vous 30,000 hommes pour vous défendre contre les Anglais et les partisans de la Reine ? Comme le contraire m'est bien prouvé, je ne puis penser comme vous. Vos peuples vous aimeront sans doute, mais après huit ou dix ans de paix, quand ils vous connaîtront bien, et que vous les aurez connus. Aimer, chez les peuples, veut dire estimer; et ils estiment leur prince quand il est redouté des méchants et que les bons ont en lui une telle confiance, qu'il peut, dans tous les événements, compter sur leur secours.

J'ai trouvé, comme vous, ridicule la fête qui a été donnée au Luxembourg. Je l'ai su trop tard, je l'aurais empêchée. N'ayant pu le faire à temps, j'ai laissé passer cela, et je n'ai rien dit. Il faut faire de même. C'est la faute de la Reine, qui est trop bonne; elle aurait dû dire que cela ne lui convenait pas. Madame Murat n'y aurait pas manqué.

Vous mangez à Naples des petits pois, et peut-être cherchez-vous déjà l'ombre. Nous, ici, nous sommes encore au mois de janvier. J'ai fait ouvrir la tranchée devant Danzig; cent pièces de siège commencent à s'y réunir. Mes ouvrages sont à 60 toises de la place, qui a une garnison de 6,000 Russes et de 20,000 Prussiens, commandée par le général Kalkreuth. J'espère la prendre avant quinze jours, et cette prise m'offrira quelque avantage. Du reste, vous pouvez être sans inquiétude.


Finkenstein , 19 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon cousin, mon intention est de convoquer le Corps législatif pour le ler juin. J'ai le compte du ministre des finances; j'attends celui du ministre du trésor public. Je demande de nouveaux états au ministre des Finances, mais j'espère les avoir avant le 1er mai. Je lui renverrai sur-le-champ son compte, tel qu'il pourra être imprimé avec la loi sur le budget. Il arrivera en conséquence à temps pour être imprimé à Paris et distribué. Je compte aussi que vous m'enverrez avant le 1 0 mai tous les Projets de lois, pour que je les signe. Vous les aurez ainsi pour le 25. Je vous enverrai également mon décret de convocation, mon message et mon discours, et mes dispositions pour la manière dont l'ouverture du Corps législatif aura lieu , si les circonstances ne me permettent pas de la faire moi-même. Dites à Champagny de s'occuper de son exposé de la situation de l'Empire. S'il me l'envoie le 8 mai, je puis le recevoir le 18, et le renvoyer assez tôt pour qu'il arrive à Paris à temps. Il faut tout arranger comme si le Corps législatif devait en effet se réunir le 1er juin. Il se peut cependant que je ne le convoque que pour le 10, afin d'avoir plus de latitude; et, comme il suffit que le décret de convocation soit expédié de Paris un mois d'avance, il suffira aussi, dans ce cas, que mon décret y arrive le 10 mai.


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je donne ordre au ministre Dejean de faire partir sur-le-champ, en poste, de Boulogne, le bataillon des matelots de ma Garde, qui se rendra d'abord à Wesel et de là sur Danzig. Veillez à ce que cela s'exécute rapidement.

Envoyez un courrier en Espagne pour presser le départ des troupes espagnoles. Ayez soin qu'en France on leur fasse de bonnes étapes, pour qu'elles arrivent promptement et en bon état.


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, mon intention est que le général Junot, si aucune circonstance majeure ne s'y oppose, parte dans les premiers jours de mai pour passer la revue, corps par corps, des troupes du camp de Saint-Lô. Il verra les troupes trois jours de suite : un jour, pour passer l'inspection des hommes, de l'habillement et prendre note des places vacantes; le second jour, pour les faire manoeuvrer en régiments; le troisième jour, pour les faire manoeuvrer en divisions. Il ira inspecter les forts de Cherbourg pour voir si tout est en état.

Tous les jours il me rendra compte, par un rapport détaillé, de la force des troupes, de leur instruction, de leur santé, de leur esprit.

Il se rendra de là au camp de Pontivy, où il fera la même chose. Il verra les forts qui protégent la rade de Lorient et spécialement le fort Penthièvre.

