1 - Juin 1807
Paris,
1er juin 1807
A M.
Gaudin
Monsieur
Gaudin, vous trouverez ci-joint la copie de lettres patentes tentes qui ont été
données en communication au Sénat. Mon intention est que la dotation du duché
de Danzig soit prise parmi les domaine qui ont été réservés dans les États de
Parme et de Plaisance par moi décret du 30 mars 1806. Il faut en conséquence
vous occuper sur-le-champ de mettre en vente pour 2 millions 500,000 francs
desdits domaines, dont le produit sera employé à acheter une propriété ayant
une belle habitation, produisant 100,000 francs nets et située dans l'ancienne
France, sur la Loire, sur la Seine ou sur la Saône. Comme les payements des
ventes ne correspondront peut-être point à ceux que vous aurez à faire pour
cette acquisition, les fonds seront faits par la caisse d'amortissement, à
laquelle on accordera des intérêts convenables et qui se remboursera au fur et
à mesure des ventes, Je ne sais pas si nous avons encore dans le Poitou, la
Normandie, la Bretagne, la Bourgogne ou la Champagne, des domaines nationaux
qu'on puisse employer à cette opération. Vous sentez que cela serait fort
avantageux, puisque le trésor public en recevrait promptement le prix. S'il
était nécessaire, pour compléter cette dotation en domaines, d'y joindre une
portion de forêts, cela ne serait pas une difficulté. L'important est d'avoir
une belle maison dans l'étendue des arrondissements que j'ai désignés, ou dans
les départements qui environnent Paris et qui me paraissent également
convenables. On achèterait ensuite à proximité les propriétés nécessaires pour
compléter le revenu que j'ai fixé. S'il n'y a pas dans les domaines nationaux
de possessions de cette nature, vous ne manquerez pas d'offres : il y a
beaucoup de propriétaires de grandes terres qui cherchent à s'en défaire.
Vous vérifierez si, par exemple, MM. de Vintimille ne sont pas dans l'intention
de vendre une grande terre qu'ils possèdent aux environs de Caen. Il me
conviendrait assez qu'un établissement de cette nature fût formé dans le voisinage
de cette ville. On pourrait aussi traiter avec Mme de Sérent pour une terre
qu'elle a auprès d'Angers. Prenez aussi des informations sur le château de
Richelieu, dont j'ai arrêté la démolition. Aussitôt qu'on saura que vous faites
de telles recherches, les propositions ne vous manqueront pas. Ne perdez pas de
vue que mon intention est que, indépendamment d'une belle maison, la propriété
qui constituera le duché rende 100,000 francs de rente nets.
Ainsi
occupez-vous sans délai de chercher d'abord s'il existe dans les domaines
nationaux un beau château situé comme je le désire; il devrait être préféré,
puisque ce serait l'avantage du trésor public. A défaut d'un château national,
cherchez une terre de particulier. Comme tous les duchés d'Italie se réalisent
en argent et que les remplacements doivent se faire en France, je puis avoir
besoin dans quelques mois d'une vingtaine de terres pour les duchés dont je
disposerai. Je désire que vous établissiez un bureau de recherches pour cet
objet, afin que, le moment arrivant, vous ayez sous la main un travail tout
prêt. Il serait à désirer de placer beaucoup de duchés en Normandie, en
Bretagne et en Poitou. Ce sont des pays où les fondations de cette nature
peuvent avoir le plus d'utilité.
Danzig,
2 juin 1807
A l'Impératrice
Mon
amie, j'apprends ton arrivée à la Malmaison. Je n'ai pas de lettres de toi; je
suis fâché contre Hortense; elle ne m'écrit pas un mot. Tout ce que tu me dis
d'elle me peine. Comment n'as-tu pas pu un peu la distraire ? Tu pleures !
J'espère que tu prendras sur toi afin que je ne te trouve pas toute triste.
Je
suis à Danzig depuis deux jours; le temps est fort beau; je me porte bien. Je
pense plus à toi que tu ne penses à un absent.
Adieu,
mon amie; mille choses aimables. Fais passer cette lettre à Hortense.
Danzig,
2 juin 1807
A la
reine Hortense
Ma
Fille, vous ne m'avez pas écrit un mot, dans votre juste et grande douleur. Vous
avez tout oublié, comme si vous n'aviez pas encore des pertes à faire. L'on dit
que vous n'aimez plus rien, que vous êtes indifférente à tout; je m'en aperçois
à votre silence. Cela n'est pas bien, Hortense ! ce n'est pas ce que vous vous
promettiez. Votre fils était tout pour vous. Votre mère et moi ne sommes donc
rien ! Si j'avais été à la Malmaison, j'aurais partagé votre peine, mais
j'aurais voulu aussi que vous vous rendissiez à vos meilleurs amis.
Adieu,
ma fille; soyez gaie : il faut se résigner. Portez-vous bien, pour remplir tous
vos devoirs. Ma femme est toute triste de votre état; ne lui faites plus de
chagrin.
Votre affectionné père.
Danzig,
2 juin 1807
A M.
Cambacérès
Mon Cousin, je suis venu passer deux jours à Danzig, que j'ai employés à voir la ville et à donner différents ordres. Je compte être de retour à Finkenstein ce soir.
Danzig,
2 juin 1807
A M.
de Talleyrand
Monsieur
le Prince de Bénévent, j'irai probablement coucher ce soir à Marienburg pour
être demain à Finkenstein. Je pense que vous ferez bien d'écrire à Gardanne de
ne pas attendre autre chose pour partir pour la Perse. Chargez-le seulement de
dépêches pour donner à Sebastiani des nouvelles de l'ambassadeur turc.
Danzig,
2 juin 1807
Au
grand-duc héréditaire de Bade
Mon
Fils, partez pour vous rendre chez vous; pressez vous-même pour renforcer vos
troupes en recrues, pour réparer les pertes faites. Envoyez un nouveau régiment
de cavalerie et deux nouveaux régiments d'infanterie, afin d'avoir un
contingent de troupes proportionné à votre rang.
Vers
les premiers jours de juillet, si vous êtes bien portant, vous pourrez revenir
à l'armée.
Marienburg,
3 juin 1807
A
l'Impératrice
J'ai
couché aujourd'hui à Marienburg. J'ai quitté hier Danzig. Ma santé est fort
bonne. Toutes les lettres qui viennent de Saint-Cloud, disent que tu pleures
toujours; ce n'est pas bien : il faut se bien porter et être contente.
Hortense
est toujours mal; ce que tu m'en écris fait pitié. Adieu, mon amie; crois à
tous les sentiments que je te porte.
Marienburg,
3 juin 1807.
A M.
de Cambacérès
Mon
Cousin, je reçois votre lettre du 25 mai. L'importante place de Neisse en
Silésie a capitulé. Bientôt le prince Jérôme aura achevé la conquête de toute
la Silésie.
Marienburg,
3 juin 1807
A M.
Fouché
Je
reçois votre lettre du 25 mai. Je vois avec plaisir la bonne conduite des
habitants de Riaillé. L'impudence de cette bande de brigands est
extraordinaire. Il faut en suivre la marche avec beaucoup d'attention, afin de
la détruire.
Il
faut avoir grand soin que les demoiselles Saumann ne rentrent plus dans la
Lozère.
Faites-moi
connaître, je vous prie, comment a pris l'évêque, à Montpellier, avec les
protestants et avec les catholiques.
Marienburg,
3 juin 1807
Au
général Clarke
Je reçois votre lettre du 30 mai. L'importante place de Neisse a capitulé. Elle a accepté la même capitulation que Schweidnitz.
Finkenstein,
4 juin 1807
A M.
de Champagny
Monsieur
Champagny, depuis vingt ans il s'est manifesté une maladie appelée croup, qui
enlève beaucoup d'enfants dans le nord de l'Europe. Depuis quelques années elle
se propage en France. Nous désirons que vous proposiez un prix de 12,000
francs, qui sera donné au médecin auteur du meilleur mémoire sur cette maladie
et sur la manière de la traiter.
Finkenstein,
4 juin 1807
Au
vice-amiral Decrès
Je
reçois votre lettre du 25. J'ai 5 vaisseaux à deux ou trois ponts à Toulon; il
ne faut donc pas laisser bloquer la ville par 3 vaisseaux. Si les Anglais
s'obstinent au blocus, il faut verser les équipages des frégates sur les
vaisseaux, et attaquer l'ennemi dans une circonstance favorable.
Je
reçois votre lettre du 21 mai. J'ai toujours regardé comme un très-grand
malheur que toutes les subsistances de l'Empire se trouvassent dans une même
main, et que la mort d'un seul homme dût me donner de l'inquiétude sur la
sûreté du service des vivres de terre et de mer, surtout quand cet entrepreneur
est un homme aussi indéchiffrable que M. Vanlerberghe, qui, non content d'avoir
à régir les affaires d'une aussi immense entreprise, va se jeter dans des
opérations de commerce avec l'Espagne, etc. Mon intention bien positive est
donc que M. Vanlerberghe ne soit plus chargé du service, et que, puisque son
marché expire, vous en passiez un avec un autre individu.
