1 - 15 août 1808
Bordeaux, 1er août 1808
A Joseph Napoléon, roi
d'Espagne, à Madrid
Mon Frère, je reçois
votre lettre du 27. Le rapport de l'officier de cuirassiers me
fait voir que le corps de Dupont va être attaqué et obligé de
faire sa retraite. Cela ne peut se concevoir. Quelque revers que
les circonstances vous puissent apprendre, n'ayez point d'inquiétude;
vous aurez plus de 100,000 hommes dans peu. Tout est en
mouvement; mais il faut du temps. Vous régnerez ; vous aurez
conquis vos sujets pour en être le père : les bons rois ont
passé à cette école.
Il y a plus de vingt jours
que mes ordres sont partis. Surtout, santé, gaieté, c'est-à-dire
force d'âme.
Bordeaux, 2 août 1808
NOTE SUR LA SITUATION ACTUELLE DE L'ESPAGNE.
1e Observation. -
Le rapport circonstancié qu'on recevra du capitaine Villoutreys
peut vous faire connaître la véritable situation des choses.
La bataille de Medina de
Rio Seco a défait toute l'armée de Galice. La bataille
d'Andalousie nous a enlevé un corps de 15,000 hommes. Sans doute
que ces deux événements ne se font point équilibre; ils se
compensent cependant jusqu'à un certain point.
2e Observation. -
Les l5,000 hommes qu'on a perdus ont été remplacés à l'armée
par les renforts qu'on a recus et qu'on reçoit à chaque
instant, savoir : 2e, 4e et 12e d'infanterie légère, 14e, 15e,
43e, 44e et 51e de ligne (ce qui fait une augmentation de huit régiments),
le 26e de chasseurs à cheval, les 12e, 13e, 14e et 15e escadrons
de marche, 400 Polonais de la Garde arrivés depuis peu à
Bayonne. Tout cela forme une force égale et sans doute, par sa
composition, de beaucoup supérieure au corps du général
Dupont; et, si on ajoute les trois régiments de la Vistule et le
régiment de lanciers qui sont devant Saragosse, on verra que
l'armée française se trouve encore beaucoup plus forte qu'à
son entrée en Espagne.
3e Observation.
- Il doit y avoir aujourd'hui à Madrid 20,000 hommes sous
les armes prêts à combattre; le maréchal Bessières en a 24,000;
le général Verdier en a 18,000; il y a donc encore à l'armée,
indépendamment du corps de Catalogne, qui forme un système à
part, plus de 60,000 hommes.
4e Observation. - Il
n'est plus question que le maréchal Bessières prenne
l'offensive et entre en Galice, ce qu'il allait exécuter. On
peut le mettre en position entre Burgos et Valladolid, le charger
d'observer le reste de l'armée de Galice, et, moyennant ce, on
peut lui ôter 9,000 hommes, savoir : le 4e d'infanterie légère,
le 15e de ligne, le bataillon de Paris, huit pièces de canon, le
96e de chasseurs, quatre escadrons de marche de dragons, la
brigade du général Lefebvre qui, en dernier lieu, a été détachée
de Madrid; ce qui augmentera l'armée de Madrid de 9,000 hommes.
On peut faire marcher en
droite ligne sur Madrid les 43e et 5le de ligne, les deux
bataillons de la réserve avec six pièces de canon; ce qui fera
près de 4,000 hommes. On peut tirer de Saragosse le 14e et
le 44e de ligne, 200 chevaux, huit pièces de canon; ce qui fera
encore une augmentation de près de 3,000 hommes. Ce qui fera à
Madrid un renfort de 16,000 hommes et de vingt-deux pièces de
canon, parmi lesquels il y aurait six régiments de ligne.
On peut considérer les l2e
et 22e, arrivés depuis peu à Madrid, également comme un
renfort. Ainsi la perte du général Dupont serait donc remplacée
par 18 à 20,000 hommes de troupes beaucoup meilleures. On
pourrait ainsi réunir de 30 à 36,000 hommes sous Madrid, et
conserver cette capitale.
L'armée aurait alors trois
corps.
