11 - 14 Mars 1807
Osterode, 11 mars 1807, 2 heures du matin
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 8 mars à cinq heures après midi. Puisque la Porte ne veut pas de troupes à Constantinople , ni par la Bosnie, vous pouvez assurer l'ambassadeur qu'il n'en sera plus question. Quant aux officiers qu'il demande, il faut qu'il spécifie leur nombre, leur grade, leur arme, et qu'il me fasse une demande positive et détaillée. De même pour l'ambassadeur de Perse; qu'il fasse connaître le nombre, le grade, l'arme et la manière dont ils seront traités.
Je vous ai envoyé hier une lettre pour le maréchal Masséna. J'imagine qu'il sera parti pour son corps d'armée, où sa présence est importante.
Osterode, 11 mars 1807, 2 heures du matin
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, j'ai reçu votre lettre du 8. Continuez à remplir à Varsovie les mêmes fonctions que vous avez remplie jusqu'à cette heure. Faites évacuer sur Breslau les malades de vos hôpitaux, surtout ceux dont les blessures les mettront hors de service.
Il y a à Varsovie près de 4,000 hommes des différents dépôts : voyez-les tous les deux jours; faites-les bien nourrir, faites-les habiller et armer, et distribuez-leur des capotes; et, à mesure qu'il y a 6,000 hommes bien en état, appartenant aux 1er, 3e, 4e et 6e corps, formez-en un petit bataillon provisoire et faites-le partir en ordre et militairement pour Osterode. C'est ainsi que vous avez fait passer deux détachements qui sont arrivés ici en bon état.
Faites-moi connaître s'il continue à arriver des hommes isolés ou en détachements, appartenant à d'autres corps qu'au 5e. J'avais bien ordonné qu'on les retint tous à Posen. Rendez-moi compte de la situation de Praga et de Sierock. Tout ce que vous avez d'hommes malingres et qui ne pourront pas rejoindre l'armée, tâchez de vous arranger de manière à en former deux ou trois bataillons, pour vous porter au pont de Praga ou sur le Bug. Continuez à porter une inspection sur la légion polonaise. J'ai ordonné que tout ce qu'il y a de cette légion, armé et habillé, se rendit à Neidenburg, où je compte réunir un corps de 12 à 15,000 Polonais. Il s'agit à présent de faire armer et habiller, pour vous en servir pour la défense de Praga ou de Sierock, les autres bataillons. Faites-moi connaître combien il en est parti, ce qui est armé et habillé, et quand on pourra s'en servir. Maintenez la manutention en activité, et envoyez-moi l'état de ce qu'on y a fabriqué en pain et en biscuit. Faites ramasser des bateaux (il en existe sur le Bug et sur la Vistule, du côté de Zakroczym et de Plock), car il serait bien heureux de nous faire arriver ici le pain et le biscuit qui existent actuellement à Varsovie. Dirigez aussi sur Osterode 3 ou 4,000 quintaux de farine et une certaine quantité d'eau-de-vie.
Ordonnez qu'on continue toujours la fabrication du biscuit; faites-en aussi transporter, par toutes les voitures qu'on pourra trouver, sur Osterode et Thorn.
Écrivez-moi toutes les nouvelles que vous avez , soit du 5e corps, soit du corps d'Essen , soit des bruits de Varsovie ; que j'aie de vous une longue lettre tous les jours.
Il n'y a ici rien autre chose de nouveau. Ce qui nous gêne toujours beaucoup, ce sont les subsistances. Veillez à ce qu'il ne reste point d'hommes inutiles à Varsovie, et que tout le monde soit à son poste. Faites-moi connaître si tous les petits dépôts de cavalerie se sont dirigés du côté de Thorn. Il ne doit plus rien y avoir aux dépôts de Lowicz, de Lenczyca; faites voir à cela.
Osterode, 11 mars 1807
A l'Impératrice
Mon amie, je reçois ta lettre du 27; j'y vois avec peine que tu es malade; prends du courage. Ma santé est bonne, mes affaires vont bien. J'attends la belle saison, qui ne doit pas tarder à venir. Je t'aime et te veux savoir contente et gaie.
L'on dira beaucoup de bêtises sur la bataille d'Eylau; le bulletin dit tout : les pertes y sont plutôt exagérées qu'amoindries.
Tout à toi.
Osterode, 11 mars 1807
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 20 février. L'escadre anglaise est devant Constantinople. Je reçois des nouvelles du 10 février, qui porte que l'ambassadeur d'Angleterre a quitté Constantinople. Nous verrons à présent comment tout ceci tournera.
Osterode, 11 mars 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois vos lettres du 27 et du 28 février. L relevés faits, il en résulte que la perte que nous avons éprouvée à bataille d'Eylau, telle qu'elle est portée dans le bulletin, est plus exagérée qu'atténuée. Elle se trouve être de 3,000 blessés et 1,500 morts.
Si vous êtes fondé à penser que la récolte est mauvaise, il faut interdire toute sortie de grains. Dites à M. de Champagny que j'ai fait des fonds pour un double approvisionnement, et que je suis fondé à penser que ce double approvisionnement existe.
Osterode, 11 mars 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, votre état du 8 mars ne fait monter le nombre des blessés entrés aux hôpitaux de Thorn qu'à 4,600. Cela est peu de chose, il devait y en avoir davantage; j'avais calculé sur 7 à 8,000 blessés. Cependant, du jour de la bataille au 8 mars, il y avait un mois, et tous les blessés devaient être arrivés. Je désire que vous me fassiez un rapport détaillé et positif sur cet objet, afin de le faire imprimer, pour détromper ceux qui croient qu'il y a eu un nombre considérable de blessés. Le nombre de blessés doit être même plus considérable que ne le porte votre état, si on y comprend ceux du combat de Mohrungen, gagné par le prince de Ponte-Corvo, et des autres combats qui ont précédé la bataille.
Faites donner à M. Belleville 12,000 francs. Faites-moi connaître ce que vous pensez qu'on doit faire pour les intendants généraux.
Osterode, 11 mars 1807
Au général Duroc, à Thorn
Le 9e de hussards fait partie du corps du général Oudinot; ainsi les détachements doivent être envoyés à Culm.
Par un état que m'envoie l'intendant, il résulterait qu'il ne serait passé à Thorn que 4,500 blessés. J'avais calculé sur un nombre beaucoup plus grand, et il y a les blessés des combats de Mohrungen. Indépendamment, il y a des malades et des blessés de Hesse-Darmstadt, qui ne doivent pas compter. Ainsi, selon M. Daru, je n'aurais pas eu plus de 3,000 blessés à la bataille d7Eylau.
Je suis content de l'ambassadeur d'Espagne à Constantinople; Sebastiani s'en loue infiniment. Ce pays est actuellement dans une espèce de crise. L'escadre anglaise a dit se porter dans ces parages.
On avait exagéré, comme cela arrive toujours, le mouvement des Cosaques sur nos derrières. Ils n'ont pas dépassé Willenberg, et à l'heure qu'il est, le grand-duc de Berg les enveloppe avec 6,000 chevaux. J'ai aussi ordonné au maréchal Masséna de placer dans cette ville, qui est la clef de l'Omulew, la division Gazan.
Osterode, 11 mars 1807
Au général Clarke, à Berlin
Le rapport du colonel Aubert m'a fait rire. Il en faut conclure que cet officier, s'étant trouvé à un feu beaucoup trop vif, a perdu la tête; c'est dans ce sens qu'il faut en parler à M. de Bray. La bataille d'Eylau a été gagnée à quatre heures après midi, lorsque le maréchal Davout a donné en plein. J'ai été un peu exposé à la canonnade; mais cela était nécessaire. Il est possible que, pour une personne qui ne connaissait pas ce qui se passait, l'affaire parût compromise; mais moi, qui attendais mes colonnes, je ne pouvais être peiné que de la demi-heure de neige qui a eu lieu. Quant aux 15,000 Français, qui ont pris la fuite, c'est une horrible calomnie; quelques traînards et les équipages ont pris la fuite, parce qu'on a crié qu'ils étaient chargés par des Cosaques; cela a fait un embarras de 8 à 900 chevaux de main. Le colonel y a vu la fuite de 15,000 hommes. Le fait est que j'ai exagéré. mes pertes dans mon bulletin, et qu'on mande de Thorn que j'ai 4 à 4,500 blessés. Si ce colonel avait été Marengo, à Rivoli et à vingt autres batailles que j'ai données, il comprendrait qu'aller au feu et encourager ses troupes par sa présence ce n'est pas croire tout perdu. D'ailleurs, ceci est un tissu de mensonges; il fallait que cet officier n'y fût pas, car je n'ai pas été à pied un instant de la bataille. Il faut que M. de Bray parle dans ce sens, et que M. de Montgelas tire au clair toutes les sottises de ce colonel, qui, du reste, est connu depuis longtemps pour un pauvre sujet.
