20 - 22 Avril 1807


Finkenstein, 20 avril 1807

A Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 10 avril. je ne comprends pas trop ce que vous m'y dites; cependant il faut bien que je cède à l'opinion d'un si fameux jurisconsulte.

Comment, lorsque j'ai acheté, par exemple, une aune de toile, peut-on venir me l'ôter, sous prétexte qu'il y aurait une hypothèque sur le marchand ? Depuis quand y a-t-il hypothèques sur les meubles ? Une marchandise n'est-elle pas un meuble ? Ne pourrais-je pas l'acheter ? Une fois achetée, pourrait-on me l'enlever en prétendant que je l'ai mal achetée ? Ne peut-on donc pas prêter sur nantissement ? Comment expliquer ce passage de votre lettre : « Mais j'ai lieu de craindre que le projet de décret ne soit pas adopté, attendu la législation du Code Civil qui détermine avec tant de précision l'ordre des privilèges et des hypothèques. »

Qu'est-ce que c'est que les privilèges et les hypothèques sur les meubles ?


Finkenstein, 20 avril 1807

A Regnaud de Saint Jean d'Angély

Monsieur Regnaud (Michel Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, 1760-1819, conseiller à vie au Conseil d'État. Dans sa lettre il s'était excusé de conserver des relations avec Mme de Staël, alors harcelée par la police), je reçois votre lettre du 10 avril. je suis fâché de la lettre que vous m'avez écrite.

Vous êtes fort le maître de voir mes amis et mes ennemis. Avec l'attachement que vous avez pour ma personne, ce ne pourrait être que pour vous réjouir avec les premiers de ce qui pourrait arriver d'heureux à l'État, et pour faire honte aux autres de leur mauvais esprit.

Du reste, j'écris au ministre de la police d'en finir avec cette folle de Mme de Staël, et de ne pas souffrir qu'elle sorte de Genève, à moins qu'elle ne veuille aller à l'étranger faire des libelles. Tous les jours j'acquiers de nouvelles preuves qu'on ne peut être plus mauvaise que cette femme, ennemie du Gouvernement et même de cette France dont elle ne peut pas se passer.

Ne doutez jamais de mon estime et de mon attachement.


Finkenstein, 20 avril 1807

Au vice-amiral Decrès

Je reçois votre lettre dit 9 avril. J'ai nommé le sénateur Aboville gouverneur de Brest. J'ai voulu nommer un homme respectable, qui maintînt la marine et la terre , et fût également considéré des deux armes , et un homme dont le nom en imposerait à l'étranger. Vous supposez bien du reste que je ne pense pas que Brest soit assiégé. Les Anglais ont bien d'autres choses à faire que de tenter cette opération; il leur faudrait au moins 50,000 hommes. Ils ne l'ont pas tentée lorsque la Bretagne était pour eux. C'est une mesure de sagesse. Mais , pour Dieu, écrivez à Caffarelli et à vos marins de ne pas donner l'alarme.   


Finkenstein, 20 avril 1807

Au Schah de Perse

Très-haut, très-excellent et très-puissant Prince, le désir que nous avons de resserrer les liens d'amitié heureusement formées entre notre Empire et celui de Votre Majesté nous a décidé à accréditer auprès d'elle, en qualité de ministre plénipotentiaire, le général de brigade Gardane, officier de notre Maison impériale et gouverneur de nos pages. Ses aïeux avaient déjà contribué au rapprochement des deux empires; il marchera sur leurs traces. Il s'est rendu digne de notre choix par son dévouement à notre personne et par ses services militaires. Nous avons choisi dans notre armée les officiers qui l'accompagnent. Ils ont pris part à nos victoires contre les Russes, et ils seconderont avec le même zèle les opérations de Votre Majesté contre nos ennemis communs.

Persuadé que le choix d'un ministre aussi distingué ne pourra que lui être agréable, nous la prions d'ajouter une foi entière à tout ce qu'il dira de notre part à Votre Majesté, particulièrement quand il lui renouvellera les assurances de notre constante amitié et de l'intérêt que nous prenons à la prospérité de Votre Majesté et à celle de ses États.

Nous souhaitons à Votre Majesté les bénédictions du ciel, un règne long et glorieux, et une fin heureuse.

Écrit en notre camp impérial de Finkenstein, le 20 avril de l'an 1807, de notre règne le troisième.


Finkenstein, 20 avril 1807

A M. Maret

Mon intention est que vous vous occupiez sérieusement de vous mettre au fait des recettes qui ont été faites en Allemagne depuis le commencement de la campagne, ainsi que de toutes les dépenses; que vous me rédigiez cela de la même manière que cela se fait à Paris. Les éléments de ce travail que vous ne trouverez pas chez M. Fain, vous les trouverez chez le major général. Il faut que vous me présentiez la situation du trésor de l'armée en entrant en campagne : fonds qui appartiennent au trésor public, état des recettes et des dépenses qui ont été faites jusqu'aujourd'hui, et enfin ce qu'il faut pour couvrir toutes les dépenses. Mon intention est que la solde, depuis le mois d'octobre 1806 jusqu'au 1er juillet 1807, et toutes les dépenses soient faites sur les fonds de l'armée, et qu'il n'en coûte rien au trésor. Vous pouvez écrire au payeur et à M. la Bouillerie, en mon nom , toutes les fois que vous en aurez besoin pour compléter vos renseignements. Le major général vous remettra la note des fonds que j'ai mis à sa disposition. J'ai besoin que vous me rendiez ce travail très-facile, sans quoi cela demande trop d'occupation.