Le
projet que vous présentez d'établir une régie pour un an et d'en revenir
ensuite à un entrepreneur est le plus mauvais de tous, parce que je perdrais
trois millions en recevant les magasins de M. Vanlerberghe, j'en perdrais trois
autres en les remettant à une autre compagnie. Voilà ce que l'expérience m'a
prouvé. Il faut qu'à M. Vanlerberghe soit substitué un autre entrepreneur, et
que les magasins de M. Vanlerberghe soient remis à une autre compagnie.
Finkenstein,
4 juin 1807
A M.
Daru
Monsieur
Daru, mon intention serait de faire une distribution par régiment, toutes les
semaines , de 100 livres de tabac à fumer. Faites-moi connaître où je pourrai
prendre ce tabac, et faites-en faire des approvisionnements à Elbing,
Marienwerder et Osterode.
Finkenstein,
4 juin 1807
DÉCRET
NAPOLÉON,
Empereur des Français, Roi d'Italie,
Voulant
récompenser les services qui nous ont été rendus, par un grand nombre
d'officiers polonais,
Avons
décrété et décrétons ce qui suit :
ARTICLE
1er. - Des domaines royaux pour la valeur de vingt millions de livres tournois
seront tenus à notre disposition par la Commission du gouvernement polonais,
pour être donnés en récompense et en toute propriété aux individus de l'armée
polonaise qui nous ont rendu le plus de services.
ART.
2. - L'état de ces domaines sera dressé dans l'espace de cinq jours et remis
par le ministre de l'intérieur du gouvernement polonais à M. Vincent, notre
commissaire près ce gouvernement, nous réservant d'en faire d'ultérieures
dispositions.
ART.
3. - La Commission du gouvernement polonais et notre commissaire près d'elle
sont chargés de l'exécution du présent décret.
Finkenstein,
4 juin 1807
Au
prince Jérôme
Mon
Frère, j'ai reçu vos lettres du 31 mai. J'ai appris avec grand plaisir que vous
étiez maître de Neisse. Je désire que vous m'envoyiez un mémoire sur cette
place, avec un plan. Mon intention serait non de la démolir, mais de la mettre
au contraire en état , et de la conserver. Restent à présent Glatz et Silberberg.
Ne pourrait-on pas assiéger ces deux places à la fois ? Je vous envoie le
général de division Gardanne. Si vous en êtes content, vous le garderez; si
vous ne l'êtes pas, vous le renverrez en France. Il a donné lieu ici à quelques
mécontentements. Parlez-lui là-dessus d'une manière claire. Surtout, il faut
qu'il ne fasse aucune levée de contributions, ni aucune mauvaise affaire.
Finkenstein,
4 juin 1807
Au
maréchal Kellermann, commandant en chef de l'armée de réserve du Rhin, à
Mayence
Mon
Cousin, faites-moi connaître quelle est la situation de votre armée de réserve,
le 20e régiment provisoire formé, ainsi que les régiments et bataillons de
Magdeburg, Stettin, Hameln, etc. , présents sous les armes, et quels sont les
conscrits annoncés de 1807 et de la réserve. Je désire que vous me fassiez
là-dessus un travail dont j'ai besoin pour fixer mes idées.
Je ne vous parle pas de l'appel de la conscription de 1808, mon intention étant qu'aucuns ne viennent à l'armée, étant trop jeunes, mais qu'ils restent dans l'intérieur, où ils seront habillés, armés et exercés. Il ne faut pas les confondre avec les autres conscrits. Les enfants de dix-huit ans sont trop jeunes pour faire la guerre si loin. Pressez les gouverneurs auxquels vous avez envoyé de la cavalerie à pied de les monter promptement. Je vois avec plaisir que les 19e et 20e provisoires soient formés. Faites-les partir sans délai pour Berlin.
Finkenstein,
4 juin 1807
A M.
Fouché
Je
reçois vos lettres des 26 et 27. Je vois avec plaisir la surveillance que vous
exercez. Apprenez-moi bientôt que cette bande de voleurs est détruite.
Le
nommé Ogier, colonel de cavalerie de l'ancien régime, le nommé Simon, ancien
greffier de la Table de marbre, Dubouzet, ancien colonel du régiment de
Penthièvre-cavalerie, une soi-disant baronne de Lauterbourg, sont des mauvais
sujets qui colportent de mauvais bruits dans Paris. Faites les conduire par la
gendarmerie à quarante lieues de Paris, où ils seront en surveillance dans
quelque petite commune, soit de Bourgogne, soit de Champagne, soit de Lorraine.
Finkenstein,
5 juin 1807
A M.
Bigot de Preameneu, président de la section de législation au Conseil d'État
Monsieur
Bigot de Préameneu, il est à notre connaissance que beaucoup de communes de
notre empire ont un revenu qui surpasse leurs besoins. Un grand nombre de
villes ayant perdu tous leur biens pendant la révolution, nous avons établi,
par cette considération, des octrois municipaux. Cette mesure a été
généralisée, et elle a porté non-seulement sur les communes qui avaient éprouvé
des pertes, mais aussi sur celles qui, ayant conservé leurs propriétés, ont
fait payer leurs dettes à l'État, se sont affranchies du logement et du
casernement et de divers autres services que l'usage avait mis à leur charge,
et qui se sont ainsi trouvées avoir plus de revenus qu'avant la révolution, en
même temps qu'elles étaient déchargées de plusieurs dépenses considérables.
Nous
avons toujours considéré les inconvénients de cette inégalité comme une suite
naturelle des événements qui se sont passés. Mais, si nous avons conçu
l'espérance, justifiée par plusieurs villes, que ces fonds, bien administrés,
serviraient à améliorer les établissements qui existent et à en fonder de
nouveaux, nous n'avons jamais entendu que ce surcroît de revenus occasionnerait
un surcroît de dépenses inutiles. La commune de Dole paraît être du nombre de
celles dont les recettes excèdent de beaucoup les dépenses ; mais elle est
aussi , par sa situation , l'une des plus susceptibles d'embellissement, de
travaux et d'établissements utiles. Le sous-préfet a censuré l'emploi de ses
fonds et a dénoncé sa comptabilité. Notre intention est que, conformément au
règlement du 11 juin 1806, une commission du Conseil, dont nous vous nommons
président, vérifie les faits, fasse venir à Paris, si elle le juge convenable,
le sous-préfet et le maire, et porte la plus grande attention à éclairer la
comptabilité de la ville de Dole. Les lois qui régissent l'État doivent être
exécutées avec rigueur, soit envers les dilapidateurs, soit envers les
administrateurs qui emploieraient les deniers confiés à leur administration à
se faire des partisans au lieu de les consacrer à des établissements avantageux
aux communes. Le sous-préfet a fait son devoir en donnant son opinion à ses
supérieurs sur les abus qu'il croyait apercevoir, mais il s'en est écarté en la
manifestant par un écrit rendu public. Celui qui a imprimé le premier, qui a
invoqué l'opinion publique dans une simple affaire d'administration, et qui a
donné à ses démarches le caractère d'une animosité personnelle, a eu un tort
très-grave. Il convient que vous vous attachiez à établir si ce tort appartient
au sous préfet ou au maire. Il convient aussi que votre rapport soit fait de
manière qu'il puisse être imprimé pour servir à prévenir des écarts, dont il y
a déjà trop d'exemples, et ces querelles publiques qui ne tendent qu'à aigrir
les citoyens les uns contre les autres et qui tournent toujours au détriment de
l'administration.
Finkenstein,
5 juin 1807
A M.
de Talleyrand
Monsieur
le Prince de Bénévent, donnez ordre à mon ministre en Perse de partir sans
délai et de s'y rendre le plus rapidement possible. Envoyez-lui vos dépêches
pour Constantinople.
Faites
connaître à M. Sebastiani que, pour mes intérêts , il est nécessaire qu'il
reste encore à Constantinople.
Camp
impérial de Finkenstein, 5 juin 1807
DÉCRET
ARTICLE
ler. - Les habitants de Marienburg dont les maisons auront été ou seront
démolies pour les fortifications de la place seront indemnisés en biens royaux.
ART.
2. - La chambre de Marienwerder nommera des commissaires qui, concurremment
avec les experts nommés par le commissaire des guerres de la place, estimeront
les maisons démolies et terrains occupés par les fortifications.
ART.
3. - La chambre de Marienwerder présentera à notre intendant général un état
des biens royaux situés dans son arrondissement qui pourraient être accordés en
indemnité desdites maisons et terrains.
ART.
4. - Le major général et l'intendant général de l'armée sont chargés de
l'exécution du présent décret.
