1 - 15 Juillet 1807
Tilsit, 2 juillet 1807
NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
Sa Majesté désire que le rapport et le projet de décret soient renvoyés au Conseil d'État, section de l'intérieur. Le Conseil proposera les moyens qu'il convient d'adopter pour que la construction de la Bourse de Paris ne soit en aucune manière à la charge de l'État. On pourrait, par exemple, pourvoir à cette dépense par une imposition volontaire sur les agents de change. Cette imposition leur serait remboursée sur le produit, ou d'un droit additionnel aux patentes ou d'un droit quelconque d'entrée à la Bourse. Cette idée peut avoir des inconvénients; le Conseil en proposera toute autre dont l'exécution lui paraîtrait plus convenable.
La mesure proposée dans le rapport n'est point admissible, parce que, le terrain des Filles-Saint-Thomas ayant été affecté aux dépense du Louvre, on ne peut changer sa destination. Des ordres et des contre-ordres produisent le désordre. Il est indispensable que la ville de Paris ait le plus tôt possible une Bourse. Il convient aussi que cet établissement soit le plus beau qu'il y ait en France. Le ministre est invité à faire examiner par un comité d'architectes le plan qui lui été proposé.
Tilsit, 2 juillet 1807
DÉCISION
Le ministre de l'intérieur prend les ordres de l'Empereur au sujet d'une demande de M. Guesdon, sous-doyen des agents de change à Paris, tendant à avoir pour successeur le sieur Bellet, beau-frère du général Defrance, écuyer de l'Empereur. |
Je suis mécontent que le ministre me présente de pareils commérages . C'est contre les principes. Je ne l'ai toléré que du père au fils. |
Tilsit, 3 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j'ai reçu vos lettres des 19, 20, 21, 22, et 23 juin. Il n'y a ici rien de nouveau. La meilleure harmonie continue à régner entre l'empereur de Russie, le roi de Prusse et moi. Nous sommes tous les trois dans cette petite ville. Il faudrait écrire fort longuement s'il fallait raconter toutes les petites choses qui peuvent intéresser. Je prends le parti de vous envoyer cette lettre par M. de Turenne, qui vous mettra au fait de tous les détails.
Tilsit, 3 juillet 1807
A l'Impératrice, à Saint-Cloud
Mon amie, M. de Turenne (Henry-Amédée de Turenne, 1776-1852. Il rapporte à Paris les drapeaux pris à l'ennemi) te donnera tous les détails de tout ce qui se passe ici; tout va fort bien. Je crois t'avoir dit que l'empereur de Russie porte ta santé avec beaucoup d'amabilité. Il dîne, ainsi que le roi de Prusse, tous les jours chez moi. Je désire que tu sois contente, afin que je ne trouve pas le petit baron de Kepen maussade et les petites cousines aimables et comme elles doivent être (Lettres de Joséphine).
Adieu, mon amie; mille choses aimables.
Tilsit, 3 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je désire que vous témoigniez mon mécontentement à mon Conseil d'État sur l'avis qu'il a délibéré, le 26 mai, au sujet d'une affaire relative au sieur Busoni. Il me semble qu'au lieu d'être mon conseil, il m'établit le sien. C'est à moi à lui demander ce qu'il faut faire, et c'est lui qui veut que je le lui dise. Une autre chose m'a également surpris : c'est la demande qu'il fait s'il convient ou non de rapporter une décision décrétée. Comment ignore-t-il que c'est insulter à la dignité de la législation que de présumer la volonté de la changer ? Si le Conseil proposait positivement de révoquer l'avis du 14 floréal an XIII, qui est devenu un acte de législation puisque je l'ai approuvé, ce serait une autre question. Je ne puis voir que de l'incertitude et de la faiblesse dans cette manière d'agir du Conseil, à moins qu'il n'y ait cependant quelque vice de rédaction, et que le Conseil n'ait entendu, après une mûre discussion de ce point de législation, que la décision antérieure était fautive et qu'elle devait être rectifiée. Je désire que vous remettiez cet objet en délibération, afin qu'on me présente un avis clair et raisonné. Jusque-là, je n'ai pas besoin de m'appesantir sur le fond de la question.
Tilsit, 3 juillet 1807
A M. Fouché
M. de Turenne, qui vous remettra cette lettre, vous mettra au fait de tous les détails. Veillez à ce qu'il ne soit plus dit de sottises, directement ou indirectement, de la Russie. Tout porte à penser que notre système va se lier avec cette puissance d'une manière stable.
Tilsit, 3 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, j'envoie à Votre Majesté Impériale deux petites notes sur Corfou et la rive gauche de l'Elbe, afin de bien tirer au clair un mésentendu (sic) qui paraît avoir eu lieu dans notre conversation. Je lui envoie également un projet de traité patent divisé en cinq titres : le premier concernant le rétablissement de la paix; le second les cessions que je fais par considération pour elle; le troisième, les choses qu'elle reconnaît par considération pour moi; le quatrième, tout ce qui est relatif à la Porte, et le cinquième, ce qui est dispositions générales. A ce premier traité est joint un traité d'alliance, qui restera secret pendant tout le temps que Votre Majesté et moi le jugerons convenable. Ce traité explique de quelle manière doivent être entendues la médiation de Votre Majesté, que j'accepte, pour l'Angleterre, et ma médiation, que Votre Majesté accepte, pour la Porte. Tout cela forme l'ensemble des dispositions que nous avons arrêtées. J'ai cherché à concilier la politique et l'intérêt de mes peuples avec l'extrême désir que j'ai d'être agréable à Votre Majesté. Je passerai chez elle à cinq heures, avant d'aller à la promenade, pour causer sur ces différents objets.
Tilsit, 4 juillet 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 24. Les nouvelles que vous aurez reçues par le courrier du 25 vous auront fait d'autant plus de plaisir qu'il paraît qu'on s'y attendait moins.
Tilsit, 4 juillet 1807
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 23 juin, où je vois avec plaisir que j'aurai en juillet 5 vaisseaux à Flessingue et bientôt 8. Mon intention est que vous preniez toutes les mesures pour que ces vaisseaux soient mâtés et armés, afin que j'aie à l'embouchure de l'Escaut une escadre qui puisse se combiner avec les 9 vaisseaux hollandais.
Activez les moyens ordinaires pour que les ports de Lorient, Rochefort et Toulon prennent un nouveau caractère d'activité. Tout porte à penser que la guerre du continent est terminée. Tous les efforts doivent se jeter du côté de la marine.
Prenez toutes les mesures pour faire finir le Superbe, à Gênes, et faites mettre la Ville-de-Paris et le Robuste en rade. Il m'importe beaucoup d'avoir une escadre dans la Méditerranée. Pressez aussi la construction des vaisseaux que je fais faire à Venise.
Tilsit, 4 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, j'envoie à Votre Majesté une note sur la discussion qui nous occupe. Votre Majesté y verra mon désir de me tenir constamment dans une position d'amitié et d'alliance avec la Russie, et d'écarter tout ce qui pourrait s'opposer directement ou indirectement à cette grande et belle pensée.
NOTE.
Une alliance est solide entre les grands États, lorsqu'elle est fondée sur les rapports politiques qui dérivent des relations de commerce et des relations géographiques.
Les relations de commerce heureusement sont toutes à l'avantage de la Russie et de la France, et le traité existant depuis plus de vingt ans est encore celui que l'une et l'autre puissance désirent voir rétablir.
Les relations géographiques, dans la situation actuelle des choses, sont tout aussi favorables, tellement que, même en état de guerre, les deux puissances ne savent où se rencontrer pour se battre. Discussions de limites, petite guerre de douanes, discussions pour les eaux, discussions pour les subsistances, et ces mille et un petits sujets de querelles qui refroidissent et précèdent ordinairement les brouilleries ouvertes et sont le prélude des guerres que se font les nations, nous sont totalement étrangers; de sorte que, pour chercher des raisons d'animosité et de refroidissement entre nous, il faut avoir recours aux choses les plus abstraites et les plus imaginaires.
Au milieu de la guerre que la Russie et la France se sont faite, l'un et l'autre souverain, éclairés sur la situation et la vraie politique de leurs empires, ont désiré le rétablissement non-seulement de la paix, mais même, comme d'un commun accord et par la force de la raison et de la vérité, ont voulu former des liens et passer dans un seul instant d'une guerre ouverte aux plus intimes relations. L'amitié et cette confiance sans bornes qu'ont inspirées à l'empereur Napoléon les hautes qualités de l'empereur Alexandre ont fait sceller par le cœur ce qu'avait déjà établi et approuvé la raison. Dans cette situation de choses, gardons-nous de rien faire qui échange les rapports généraux de commerce et de géographie que la nature a établis entre les deux États.
Appeler le prince Jérôme au trône de Saxe et de Varsovie, c'est presque, dans un seul instant, bouleverser tous nos rapports. Il n'y aura pas une querelle de douane sur le Niemen, une altercation de commerce, une discussion de police qui n'aille sur-le-champ et directement au coeur de l'empereur Napoléon, et, par cette seule faute politique, nous aurons déchiré le traité d'alliance et d'amitié, et préparé des sujets plus réels de mésintelligence que ceux qui ont existé jusqu'ici. En réfléchissant donc sur cette question, l'empereur Napoléon est plutôt prêt à déclarer, dans un article secret, que ce mariage que l'on a cru être dans sa pensée n'est point dans sa politique, et que, quand il y eût été, il y aurait renoncé du moment que la conséquence immédiate serait de placer le trône de Varsovie presque dans ses mains. La politique de l'empereur Napoléon est que son influence immédiate ne dépasse pas l'Elbe; et cette politique, il l'a adoptée, parce que c'est la seule qui puisse se concilier avec le système d'amitié sincère et constant qu'il veut contracter avec le grand empire du Nord.
Ainsi les pays situés entre le Niemen et l'Elbe seront la barrière qui séparera les grands empires et amortira les coups d'épingle qui, entre les nations, comme il a été exposé ci-dessus, précèdent les coups de canon.
La protection de l'empereur Alexandre fera rentrer le roi de Prusse dans la possession de tous les pays qui bordent les deux Haff, qui vont depuis les sources de l'Oder jusqu'à la mer. Un grand nombre de places fortes, par le seul désir de lui plaire, seront remises entières au roi de Prusse. Mais l'empereur Alexandre est trop juste pour vouloir exiger que le pays de Hildesheim, qui coupe en deux les États qu'on est convenu d'adjuger au roi de Westphalie, soit restitué à la Prusse, qui ne le possède que depuis très-peu de temps. Il reste donc 3 à 400 milliers d'âmes sur la rive gauche de l'Elbe, qui, s'ils étaient restitués à ce prince, le mêleraient avec les princes de la Confédération du Rhin, et produiraient des discussions et des désordres. Dans une époque aussi grande, ce qu'il importe surtout, c'est de bien fixer les rapports et les limites. Il faut se rappeler tout ce que produisent de maux les États entremêlés, témoin le passage sur le territoire d'Anspach. Toutefois l'empereur Napoléon, pour donner une nouvelle preuve de son désir d'être agréable à l'empereur Alexandre, consent à donner l'équivalent de ces 300,000 âmes au roi de Prusse, en les prenant sur les États de la Pologne qui séparent Königsberg de Berlin.