Finkenstein, 20 avril 1807

Au général Clarke

Je reçois votre lettre du 16 avril.

Le 3e est arrivé le 17 à Stettin. Ainsi le maréchal Mortier se trouve avoir les 4e léger, 58e et 72e de ligne, les 15e et 3e de ligne, le 5e provisoire, 12,000 hommes; Nassau, Würzburg, les Hollandais, un bataillon italien, 5,000 hommes; cavalerie, 1,200 hommes; artillerie, 1,500 hommes. Total, 18 à 20,000 hommes.

D'un autre côté, je ne doute pas que le maréchal Brune, lorsqu'il aura reçu mes ordres, ne se porte sur Rostock.

D'un autre côté, j'ai renforcé le siège de Kolberg, de sorte que, lorsque vous lirez cette lettre, j'y aurai plus de 8,000 hommes.

Mes lettres de Londres, du 5 avril, portent qu'il n'y avait encore aucune expédition de préparée.

Le maréchal Mortier n'écrit pas plus au major général qu'à vous. Il est donc nécessaire que vous ayez toujours des officiers auprès de lui qui vous donneront fréquemment de leurs nouvelles, afin qui nous soyons instruits.

Voici les troupes que vous pouvez encore espérer sous peu de jours : les 9e, 10e, 11e et 12e régiments provisoires; les ler et 2e régiments provisoires de cavalerie; ces deux régiments sont chacun de 650 hommes à cheval, composés de chasseurs, de hussards, de dragons, de cuirassiers; ce sera un renfort bien notable; les régiments italiens des chasseurs royaux et de la Reine; le 4e régiment italien. Tous ces régiments sont aujourd'hui en Allemagne. Enfin dans ce moment, 25,000 hommes formant les divisions Molitor et Boudet, avec leur artillerie et bien organisés, sont à Innsbruck. Ces divisions seront à la mi-mai à Megdebourg.

Je n'ai jamais calculé que les Anglais puissent faire aucune entreprise raisonnable avant juin. Dans la première quinzaine de juin vous aurez 14,000 Espagnols.

Vous voyez donc que j'aurai là en deuxième ligne près de 60,000 hommes bons à tout événement. Cette folie des Suédois , je ne pouvais m'y attendre; c'est la faute de Mortier, qui, sans raison est allé à Kolberg, s'est dégarni et a envoyé ici plus de troupes qu'on ne lui en demandait.

Je ne sais pas si je vous ai dit de diriger tous les contingents de Saxe-Ducale sur Kolberg, où est celui de Saxe-Weimar et où doivent se réunir tous ces corps.

Renforcez le maréchal Mortier de tout ce que vous pourrez, soit en infanterie, soit en cavalerie.

Cette princesse Auguste, qui écrit ces lettres, est-ce celle que j'ai si bien traitée à Berlin ?


Finkenstein, 20 avril 1807

A Louis

Mon Frère, votre chancellerie donne à la noblesse ses anciens titres; vos chambellans, dans les invitations qu'ils font pour le palais, donnent à la noblesse ses anciens titres; les anciennes armoiries ont reparu.

Mon intention est que vous donniez sur-le-champ l'ordre à vos chambellans de ne donner aucune espèce de titres. La Révolution s'est faite en Hollande par la France; conquise par la France, elle n'a été rendue à l'indépendance qu'à condition que le système d'égalité serait maintenu. En conséquence je désire que vous fassiez expédier de nouvelles lettres de créance aux ministres auxquels vous avez donné des titres.

[Ce qui suit a été biffé par Napoléon.]

Faites connaître en Hollande qu'il n'y a pas de protection à espérer de moi, si cet ordre de choses n'est point rapporté. J'aimerais autant voir la Hollande entre les mains de l'Angleterre et le due d'York roi de Hollande; ce serait moins contraire à ma politique intérieure que de voir les Hollandais sortir de leur système d'égalité et prendre ainsi à grands pas une direction si opposée.

Vous avez de bien mauvais et de bien perfides conseillers.

Au reste, si vous faites cas de mon amitié, elle est à ce prix. C'est la dernière lettre que vous recevrez de moi, si vous ne revenez pas sur cette funeste résolution.

J'ai été votre père, je vous ai élevé, je vous ai fait roi, je vous maudirais, car vous seriez mon plus grand ennemi et rien n'aurait fait plus de tort à mon système intérieur.

Ce que vous me dites du roi de Naples n'a pas de sens. Ce prince n'a rien fait que par mes avis. C'est par mon conseil qu'il a conservé la noblesse. Y a-t-il quelque chose de commun entre ses États et les vôtres ? C'est comme si vous disiez que la Bavière a conservé la noblesse.

Quoique je sois accoutumé à vos mauvais procédés et à de grandes protestations de votre part toujours suivies d'effets contraires, j'attendrai votre réponse pour savoir si je suis ami ou ennemi de la Hollande. Puisque je ne puis agir comme frère, il faut que j'agisse comme souverain, garant des stipulations de la Hollande.

J'apprends que vous faites une loi sur la régence. J'espère que vous voudrez bien me consulter.