Finkenstein,
5 juin 1807
A M.
Daru
Monsieur
Daru, la chambre de Marienwerder sera divisée en trois sections : une résidera
à Marienwerder, une à Danzig et la troisième à Elbing, chacune ayant le
contrôle et l'autorité sur l'arrondissement dépendant de ces villes. Il faut
faire part de ces dispositions au général Rapp, pour qu'il fasse venir, par le
moyen de la chambre qui résidera à Danzig, ce qui est nécessaire pour
l'approvisionnement de cette place.
Finkenstein,
5 juin 1807
Au général
Rapp, gouverneur de Danzig
Il est
possible que, le 10, je fasse faire un mouvement à l'armée. Je n ai pas besoin
d'appeler votre attention sur votre place. Vous ne devez pas perdre de vue
qu'elle peut être investie d'un moment à l'autre. L'ennemi est parfaitement
servi en espions. S'il savait que le Hagelsberg n'est pas rétabli et que vous
n'êtes pas approvisionné en vivres ni en munitions, il serait possible qu'il
fit un mouvement sur vous. Il faut donc que vous alliez deux fois par jour sur
les travaux du Higelsberg, afin de voir par vous-même; que l'on rétablisse les
remparts , les blockhaus, les chemins couverts, les palissades; que l'on efface
nos tranchées, que l'on rentre toute l'artillerie dans la place; que l'on fasse
venir 2,000 bœufs de la Poméranie; que l'on ait deux millions de cartouches,
cent milliers de poudre et 2,000 fusils; que les forts qui sont sur mer soient
garnis de mortiers et de canons pour battre les bâtiments ennemis qui
voudraient s'approcher; que des signaux soient établis, afin que vous sachiez
ce qui se passe en mer et que vous puissiez correspondre entre la place et le
Weichselmünde.
Huit
régiments provisoires, formant 6,000 hommes au moins, vont arriver. Il
arrivera, indépendamment de cela, beaucoup de monde des dépôts, et des
traînards. Il faut donc avoir des fusils pour en donner à ceux qui n'en ont
pas.
Le bataillon des marins de la Garde va venir, de manière que vous aurez près de
600 marins. Ils feront le service dans la rade, et, dans le besoin, celui de
canonniers.
Il
faut faire choisir et armer sans délai, avec les caronades que l'on a prises
sur la corvette anglaise, deux grosses péniches pour croiser à l'embouchure de
la rivière. Faites venir chez vous les officiers de la marine de la Garde qui
ont été à Elbing, pour leur dire de chercher quatre bâtiments en forme de
péniche, propres à naviguer sur le Frische-Haff, qui, avec les quatre déjà
armés, formeront une flottille de huit bâtiments, qui pourra attaquer les
bâtiments ennemis en croisière sur le Haff. Comme le bataillon des marins de la
Garde arrive sous très-peu de jours, ils seront en nombre suffisant pour armer
ces bâtiments et fournir un bon nombre pour le service de la place.
Il
faut se défaire de tous les officiers prussiens et russes qui peuvent se
trouver dans la place, car, du moment qu'il y aura un mouvement, toute
communication sera coupée. Il est donc très- important que le bâtiment qui
reste encore parte sans délai.
Il
faut former votre conseil, le réunir tous les jours, le composer du commissaire
ordonnateur qui reste dans la place, du commandant d'artillerie et de celui du
génie, afin d'aviser à tous les besoins de la place.
Il
faut faire défaire les deux ponts et en faire faire un en place en face de la
ville, et faire travailler sans délai à la tète de ce pont.
Tout
cela est de la plus grande importance.
Il
faut réunir tous les malades prussiens et russes dans les environs, soit dans
des maisons de campagne, soit dans une grosse abbaye à trois ou quatre lieues
de la place.
Finkenstein,
5 juin 1807, 2 heures après-midi
Au
maréchal Bernadotte
Mon
Cousin, le maréchal Ney me mande qu'il a été attaqué aujourd'hui à six heures
du matin. Est-ce une affaire comme la vôtre ou est-ce une attaque sérieuse ? C'est
ce que je saurai dans quelques heures. Je me hâte cependant de vous en prévenir
pour que vous vous mettiez en mesure.
J'ai
ordonné la réunion de toute ma cavalerie; tout va être en mouvement.
Je
suppose que d'ici à ce soir je vous instruirai de ce que vous aurez à faire. Quoiqu'il
soit peu probable qu'après avoir laissé prendre Danzig l'ennemi tente une
affaire générale, cependant il faut penser que, s'il veut faire quelque chose,
son attaque sérieuse sera sur Guttstadt.
Finkenstein,
5 juin 1807
Au
maréchal Soult, à Sporthenen
Mon
Cousin, je reçois au moment même, à deux heures après midi, une lettre du
maréchal Ney qui m'écrit, à sept heures du matin, que son avant-garde a été
attaquée à six heures à Altkirch; il a dû vous en prévenir. Il paraît qu'hier
le maréchal prince de Ponte-Corvo a été aussi attaqué légèrement. Qu'est-ce que
tout ceci veut dire ? Tout porte à penser qu'il y a un mouvement chez l'ennemi,
quoiqu'il soit absurde de sa part d'engager une affaire générale,
aujourd'hui que Danzig est pris. Je viens toutefois d'ordonner que demain, à
midi, toute la cavalerie soit réunie. Je n'ai pas de nouvelles de vous, ce qui
me fait supposer que vous n'avez pas été attaqué.
Je
serais fort aise que l'ennemi voulût nous éviter d'aller à lui. Mon projet
était de me mettre en mouvement le 10. J'ai fait toutes mes dispositions de
magasins pour aller à sa rencontre à cette époque.
J'imagine
que vous aurez appelé à vous toute votre cavalerie légère. Je vous prie, si le
maréchal Ney est obligé d'évacuer Guttstadt, et dans ce cas il se retirera sur
Deppen, de porter votre attention sur sa gauche, et de favoriser sa retraite,
si tant est qu'il soit contraint à la faire.
--------------
Je
vous remercie sur ce que vous me dites relativement à la mort du petit
Napoléon.
Je
compte beaucoup sur vous et vos braves.
Mettez à l'ordre que Neisse a capitulé; vous sentez l'importance de cette place. Faites-le sentir.
Finkenstein,
5 juin 1807, 2 heures après midi
Au
maréchal Davout, à Osterode
Mon
Cousin, je reçois au moment même une lettre du maréchal Ney qui m'annonce qu'il
a été attaqué ce matin à six heures. Est-ce une attaque sérieuse ou n'est-ce
qu'une escarmouche ? Il faut toutefois se préparer. Le maréchal Ney, s'il voit
qu'il ait affaire à des forces trop considérables, doit se retirer sur Deppen. Vous
avez sans doute déjà appelé votre cavalerie légère. Dans le cas de la retraite
du maréchal Ney, je désire que vous souteniez son flanc droit et que vous
preniez toutes les mesures pour que son mouvement sur Deppen se fasse sans
désordre et sans perte. J'ai ordonné la réunion de toute la cavalerie, Je vous
enverrai des ordres cette nuit. Envoyez quelqu'un à Guttstadt et instruisez-moi
de tout ce que vous savez.
Finkenstein,
6 juin 1807, 6 heures du matin
A M.
Cambacérès
Mon
Cousin, je reçois votre lettre du 28. Les deux armées sont en manœuvres. L'ennemi
s'est mis en mouvement. Hier 5, à six heures du matin, on a attaqué la tête de
pont de Spanden sur la Passarge, que défendait la brigade du général Frère. Cinq
régiments russes, revenus trois fois à l'assaut, ont été constamment repoussés
et ont laissé 5 à 600 morts dans les abatis. Le prince de Ponte-Corvo, qui, de
derrière, observait la position de l'ennemi, a reçu une balle au col, qui l'a
frappé légèrement. Au même moment, l'ennemi à attaqué la tête de pont de
Sporthenen, que défendait le général Ferey, du corps du maréchal Soult. L'ennemi
est venu deux fois à l'assaut et a laissé 1,500 morts dans les abatis. Plusieurs
colonels russes sont restés prisonniers entre nos mains.
Le
maréchal Ney a été attaqué au même moment; toutes les fois que l'ennemi a voulu
monter à ses positions, il a été repoussé avec une énorme perte; et,
conformément à mes dispositions générales; ce maréchal s'est porté sur la
Passarge, à Deppen, du moment qu'il a été assuré que l'ennemi avait toutes ses
forces en mouvement. Mes réserves sont en marche, et, quand vous lirez ceci, de
grands événements auront eu lieu. Je vous instruis de tous ces détails, qui ne
seraient pas bons à faire connaître, pour que, s'il arrivait de faux bruits,
vous puissiez les repousser. Si cependant ceci perçait et que l'impatience du
public fût trop forte, vous pourriez mettre ces détails dans le Journal de
l'Empire, sous le titre d'une lettre particulière écrite, de Thorn ou de
Danzig, par un officier de l'armée. Mais tant qu'on ne saura rien, il vaut
beaucoup mieux que l'on prenne que tout est fini en même temps que l'on saura
que cela a été commencé.