De là, il se rendra au camp de Napoléon et à l'île d'Aix. Après avoir employé un mois ou six semaines dans cette tournée, s'être bien assuré de la bonne situation des troupes, du bon esprit des généraux, des officiers , des soldats , de la force des bataillons , vous en avoir rendu compte, avoir fait connaître an ministre Dejean les besoins que les troupes peuvent avoir, m'en avoir adressé des rapports détaillés, il retournera à Paris. S'il arrivait un événement imprévu qui vous fit juger sa présence nécessaire , vous lui dépêcheriez un courrier pour le rappeler.


Finkenstein, 19 avril 1807

Au général Junot

J'ordonne à M. l'archichancelier de vous faire connaître mes intentions et de vous donner une instruction sur une mission dont je vous charge près des camps. Il ne s'agit pas de voir légèrement, mais bien de voir les choses à fond, de s'assurer de l'esprit des troupes et des officiers et surtout de leur bonne instruction, de la situation de leur habillement, etc. Je vous recommande surtout d'examiner avec la plus grande attention les travaux du fort Penthièvre, de l'île d'Aix et des forts et port de Cherbourg, Vous correspondrez avec le ministre de la guerre et avec M. l'archichancelier, pour réparer le mal que vous aurez observé. Avant de vous coucher, rendez-moi chaque jour compte de ce que vous avez fait et vu dans la journée, et de la manière dont se fait le service.


Finkenstein, 19 avril 1807

Au général Junot

Je reçois votre lettre du 8. Je vous ai déjà fait connaître que tous les jours, à midi, sur la place Vendôme, vous ayez une parade. C'est le devoir du gouverneur, surtout dans un moment comme celui-ci.

Il n'y a pas besoin qu'il y ait d'autres troupes que le service. Vous pourrez profiter de cette parade pour vous faire présenter les conscrits qui arrivent aux corps.

J'ai vu hier le bataillon où se trouve le détachement du 32e. Cela fait honte à voir. On ne peut parer à un tel mal qu'en voyant et en voyant sans cesse les troupes. Le moyen est de vous trouver tous les jours vous-même à la garde montante.

Vous avez à Paris six dépôts, indépendamment de la Garde de Paris. Vous ne pouvez organiser leur habillement et sortir de la routine ordinaire qu'en vous en occupant beaucoup.

-----------------

Que ce soit vous, ou l'adjudant Doucet qui voie les troupes, ce n'est pas la même chose.


Finkenstein, 19 avril 1807

OBSERVATIONS
sur le rapport du Ministre de l'intérieur au sujet du Concours de la Madeleine.

Sa Majesté a lu avec intérêt le rapport que le ministre de l'intérieur lui a adressé le 2 de ce mois sur le concours de la Madeleine, ordonné le 2 décembre dernier. L'Empereur ne se trouve pas assez éclairé pour donner la préférence à l'un des quatre projets que l'Institut a distingués.

Il s'en rapporte parfaitement au ministre et à la classe des beaux-arts pour ce qui tient au bon goût et aux belles proportions. Mais il faut qu'il ait une opinion sur les dispositions intérieure, puisqu'il connaît mieux que personne l'usage auquel il destine ce monument.

Sa Majesté est conduite par ces considérations à désirer que le ministre de l'intérieur réunisse chez lui une sorte de conseil, qu'il présidera, et où seront appelés M. Fontaine, premier architecte de la couronne, l'architecte qui a été distingué au premier rang par la classe des beaux-arts et les trois architectes qui ont obtenu les accessits. Le secrétaire général du ministre tiendra la plume et rédigera le procès-verbal de ce conseil.

Le ministre demandera d'abord aux quatre architectes qui ont obtenu les premiers rangs dans le concours un exemplaire de leurs projets, avec les élévations, tant de face que latérales, les coupes sur la longueur et la largeur, les plans du rez-de-chaussée et des divers étages, s'il y en a; le tout sur une échelle uniforme, dont les dimensions seront exprimées en toises ou, si l'on veut, en nouvelles mesures comparées aux mesures anciennes.