Alors il en résulterait les articles suivants :
1° Le territoire de la Prusse irait jusqu'à l'Elbe.
2° On restituerait de la Pologne la province dite Pomerellen sur la rive gauche de la Vistule, sur la rive droite l'île de Nogat, Marienburg, Elbing, l'Ermeland, de sorte que la limite prussienne serait la limite du cercle de Culm.
3° La navigation de la Vistule serait libre, et il ne pourrait y être mis ni péage ni octroi d'aucun genre. La ville de Danzig, avec un territoire de deux lieues, serait exceptée; elle serait ville1ibre sous la protection de la Prusse et de la Saxe.
4° La Saxe céderait sur la rive droite de l'Elbe un territoire équivalent à Memel.
Tilsit, 4 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, trois vaisseaux ont été mis en construction sur les chantiers de Venise pour le compte de la France. Je crois que j'ai ordonné que deux vaisseaux y fussent mis pour le compte de mon royaume d'Italie. Comme il est probable que la guerre du continent sera bientôt terminée, il faut que vous preniez des mesures pour avoir quelques-uns de ces vaisseaux à la mer, afin d'être maître de l'Adriatique. Les Anglais n'y ont que des frégates, si vous parvenez à y avoir seulement deux vaisseaux, vous serez maître de cette mer.
Faites-moi donc connaître quand j'aurai deux vaisseaux en rade de Venise, soit au compte de la France, soit au compte du royaume d'Italie. Avez-vous les mâts, les voiles, les cordages, les ancres, les canons ? Tout cela commence à devenir aujourd'hui d'une grande importance.
Faites-moi aussi connaître où en sont les travaux pour que les vaisseaux de 77 qu'on fait à Venise puissent aisément sortir et aller en rade.
Faites-moi connaître la situation des forces qui sont dans la mer Adriatique , sans y comprendre les forces anglaises. Il est possible que j'aie bientôt à prendre possession de Cattaro. Les trois frégates que j'ai à Venise seraient-elles suffisantes pour protéger des bâtiments portant des munitions de guerre et de bouche à Cattaro, sans avoir rien à craindre des forces supérieures anglaises ?
Il faut désormais beaucoup s'occuper de la marine.
Tilsit, 4 juillet 1807
Au roi de Naples
Je pense qu'il serait convenable que vous missiez deux vaisseaux de 74 en construction, que vous pussiez en faire cette année dix vingt-quatrièmes et qu'au printemps prochain vous pussiez mettre ces deux vaisseaux à l'eau.
Je vous prie de me faire un rapport sur Tarente : si une de mes escadres se rendait dans cette ville y serait-elle en sûreté ? et au mouillage qui lui serait prescrit, serait-elle à l'abri d'un coup de main ? Les îles sont-elles armées ?
Je suis ici depuis quinze jours avec l'empereur de Russie et le roi de Prusse. Ils dînent tous les jours chez moi, et nous passons une grande partie de la journée ensemble. Tout me porte à penser que la paix sera bientôt conclue.
Cattaro et Corfou me seront remis. Mon intention est que vous gardiez le plus profond secret sur ces clauses , et que vous fassiez passer à Tarente et à Otrante deux compagnies d'artillerie française avec un colonel et deux capitaines en second, un régiment de ligne français et un régiment de ligne italien, avec le général César Berthier, un autre général sous ses ordres, un adjudant commandant, un colonel du génie, un chef de bataillon, deux capitaines, quatre lieutenants, deux compagnies de sapeurs. Tout cela sera à Tarente et Otrante, sous prétexte de mettre en état ces deux places, afin qu'au premier signe, vous puissiez les faire passer, sans que les Anglais puissent s'en douter, à Corfou, et prendre possession de la ville, que les Russes leur remettront. Je suppose que vous trouverez assez de petits bâtiments pour pouvoir faire le passage en un ou deux voyages.
Il faudra aussi que vous vous occupiez d'y faire passer, en même temps, des vivres pour cette garnison pour cinq ou six mois, surtout en blé. Il est vrai qu'Ali-Pacha lui en fournira, ainsi que de la viande et ce dont elle pourra avoir besoin. Je crois vous avoir déjà mandé que vous ne deviez plus envoyer aucun secours à Ali-Pacha. Vous avez mis trop de zèle dans cette affaire; les affaires ne sont jamais aussi claires qu'elles le paraissent.
Tâchez, s'il est possible, d'avoir à Tarente, à Otrante ou à Brindisi quelques bricks et chaloupes canonnières qui fassent que la correspondance de Corfou avec votre royaume reste libre. Votre ministre de la marine peut ordonner l'installation de ces bâtiments.
Je n'ai pas besoin de vous dire que, dans le traité, vous serez reconnu par toute l'Europe.
Tilsit, 5 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 25 juin, par laquelle vous m'instruisez de l'arrivée du prince Borghèse.
Je ne vois pas d'inconvénient que le général Marescot visite les places de Hollande et prenne connaissance de l'état de défense dans lequel elles se trouvent.
Tilsit, 5 juillet 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 25 juin. Nous n'avons pas encore de nouvelles que l'expédition anglaise soit débarquée quelque part.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au général Dejean
Dans la circonstance actuelle où va se trouver l'Europe, je continue toujours à attacher la plus grande importance à la place d'Alexandrie. Je désire que vous portiez une attention particulière à ce que l'argent ne manque pas, et à ce que les travaux de cette place soient poussés cette année avec autant d'activité que possible.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, faites dire à M. Potocki, qui est ici, d'écrire au gouvernement de Varsovie qu'il doit étendre son administration jusqu'au département de Bialystok, qui est frontière de l'armistice.
Donnez ordre que les bataillons polonais qui sont devant Graudenz et ceux qui sont au 5e corps se rendent au 8e corps, sous les ordres du maréchal Mortier.
Tilsit, 5 juillet 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, vous trouverez ci-joint un décret qui fixe la contribution de Königsberg. Il est important que vous preniez toutes les mesures pour faire rentrer tous les objets, soit denrées, soit argent. Vous ne m'avez pas fait connaître encore ni la quantité de vin ni celle de draps qui s'y trouvent; cela est très-important pour moi, car j'aurais fait distribuer tout le vin à l'armée.
Vous ne m'avez pas encore envoyé l'état des subsistances et autres objets trouvés dans le port, et me laissez ignorer si vous avez déchargé toutes ces denrées et ce que vous en avez fait.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 30 juin. Le maréchal Brune me mande qu'il a 45,000 hommes présents sous les armes, et dans ce nombre ne sont pas compris le 5e léger et les régiments que je lui ai envoyés de Danzig. Ainsi il est parfaitement en mesure de maintenir la Poméranie et de rendre nulles les opérations des Anglais.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je vois par votre lettre du 25 juin que le catéchisme a été publié dans tous les diocèses du royaume d'Italie. Il ne faut donner aucune importance à la résistance que le Pape fait comme évêque d'Imola, quand Bologne, Ferrare, Ravenne, Trévise, Venise, Vicence, Padoue, l'ont publié. Il faut aller doucement sur l'opposition des deux ou trois évêques. Pourquoi ne rappelez-vous pas les émigrés milanais qui sont à Vienne ? Pourquoi ne séquestrez-vous pas leurs biens en cas de refus, et ne les déclarez-vous pas inhabiles à avoir aucun droit de succession en Italie ? Faites-moi un rapport là-dessus. Faites-moi aussi connaître si celui qui est parent du cardinal de Bologne est rentré en Italie.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 17 juin. Je suis surpris de ce que vous m'annoncez que les Anglais ont ôté les canons de bronze de Malte pour les remplacer par des canons de fer.
Tilsit, 5 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon fils, j'ai vu avec grand plaisir les chemins que le général Marmont a fait faire pour aller en voiture jusqu’à Raguse. Il faudra les continuer jusqu'à Cattaro. Je pense que ces chemins sont tels, que le canon peut y passer facilement. J'attache une grande importance aux fortifications de Palmanova et d’Osopo; qu'on travaille avec activité à l’une et à l'autre de ces places, et qu’on ne perde pas un moment. J'attache aussi une grande importance à savoir que Pietoli est terminé. Je vous ai, je crois, demandé un rapport sur les fortifications de Venise et sur l’état des travaux nécessaires pour que des bâtiments de 74 puissent aller en rade.
(Du Casse)
Tilsitt, 5 juillet 1807
A M. Portalis
Monsieur Portalis, je reçois votre lettre du 24 juin. je désire beaucoup que le prêtre Casimir Thoinier ne soit, sous aucun prétexte que ce soit, relâché sans mon ordre.
(Brotonne)
Tilsit, 6 juillet 1807
A l'Impératrice, à Saint-Cloud
J'ai reçu ta lettre du 25 juin. J'ai vu avec peine que tu étais égoïste, et que les succès de mes armes seraient pour toi sans attrait, si le petit baron de Kepen n'avait l'espoir de quelques petites visites, fi ! cela est laid ! (Lettres de Joséphine)
Je me porte bien. (idem) La belle reine de Prusse doit venir dîner avec moi aujourd'hui.
Je me porte bien et désire beaucoup te revoir, quand le destin l'aura marqué. Cependant il est possible que cela ne tarde pas.
Adieu, mon amie, mille choses aimables.
Tilsit, 6 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, j'envoie à Votre Majesté le résumé des difficultés qui arrêtent nos négociateurs, ainsi que le mezzo-termine pour tout concilier. Je désire que Votre Majesté les approuve, car je serais heureux d'apprendre que le traité de paix put être signé aujourd'hui même. J'enverrai dans la journée à Votre Majesté la rédaction définitive du traité d'alliance, où tout se trouve mieux précisé.
RÉSUMÉ
Il est trois questions que discutent aujourd'hui les plénipotentiaires russes et français.
Sur toutes les trois questions, il faut prendre un mezzo-termine qui les concilie.
Première question : 200,000 âmes sur la rive gauche de l'Elbe, que la Russie désirerait être cédées à la Prusse.
Les plénipotentiaires français objectent qu'il y aura, pour le système général de l'Europe, plus d'inconvénients que d'avantages en établissant entre la Confédération du Rhin et la Prusse des limites incertaines et sujettes à discussion. Toutefois l'empereur Napoléon propose d'établir un article secret, où il sera dit que si le Hanovre, à la paix avec l'Angleterre, venait à être réuni au royaume de Westphalie, alors des États sur la rive gauche de l'Elbe, jusqu'à la concurrence de 3 à 400,000 âmes, seraient restitués à la Prusse. Ce mezzo-termine paraît concilier le différend.
Deuxième point de difficulté : quelle sera la limite de la Russie et du duché de Varsovie ?
D'une part, on avait proposé de laisser à la Russie la portion du duché de Varsovie dont elle a réservé la possession à ses troupes par l'armistice. Mais cette démarcation formerait une pointe des États russes dans le duché de Varsovie et laisserait la frontière de la Narew jusqu'au Bug sans démarcation naturelle. D'un autre côté, les plénipotentiaires russes proposent d'arriver jusqu'à Sierock. Mais alors les frontières russes formeraient également une pointe dans le duché de Varsovie. L'aigle russe serait vue des murailles de Varsovie. Ce serait véritablement une indication trop claire que Varsovie est destinée à passer sous la domination russe.