Osterode, 11 mars, 11 heures du matin
Au maréchal Davout
Mon Cousin, je vous prie de m'envoyer l'état de vos cantonnements. Je ne pense pas que le grand-duc de Berg ait besoin de la division du général Morand, puisqu'il parait certain qu'il n'y a à Willenberg qu' une simple division du corps d'Essen; et il serait très-malheureux que, sans une nécessité absolue, la division Morand s'éloignât votre corps d'armée. Tenez un officier à Guttstadt pour être promptement informé de ce qui se passe; et, comme vous êtes placé le plus à portée, si vous entendez le canon, prévenez-m'en sur-le-champ.
Osterode, 11 mars 1807
Au maréchal Davout
Je reçois votre lettre du 11 mars. Il faut d'abord que vos troupes aient régulièrement ration complète de pain et de viande, et de l'eau-de-vie tous les deux jours. En supposant 20,000 rations, il faut chercher à vous procurer 100,000 rations du pays; il y a du blé, des moulins et des fours; je vous en ferai donner 8,000 d'Osterode. Vous pourriez tirer quelque chose de Plock. Je voudrais savoir si cet arrangement vous convient. Je désire qu'enfin le soldat ait ration complète. Vous aurez 8,000 rations d'Osterode, mais il serait mieux qu'il vous en fallût moins. Il faut que vous envoyiez chercher ces rations. Quant à l'eau-de-vie, on vous en fournira tous les jours 10,000 rations.
Quant à l'ennemi, il paraît qu'il ne veut rien faire. Moi, je veux organiser mes vivres. C'est jouer à la loterie que de faire quelque chose en mars et en avril. Si, avec 8,000 rations qu'on vous enverrait d'Osterode, vos soldats avaient ration complète, j'éprouverais une grande satisfaction. Il faut à Allenstein faire faire des fours et rassurer les habitants.
Douze régiments provisoires sont en marche; quatre arriveront avant dix jours. Il y a des détachements de tous les corps. Le 17e et le 2le ne tarderont pas à recevoir leurs 3e bataillons forts de 1,000 hommes. Mais il faut rétablir la discipline. Mettez votre gendarmerie sur les derrières, afin que des hommes, sous prétexte d'être malades, ne passent pas la Vistule.
Faites-moi connaître, ces jours-ci, votre situation. Avez-vous eu des vivres pour le 11, en avez-vous pour le 12, en avez-vous pour le 13 ? Je viens d'ordonner aujourd'hui qu'on vous en envoie 9,000 rations.
Je ne vois pas d'inconvénient que vous portiez, le 14, votre quartier général à Allenstein. Vous y aurez l'avantage d'être mieux instruit de ce que fait l'ennemi et de ce qui se passe sur l'Alle. Mais, comme demain Soult et Ney rentrent dans leurs cantonnements, il faut avoir l'œil sur ce que fait l'ennemi.
Reposez votre cavalerie légère; ne lui faites pas faire de reconnaissances et de courses inutiles. Le moyen que vous employez est le véritable : c'est, tous les jours, d'envoyer chercher des baillis à une lieue. Je préférerais donc qu'au lieu de reconnaissances, qui sont souvent ramenées , on fit partir tous les deux jours 200 on 150 hommes sans porte-manteaux, avec une compagnie de voltigeurs en croupe qui iraient prendre des baillis. Il n'y aurait aucune chance à courir; au contraire, on rosserait les Cosaques. Il paraît aujourd'hui prouvé qu'ils ne sont jamais dans un moindre nombre que 150 hommes.
Osterode, 11 mars 1807
Au général Rapp, à Thorn
Il n'y a plus, je crois, aucune inquiétude à avoir des Cosaques. 10,000 Polonais commandés par le général Zajonchek se réunissent à Neidenburg. Le grand-duc de Berg a tourné la position de Willenberg qu'occupaient les Cosaques, et j'espère qu'à l'heure qu'il en a fait une sévère justice.
Le 9e de hussards fait partie du corps d'Oudinot.
Les officiers du génie ont de l'argent et doivent exactement les travailleurs. Tâchez d'avoir des nouvelles de Kolberg et de ce que fait là le général Teulié. A-t-il cerné cette place ?
Vous donnerez un jour de séjour aux fusiliers de la Garde; vous en passerez la revue; vous me ferez connaître leur situation après cela, vous les ferez partir pour Osterode.
Écrivez au commandant du dépôt de Culm de faire partir les hommes en état de faire la guerre, en les dirigeant sur Osterode, mais en les faisant partir par détachements de 3 à 400 hommes marchant en règle, et qu'il en envoie l'état au major général pour que, d'Osterode, on puisse diriger ces détachements sur les lieux où doivent se trouver leurs divisions.
Osterode, 11 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je ne vois pas d'inconvénient que le général Sebastiani reçoive l'ordre du Croissant, mais sans y mettre d'importance et comme une chose agréable à la Porte, de même que la maison de campagne que la Porte veut donner, mais cela éclat.
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Je vous envoie deux lettres qui me paraissent d'une date assez vieille. Faites-moi connaître ce qu'elles contiennent. Faites mettre dans le journal de Varsovie le succès des Turcs contre les Russes, ainsi que la prise qu'on dit qu'ils ont faite de deux bâtiments russes dans les Dardanelles.
Osterode , 11 mars 1807, 11 heures du soir
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, un millier d'hommes de cavalerie s'était porté à Willenberg. Des Cosaques s'étaient jetés sur différents points. Ils avaient fait accroire à tous les habitants qu'ils avaient 12,000 hommes d'infanterie. Les Russes ont un grand art pour vanter leurs forces. Le grand-duc de Berg s'y est porté. Le prince Borghèse à la tête de son régiment et culbuté six escadrons qui voulaient défendre Willenberg, leur a tué beaucoup d'hommes et leur a fait une centaine de prisonniers, parmi lesquels deux capitaines et d'autres officiers. Vous pouvez faire mettre ce petit événement dans les journaux de Varsovie, surtout à cause du prince Borghèse. Il n'y a rien de nouveau. Faites continuer à nous envoyer des subsistances par la route directe de Varsovie, qui va être d'autant plus sûre que je viens de faire occuper Willenberg par la division Gazan, et Weidenburg par les régiments polonais. Voyez à nous procurer du riz; il faudrait en faire acheter à quelque prix que ce soit.
Osterode, 11 mars 1807, 11 heures du soir
Au maréchal Soult
Mon Cousin, le maréchal Ney prend demain ses cantonnements. Ne reprenez pas les vôtres, et ne repassez la Passarge que lorsque vous serez certain qu'il aura pris les siens. Que la division des cuirassiers et la division Klein soient en position de déboucher par Elditten pour soutenir la gauche du maréchal Ney. Il ne peut être attaqué que par là. Si l'ennemi jetait de la cavalerie sur sa gauche, il serait très-bien que vous fissiez déboucher ces 3,000 chevaux pour le soutenir.
J'ai fait réunir à Willenberg la division Gazan et la division Beker. J'ai réuni 10,000 Polonais à pied et à cheval à Neidenburg. La division Suchet et 10,000 Bavarois couvrent Ostrolenka et Pultusk. Le grand-duc de Berg, à une lieue de Willenberg, a encore eu le renseignement qu'il y avait là 12,000 hommes d'infanterie, tant est grand l'art des Russes pour exagérer leur nombre et tromper sur leurs mouvements. Arrivé à Willenberg, il a fait charger le prince Borghèse, qui a fait prisonniers une centaine d'hommes, deux capitaines et six autres officiers. Arrivé à Willenberg, il a été prouvé qu'il n'y avait jamais eu plus de 600 hommes de cavalerie et un millier de Cosaques, qui s'étaient éparpillés dans les campagnes.
Le grand-duc de Berg est aujourd'hui, avec 6,000 hommes de cavalerie et le général Oudinot, à Passeuheim, et fouille la rive droite de l'Alle; il espère encore faire quelque mal de détail à l'ennemi.