C'est à l'aspect des quatre projets ainsi présentés que Sa Majesté pourra juger celui auquel, d'après ses vues, elle doit donner la préférence. Le ministre accordera huit jours à chacun des quatre architectes pour faire copier ainsi leurs plans et pour rédiger des mémoires détaillés, où ils développeront les avantages de leurs projets respectifs et où ils pourront discuter les inconvénients des projets conçus par leurs rivaux. Ces quatre projets seront adressés à Sa Majesté avec les mémoires à l'appui.

Le conseil délibérera sur ces quatre projets et examinera s'ils répondent les uns et les autres aux questions suivantes:

Première question : où descendra l'Empereur avec toute sa cour quand il se rendra solennellement à ce temple pour la fête du 2 décembre, et où se tiendra sa suite ?

M. Fontaine (Pierre François Léonard Fontaine, 1762-1853. Architecte des palais du Louvre et des Tuileries) fera, sur cette question, les observations qui lui seront suggérées par la connaissance qu'il a des convenances qui doivent être gardées en de telles circonstances. On ne doit pas perdre de vue qu'il ne faut pas qu'il en coûte 50 000 écus, toutes les fois que ce monument servira à l'usage auquel il est destiné. Une pièce pour l'Empereur et pour l'Impératrice, d'autres pour les grands officiers, etc., sont nécessaires dans le cas dont il s'agit. Il faut aussi des pièces distinctes pour les grands officiers et le Sénat qui ne feraient pas partie du cortège de l'Empereur.

Deuxième question : par où entrera le public ?

Troisième question : l'Empereur pourra-t-il descendre à l'abri des mauvais temps, ainsi que sa cour ? Le même avantage est-il assuré au public et particulièrement aux femmes qui seraient appelées à assister à ces cérémonies pendant la mauvaise saison ?

Quatrième question : comment l'Empereur se rendra-t-il de la pièce où il sera descendu à la place qu'il doit occuper pour présider à ces cérémonies ?

Cinquième question : cette place est-elle établie d'une manière convenable, tant pour l'Empereur que pour l'Impératrice, et pour toute la cour ? Y a-t-il des places pour les grands officiers, les commandants, les officiers et les membres de la Légion d'honneur qui font partie nécessaire de ces solennités ? Quel est le nombre de personnes qui pourront se placer dans l'étage des tribunes ?

Sixième question : quelle est la place destinée au public, c'est- à-dire aux hommes, et aux femmes qui, n'étant pas partie nécessaire des cérémonies, y doivent être appelées pour les embellir ?

Septième question : l'intérieur du temple contiendra-t-il plus ou moins de monde que la salle de l'Opéra, les spectateurs compris ?

Huitième question : où placera-t-on l'amphithéâtre destiné aux concerts ? Aura-t-il les dimensions nécessaires ?

Neuvième question : où placera-t-on l'orateur qui doit prononcer un discours dans les principales solennités ?

Dixième question : cet orateur pourra-t-il se faire entendre de toutes les parties du temple ? Le concert sera-t-il entendu de toutes les places ?

Onzième question : Comment se fera l'illumination intérieure et extérieure ? Quant à l'illumination intérieure, les dispositions sont-elles prises de manière que toutes les parties soient éclairées et qu'il n'en résulte aucune incommodité pour aucune place ? Quant à l'illumination extérieure, a-t-on fait entrer dans les détails de la construction les arrangements convenables pour que, chaque fois qu'on illuminera, on n'ait autre chose à faire qu'à poser, dans les places à ce destinées, les verreries, les lampions, etc. ?
On ne peut se dispenser de prévoir ces arrangements, puisqu'à l'époque des solennités, dans le mois de décembre, par exemple, les cérémonies ne pourront avoir lieu en plein jour.

Douzième question : s'il est possible que l'usage s'établira de faire dans ce temple les cérémonies relatives à la Légion d'honneur, le lieu conviendra-t-il aux distributions des décorations ?

Treizième question : Combien pourra-t-on placer de statues ? En pourra-t-on placer d'équestres ?