Or, puisque les deux projets ont des inconvénients, on propose un autre mezzo-termine : c'est de tirer une ligne du point de la Narew où se trouve Suracz, de remonter la petite rivière de Liza jusqu'à sa source au village de Mien, où l'on suivrait un petit affluent de la rivière de Nurzek, la descendant jusqu'à la rivière du Bug, à deux lieues à peu près au-dessus de Nur. Cela formerait en faveur de la Russie une population de 200,000 âmes du duché de Varsovie et donnerait à cette puissance des limites bien tracées.
Troisième difficulté : quelle sera la partie de la Pologne qui sera cédée au roi de Prusse, afin d'établir une continuité d'États depuis Königsberg jusqu'à Berlin ?
On a proposé de suivre la limite du district de Bromberg depuis la Vistule jusqu'au village de Waldau; de suivre ladite limite jusqu'à la chaussée de Schneidemühl, que l'on suivrait jusqu'à Driesen, et, de là, le thalweg de la Netze.
Quant à la rive droite de la Vistule, on suivrait le district de Culm, de sorte que Graudenz se trouverait au duché de Varsovie; par ce moyen les États de Prusse auraient, depuis Königsberg jusqu'à Berlin, partout une étendue de plus de cinquante lieues. Ce tracé est un mezzo-termine propre encore à concilier les différents intérêts.
Quant à l'échange de Memel contre une portion de la Saxe, cela ne forme aucune difficulté. La population est peu importante. Ce n'est que pour suivre le même système de donner à chacun des limites fixes en suivant le thalweg des deux rivières.
Tilsit, 6 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 26 juin, où je vois que vous n'aviez pas encore reçu le bulletin de la bataille de Friedland. Je suppose que M. Tascher sera arrivé, et, comme il serait trop long de vous dire tout, je vous enverrai demain M. Nisas.
La reine de Prusse est arrivée de Memel et vient aujourd'hui me faire une visite. Tout me porte à penser que la paix sera conclue dans très-peu de jours.
Tilsit, 6 juillet 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je vous prie de me préparer des armes pour le roi de Westphalie.
Tilsit, 6 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, j'envoie à Votre Majesté le projet de traité d'alliance. Elle y trouvera quelques nouveaux articles qui expliquent mieux la conduite que nous avons à tenir pour contraindre l'Angleterre à la paix. Tout porte à penser que, si l'Angleterre ne fait pas la paix avant le mois de novembre, elle la fera certainement quand, à cette époque, elle saura les dispositions de Votre Majesté, et qu'elle verra la crise qui se prépare pour lui fermer tout le continent. S'il est nécessaire que Votre Majesté se déclare, le mois de décembre paraît l'époque la plus avantageuse, parce que c'est celle qui donne cinq mois pendant lesquels la première chaleur s'amortira en Angleterre, et pendant lesquels cette puissance aura le temps de comprendre les immenses conséquences qui résulteraient pour elle d'une lutte aussi imprudente. L'escadre de Votre Majesté peut, en partant en août, arriver avant décembre dans la Baltique. Elle trouvera à Cadix, à Brest, tout ce qui est nécessaire pour la ravitailler, sans qu'elle soit obligée d'y séjourner plus de trois ou quatre jours. Si Votre Majesté préfère laisser son escadre dans la Méditerranée, je lui offre de lui faire fournir tout ce dont elle aura besoin à Toulon, sans que Votre Majesté ait à en avoir de l'inquiétude.
Tilsit, 6 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, j'ai reçu vos lettres du 24 juin. Vous avez très-mal fait d'envoyer en Dalmatie et à la Grande Armée des officiers napolitains que vous jugez être de mauvais sujets. Je ne veux point de mauvais sujets dans mes armées. Il fallait les envoyer dans une place du royaume d'Italie et demander mes ordres. Envoyez-moi, sans délai, l'état de ces officiers avec les notes et ce que vous en savez, afin que je leur donne une destination selon leurs mérites. L'honneur de me servir ne peut appartenir qu'à des hommes bien famés et qui n'ont rien de suspect. Mon armée et surtout celle de Dalmatie ne doivent point être remplies d'hommes peu sûrs. Il faut faire arrêter les officiers suspects et les envoyer à Fenestrelle. Il est temps de finir ces plaisanteries et de montrer un peu de vigueur.
Tilsit, 6 juillet 1807
Au général Savary
Je n'entends pas parler que l'on ait mis le séquestre sur tout le vin qui est à Königsberg. On ne m'en a pas envoyé l'état pour servir à la distribution que je veux en faire entre les différents corps d'armée. On n'a point fixé non plus la contribution.
Retenez les prisonniers russes, vu qu'on va les échanger.
Tilsit, 6 juillet 1807
A M. Lacuée
Je reçois votre lettre du 26. Je crois vous avoir mandé qu'il fallait attendre de nouveaux ordres pour appeler la réserve. Tout me porte à penser que les affaires vont s'arranger avec la Russie et la Prusse; cependant il ne faut faire aucun mouvement rétrograde. Mais, si la conscription de la réserve n'est pas appelée, il faut que vous en suspendiez l'appel et que vous demandiez mes ordres.
Tilsit, 7 juillet 1807
A l'Impératrice
Mon amie, la reine de Prusse a dîné hier avec moi. J'ai eu à me défendre de ce qu'elle voulait m'obliger à faire encore quelques concessions à son mari; mais j'ai été galant, et me suis tenu à ma politique. Elle est fort aimable. J'irai te donner des détails qu'il me serait impossible de te donner sans être bien long. Quand tu liras cette lettre, la paix avec la Prusse et la Russie sera conclue, et Jérôme reconnu roi de Westphalie, avec trois millions de population. Ces nouvelles pour toi seule.
Adieu, mon amie; je t'aime et veux te savoir contente et gaie.
Tilsit, 7 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 27 juin. La reine de Prusse a dîné hier chez moi. Je n'entre pas dans d'autres détails sur la situation des affaires. Carion-Nisis, qui est porteur de cette lettre, pourra vous donner tous les renseignements propres à satisfaire votre curiosité.
J'ai convoqué le Corps législatif pour le 15 août. Je pense que tout sera prêt. Parlez aux ministres des finances et du trésor public pour que tout ce qui est relatif au budget et au compte annuel soit tout prêt.
Tilsit, 7 juillet 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, je viens de conclure la paix avec la Russie et la Prusse. Vous avez été reconnu comme roi de Westphalie. Ce royaume comprend tous les États dont vous trouverez ci-joint l'énumération. J'irai passer quelques jours à Königsberg, et, de là, je me rendrai à Dresde. Je vous préviendrai à temps pour que vous puissiez arriver avec moi à Dresde, et nous nous concerterons là pour l'organisation à donner à votre royaume. Il est inutile que vous ébruitiez cette nouvelle.
Il faudrait vous procurer un secrétaire qui sût très-bien l'allemand, et vous occuper déjà de me proposer quelques Alsaciens d'un mérite distingué, propres à vous aider dans votre administration. Mon intention, d'ailleurs, en vous établissant dans votre royaume, est de vous donner une constitution régulière qui efface dans toutes les classes de vos peuples ces vaines et ridicules distinctions.
Envoyez de la cavalerie du coté de Glogau, afin que j'aie partout de très-fortes escortes.
Tilsit, 7 juillet 1807
NOTE POUR LE CONSEIL D'ÉTAT
L'intention de Sa Majesté est que les maisons qui couvrent le pont Saint-Michel et celles qui obstruent les abords du petit cours de la Seine, sur les rues Saint-Louis, du Hurepoix et de la Huchette, ainsi qu'en retour sur le Marché-Neuf, soient démolies sans délai.
La démolition des maisons de la rue du Hurepoix, de la rue Saint-Louis et du Marché-Neuf, donnera à celles des mêmes rues qui se trouveront ainsi démasquées une grande augmentation de valeur. Ne serait-il pas juste de faire concourir les propriétaires de ces maisons à la dépense qu'exigera une opération dont ils retireront un avantage ans si réel ?
Sa Majesté désire que le Conseil d'État examine cette question, et propose ou un projet de décret ou un projet de loi qui règle la manière dont lesdits propriétaires seront appelés à contribuer à la dépense de l'acquisition et de la démolition desdites maisons.
Tilsit, 7 juillet 1807
Au roi de Saxe
Par les dispositions de la paix que je viens de conclure avec la Russie et la Prusse, le duché de Varsovie est adjugé à Votre Majesté pour être possédé en même temps et par les mêmes mains que le royaume de Saxe, avec une constitution qui assure la tranquillité et la liberté de ce peuple. Le duché de Varsovie comprend la Pologne prussienne. Danzig reste ville hanséatique comme ci-devant. Je m'empresse d'annoncer à Votre Majesté ces nouveaux arrangements. Je compte me rendre à Dresde, afin de concerter avec elle un plan d'organisation pour procurer à cette nation, si longtemps agitée, le bonheur et le repos dont Votre Majesté a su faire jouir ses autres sujets.
Tilsit, 7 juillet 1807
Au maréchal Berthier
Donnez ordre à toutes les troupes de Saxe, cavalerie et infanterie, de se rendre devant Graudenz.
Donnez ordre aux troupes de Hesse-Darmstadt, aux régiments du grand-duc de Berg et aux troupes du grand-duc de Würzburg de se rendre à Stettin, où elles seront sous les ordres du maréchal Brune.
Tilsit, 8 juillet 1807
A l'Impératrice
La reine de Prusse est réellement charmante; elle est pleine de coquetterie envers moi; mais n'en sois pas jalouse : je suis une toile cirée sur laquelle tout cela ne fait que glisser. Il m'en coûterait trop cher pour faire le galant.
Tilsit, 8 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j'ai reçu la lettre du Conseil d'État qui accompagnait votre lettre du 28. Faites-lui agréer mes remerciements de tout ce qu'elle contient.
La paix a été signée ce matin. Comme le Sénat doit en avoir connaissance avant tout, je ne puis encore en communiquer les articles. La plus grande intimité s'est établie entre l'empereur de Russie et moi, et j'espère que notre système marchera désormais de concert.
J'ai rendu au roi de Prusse ses États jusqu'au thalweg de l'Elbe, de manière que tout ce qui est sur la rive gauche m'appartient.
J'ai donné la Pologne prussienne à la Saxe.
Faites mettre la note suivante dans le Moniteur :
La paix a été signée à Tilsit, le 8 juillet, entre les empereurs de France et de Russie, représentés par le prince de Bénévent, ministre des relations extérieures , et par le prince Kourakine, ancien vice-chancelier de Russie, et le prince Labanof. L'échange des ratifications aura lieu demain. Le traité sera incessamment envoyé pour être communiqué au Sénat, conformément à l'usage et aux constitutions de l'Empire.
Si vous voulez faire tirer soixante coups de canon pour cette annonce, vous en êtes le maître.
Tilsit, 8 juillet 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, mon intention est que vous fassiez former tous les prisonniers russes qui sont en France en régiments provisoires; que vous chargiez de cette formation les généraux et officiers russes prisonniers, et que vous fassiez habiller à neuf ces prisonniers avec leur uniforme, voulant les renvoyer en Russie parfaitement habillés et armés.
Tilsit, 8 juillet 1807
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, la paix vient d'être signée.
Il sera nécessaire que vous me fassiez connaître si, dix vaisseaux de guerre russes entrant dans mes ports de Lorient, ou de Brest, ou de Toulon, on pourrait en deux ou trois jours leur fournir pour trois mois de vivres; faites-moi connaître également s'il y aurait des vivres à Cadix pour le même nombre de vaisseaux.
