15 - 18 Mars 1807
Osterode, 15 mars 1807
A l'Impératrice
Je reçois ta lettre du ler mars, où je vois que t'u as été fort émue de la catastrophe de la Minerve de l'opéra (L'artiste de l'Opéra, Mlle Aubry, était tombée de vingt pieds de haut, lors d'une représentation d'Ulysse). Je suis bien aise de te voir sortir et te distraire. Ma santé est fort bonne. Mes affaires vont fort bien.
Ne prête aucune foi à tous les mauvais bruits que l'on pourrait faire courir. Ne doute jamais de mes sentiments, et sois sans aucune inquiétude.
Tout à toi.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j'ai reçu votre rapport n° 2, en date du 25 février, intitulé : Compte rendu sur la situation des remontes. Il en résulte que le complet est de 80,000 chevaux, et qu'il en manque 13,000.
Il est maintenant nécessaire que vous me fassiez connaître, 1° combien coûteront ces 13,000 chevaux, corps par corps; 2° le compte en argent, indiquant ce qui avait été payé au 1er mars et ce qui reste à payer. Le même compte doit être rendu pour l'équipement.
Ainsi, par exemple, au 30 mars, le ler régiment de cuirassiers aura tous ses chevaux, à l'exception de 17. Pour arriver à ce résultat, qu'est-ce que vous avez payé, et qu'est-ce que vous devez ?
Les quatorze régiments de cuirassiers et de carabiniers, qui forment un complet de 13,900 chevaux, n'avaient plus besoin que de 1,400 chevaux; il y en avait donc existants 12,500.
Les régiments de dragons, non compris ceux qui sont en Italie, forment un complet de 23,900 chevaux. Ils n'avaient plus besoin que de 3,900 chevaux; il en existait donc 20,000.
Les chasseurs, qui sont à la Grande Armée, forment un complet de 17.900 chevaux. Il ne leur restait à recevoir que 3,900 chevaux; ils avaient donc un existant de 14,000.
Ainsi le complet de la Grande Armée serait de 55,700 chevaux. Il ne resterait donc à recevoir que 9,200 chevaux; après quoi il se trouverait à la Grande Armée, ou dans les dépôts, 55, 000 chevaux.
Il faut à présent faire connaître ce qui a été payé et ce qui reste à payer sur les 46,500 chevaux, et la partie de ces chevaux qui se trouve au delà du Rhin et celle qui se trouve au deçà.
Il faut ordonner que, pour les chasseurs et les hussards, on prenne des chevaux plus petits, sans quoi la France ne pourra y suffire.
Portez le plus grand soin à vos remontes:, parce que l'ennemi a beaucoup de cavalerie, et que la nôtre, surtout les chasseurs et les hussards, a éprouvé des pertes et est assez fatiguée.
Il faut faire attention que les 3e, 15e, 19e, 23e et 24e de chasseurs, qui viennent d'Italie, ont laissé une partie de leurs chevaux aux régiments qui y arrivaient. Il faut donc tenir compte de ce revirement.
Le général Bourcier vous rend compte des chevaux qu'il distribue aux corps provenant de la levée. Mon éloignement et mes occupations font que cette levée n'est pas aussi avancée qu'elle devrait l'être.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, faites-vous rendre compte pourquoi il manque tant d'officiers aux corps de réserve.
Par exemple, il n'y a au 17e de ligne, camp de Boulogne, que 14 officiers présents; il doit y en avoir 20 ou 30 dans un bataillon; il manque donc la moitié des officiers dans ce bataillon.
Le 19e n'a que 18 officiers; le 25e n'en a que 19; le 36e n'en que 12; le 43e n'en a que 14; le 50e n'en a que 15; le 55e n'en a que 14; de sorte que l'on peut dire qu'il manque à peu près la moitié des officiers.
On peut dire la même chose du 26e et du 46e.
C'est encore bien pis au corps du maréchal Kellermann; il n'a guère que le tiers des officiers présent.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, M. Lacuée a pris 240 hommes de la réserve de 1807 sur la réserve des départements du Rhin pour le 15e régiment de ligne. Il faut que ces hommes soient armés à Mayence ou à Strasbourg, et habillés et équipés par extraordinaire. Ils sont destinés à partir dans le courant d'avril et de mai pour compléter les 3e et 4e bataillons qui sont en marche pour l'armée, tandis que le dépôt de ce corps et la conscription ordinaire sont à Brest.
Faites-vous remettre sous les yeux les ordres que j'ai donnés pour Anvers depuis six mois. Envoyez le général Marescot pour visiter cette place, et veillez à ce que les pièces soient mises en batterie et que toutes les mesures soient prises pour mettre la place à l'abri d'un coup de main. Ordonnez que le général commandant la place et tous les officiers d'état-major s'y trouvent. Vous sentez l'importance de défendre nos chantiers et la tentation que cela peut donner aux Anglais. Concertez-vous avec le ministre de la marine pour savoir l'organisation que l'on donne aux ouvriers et les ressources que la marine peut fournir pour la défense de l'arsenal et des chantiers. Écrivez aussi au roi de Hollande pour que, si les Anglais prenaient cette direction, il jette un corps de troupes dans la place.
Qui est-ce qui garde Flessingue ? Si le général Monnet est malade, proposez-moi son remplacement. Je lui avais donné, dans le temps, des instructions détaillées pour mettre cette place et l'île à l'abri de tout événement.
Osterode , 15 mars 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, vous me remettez, avec les états de situation, une récapitulation des forces de l'armée. Mais on y confond les troupes italiennes, hollandaises, napolitaines, de sorte que c'est un chaos où l'on ne comprend rien. Je désire que vous mettiez à part l'armée de l'intérieur, telle que gendarmerie, invalides, vétérans, compagnies départementales, canonniers garde-côtes, de sorte que cette récapitulation formera trois feuillets , dont l'un présentera l'armée active, c'est-à-dire les régiments de cavalerie, les régiments d'artillerie, les régiments du train , les sapeurs, l'infanterie légère, l'infanterie de ligne et les régiments auxiliaires à ma solde, tels que les régiments suisses, d'Isembourg et de la Tour d'Auvergne. Un second feuillet présentera l'armée de l'intérieur que j'ai désignée plus haut, la gendarmerie, les vétérans, les compagnies départementales, les régiments de Paris, les garde-côtes, les bataillons de l'île d'Elbe et de Corse, destinés à la défense de ces îles. Le troisième feuillet présentera les troupes italiennes, hollandaises, napolitaines. Ainsi divisée en trois parties, cette récapitulation pourra signifier quelque chose.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Lacuée
Dans le tableau de la conscription de 1807, je vois que le 100e de ligne est oublié.