En répondant à ces diverses questions, il y aura encore à s'expliquer sur une condition nécessaire : c'est que, pour les solennités qui seront ordonnées, on n'ait pas à mettre une planche, un morceau de drap; qu'il y ait pour le trône de l'Empereur une chaise curule en marbre; pour placer les personnes invitées, des bancs de marbre; pour le concert, un amphithéâtre de marbre; ou enfin tout autre arrangement tellement permanent que six heures après que l'ordre d'une solennité aura été donné, il puisse être exécuté.

Il faut enfin que l'intérieur n'exige aucun meuble, et tout au plus des tapis et quelques coussins qui seront placés sur les bancs. Il ne faut pas qu'on ait besoin de mettre des rideaux, des draperies, de faire des constructions momentanées. Tout doit être d'un style sévère et pouvoir servir à toute heure et dans tous les temps.

Les décorations extérieures du temple doivent être subordonnées à ce qu'exigent le goût et les règles de l'architecture. L'intérieur doit être assujetti aux mêmes lois; mais, de plus, ces dispositions doivent être réglées d'après l'usage auquel ce monument est destiné.

(Dans ce débat sur la Madeleine, Napoléon choisira le projet Vignon, parce qu'il était plus proche de l'antique, contre l'avis de Fontaine, qui estimait les dispositions peu pratiques)


Finkenstein, 19avril 1807

OBSERVATIONS
sur les Rapports du Ministre de l'intérieur relativement à l'Encouragement des Lettres.

(cliquez ici)


Finkenstein, 19 avril1807

OBSERVATIONS
sur un projet d'établissement d'une École spéciale de Littérature et d'Histoire au Collège de France

(cliquez ici)


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. Mollien

Monsieur Mollien, il résulte du compte du ministre des finances que vous avez reçu, pour l'an XIV et pour 1806 jusqu'au 1er janvier 1807, 817,525,851 francs; que, d'un autre côté, vous avez reçu dans le même intervalle, sur les produits de l'an XIII, 63,290,769 francs. Vous êtes donc comptable de 880,816,560 francs. Vous n'avez payé, pour l'an XIV et 1806, que 760,155,454 francs, et pour l'an XIII, que 71,399,866 francs; ce qui porte le total des payements à 831,555,320 francs. Ainsi vous aviez donc au 1er janvier 1807 un restant en caisse de cinquante millions environ. Je trouverai probablement ces explications dans votre compte que j'attends. Si elles ne devaient pas s'y trouver, je vous prie de me les envoyer.


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. Fouché

Je reçois vos lettres du 9 avril. Faites quelques exemples, soit en chassant de Paris, soit en mettant en surveillance, dans leurs terres, ceux qui sont dans ce cas, pour faire apercevoir aux malveillants que vous avez l'oeil sur eux.


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, écrivez en Bavière qu'un corps de 20,000 Français sera rendu à Augsbourg dans les premiers jours de mai; qu'il a peu de cavalerie; que je désire que le roi de Bavière y joigne 600 hommes de cavalerie et 2,000 hommes d'infanterie; que ce corps est destiné à se porter partout où il sera nécessaire pour protéger le territoire de la Confédération; mais que, pour ne pas fatiguer la Bavière, j'ai ordonné qu'il ne passerait pas sur son territoire, mais par Erfurt et autres endroits du pays conquis, aux dépens duquel il vivra. Il serait convenable que la cavalerie et l'infanterie que formera la Bavière fussent réunies à Nuremberg ou à Bamberg ou à Ulm, où elles se réuniront au corps français.

Vous donnerez le même avis à Stuttgart, et vous demanderez qu'on y joigne 400 hommes de cavalerie et un régiment d'infanterie, mais surtout de la cavalerie. Il serait nécessaire que ces troupes fussent rendues du côté d'Erfurt du 10 au 15 mai. Écrivez à Darmstadt qu'on prenne enfin des mesures pour compléter son corps et qu'on envoie des recrues.

Écrivez à mon ministre de Würzburg pour savoir si l'on pourra réunir au corps de ce contingent 200 chevaux. On ne dira pas à Würzburg d'où vient ce corps.