Il n'y a pas d'inconvénient à appeler le Friedlaiîd un vaisseau de 80 canons. Activez les constructions de la Méditerranée, et faites vos combinaisons pour réunir à Toulon le plus de vaisseaux que vous pourrez, aux premières longues nuits de la saison. Mes six vaisseaux de Cadix, mes six de Brest, mes deux de Lorient, mes six de Rochefort, mes six de Toulon, y compris les frégates, feraient une quarantaine de voiles. Cette flotte, je voudrais la réunir tout entière à Toulon.
Je n'ai pas besoin de vous faire souvenir de la nécessité d'envoyer des forces dans toutes nos colonies, aussitôt que la saison le permettra.
Tilsit, 8 juillet 1807
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 27 juin. J'appelle armer un vaisseau, le voir mâté et avoir à bord ou dans des magasins tout ce qui est nécessaire pour achever cet armement; alors l'armement est l'affaire d'un mois. Aujourd'hui il faut donc qu'au lieu de retarder la mise à l'eau des vaisseaux d'Anvers vous l'activiez, afin que les chantiers soient libres et que vous puissiez mettre d'autres vaisseaux en construction; que les vaisseaux de Flessingue aient leur mâture, voilure, canons, marins, etc., de manière qu'il n'y ait qu'à les mettre en rade et à les armer. Je vous recommande de nouveau de mettre mon escadre de Toulon en état d'aller en mer. Mettez sur ces vaisseaux les matelots des frégates et petits bâtiments qui sont inutiles. Je désire beaucoup que le Commerce-de-Paris et le Robuste fassent quelques petites sorties , afin de perfectionner l'arrimage et que l'équipage fasse connaissance.
Tilsit, 8 juillet 1807
Au général Clarke
Vous pouvez faire mettre dans votre journal que la paix a été signée aujourd'hui entre la France et la Russie par M. le prince de Bénévent, plénipotentiaire pour la France, et les princes Kourakine et Labanof pour la Russie. Les ratifications seront échangées demain.
Je vous envoie une petite notice qui vous fera connaître les principales conditions de la paix, mais pour vous seul, parce que je ne désire pas qu'elles soient encore connues.
Je restitue à la Prusse ses États jusqu'au thalweg de l'Elbe, de manière que la Vieille-Marche et le Magdeburg me restent, ce qui, joint à Hesse-Cassel et Brunswick et aux États prussiens de la Westphalie, forme un royaume dont le prince Jérôme est roi. Je pense qu'il fera de Cassel sa capitale. Vous sentez que le roi de Prusse est très-mécontent de ces arrangements, puisqu'il laisse dans mes mains son boulevard, qui est Magdeburg. L'ancienne Pologne prussienne est donnée au roi de Saxe, sous le titre de duché de Varsovie, Danzig est ville libre comme auparavant.
Le roi de Naples, celui de Hollande, le grand-duc de Berg, etc., sont reconnus. Cattaro et Corfou me sont remis.
Si M. la Bouillerie est à Berlin, qu'il mette ses états bien au net, et, lorsque je passerai à Dresde, je vous en préviendrai pour qu'il s'y rende, et qu'il me rende un compte clair et exact. Comme nous tirons de l'argent de Danzig, de Königsberg, je pense qu'il serait prudent qu'il envoyât tout l'argent qu'il aurait dans les caisses à la gauche de l'Elbe, sur Mayence.
Je suppose qu'il a fait recette de la contribution de Danzig.
Qu'il envoie en Silésie prendre un état exact des caisses, afin qu'il me présente un résultat général complet.
Tilsit, 8 juillet 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, je reçois votre lettre du 7, de Königsberg. Il résulterait de l'état qui y était joint que cette ville a déjà payé neuf millions sur la contribution extraordinaire; cependant, dans votre lettre vous ne portez que 4,900,000 francs de payés sur cette contribution. Je ne sais comment concilier cette contradiction. J'imagine que le payeur général est à Königsberg. J'ai perdu de vue où nous en sommes pour la solde; mais, comme je vais passer à Königsberg, tenez tout prêt pour que mon travail puisse se faire promptement.
Je vois que vous avez 30,000 aunes de draps dont il a été donné 2,000 aunes à des officiers : faites-moi connaître l'usage qu'il faut faire de ces draps. Faites-moi connaître aussi ce que j'ai donné, de différents magasins, en habits neufs, et ce que j'ai encore à distribuer à Danzig et ailleurs.
Je vois avec plaisir que vous avez trouvé des selles, dont la cavalerie doit avoir besoin; faites-les distribuer par régiments, suivant l'arme de la cavalerie.
La paix ayant été signée aujourd'hui, il ne faut faire venir aucune subsistance de Danzig sur Königsberg, vu que ce point est le prémier qui sera évacué. N'envoyez rien sur Tilsit, rien de Varsovie sur Marienwerder. Les points de Danzig, de Varsovie et de Thorn doivent être le plus approvisionnés, car ce sont ceux que je garderai le plus longtemps.
Si vous avez assez de tabac, faites-en une distribution générale à toute l'armée; faites de même une distribution de harengs.
Faites-vous remettre tout le vin; ayez les états de ce que j'en ai à Danzig, afin que j'en fasse une distribution régulière à toute l'armée. Je vois que nous sommes assez riches en eau-de-vie et en rhum, puisque vous en avez 400,000 pintes. Gardez-vous bien de faire venir le vin et l'eau-de-vie que nous avons sur la Vistule, surtout de Danzig. Au reste, je serai à Königsberg dans deux jours, et, en vingt-quatre heures de travail, si vos états sont prêts, je donnerai mes ordres sur tout.
Il faut écrire à Hambourg que je veux les seize millions de marchandises anglaises. Je vais y avoir beaucoup de troupes, et il faudra bien qu'elle les paye.
Tilsit, 8 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, la paix a été signée ici aujourd’hui entre la Russic et la France par M. le prince de Bénévcnt et par MM. les princes Kourakin et Labanoff. Les notifications en seront échangées demain.
(Du Casse)
Tilsit, 8 juillet 1807
Au roi de Naples
La paix a été signée aujourd'hui entre la France et la Russie par M. le prince de Bénévent et par les princes Kourakine et Labanof. Les ratifications en seront échangées demain.
La Russie vous a reconnu comme roi de Naples.
Tilsit, 8 juillet 1807
NOTE
(Cette note, de la main de Meneval, porte en marge : Pour le Publiciste. Elle a été publiée par ce journal dans son numéro du 19 juillet 1807.)
On rapportait et l'on expliquait devant l'Empereur ce mot d'un écrivain connu . Un être souverainement juste et bon doit être, par cela même, souverainement intolérant. On assure que Sa Majesté, après avoir laissé assez longtemps un libre cours à la discussion, l'a terminée en montrant toute son indignation et en disant : "Une pareille phrase ne peut être sortie que de la plume de Marat." On peut se rappeler en effet, si l'on a bonne mémoire, que les sectateurs de ce forcené disaient, dans un temps qui est heureusement bien loin de nous, qu'un peuple qui est souverainement juste et bon devait être, par cela même, souverainement intolérant.
Nous sommes charmés de pouvoir citer cette anecdote, qui est, pour toutes les personnes qui professent des opinions libérales et les cultes différents qui sont admis dans l'Empire, un nouveau garant des sentiments et de l'impartialité du souverain.
Justice et intolérance, intolérance et bonté ! Allait-on jamais des choses plus opposées ? Ne sont-ils pas coupables au plus haut degré ces écrivains qui proclament de nouveau des principes cent fois plus atroces que ceux qui ont mis le poignard à la main des assassins de la Saint-Barthélemy et des bourreaux de septembre ? Dans un État bien réglé, la liberté de la presse devrait-elle s'étendre jusqu'à permettre la propagation, par le moyen des feuilles périodiques, d'une doctrine aussi désastreuse ?
Tilsit, 9 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, j'envoie à Votre Majesté une idée sur la manière dont je conçois que doivent être commencées nos affaires actuelles avec l'Angleterre.
Je lui envoie également un petit résumé de ce qu'il paraîtrait convenable de faire relativement à nos affaires de la Porte et de la Dalmatie.
Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M. l'empereur de toutes les Russies, a reçu l'ordre de sa Cour de faire la notification suivante au ministre des affaires étrangères de S. M. le roi de la Grande-Bretagne.
L'intérêt de ses peuples et les circonstances de la guerre ont décidé l'empereur Alexandre à conclure et signer, conjointement avec S. M. le roi de Prusse, une paix définitive avec l'empereur Napoléon; mais, désirant d'y faire participer l'Angleterre, Sa Majesté Impériale a offert sa médiation, que la France accepte. Cette acceptation est un des articles essentiels du traité.
Dans différents entretiens que l'Empereur, mon maître, a eus avec l'Empereur des Français, il a eu lieu de se convaincre que ce monarque désire sincèrement le rétablissement de la paix maritime sur des principes équitables et honorables.
Il ose espérer que S. M. le roi de la Grande-Bretagne, dont il connaît depuis longtemps les sentiments pacifiques, saisira cette circonstance pour mettre fin à une querelle qui a coûté trop de sang et de larmes à la triste humanité. L'empereur Alexandre regardera comme un jour heureux pour lui celui où il verra la paix régner sur toutes les nations, cicatriser toutes les plaies et assurer le repos à notre génération. S.M. l'Empereur fera plus : il est prêt à offrir l'appui de toutes les forces de son empire pour assurer l'exécution des stipulations de la paix, une fois qu'elle aura eu lieu entre la France et l'Angleterre. Par cette garantie, S. M. Britannique obtiendra ce qu elle a toujours paru désirer, et pourra se livrer sans méfiance à ses sentiments humains et pacifiques. S. M. le roi de la Grande-Bretagne verra dans ces dispositions, et dans les nouveaux arrangements que la Russie est prête à contracter pour des intérêts étrangers à son empire, dans la seule vue du repos et de la tranquillité du monde, un nouveau gage de l'intérêt que porte Sa Majesté Impériale au bonheur et à la prospérité de S. M. Britannique.
ANNEXE
A DONNER DE PART ET D'AUTRE POUR LES AFFAIRES DE LA PORTE
ET DE L'ADRIATIQUE.