1° Le Corps principal de
l'armée, à Madrid, de 36 à 40,000 hommes.
2° Le maréchal
Bessières aurait 1,600 hommes de cavalerie, 8 à 9,000 hommes
d'infanterie, à son corps mobile; le 118e (bataillon du dépôt
faisant ensemble 800 hommes), du dépôt, 600 hommes, 3e
bataillons des 14e et 44e bataillon, 2e provisoire du
Portugal, ler bataillon de réserve, à peu près 4,000 hommes,
sur les derrières, pour contenir Vitoria et Burgos; c'est-à-dire
que le maréchal Bessières aurait en tout près de 14,000 hommes.
3° On aurait sous
Saragosse les trois régiments de la Vistule, les lanciers,
quatre escadrons de marche, trois bataillons de marche, un régiment
supplémentaire, un bataillon des 15e, 47e et 70e; un bataillon
du 118e, 1er bataillon de marche du Portugal; tout cela faisant
encore 14 à 15,000 hommes devant cette place.
Saragosse pris, on
augmentera de quelque chose les troupes de Madrid et du maréchal
Bessières.
Dans le courant du mois,
plus de 8,000 hommes seront arrivés à Bayonne et fortifieront
d'autant le maréchal Bessières.
On pense donc, dans la
situation actuelle de l'armée, qu'on peut réunir à Madrid, ou
en échelons dans les environs, plus de 35,000 hommes, et qu'on
peut ainsi attendre la diminution des chaleurs et l'arrivée
successive des régiments qui sont en marche; que la perte du général
Dupont est diminuée par le gain de la bataille de Medina de Rio
Seco, par les secours arrivés depuis son entrée, par la perte
que l'ennemi a dû éprouver dans le combat devant le général
Dupont, et enfin par le plan adopté de se tenir réuni et de
renoncer à toute opération offensive, c'est-à-dire à la conquête
de Valence, de Grenade, de l'Andalousie, etc. Choisissant une
bonne position à une ou deux journées de Madrid, il n'est pas
probable que l'ennemi puisse rien présenter qui puisse remporter
la victoire sur cette force-là; et, enfin, quand on en acquerra
l'entière conviction, on se retirera selon les règles de l'art.
Chaque quinze jours
porteront à l'armée des renforts considérables. La colonne de
Saragosse peut se mettre en chemin et se trouvera en ligne.
Si Saragosse était pris,
on pourrait envoyer à Madrid les deux régiments de ligne, trois
bataillons de marche, et les incorporer dans leurs régiments.
EFFECTIF DES TROUPES FRANÇAISES EN ESPAGNE
GÉNÉRAL DUPONT |
||
|
infanterie |
cavalerie |
Brigade Dupré (chasseurs) |
|
1,000 |
Brigade Rouyer (Suisses) |
2,000 |
|
Division Barbou |
5,000 |
|
Division Vedel |
5,000 |
|
Brigade Privé (dragons) |
|
1,400 |
Division Gobert. |
6,000 |
|
|
18,000 |
2.400 |
MADRID ET ENVIRONS. |
||
|
infanterie |
cavalerie |
Garde impériale |
700 |
1,500 |
Brigade du général Rey |
2,000 |
|
Brigade Watier (hussards) |
|
1,000 |
A Ocana, division Musnier |
6,500 |
|
Division Morlot, non compris
la brigade Lefebvre |
3,700 |
|
1er régiment provisoire de
cuirassiers |
|
700 |
Division Frère. |
4,400 |
|
|
17,300 |
3,200 |
|
20,500 |
MARÉCHAL BESSIÈRES |
||
|
infanterie |
cavalerie |
Garde impériale . |
1,600 |
260 |
Brigade Lefebvre |
2,300 |
|
Division Merle . |
8,000 |
|
Division Mouton |
3,000 |
|
Mameluks |
|
1,500 |
Division Lasalle |
|
100 |
|
14,900 |
1,860 |
COLONNES |
||
|
infanterie |
cavalerie |
D'Aranda |
1,000 |
|
De Burgos |
2,100 |
360 |
Du major d'Ondenarde |
1,100 |
390 |
26e de chasseurs |
|
460 |
Chevau-légers polonais |
|
150 |
Colonne de Vitoria |
1,180 |
150 |
Garnison de Saint-Sébastien |
1,000 |
60 |
Division de réserve de
Bayonne |
6,000 |
|
|
12,380 |
1,570 |
|
13,950 |
COLONNES |
||
Verdier |
17,300 |
|
Duhesme |
11,700 |
|
Reille |
7,800 |
Bordeaux, 3 août 1808
Au général Clarke,
ministre de la guerre, à Paris
Je vous envoie des pièces
pour vous seul; lisez-les une carte à la main, et vous verrez si
depuis que le monde existe, il y a eu rien de si bête, de si
inepte, de si lâche. Voilà donc justifiés les Hohenlohe, etc.