Il faut aussi que les princes de Nassau se pressent de compléter leur contingent. S'ils pouvaient fournir au corps d'Augsbourg un bataillon d'infanterie et un escadron de cavalerie, ce serait fort utile.

Vous pouvez faire connaître en même temps que 15,000 Espagnols sont en marche pour se joindre à ce corps.


Finkenstein, 19 avril 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, une fois Danzig pris, mon intention est d'entreprendre sans délai le siège de Graudenz et de Kolberg. Faites connaître au général de brigade du génie Lazowski que mon intention est de le charger du siège de Graudenz; qu'il ait  donc à se rendre devant cette place pour bien la reconnaître et faire tous ses préparatifs, en s'approvisionnent d'outils, de gabions, de tonneaux, de tout ce qui est nécessaire pour pousser rapidement ce siège. Arrivé devant la place, il vous fera un rapport qui vous fasse connaître comment on doit l'attaquer et le nombre de bouches à feu nécessaire pour réussir dans cette attaque.


Finkenstein, 19 avril 1807, midi

Au maréchal Lefebvre

Il y a à Koeslin deux pièces de 24 et cinq obusiers gardés par un général polonais et qui étaient destinés au siège de Kolberg. Ordonnez que ces pièces et tout ce qui se trouve là de munitions soient dirigés sur Danzig. Voilà enfin Danzig bloqué. Le meilleur renfort de troupes que vous puissiez avoir, c'est de jeter un pont sur le bas de la Vistule, de manière que la légion du Nord puisse communiquer avec le général Gardanne et qu'ils puissent se secourir réciproquement. Vous avez à l'équipage de pont assez de bateaux pour pouvoir jeter promptement ce pont. La redoute qui a été faite près du fort de Weichselmünde servira de tête de pont de ce côté. Cette opération plus que toute autre servira à rendre inutile toute tentative de l'ennemi de quelque côté qu'il la fasse, et vous donnera une communication immédiate et très-directe avec l'île.

------------

Je donne ordre au 12e léger, fort de 2,100 hommes, excellent régiments, de partir demain de Dirschau pour se rendre à votre quartier général; tenez-le intact et en réserve pour les événements imprévus, car je vous préviens que je n'ai plus d'autre régiment à vous envoyer. Vous aurez donc en Français les 2e et 12e d'infanterie légère, les 19e et 44e de ligne et le régiment de Paris ; ce qui, avec les canonniers et sapeurs et les 19e et 23e chasseurs, formera près de 9,000 Français.


Finkenstein, 19 avril 1807

A M. Daru

Monsieur Daru, les magasins de Marienwerder, de Neuenburg et de Mewe commencent à se former, hormis pour l'avoine. Prenez donc des moyens pour en faire filer 900,000 boisseaux sur Marienwerder. C'est aujourd'hui notre besoin le plus pressant. Vous en avez à Bromberg et dans plusieurs endroits. Vous pouvez en faire venir facilement par le canal et par la Vistule.


Finkenstein, 19 avril 1807

Au général Theulié

Je vous fais cette lettre pour vous témoigner ma satisfaction de la bonne conduite que vous avez tenue dans l'investissement de Kolberg. C'est avec un sensible plaisir que j'apprends la bonne contenance de mes troupes italiennes et le courage qu'elles montrent dans toutes les circonstances. Kolberg pris, j'appellerai votre division, augmentée du 14e de ligne italien et des chasseurs royaux, à la Grande Armée, pour la mettre à même de déployer tout son courage et d'acquérir de nouveaux titres à mon estime et de nouveaux droits à mes bienfaits.


Finkenstein, 19 avril 1807

Au roi de Hollande

Je reçois vos lettres des 5 et 7 avril, Je vous remercie des journaux anglais que vous m'avez envoyés. Je ne verrais point d'inconvénient qu'une partie de vos chaloupes canonnières arrivassent de Boulogne, mais elles sont trop éloignées; elles n'arriveraient pas sans courir de grands dangers. Je ne vois pas pourquoi vous ne pouvez pas tirer parti dé vos gardes nationales.