ORDRES A DONNER PAR LA FRANCE
|
ORDRES A DONNER PAR LA FRANCE 1° Faire connaître à l'ambassadeur turc, à Varsovie, le traité de paix, et lui remettre une note contenant l'offre de la médiation de la France. |
2° Ordre à donner au général Michelson de se conformer au traité; l'autoriser à conclure un arrangement avec le grand vizir, si celui-ci déclare que la Porte adhère à la paix. |
2° Expédier un officier français au quartier général du générai Michelson, pour notifier la paix au grand vizir et lui faire connaître l'intention où est l'empereur de Russie d'évacuer la Valachie et la Moldavie si, de son côté, la Porte promet de ne point entrer en Valachie et en Moldavie que les affaires ne soient arrangées, et si, acceptant ma médiation, la Porte envoie des pleins pouvoirs pour conclure sa paix avec la Russie. L'officier français continuera sa route jusqu'à Constantinople et portera des dépêches à l'ambassadeur de France avec les nouvelles instructions qui dérivent de l'étatde paix avec la Russie. Nota. L'adjudant commandant Guilleminot est l'officier français qui se rendra auprès du général Michelson et à Constantinople. |
3° Envoyer à l'officier qui commande les vaisseaux russes l'ordre de passer dans la mer Noire, s'il reçoit l'assurance de la part de l'ambassadeur de France qu'il peut y passer. |
3° Indication à donner à l'ambassadeur de France, si la situation de Constantinople le permet, de demander le passage des vaisseaux russes qui sont à Corfou, dans la mer Noire, et, au cas qu'il l'obtienne, d'envoyer un courrier à Corfou et en Dalmatie pour en instruire l'officier commandant les vaisseaux russes destinés à se rendre dans la mer Noire. |
4° Envoyer par un officier russe, qui accompagnerait l'officier français qui se rend en Dalmatie, l'ordre au général qui commande à Cattaro de se rendre par terre ou par mer avec ses troupes sur le territoire de Venise, et d'attendre là de nouveaux ordres de l'ambassadeur de Russie à Vienne. |
4° Envoyer par un officier français au général Marmont, avec l'officier russe qui se rend à Cattaro, l'ordre, de prendre possession de la forteresse et de rétablir ses rapports avec les Monténégrins. |
5° Expédier en Italie l'ordre de recevoir la garnison russe de Cattaro dans la terre ferme de Venise, où elle resterait, si telle est l'intention de l'empereur de Russie, jusqu'à ce que l'on ait arrangé le passage avec la cour de Vienne. |
|
6° Faire partir un officier russe par Otrante, lequel portera l'ordre à la garnison de Corfou de remettre la citadelle à la garnison française, et de se rendre par terre ou par mer à Venise, ou de rester à Zante ou Céphalonie, et d'y vivre en bonne intelligence avec les Français. |
6° Envoyer, avec l'officier russe qui partira par Otrante, l'ordre aux troupes françaises de prendre possession de la forteresse de Corfou, en gardant les Russes à Corfou et dans les îles voisines, ou en les acheminant par terre ou par mer à Venise avec la garnison russe de Cattaro, jusqu'à ce que le passage soit arrangé avec la cour de Vienne. Nota. La France se chargerait de l'approvisionnement des troupes russes par la facilité qu'elle a de tirer des vivres, soit de la côte de Naples, soit de l'Albanie, soit de la Dalmatie. |
Tilsit, 9 juillet 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, l'adjudant commandant Guilleminot doit se rendre au quartier général de Michelson. Il ira de là auprès du grand vizir, et il sera porteur d'une lettre dans laquelle vous notifierez au grand vizir la paix qui vient d'être conclue et les articles du traité qui concernent la Porte. Vous ferez connaître qu'il faut que le grand vizir suspende les hostilités et qu'il conclue un armistice avec le général Michelson, qui évacuera la Valachie et la Moldavie, mais que lui-même ne doit pas entrer dans ces provinces avant que le traité définitif soit réglé. Vous donnerez mes instructions à l'adjudant commandant Guilleminot, et vous lui communiquerez les articles qui concernent la Porte.
De là cet officier se rendra à Constantinople. Il sera porteur d'une lettre chiffrée de vous pour Sebastiani. Vous ferez connaître à mon ambassadeur par cette lettre que mon système sur la Porte chancelle et est au moment de changer; que, cependant, je ne suis pas décidé; que la meilleure amitié subsiste entre moi et la Russie; que l'empereur Alexandre a passé vingt jours ici et que j'ai lieu d'espérer que notre union sera constante; que, d'un autre côté, le sort du sultan Selim m'a été au cœur, et que le peu d'égards qu'on a eu pour mon ambassadeur et pour mes troupes m'a été sensible; qu'il doit envoyer l'adjudant commandant avec des firmans de la Porte pour que le traité soit exécuté; que les troupes ottomanes restent sur le Danube, tandis que les Russes resteront sur leurs frontières, sans que la Valachie et la Moldavie soient occupées par personne; que les Sept-Îles me sont données en toute propriété ainsi que Cattaro, mais que cela doit rester secret; qu'il faut qu'il obtienne, s'il est possible, le passage par le Bosphore des quatre vaisseaux russes qui appartiennent à la mer Noire; que, s'il l'obtient, sans trop choquer cependant la populace de Constantinople, il en fasse part, par une lettre signée de sa main, au général Michelson, qui l'enverra à Corfou. Il dira dans cette lettre que le gouverneur peut faire partir tant de vaisseaux, et qu'il ne leur arrivera rien. Il faut ménager la Porte, qu'elle envoie un ambassadeur à Paris, et qu'elle accepte clairement ma médiation. Vous ferez sentir que j'ai été choqué du renvoi de mes canonniers et de ce qu'on a assez peu ménagé mon ambassadeur pour ne pas lui faire de notification. Sebastiani témoignera, s'il est possible, l'intérêt que je prends à Selim; mais il y mettra assez de ménagements pour ne pas accélérer sa mort. Il fera connaître qu'il est ridicule que l'empereur Moustafa ne m'ait pas écrit, à moi qui, seul, ai protégé son empire; car, enfin, les Turcs n'auraient pas résisté à la Russie si je ne les avais pas protégés. Je reste encore ami de la Porte; mais je suis redevenu ami de la Russie. Il faut donc toujours chercher des moyens de conciliation, en évitant désormais tous ceux d'irritation et d'exaspération.
Vous ferez aussi une note au ministre turc à Varsovie pour lui annoncer que la paix est faite et que la Porte y est comprise. Vous toucherez légèrement l'article de mon mécontentement sur le peu d'égards qu'on a eu pour mon ambassadeur depuis le nouveau règne, et sur le renvoi presque honteux de mes canonniers.
Recommandez positivement à Sebastiani de renvoyer en Dalmatie tous les canonniers et tous les Français que j'ai à Constantinople.
Tilsit, 9 juillet 1807
A Ali, Pacha de Janina
J'ai reçu votre lettre que m'a remise votre secrétaire. J'en ai compris le contenu. Je fais cas de votre amitié; je vous ai donné des preuves toutes spéciales de mon affection, dont je désire que vous ressentiez l'effet. Je donne l'ordre à mes généraux de s'entendre avec vous. La paix est rétablie entre moi et l'empereur de Russie; la Sublime Porte y est comprise. Je recevrai toujours avec plaisir tout ce qui me viendra de votre part.
Tilsit, 9 juillet 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, la paix a été signée hier et ratifiée aujourd'hui. Nous nous sommes quittés aujourd'hui, l'empereur Alexandre et moi, après avoir passé ici vingt jours ensemble. Nous nous sommes donné réciproquement des marques de la plus grande amitié. A la dernière entrevue il a paru avec le grand cordon de la Légion d'honneur, et moi avec le grand Ordre de Saint-André. J'ai donné le grand cordon de la Légion au grand-duc Constantin, aux princes Kourakine et Labanof et au comte de Budberg. L'empereur Alexandre a donné son Ordre au roi de Westphalie, au grand-duc de Berg et aux princes de Neufchâtel et de Bénévent.
Je dois prendre possession de Corfou. Du moment que cette île me sera remise, ne perdez pas un moment pour l'approvisionnement par Ancône et Venise. Du reste, gardez le plus grand secret sur tout cela.
(Lettre analogue au roi de Naples.)
Königsberg, 10 juillet 1807
A M. Portalis
Monsieur Portalis, j'ai distingué, dans les différents rapports que vous m'avez remis, le curé de Morra et le curé de Sommariva del Bosco. Les services qu'ils ne cessent de rendre à la religion et à la patrie m'ont porté à leur donner une preuve éclatante de ma satisfaction. J'ai ordonné au grand chancelier de la Légion d'honneur de leur envoyer l'aigle de la Légion. Faites connaître au clergé du diocèse d'Asti qu'il doit voir dans cette distinction accordée à deux de ses membres une preuve de la satisfaction que j'ai de sa conduite.
Königsberg, 10 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois vos lettres des 29 et 30 juin et du ler juillet. Je suis arrivé ce matin à trois heures à Königsberg. Mon départ de Tilsit et ma séparation de l'empereur Alexandre, avec qui j'ai passé vingt jours dans cette ville, ont été marqués par toutes sortes de témoignages d'amitié réciproque. Je vous ai déjà mandé, je crois, de faire mettre dans le Moniteur que l'échange des ratifications avait eu lieu, et que tout allait selon mes désirs.
Königsberg, 10 juillet 1807
A M. Fouché
Je reçois vos lettres des 29 et 30 juin et du ler juillet. Je suis arrivé à Königsberg ce matin à trois heures. Je suis logé dans le vieux château qui a servi de berceau à la monarchie prussienne. La paix a été signée et ratifiée, et tout va au mieux. Cet archifou de roi de Suède vient de profiter de cette occasion pour dénoncer l'armistice. C'est bien dommage qu'on ne puisse pas mettre un gaillard comme cela aux petites-maisons.
Königsberg, 10 juillet 1807
Au grand-duc de Würzburg
Je reçois la lettre de Votre Altesse du 30 juin. Je la remercie de tout ce qu'elle me dit. J'interviendrai avec plaisir pour faire terminer d'une manière convenable les différends qu'elle a avec la Bavière, désirant de lui donner des preuves de l'intérêt que je lui porte.
Königsberg, 11 juillet 1807
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, donnez l'ordre que tous les travaux du génie cessent sur tous les points de l'armée.
Königsberg, 12 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 3 juillet. Je compte partir demain de Königsberg pour Dresde. C'est vous dire que je ne tarderai pas à être à Paris. Tout va selon mes souhaits.
Königsberg, 12 juillet 1807
CONVENTION
Entre les soussignés, d'une part le maréchal comte de Kalkreuth et de l'autre le Prince de Neufchâtel major général, munis des pleins pouvoirs de leurs souverains respectifs à l'effet de régler la convention stipulée dans l'article 2 du traité de paix signé à Tilsit entre S. M. l'Empereur et Roi Napoléon et S. M. le Roi de Prusse, il a été convenu ce qui suit :
ARTICLE Ier. Des commissaires respectifs seront nommés sans délai pour placer des poteaux sur les limites du duché de Varsovie, de la vieille Prusse, du territoire de Danzig, ainsi que sur les limites du royaume de Westphalie avec celui de Prusse.
ART. 2. La ville de Tilsit sera remise le 20 juillet, celle de Königsberg le 25 du même mois, et, avant le ler du mois d'août, les pays jusqu'à la Passarge, formant les anciennes positions de l'armée, seront remis.
Au 20 août, on évacuera la vieille Prusse jusqu'à la Vistule.
Au 5 septembre, on évacuera le reste de la vieille Prusse jusqu'à l'Oder.
Les limites du territoire de Danzig seront tracées à deux lieues autour de la ville et déterminées par des poteaux aux armes de France, de Danzig, de Saxe et de Prusse.
Au 1er octobre, on évacuera toute la Prusse jusqu'à l'Elbe.
La Silésie sera également remise au ler octobre; ce qui fera deux mois et demi pour l'évacuation entière du royaume de Prusse.
La province de Magdeburg, pour la partie qui se trouve sur la rive droite de l'Elbe, ainsi que les provinces de Prenzlow et Pasewalk, ne seront évacuées qu'au ler novembre; mais il sera tracé une ligne de manière que les troupes ne puissent pas approcher de Berlin.