Je vous laisse le maître de camper. Dans ce cas, je désire que vous campiez par division, chaque division en bataillon carré, savoir trois régiments de front et deux dans l'épaisseur, la baraque du général au milieu, ainsi que le parc. En plaçant ces trois camps dans de belles positions, on finirait par les couvrir de redoutes et
retrancher. Une fois rentré dans nos cantonnements, si, comme je n'en doute pas, l'ennemi reste tranquille, je vous recommande de reposer vos deux divisions de grosse cavalerie, surtout la divis Klein, qui a beaucoup souffert à Freimarkt. Veillez à ce qu'on ne donne pas les billets d'hôpital si légèrement; il faut qu'ils soi signés du colonel. J'ai mis des gendarmes sur tous les points, et il y en a qui déclarent tous les jours 150 billets d'hôpital.
Il faut aussi faire des distributions complètes et régulières; Marienwerder ne fournit qu'à vous. Elbing doit vous fournir de 10, 000 rations par jour. Le pays doit vous fournir aussi de grandes ressources.
Dites et faites dire à l'ennemi que le général Oudinot, avec 18,000 grenadiers, nous a rejoints à Osterode; que le prince royal de Bavière, avec 20,000 hommes, a rejoint l'armée; que dix régiments sont aussi venus nous renforcer; qu'en causant les soldats disent cela à l'ennemi.
Osterode, 11 mars 1807, 11 heures du soir
Au maréchal Davout
Mon Cousin, je reçois au moment même des nouvelles du grand duc de Berg. Il est entré hier à Willenberg; il a culbuté six escadrons de cavalerie ennemie qui voulaient défendre la ville; il a fait une centaine de prisonniers et pris quelques officiers. Il s'est mis en marche pour Passenheim, où il est aujourd'hui avec le général Oudinot. Il est donc convenable que la division Gudin prenne ses cantonnements, de manière à se refaire et à se reposer en se conformant à l'instruction que j'ai donnée. La division Gazan va occuper Willenberg avec la division Beker. Le corps d'observation polonais de Zajanchek occupe Weidenburg. Il est déjà de 4,000 hommes d'infanterie et de 1,000 chevaux; il sera bientôt de 2,000 chevaux et de 8,000 hommes.
Osterode, 12 mars 1807, 6 heures du matin.
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 9 à six heures du soir, dans laquelle vous me parlez de l'insurrection du côté de Kaminietz. Vous ne me faites pas assez connaître si, pour qu'ils s'insurgent, il faut qu'un corps de Français y aille, ou s'ils le peuvent avant qu'un corps de Français y arrive.
Osterode, 12 mars 1807
A M. Cambacérès
Mon, Cousin, j'ai reçu votre lettre du 1er mars. Il n'y a rien de nouveau. Les jours commencent à grandir et le soleil à paraître. Berthier prétend qu'il n'a pas mis dans sa lettre que nous serions le lendemain à Königsberg, et qu'on a eu tort de mettre cela dans le Moniteur. C'est une chose bien singulière que, lorsque je préviens de ne rien imprimer que le bulletin ne soit arrivé, je ne puisse pas être obéi. Il était tout simple de dire qu'il y avait de bonnes nouvelles. Puisque je ne donnais aucun détail, c'est que j'avais mes raisons. Il n'a jamais été dans mes projets d'entrer dans Königsberg.
Osterode, 12 mars 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 1er mars. Il y a beaucoup à rabattre de ce qu'on dit dans les lettres particulières. L'exagération est une chose qui plaît à l'esprit humain.
Osterode, 12 mars 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, la route par Zakroczym et Soldau est aujourd'hui plus sûre que jamais. Faites-nous expédier les 300,000 rations de biscuit qui sont à Varsovie, sur des voitures de rouliers ou toutes autres voitures; voyez le gouvernement; c'est là l'objet le plus pressant. Avec de l'intelligence, du zèle, et même un peu d'argent, vous devez pouvoir nous expédier 50,000 rations de biscuit par jour. Ayez soin qu'il soit embarillé (sic). Qu'on continue à faire 20 à 30,000 rations par jour à Varsovie. Expédiez-nous tous les jours 3,000 pintes d'eau-de-vie. Dans la position d'Osterode, nous avons presque aussi près de Varsovie que de Thorn, puisqu'il faut six jours pour venir de Varsovie, et presque autant pour venir de Thorn. Il y a à Pultusk plus de blé que les moulins n'en peuvent moudre; faites-le expédier sur Thorn. Expédiez-nous aussi 6,000 quintaux de farine, par eau, sur Thorn; mais le biscuit, expédiez-le tout par terre. Ma position ici est excellente, militairement parlant, elle est mauvaise quand je n'ai pas de vivres.
J'écris au prince de Bénévent; voyez ce ministre et l'ordonnateur pour qu'on me fasse des marchés, n'importe à quels prix. Il faudrait m'expédier par jour 4 ou 5,000 livres pesant de riz par terre, et autant par eau.
Je vous recommande tous ces objets.
Il ne faut pas que l'artillerie prenne les transports, elle a ses propres moyens; tous ceux du pays doivent être pour les vivres, c'est mon intention.
Veillez à ce qu'il y ait constamment à Praga de la farine pour 100,000 ou 200,000 rations de pain. Il faut aussi qu'on a1imente Sierock, Pultusk, Przasnysz, Makow et Willenberg, de manière qu'il y ait toujours pour dix jours de consommation au 5e corps, à Pulstusk et dans ces trois manutentions. Il faut que ces envois soient renouvelés tous les jours, à mesure des consommations.
Osterode, 12 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, voyez, je vous prie, le gouvernement. Faites-lui comprendre que la question aujourd'hui est moins une question militaire qu'une question de vivres, et qu'il faut qu'il use de tous ses moyens et qu'il excite le zèle et le patriotisme. J'écris à Lemarois ce dont j'ai besoin. Il faut s'occuper des transports et de me procurer ce que je demande. Je ne me refuse pas à payer. Le gouvernement doit envoyer un de ses membres à Plock, car ce district serait le plus malheureux, si j'étais obligé de repasser la Vistule. L'argent ne me manque pas, et je le compte pour rien, pourvu que les vivres m'arrivent et que mon armée soit nourrie.
Faites passer la lettre ci-jointe au prince Jérôme.
Quant aux moyens de transport, l'artillerie en prend beaucoup, et c'est à tort; elle a ses moyens, et les vivres doivent passer avant tout. Je vous donne toute l'autorité nécessaire pour autoriser l'ordonnateur à faire les marchés sans aller chercher l'intendant, ce qui mettrait du retard. Vous me donnerez avis de ce qui sera fait, et je ferai mettre l'argent à sa disposition.
Osterode, 12 mars 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, prenez toutes les mesures nécessaires pour m'expédier sans délai sur Thorn 100,000 pintes d'eau-de-vie, 6,000 quintaux de farine et 3,000 bœufs. Occupez-vous vous-même de cet objet, le plus important de tous. Mettez en première ligne l'eau-de-vie, car c'est de l'eau-de-vie de vin, et c'est inappréciable. Faites-moi connaître tous les jours ce que vous aurez fait.
Osterode, 12 mars 1807
Au prince royal de Bavière
Mon intention est que votre division soit composée de trois brigades d'infanterie et d'une de cavalerie : la 1e brigade composée des 2e et 3e de ligne et du 4e bataillon d'infanterie légère; la 2e brigade, des 7e et 13e de ligne et du 3e bataillon d'infanterie légère; la 3e brigade, des 4e et 14e de ligne et du bataillon de chasseurs de Braun. Chacune de ces brigades doit avoir six pièces d'artillerie. La brigade de cavalerie sera composée de deux régiments. Il serait bien important que, pour commander sous vos ordres ce beau corps, vous eussiez le général Wrede. S'il y a impossibilité que le général Wrede vienne, faites-le-moi connaître, parce que j'appellerais le général Deroy. Je laisse le reste en Silésie. Envoyez-moi des notes sur chacun de ces régiments, afin que je connaisse les meilleurs et ceux sur lesquels on peut le plus compter.
Faites-moi connaître aussi s'il y a, à cette division, des adjudants généraux, les officiers d'artillerie nécessaires, combien de caissons pour l'artillerie, pour les subsistances, et si les troupes ont leurs marmites et bidons.