Vous devez vous souvenir que je n'ai pas l'habitude d'abandonner mes droits. Vous vous souviendrez sans doute aussi que je suis de la famille.

Vous sentez très bien que, si vous veniez à manquer, je ne voudrais voir la Hollande qu'entre des mains qui me conviendraient, et que je ne reconnaîtrais pas ce que vous auriez fait pour des personnes que vous ne pouvez point connaître. Certes je ne laisserais pas mes neveux entre les mains de gens qui pourraient les égorger.

Je vois qu'on vous mène dans une fausse direction. Mais j'ai la certitude que, lorsque ces hommes se seront démasqués et qu'ils voudront vous mener trop loin, vous vous souviendrez que vous êtes Français et que vous punirez sévèrement ceux qui méditent d'abandonner la cause de la France.

La garantie dont j'ai besoin, je ne puis la trouver dans un enfant de trois ans.

Laisser la régence aux hommes que vous nommeriez, ce serait la donner au prince d'Orange. Je veux nommer le régent. Je suis fâché que vous ne sentiez pas cela, que vous ne sentiez pas qu'il est ingrat sous le point de vue moral et ridicule sous le point de vue politique de laisser la Hollande entre les mains de quatre ou cinq ministres, comtes ou marquis dévoués à la maison d'Orange ou à l'Angleterre. En vérité, vous montrez bien peu de pénétration.

Voici les conséquences de votre conduite: d'abord embrouiller vos affaires. Le public ne tardera pas à s'apercevoir que je n'approuve point ce que vous faites, ce qui fera grand tort à vos finances; et toutes vos fausses démarches actuelles pourront un jour être un sujet de guerre.

Voilà le bien que vous avez fait à la Hollande, et voilà le bien que vous m'avez fait.

Je vous croyais un autre homme que vous ne vous montrez l'être. je remercie le ciel de ce que je puis me passer de vous. Votre ingratitude cependant m'afflige.

Vous êtes le seul en Hollande qui ne sachiez pas que la correspondance avec l'Angleterre y est aussi libre qu'en temps de paix. Êtes-vous l'allié de la France ou de l'Angleterre ? je l'ignore.

[A ce passage dicté ab irato, l'Empereur a substitué de sa main la conclusion suivante]

Tout que je vous mande là, je l'exige. Je ne veux pas voir reparaître les anciens titres ; cela nuit à mon système en France. J'espère que vous ne voudrez pas me mécontenter dans un objet si important.

Ne faites rien pour la régence sans mon approbation. Vous sentez que, si vous veniez à manquer, je ne laisserais pas mon neveu et les affaires de la Hollande entre les mains de deux ou trois ex-partisans de la maison Orange


Finkenstein, 21 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le courrier du 11 n'est pas encore arrivé. Le temps est devenu tout d'un coup affreux. La terre s'est couverte de neige. Il fait un temps horrible et froid. Le thermomètre cependant commence à monter depuis une heure. Le temps qu'il fait ne ressemble pas mal au temps qu'il fait à Noël à Paris. Rien de nouveau.

Je pense qu'il est convenable de ne pas tarder plus longtemps à remettre aux Invalides l'épée et les décorations de Frédéric. Cela peut être l'objet d'une petite fête dans une salle des Invalides, où l'on placera un trône, qui restera vacant. Vous vous y rendriez de ma part et déposeriez là ce trophée devant les Invalides réunis. Cette petite fête, annoncée quelques jours d'avance, pourra exciter la curiosité. Vous pourriez faire composer quelque ode en l'honneur des braves d'Iéna. Ce serait une circonstance naturelle pour faire porter devant vous aux Invalides les drapeaux pris dans la campagne, qui sont, je crois, au nombre de 400 , et qui y seraient déposés, en attendant que le temple fût construit.

Dans le moment où on lève une nouvelle conscription, il serait bien de charger un orateur de faire un discours sur l'avantage de faire la guerre hors de sa patrie, sur le mérite et les vertus militaires, enfin sur les succès qu'on a obtenus. Tout cela me semble devoir être d'un bon résultat. Vous pourriez faire cela un dimanche, le plus près du 15 mai. Vous feriez porter l'épée et les décorations de Frédéric par le maréchal Moncey.


Finkenstein, 21 avril 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je ne reçois pas d'états de situation. En ayant reçu enfin un du major général qui me fait connaître la situation, au 15 avril, de la réserve du maréchal Kellermann, et ayant reconnu qu'il avait à cette époque 25,000 hommes, et qu'il en avait 7,000 à recevoir, j'ai cru nécessaire de prendre le décret ci-joint (Décret pour l'organisation de sept nouveaux bataillons provisoires de garnison). Vous voyez donc que voilà onze bataillons provisoires , ou près de 16,000 hommes que je fais entrer sur-le-champ en Allemagne et que je fais habiller avec les moyens du pays. Cela vous donnera des ressources pour habiller tous les conscrits; et j'y trouve le triple avantage de l'économie de l'habillement, de l'économie d'entretien, et enfin de l'utilité au moment même, puisque ces bataillons sont sur-le-champ en état de servir.

Le même état porte que le maréchal Kellermann avait 7,000 hommes de cavalerie et seulement 3,000 chevaux. Je suppose que vous n'avez pas perdu un moment pour faire confectionner les effets de harnachement, et que les chevaux ne tarderont pas à arriver aux dépôts. Faites partir sur-le-champ, des 16e, 24e et 25e divisions militaires, tous les détachements du let de chasseurs et autres régiments de cavalerie, qui sont montés et en état de partir, en les dirigeant sur Wesel et de là sur Potsdam.