Quant à Stettin, l'époque à laquelle cette ville sera évacuée sera déterminée par les plénipotentiaires.
6,000 Français resteront en garnison dans cette place jusqu'au moment où on l'évacuera.
Les places de Spandau, de Küstrin, et en général toutes celles de la Silésie, seront remises le ler octobre entre les mains des troupes de S. M. le roi de Prusse.
ART. 3. Il est bien entendu que l'artillerie, toutes les munitions, et en général tout ce qui se trouve dans les places de Pillau, Kolberg, Graudenz, restera dans l'état où les choses se trouvent.
Il en sera de même pour Glatz et Kosel, si les troupes françaises n'en ont pas pris possession.
ART. 4. Les dispositions ci-dessus auront lieu aux époques déterminées, dans le cas où les contributions frappées sur le pays seraient acquittées; bien entendu que les contributions seront censées acquittées quand des sûretés suffisantes seront reconnues valables par l'intendant général de l'armée.
Il est également entendu que toute contribution qui n'était pas connue publiquement avant l'échange des ratifications est nulle.
ART. 5. Tous les revenus du royaume de Prusse depuis le jour de l'échange des ratifications seront versés dans la caisse du Roi et pour le compte de Sa Majesté, si les contributions dues et échues depuis le 1er novembre 1806 jusqu'au jour de l'échange des ratifications sont acquittées.
ART. 6. Des commissaires seront nommés de part et d'autre pour traiter et décider de tous les différends à l'amiable. Ils se rendront en conséquence à Berlin le 25 juillet, afin que cela n'apporte aucun retard à l'évacuation.
ART. 7. Les troupes ainsi que les prisonniers de guerre français vivront dans le pays et des magasins qui peuvent y exister jusqu'au jour de l'évacuation.
ART. 8. Si les hôpitaux ne sont pas évacués à l'époque où les troupes doivent se retirer, les malades français seront soignés dans les hôpitaux, et tous les secours leur seront donnés par les soins des administrations du Roi, sans cesser d'avoir auprès d'eux les officiers de santé nécessaires.
ART. 9. La présente convention aura sa pleine et entière exécution. En foi de quoi, nous l'avons signée et y avons apposé le sceau de nos armes.
A Königsberg, le 12 juillet 1807
Le prince de Neufchâtel, maréchal Alex. BERTHIER
Maréchal Comte KALKREUTH.
Königsberg, 12 juillet 1807
NOTE POUR LE TRAITÉ D'ÉVACUATION
Ne rien statuer sur Magdeburg pour la partie de la forteresse qui se trouve à la rive droite, objet que l'Empereur se réserve de traiter.
Envoyer un ingénieur pour tracer les limites du royaume de Westphalie, lequel sera chargé de placer les poteaux dans les îles de l'Elbe, de manière à tenir toutes les bonnes positions de notre côté.
Quant à Stettin, faire sentir que le jour de l'évacuation sera fixé par les plénipotentiaires, et qu'il y aura une garnison de 6,000 Français jusqu'au moment de l'évacuation, par suite de la conduite indécise du roi de Suède.
Faire sentir dans la conversation que les contributions n'appartiennent pas à l'Empereur, mais à l'armée.
Enfin, s'il y avait trop de difficultés à acquitter les contributions déjà frappées, l'intendant général sera autorisé à recevoir des domaines royaux pour la valeur des contributions, domaines qui resteraient à la disposition de l'Empereur; ce qui ne se dira qu'au dernier moment.
ARTILLERIE
L'artillerie des places appartient à l'armée; les ordres seront donnés pour qu'elle file toute sur Magdeburg, à l'exception d'un certain nombre de pièces qui seront laissées dans le duché de Varsovie. S'il y a quelque objet que le général Songis ne veuille pas faire transporter en France, il sera autorisé à s'arranger avec l'artillerie prussienne pour le vendre.
L'artillerie de la place de Danzig sera vendue à la ville, si elle veut en acheter; dans le cas contraire, cette artillerie sera gardée par la ville, et, à la paix avec l'Angleterre, elle sera évacuée sur France.
Le général Songis s'arrangera de manière à ne pas laisser dans la partie de la Prusse que nous occupons un seul fusil, pas un grain de poudre, même quand on voudrait les acheter; mais le général Songis pourra faire vendre des fusils prussiens, de la poudre et des canons au gouvernement du duché de Varsovie, s'il veut les acheter, en stipulant seulement que le payement se fera le plus tôt possible. L'intendant général fera de même pour les gibernes et pour les autres objets d'habillement que voudra acheter la Pologne.
MAGASINS
Tous les magasins appartiennent à l'armée. L'intendant général est autorisé à vendre tout ce qu'il ne pourra pas emporter; on laissera les approvisionnements considérables à Danzig, afin que la garnison lui sera dans cette ville, et qui y restera jusqu'à la paix de l'Angleterre, puisse y vivre.
Il restera 30 à 40,000 hommes dans le duché de Varsovie, c'est-à-dire à Varsovie, Posen, Thorn et Bromberg. On laissera donc le plus de vivres qu'on pourra dans ces villes. Le reste des magasins de ivres sera évacué sur Magdeburg, parce que l'intention de l'Empereur est de tenir longtemps une forte armée dans le royaume de Westphalie.
EFFETS D'HABILLEMENT, HARNACHEMENT ET ÉQUIPEMENT
L'intendant général fera réunir à Magdeburg tout ce qui se trouvera sur la rive droite de l'Oder et sur la rive droite de l'Elbe. Il armera également de gros magasins à Bromberg pour Varsovie, ayant soin de ne rien laisser en Prusse.
Sur le rapport que l'intendant général fera à l'Empereur de ses différents garde-magasins, Sa Majesté ordonnera leur destination ultérieure. L'essentiel est d'y établir de suite une bonne administration, tant pour la comptabilité que pour la conservation des effets.
HOPITAUX
L'intendant général ordonnera que tous les malades russes qui sont dans les hôpitaux soient laissés aux soins des Prussiens. Autant que possible, les malades et les blessés russes et prussiens seront retirés du duché de Varsovie et de la Westphalie pour être mis dans le royaume de Prusse.
CONTRIBUTIONS
Conformément à la convention, le principe est que l'évacuation n'aura lieu aux termes fixés que dans le cas où les contributions seraient acquittées. Ainsi, Königsberg sera remis le 25 juillet, si la contribution est payée; Berlin, le ..... dans la même supposition. L'intendant général regardera les contributions comme payées lorsqu'on lui aura donné des sûretés en effets qu'il jugera valables.
Quant aux revenus du pays, ils seront versés dans les caisses
du roi de Prusse, et pour son compte, à dater du jour de l'échange des
ratifications, si les contributions dues et échues depuis le 1er novembre
1806 jusqu'au jour de l'échange des ratifications sont acquittées.
Le major général, par ordre de l'Empereur.
Königsberg, 12 juillet 1807
DISPOSITIONS GÉNÉRALES POUR L'ARMÉE
La Garde impériale partira sans délai pour se diriger, à très-petites journées, avec séjour et sans se fatiguer, sur Berlin, où elle attendra de nouveaux ordres.
Les équipages de l'Empereur suivront la Garde.
Les officiers d'ordonnance de Sa Majesté resteront près le major général, et, quand il quittera l'armée, ils resteront près du maréchal Soult et seront successivement expédiés à Sa Majesté, toutes les fois qu'il y aura des nouvelles à lui porter.
GRAND ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL
Le major général restera à Königsberg jusqu'à ce que tous les ordres pour l'exécution des dispositions ordonnées par l'Empereur soient expédiés et que les troupes soient en marche. Après cela, il se rendra en droite ligne à Paris. Comme ministre de la guerre, il commande en l'absence de l'Empereur la Grande Armée, jusqu'à ce qu'il parte pour Paris. Son départ n'aura lieu que quand tout ce qui a rapport aux dispositions ci-dessus sera mis en exécution, de manière qu'il ne puisse y avoir aucun embarras, que les commandements soient distincts et que chacun sache ce qu'il a à faire.
Du moment que le major général quittera l'armée, la correspondance des maréchaux, celle de l'intendant, des commandants du génie et de l'artillerie lui seront adressées à Paris. Il en sera de même pour les chefs d'état-major, qui enverront à Paris les mêmes situations qu'à l'armée, le major général se trouvant près de l'Empereur à Paris pour y remplir ses fonctions comme à l'armée.
1er COMMANDEMENT - MARÉCHAL DAVOUT.
DUCHÉ DE VARSOVIE.
Tout le territoire du duché de Varsovie sera sous le commandement de M. le maréchal Davout; il aura le commandement des troupes; défense des places, artillerie, génie, administration, etc., il sera chargé de tout. A cet effet, il aura sous ses ordres les troupes polonaises , celles saxonnes , le 3e corps d'armée, la division de dragons du général Lahoussaye, la brigade de cavalerie légère du général Pajol et celle du général Watier. Ces deux brigades seront commandées par le général de division Lasalle.
2e COMMANDEMENT. - MARÉCHAL SOULT.
LA VIEILLE PRUSSE JUSQU'À L'ODER.
Königsberg et la vieille Prusse jusqu'à l'Oder seront sous les ordres immédiats de M. le maréchal Soult, ainsi que toutes les troupes qui s'y trouvent, les dépôts de cavalerie et hôpitaux.
Le maréchal Soult aura également sous ses ordres, le corps du maréchal Lannes, qui sera commandé par le général Oudinot, à l'exception des troupes saxonnes, qui passent aux ordres du maréchal Davout, mais seulement jusqu'au moment où le 4e corps sera sur l'Oder.
La division des grenadiers réunis occupera Danzig.
La division du général Verdier occupera les environs de
Danzig; mais le pays au delà de deux lieues de rayon, afin de vivre sur la
Prusse. Elle ne rentrera sur le territoire de Danzig qu'au moment
où l'on devra évacuer la Prusse.
Quand le 4e corps sera sur l'Oder, le corps du maréchal Lannes, commandé par le général Oudinot, fera partie du commandement du maréchal Davout auquel il rendra compte, à Varsovie.
CAVALERIE DE RÉSERVE
La cavalerie de réserve de l'armée, qui formait le corps du grand-duc de Berg, se dirigera sur Berlin, sans autre considération que elle de la faire vivre; elle prendra des séjours, et il lui sera donné différentes directions, afin qu'elle ait plus de facilité à trouver des fourrages. Les cantonnements seront arrangés de manière que cette cavalerie séjourne entre la Vistule et l'Oder jusqu'à la fin d'octobre.
Le général Belliard et l'état-major de la réserve de cavalerie seront établis dans le lieu où le maréchal Soult aura son quartier général.
Après le départ du major général, le maréchal Soult pourra donner des ordres et contre-ordres à la cavalerie de réserve, suivant les circonstances. Dans le cas d'événements, il se concerterait avec le maréchal Davout afin d'agir d'accord.
3e
COMMANDEMENT. - MARÉCHAL MORTIER.
HAUTE
ET BASSE SILÉSIE
Le maréchal Mortier se rendra à Breslau pour commander la haute et basse Silésie. Tous les Français de son corps d'armée, sous les ordres du général Dupas, se rendront directement à Stettin.
Tous les Polonais de son corps se rendront sous les ordres du maréchal Davout.