Je réponds à votre lettre.
Il faut des cuirassiers grands; mais la taille est tout à fait inutile aux hussards et aux chasseurs au contraire, elle est nuisible. Par une suite de la grande taille des hommes , il faut de grands chevaux, ce qui double la dépense et ne rend pas le même service. Présentez au Conseil d'État un projet de décret pour qu'un homme ne puisse entrer dans les chasseurs et les hussards s'il a plus de 5 pieds 1 pouce. Il faut baisser d'un pouce la taille des chevaux. Les chevaux de hussards et de chasseurs sont de véritables chevaux de dragons. On utilisera par là le grand nombre de petits chevaux que nous avons en France. Je pense que, pour les hussards et chasseurs, il faut des chevaux de 4 et 5 pouces (sic). Ordonnez aux dépôts de dragons de recevoir les hommes n'importe la taille.
Osterode, 13 mars 1807
Au général Lacuée
Je réponds à votre lettre du 29 janvier. J'approuve fort les observations sur les hommes que je vous avais chargé de choisir pour la garde départementale. Ce que vous proposez, de la prendre dans la conscription de l'au IX et de l'an X, est beaucoup plus utile. Je reconnais là votre zèle ordinaire pour mon service et pour le bien de l'armée.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Lacuée
Vos lettres des 25 et 31 janvier et des 7 et 9 février, sur la conscription, ne me laissent rien à désirer. Je désire que vous me fassiez faire un état conforme au modèle ci-joint. Envoyez-m'en tous les mois un pareil. S'il vous est possible, vous remplirez la dernière colonne "Réformés depuis leur arrivée aux corps comme incapables de servir". Cette colonne comprendra les 4e bataillons. Je connaîtrai, au moyen de cet état, ce que chaque corps a reçu depuis le mois d'août 1806.
Osterode, 15 mars 1807
Au roi de Saxe
Mon frère, j'ai reçu les lettres des 4 et 8 février. J'ai ordonné que le corps prussien d'Isembourg partît sur-le-champ de Leipzig et fût envoyé en France. Il doit être en route à l'heure qu'il est. J'ai été bien aise de voir que M. Thiard ait rempli mes intentions et que Votre Majesté ait été contente de lui; ce sera son plus bel éloge. Je réitère les ordres pour que mes intendants aient à cesser tout acte d'administration dans ses États, et j'espère qu'elle n'aura désormais plus à s'en plaindre. Je prie Votre Majesté de recevoir mes remerciements de tout ce qu'elle me dit d'aimable, et de croire à tous les sentiments que je lui porte.
Osterode, 15 mars 1807
Au grand-duc de Berg
Il ne faut point se dissimuler que la cavalerie est disséminée depuis le Rhin jusqu'à la Pregel. Cette dissémination fait notre faiblesse. Il faut prendre des mesures promptes pour la faire rejoindre. Mon intention est que vous fassiez partir sur-le-champ un officier de votre état-major, de confiance, qui se rendra à Plock, prendra l'état de tous les hommes de cavalerie qui s'y trouvent et les dirigera sur Culm, où il faut envoyer tous les dépôts de cavalerie, soit de la réserve, soit des corps d'armée, hormis le 21e de chasseurs et le 10e de hussards.
Cet officier restera à Plock jusqu'à ce que les détachements aient été mis en mouvement et qu'il soit certain qu'il ne reste pas un homme de cavalerie dans ce département.
Vous enverrez un autre officier à Varsovie pour ramasser tout ce qui serait resté à Raira, Loiviez, Lenczyca, Kalisz; il y en a jusqu'en Silésie. Ces officiers auront de vous l'ordre aux détachements, bien portants ou éclopés, de la cavalerie de la réserve des corps d'armée, de se diriger sur Culm, n'en exceptant que le 2le de chasseurs et le 10e de hussards, qui doivent rester sur Varsovie. Ces officiers se rendront dans tous les lieux, et vous écriront tous les jours pour vous faire connaître les détachements qu'ils auront découverts, la route qu'ils leur auront tracée. Celui de Varsovie remettra ses lettres an gouverneur de Varsovie, qui me les fera parvenir; celui de Plock, au commandant du département de Plock. Vous en enverrez un troisième à Posen, qui fera la même chose pour tous les districts de ce département. Enfin vous les rendrez porteurs de lettres pour le gouverneur de Varsovie et les commandants des départements de Plock, Kalisz et Posen. Je suis persuadé que le résultat de ces missions sera de nous produire plus de 3,000 hommes de cavalerie.
Il faut centraliser tous les dépôts de cavalerie à Culm. Il faut que vous correspondiez tous les jours avec le général Roget, commandant le dépôt de Culm.
Choisissez trois officiers de zèle, actifs, et qui, passant chacun huit ou dix jours dans le département, les emploient à courir, et ne reviennent que lorsqu'ils seront assurés que tout est parti.
Écrivez aussi à tous les colonels des régiments, afin qu'ils fassent connaître le lieu où ils ont des détachements. Ayez une correspondance avec tous les commandants des départements et des provinces pour faire rejoindre tous vos détachements.
Osterode, 15 mars 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, par les renseignements que vous me donnez, je vois que nous ne sommes pas loin de compte. Il y a eu à la bataille d'Eylau 4 à 5,000 blessés, et un millier au combat de Mohrungen et à ceux qui ont précédé la bataille.
J'apprends qu'il est arrivé 400,000 rations d'eau-de-vie. Faites-moi connaître si c'est de l'eau-de-vie venant de Stettin ou de Silésie et faites-la diriger ici. Je n'écris pas au général Duroc, qui doit partir pour me joindre.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Baraguay d'Hilliers
Le mari que vous donnez à votre belle-fille est un officier d'un mérite distingué. Je vois ce mariage avec un grand plaisir.