Je ne suis pas surpris que les partis s'agitent en Hollande ; je n'ai cessé de vous le répéter : vous vous entourez mal; vous n'êtes pas entre les mains de vos véritables amis. Vous croyez avoir rempli les devoirs d'un roi quand vous avez satisfait au penchant de votre bon coeur. Vous connaissez bien peu les hommes. Je n'ai cessé, de vous le répéter : vos vrais amis en Hollande sont les catholiques; après eux, les hommes qu'on appelle les jacobins, c'est-à-dire les hommes qui ont le plus à craindre du retour de l'ancienne dynastie. Enfin vous vous jetez trop à corps perdu dans le parti de la maison d'Orange, et vous avez laissé des doutes sur le principe fondamental de votre couronne, qui est l'égalité de toutes les classes. Vous marchez avec trop d'inconsidération ; vous ne faites aucun cas de mes conseils. Vous ne pouvez pas organiser vos gardes nationales; vous avez mal gouverné. Je ne puis rien demander en France dont je ne sois parfaitement satisfait, et je ne craindrais point d'armer la Bretagne si les Anglais menaçaient d'y faire une descente. Qu'est-ce qu'un roi qui n'a pas d'armée nationale, qui n'ose point confier la défense de sa couronne à ses sujets, et n'est pas environné d'hommes qui seraient résolus à périr avec lui ? Je vous le tiens, ce langage, depuis deux mois; je continuerai à vous le tenir jusqu'à ce que vous modifiiez votre conduite. Amsterdam seul, si vous l'aviez gouverné selon mes conseils, vous offrirait 20,000 hommes de gardes nationales.

J'ai toujours désapprouvé l'ordre que vous avez établi. Votre frère, le roi de Naples, qui fait plus de cas de mes conseils, n'en a point établi, parce que je ne le lui ai point conseillé. C'est une distinction hors de saison, qui ne vous a point fait d'amis de ceux auxquels vous l'avez donnée et qui vous a fait des ennemis de tous ceux auxquels vous ne l'avez pas donnée. A la paix générale, c'était autre chose; alors c'était vraiment le moment. Et comment, en effet, avec le moindre jugement, peut-on, après quatre mois de séjour dans un pays, accorder des distinctions ineffaçables à des hommes qu'on ne connaît pas ? Votre création de maréchaux, je l'ai également blâmée  comme dangereuse et ridicule. Vous avez donné des récompenses sans qu'on vous ait servi; que donnerez-vous pour qu'on vous serve ou que donnerez-vous quand on vous servira ? Vous venez de donner actuellement, sans savoir si cela me convient, votre décoration à Louis ! Il y a dans tout cela de la folie. Et d'où connaissez-vous M. Louis, auquel, quoiqu'il me serve depuis six ans, je n'ai pas encore donné la simple décoration de la Légion d'honneur ? Il a émigré, vécu longtemps parmi les ennemis de l'État; il faut qu'il me donne des preuves qui le rendent digne d'une décoration qui ne peut plus s'ôter. Qu'ont fait pour vous le fils de Portalis pour que vous lui donniez votre décoration ? Et le père même, quels services a-t-il rendus à la Hollande ?

Un prince dont on dit, c'est un bon homme, est un roi perdu. Vous avez l'air de faire la cour à tout le monde. Mais je m'arrête, car je ne ferais que vous répéter ce que je vous ai dit tant de fois. Changez de conduite; ne vous laissez pas séduire par des préventions ridicule, et ayez pour amis les anciens amis des Français. On vous dira qu'ils sont détestés : sornettes ! On le disait en France; on le disait de mes généraux, de mes ministres, des sénateurs, des conseillers d'État. Vous qui avez assisté, à Paris, à tout ce que j'ai fait, vous n'avez donc rien vu ?

Vous avez fait une autre chose ridicule, c'est de changer votre ministre d'Autriche, tandis que l'Autriche ne vous a pas reconnu. Il fallait laisser dormir cela et rester tranquille. Vous êtes mal conseillé et vous n'avez pas d'hommes de mérite autour de vous.