Le maréchal Mortier aura en Silésie :
1° Le corps de M. le maréchal Masséna, qui se rend à
Breslau, sous les ordres du général Suchet;
2° Le corps du maréchal Ney, qui se rend à Glogau, sous les
ordres du général Marchand.
4e COMMANDEMENT. - MARÉCHAL BRUNE.
Le maréchal Brune commande la Poméranie et conserve son commandement tel qu'il est aujourd'hui. Il correspondra directement avec le major général, soit à Königsberg quand il y sera, soit à Paris. Dans les cas imprévus, le maréchal Brune se concerterait avec les maréchaux Davout et Mortier.
L'intendant général de l'armée, M. Daru, restera dans le lieu où le maréchal Soult aura son quartier général, pour pouvoir, de concert avec lui, exécuter toutes les dispositions du traité de paix et de la convention, pour ce qui regarde les contributions et l'administration, et exécuter tous les ordres de l'Empereur qu'il recevra par le major général.
Le général Songis restera dans le même lieu où le maréchal Soult aura son quartier général, pour y exécuter les ordres qu'il recevra du major général.
Le parc d'artillerie se rendra à Berlin. On aura soin que les chevaux vivent aux dépens du pays.
Les mêmes dispositions regardent le général Chasseloup et le parc du génie.
Les aides de camp du ministre de la guerre seront partagés entre MM. les maréchaux Davout et Brune, pour lui être expédiés successivement tous les cinq jours et apporter les nouvelles.
Par les dispositions ci-dessus, il y aura donc quatre corps d'armée :
Le maréchal Soult dans la vieille Prusse;
Le maréchal Davout dans le duché de Varsovie;
Le maréchal Mortier dans la Silésie;
Le maréchal Brune dans la Poméranie.
La réserve de cavalerie suivant le mouvement du 4e corps.
Le maréchal Bernadotte se rendra dans les villes hanséatiques, d'où il correspondra immédiatement avec le major général.
Le corps de M. le maréchal Bernadotte, aux ordres du général Victor, sera dirigé en droite ligne sur Spandau, où il tiendra garnison sur les États de Prusse, à la droite de l'Elbe, et où il sera à portée de la Poméranie suédoise, c'est-à-dire de Prenzlow et de Pasewalk.
Comme les mouvements pour évacuer les États de Prusse se font par les troupes aux ordres du maréchal Soult, ce maréchal restera plénipotentiaire de l'Empereur, conjointement avec M. le maréchal de Kalkreuth, plénipotentiaire du roi de Prusse.
Les mouvements d'évacuation se feront :
le ligne sur la Vistule;
2e ligne sur l'Oder;
3e ligne sur la Havel, près Berlin.
S. A. I. le grand-duc de Berg se rendra, comme il le désirera, soit dans Ses États, soit à Paris.
Les maréchaux Masséna, Lannes et Ney se rendront immédiatement à Paris.
Le 5e corps restera donc commandé par le général Suchet, le 6e corps par le général Marchand, le corps du maréchal Lannes par le général Oudinot, qui, lui-même, sera aux ordres du maréchal Soult jusqu'au moment où ce maréchal sera sur l'Oder, et passera, dès ce moment, aux ordres du maréchal Davout, et correspondra avec lui à Varsovie.
Il sera écrit une lettre de satisfaction au général Gouvion Saint-Cyr, et il lui sera donné une autorisation pour aller à Paris reprendre ses fonctions au Sénat.
Königsberg, 12 juillet 1807
Au roi de Naples
Je vois dans les journaux français des lettres du roi Ferdinand qui sont tirées probablement des journaux de Naples. A quoi cela aboutit-il ? Qui est-ce qui peut trouver mal que le roi Ferdinand défende son trône par tous les moyens ? Pourquoi donc imprimer des lettres insignifiantes ? L'art dans votre position est au contraire de n'en parler jamais. Ces descentes et ces incursions de brigands, qui sont peu de chose, sont à tort exaltées et grossies. La qualité constante de vos ministres est de faire claquer leur fouet. Il faut au contraire les amoindrir, ces incursions, et les présenter au public plus faibles qu'elles ne le sont réellement. Tout cela est important. La conséquence naturelle qu'on en tire est que le royaume de Naples est la proie de toutes sortes de brigandages, et cela n'est pas vrai, mais c'est le résultat de la maladresse de votre police. C'était ainsi en France dans la révolution. C'était un parti qui en poussait un autre à l'extrémité. Mais ce n'est pas là la situation de votre royaume.
Königsberg, 12 juillet 1807
87e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Les empereurs de France et de Russie, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsit, où les deux maisons impériales, situées dans la même rue, étaient à peu de distance l'une de l'autre, se sont séparés le 9, à trois heures après midi, en se donnant les plus grandes marques d'amitié.
Le journal de ce qui s'est passé pendant la durée de leur séjour sera d'un véritable intérêt pour les deux peuples.
Après avoir reçu, à trois heures et demie, la visite d'adieu du roi de Prusse, qui est retourné à Memel, l'empereur Napoléon est parti pour Königsberg, où il est arrivé le 10 à quatre heures du matin.
Il a fait hier la visite du port dans un canot qui était servi par les marins de la Garde. Sa Majesté passe aujourd'hui la revue du corps du maréchal Soult, et part demain à deux heures du matin pour Dresde.
Le nombre des Russes tués à la bataille de Friedland s'élève à 17,500; celui des prisonniers est de 40,000 : 18,000 sont passés à Königsberg, 7,000 sont restés malades dans les hôpitaux, le reste a été dirigé sur Thorn et Varsovie. Les ordres ont été donnés pour qu'ils fussent renvoyés en Russie sans délai; 7,000 sont déjà revenus à Königsberg et vont être rendus. Ceux qui sont en France seront formés en régiments provisoires; l'Empereur a ordonné de les habiller et de les armer.
Les ratifications du traité de paix entre la France et la Russie avaient été échangées à Tilsit le 9; celles du traité de paix entre la France et la Prusse l'ont été ici aujourd'hui.
Les plénipotentiaires chargés de ces négociations étaient : pour la France, M. le prince de Bénévent; pour la Russie, le prince Kourakine et le prince Labanof; pour la Prusse, le feld-maréchal comte de Kalkreuth et le comte de Goltz.
Après de tels événements, on ne peut s'empêcher de sourire
quand on entend parler de la grande expédition anglaise et de la nouvelle frénésie
qui s'est emparée du roi de Suède. On doit remarquer
d'ailleurs que l'armée d'observation de l'Elbe et de l'Oder était de
70,000 hommes, indépendamment de la Grande Armée, et non compris les divisions
espagnoles qui sont en ce moment sur l'Oder. Ainsi il aurait fallu que
l'Angleterre mît en expédition toute son armée, ses milices, ses volontaires,
ses fencibles, pour opérer une diversion sérieuse. Quand on considère
que, dans de telles circonstances, elle a envoyé 6,000 hommes se faire
massacrer par les Arabes, et 7,000 hommes dans les Indes espagnoles, on ne peut
qu'avoir pitié de l'excessive avidité qui tourmente ce cabinet.
La paix de Tilsit met fin aux opérations de la Grande Armée; mais toutes les côtes, tous les ports de la Prusse n'en resteront pas moins fermés aux Anglais. Il est probable que le blocus continental ne sera pas un vain mot.
La Porte a été comprise dans le traité. La révolution qui vient de s'opérer à Constantinople est une révolution antichrétienne qui n'a rien de commun avec la politique de l'Europe.
L'adjudant commandant Guilleminot est parti pour la Bessarabie, où il va informer le grand vizir, de la paix, de la liberté qu'a la Porte d'y prendre part et des conditions qui la concernent.
Königsberg, 13 juillet 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, M. le prince de Bénévent vous envoie le traité de paix conclu avec la Russie et celui avec la Prusse. Vous voudrez bien convoquer le Sénat, vous y rendre, et faire les communications de ces traités dans la forme ordinaire. Vous les ferez ensuite imprimer au Bulletin des lois et dans le Moniteur.
Si vous le jugez convenable, vous ferez faire la publication de la paix dans Paris, le soir même de la communication au Sénat, par des hérauts d'armes.
Königsberg, 13 juillet 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, envoyez par un courrier extraordinaire à M. l'archichancelier de l'Empire les traités de paix avec la Russie et la Prusse. J'ai donné ordre qu'il assemble le Sénat, publie les traités et les imprime. Je n'ai pas voulu tarder plus longtemps, parce que les relations commerciales en souffrent.
Envoyez également le traité de paix à Berlin, avec ordre au général Clarke de l'imprimer quarante-huit heures après le passage du courrier.
Envoyez-moi ce soir la copie des traités de paix, et demandez à Berthier la convention pour l'exécution du traité avec la Prusse.
Dans les copies des traités, il faut mettre roi de Naples au lieu de roi des Deux-Siciles, afin de ne pas faire sentir le contraste.
Mandez à M. Vincent, mon commissaire à Varsovie, qu'il ait à écrire, tous les jours, aux relations extérieures un bulletin de ce qui se passe, relatif aux subsistances, au gouvernement, à l'esprit public, etc.; ces bulletins seront numérotés et commenceront le 20 juillet.
Königsberg, 13 juillet 1807
Au général Savary
Le général Savary se rendra à Saint-Pétersbourg. Il s'adressera qu grand maréchal du Palais pour lui demander une audience de l'Empereur et lui remettre la lettre ci-jointe. Après quelques jours de séjour à Saint-Pétersbourg, il m'expédiera un courrier à Paris pour m'instruire de ce qui sera venu à sa connaissance, de ce qu'il aura recueilli sur les événements de la campagne, sur les partis qui divisent la Cour, sur les changements qui pourraient avoir lieu dans le ministère.
Il n'est là que comme aide de camp et comme militaire, et n'a aucun titre diplomatique. Il aura soin de voir le prince Labanof, ainsi que le grand maréchal du palais Tolstoï, et de leur dire que je l'ai chargé de les voir et de s'adresser à eux toutes les fois qu'il aura besoin de voir l'Empereur.
Il m'expédiera un courrier toutes les fois que cela sera nécessaire; mais il doit, dans tous les cas, m'en expédier un au moins toutes les semaines. Toutes les lettres qu'il fera passer par la poste, il aura soin de les écrire comme si elles devaient être lues par l'empereur Alexandre.
Il soignera autant que possible les intérêts de notre commerce, et veillera à ce que les séquestres soient levés et les propriétés françaises restituées.
Königsberg, 13 juillet 1807
Au ministre Secrétaire d'État
M. Maret écrira à l'intendant de Hanovre pour connaître l'état des domaines royaux présentant leur situation et revenu, et extraire jusqu'à concurrence de trente millions de ces biens, qui seront donnés en récompense aux différents militaires qui ont bien servi.
M. Maret écrira également aux gouverneurs de Brunswick , Bayreuth, Cassel, Minden, Münster pour l'état des domaines nationaux et royaux, et l'expédier cinq jours après la réception de sa lettre.
Königsberg, 13 juillet 1807
Au maréchal Berthier
Donnez ordre à l'intendant général d'envoyer dans la nuit à tous les intendants la convention faite à M. de Kalkreuth, avec ordre de presser les versements de la contribution extraordinaire, puisque l'évacuation du pays dépend de cette clause.