Communiquez
cette lettre au ministre de la police; toute autre confidence est inutile. Vous
pouvez du reste être sans inquiétude. Il paraît que l'ennemi ne sait ce qu'il
fait, puisque, après avoir laissé prendre Danzig, il s'enfourne sous des
positions retranchées.
Finkenstein,
6 juin 1807, 6 heures du matin
A M.
Fouché
Je
charge M. l'archichancelier de vous communiquer ma lettre de ce jour, parce
qu'il est convenable que vous soyez prévenu. Vous vous conformerez au sens de
ma lettre, en tenant cela secret, s'il est possible. Voyez souvent
l'Impératrice pour empêcher les mauvaises nouvelles d'arriver jusqu'à elle. Huit
jours après que vous aurez reçu cette lettre, tout sera fini. Tout me porte à
penser que cela ira au mieux. Je vous instruirai ainsi tous les soirs, jusqu'à
ce que j'aie le temps d'ordonner la rédaction d'un bulletin, qu'il est
d'ailleurs convenable de ne faire que lorsque tout sera fini.
Finkenstein,
6 juin 1807
Au
général Victor, commandant le siège devant Grudenz
Je
vous écris par les relais de la Garde, parce qu'il est possible que l'ordre
vous arrive par cette voie plus tôt que par le courrier que vous expédie le
major général. Un quart d'heure après la réception du présent ordre, partez
dans la plus grande diligence, et arrivez au quartier général aujourd'hui de
bonne heure, ayant un commandement important à vous donner. Dirigez vos chevaux
et vos bagages, à double marche, sur Finkenstein. Laissez le commandement du
siége au général de division Rouyer; recommandez-lui de prendre des mesures
extraordinaires pour faire filer sur Marienwerder toutes les barques qui sont
entre Thorn et Graudenz.
L'ennemi
a attaqué hier les 6e, 4e et ler corps; il a été partout repoussé avec
d'énormes pertes. Les nôtres étaient partout retranchés dans des têtes de pont.
Le prince de Ponte-Corvo a été touché d'une balle morte au col. Cette blessure
est légère, mais les chirurgiens ont pensé qu'elle exigeait du repos.
Finkenstein,
6 juin 1807
ORDRE POUR LE GRAND MARÉCHAL
Tous
mes gros bagages et objets inutiles se rendront à Danzig et partiront ce soir
même.
Mon
petit quartier général de guerre se rendra sur-le-champ à Saalfeld.
Le
petit service d'avant-garde se rendra sur-le-champ à Mohrungen. On enverra au
galop l'ordre à l'escadron de la Garde et à la brigade des chevaux de selle de
se porter entre les deux lacs, à Seegerswalde.
Les
chevaux de voiture resteront à Saalfeld pour me mener jusqu`à Seegerswalde, où
je monterai à cheval; de sorte que ce soir il ne reste plus rien au château de
Finkenstein.
Toute
ma Garde à cheval, ainsi que l'artillerie qui y est attachée, se mettront
sur-le-champ en marche pour se rendre à Saalfeld; l'infanterie se mettra
également en marche pour y arriver sans délai.
Finkenstein,
6 juin 1807, midi
Au
maréchal Ney
Mon
Cousin, l'officier par lequel vous avez expédié hier soir vos dépêches au major
général vient d'arriver et m'a fait connaître que vous aviez pris position
entre Deppen et Queetz, auprès du village d'Ankendorf. Depuis hier, 1° le
maréchal Mortier, 2° la réserve d'infanterie, 3° la réserve de cavalerie, sont
en mouvement. Il est donc convenable de tenir dans votre position, si cela vous
paraît prudent, et, lorsque vous vous retirerez, de marcher le plus lentement
possible, d'abord derrière Deppen et ensuite derrière les lacs que je vous ai
fait désigner.
Je
réunis toutes mes forces. Mon plan d'opération dépend de la position que vous
et le maréchal Soult vous aurez lorsque je serai en mesure. Au reste, il faut
au moins tout le jour de demain.
Je
suis très-satisfait de tout ce que vous me dites de votre corps d'armée, et je
ne puis que vous témoigner ma satisfaction sur le sang-froid et l'intrépidité
de toutes vos dispositions. Vous ne sauriez écrire trop souvent. Vous sentez
qu'il me tarde de me retrouver au milieu des combattants; mais j'y serai sous
peu de jours, et il faut espérer que tout cela mettra fin aux circonstances
actuelles.
Je
regrette bien vivement ce pauvre général Roguet; mais enfin il est mort sur le
lit d'honneur.
L'importante
place de Neisse a capitulé.
Finkenstein,
6 juin 1807
Au
général Rapp
Nous
sommes en mouvement. Je vous ai fait écrire hier par Bertrand, et précédemment
je vous avais écrit moi-même.
Prenez
toutes vos précautions pour mettre la place en bon état. Surtout faites filer
sur Marienburg les subsistances; 8 ou 10,000 quintaux ne sont pas trop. Envoyez
surtout de la farine. Rien n'est important comme cet objet, que je vous
recommande.
Je
vous ai laissé toutes vos troupes. Envoyez un général à l'île de Nogat pour
commander dans cette île, avec de l'infanterie, de la cavalerie et, si vous en
avez, une on deux pièces de canon. Quelques centaines d'hommes doivent suffire
pour cela; ils doivent s'entendre avec le commandant de Marienburg, afin, en
tout événement, de conserver ce pont.
J'ai
ordonné à l'artillerie d'armer Marienburg; c'est très-important. M. Talleyrand
se rend à Danzig. Vous lui ferez donner une garde et vous aurez soin de le
traiter en prince.
Il
serait à désirer que le général la Riboisière me rejoignît sans délai, ainsi
que les autres officiers de mon état-major qui peuvent être restés à Danzig.
Placez
une garde à la tête du pont de Dirschau pour que quelques malveillants ne le
brûlent pas. Envoyez-moi souvent de vos nouvelles. Je ne saurais trop vous
recommander de correspondre avec le commandant de Marienburg et même avec le
gouverneur de Thorn.
Tous les détachements et hommes isolés qui viendraient à passer à Danzig, gardez-les. Ils pourront vous servir à accroître votre garnison.
Finkenstein,
6 juin 1807
Au
maréchal Berthier
Le
colonel Clément se rendra à Marienwerder pour y prendre le commandement de la
ville, de la tête de pont, et veiller à la conservation des magasins et du pont
.
--------------
Envoyer
l'ordre directement à la division polonaise du 8e corps, qui arrive par
Marienwerder, de se diriger le plus tôt possible sur Saalfeld.
Finkenstein,
6 juin 1807, 5 heures du soir
Au
général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, nous sommes en plein mouvement; l'ennemi a commencé les hostilités; tous les cantonnements sont levés, et bientôt des affaires importantes vont avoir lieu. Toutes les affaires d'avant-garde jusqu'à cette heure sont à notre avantage. Écrivez-moi ce qui se passe de votre côté. Je pense qu'il serait plus prudent de faire passer désormais les courriers par la rive gauche de la Vistule. Organisez tous les dépôts et tous les moyens que vous avez, afin que, dans un cas imprévu, vous puissiez défendre Praga et vous faire honneur. Faites toujours passer les subsistances à force.
Finkenstein,
6 mai 1807, 6 heures du soir
Au
maréchal Berthier
Mon
Cousin, donnez ordre que le 15e provisoire, qui demain arrive à Marienwerder,
se rende sans délai à Marienburg, où il tiendra garnison pour la défense de la
place.
Expédiez
un courrier au gouverneur de Thorn. Il est nécessaire qu'il veille avec
attention à ce qu'aucun homme isolé ni aucun détachement ne rejoigne plus
l'armée. A moins d'un ordre spécial de vous, tout ce qui arrivera à Thorn doit s'y
arrêter et augmenter la garnison de la place. Recommandez à ce gouverneur de
vous écrire tous les jours par mes courriers, et qu'il sache que ses lettres
seront mises sous mes yeux. Pour plus de sûreté, il serait peut-être convenable
de faire passer les courriers par la rive gauche.
Il
faut que ce gouverneur fasse filer les subsistances à force sur Marienwerder,
et qu'il porte une grande surveillance à mettre sa place en bon état; qu'il
active la marche des régiments provisoires et des détachements qui sont sur la
route de Posen.
Sa
cavalerie doit faire des patrouilles, car il n'est pas impossible que quelques
Cosaques se glissent.