Osterode, 12 mars 1807
Au grand-duc de Berg, à Wartenburg
Vous aurez reçu la réponse à votre lettre, que je vous ai fait transmettre par le major général. Il paraît qu'il résulte de votre mouvement que l'ennemi n'a jamais eu d'infanterie à Willenberg; que la cavalerie qui y était venue était du corps d'Essen. Votre marche sur Wartenburg vous instruira si l'ennemi a eu de l'infanterie à Seeburg et à Bischofsburg. Ayant ainsi éclairé la position de l'ennemi sur la rive droite, il faut rentrer dans les cantonnements, de manière à ne pas perdre un homme. Or, l'infanterie aura beaucoup de traînards, ainsi que la cavalerie, et cela sera pris par les Cosaques qui ne tarderont pas à revenir sur vos traces. S'il n'y a pas d'événement extraordinaire, il n'y a pas d'inconvénient que vous restiez à Wartenburg la journée de demain 13, pour faire rentrer tout votre monde et avoir des renseignements plus précis; après cela, que tout rentre par Allenstein pour reprendre ses cantonnements. Les maréchaux Ney et Soult sont entrés dans leurs cantonnements. De part et d'autre il parait qu'on veut rester tranquille et attendre une meilleure saison. Je n'ai pas besoin de vous recommander de faire rentrer tout, à très-petites marches. J'ai vu avec bien de la peine l'événement arrivé au 9e de dragons. Pourquoi donc tant éparpiller ses troupes ? Si on laissait ensemble une partie de 5 à 600 chevaux, cela n'arriverait pas. Je désire avoir un détail sur cette affaire. Vous ne me faites pas connaître de quel régiment sont les prisonniers que vous avez faits. S'il y a près de vous quelque parti ennemi auquel vous puissiez faire un mauvais tour, ne manquez pas de le faire.
Osterode, 12 mars 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 8 mars. J'ai retiré des troupes de la Silésie pour en renforcer l'armée, parce que j'ai cru qu'il vaut mieux avoir 10,000 hommes de plus un jour de bataille que Neisse et Kosel Ce qui doit faire sensation à Berlin., c'est que j'ai ordonné la démolition des places de Breslau, Schweidnitz et Brieg, et que je ne conserve que la seule place de Glogau, ce qui tient à des calculs militaires. Du reste, il y aura toujours en Silésie 15 ou 16,000 hommes pour contenir la province.
Osterode, 12 mars 1807
Au général Clarke
Le ler février j'ai fait donner l'ordre au général Loison de se rendre à Stettin, pour prendre le commandement du siège de Kolberg, car vous sentez qu'il est ridicule de confier au général Teulié, qui a peu fait la guerre, un commandement en chef.
Faites-moi connaître si le général Loison a reçu cet ordre. S'il ne l'a point reçu , c'est que la dépêche aura été interceptée. Écrivez-lui qu'il se rende sans délai devant Kolberg.
J'ai chargé le maréchal Mortier de la défense de toutes les côtes, depuis Rostock jusques et y compris le blocus de Kolberg. Il doit donc prendre ses précautions en conséquence. Je lui avais dit d'envoyer le général Grandjean pour commander le blocus de Kolberg. Écrivez-lui que cela doit être jusqu'à ce qu'arrive le général Loison.
Osterode, 12 mars 1807
Au général Clarke
Écrivez au maréchal Brune que je lui ai envoyé l'ordre de faire partir 3,000 hommes pour Stralsund, parce que j'ai retiré 3,000 hommes du corps du maréchal Mortier pour renforcer l'armée, et faites-lui dire que je vous ai chargé de lui écrire cela, dans la crainte que mon ordre ne lui soit pas parvenu.
Écrivez au commandant de Hameln que j'ai donné l'ordre de garder 3,000 hommes pour la garde de la place et des forts, et qu'il dirige le reste sur Stralsund. Envoyez ces dispositions an maréchal Mortier, et faites-lui connaître que je lui ai fait donner l'ordre de m'envoyer le 12e léger sur Marienwerder. Faites-lui comprendre que ce mouvement est un mouvement de la gauche à la droite. Le coup frappé, ce mouvement retournera de la droite sur la gauche. Je n'ai pas besoin de vous en dire davantage; ces deux mots doivent vous servir de règle de conduite. Faites filer les 19e, 3le légers, le régiment de Paris, tout ce qui vous arrive, sur Marienwerder par le plus court chemin; également, que de Potsdam on dirige tous les hommes de cavalerie disponibles sur la même direction. A toutes les objections, dites que c'est un mouvement de la gauche à la droite, qui ensuite refluera de la droite sur la gauche.
Écrivez à Lagrange et au maréchal Kellermann de ne pas perdre un moment pour coopérer à ce même mouvement.
Osterode, 12 mars 1807
Au maréchal Lefebvre, à Praust
Je reçois votre lettre du 11 mars. Je vois avec plaisir que vous avez investi Danzig. C'est déjà une première opération; vous en avez trois autres à faire. La première, c'est de jeter un pont sur le bras de la Vistule, de manière à pouvoir aller jusqu'à la mer. J'ai ordonné à cet effet que l'équipage de pont vous fût envoyé. Comme la Vistule n'a là qu'une centaine de toises, vous aurez de quoi faire un et deux ponts. La deuxième opération, c'est d'isoler le fort de la ville, et, par ce moyen, ôter à la ville toute communication avec la mer. La troisième, c'est d'entretenir vos communications libres avec Stettin, afin que les trains d'artillerie puissent arriver.
Gardez en réserve votre cavalerie française, qui, d'ailleurs, a besoin de repos et a besoin d'être ménagée. Tous les détachements vont insensiblement se réunir. Envoyez les chevau-légers saxons pour maintenir vos communications avec Stettin; ils seront chargés de poursuivre les partisans. Des trains d'artillerie assez considérable se préparent à Stettin pour se rendre devant Danzig. Le pont de Marburg, qui avait été établi, a été emporté; mais, la débâcle étant terminée, on va le rétablir.
Le pont de Marienwerder va être construit. J'ai besoin de ce pont pour les mouvements de l'armée. On fera après le pont de Dirschau. Je n'ai pas besoin de vous dire de faire beaucoup de redoutes pour bien asseoir votre blocus. J'ai ordonné qu'on vous envoyât le général Gardanne. Je vous envoie le général Von der Weid, qui parle allemand. Mais surmontez tous les obstacles et isolez la ville du fort et de la mer. Envoyez un ou deux de vos aides de camp, avec des chevau-légers saxons, battre la plaine pour activer l'arrivée des convois d'artillerie qui doivent partir de Stettin. La cavalerie ne vous est pas trop nécessaire où vous êtes. Employez les cuirassiers saxons à courir le pays. Songez que votre gloire est attachée à l'importante prise de Danzig, et que toute l'Europe a les yeux sur vous. Nous manœuvrerons constamment ici pour vous secourir. Apprenez-moi par votre première dépêche, que vous avez passé le bras de la Vistule et que Danzig est cerné de tous côtés. Le général Chasseloup se rend pour reconnaître la place et vous aider de ses conseils. Les généraux d'artillerie et du génie doivent fournir les fonds pour qu'on paye tous les travailleurs. Si vous avez des officiers saxons intelligents, donnez-leur 2 ou 300 chevaux, et promettez-leur la croix de la Légion s'ils arrêtent les partisans. Faites fusiller le premier qui commettra des désordres. Faites réclamer le général Victor, qui a été échangé contre le général Blücher.
Osterode 12 mars 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, voici le printemps qui approche; il est nécessaire de faire des changements dans vos garnisons, sans quoi toute votre armée tombera malade. Mantoue, Ferrare, Ponto-Legnago, Palmanova sont des lieux malsains. Il ne faut mettre dans ces garnisons que des Italiens plus accoutumés au pays. Je vois que les dépôts des 106e, 13e, 53e et 35e sont à Palmanova; passé le mois de mai, ils sont là mal. Le dépôt du 22e est à Legnano; ceux du 20e, du 101e, du 102e et du 62e sont à Mantoue; passé le mois de mai, ils sont là fort mal.
Il faut préparer un nouveau secours pour l'armée de Naples, à pouvoir lui envoyer avant la grande chaleur, indépendamment des 4,100 hommes que vous avez fait partir dernièrement. Ce secours sera composé de la manière suivante : 120 hommes du 14e léger, 120 hommes du 23e, 120 hommes du ler de ligne, 120 hommes du 6e, 120 hommes du 10e, 120 hommes du 22e léger, formant un bataillon provisoire de 720 hommes (il suffira que chaque détachement, ou compagnie, soit commandé par un officier, deux sergents et quatre caporaux; vous chargerez un chef de bataillon de commander ce bataillon provisoire) ; et un second bataillon de 9610 hommes, qui sera composé de 120 hommes du 102e de ligne, 120 hommes du 10le, 240 hommes du 62e, 120 hommes du 52e, 124 hommes du 29e, 240 hommes du 20e. Un officier par régiment sera également suffisant.