Osterode, 15 mars 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, nous manquons d'officiers de santé. La raison en est simple. Je vois, dans un état de situation de la place d'Erfurt, au 6 mars, qu'il y a 20 officiers de santé français et 34 prussiens, 163 employés français, un sous-inspecteur aux revues, un commissaire des guerres, un directeur de la poste. Tout cela est inutile là. Le sous-inspecteur aux revues peut faire la fonction du commissaire des guerres; cinq officiers de santé sont bien suffisants à Erfurt.. A Wittenberg, je vois également un tas d'employés qui sont inutiles. A Würzburg, au 6 mars, il y avait quinze médecins, chirurgiens ou pharmaciens, deux directeurs d'hôpitaux, trois employés et neuf agents d'administration. Partout c'est la même chose. Faites donc appeler chez vous les chefs de service, et ordonnez-leur de faire venir à l'armée tous ces agents et employés. Tout cela était utile il y a trois mois sur les derrières, et ne l'est plus. Faites une revue générale, et vous acquerrez sur-le-champ tous les employés qui vous sont nécessaires.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Lemarois
Faites-vous faire un rapport sur les malades et blessés qui ont été, évacués de Varsovie. Comment ont-ils été évacués ? Où sont-ils dans ce moment ? S'ils ont été évacués en règle et qu'ils soient dans de bons hôpitaux, on peut lentement et insensiblement continuer l'évacuation; mais si, au contraire, ils souffrent et qu'ils soient dans de mauvais hôpitaux, il faut la retarder ou l'arrêter. Faites-moi un rapport là-dessus.
Osterode, 15 mars 1807
Au général Clarke
Le contingent de Nassau à Berlin n'est que de deux bataillons ; faites chercher où se trouve le 3e bataillon, qui est de 800 hommes, et faites-le joindre à Berlin. Peut-être est-il resté du côté de Francfort; les commandants des deux bataillons que vous avez à Berlin doivent le savoir; expédiez un officier pour les avoir. Réitérez l'ordre, aussitôt que cela sera possible, aux deux compagnies de gendarmes d'ordonnance de se rendre à Thorn.
Je n'ai point de nouvelles de Kolberg. Il paraît que le général Teulié n'écrit pas. Écrivez-lui de vous envoyer le récit de ce qu'il a fait dans les mois de février et mars, afin que je sache où en sont les choses. Faites partir du dépôt de Potsdam tout ce qui est en état de servir.
Osterode, 15 mars 1807
Au maréchal Berthier
Il arrive aujourd'hui 15,000 rations de pain d'Elbing. Faites-leur continuer leur route, 8,000 sur Guttstadt pour le maréchal Ney et 7,000 pour le maréchal Davout. Ordonnez que les limites entre les maréchaux Davout et Soult soient au chemin qui d'Osterode va à Deppen par Taberbrück, Locken, Alt-Ramten.
Dites au maréchal Davout que je n'approuve point que sa cavalerie légère soit disséminée, que je désire que ses trois régiments soient réunis à Allenstein ; qu'il nomme un général de brigade pour la commander, qu'il y joigne quatre compagnies de voltigeurs; que les corps qui sont à Allenstein se tiennent en repos ; que dans deux ou trois jours je leur enverrai l'ordre de faire une patrouille sur la rive droite de l'Alle. Ses trois régiments de cavalerie doivent former 600 hommes bientôt. Les hommes isolés et détachements qui sont derrière porteront ces régiments à 900 hommes ; mais, je le répète, mon intention est qu'ils soient réunis autour d'Allenstein.
Osterode, 15 mars 1807
Au maréchal Berthier
Écrire au commandant du département de Plock que tous les petits dépôts de cavalerie de l'armée aient à se rendre à Culm; qu'ainsi il ait à diriger tous les détachements de cavalerie de l'armée, de quels corps qu'ils soient, sur Culm.
Écrire à Breslau de faire partir les détachements de cavalerie française qui sont en Silésie.
Je vous ai déjà ordonné plusieurs fois de rappeler tous les intendants et commandants de place qui étaient en Saxe.
Ainsi donc, à Wittenberg, il y a l'adjudant commandant Nivet, qui n'y fait rien ; il y a plusieurs inspecteurs aux revues, aux vivres, des commissaires des guerres, etc. Rappelez tout cela à Thorn ; n'en laissez que sur la route directe de l'armée.
Donnez ordre que la compagnie du 64e qui est à Erfurt se rende à Posen; également les 86 hommes du 2e de hussards. Il y a 20 officiers de santé à Erfurt- :donnez ordre que 5 restent et que 15 viennent à Thorn. Il y a 163 employés : donnez ordre qu'ils se rendent à Thorn.
Donnez ordre que les 40 hommes du 5e de chasseurs qui sont à Fulde rejoignent à Thorn; que les 18 hussards qui sont à Fulde se rendent sur-le-champ à Thorn.
Donnez ordre que les 40 hommes du 12e de chasseurs qui sont à Minden se rendent à Thorn ; que les 60 hommes de cavalerie légère qui sont à Münster se rendent à Thorn, ainsi que les 92 chevaux du 5e de chasseurs.
Osterode, 16 mars 1807
Au général Lacuée
Je n'ai pu voir qu'avec la plus vive douleur le rapport de l'inspecteur Félix. Ces abus criants sont horribles, et l'on ne saurait trop y porter remède. Les colonels, dans beaucoup de corps, abusent de l'autorité, et dans aucun cas il n'y a de conseil d'administration. Mais c'est surtout à une armée comme celle d'Italie, qui est en repos, qu'il faut s'occuper de surveiller la comptabilité. Il est de fait qu'aujourd'hui nous payons beaucoup trop pour les soldats, et qu'ils ne sont pas, à beaucoup près, aussi bien qu'ils devraient l'être. Le corps dont vous êtes le chef a un peu amoindri les abus, mais il lui reste bien des choses à faire. Le trésor gagnerait vingt millions, et le soldat beaucoup d'améliorations, si l'on peut parvenir à inspirer beaucoup de sévérité aux inspecteurs aux revues. Proposez-moi un rapport; vous ne pouvez mieux faire que de fixer votre attention sur un objet aussi important; c'est faire les affaires de l'État et être le père du soldat. Voilà le grand mal de l'administration par corps. Si les inspecteurs aux revues ne tiennent pas la main, vous verrez, dans peu d'années, des insurrections dans les corps contre leurs colonels.
Osterode, 16 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, j'ai reçu les dépêches de Constantinople du 18 février, que vous m'avez envoyées. Il reste à voir actuellement comment tournera cette crise, et quelle contenance ou quelle espèce de transaction fera la Porte. Je reçois aussi la dépêche de M. Andréossy du 7 mars; j'y vois , de fait, l'armement de l'Autriche; du reste, ce sont des projets que personne ne peut ici bien savoir. Il faut que cet ambassadeur ait soin de vous instruire promptement de tous les mouvements qui auront vraiment lieu.