Il
faut qu'il corresponde avec le commandant du blocus de Graudenz, et qu'il donne
les nouvelles au général Lemarois, mon aide de camp, à Varsovie, afin de le
mettre au fait de ce qui est important. Il doit correspondre de même avec le
gouverneur de Danzig. Je suppose que sa place sera armée de manière à résister
à un coup de main.
Finkenstein,
6 juin 1807
A
l'Impératrice
Je
suis bien portant, mon amie. Ta lettre d'hier m'a fait de la peine. Il paraît
que tu as toujours du chagrin et que tu n'es pas raisonnable. Le temps est très
beau.
Adieu
mon amie, je t'aime et désire te savoir gaie et contente
(Lettres à Joséphine)
Finkenstein,
6 juin 1807, 8 heures du soir
Au
maréchal Davout
Mon
Cousin, l'ennemi a été repoussé hier devant le prince de Ponte-Corvo et devant
le maréchal Soult. Il a alors pris le parti de se dégarnir devant eux pour se
porter avec plus de forces sur le maréchal Ney. Le maréchal Ney est vis-à-vis
Deppen. Le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult occupent encore leurs
têtes de pont ordinaires. Dans cette situation de choses, vous comprenez
facilement qu'il est bien urgent que vous soyez réuni à Osterode avec toutes
vos forces et les deux divisions de dragons, à la rencontre desquelles il faut
envoyer, et que vous puissiez appuyer ainsi la droite du maréchal Ney. Que fera
l'ennemi ? Continuera-t-il à marcher sur Allenstein, quand nous occupons encore
Deppen et Liebstadt ? Tout cela peut donner lieu à des événements fort
singuliers. Toute ma cavalerie et mon infanterie de réserve se réunissent à
Saalfeld et Mohrungen; moi-même je serai à Saalfeld dans une heure, bien
désireux d'avoir de vos nouvelles deux ou trois fois dans la nuit, s'il est
possible. Il faut ne rien laisser à Allenstein et faire tout évacuer sur
Marienwerder, car c'est par Marienwerder, Marienburg et Danzig qu'est ma ligne
d'opération. L'ennemi manœuvre comme si ma ligne était sur Thorn. Vous aurez
choisi des positions à Osterode, qui en offre de si avantageuses, pour retenir
l'ennemi s'il avance jusque-là. Vous êtes l'extrémité de ma droite; jusqu'à
cette heure mon intention est de pivoter sur vous. Je compte sur le courage de
votre corps d'armée et sur votre fermeté; mais beaucoup de canons et de bonnes
positions, afin, à tout événement, de gagner tout le temps possible.
Je
n'entends, par cette lettre, rien contremander à l'ordre que vous avez de
soutenir Alt-Ramtem; c'est la tête d'Osterode.
Heilsberg,
12 juin 1807
ORDRES POUR LE MAJOR GÉNÉRAL
Écrire
au major général que le corps du général Zajonchek se
rende sur-le-champ à Guttstadt.
Écrivez
à Guttstadt que l'on fasse partir de suite les deux régiments du maréchal Ney,
pour le rejoindre à Eylau.
Faire
venir d'Amt-Guttstadt les deux bataillons saxons qui y sont, pour rejoindre
leur brigade à Heilsberg.
Écrire
sur-le-champ au général Rapp d'envoyer une forte colonne d'infanterie,
d'artillerie, de cavalerie, formant au moins 2,500 hommes, qui chassera du
Nehrung tous les Prussiens qui s'y trouvent, s'emparera de la pointe en face de
Pillau, y établira deux pièces de 18 et deux obusiers prussiens, et y
construira sur-le-champ une redoute. Cela aura l'avantage de chasser du
Frische-Haff les ennemis. Il renverra à Elbing mon bataillon de la Garde, qui
s'embarquera sur
les bateaux armés qui se trouvent à Elbing et ceux préparés à Danzig. Il faut
que toutes ces mesures s'exécutent trois heures après la réception.
Il est
possible aussi que l'on ait bientôt besoin de l'équipage nécessaire pour
assiéger Pillau, et, en attendant que l'on soit maître du Frische-Haff, comme
la colonne qui occuperait Pillau pourrait être inquiétée par des bâtiments, il
faut établir des postes intermédiaires avec des pièces de campagne battant sur
le Frische-Haff. La brigade de Saxons qui est ici y tiendra garnison. On fera
construire sur-le-champ six fours. On évacuera tous les blessés sur Marienburg
et sur la gauche de la Vistule.
On
séparera les Russes des Français, en ayant soin de soigner particulièrement les
Français.
Recommander
de nouveau au général Songis d'avoir des cartouches et des coups de canon. Il
faut qu'il en fasse venir par Marienburg et la route de Braunsberg.
Saalfeld,
7 juin 1807
Au
grand-duc de Berg
Arrivé
à Mohrungen, envoyez quelqu'un à Alt-Ramten pour savoir si la tête du maréchal
Davout y est arrivée. Si des Cosaques avaient, parti par là, vous y enverriez
alors un parti.
Saalfeld,
7 juin 1807, 11 heures du matin
Au
maréchal Bernadotte
Mon
Cousin, je reçois votre lettre. J'ai appris avec la plus grande peine que vous
aviez été blessé. Je désire que vous ne perdiez pas un moment à vous rendre
dans Danzig ou dans Marienburg. Il est possible que je fasse un mouvement, et
vous savez tous les dangers attachés aux derrières d'une armée. Je vois avec
grand plaisir que Mme Bernadotte se trouve dans cette circonstance près de
vous. Je désire votre prompt rétablissement et vous revoir à la tête de mon
corps d'armée pour le bien de mon service, mais aussi par l'intérêt particulier
que je porte à tout ce qui vous regarde.
Je
suis encore à deviner ce que l'ennemi a voulu faire; tout cela m'a bien l'air
d'un coup d'étourdi. Je réunis aujourd'hui à Mohrungen mes réserves
d'infanterie et de cavalerie, et je vais tâcher de trouver l'ennemi et de
l'engager dans une bataille générale, afin d'en finir.
J'ai
envoyé le général Victor pour commander provisoirement votre corps; à vous
parler franchement, j'ai une médiocre confiance dans le général Pacthod; j'en
ai beaucoup dans le général Dupont; mais la division qu'il commande est si
importante, que ce déplacement aurait trop d'inconvénient. Le général Victor a
besoin de faire quelque chose pour se distinguer; d'ailleurs j'espère qu'il
conservera ce commandement très-peu de temps.
Dites,
je vous prie, mille choses aimables à madame la maréchale; et faites-lui un
petit reproche: elle aurait bien pu m'écrire un mot pour me donner des
nouvelles de ce qui se passe à Paris ; mais je me réserve de m'en expliquer
avec elle la première fois que je la verrai.
Vous
trouverez à Danzig le prince de Bénévent. Vous aurez besoin de le rassurer, car
il n'a pas mal peur.
Alt-Reichau,
8 juin 1807, 4 heures et demie de l'après-midi
Au
maréchal Soult
Je
reçois votre lettre. J'ai fait, ce matin à huit heures, semblant d'attaquer
l'ennemi, afin de l'obliger à se montrer. Il nous a montré une vingtaine de
pièces de canon, 10,000 hommes d'infanterie et 7 à 8,000 de cavalerie. J'ai
fait faire une douzaine de prisonniers, qui pensent que le reste de l'armée est
à Guttstadt.
Je
suis à Alt-Reichau, où je suppose que je ne tarderai pas à recevoir de vos
nouvelles.
Le
maréchal Davout, avec tout son corps, est près de Deppen. Il est probable que
je me porterai demain sur Guttstadt. Alors vous devrez vous y porter avec tout
votre corps d'armée de votre côté. Au reste, j'attends les renseignements que
vous allez m'envoyer. Je vous ferai alors passer mes derniers ordres.
Heilsberg,
12 juin 1807
Au
grand-duc de Berg
Je
reçois votre lettre de deux heures après midi. L'officier qui me l'a apportée
n'avait pas connaissance du domestique de Montjoie. Je le rencontrerai sans
doute en route. Le maréchal Soult, passant par Landsberg, balaye tous les
Prussiens; il faut donc vous éclairer, sur votre droite, par des partis sur
Bartenstein, et d'Eylau, par des partis sur Friedland. Ne dispersez pas vos
forces, et rappelez le régiment sur votre gauche, afin que vous soyez plus à
portée d'envoyer de gros partis sur votre droite.