Mon intention est que ler bataillon provisoire soit réuni à Ancône le 15 avril, et parte pour l'armée de Naples ; que le 2e bataillon soit réuni à Ancône le 20 avril, et se dirige également sur Naples. Ces 1,700 hommes, joints aux 4,700 qui sont déjà partis, compléteront les cadres.
Il faut avoir soin que ces détachements soient bien armés, bien habillés et bien équipés.
L'armée de Dalmatie ne parait avoir besoin d'aucun renfort; il y a aujourd'hui suffisamment de monde; il faut donc s'étudier à donner à ses dépôts la plus grande consistance; il faut que les 3e et 4e, taillons du 5e de ligne, du 79e, du 23e et du 60e puissent, moyennant la conscription de 1807, entrer, tous les huit bataillons, en ligne et former une division.
En suivant l'état du ler février, on voit avec peine que les deux bataillons de guerre du 13e de ligne n'ont encore qu'un effectif de 1,800 hommes; les trois bataillons du 35e, un effectif de 2,700 hommes; l'effectif de chaque bataillon doit être de 1,260 hommes ou 140 hommes par compagnie, afin de pouvoir être, au commencement de la campagne, de 1,000 à 1,100 hommes présents sous les armes. On ne voit que le 106e, le 84e et le 53 qui aient à peu près reçu ce complet. Le 9e de ligne et le 92e sont encore en arrière. Comment le 3e léger n'est-il qu'à 1,600 hommes ? Il faut tirer 500 hommes de son 3e bataillon. Même observation pour les 2e, 16e et 67e de ligne. Il faut que ces 38 bataillons forment un effectif de 48,000 hommes et un présent sous les armes à l'ennemi de 40,000 hommes. Il faut s'étudier ensuite à faire manœuvrer ces troupes; faites-en d'abord passer la revue par le général Charpentier, qui les fera exercer, et rendez-vous-y quinze jours après pour la passer vous-même.
Osterode, 12 mars 1807
Au prince Eugène
Mon fils, je reçois votre lettre du 21 février. Le général Marmont avec son corps d'armée doit toujours se tenir dans des positions propres à reposer ses troupes, à les instruire, à les organiser afin de pouvoir agir selon les circonstances. La Porte n'a point fait de demandes de troupes, et les préjugés des Bosniaques, et même des Turcs, sont tels, que la présence d'une armée française à Constantinople et sur le Danube ne saurait leur plaire. Il faut continuer à avoir l'œil sur l'Autriche et faire dire la même chose au général Marmont, sans l'écrire, de peur que les lettres ne soient interceptées. Je n'ai pas lieu de croire que cette puissance veuille faire la guerre; mais elle arme, il faut toujours se tenir en mesure. Dans ce cas, le général Marmont ferait partie de votre corps d'armée. En effet, le corps du général Marmont, au moment où il recevrait ses 3e, et 4e bataillons, ne laisserait pas d'être d'une certaine force.
Osterode, 12 mars 1807, 10 heures du soir
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 10 mars à trois heures après midi. J'ai 300,000 rations de biscuit à Varsovie; il faut huit jours pour venir de Varsovie à Osterode; faites des miracles, mais qu'on m'expédie par jour 50,000 rations. Tâchez aussi de me faire expédier par jour 2,000 pintes d'eau-de-vie. Aujourd'hui le sort de l'Europe et les plus grands calculs dépendent des subsistances. Battre les Russes, si j'ai du pain, c'est un enfantillage. J'ai des millions; je ne refuse pas d'en donner; tout ce que vous ferez sera bien fait, mais il faut qu'au reçu de cette lettre on m'expédie par terre, et par Mlawa et Zakroczyn, 50,000 rations de biscuit et 2,000 pintes d'eau-de-vie; c'est l'affaire de 80 voitures par jour, en les payant au poids de l'or. Si le patriotisme des Polonais ne peut pas faire cet effort, ils ne sont pas bons à grand'chose. On m'expédie des farines par eau , c'est fort bien; mais le biscuit et l'eau-de-vie, il faut me les expédier par terre; car, quand les transports par eau sont arrivés à Thorn, il leur faut presque autant pour venir de Thorn à Osterode que de Varsovie. L'importance de ce dont je vous charge là est plus considérable que toutes les négociations du monde. Faites appeler l'ordonnateur, le gouverneur, le général Lemarois, les hommes les plus influents du gouvernement; donnez de l'argent; j'approuve tout ce que vous ferez. Du biscuit et de l'eau-de-vie, c'est tout ce qu'il nous faut : 300,000 rations de biscuit et 18 ou 20,000 pintes d'eau-de-vie qui nous arriveront dans quelques jours sont ce qui déjouera les combinaisons de toutes les puissances. Qu'on ne prenne point de voitures pour l'artillerie, que tout soit donné aux vivres.
J'ai écrit au prince royal de Bavière. Faites-lui connaître que mon intention est de le faire venir près de moi; parlez-lui-en. J'appellerai aussi Charles près de moi; sinon, il retournera à Bade pour se guérir. Quand vous lui aurez parlé, je lui écrirai pour l'autoriser à faire ce qui lui convient.
Que Lemarois fasse partir tous les hommes des dépôts par convois de 500 hommes. S'il était malade , que le gouverneur fasse cette besogne et passe des revues.
Expédiez un courrier à Constantinople pour faire connaître l'état de nos affaires : que l'armée russe a été chassée de la Vistule et acculée sur Königsberg.
Je verrai avec plaisir qu'on continue d'évacuer les blessés Kalisz, et de là sur Glogau , mais surtout ceux qui ne sont susceptibles de servir de garnison.
Envoyez-moi l'état de situation de la 1e légion polonaise, et dit moi quand le ler régiment se sera mis en marche pour Neidenburg.
Faites appeler le général du génie Cazals pour lui demander quel jour la tête du pont de Praga sera susceptible de toute sa défense et sera à l'abri de toute attaque avec 12 ou 15,000 hommes; quel jour celle de Sierock sera dans la même situation.
L'aide de camp du maréchal Lannes a dû vous porter une lettre contenant mes intentions sur M. de Vincent. Il faut cependant parler avec une certaine fierté.
J'ai autorisé l'intendant à payer à Varsovie les 200,000 francs qui devaient l'être à Berlin pour le corps du général Zajonchek.
Osterode, 13 mars 1807, 2 heures du matin
Au maréchal Massena, à Pulstuk
Mon Cousin, l'aide de camp que je vous ai expédié me remet votre lettre. Le major général vous aura fait connaître mes intentions, je désire que la division Gazan se trouve à Willenberg pour trois buts : 1° pour que, si l'ennemi m'attaque, je puisse avoir cette division le troisième jour à Osterode ; 2° parce qu'elle maintiendra d'une manière solide et pertinente mes communications avec vous, et que Willenberg est la clef de l'Omulev; 3° parce que mon intention est de marcher à l'ennemi dans une quinzaine de jours. Je puis réunir, par marches composées, 140,000 hommes, et l'exterminer.
Il n'y a du reste ici rien de nouveau. Nous sommes de part d'autre dans nos cantonnements assez tranquilles.
Le maréchal Lefebvre a entièrement cerné la ville de Danzig.
Ne souffrez point que l'ennemi ait des ponts à Ostrolenka; allez les lui brûler. Faites cuire à Pultusk, à Makow, Przasnysz, à Ciechanow et même à Willenberg. Tâchez, d'ici à huit jours, d'avoir dans tous ces lieux 80,000 rations de pain demi-biscuité, en réserve. Visitez vous-même tout l'Omulew depuis Willenberg jusqu'à la Narew. Une nouvelle division bavaroise est en marche pour arriver sous ordres à Varsovie.
Osterode, 13 mars 1807, 3 heures du matin
Au maréchal Davout, à Detterswalde
Mon cousin, je reçois votre lettre du 12. Je ne vois point de difficulté que vous preniez un peu d'espace pour vivre et être mieux cantonné. Il faudrait avoir des fours et cuire du pain à Allenstein. Il doit y avoir des moulins. Formez là un dépôt de mouture des différents moulins de votre arrondissement, et faites-y faire des fours. D'ailleurs on vous fournira d'Osterode tout le pain dont vous pourrez avoir besoin. Il faut que vous renvoyiez chercher et que vous le fassiez remplacer, non par du blé, mais par des farines, car les moyens de mouture sont très-bornés ici. Il faudrait tâcher d'arriver à avoir une réserve à votre quartier général, afin que, en cas d'événement, vous puissiez donner cinq jours de pain à vos troupes, un jour de rassemblement et quatre jours d'opérations.