Qu'on fasse également l'état des domaines nationaux, impositions foncières et autres branches de revenus qui restent dus pendant l'année que je suis en possession du pays, puisque, par les articles de cette convention, ces contributions doivent également être payées.
Camp impérial de Königsberg, 13 juillet 1807
DÉCRET
Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie,
Voulant donner une preuve particulière de notre satisfaction pour les services qui nous ont été rendus pendant cette campagne par les différents régiments qui composent notre Grande Armée,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
ARTICLE ler. - Il est accordé des aigles d'argent de la Légion d'honneur pour être distribuées aux officiers et soldats qui se sont le plus distingués dans les régiments soit d'infanterie, soit de cavalerie, soit d'artillerie, composant nos corps d'armée, sans que les états-majors puissent y être compris, nous réservant de statuer particulièrement à leur égard, savoir :
Au ler corps, 400 aigles d'argent., dont 200 aux officiers et
200 aux sous-officiers et soldats;
Au 3e corps, 320 aigles d'argent, dont 200 aux officiers et
120 aux sous-officiers et soldats;
Au 4e corps, 320 aigles d'argent, dont 200 aux officiers et 120 aux sous-officiers et soldats;
Au 5e corps, 200 aigles d'argent, dont 100 aux officiers et
100 aux sous-officiers et soldats;
Au 6e corps, 320 aigles d'argent, dont 200 aux officiers et
120 aux sous-officiers et soldats;
Au 8e corps, 150 aigles d'argent, dont 90 aux officiers et 60 aux sous-officiers et soldats;
A la division Verdier, de la réserve d'infanterie, 120 aigles d'argent, à distribuer par moitié aux officiers et aux sous-officiers et soldats;
Au corps du général Oudinot, 180 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats, le 9e de hussards sera compris dans ladite distribution;
A la division Lasalle, 250 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Milhaud, 80 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Grouchy, 120 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Lahoussaye, 110 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Latourg-Maubourq, 120 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Beker, 60 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Nansouty, 180 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Espagne, 80 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats;
A la division Saint-Sulpice, 60 aigles d'argent, dont moitié aux officiers et moitié aux sous-officiers et soldats.
L'artillerie attachée aux divisions de la réserve sera comprise dans lesdites distributions.
A la Garde impériale de toutes les armes, 400 aigles d'argent aux sous-officiers et soldats.
ART. 2. - Les maréchaux et commandants des corps feront la distribution des aigles accordées par l'article précédent, entre les corps, en ayant égard à ceux qui ont le plus participé aux événements de la campagne.
Ils ne pourront comprendre dans lesdites distributions que des officiers, sous-officiers et soldats présents aux drapeaux lors des affaires qui ont eu lieu pendant le mois de juin dernier.
ART. 3. - Le procès-verbal, contenant les noms et grades des individus désignés et les traits de bravoure par lesquels ils se sont distingués, sera adressé à notre major général pour être soumis à notre approbation, avant le 15 du mois d'août prochain.
ART. 4. - Notre major général ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.
Königsberg, 13 juillet 1807
NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL
Sa Majesté désire que le prince de Neufchâtel lui fasse connaître le nom des généraux et colonels qui ont été blessés dernièrement, afin de récompenser ceux qui n'auraient pas obtenu d'avancement ou dans l'armée ou dans la Légion d'honneur.
Sa Majesté désire également que le ministre lui envoie un état, par corps d'armée, des généraux de division, des généraux de brigade et des colonels. Une colonne fera connaître ceux qui se sont trouvés à Ulm ou à Austerlitz; une autre colonne, ceux qui étaient à Iéna ou à Eylau; une troisième, ceux qui étaient à Friedland et aux différentes affaires du mois de juin. On mettra en note ceux qui sont morts ou ceux qui ont obtenu leur réforme, en faisant connaître les lieux où ces derniers se trouvent aujourd'hui.
Königsberg, 13 juillet 1807
NOTE
La paix étant signée, l'évacuation doit avoir lieu. Elle se fera en plusieurs temps. Tout ce qui est Pologne ne sera pas encore évacué. La vieille Prusse sera évacuée en deux temps : d'abord tous les pays jusqu'à la Passarge et Guttstadt, formant les anciennes positions de l'armée, et, quinze jours ou un mois après, ces pays-là jusqu'à la Vistule, et enfin tout le pays jusqu'à l'Oder, le reste de la vieille Prusse jusqu'à la Poméranie et la Poméranie elle-même.
M. Daru se fera donner par M. d'Albe les limites du duché de Varsovie. La ville de Danzig et deux lieues autour restent libres, et je dois y tenir garnison : il faut compter que j'aurai à Danzig 12,000 hommes pendant l'espace d'un ou deux ans; il est bon que je ne sois pas obligé de faire des achats et que les magasins soient abondamment pourvus, du moins en blé et eau-de-vie.
J'aurai dans le duché de Varsovie une quarantaine de millions de rations pendant près d'une année; comme Bromberg, Thorn, Posen, font partie de ce duché de Varsovie, il est convenable de réunir là le plus de subsistances possible.
Il faudra calculer s'il convient de vendre ce que nous avons à Küstrin, quand nous l'évacuerons, ou s'il est préférable de le faire venir à Bromberg. Il faudrait calculer aussi s'il faut faire vendre ce qui vient de Silésie.
Quant à Königsberg, il est probable que l'évacuation devra en avoir lieu vers le ler août. Il faut donc d'ici à ce temps-là avoir évacué sur Elbing tous les vins, eaux-de-vie, draps, blés et autres objets, jusqu'à la concurrence de quatre millions, prendre les mesures les plus énergiques pour avoir la contribution, et tâcher de ne rien laisser en arrière afin de n'avoir point de discussion.
Le langage de l'intendant général doit toujours être, que l'Empereur n'est point maître de rendre les magasins, ni de remettre les contributions, parce qu'ils appartiennent à l'armée, et que, s'il le faisait, il faudrait qu'il les remboursât de ses deniers, ce qui n'est pas proposable.
De Marienwerder, il faut faire évacuer sur
Varsovie et sur Thorn. Tous les malades doivent être évacués sur Thorn,
Bromberg, Küstrin et Danzig; ceux qui sont sur la droite doivent être évacués
sur
Varsovie et autres villes voisines, où ils auront le temps de se guérir.
Les grands blessés et les malades qui sont restés sur la ligne, s'ils sont
Prussiens ou Russes, doivent être laissés, car je rends les prisonniers. Il
faudrait en remplir Königsberg lorsque nous abandonnerons la place; ce sera
à la Prusse à y pourvoir. Il faut surtout n'en avoir ni dans le duché de
Varsovie ni à Danzig : les évacuer sur les États prussiens. Mêmes ordres à
Berlin.
Il faut que, lors de l'évacuation des États prussiens, il n'y ait aucun malade russe dans la ville et territoire de Danzig, ni dans le duché de Varsovie.
La même observation doit être faite pour les pays de la rive gauche de l'Elbe qui doivent former le royaume de Westphalie; il est nécessaire qu'on n'y laisse aucun malade russe ni prussien, et qu'on les renvoie dans les États qui restent à la Prusse.
Tous les magasins que j'aurai à Spandau, on les évacuera sur Magdeburg; Magdeburg me reste; y évacuer les magasins des États qui restent à la Prusse, car mes armées resteront très-longtemps en Westphalie.
M. Daru me fera connaître ce que j'ai accordé à chaque corps en habillement, ce que chaque corps a reçu, et ce que j'ai à leur délivrer, ce que j'ai en magasin à Danzig et à Königsberg.
C'est le corps du maréchal Davout que je compte laisser à Varsovie.
C'est le corps du général Oudinot que je compte laisser à Danzig. Tout ce qui est au delà de l'Oder, l'envoyer à Magdeburg.
Il ne faut rien donner inutilement aux corps.
Mettre à l'ordre que, vu les circonstances de la paix, la mesure des lettres de change pour la solde est annulée, que l'argent est prêt en France. En écrire au ministre du trésor public.
Königsberg, 13 juillet 1807
Au général Rapp
Monsieur le Général Rapp, M. le prince de Bénévent a dû vous mander que j'ai accordé à la ville de Danzig plus qu'elle ne demandait, puisque je lui accorde un territoire de deux lieues. Des poteaux vont y être mis. Vous ferez mettre le séquestre sur tous les biens royaux et nationaux qui se trouvent dans la ville et dans cette étendue de territoire; vous en ferez faire l'inventaire. Je m'en réserve la propriété immédiate. Il est convenable que trois des individus les plus intelligents de la ville se rendent à Dresde pour y régler leur constitution. Ils porteront avec eux un historique de la manière dont ils étaient gouvernés et des changements qu'ils désirent y faire. Leur constitution ainsi arrêtée, il n'y aura plus lieu à discussion ni changement.
Königsberg, 13 juillet 1807
Au général Clarke
Je pars dans une heure pour Dresde. Si vous pensez que vos lettres puissent m'y arriver à temps, envoyez-moi là des nouvelles de Stralsund et de Berlin. Je vous ai mandé également de m'envoyer M. la Bouillerie pour voir la situation de mes affaires. La contribution imposée doit être payée jusqu'au dernier sou, et ce n'est qu'à cette condition que j'évacuerai. Faites donc connaître aux habitants que, s'ils ne payent pas les dix millions, ils auront garnison française éternellement. J'estime que, ces deux calculs faits, les États qui restent au roi de Prusse doivent soixante et treize millions. L'arriéré, c'est-à-dire ce qui est dû pendant un an comme domaine et impositions foncières, m'est également dû. Ce n'est qu'à cette condition que j'évacuerai Berlin et les pays cédés appartenant au roi de Prusse. Que l'on en forme l'état. Les magasins doivent nous rester; il faut faire argent de tout.
Vous devez dire que j'ai reçu du roi de Prusse l'assurance que la gendarmerie et la garde bourgeoise ne seraient nullement inquiétées.
Königsberg, 13 juillet 1807
A l'empereur de Russie
Monsieur mon Frère, jaloux d'avoir auprès de Votre Majesté quelqu'un qui puisse lui exprimer de vive voix les sentiments dont elle m'a laissé pénétré, je lui envoie mon aide de camp le général de division Savary, jusqu'à ce que j'aie nommé un ambassadeur pour résider dans sa Cour. Je prie Votre Majesté de le recevoir avec cette bonté qui lui est particulière, et d'ajouter une entière confiance à ce qu'il lui dira de ma part, et surtout toutes les fois qu'il sera assez heureux pour lui renouveler de vive voix les assurances de la haute estime et de la sincère amitié dont je suis sorti pénétré d'auprès d'elle.
Sur ce, je prie Dieu , Monsieur mon Frère, qu'il veuille tenir Votre Majesté Impériale en sa sainte et digne garde.
NAPOLÉON
Mogilno, 15 juillet 1807
Au général Rapp, à Danzig
Monsieur le Général Rapp, vous voudrez bien, aussitôt que les premières troupes du général Oudinot seront arrivées, et je pense qu'elles doivent déjà l'être, faire partir toutes les troupes de Bade pour Stettin, où elles seront aux ordres du maréchal Brune. Vous en préviendrez ce maréchal. Si vous appreniez que ce maréchal eût besoin de troupes, et que la première légion du Nord fût habillée, vous la lui enverriez aussi.
Vous instruirez de ce mouvement le major général.