Heilsberg,
12 juin 1807
78e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Des
négociations de paix avaient eu lieu pendant tout l'hiver. On avait proposé à
la France un congrès général, auquel toutes les puissances belligérantes
auraient été admises, la Turquie seule exceptée. L'Empereur avait été justement
révolté d'une telle proposition. Après quelques mois de pourparlers, il fut
convenu que toutes les puissances belligérantes, sans exception, enverraient
des plénipotentiaires au congrès, qui se tiendrait à Copenhague. L'Empereur
avait fait connaître que, la Turquie étant admise à faire cause commune dans
les négociations avec la France, il n'y avait pas d'inconvénient à ce que
l'Angleterre fit cause commune avec la Russie. Les ennemis demandèrent alors
sur quelles bases le congrès aurait à négocier. Ils n'en proposaient aucune, et
voulaient cependant que l'Empereur en proposât. L'Empereur ne fit point de
difficulté de déclarer que, selon lui, la base des négociations devait être
égalité et réciprocité entre les deux masses belligérantes, et que les deux
masses belligérantes entreraient en commun dans un système de compensation.
La
modération, la clarté, la promptitude de cette réponse, ne laissèrent aucun
doute aux ennemis de la paix sur les dispositions pacifiques de l'Empereur. Ils
en craignaient les effets; et, au moment même où l'on répondait qu'il n'y avait
plus d'obstacles à l'ouverture du congrès, l'armée russe sortit de ses
cantonnements et vint attaquer l'armée française. Le sang a donc été de nouveau
répandu, mais au moins la France en est innocente. Il n'est aucune ouverture
pacifique que l'Empereur n'ait écoutée; il n'est aucune proposition à laquelle
il ait différé de répondre; il n'est aucun piège tendu par les fauteurs de la
guerre que sa volonté n'ait écarté. Ils ont inconsidérément fait courir l'armée
russe aux armes quand ils ont vu leurs démarches déjouées; et ces coupables
entreprises, que désavouait la justice, été confondues. De nouveaux échecs ont
été attirés sur les armes la Russie; de nouveaux trophées ont couronné celles
de la France. Rien ne prouve davantage que la passion et des intérêts étrangers
à ceux de la Russie et de la Prusse dirigent le cabinet de ces deux puissances,
et conduisent leurs braves armées à de nouveaux malheurs en les forçant à de nouveaux
combats, que la circonstance où l'armée russe reprend les hostilités ; c'est
quinze jours après que Danzig s'est rendu; c'est lorsque ces opérations sont
sans objet; c'est lorsqu'il s'agit plus de faire lever le siège de ce boulevard
dont l'importance aurait justifié toutes les tentatives, et pour la
conservation duquel aucun militaire n'aurait été blâmé d'avoir tenté le sort de
trois batailles. Ces considérations sont étrangères aux passions qui ont
préparé les événements qui viennent de se passer. Empêcher les négociations de
s'ouvrir, éloigner deux princes prêts à se rapprocher et à s'entendre, tel est
le but qu'on s'est proposé. Quel sera le résultat d'une telle démarche ? Où est
la probabilité du succès ? Toutes ces questions sont indifférentes à ceux qui
soufflent la guerre. Que leur importent les malheurs des armées russes et
prussiennes ? S'ils peuvent prolonger encore les calamités qui pèsent sur
l'Europe, leur but est rempli.
Si
l'Empereur n'avait eu en vue d'autre intérêt que celui de sa gloire, s'il
n'avait fait d'autres calculs que ceux qui étaient relatifs à l'avantage de ses
opérations militaires, il aurait ouvert la campagne immédiatement après la
prise de Danzig; et cependant, quoiqu'il n'existât ni trêve ni armistice, il ne
s'est occupé que de l'espérance de voir arriver à bien les négociations
commencées.
COMBAT
DE SPANDEN
Le 5
juin, l'armée russe se mit en mouvement. Ses divisions de droite attaquèrent la
tête de pont de Spanden, que le général Frère défendait avec le 27e régiment d'infanterie
légère. Douze régiments russes et prussiens firent de vains efforts ; sept fois
ils les renouvelèrent, et sept fois ils furent repoussés. Cependant le prince
de Ponte-Corvo avait réuni son corps d'armée; mais, avant qu'il pût déboucher,
une seule charge du 17e de dragons, faite immédiatement après le
septième assaut donné à la tête de pont, avait forcé l'ennemi à abandonner le
champ de bataille et à battre en retraite. Ainsi , pendant tout un jour, deux
divisions ont attaqué sans succès un régiment, qui, à la vérité, était
retranché.
Le
prince de Ponte-Corvo, visitant en personne les retranchements, dans
l'intervalle des attaques, pour s'assurer de l'état des batteries, à reçu une
blessure légère, qui le tiendra pendant une quinzaine de jours éloigné de son
commandement. Notre perte dans cette affaire a été peu considérable.
L'ennemi
a perdu 1,200 hommes et a eu beaucoup de blessés.
COMBAT
DE LOMITTEN
Deux
divisions russes du centre attaquaient au même moment la tête de pont de
Lomitten. La brigade du général Ferey, du corps du maréchal Soult, défendait
cette position. Le 46e, le 57e et le 24e d'infanterie légère repoussèrent
l'ennemi pendant toute la journée. Les abatis et les ouvrages restèrent
couverts de Russes. Leur général fut tué. La perte de l'ennemi fut de 1,100
hommes tués, 100 prisonniers et un grand nombre de blessés. Nous avons eu 200
hommes tués ou blessés.
Pendant ce temps, le général en chef russe, avec le grand-duc Constantin, la garde impériale russe et trois divisions, attaqua à la fois les positions du maréchal Ney sur Altkirch, Amt-Guttstadt et Wolfsdorf : il fut partout repoussé. Mais, lorsque le maréchal Ney s'aperçut que les forces qui lui étaient opposées étaient de plus de 40,000 hommes, il suivit ses instructions et porta son corps à Ankendorf.
COMBAT DE DEPPEN
Le lendemain 6, l'ennemi attaqua le 6e corps dans sa position de Deppen sur la Passarge. Il y fut culbuté. Les manœuvres du maréchal Ney, l'intrépidité qu'il a montrée et qu'il a communiquée à toutes ses troupes, les talents déployés dans cette circonstance par le général de division Marchand et par les autres officiers généraux, sont dignes des plus grands éloges. L'ennemi, de son propre aveu, a eu, dans cette journée, 2,000 hommes tués et plus de 3,000 blessés. Notre perte a été de 160 hommes tués, 200 blessés et 250 faits prisonniers. Ceux-ci ont été pour la plupart enlevés par les Cosaques, qui, le matin de l'attaque, s'étaient portés sur les derrières de l'armée. Le général Roguet, ayant été blessé, est tombé de cheval et a été fait prisonnier dans une charge. Le général Dutaillis a eu le bras emporté par un boulet.
L'Empereur arriva le 8 à Deppen, au camp du maréchal Ney. Il donna sur-le-champ tous les ordres nécessaires. Le 4e corps se porta sur Wolfsdorf, où, ayant rencontré une division russe de Kamenski qui rejoignait le corps d'armée, il l'attaqua, lui mit hors de combat 4 ou 500 hommes, lui fit 150 prisonniers, et vint prendre position le soir à Altkirch.
JOURNÉE DU 9
Le 9, l'Empereur se porta sur Guttstadt avec les corps des maréchaux Ney, Davout et Lannes, avec sa Garde et la cavalerie de réserve. Une partie de l'arrière-garde ennemie, formant 10,000 hommes de cavalerie et 15,000 hommes d'infanterie, prit position à Glottau et voulut disputer le passage. Le grand-duc de Berg, après des manoeuvres fort habiles, la débusqua successivement de toutes ses positions. Les brigades de cavalerie légère des généraux Pajol, Bruyère et Durosnel, et la division de grosse cavalerie du général Nansouty, triomphèrent de tous les efforts de l'ennemi. Le soir, à huit heures, nous entrâmes de vive force à Guttstadt. Un millier de prisonniers, la prise de toutes les positions en avant de Guttstadt et la déroute de l'infanterie ennemie, furent les suites de cette journée. Les régiments de cavalerie de la garde russe ont surtout été très maltraités.
JOURNÉE DU 10
Le 10, l'armée se dirigea sur Heilsberg. Elle enleva les divers camps de l'ennemi. Un quart de lieue au delà de ces camps, l'arrière-garde se montra en position. Elle avait 15 à 18,000 hommes de cavalerie et plusieurs lignes d'infanterie. Les cuirassiers de la division Espagne, la division de dragons Latour-Maubourg et les brigades de cavalerie légère entreprirent différentes charges et gagnèrent du terrain. A deux heures, le corps du maréchal Soult se trouva formé. Deux divisions marchèrent sur la droite, tandis que la division Legrand marchait sur la gauche pour s'emparer de la pointe d'un bois dont l'occupation était nécessaire afin d'appuyer la gauche de la cavalerie. Toute l'armée russe se trouvait alors à Heilsberg; elle alimenta ses colonnes d'infanterie et de cavalerie, et fit de nombreux efforts pour se maintenir dans ses positions en avant de cette ville. Plusieurs divisions russes furent mises en déroute, et, à neuf heures du soir, on se trouva sous les retranchements ennemis. Les fusiliers de la Garde, commandés par le général Savary, furent mis en mouvement pour soutenir la division Saint-Hilaire, et firent des prodiges. La division Verdier, du corps d'infanterie de réserve du maréchal Lannes, s'engagea, la nuit étant déjà tombée, et déborda l'ennemi afin de lui couper le chemin de Landsberg; elle réussit parfaitement. L'ardeur des troupes était telle, que plusieurs compagnies d'infanterie légère furent insulter les ouvrages retranchés des Russes. Quelques braves trouvèrent la mort dans les fossés des redoutes et au pied des palissades.