Osterode , 13 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, j'ai reçu votre lettre du 10 mars à trois heures après midi. Faites sentir à M. Andréossy que je n'ai point approuvé qu'il n'ait pas invité M. dé Stadion à la fête qu'il a donnée à l'ambassadeur de Perse. Cela est impolitique et dès lors mauvais. Il est à Vienne pour faire mes affaires et non pour avoir des piques et des discussions avec le ministre de l'Empereur. Écrivez-lui pour lui tracer le langage qu'il doit tenir sur les affaires du moment. Il doit bien observer les mouvements militaires de l'Autriche et en informer le prince Eugène et le général Marmont.
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Faites passer la lettre ci-jointe au prince Jérôme.
Osterode, 13 mars 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, en lisant avec attention votre lettre du 3 mars, je vois que vous avez envoyé la moitié des Wurtembergeois à Glogau. Cette mesure me paraît une folie; c'est paralyser sans raison ces troupes. Il faut, au contraire, les réunir à Breslau, en laissant à Glogau 1,000 ou 1,200 hommes pour garder cette place, et cantonner vos troupes dans toute la Silésie de manière à la garder, surveiller les garnisons, de Neisse, de Glatz et de Kosel, observer les mouvements des Autrichiens, empêcher qu'aucun rassemblement ne se forme, et rester dans cette position. Puisque les Wurtembergeois ne peuvent suffire pour garder la Silésie et qu'il faut encore la division Deroy, j'aurais tout autant aimé que vous eussiez continué le siège de Neisse. Le major général vous a envoyé l'ordre de faire partir pour Varsovie le 4e et le 14e régiment de ligne bavarois. Faites aussi diriger sur Varsovie le détachement des régiments qui composent la division de Varsovie. Indépendamment de ces deux régiments, disposez-en deux autres et six pièces de canon, de manière qu'ils vous servent à contenir la Silésie, et cependant qu'ils aient quelques jours d'avance pour se diriger sur Varsovie, si je les y appelais; mais ces mesures doivent être secrètes. Je vous recommande de ne pas laisser s'enhardir les garnisons de Neisse, Kosel et de Glatz, d'annoncer que dans un mois vous les assiégerez. Vous agissez beaucoup trop vite, et vous étiez toujours à temps de lever les sièges de Kosel et de Neisse. Si, en les levant, vous aviez pu me donner 8,000 hommes disponibles, vous auriez pu comprendre que ma lettre vous autorisait à le faire. Je vous recommande de m'envoyer de l'eau-de-vie et de la farine. Faites-moi. connaître les dispositions que vous avez données à vos garnisons.
Osterode, 13 mars 1807
Au général Rapp
Il faut m'envoyer tous les jours l'état de tous les convois de subsistances et d'artillerie qui arrivent à Thorn, soit de Posen, soit de Varsovie, par terre et par eau. Visitez les caissons de la compagnie Breidt, et faites-les partir pour Osterode chargés de vivres à mesure qu'ils sont raccommodés. Faites-moi connaître à mesure qu'ils partiront, et envoyez-m'en l'état. Faites-moi connaître si le trésor est arrivé à Thorn.
Écrivez à la chambre de Posen pour qu'on active l'arrivée des vivres, et surtout des fusils, dont nous avons grand besoin.
Établissez des hommes de garde sur le pont, et qu'aucun soldat ne passe. Il est temps de mettre enfin un peu d'ordre dans tout cela.
Osterode, 13 mars 1807, 2 heures après midi
A l'Impératrice
J'apprends, mon amie, que les mauvais propos que l'on tenait dans ton salon, à Mayence , se renouvellent ; fais-les donc taire. Je te saurais fort mauvais gré si tu n'y portais pas remède. Tu te laisses affliger par les propos de gens qui devraient te consoler. Je te recommande un peu de caractère, et de savoir mettre tout le monde à sa place.
Je me porte très-bien. Mes affaires ici sont bonnes. Nous nous reposons un peu et nous organisons nos vivres.
Adieu, mon amie, porte-toi bien.
Osterode, 13 mars 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, le temps s'est remis au froid ; il gèle de trois degrés; la journée est cependant fort belle. Il n'y a rien de nouveau; de petites affaires d'avant-postes qui n'ont rien d'important. Un régiment de hussards russes s'est approché hier, de nuit, du cantonnement du 69e, qui l'a attiré dans une embuscade et lui a tué 80 hommes. Nous prenons un peu de repos. J'emploie ce temps à assurer mes subsistances, à cerner Danzig et à faire les préparatifs du siège. Il paraît qu'à Paris on se fait de bien fausses idées sur nos pertes ; elles ont été, au contraire, exagérées. Il résulte du relevé des états de l'intendant général que le nombre des blessés, qui est porté dans le bulletin à 5,700, n'est que de 4,300 ; et, d'après les états des corps, le nombre des morts, au lieu de 1,900, n'est que de 1,500. Vous êtes de drôles de gens à Paris. Je désire que, lorsque vous vous trouverez dans le salon de l'Impératrice, et que quelqu'une de ses femmes, et elle en a de fort sottes, se permettra des propos, vous la releviez d'importance. Tous ces gens-là désolent cette pauvre Impératrice par de sots propos.
Osterode , 13 mars 1807
A M. Fouché
J'ai vu, dans vos lettres et dans différents articles de journaux, qu'on se fait à Paris une bien fausse idée de notre position. Le fait est que le bulletin a plutôt exagéré que diminué nos pertes. Ce n'est pas ma faute si on a été mettre dans le Moniteur que je voulais aller à Königsberg. Je n'ai pas eu cette idée. Il m'importait, avant, de me rendre maître de tout le bas de la Vistule et de prendre Danzig. Nous prenons du repos dans nos cantonnements.
Osterode, 13 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 11 mars. Les circonstances ont changé. Il faut désormais reprendre la rive droite de la Vistule, qui est la route la plus courte, tant pour les convois que pour les détachements.
J'ai fait la lettre au roi de Perse; je vous l'enverrai demain. Vous la remettrez à l'ambassadeur, pour qu'il la fasse partir par un de ses gens. Remettez-lui en même temps un récit en français, qu'il traduire en persan, de ce qui s'est passé en Europe depuis six mois. Il faut également que l'ambassadeur turc envoie cette relation à sa cour pour la prémunir contre les mensonges des Russes.
Écrivez à Sebastiani qu'il envoie en Perse un officier porteur d'une lettre de lui au vizir pour l'instruire de ce qui se passe, et qu'il prenne des mesures pour que sa correspondance avec la Perse devienne facile et rapide. Sebastiani recommandera d'attaquer les Russes, afin de leur faire du mal dans une circonstance où ils se sont affaiblis en Perse. Il faut que Sebastiani organise des moyens de correspondance tels qu'il puisse leur envoyer tous les huit jours un courrier. Il s'entendra à cet effet avec la Porte et avec les agents du schah de Perse. J'attache beaucoup d'importance à ce qu'un envoyé des ambassadeurs persan et ottoman parte sans délai pour Ispahan et Constantinople.
Je n'ai pas reçu aujourd'hui de lettres de Lemarois ni du gouverneur, de sorte que je n'ai point de nouvelles des convois ni des départs. Ayez soin que j'aie toujours des renseignements là-dessus par tous les courriers.
Vous ne me faites pas connaître si les deux régiments polonais sont partis à Varsovie pour Neidenburg; quelle est leur force ; qui les commande. Dites au directeur de la guerre qu'il fasse placer tous les hommes que j'ai fait venir de France ; qu'il les envoie au général Zajonchek, qui les placera. Il faut faire venir le régiment de Plock à Sierock, et avoir un corps tiré de ce qui reste à Varsovie des dépôts de la 1e légion, pour faire le service à Praga et à Varsovie.
J'ai fait envoyer par M. Maret un projet pour la levée d'un régiment polonais, pour servir avec ma Garde. Je désire que, dans un mois, il puisse se remplir, non de paysans, mais d'hommes d'éducation et d'honneur. Causez-en, article par article, avec les hommes les plus influents du gouvernement.