 Finkenstein, 21 avril 1807

Au général Lacuée

J'ai reçu et lu avec un grand intérêt votre tableau, par lequel je vois qu'au mois d'avril, sur 160,000 hommes, il ne m'était rentré que 116,000 hommes, sur lesquels il y avait eu 3,500 réformés; ce qui ne me fait que 113,000 hommes. Il était donc encore dû 59,000 hommes. Mais, sur ces 52,000 hommes , il y a 36,000 hommes sur l'an 1807, et sa réserve, qui probablement est en grande partie rentrée dans ce moment. D'abord, de ce qui est envoyé en Italie, vous ne pouvez pas avoir reçu l'état de ce qui est arrivé. Mais sur 1806 je vois qu'il est encore du 8,000 hommes; sur 80,000 hommes, c'est un sur dix. S'il fallait supporter cette perte, ce serait un peu considérable. Pressez les préfets.

Il faudrait tâcher que la réduction à opérer par la non-réalisation de la conscription ne fût que de deux et demi pour cent.

C'est avec un grand intérêt que j'attendrai l'état que vous devez m'envoyer, les dix premiers jours de mai.

Je vous ai demandé d'autres états qui compléteront celui-ci et me feront connaître la situation actuelle de mon armée.

J'aimerais avoir un état de situation; au ler avril, des dépôts qui sont en Italie et en France, et à côté vous mettriez ce qui leur reste à recevoir au ler avril sur 1806 et 1807; ce qui me ferait voir la situation des dépôts lorsqu'ils auraient reçu la portion des 52,000 hommes qui leur revient.

M. Dejean ne m'envoie pas l'état de situation des troupes qui sont en France. Celui que j'ai est de février, ce qui me laisse dans l'obscurité sur ce qui se passe. Heureusement que je reçois directement les états de situation d'Italie; mais je ne sais ce qui se passe en France. Pourquoi les bureaux ne m'en envoient-ils pas ? M. Denniée dort (Antoine Denniée, 1754-1828. L'un des plus connus parmi les inspecteurs aux revues). Croit-il que je n'aie pas autant besoin qu'en temps de paix de connaître la situation de mes forces !

Les quatre premiers régiments provisoires que je viens de former sont dissous. Les 5e, 6e, 7e et 8e ne tarderont pas à l'être. Je les attends sur la Vistule.


Finkenstein, 21 avril 1807

Au général Lacuée

Du moment que la campagne sera engagée et que j'aurai vu de quel côté les Anglais portent leurs efforts, mon intention est de faire suivre leurs mouvements. Les Anglais ne peuvent mettre en jeu qu'une expédition de 25,000 hommes, puisqu'ils en ont une de 20,000 en Sicile. Je doute même qu'ils fassent un si grand effort. S'ils se décident à venir dans la Baltique , mon intention est de tirer des divisions des camps de Boulogne, de Pontivy, de Saint-Lô et de Napoléon, et de les diriger sur le Rhin. Comme je n'ai de situation de l'intérieur sous les yeux que la situation de février, grâce à la négligence des bureaux de la guerre, je vous prie de me faire connaître l'état de situation actuelle et si je puis compter sur la formation de ces divisions, conformément au tableau ci-joint. Ce sera vers la fin de mai que ce mouvement pourrait avoir lieu, étant dans la croyance que la conscription de 1808 et la formation de ces divisions rétabliront les choses, dans un mois, à peu près dans le même état où elles sont aujourd'hui.

ÉTAT DES QUATRE DIVISIONS A FOURNIR.

PREMIÈRE DIVISION A TIRER DU CAMP DE BOULOGNE

Trois brigades, chacune de 4 bataillons; chaque bataillon, de 4 compagnies, savoir, une de grenadiers, une de voltigeurs; la 1e et
la 2e compagnie de chacun des 12 bataillons qui sont au camp, chaque compagnie complétée à 160 hommes. Total par brigade, 2,560 hommes, et par division , 7,680 hommes, avec 12 pièces d'artillerie et 24 caissons. Un général de division et 3 généraux de brigade.

Il resterait donc à ce camp le fond de 5 compagnies pour chacun des 12 bataillons.

DEUXIÈME DIVISION A TIRER DU CAMP DE SAINT-LÔ

Deux brigades. La le brigade composée de trois bataillons du 5e léger, chaque bataillon ne fournissant que huit compagnies, en laissant une au dépôt. Chaque bataillon , fournissant au moins 1,200 hommes sous les armes, la force de la 1e brigade serait de 3,600 hommes.

Si le régiment ne pouvait pas fournir ce nombre, on ne prendrait que 7 compagnies et l'on en laisserait 2 au dépôt. Alors on se contenterait de 900 hommes pour les 7 compagnies, et la force de cette brigade ne serait que de 2,700 hommes.

La 2e brigade, de 6 bataillons composés de 4 compagnies, comme ceux du camp de Boulogne, 3,840 hommes. Total, 6,540 hommes; 12 pièces d'artillerie et 24 caissons.