L'Empereur passa la journée du 11 sur le champ de bataille. Il y plaça les corps d'armée et les divisions pour donner une bataille qui fût décisive, et telle qu'elle pût mettre fin à la guerre. Toute l'armée russe était réunie. Elle avait à Heilsberg tous ses magasins. Elle occupait une superbe position que la nature avait rendue très-forte, et que l'ennemi avait encore fortifiée par un travail de quatre mois.
A quatre heures après midi, l'Empereur ordonna au maréchal Davout de faire un changement de front par son extrémité de droite, la gauche en avant. Ce mouvement le porta sur la basse Alle, et intercepta complètement le chemin d'Eylau. Chaque corps d'armée avait ses postes assignés; ils étaient tous réunis, hormis le 1er corps, qui continuait à manœuvrer sur la basse Passarge. Ainsi les Russes, qui avaient les premiers recommencé les hostilités, se trouvaient comme bloqués dans leur camp retranché; on venait leur présenter la bataille. dans la position qu'ils avaient eux-mêmes choisie. On crut longtemps qu'ils attaqueraient dans la journée du 11. Au moment où l'armée française faisait ses dispositions, ils se laissaient voir rangés en colonnes, au milieu de leurs retranchements farcis de canons.
Mais, soit que ces retranchements ne leur parussent pas assez formidables à l'aspect des préparatifs qu'ils voyaient faire devant eux, soit que cette impétuosité qu'avait montrée l'armée française dans la journée du 10 leur en imposât, ils commencèrent, à dix heures du soir, à passer sur la rive droite de l'Alle, abandonnant tous les pays de la gauche et laissant à la disposition du vainqueur leurs blessés, leurs magasins et ces retranchements, fruit d'un travail si long et si pénible.
Le 12, à la pointe du jour, tous les corps d'armée s'ébranlèrent et prirent différentes directions.
Les maisons de Heilsberg et celles des villages voisins sont remplies de blessés russes.
Le résultat de ces différentes journées, depuis le 5 jusqu'au 12, a été de priver l'armée russe d'environ 30,000 combattants. Elle a laissé dans nos mains 3 à 4,000 hommes, 7 ou 8 drapeaux et 9 pièces de canon. Au dire des paysans et des prisonniers, plusieurs des généraux russes, les plus marquants, ont été tués ou blessés.
Notre perte monte à 6 ou 700 hommes tués, 2,000 ou 2,200 blessés, et 2 ou 300 prisonniers. Le général de la division d'Espagne a été blessé. Le général Roussel, chef de l'état-major de la Garde, qui se trouvait au milieu des fusiliers, a eu la tête emportée par un boulet de canon. C'était un officier très-distingué.
Le grand-duc de Berg a eu deux chevaux tués sous lui. M. Ségur, un de ses aides de camp, a eu un bras emporté. M. Lameth, aide de camp du maréchal Soult, a été blessé. M. Lagrange, colonel du 7e régiment des chasseurs à cheval, a été atteint par une balle. Dans les rapports détaillés que rédigera l'état-major, on fera connaître les traits de bravoure par lesquels se sont signalés un grand nombre d'officiers et de soldats, et les noms de ceux qui ont été blessés dans la mémorable journée du 10 juin.
On a trouvé dans les magasins de Heilsberg plusieurs milliers de quintaux de farine et beaucoup de denrées de diverses sortes.
L'impuissance de l'armée russe, démontrée par la prise de Danzig, vient de l'être encore par l'évacuation du camp de Heilsberg; elle l'est par sa retraite; elle le sera d'une manière plus éclatante encore, si les Russes attendent l'armée française; mais, dans de si grandes armées, qui exigent vingt-quatre heures pour mettre tous les corps en position, on ne peut avoir que des affaires partielles, lorsque l'une d'elles n'est pas disposée à finir bravement la querelle dans une affaire générale.
Il parait que l'empereur Alexandre avait quitté son armée quelques jours avant la reprise des hostilités; plusieurs personnes prétendent que le parti anglais l'a éloigné pour qu'il ne fût pas témoin des malheurs qu'entraîne la guerre, et des désastres de son armée, prévus par ceux mêmes qui l'ont excité à rentrer en campagne. On a craint qu'un si déplorable spectacle ne lui rappelât les véritables intérêts de son pays, ne le fit revenir aux conseils des hommes sages et désintéressés, et ne le ramenât enfin, par les sentiments les plus propres à toucher un souverain, à repousser la funeste influence que la corruption anglaise exerce autour de lui.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807
ORDRE
Les gendarmes d'ordonnance iront faire une reconnaissance et pousseront, s'ils ne trouvent point d'obstacle, jusqu'à Legienen. Ils auront, soin de marcher avec précaution et de s'informer, avant tout, s'il y a eu des partis armés sur la route de Bartenstein à Eylau. Ils m'expédieront une ordonnance à Beisleiden. Ils feront fouiller Lehden, ils s'informeront de tous les mouvements de l'ennemi et m'expédieront encore une seconde ordonnance pour m'informer de tout ce qu'ils auront appris sur ce point. Ils m'en enverront une autre de Gross-Koerthen. Ils arrêteront et enverront au quartier général toutes les personnes qui seraient parties ce matin de Bartenstein ou de Schippenbeil, afin qu'elles soient interrogées avec soin.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 11heures du matin
Au grand-duc de Berg
Le maréchal Lannes avec son corps d'armée se porte sur Lampasch; toute sa cavalerie se portera sur Domnau; le maréchal, Davout sur Wittenberg; le maréchal Soult est parti à dix heures pour se porter sur Kreuzburg. Le ler corps est arrivé à Landsberg; les maréchaux Ney et Mortier vont arriver à Eylau, Poussez votre reconnaissance vivement. Si vous voyez moyen d'entrer à Koenigsberg, vous devez de préférence y faire entrer le maréchal Soult, parce que je préfère y entrer par ma gauche. Vous devez, en conséquence, instruire ce maréchal sur sa marche pour se porter dans cette ville. Dans ce cas, le maréchal Davout s'en approchera aussi le plus possible. Si l'armée.. ennemie arrivait aujourd'hui à Domnau, vous pourriez toujours pousser le maréchal Soult sur Koenigsberg, en plaçant le maréchal Davout, pour déborder la tête de l'armée ennemie, entre Domnau et Koenigs berg. Écrivez au maréchal Soult que, si l'ennemi marche effectivement sur Domnau, il devient bien important que le maréchal Soult s'assure de la ville de Brandenbourg, afin que je n'aie rien à craindre pour ma ligne de communication, que je prendrai par ma gauche. Si vous avez besoin de quelques compagnies de voltigeurs, mettez-vous le plus tôt possible en communication avec les maréchaux Davout, Soult et Lannes.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 11 heures et demie du matin
Au maréchal Soult
Mon Cousin , le grand-duc de Berg
s'est porté sur la Frisching. Le
maréchal Davout se dirige du même côté. Le maréchal Larmes se dirige sur
Domnau. J'attends à Eylau les maréchaux Ney, Mortier et le 1er corps. J'ai
donné ordre au grand-duc de Berg de vous prévenir que mon intention est
d'occuper Koenigsberg par l'extrémité de ma gauche, qui est formée par votre
corps d'armée. Je suppose que le corps prussien qui s'était réuni à Zinten a
repassé la Frisching, et que, si vous l'avez rencontré, vous en aurez eu bon
compte. Jusqu'à cette heure les mouvements de l'ennemi sont absolument indécis,
les indices feraient croire qu'ils veulent se réunir sur Domnau. Le grand-duc
de Berg vous instruira de tout ce qu'il apprendra. Si vous le pouvez, poussez
votre avant-garde au delà de la Frisching. S'il se vérifiait que l'ennemi se
réunit sur Domnau, il deviendrait bien important que vous fissiez occuper
Brandenburg, afin que, si ma droite était exposée, ma gauche se trouvât en
sûreté.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 3 heures après midi
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, la brigade Durosnel est entrée ce matin à Bartenstein. L'ennemi s'est retiré sur Schippenbeil. Le grand-duc de Berg était arrivé à deux heures à Wittenberg. Il me tarde d'apprendre ce qu'il y a de nouveau à Domnau. Si l'ennemi n'y est pas en force, établissez-y toute votre cavalerie, pour que, de là, elle fasse, avec la prudence convenable, des reconnaissances sur Friedland. Le grand-duc de Berg doit avoir des partis à Uderwangen. J'ai donné l'ordre à la brigade Durosnel et à la division Latour-Maubourg, qui sont à Bartenstein, de se porter à Domnau. Je désire même que tout votre corps d'armée prenne position à Domnau, en s'éclairant sur Friedland.