Osterode, 16 mars 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, je reçois un état des magasins de Varsovie; il en résulte qu'entre Varsovie, Praga et ce qu'on appelle la réserve :
FARINE. Il y avait, le 13 mars, 6,000 quintaux de farine. Ordonnez qu'on en fasse filer sur Thorn, Plock, et en droite ligne sur Osterode. Ce qui débarquera à Plock sera chargé sur les voitures du pays et dirigé sur Osterode; l'autre partie sera dirigée sur Culm, Graudenz, et débarquera sur ces deux points pour être transporté à Osterode. Ainsi il arrivera des convois à Osterode par trois routes. Ordonnez qu'on ne laisse jamais les magasins de Praga, de Varsovie et de la réserve avec moins de 3,000 quintaux de farine; car il faut qu'il y ait constamment 80,000 rations de pain biscuité à Varsovie pour qu'on ne soit jamais embarrassé pour le service, qu'on puisse faire tous les jours 20 à 30,000 rations de biscuit, et qu'on se trouve toujours en mesure d'alimenter les manutentions de Pultusk, de Przasnysz, de Makow et de Sierock. Je vois qu'il n'y a à Pultusk que 1,800 quintaux de farine. Il y en a à Sierock 1,700 quintaux, qui peuvent alimenter Pultusk, ainsi que les 1,000 qui sont à Nieporent. J'en vois 1,800 à Blonie qu'on peut verser sur Varsovie.
BLÉ. Je vois qu'il y a entre Varsovie, Praga et la réserve 17,000 quintaux de grains, ce qui avec les 5,000 qui sont à Bionie fait 22,000 quintaux. Il doit d'ailleurs, à ce que j'imagine, rentrer à Varsovie des blés provenant de votre marché. Je ne vois pas d'inconvénient que l'on dirige 12,000 quintaux sur Thorn par eau. Mais il est convenable que vous gardiez à Varsovie une douzaine de milliers de quintaux, afin de fournir aux besoins imprévus, pouvant, au moyen de cette réserve, à mesure qu'il en rentrera, en expédier sur Thorn. Je vois qu'il y a 3,500 quintaux de blé à Sierock : ils m'y paraissent inutiles; on n'aura jamais là les moyens de moudre cette quantité de blé; il faut les faire filer sur Thorn, hormis un millier qu'on peut garder pour alimenter les moulins de Pultusk et de ces arrondissements. Je vois qu'il y à Makow 9,000 quintaux de grains, à Lenczyca également 9,000 quintaux. Ordonnez dans ces deux places qu'on les fasse convertir partie en farine, et qu'en partie on les dirige bruts sur Thorn.
BISCUIT. Il y a à Varsovie 194,000 rations de biscuit : il faut les diriger par terre sur Osterode. Il y en a 45,000 à Lenczyca : il faut les diriger sur Thorn; 30,000 à Pultusk : il faut les diriger sur Przasnysz. Il faut de plus fournir à Pultusk 50,000 autres rations de biscuit, le maréchal Masséna ayant besoin de 80,000 rations. Je vois qu'il y a 5,500 rations de pain à Nieporent : il faut les diriger sur Pultusk, le maréchal Masséna ayant besoin dans quelques jours de 80,000 rations de pain sur Przasnysz. Il y en a 133,000 à Praga et à Varsovie : on peut les diriger sur Osterode par terre, et maintenir à Varsovie et à Praga 80,000 rations de pain.
LIQUIDES. Entre Praga et Varsovie il y a 44,000 pintes d'eau-de-vie : il faut en diriger 34,000 pintes sur Osterode et Thorn; il en restera 10,000 pour Varsovie, Pultusk, Przasnysz. Il y en a 12,000 pintes à Lendzyca, il faut les diriger sur Thorn. Il n'y en a que 2,000 pintes à Pultusk : il faut y en envoyer 21,000 de Varsovie.
HABILLEMENT. Je vois sur les états qu'il n'y a que 10, 000 paires de souliers à Varsovie; c'est trop peu. Il faut en envoyer 6,000 au maréchal Masséna pour être distribuées entre ses corps; les 4,000 restantes seront pour les hommes isolés. Mais il faut toujours avoir 10,000 paires de souliers en réserve à Varsovie.
Je vous envoie l'état sur lequel j'ai fait ces raisonnements. Faites-moi connaître s'il est exact.
Osterode, 16 mars 1807
Au maréchal Soult
Mon Cousin, faites-moi, je vous prie, connaître la situation de vôtre corps. Avez-vous augmenté ou diminué ? de combien ? Quelle est la situation de votre armement ? Comment vivez-vous ? Nos subsistances sont ici fort bien organisées. J'ai à Osterode de quoi nourrir l'armée pendant dix jours, en pain, farine et biscuit. J'ai douze fours. Le pont de Marienwerder doit être jeté aujourd'hui. Danzig est entièrement cerné. En m'envoyant un état de situation sommaire de votre corps, que ce soit ce qui existe. Faites-y porter les colonels et officiers, et, dans une colonne à part, les présents et les manquants.
Camp impérial d'Osterode, 17 mars 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, voulant faire placer dans la salle des séances de l'Institut la statue de d'Alembert, celui des mathématiciens francais qui, dans le siècle dernier, a le plus contribué à l'avancement de cette première des sciences, nous désirons que vous fassiez connaître cette résolution à la première classe de l'Institut, qui y verra une preuve de notre estime et de la volonté constante où nous sommes d'accorder des récompenses et de l'encouragement des travaux de cette compagnie, qui importent tant à la prospérité et au bien de nos peuples.
Osterode, 17 mars 1807
Au vice-amiral Decrès
L'escadre anglaise est à Ténédos et peut-è1re devant Constantinople. Si, par des combinaisons quelconques, je parviens à avoir dix vaisseaux à Toulon, donnez ordre qu'ils tiennent la mer, et qu'ils se rendent devant Naples. Ils feront des prises et du mal à l'ennemi devant la Sicile et la Sardaigne. Ils feront une puissante diversion, parce qu'ils ramèneront l'ennemi dans une autre direction.
Je suppose qu'Allemand a gagné le large, puisque vous n'en avez pas eu d'autres nouvelles.
Osterode, 17 mars 1807
Au maréchal Berthier
Le canal de Bromberg, depuis l'Oder jusqu'à Bromberg, étant le principal moyen de communication de l'armée, mon intention est qu'il soit pris des mesures pour assurer la sûreté de la navigation de ce canal contre les partisans, et en même temps pour travailler aux réparations qui seront nécessaires, de manière qu'il y ait le moins d'interruption possible dans la navigation.