Je vous ai écrit une longue lettre pour vous demander du riz, du biscuit, de l'eau-de-vie. Voyez ce qu'on peut faire de biscuit à Varsovie; il faut qu'on en puisse faire 30,000 rations au moins par jour. Envoyez-moi l'état des magasins de vivres de Varsovie. Je vois avec plaisir que les transports par eau vont; mais il faudrait faire marcher de front ceux par terre.
Osterode, 14 mars 1807
Au Schah de Perse
NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d'Italie, à Feth-Ali-Schah, Empereur des Persans, salut
J'ai reçu ta lettre. Toutes les fois que je reçois des nouvelles de tes succès, mon cœur se remplit de joie. Jaubert, que je t'avais envoyé, est de retour. Il m'a informé du bon accueil que tu lui as fait et des désirs que tu formes, et qui sont les miens. Tu auras appris que je suis sur les frontières de la Russie. J'ai pris aux Russes, en deux batailles, soixante et quinze pièces de canon ; je leur ai fait tant de prisonniers et j'ai tellement porté l'alarme chez eux, qu'ils ont eu recours à une levée en masse pour défendre leur capitale. Ton ambassadeur est arrivé à Varsovie, et, me trouvant à l'avant-garde de mon armée, à quatre-vingts lieues en avant, je n'ai pu encore le voir. Devant retourner incessamment dans cette ville, je le rendrai l'organe de mes sentiments pour toi, et je l'enverrai de là dans ma capitale, afin qu'il te rapporte une véritable idée de ma puissance et de mes peuples. Une partie de l'armée russe, et surtout de la cavalerie qui était sur ta frontière, a été rappelée et s'est portée contre moi. Profite de ces circonstances. Je t'expédie cette lettre par toutes les voies : il faut que nous ayons des communications fréquentes, afin de lier la politique de nos empires, qui est la même, contre ennemis communs.
Écrit en mon quartier impérial d'Osterode, le 14 mars de l'an 1807 et de mon règne le 3e.
Quartier impérial d'Osterode, 14 mars 1807
Au prince Impérial de Perse
NAPOLÉON , Empereur des Français, Roi d'Italie, à Abbas Mirzà, prince impérial de Perse, salut.
J'ai reçu la lettre où tu m'annonces tes succès contre les ennemis de l'empire persan. Reçois mes félicitations. La valeur de Mohamed-Khan l'assit sur le trône; ton auguste père hérita de sa gloire; tu te montres digne de tous deux. On te nomme en Occident l'épée et le bouclier de la Perse, et l'on attend de toi de nouveaux efforts, de nouvelles victoires. Soutiens ta réputation de valeur ; prends confiance dans les forces de ton armée. La fortune est pour les braves. Je te souhaite les bénédictions du ciel, de longues prospérités, une fin heureuse.
Écrit en mon quartier impérial d'Osterode, le 14 mars 1807, de mon règne le 3e.
Osterode, 14 mars 1801, 4 heures du matin
Au général Zajonchek, à Neidenburg
Je vous ai envoyé des ordres pour occuper la tête de l'Omulev et pour lier vos postes avec le général Gazan qui est à Willenberg; je vous ai recommandé d'envoyer des espions et de me faire un rapport tous les jours ; cependant vous n'en faites rien. Deux régiments polonais sont partis de Varsovie avec six pièces de canon ; vous devez en avoir reçu la nouvelle. Envoyez à leur rencontre, et sachez me dire quand ils arriveront. Plusieurs régiments de cavalerie polonais doivent vous être arrivés. Je vous avais chargé d'attirer à vous toute là noblesse du département de Plock; vous ne me dites rien sur toutes ces mesures. C'est cependant le moment d'agir et de ne pas perdre de temps; du moment que votre cavalerie sera organisée, il sera bon que vous enleviez quelques partis de Cosaques. Je ne saurais donc trop vous recommander de l'activité.
Osterode, 14 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 12 à huit heures du soir, dans laquelle vous me rendez compte de votre conférence avec M. de Vincent. Vous aurez sans doute demandé à Andréossy d'avoir un chiffre avec Marmont et le prince Eugène. J'ai en Italie 80,000 hommes bien exercés, bien armés et bien équipés. J'en aurai 90,000 d'ici au 1er mai. Ces forces ne laisseront pas que d'en imposer à l'Autriche. Il lui faut au moins une armée de 120,000 hommes pour s'opposer à celle-là, ce qui exige des préparatifs et des dépenses immenses. Outre cela, il est probable que, dans un mois , je serai défait des Russes. Mes subsistances s'organisent. Nous marchons sur le beau temps. Ainsi donc, tout en désirant fort la paix avec l'Autriche, je ne me trouve pas dans une situation telle qu'elle ait à regarder longtemps. Toutefois ,je suis d'opinion qu'une alliance avec la Russie serait très-avantageuse, si ce n'était pas une chose fantasque, et qu'il y eût quelque fond à faire sur cette cour. Une alliance avec l'Autriche, si elle est possible , donnerait du moins quelque temps de tranquillité. Je suis assez disposé à faire pour cela quelques sacrifices. L'évacuation de l'Allemagne est une chose toute simple et qui ne fera obstacle à rien , hormis , toutefois, des côtes qui sont relatives à ma guerre avec l'Angleterre. Toutefois vous avez fait ce qu'il fallait faire ; il faut s'en tenir là.
Les nouvelles intéressantes sont celles de Constantinople; il parait qu'une partie de l'escadre anglaise qui était en Sicile s'y est portée. Si la Porte résiste, cela ne laissera pas d'être d'un grand poids, car Michelson demande à force des renforts, et on n'en a pas à lui envoyer. En réalité, l'infanterie russe est fort démoralisée et ne se sent point de force à lutter contre nous à l'ouverture de la campagne. Tout porte à penser qu'elle essuiera un grand échec si le cabinet ne fait pas la paix, et le contre-coup n'en sera pas indifférent en Russie.
Osterode, 14 mars 1807
Au maréchal Bernadotte, à Schlobitten
Mon Cousin, j'ai accordé une pension de retraite de 2,000 francs à votre frère. J'ai accordé à son beau-fils sa place ; et, voulant vous donner de nouvelles preuves de ma satisfaction, j'ai nommé votre frère membre de la Légion d'honneur.
Osterode, 14 mars 1807
Au maréchal Ney, à Guttstadt
J'ai reçu votre lettre du 12 mars. J'ai nommé le sieur Cassaing commissaire des guerres, comme vous le désirez. Je suis fort aise de vous donner cette preuve de ma satisfaction.
Le 15e de chasseurs, qui arrive le 14 à Thorn, se rendra à Guttstadt pour faire partie de votre corps d'armée. Tous les renseignements que j'ai disent que l'ennemi fait un mouvement rétrograde; son quartier général, selon les plus récents, était à Bischofstein. Il paraît se rapprocher de Königsberg. Envoyez quelques espions sur votre droite.
La nécessité de refaire la division Lasalle m'a forcé d'en envoyer une brigade à Elbing. J'en enverrai bientôt une autre au dépôt de Culm. Quinze jours de repos remettront bientôt cette division en état de reprendre le service. Elle est aujourd'hui réduite à rien. Faites-moi connaître comment vous vivez.
J'attends, dans le courant du mois, six beaux régiments. Mon intention est de vous former une 3e division, afin que votre corps ait le même nombre de régiments que les autres. Aurez-vous assez d'artillerie alors ? J'espère, dans la semaine, avoir deux ponts sur la Vistule, un à Marienburg et un à Marienwerder. Kolberg et Dantzig sont cernés. Des convois d'artillerie sont déjà partis de Stettin et de Breslau.
Osterode, 14 mars 1807, 3 heures après midi
Au général Gazan, à Willenberg
Je n'ai point de vos nouvelles depuis votre arrivée à Willenberg. Faites-moi connaître les corps que vous avez avec vous , leur situation, et les positions que vous occupez. Vous devez avoir avec vous la division Beker. N'engagez pas de petites affaires de cavalerie. Pour avoir des nouvelles, faites enlever des baillis à quatre ou cinq lieues autour de vous, et envoyez à cet effet des partis de 400 chevaux et de 2 à 300 hommes d'infanterie, afin de se conserver constamment la supériorité et de n'avoir point d'échauffourée. J'imagine que le maréchal Masséna se sera assuré du pont d'Ostrolenka et qu'aucune infanterie ennemie ne s'approchera de Myszyniec.