TROISIÈME DIVISION À TIRER DU CAMP DE PONTIVY

Deux brigades. Deux bataillons du 70e,, deux du 86e, deux du 47e, et un bataillon du régiment suisse : total, 7 bataillons. Chaque bataillon, fort seulement de 7 compagnies et de 1,000 hommes. Total de la division, 7,000 hommes. Il resterait au camp de Pontivy, de chacun de ces trois régiments, 13 compagnies ainsi que les 3e et 4e bataillons du 15e.

QUATRIÈME DIVISION À TIRER DU CAMP DE NAPOLÉON

Cette division sera composée de deux bataillons du 82e, deux du 66e et deux du 26e; chaque bataillon de 4 compagnies, comme ceux du camp de Boulogne; ce qui fera 6 bataillons, plus un bataillon pareil du 31e léger. Total, 7 bataillons. Ils formeront deux brigades. La force de cette division sera de 4 à 5,000 hommes, 4,480 hommes.

La force totale des 4 divisions serait de 25,700 hommes. Ce qui donnerait toujours un présent sous les armes de plus de 20,000 hommes, qui se trouveraient remplacés sur les côtes, partie par les légions, et partie par les conscrits qu'on va mettre dans ces cadres.

Il n'y aurait pas à craindre le morcellement de l'armée, car, comme ces régiments ont leurs bataillons de guerre à la Grande Armée, je ne manquerai pas, dès que cela sera possible, de réunir les corps.

Nota. Me faire connaître si l'on croit que la force de ces différents cadres au 15 mai les mettra dans le cas d'exécuter ledit ordre. En formant de bonne heure les trois camps des côtes, j'ai eu spécialement cela en vue.


Finkenstein, 21 avril 1807

A Fouché

Il faut faire beaucoup crier, surtout dans les journaux départementaux de Bretagne et de Vendée, du Piémont et de la Belgique, contre les persécutions qu'éprouvent les catholiques d'Irlande de l'Église anglicane. Il faut pour cela recueillir tous les traits qui puissent peindre cette persécution sous toutes les couleurs.

J'engagerai M. Portalis à s'entendre secrètement avec quelques évêques, afin que, lorsque ces articles auront fait effet, on fasse des prières pour demander la fin des persécutions de l'Église anglicane contre les catholiques d'Irlande. Mais il faut, de la part de l'administration, que cela soit mené très délicatement, et se servir des journaux sans laisser soupçonner qu'on veut en venir à ce but. Les rédacteurs du Journal de l'Empire sont très propres à cela.

Il faut faire sentir la cruauté et l'indignité de l'Angleterre contre les catholiques d'Irlande qui, depuis cent ans, sont dans un état de perpétuelle Saint-Barthélemy contre les catholiques

Dites toujours, au lieu de protestants, l'Église anglicane; car nous avons des protestants en France, et nous n'avons pas d'Église anglicane.


Finkenstein, 21 avril 1807

A Portalis

Monsieur Portalis, il serait convenable, surtout dans la Bretagne et la Vendée, si quelque évêque prenait cela sur lui, qu'il fît un mandement pour faire connaître les persécutions qu'éprouvent les catholiques d'Irlande, et recommander de faire des prières pour nos frères catholiques d'Irlande persécutés, et pour qu'ils jouissent de la liberté de leur culte.

Il faudrait pour cela prendre connaissance de tout ce qui s'est passé sur ce sujet et que vous en fissiez un bel article pour le Moniteur,qui pût servir de texte au mandement.


Finkenstein, 21 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 17 avril. La division d'Orenbourg est une de celles de Sibérie et fait partie des vingt bataillons de Sibérie que les Russes annonçaient avoir reçus.

Beaucoup de rapports s'accordent à dire que l'empereur de Russie est à la tête de son armée.

J'ai vu avec beaucoup de peine que vous ayez été incommodé. Le froid nous a repris ici comme au mois de janvier. Les bassins sont gelés et la terre est couverte d'un pied de neige. Je vous envoie votre dépêche de Vienne.

Le siège de Danzig va bien. C'est pour le moment la grande affaire. J'espère l'avoir avant le 10 mai.

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Faites venir le commissaire Pradel pour qu'on ne discontinue pas de faire du biscuit à Varsovie. Il faut en faire constamment 20,000 rations par jour. Il peut y avoir telle combinaison où je puisse avoir besoin de 2 à 3 millions de rations de biscuit.


Finkenstein, 21 avril 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez l'ordre que, dans la journée du 23, tous les dépôts de cavalerie qui sont à Culm passent la rivière et se dirigent sur Bromberg, où seront placés tous les ateliers.

Vous donnerez l'ordre au général Delaroche de répartir tous les chevaux entre Bromberg et Polnisch-Krone, et le long de la Vistule, entre Bromberg et Schwetz; il vous fera connaître s'il y a là du fourrage. Il laissera cependant à Culm 600 chevaux de ceux qui seront remis le plus promptement et qui seront le plus promptement en état de rejoindre leurs corps.

Un bataillon de 400 dragons à pied a dû se former pour se rendre du côté de Graudenz. Donnez ordre qu'il soit porté à 600 hommes s'il y a assez d'hommes pour cela, et de ne faire passer la Vistule qu'à autant d'hommes qu'il y a de chevaux. Vous réitérerez au général Delaroche l'ordre de faire acheter partout des chevaux, afin de remplacer les réformes et de monter le plus de monde qu'il pourra.