Un officier général sera chargé de la défense du canal de Bromberg. Le commandant d'armes de Landsberg aura 100 hommes d'infanterie. Il y aura à Driesen 100 hommes d'infanterie, à Filehne 100 hommes d'infanterie, autant à Czarnikow, sous les ordres d'un officier supérieur; 100 à Usez, 100 à Bialosliwe et 100 à Nackel, sous les ordres d'un autre officier supérieur. Le général commandant se tiendra partout où il jugera sa présence nécessaire, tantôt à Bromberg, tantôt à Nackel, tantôt à Driesen, et aura l'autorité de réunir ses troupes selon les circonstances. Il aura avec lui un officier du génie chargé de l'inspection du canal et de faire aux écluses et partout les travaux nécessaires.
Les commandants d'armes, depuis Landsberg à Bromberg, seront sous les ordres de cet officier général, qui aura, en outre, avec lui, 200 hommes de cavalerie. Il correspondra tous les jours avec le major général, le gouverneur de Thorn et le commandant de Küstrin. Il fera connaître la nouvelle qu'il aura des partisans, et prendra les mesures nécessaires pour rendre la navigation sûre, facile et rapide. Les commandants d'artillerie de Küstrin, Bromberg, l'instruiront du départ des convois, ainsi que des noms des différents commandants de ces convois. Les hommes d'infanterie seront fournis par les Polonais de Posen , ainsi que les 200 hommes de cavalerie.
Osterode, I7 mars 1807
Au maréchal Berthier
Il y a, dans les dépôts de Culm, quelques centaines de chevaux qui sont jugés hors d'état de servir ou qui ont besoin d'un repos de plus de trois mois. Mon intention est qu'on en fasse une visite scrupuleuse et qu'on les envoie dans l'île de Nogat, en y mettant un homme pour quatre chevaux. On les cantonnera dans deux ou trois communes de cette île, et on les mettra sous la responsabilité des baillis. Un officier sera chargé de ce dépôt et se tiendra à Marienburg. Dans tous les cas, il est inutile que les chevaux qui sont dans l'île de Nogat, et qui ont besoin de plus de trois mois pour se refaire, aient aucun effet de harnachement. Je préère ce moyen à celui de vendre, parce que des chevaux que l'on juge hors d'état de servir peuvent se remettre en deux ou trois mois, et surtout au moment du printemps, qui va arriver.
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Qu'avant de livrer ainsi des chevaux aux paysans, on s'adresse au grand duc de Berg pour avoir son approbation, et qu'on en ait l'état, afin d'être assuré que ce n'est que des chevaux absolument hors d'état de servir.
Osterode, 17 mars 1807
Au maréchal Berthier
L'ordonnateur Faviers a fait un marché de procurer à l'armée 10,000 bouteilles d'eau-de-vie par semaine; la bouteille ne contenant que deux tiers de la bouteille de France, cela ne forme que 106,000 rations par semaine, c'est-à-dire une ration et demie par homme, ce qui est bien insuffisant pour soutenir un peu les forces du soldat. Mon intention est qu'il fasse sur-le-champ des marchés pour avoir 100,000 bouteilles de bière par semaine; ce qui fera par jour, à raison de sept jours par semaine, 14,285 bouteilles, que l'on assure être tout ce que l'on peut fabriquer dans la ville; cela donnera un autre jour de distribution pour l'armée; s'il peut en faire fabriquer ou en faire trouver une plus grande quantité, il faut qu'il la prenne.
Les 100,000 bouteilles de bière seront distribuées entre les 1er, 4e, 3e et 6e corps de la Grande armée, à raison de 20,000 bouteilles 'par semaine; il en restera 5,000 qui seront pour les divisions Beaumont, Nansouty et Espagne.
Il y a à Elbing 4,000 pintes d'eau-de-vie de France qu'on dirigera sur-le-champ sur le quartier général. Il y a encore 120,000 bouteilles de vin de France, de Bordeaux. Ce vin sera destiné en gratification aux officiers de l'armée. Vous m'en présenterez le tableau, de manière que cela puisse servir aux officiers pendant un mois. On ne comprendra pas les officiers qui se trouvent du 5e corps, ou à Varsovie, qui sont trop loin.
10,000 bouteilles des meilleures seront dirigées sur le quartier général, pour y rester en réserve pour un moment extraordinaire.
Vous donnerez l'ordre qu'il soit fourni de la bière au 5e corps, des magasins de Varsovie. Il n'est point juste qu'un simple négociant soit ruiné; on fera évaluer les vins et bières qu'on lui prend, mon intention étant de les payer.
La caisse provenant du sel et les revenus d'Elbing et de Marienwerder seront employés à payer la bière qu'on fabriquera et l'eau- de-vie.
Pour le payement du vin, dès le moment qu'on sera d'accord, il sera payé en lettres de change provenant de la contribution de la Saxe.
Mon intention est que la Garde à pied et à cheval reçoive tous les jours une ration d'eau-de-vie.
Donnez des ordres pour l'exécution du présent ordre.
Osterode, 17 mars 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, tous les hôpitaux manquent de quina; nous arrivons dans une saison où il y aura des fièvres. Prenez des mesures efficaces pour faire venir une grande quantité de quina. Établissez à Nackel un grand hôpital de 600 lits. En général, n'épargnez pas l'argent pour acheter des médicaments. Faites en sorte que les hôpitaux ne manquent point de vin; achetez-en.
Donnez ordre qu'à Varsovie on distribue tous les jours de la bière aux convalescents et aux troupes qui y font le service. Donnez ordre qu'on en distribue également dans les dépôts des ler, 3e, 4e et 6e corps d'armée.
Osterode, 17 mars 1807
A M. de Talleyrand
Faites-moi savoir si, en allant à Varsovie, il reste assez de monde de ma Maison pour que je puisse y rester deux ou quatre jours sans mener personne. On répand à Varsovie un tas de faux bruits. Il faut laisser entrevoir que j'y arriverai au moment où l'on s'y attendra moins, et effectivement c'est mon intention. Comme je veux y aller à cheval, le temps a été trop rigoureux jusqu'à cette heure pour cela.
Osterode, 17 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 15 mars à huit heures du soir. Le temps s'est remis depuis quelques jours au froid. Le thermomètre a été cette nuit à dix degrés. La journée a cependant été superbe. Nous avons deux pieds de neige. Rien de nouveau dans nos quartiers. Les subsistances s'organisent, les dépôts rejoignent, et l'ennemi rétrograde. Tâchez donc de savoir ce que fait le général Essen.