Je décachette ma lettre; le prince de Salm vient d'arriver; il m'instruit que votre cavalerie légère a son avant-garde à Georgenau. Donnez l'ordre qu'ils poussent des postes du côté de Schoenbruch, sur le chemin de Schippenbeil.
Si l'on pouvait s'emparer de Friedland, situé sur la rive gauche de l'Alle, on prendrait beaucoup de magasins à l'ennemi. Portez sans retard votre corps d'armée à Domnau.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 4 heures après midi
Au grand-duc de Berg
La cavalerie légère du maréchal Lannes a passé Domnau et est arrivée à Georgenau, où elle a rencontré quelques postes ennemis, cosaques ou hussards, ce qui suppose que le gros de l'armée ennemie n'était pas encore arrivé à Friedland. Tout porte donc à penser que l'ennemi n'est plus en mesure. Envoyez des partis sur la Pregel pour y rassembler des bateaux, afin d'avoir des moyens de passer cette rivière, si jamais on se défendait à la tête de pont de Koenigsberg.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 9 heures du soir
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, mon officier d'ordonnance arrive à l'instant. Il ne me donne pas assez de renseignements pour me faire connaître si c'est l'armée ennemie qui débouche par Friedland, ou seulement un parti. Dans tous les cas, la division Grouchy est en marche, et ce général, de sa personne, se rend sur-le-champ auprès de vous pour commander votre cavalerie. Le maréchal Mortier envoie aussi sa cavalerie pour appuyer la vôtre et se met en mouvement avec son corps d'armée. Selon les nouvelles que je recevrai, je ferai partir, à une heure du matin, le maréchal Ney pour vous soutenir.
Le grand-duc de Berg est aux portes de Koenigsberg; on entend une vive canonnade contre le corps du général l'Estocq; il paraît que le maréchal Soult a atteint, à Kreuzburg, l'arrière-garde de l'Estocq; la fusillade et la canonnade n'ont duré qu'une demi-heure; ce qui fait supposer que cette arrière-garde a été culbutée. Le grand-duc n'attendait que de savoir que Domnau n'était pas occupé par l'ennemi, pour marcher avec l'infanterie sur Koenigsberg.
Le maréchal Davout est sur la Frisching. J'attends à chaque instant de nouveaux détails.
Si, par les renseignements que vous aurez obtenus de vos prisonniers, vous avez été certain que l'ennemi n'était pas en force, je suppose que vous serez entré à Friedland et que vous vous serez rendu maître de ce poste important.
Le 1er corps sera à Domnau, s'il est nécessaire, demain avant dix heures du matin. Ecrivez-moi toutes les deux heures i envoyez-moi l'interrogatoire des prisonniers, et, si vous êtes à Fried- land, envoyez-moi le bailli, avec beaucoup de renseignements.
Preussich-Eylau, 13 juin 1807, 10 heures du soir
Au maréchal Soult
Mon Cousin, je vous ai écrit ce matin, à onze heures du matin. On a entendu une canonnade à Kreuzburg; j'imagine que vous avez eu le bonheur d'atteindre l'Estocq. Vous aurez déjà eu des nouvelles du grand-duc de Berg; il était à six heures de l'après-midi au delà de la Frisching, à Gollau; le maréchal Davout est sur la Frisching; le maréchal Lannes est à Friedland ; les maréchaux Ney et Mortier marchent sur Domnau; le ler corps est allé à Eylau.
Faites entrer vos troupes le plus tôt possible dans Kcenigsberg, et emparez-vous de cette ville.
La perte de l'ennemi a été immense dans les dernières affaires. Nous avons trouvé à Friedland douze généraux russes grièvement blessés. Tous les villages et villes sont remplis de blessés. L'ennemi a évacué Bartenstein à cinq heures du matin; il a annoncé sa retraite sur Schippenbeil, et probablement sur la Pregel. Toutes les lettres interceptées de Koenigsberg y montrent une grande désolation, tout le monde en fuite, et aucuns préparatifs de défense établis.
Je suis impatient d'avoir de vos nouvelles. Je m'attends que demain, avant midi, vous serez dans Koenigsberg. Je m'en rapporte d'ailleurs à votre zèle et à votre prudence.
Preussich-Eylau, 14 juin 1807, 3 heures et demie du matin
Au grand-duc de Berg
Le maréchal Soult se met en mouvement à quatre heures du matin, pour se porter droit sur Koenigsberg. Il est tout simple que l'ennemi ait mis toutes ses pièces de canon en batterie. Il est fâcheux qu'il n'ait pas été jeté dans la place dès hier; une grande quantité de bagages et bon nombre de pièces et de troupes n'auraient pas pu joindre et seraient venues tomber en notre pouvoir. Toute cette artillerie aura sans doute filé pendant la nuit. S'il en est autrement, elle doit être entre vos mains. Il ne faut pas s'amuser à des attaques de front, mais tourner les positions de l'ennemi et marcher sur Koenigsberg. La division Morand s'est mise en marche hier soir à six heures, et a dû rejoindre le maréchal Davout. Il n'y a pas un moment à perdre pour entrer dans la ville. La Pregel n'est pas large; si l'ennemi a mis un grand nombre de pièces sur les remparts et expose ainsi la ville à être prise d'assaut, il faut, pendant qu'on rassemblera les bateaux et autres moyens de passer, faire sommer la place et exposer les malheurs auxquels on va livrer cette grande cité. Je suppose qu'avant onze heures du matin vous m'aurez appris que mes troupes sont à Koenigsberg. Il faut que des partis de cavalerie se dirigent sur-le-champ sur toutes les routes à la poursuite de l'ennemi. On pourra employer le maréchal Soult tout entier et du maréchal Davout seulement ce qui sera nécessaire. Il faut envoyer aussi de la cavalerie sur toutes les routes en arrière, pour ramasser les traîneurs et s'emparer de tous les magasins, hôpitaux et établissements de l'ennerni, aussi bien que pour assurer ces routes.
Au bivouac en arrière de Posthenen, 14 juin 1807
ORDRES
Le maréchal Ney prendra la droite, depuis Posthenen jusque vers Sortlack, et il appuiera à la position actuelle du général Oudinot. Le maréchal Lannes fera le centre, qui commencera à la gauche du maréchal Ney, depuis Heinrichsdorf, jusqu'à peu près vis-à-vis le village de Posthenen. Les grenadiers d'Oudinot, qui forment actuellement la droite du maréchal Lannes, appuieront insensiblement à gauche, pour attirer sur eux l'attention de l'ennemi. Le maréchal Lannes reploiera ses divisions autant qu'il le pourra, et, par ce ploiement, il aura la facilité de se placer sur deux lignes. La gauche sera formée par le maréchal Mortier, tenant Heinrichsdorf et la route de Koenigsberg, et de là s'étendant en face de l'aile droite des Russes. Le maréchal Mortier n'avancera jamais, le mouvement devant être fait par notre droite, qui pivotera sur la gauche.
La cavalerie du général Espagne et les dragons du général Grouchy, réunis à la cavalerie de l'aile gauche, manœuvreront pour faire le plus de mal possible à l'ennemi, lorsque celui-ci, pressé par l'attaque vigoureuse de notre droite, sentira la nécessité de battre en retraite.
Le général Victor et la Garde impériale à pied et à cheval formeront la réserve et seront placés à Grünhof, Bothkeim et derrière Posthenen.
La division des dragons Lahoussaye sera sous les ordres du général Victor; celle des dragons Latour-Maubourg obéira au maréchal Ney; la division de grosse cavalerie du général Nansouty sera à disposition du maréchal Lannes, et combattra avec la cavalerie du corps d'armée de réserve, au centre.
Je me trouverai à la réserve.
On doit toujours avancer par la droite, et on doit laisser l'initiative du mouvement au maréchal Ney, qui attendra mes ordres pour commencer.
Du moment que la droite se portera sur l'ennemi , tous les canons de la ligne devront doubler leur feu dans la direction utile, pour protéger l'attaque de cette aile.
Friedland, 15 juin 1807
ORDRE
M. Labiffe, officier d'ordonnance, se portera, avec le régiment polonais à cheval, de Friedland sur Gerdauen, après s'être assuré que l'ennemi a entièrement évacué Schippenbeil. Il enverra, toutes les heures, à l'Empereur les nouvelles qu'il aura recueillies.
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Il ramassera tous les hommes isolés, tous les blessés, tous les convois qu'il rencontrera, et les dirigera sur Friedland.