Le général Delaroche fera courir des officiers et vous fera un rapport pour faire connaître les lieux où il y a des fourrages sur la rive gauche, s'il y en a le long de la Netze et du canal, ainsi que le long de la petite rivière de Pilow.

Vous réitérerez l'ordre au maréchal Soult de faire rejoindre à Elbing les deux régiments de dragons qui se trouvent à son corps d'armée. Le besoin d'avoine devient tous les jours plus pressant; on a beau écrire à l'intendant général, il ne s'en dérange pas plus pour cela. Il faudrait envoyer un officier de gendarmerie en poste pour faire escorter les bateaux d'avoine jusqu'à Marienwerder, où il nous en faut très-promptement 200,000 boisseaux.


Finkenstein, 21 avril 1807

Au maréchal Berthier

Témoignez mon mécontentement à l'intendant du Mecklenburg, Cet intendant fait fort bien ses affaires et fait fort mal les miennes.


Finkenstein, 21 avril 1807

A M. Daru

Monsieur Daru, nous n'avons pas un boisseau d'avoine à Marienwerder. Je ne puis qu'être extrêmement mécontent de la manière dont marche l'administration. Comment, par la Vistule et le canal, ne peut-on pas envoyer à Marienwerder 200,000 boisseaux d'avoine ? Si ce n'avait été Elbing, je serais mort de faim. Prenez donc des mesures pour que huit ou dix bateaux chargés d'avoine nous arrivent à Marienwerder.


Finkenstein, 21 avril 1807

Au prince Eugène

Mon Fils, je donne ordre à deux bataillons du régiment d'Isembourg de se rendre à Cività-Vecchia; cela vous mettra à même de faire revenir le bataillon brescian et la cavalerie hanovrienne.

Je fais connaître au roi de Naples que le 3e bataillon d'Isembourg va se rendre également à Cività-Vecchia; ce qui lui permettra de mettre à Gaète un des bataillons de ce régiment, et de vous renvoyer en échange un régiment italien.

Je ne suis point content de la marche de la conscription du royaume d'Italie. Comment compléterez-vous vos cadres ? Quatre de vos régiments sont à l'armée, le 4e arrive; vous avez donc trois autres régiments qui devraient me présenter 12,000 hommes sous les armes, et qui ne m'en présentent pas 4,000. Faites comprendre en Italie que le moment est venu de former une armée nationale.

Les troupes italiennes que j'ai ici se battent bien, et j'en suis fort content.


Finkenstein, 22 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 11 avril. Je vois avec peine que le ministre ait substitué une autre compagnie à la compagnie Breidt. Ces compagnies n'ont pas de bon sens. Qu'avons-nous besoin de compagnies ? Ce sont des personnes qui volent, et voilà tout. Qui empêche le ministre Dejean d'organiser 2 ou 300 caissons, qui, arrivés ici, nous seront si utiles ?


Finkenstein, 22 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, la gendarmerie ne doit se réunir aux différents camps qu'en cas d'une descente faite; car vous sentez qu'il serait malheureux de dégarnir l'intérieur de la France de gendarmerie, soit sous le point de vue de la police, soit sous celui de la conscription. Cependant le ministre de la police me mande que l'on fait partir beaucoup de gendarmerie des rives de la Loire. Cela est contraire à mes intentions.

Je suis fâché que vous ayez réuni les équipages de réquisition, qui ne devaient l'être qu'en cas de descente. Cela dépense de l'argent et dérange les cultivateurs sans but. Je regarde donc cela comme une mauvaise opération, qui montre trop l'alarme. La prévoyance a ses bornes; au delà, elle est excessive et tourne contre soi.


Finkenstein, 22 avril 1807

A M. Fouché

Je reçois votre lettre du 11 avril. Si M. Hyde se trouve parmi les gendarmes d'ordonnance, faites-le arrêter.

Je reçois vos lettres du 10 et du 12 avril. Je ne comprends point ce que vous me dites que la gendarmerie de l'intérieur de la France se rend à Napoléonville. Ce serait extraordinaire. Ce n'est que dans un cas de descente caractérisée que j'avais ordonné que la gendarmerie se réunirait. Il faut bien se garder de la réunir, non-seulement lorsqu'il n'y a pas de descente, mais même lorsqu'elle ne parait pas probable. Que deviendrait la conscription s'il n'y avait pas de gendarmerie pour faire la police ? J'ai peine à croire que le ministre Dejean et le maréchal Moncey aient fait une pareille balourdise.


Finkenstein, 22 avril 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je reçois votre rapport du 8 avril avec tous les états qui y étaient joints; je les ai lus avec beaucoup d'attention, et j'ai été très-satisfait de leur clarté et de leur netteté.

Indépendamment des chevaux qui ont été distribués à Cassel et à Potsdam, il en a été donné aux corps dans les gouvernements de Minden, Fulde, Brunswick, Hanovre; on en distribue en ce moment près de 3,000 en Silésie. Il est nécessaire que vous écriviez au général Fauconnet, qui est à la tête des dépôts de cavalerie en Silésie et aux différents gouverneurs, de vous rendre compte de tous les chevaux qu'ils ont délivrés. Ces gouverneurs les ont distribués à des détachements qui avaient été envoyés à pied et qui ont servi longtemps ainsi.