Osterode, 17 mars 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je vous ai mandé qu'il ne faut pas trop évacuer les malades, et employer les moyens de transport pour nous envoyer des vivres. Je crains d'ailleurs qu'ils ne souffrent trop. Il y avait à Varsovie des lits pour 6,000 malades; il n'en reste plus que 5,000. Ainsi voilà une latitude d'un millier de lits pour ceux qui pourraient survenir.
J'ai vu avec plaisir, dans votre lettre du 14, tout le mouvement que vous vous donnez. Vous croyez avoir expédié sur Osterode 103,000 rations de pain; j'ai bien de la peine à le croire; nous n'avons pas reçu la moitié de cette quantité. Je crois qu'il n'y a plus aux dépôts que des hommes du 5e corps; faites-les habiller, nourrir et exercer. Nul doute qu'il ne faille leur donner de la bière. Ne les envoyez au corps que bien rétablis et en bon état.
Vous pensez qu'en envoyant par terre en droite ligne vos convois, cela est aussi court que de les faire passer par Thorn. De Thorn à Osterode il faut six jours. D'ailleurs la route de Thorn ici est encombrée de convois qui nous arrivent, car Thorn et Bromberg nous fournissent beaucoup, et on ne peut trouver de moyens de transports. Tout ce que vous nous envoyez par Thorn est utile, mais ne nous approvisionne pas en réalité à Osterode. Devez-vous continuer à nous envoyer des vivres à Osterode par eau ? Oui. Je sais que vous ne pouvez expédier par terre tout ce qu'il nous faut ici. Mais prenez des mesures pour nous envoyer une quarantaine de milliers de rations de biscuit et quelques milliers de pintes d'eau-de-vie par jour. Si ces convois se régularisent, ils nous seront d'un grand secours. La mesure d'envoyer à Plock des farines et de demander à Plock de les diriger sur Osterode est une bonne mesure; mais il ne faut envoyer ainsi que ce que vous verrez qu'on pourra transporter.
Osterode, 17 mars 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, il doit se trouver à Varsovie 3,000 fusils propres aux Français. Faites-en partir par eau un millier pour Thorn; mais gardez-en 2,000 pour les dépôts et les soldats qui sortent des hôpitaux. Il ne faut pas confondre ces fusils avec ceux destinés aux Polonais, qui sont d'un calibre différent.
Osterode, 17 mars 1807
A l'Impératrice
Mon amie, il ne faut pas aller en petite loge aux petits spectacles; cela ne convient pas à votre rang : vous ne devez aller qu'aux quatre grands théâtres (Opéra, Opéra-Comique, Comédie-Française, Odéon) , et toujours en grande loge. Vivez comme vous le faisiez quand j'étais à Paris.
Ma santé est fort bonne. Le temps a pris au froid. Le thermomètre a été à huit degrés.
Tout à toi.
Osterode, 17 mars 1807, 6 heures du soir
A l'Impératrice
J'ai reçu ta lettre du 5 mars, où je vois avec plaisir que tu portes bien. Ma santé est parfaite. Le temps s'est cependant mis au froid depuis deux jours : le thermomètre a été cette nuit à dix degré Mais le soleil nous a donné une très-belle journée.
Adieu, mon amie; mille choses aimables à tout le monde.
Parle-moi de la mort de ce pauvre Dupuis (ancien principal de l'école militaire de Brienne. Il occupait à la Malmaison l'emploi de bibliothécaire particulier de Napoléon); fais dire à son frère que je veux lui faire du bien.
Mes affaires ici vont fort bien.
Tout à toi.
Osterode, 17mars 1807
ORDRE
Tous les chirurgiens-majors des corps qui sont auprès des généraux, colonels ou officiers malades ou blessés, rejoindront leurs drapeaux sans délai.
Toutes les escortes, soit d'infanterie soit de cavalerie, que des généraux ou officiers blessés auraient emmenées avec eux, rejoindront leurs corps.
Toutes les escortes des bagages des corps qui resteraient en arrière, rejoindront leurs corps, et on prendra dans les dépôts 10 hommes convalescents pour remplacer les hommes de ces escortes qui retourneront aux corps.
Les quartiers-maîtres ou officiers payeurs des corps se tiendront aux dépôts desdits corps. La garde sera faite chez eux par les hommes convalescents, et les hommes bien portants rejoindront l'armée.
Le général chargé de l'inspection des dépôts tiendra la main à l'exécution du présent ordre, dont chacun d'ailleurs doit sentir l'importance.
Osterode, 18 mars 1807, 1 heure du matin
Au maréchal Soult
Mon Cousin, je reçois votre lettre. Si vous aviez rendu compte de la situation où vous vous trouviez, on y aurait porté remède; mais c'est la première fois que j'entends parler de vos subsistances. Il aurait fallu sur cette partie importante un rapport exact tous les jours.
Si la division Espagne n'a pas d'avoine, il faut la rapprocher de la Vistule dans la direction de Marienwerder. Faites-moi connaître le nom des trois régiments de dragons de la division Klein qui ont été à Elbing. Les caissons de la compagnie Breidt commencent à arriver.
Je doute que vous en ayez soixante. On dit qu'une partie a péri du côté d'Eylau. Faites-moi connaître ce que vous savez et ce que vous avez. Vous pouvez envoyer prendre 20,000 rations de pain à Osterode; les corps ont tous quelques voitures avec lesquelles ils viendront à la distribution.
Il arrive demain à Osterode un convoi de 400 quintaux de farine. Il doit donc être aujourd'hui à Mohrungen ou par l'autre route. Je donne ordre qu'on le mette à votre disposition. Envoyez toujours à sa rencontre. Il arrive aussi demain un convoi de 12,000 rations de pain. Je donne ordre qu'il continue sa route sur Mohrungen; ce qui, joint aux 20,000 rations de pain que vous pouvez envoyer prendre par les corps, fera 70,000 rations de pain. Joint aux blés que vous avez et à ce qui vous arrivera d'Elbing d'ici à ce temps, vos subsistances seront assurées. Je dois remarquer que votre ordonnateur est bien peu habile, ayant Marienwerder tout entier à sa disposition et n'en tirant rien. Vous êtes le corps d'armée qui a le plus beau pays, le plus de ressources, et qui vit le plus mal.
Quant au sel, envoyez deux voitures à Elbing, et vous en aurez tant que vous voudrez. Vous me direz, "Je n'ai point de voitures"; tous les corps en ont.
Je vous avoue que votre lettre m'a fort surpris; je vous croyais dans une grande abondance. Comment arrive-t-il donc que Marienwerder ne vous fournisse rien, tandis qu'il est le chef-lieu de l'adimnistration et qu'il ne fournit qu'à vous ?