Finkenstein, 19 avril 1807

71e BULLETIN DE LA GRANDE ARNIÉE

La victoire d'Eylau, ayant fait échouer tous les projets que l'ennemi avait formés contre la basse Vistule, nous a mis en mesure d'investir Danzig et de commencer le siège de cette place. Mais il eut fallu tirer les équipages de siége des forteresses de la Silésie et de l'Oder, en traversant une étendue de plus de cent lieues dans un pays où il n'y a pas de chemins. Ces obstacles ont été surmontés, et les équipages de siége commencent à arriver. Cent pièces de canon de gros calibre, venues de Stettin, de Küstrin, de Glogau et de Breslau, auront sous peu de jours leur approvisionnement complet.

Le général prussien Kalkreuth commande la ville de Danzig. Sa garnison est composée de Prussiens et de 6,000 Russes. Des inondations et des marais, plusieurs rangs de fortifications et le fort de Weiclselmünde ont rendu difficile l'investissement de la place.

Le journal du siège de Danzig fera connaître ses progrès à la date du 17 de ce mois. Nos ouvrages sont parvenus à 80 toises de la place; nous avons même plusieurs fois insulté et dépalissadé les chemins couverts.

Le maréchal Lefebvre montre l'activité d'un jeune homme. Il était parfaitement secondé par le général Savary ; mais ce général est tombé malade d'une fièvre bilieuse à l'abbaye d'Oliva, qui est à peu de distance de la place. Sa maladie a été assez grave pour donner pendant quelque temps des craintes sur ses jours. Le général de brigade Schramm, le général d'artillerie la Riboisière et le général du génie Kirgener, ont aussi très-bien secondé le maréchal Lefebvre. Le général de division du génie Chasseloup vient de se rendre devant Danzig.

Les Saxons, les Polonais, ainsi que les Badois depuis que le prince héréditaire de Bade est à leur tête, rivalisent entre eux d'ardeur et de courage.

L'ennemi n'a tenté d'autre moyen de secourir Danzig que d'y faire passer par mer quelques bataillons et quelques prévisions,

En Silésie, le prince Jérôme fait suivre très-vivement le siége de Neisse.

Depuis que le prince de Pless a abandonné la partie, l'aide de camp du roi de Prusse, baron de Kleist, est arrivé à Glatz par Vienne, avec le titre de gouverneur général de la Silésie. Un commissaire anglais l'a accompagné, pour surveiller l'emploi des 80,000 livres sterling données au roi de Prusse par l'Angleterre.

Le 13 de ce mois, cet officier est sorti de Glatz avec un corps de 4,000 hommes, et est venu attaquer, dans la position de Frinkenstein, le général de brigade Lefebvre, commandant le corps d'observation qui protége le siége de Neisse. Cette entreprise n'a eu aucun succès ; M. de Kleist a été vivement repoussé.

Le prince Jérôme a porté, le 14, son quartier général à Münsterberg.

Le général Loison a pris le commandement du siège de Kolberg. Les moyens nécessaires pour ses opérations commencent à se réunir. Ils ont éprouvé quelques retards, parce qu'ils ne devaient pas contrarier la formation des équipages de siége de Danzig.

Le maréchal Mortier, sous la direction duquel se trouve le siège de Kolberg, s'est porté sur cette place, en laissant en Poméranie le général Grandjean avec un corps d'observation, et l'ordre de prendre position sur la Peene.

La garnison de Stralsund ayant, sur ces entrefaites, reçu par mer un renfort de quelques régiments et, ayant été informée du mouvement fait par le maréchal Mortier, avec une partie de son corps d'armée, a débouché en forces. Le général Grandjean, conformément à ses instructions, a passé la Peene et a pris position à Anklam. La nombreuse flottille des Suédois leur a donné la facilité de faire des débarquements sur différents points, et de surprendre un poste hollandais de 30 hommes et un poste italien de 37 hommes. Le maréchal Mortier, instruit de ces mouvements, s'est porté, le 13, sur Stettin, et, ayant réuni ses forces, a manoeuvré pour attirer les Suédois, dont le corps ne s'élève pas à 12,000 hommes.