Vous aurez vu par ma dernière lettre que j'ai ordonné au maréchal Kellermann de ne pas faire repasser le Rhin aux 1,500 hommes que vous avez dirigés sur Potsdam ; mais je les ai fait envoyer dans les gouvernements où on les montera; ce sera encore des chevaux donnés aux corps. Tout cela peut s'évaluer à 4,000 chevaux.

Le général Bourcier a fait distribuer des chevaux aux 3e et 24e de chasseurs et à d'autres régiments encore. Je suis assuré qu'en réunissant tous ces éléments vous aurez pour résultat une distribution faite en Allemagne de 15 à 16,000 chevaux. J'ai fait distribuer 20,000 francs à chaque régiment pour pouvoir acheter des chevaux. Cela doit bien en donner encore un millier. Tous ces éléments sont nécessaires à recueillir pour pouvoir bien asseoir la comptabilité des corps. Malgré ces efforts, j'ai plus de 1,500 hommes à pied à Potsdam et 3,000 en remonte en Silésie , parce que les pertes résultant des événements et surtout des fatigues de la guerre, sont très-considérables. Mais , comme les pertes seront soigneusement relatées par les conseils d'administration, il faut aussi que les recettes leur soient exactement comptées.

La base de tout est 80,000 chevaux. Je vous ai autorisé à distribuer 12,000 chevaux aux différents dépôts, comme à-compte sur les pertes dont ils devront justifier. Je crois que c'est faire une évaluation faible que d'estimer la perte à 16,000 chevaux, depuis le commencement de la guerre. Vous devez sentir l'importance de la mesure que j'ai prise d'accorder, indépendamment du complément de 80,000 chevaux, un à-compte sur les pertes qui sont justifiées; on perdrait six mois d'un temps précieux, si l'on voulait attendre que les pièces de  justification de pertes arrivassent. Je suppose que, dans les états que vous m'annoncez prochainement, vous porterez ce supplément dans une colonne particulière qui sera intitulée Avances faites aux corps pour les pertes présumées, dont ils auront à justifier.

Le 24e de chasseurs a vendu ses chevaux à la cavalerie italienne, qui les lui a payés argent comptant; il faut que cette somme entre en compte sur ce qu'a reçu le corps. 

Pour maintenir votre compte de 80,000 chevaux, vous finirez donc peut-être par en avoir donné 120,000; mais cela sera compensé par la perte. Le véritable parti à prendre est donc de fournir autant de chevaux qu'il y a d'hommes aux dépôts; mais en même temps il faut exercer une grande surveillance pour avoir tous les éléments des comptes à établir avec tous les corps.

Dans l'état n° 4. intitulé, Situation en chevaux des dépôts, au ler mars 1807, etc., et de l'effectif au 1er mai, je vois que le 13e de dragons n'aurait que 75 chevaux, le 14e que 40, le 17e que 48, le 18e que 47, le 20e que 67, le 22e que 21, le 25 que 21, le 7e de chasseurs que 40, le 21e que 76, le 10e de hussards que 26. Cependant, ces régiments peuvent avoir à leurs dépôts 3, 4 et peut-être 500 hommes. Cela fait très-bien sentir l'importance de la mesure que j'ai prise; elle remédie à tout, parce qu'elle se calque, non sur un principe de comptabilité, mais sur la nature des choses.

Selon l'état n° 2, Compte des dépenses des remontes et du harnachement, il faut 13,751,713 francs pour compléter les 80,000 chevaux, c'est-à-dire pour payer les 21,513 achetés au 25 mars et les 9,314 à acheter. Vous demandez 7,057,828 francs. Je vous ai donné trois millions pour le mois d'avril dans la distribution du mois d'avril; je vous accorderai encore trois millions dans la distribution du mois de mai.

Quant au harnachement, c'est à vous à voir ce qu'il faut faire; il me semble que l'armée ayant une fois 80,000 harnachements, ils ne doivent pas se perdre comme les chevaux. Cependant on ne peut pas se dissimuler qu'il ne s'en perde aussi beaucoup ; la guerre est une grande occasion de destruction. Il faut donc faire aux dépôts d'exactes revues et passer enfin par-dessus tout pour qu'ils aient le moyen d'équiper leurs chevaux.

Je prends un décret qui augmentera la masse d'habillement à raison du harnachement, et qui augmentera aussi la masse des remontes, de manière que vous ayez de quoi faire face , non-seulement aux dépenses que nécessite le complément des 80,000 chevaux , mais encore à celles qui résultent de la mesure que j'ai prise de donner aux dépôts 12,000 chevaux au compte des corps. Mais il est très- important, sous tous les points de vue, qu'à mesure que dés détachements peuvent quitter les dépôts vous les fassiez partir, parce que, quand ces détachements sont arrivés à Potsdam , ils servent à maintenir les derrières de l'armée, s'ils ne sont pas appelés à leurs corps. C'est d'ailleurs autant d'économisé sur votre administration pour la nourriture des hommes et des chevaux.

Je voudrais avoir sur l'habillement des états aussi bien faits que ceux que vous m'envoyez sur les remontes et sur le harnachement.