Osterode, 18 mars 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je ne pense pas que, dans cette saison , les Anglais puissent tenter aucun débarquement sérieux sur nos côtes. Bientôt , les camps de Pontivy, de Saint-Lô, de Napoléon (La Roche sur Yon), seront en état. S'il arrivait que l'escadre de Rochefort fût partie et ne se trouvât plus à l'île d'Aix, il faudrait augmenter le camp de Napoléon de la légion du Midi et des autres troupes que j'avais destinées à la garde de l'île d'Aix.. Cette île sera suffisamment gardée par les canonniers garde-côtes et par 300 hommes du régiment d'ouvriers de la marine que j'ai formé à Rochefort. J'avais placé 3,000 hommes dans cette île, parce que la présence de l'escadre pouvait tenter les Anglais d'y faire un débarquement. Il n'est point indifférent que le camp de Napoléon, si l'escadre de Rochefort a appareillé, se trouve augmenté de 2,000 hommes de plus. Formez-vous un conseil militaire, composé des ministres Dejean et Decrès, du général Junot, du maréchal Moincey et de M. Lacuée. Le général Junot pourra se porter partout où il serait nécessaire. Si l'ennemi tentait un embarquement sur Cherbourg, le général Junot pourrait s'y porter avec le régiment de Paris et le régiment des fusiliers de la Garde, pour renforcer le camp Saint-Lô.
Il faut que le général Saint-Cyr, qui commande à Boulogne, soit bien prévenu qu'Anvers est dans son commandement, lequel s'étend de l'embouchure de la Somme à l'embouchure de l'Escaut.
Je pense que le camp de Napoléon peut être de plus renforcé du bataillon de canonniers de la marine de Rochefort, toujours dans la supposition que l'escadre de Rochefort ne serait plus dans l'île d'Aix. Si le mouvement de descente de l'ennemi était bien caractérisé en Bretagne, les camps de Saint-Lô et de Napoléon s'y porteraient, ce qui ferait une force de 30,000 hommes. Envoyez le général Marescot à Anvers; qu'il y reste le temps nécessaire pour bien assurer la défense de cette place importante.
Je ne me souviens plus qui commande à Anvers. S'il n'y a personne, on pourrait y envoyer le sénateur Demont(Joseph-Laurent comte Beaumont, 1747-1826. Sénateur depuis mai 1806, il fera la campagne de 1809 et sera un moment gouverneur de Haute-Autriche). Vous lui feriez connaître que j'en ai donné l'ordre. Le ministre Dejean lui donnerait ses instructions. Ce sénateur, par son rang et sa place, aurait plus de moyens de réunir les troupes de terre et de la marine qui doivent concourir ensemble à la défense de cette ville. Correspondez avec le roi de Hollande, qui doit secourir cette place en cas d'événement. Le général Monnet (Louis-Claude Monnet de Lorbeau, 1766-1819. C'est lui qui capitulera à Flessingue en 1809) est-il à Flessingue ? Un Hollandais n'est pas propre à défendre Flessingue. Si le général Monnet continue à être malade, que le général Dejean y envoie un officier général avec l'instruction secrète, si l'île de Zélande était prise, de couper les digues, ce qui rendrait Flessingue imprenable.
Si les Anglais font des débarquements, je pense qu'ils les feront dans la Baltique. Apprenez-moi que vous avez formé votre conseil militaire. Réunissez-le une ou deux fois, même sans affaires. Le ministre Dejean, comme mon ministre, a l'autorité nécessaire. Si 1es débarquements de l'ennemi prenaient un caractère plus sérieux, on pourrait envoyer le sénateur Sainte-Suzanne (Gilbert de Bruneteau, comte de Sainte-Suzanne, 1760-1830. Sénateur de Pau depuis 1806) en qualité de gouverneur de Brest. Vous avez encore le sénateur Colaud (Claude-Sylvestre comte Colaud, 1754-1819) qui est un homme de guerre sur l'énergie duquel on peut compter.
Osterode, 18 mars 1807
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 16 mars. Il n'y a point d'inconvénient qu'on laisse le personnel de l'artillerie de la première légion polonaise à Praga pour la défense de la ville.
Mon intention est de ne décréter l'organisation de chevau-légers polonais de la Garde qu'autant que je serai sûr de réussir. M. Maret en a envoyé le programme au prince Poniatowski.
Faites mettre dans le Moniteur une note des événements qui ont eu lieu en Perse et en Turquie, ainsi que des nouvelles que donnent les courriers sur les mouvements des troupes turques.
Vous dites, dans une de vos lettres, que, le 18, trente pièces d'artillerie seront en batterie dans les ouvrages de Praga. Faites-moi remettre l'état des pièces, de leur approvisionnement, de l'endroit où elles sont placées, ainsi qu'un rapport du général du génie Cazals avec les plans et profils, qui me fassent connaître la situation des ouvrages au 30 mars.
Puisque le prince de Bade veut venir avec moi, qu'il vienne. Je suis cependant fâché qu'il n'aille pas faire un enfant à sa femme.
Faites-moi un rapport sur cette demande du prince de Schwarzburg.
Osterode, 18 mars 1807
Au maréchal Soult
Mon Cousin, je vois, par votre état de situation, que votre première division a 850 hommes détachés; la seconde, 842, et la troisième, 430; ce qui fait plus de 2,000 hommes. Je vois également que vous avez 2,200 hommes en arrière. N'y aurait-il aucun moyen de faire rejoindre ces 4,000 hommes ? Ces états de situation me paraissent bien extraordinaires, car certainement vous n'avez pas 10,000 hommes aux hôpitaux. D'après tous les états généraux que j'ai, vous n'en avez pas même la moitié.
Il me parait difficile aussi que votre effectif, rien que de vos trois divisions, soit de plus de 31,000 hommes; je crois qu'il y a dans cet effectif 5,000 hommes de trop.
Où le 14e a-t-il jamais eu un effectif de 1,900 hommes ? Il n'en avait que 1,300 en entrant en campagne. Il a reçu quelques détachements depuis, mais ce régiment a beaucoup perdu à toutes les affaires; il ne peut pas avoir eu, depuis le ler septembre 1806, moins de 600 hommes tués, blessés à ne pouvoir revenir au corps, ou prisonniers.