La Grande Armée est depuis deux mois stationnaire dans ses positions. Ce temps a été employé à renouveler et remonter la cavalerie, à réparer l'armement, à former de grands magasins de biscuit et d'eau-de-vie, à rapprovisionner le soldat de souliers. Chaque homme, indépendamment de la paire qu'il porte, en a deux dans le sac.

La Silésie et l'île de Nogat ont fourni aux cuirassiers, aux dragons, à la cavalerie légère, de bonnes et nombreuses remontes.

Dans les premiers jours de mai, un corps d'observation de 50,000 hommes, français et espagnols, sera réuni sur l'Elbe. Tandis que la Russie a presque toutes ses troupes concentrées en Pologne, l'Empire français n'y a qu'une partie de ses forces : mais telle est la différence de puissance réelle des deux États. Les 500,000 Russes que les gazetiers font marcher tantôt à droite, tantôt à gauche, n'existent que dans leurs feuilles et dans l'imagination de quelques lecteurs, qu'on abuse d'autant plus facilement qu'on leur montre l'immensité du territoire russe, sans parler de l'étendue de ses Pays incultes et de ses vastes déserts.

La garde de l'empereur de Russie est, à ce qu'on dit, arrivée à l'armée; elle reconnaîtra, lors des premiers événements, s'il est vrai, comme l'ont assuré les généraux ennemis, que la Garde impériale ait été détruite. Cette Garde est aujourd'hui plus nombreuse qu'elle ne l'a jamais été, et presque double de ce qu'elle était à Austerlitz.

Indépendamment du pont qui a été établi sur la Narew, on en construit un sur pilotis entre Varsovie et Praga ; il est déjà fort avancé. L'Empereur se propose d'en faire faire trois autres sur différents points. Ces ponts sur pilotis sont plus solides et d'un meilleur service que les ponts de bateaux. Quelque grands travaux qu'exigent ces entreprises sur une rivière de 400 toises de large, l'intelligence et l'activité des officiers qui les dirigent , et l'abondance des bois, en facilitent le succès.

M. le Prince de Bénévent est toujours à Varsovie, occupé à traiter avec les ambassadeurs de la Porte et de l'empereur de Perse. Indépendamment des services qu'il rend à Sa Majesté dans son ministère, il est fréquemment chargé de commissions importantes relativement aux différents besoins de l'armée.

Finkenstein , où Sa Majesté s'est établie pour rapprocher son quartier général de ses positions, est un très-beau château qui a été construit par M. de Finkenstein , gouverneur de Frédéric II, et qui appartient maintenant à M. de Dohna, grand maréchal de la cour de Prusse.

Le froid a repris depuis deux jours. Le printemps n'est encore annoncé que par le dégel. Les arbustes les plus précoces ne donnent aucun signe de végétation.


Finkenstein, 19 avril 1807

A Fouché

Parmi les mille et une choses qui me tombent dans les mains de Mme de Staël, vous verrez par cette lettre quelle bonne Française nous avons là. Si c'était le prince Louis, notre ennemi forcené et auteur de la perte de sa monarchie, elle eût tout fait pour le voir. Mon intention est qu'elle ne sorte jamais de Genève. Qu'elle aille, si elle veut, avec les amis du prince Louis. Aujourd'hui courtisant les grands, le lendemain patriote, démocrate, on ne saurait en vérité contenir son indignation en voyant toutes les formes que prend cette (...) et vilaine par-dessus.

Je ne vous dis pas les projets déjà faits par cette ridicule coterie, en cas qu'on eût le bonheur que je fusse tué, un ministre de la police devant savoir cela. Tout ce qui me revient de cette misérable femme mérite que je la laisse dans son Coppet, avec ses Genevois et sa maison Necker.

Faites-moi connaître où est M. Ripault, mon bibliothécaire (Louis Madeleine Ripault, bibliothécaire de l'Institut du Caire, était devenu le bibliothécaire favori de Bonaparte). Je lui ai donné l'ordre de m'envoyer les nouveautés et les bulletins de ce qu'il a de nouveau en littérature; je n'en entends pas parler. Est-il mort, ou est-il à la campagne ? Ce serait un moyen très commode de faire son métier. Faites-le appeler, et sachez pourquoi il ne remplit pas mes intentions.


Suite