Finkenstein, 22 avril 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je reçois le rapport du 9 avril par lequel vous me rendez compte du nombre de paires de souliers, de selles et de paires de bottes expédiées à Mayence, sur les marchés que vous avez passés. Vous allez contre mon intention en faisant des expéditions de ces objets par les transports militaires. Ils pourriront dans quelque coin; ils auront coûté beaucoup d'argent et on n'en retirera aucun service. Mon intention est, je le répète , que vous n'expédiiez rien que par des caissons qui m'appartiennent. Si on met de l'activité dans la levée des caissons , l'envoi des objets n'éprouvera pas de retards. D'ailleurs, j'aime mieux recevoir plus tard que de ne pas recevoir du tout. Ce qui vient par les transports militaires n'arrive jamais. On à sur cela l'expérience des siècles. Il faut envoyer les bottes et les souliers par 50 ou 60 caissons ensemble. On pourra alors leur donner une escorte, les faire accompagner par un officier de gendarmerie, et même les mettre sous la garde d'un employé qui rendra compte. On sera sûr ainsi que tout arrivera.


Finkenstein, 22 avril 1807

Au général Dejean

J'ai reçu votre lettre du 10 avril, Vous croyez que les corps ont plus d'armes que d'hommes. Il faut convenir que la guerre en fait une horrible consommation. Par exemple, il y en a eu de perdues près de 10,000 à Austerlitz, cassées par les boulets, mises hors d'état de servir par les accidents du feu, beaucoup de jetées sur le champ de bataille par les blessés. J'en ai fait ramassé sur le champ de bataille d'Eylau plusieurs milliers. Ajoutez celles que les hommes qui vont aux hôpitaux perdent, quelque chose qu'on fasse, et vous serez convaincu que réellement nous n'avons pas assez d'armes. Ce qui n'empêche pas que les précautions que vous indiquez ne soient bonnes à prendre.


Finkenstein, 22 avril 1807

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, en lisant avec attention l'état de la marine du ler avril, je vois avec satisfaction le bon état de mon escadre de Cadix. Je vois avec peine qu'à Toulon vous n'ayez pas encore fait armer le Robuste et le Commerce-de-Paris. Je voudrais savoir ces 2 vaisseaux en rade; ce qui me ferait 5 vaisseaux avec l'Annibal, le Génois et le Borée.

Le Grand Seigneur me demande à force d'envoyer 5 vaisseaux devant Constantinople, pour, avec son escadre, faire des incursions
dans la mer Noire. Il a, lui, 15 vaisseaux armés. Faites donc sans retard, je vous en prie, mettre ces deux vaisseaux en rade. Faites aussi commencer l'Ulm et le Danube, faites achever le Donauwerth et le Superbe à Gènes. Si le Donauwerth pouvait être fini, cela me donnerait 6 vaisseaux de mon escadre de Toulon et 6 de celle de Cadix; cela me ferait 12 vaisseaux. Faites donc finir à Rochefort le Tonnant, afin que j'aie là bientôt 7 vaisseaux. Faites finir à Lorient l'Alcide, afin qu'avec le Vétéran cela me fasse 3 vaisseaux. Il faut que les 7 vaisseaux que j'ai à Brest soient mis en état de faire toute espèce d'entreprises, même d'aller aux Indes.

Je désire donc qu'au mois de septembre je puisse disposer et faire partir dans vingt-quatre heures, pour les missions les plus éloignées, 7 vaisseaux de Brest, 3 de Lorient, 7 de Rochefort : total de l'Océan, 17 vaisseaux; 6 de Cadix, compris l'espagnol, 6 de Toulon : total de la Méditerranée, 12. Total général, 29 vaisseaux. Le roi de Hollande aura également 7 vaisseaux propres à toute expédition. Mais, pour arriver à ce but, il n'y a pas un moment à perdre, puisque nous voilà déjà en mai. Vous n'avez donc plus que quatre ou cinq mois. Ces 29 vaisseaux ne me seront pas inutiles pour la guerre dans laquelle je suis engagé.

Je vous prie de faire des recherches et de me faire une note sur l'expédition de Perse. 4,000 hommes d'infanterie, 10,000 fusils et une cinquantaine de pièces de canon sont désirés par l'empereur de Perse. Quand pourraient-ils partir et où pourraient-ils débarquer ? Ils feraient un point d'appui, donneraient de la vigueur à 80,000 hommes de cavalerie qu'il a, et obligeraient les Russes à une diversion considérable. Je vous dirai, pour vous seul, que j'envoie en ambassade extraordinaire le général Gardane, mon aide de camp, des officiers d'artillerie et du génie. Un ingénieur de la marine, qui ne serait pas très-utile en France, qui verrait les ports, serait d'une grande utilité dans cette ambassade.

J'ai vu avec plaisir le bon état de la petite division qui est à Bordeaux. Ces 4 frégates paraissent être bonnes à toute espèce de missions. La frégate qui est au port du Passage y restera-t-elle donc perpétuellement ? Quand les 2 frégates qui sont au Havre iront-elles à Cherbourg ? Nous aurions là une division qui serait prête à tout. La division qui est à Saint-Malo est-elle -prête à tout ?  Cela nous ferait 10 frégates disponibles. Il y a deux ans nous avions fait partir plusieurs frégates une à une pour nos îles : ce serait-il le cas cette année ? Vous pouvez, à ce que je vois, augmenter la division de Saint-Malo de l'Avranches.

Je n'ai pas vu dans tous ces états de situation la Thétis, revient de la Martinique. Il faudrait bien cependant, si cela était possible, envoyer quelque chose à Saint-Domingue, et à la Martinique quelques bricks et bâtiments légers.


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