Faites-moi connaître qui garde la rive droite de l'Omulew, depuis Willenberg à Ostrolenka, et la position de Myszyniec. Tous les villages environnant Willenberg et même Ortelsburg doivent vous envoyer des vivres, sans que vous ayez besoin de compromettre votre cavalerie ni votre infanterie. Établissez vos fours à Willenberg et faites venir des farines de Przasnysz. Tenez, du reste, les troupes reposées. La ville de Willenberg a beaucoup d'eau-de-vie. En faisant faire des visites domiciliaires sévères, vous en trouverez. Ils nous ont dévalisé beaucoup de convois. Le bourgmestre est un coquin : s'il revient, prenez-le et envoyez-le-moi. Le maître de poste est un brave homme. Il est nécessaire que vous établissiez une chaîne de correspondance avec le général Zajonchek, et que tous les jours vous m'envoyiez des nouvelles de ce qui se passe. L'officier qui vous portera cette lettre vous remettra 6,000 francs, que vous emploierez en espionnage.
Osterode, 14 mars 1807, 3 heures après-midi
Au général Zajonchek
Je n'ai point de nouvelles aujourd'hui. Vous devez en recevoir tous les jours du général Gazan, qui est à Willenberg, et vous devez me les faire passer. Le 11e et le 3e régiment doivent vous être arrivés de Varsovie, avec six pièces de canon. Vous devez avoir aussi reçu quatre pièces de canon de Graudenz. Tâchez de pincer quelques Cosaques, et tâchez de m'envoyer des renseignements des mouvements des troupes légères ennemies devant vous.
Osterode, 14 mars 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, je reçois votre lettre du 7 mars. J'approuve fort les dispositions que vous avez prises. Vous avez dû recevoir l'ordre de faire partir le 4e et le 14e régiment de ligne bavarois, ce qui affaiblira la réserve de 6,000 hommes que vous avez à Breslau. Mais je pense que vous pouvez l'augmenter, en retirant 1,500 hommes de Glogau, où 1,000 hommes sont suffisants. Envoyez-moi l'état de toutes les troupes qui sont devant Kosel, Neisse, à votre réserve de Breslau, à Glogau. Maintenez sévèrement la tranquillité de la province. Si, sans vous compromettre, vous pouvez détacher 400 hommes de cavalerie wurtembergeoise sur Thorn, faites-le. A Thorn, ils recevront les ordres pour leur destination ultérieure. Il n'y a point d'inconvénient que la noblesse de Breslau envoie une députation à Osterode. Envoyez des vivres, des effets d'habillement, surtout envoyez de l'eau-de-vie. L'objet le plus important aujourd'hui, ce sont les subsistances. Un officier est en route pour faire venir une centaines de pièces de canon par Küstrin à Danzig ; mais je crains que ce ne soit long; le trajet de Küstrin à Danzig est assez considérable. Si vous pouvez nous expédier de Glogau une douzaine de pièces de de 24 et quelques mortiers avec leur approvisionnement, cela pourrait arriver en douze jours à Thorn; ce qui, joint à un convoi qui vient de Stettin et aux six pièces de 24 qui arrivent de Varsovie par la Vistule, formerait un commencement de moyens qui aideraient au siège de Dantzig.
Vous n'avez pas encore répondu à cette question : De combien peut-on vous affaiblir sans compromettre la tranquillité de la Silésie ? Elle est importante, même sous le point de vue militaire, puisque maître de la campagne l'ennemi ne manquerait pas de se recruter et de former bientôt une armée contre laquelle il faudrait ensuite marcher. Ayez soin de ne laisser former aucun rassemblement de partisans entre vous et Posen, et sur aucun point de la Silésie. A la première nouvelle que vous en auriez, faites marcher des détachements pour les réprimer. Il est convenable que vous m'envoyiez une relation de vos sièges et de toute votre campagne de Silésie.
Je vous ai nommé général de division, afin de vous donner votre rang.
Envoyez sur vos frontières d'Autriche pour savoir ce qu'on y fait. Portez vos soins à bien armer et à bien approvisionner la place de Glogau, que dans tout événement je veux garder et qui est nécessaire à ma ligne.
Votre correspondance peut se faire par Varsovie et par Thorn. Votre courrier peut remettre vos dépêches au général Rapp, qui est gouverneur de Thorn, qui me fait passer des courriers tous les jours. A Varsovie, il peut les remettre à Lemarois ou à Talleyrand, qui m'envoient également des courriers tous les jours.
Osterode, 14 mars 1807
Au général Clarke
Le 22e léger italien, fort de 1,800 hommes, a dû arriver le 8 à Berlin, le 11 à Stettin; vous l'aurez sans doute dirigé sur-le-champ sur Kolberg, où il a dû arriver du 13 au 15. Le général Teulié sera à même de faire partir les fusiliers de la Garde.
Faites-moi connaître où se trouve le 15e de chasseurs; quand est-ce qu'il arrivera à Thorn ? Faites aussi rejoindre tous les détachements du 15e et du 19e de ligne. Ces régiments n'ont, je crois, que la moitié de ce qu'ils devraient avoir.
Ordonnez à Stettin qu'on dirige avec promptitude de l'artillerie que demande le général Songis pour le siège de Danzig.
Le 3e et le 24e de chasseurs ont passé à Augsbourg; ils doivent arriver les 20 et 22 mars à Potsdam; ils sont forts, les deux, de 1,000 hommes. Ils portent leurs selles et brides, mais ils auront besoin de 600 chevaux. Concertez-vous avec le général Bourcier pour leur procurer le plus promptement possible ces chevaux.
Faites-moi mettre sous les yeux le décret que doit avoir le général Bourcier pour la levée des chevaux. Quelques gouvernements ont fourni leur contingent; d'autres ne l'ont point fourni. Écrivez-leur pour qu'ils le fournissent et prenez tous les moyens pour que les deux régiments soient le plus tôt possible disponibles. Vers la fin d'avril, il vous arrivera le 4e régiment de ligne italien et deux régiments de cavalerie italienne. Faites-moi connaître quand le 19e de ligne arrivera à Thorn, quand le 3le léger y arrivera.
J'ai donné ordre au régiment prussien qui est à Leipzig de se rendre à Valenciennes. Il est bien important de se défaire de ce régiment. Écrivez à Leipzig pour savoir s'il est parti. Il nous sera utile en France, et il nous est très-nuisible en Allemagne.
Osterode, 14 mars 1807
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 28 février. Il m'est difficile, dans les circonstances actuelles, d'affaiblir Boulogne, et peut-être, dans les circonstances actuelles, faut-il, pour mettre les vaisseaux d'Anvers à l'eau, laisser un peu avancer la saison.
Osterode, 14 mars 1807
66e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La Grande Armée est toujours dans ses cantonnements, où elle prend du repos. De petits combats ont lieu souvent entre les avant-postes des deux armées. Deux régiments de cavalerie russe sont venus, le 19, inquiéter le 69e régiment d'infanterie de ligne dans son cantonnement de Lingenau, en avant de Guttstadt. Un bataillon de ce régiment prit les armes, s'embusqua et tira à bout portant sur l'ennemi, qui laissa 80 hommes sur la place. Le général Guyot, qui commande les avant-postes du maréchal Soult, a eu de son coté quelques engagements qui ont été à son avantage.
Après le petit combat de Willenberg, le grand-duc de Berg a chassé les Cosaques de toute la rive droite de l'Alle, afin de s'assurer que l'ennemi ne masquait pas quelque mouvement. Il s'est porté à Wartenburg, Seeburg, Mensgut, Bischofsburg. Il a eu quelques engagements avec la cavalerie ennemie, et a fait une centaine de Cosaques prisonniers.
L'armée russe parait concentrée du côté de Bartenstein, sur l'Alle; la division prussienne, du côté de Kreuzburg.
L'armée ennemie a fait un mouvement de retraite et s'est rapprochée d'une marche de Königsberg.
Toute l'armée française est cantonnée; elle est approvisionnée par les villes d'Elbing, de Braunsberg et par les ressources que l'on tire de l'île de Nogat, qui est d'une très-grande fertilité.
Deux ponts ont été jetés sur la Vistule : un à Marienburg et un à Marienwerder. Le maréchal Lefebvre a achevé l'investissement de Danzig. Le général Teulié a investi Kolberg. L'une et l'autre de ces garnisons ont été rejetées dans ces places après de légères attaques.
Une division de 12,000 Bavarois, commandée par le prince royal de Bavière, a passé la Vistule à Varsovie et vient joindre l'armée
(Moniteur du 27 mars 1807)