Le 10e d'infanterie légère a perdu à Iéna, a perdu par les maladies, a perdu à Eylau : son effectif ne peut pas être aujourd'hui à 1,400 hommes. Le 36e, le 43e et le 55e auraient à peine l'effectif présenté, s'ils n'avaient rien perdu à Iéna et à Eylau.
Le 4e de ligne aurait l'effectif qui est porté dans votre état, s'il n'avait pas eu d'hommes tués. Le 28e de même.
Le 18e est bien loin d'avoir un effectif de 2,000 hommes, et surtout d'avoir 900 hommes aux hôpitaux.
Je pourrais en dire autant de la cavalerie légère. Ce n'est pas après les pertes qu'elle a faites, qu'elle peut encore avoir un pareil effectif
Je regarde donc cet état comme à faire. Il faudrait avoir un détail des hommes détachés et savoir comment on comprend le hommes aux hôpitaux. Je suis porté à croire qu'on y comprend les morts; et quant aux hommes qui sont en arrière, il faudrait savoir depuis quel temps.
Osterode, 18 mars 1807
Au général Clarke
Dans la campagne qui va s'ouvrir, il est impossible de calculer tous les événements qui auront lieu. Il est nécessaire que Stettin, Küstrin, Glogau, Magdeburg soient abondamment approvisionnés en munitions de guerre et de bouche, de manière à pouvoir soutenir un siége, ainsi que Hameln. Faites passer la lettre ci-jointe au commandant de Hameln. Correspondez avec lui afin de pouvoir m'instruire de la situation de cette place. Il faut à Magdeburg et Hameln de très- grands magasins de vivres. Il y a, je crois, à Magdeburg 3,000 hommes des troupes du grand-duc de Berg. On y placera le 18e provisoire. D'ailleurs, en cas d'événement, le maréchal Brune, qui a avec lui 8,000 hommes, se réunira autour de cette place ainsi que le maréchal Mortier. Comme les magasins de Breslau, Schweidnitz, Brieg, ont plus que n'en peut contenir Glogau, ils pourront en fournir sur Magdeburg. Envoyez de Wittenberg pour m'en rendre compte, afin que , si les événements prenaient une certaine direction, on pu trouver là un point d'appui. Quant à Spandau, je le suppose dans le meilleur état de défense. Soit que l'ennemi fasse un très-grand débarquement à l'embouchure, soit qu'il le fasse à Stralsund, s'il avait de très-grandes forces, il serait possible qu'il fût momentanément maître de Berlin. Frédéric même n'a pas défendu sa capitale. Mais, dans le premier cas, le maréchal Brune, dans le deuxième cas, le maréchal Mortier, garniraient, le premier Magdeburg et Hameln, le second les places de Stettin et de Küstrin. Il faut donc que l'artillerie et les magasins soient prêts. Spandau sera toujours un point occupé, mais il me parait bien peu fort, si l'entreprise était sérieuse, pour vous conseiller de vous y réfugier. Préfèreriez-vous Stettin, Küstrin ou Magdeburg ? Veillez sur l'approvisionnement et le parfait armement des trois places en travaux d'artillerie et du génie.
Osterode, 18 mars 1807
Au maréchal Kellermann
Les quatre régiments provisoires arrivent à l'armée. Je donne ordre que les majors et chefs de bataillon vous soient renvoyés en poste, pour servir à la formation des autres régiments provisoires. Faites partir les 7e et 8e pour Magdeburg; et faites-moi connaître si je puis ordonner la formation des 13e, 14e, 15e et 16e; mais il faut avoir soin que les régiments soient complets, car, sans cela, on emploie beaucoup d'officiers inutilement. S'il est des corps qui ne peuvent fournir que 100 à 120 hommes, il faut que cela soit compensé par d'autres qui en fournissent 240 à 300. Il doit vous être arrivé beaucoup de conscrits ; redoublez d'activité, ayez l'œil partout, et qu'on ne perde point de temps à les armer, habiller et organiser. J'imagine que vous avez pris des mesures pour que dans des lieux couverts on les dégrossisse et leur donne la première instruction. Veillez à ce que des détachements des huit premiers régiments ne restent ni à Cassel , ni en route ; avec la quantité de monde qui vous arrive, vous serez toujours à temps d'envoyer à Cassel du monde, s'il est nécessaire, et, ici , un jour plus tôt ou plus tard peut signifier beaucoup. Je recommande cela à votre zèle pour mon service. Que tout ce qui peut marcher, habillé, armé et équipé, entre dans la formation des 9e, 10e, 11r et 12e régiments, et parte.
Osterode, 18 mars 1807
Au maréchal Kellermann
Le ministre Dejean a donné des ordres pour diriger 1,500 hommes à pied de différents régiments de cavalerie sur l'armée. Cette mesure est mauvaise. Les fatigues de la saison ont mis beaucoup d'hommes à pied ; nous ne pouvons y suffire; il faut donc retenir en France tous les hommes de cavalerie à pied qui ne seraient pas montés ni harnachés. Comme la lettre du ministre est du 6, j'espère que cet ordre vous arrivera à temps. Si quelques-uns de ces détachements ont été jusqu'à Cassel, retenez-les là pour les monter et les équiper.
Osterode, 18 mars 1807
ORDRE
Les brigadiers et inspecteurs des équipages de la compagnie Breidt qui mettront, pour venir de Thorn à Osterode, plus de quatre jours, seront à leur arrivée mis en prison.
M. Thévenin, inspecteur général des équipages de la compagnie, fera faire toutes les réparations nécessaires aux caissons du quartier général. Les sous-traités faits par la compagnie sont cassés.
Les ordonnateurs des corps d'armée feront des marchés avec les brigadiers pour les réparations à faire aux caissons de la compagnie, et les leur payeront sur le même pied que les paye le trésor public.
Sa Majesté témoigne son mécontentement aux employés de cette compagnie pour la négligence qu'ils portent dans leur service, ne faisant que trois on quatre lieues par jour, au lieu de faire des journées d'étapes.
Les caissons pris par les Cosaques ne seront point payés s'il est prouvé que la coupable négligence des employés de cette administration en est la cause, et qu'ils se soient arrêtés en route, ou qu'ils aient fait des journées moindres que des journées d'étapes ; que ces caissons aient, par exemple, été pris à Willenberg au delà du sixième jour de leur départ de Varsovie. Et ce qui doit montrer combien les employés de cette compagnie sont coupables, c'est que plusieurs ont mis quatorze jours à faire le chemin qui devait se faire en six , et qu'ils ont fait manquer le service de l'armée.
Désormais tous ceux qui ne feront pas la journée d'étapes, sans raisons valables , seront sévèrement punis.