On voit parfaitement, par le propre récit du général Dupont,
que tout ce qui est arrivé est le résultat de la plus
inconcevable ineptie. Il avait paru bien faire à la tête d'une
division ; il a fait horriblement en chef. Lorsque ce coup du
sort est arrivé, tout prospérait en Espagne : le Roi, depuis
son arrivée à Madrid, gagnait tous jes jours; le maréchal
Bessières, après la mémorable victoire de Medina de Rio Seco,
où avec 11,000 hommes il avait mis en fuite les armées de
Galice et de Portugal et leur avait tué 8 ou 10,000 hommes, les
avait chassés de Valladolid, de Palencia et du royaume de Léon;
le siège de Saragosse avançait grand train, et tout nous
portait à espérer une autre issue. Cette perte de 20,000 hommes
d'élite et choisis, qui viennent à manquer, sans même avoir
fait éprouver à l'ennemi aucune perte considérable,
l'influence morale que nécessairement cela doit avoir sur cette
nation, ont porté le Roi à prendre un grand parti en se
rapprochant de France et en se reportant sur Aranda et sur le
Duero.
Je ne suppose pas qu'il
soit nécessaire de faire de grands préparatifs à Rochefort,
parce que les Anglais ne laisseront sûrement pas passer ces imbéciles,
et que les Espagnols ne rendront pas les armes à ceux qui ne se
sont pas battus.
Communiquez les présentes
nouvelles au ministre Dejean, mais à lui seulement. L'influence
que cela va avoir sur les affaires générales m'empêche de me
rendre moi-même en Espagne; j'y envoie le maréchal Ney. Je
continue ma route par la Vendée. Je ne vais point directement à
Paris, parce que j'ai promis de passer par la Vendée, et que je
paraîtrais me défier de ces peuples; mais j'achèverai mon
voyage que possible.
Je désire savoir quels
tribunaux doivent juger ces généraux, et peine les lois
infligent à un pareil délit.
Faites avec le ministre
Dejean un mémoire sur ce qu'il est nécessaire, d'envoyer, soit
artillerie, soit autres objets, sur Bayonne et Perpignan.
Bordeaux, 3 août 1808
A Joseph Napoléon, roi
d'Espagne, à Bussaco
Mon Frère, la connaissance
que j'ai que vous êtes aux prises, mon ami, avec des événements
au-dessus de votre habitude autant qu'au-dessus de votre caractère
naturel, me peine. Dupont a flétri nos drapeaux. Quelle ineptie
! quelle bassesse ! Ces hommes seront pris par les Anglais. Des
événements d'une telle nature exigent ma présence à Paris.
L'Allemagne, la Pologne, l'Italie, etc. , tout se lie. Ma douleur
est vraiment forte lorsque je pense que je ne puis être en ce
moment avec vous et au milieu de mes soldats. J'ai donné l'ordre
à Ney de s'y rendre. C'est un homme brave, zélé et tout de
coeur. Si vous vous accoutumez à Ney, il pourrait être bon pour
commander l'armée. Vous aurez 100,000 hommes, et l'Espagne sera
conquise dans l'automne. Une suspension d'armes, faite par
Savary, peut-être pourrait amener à commander et diriger les
insurgés ; on écoutera ce qu'ils diront. Je crois que, pour
votre goût particulier, voulu vous souciez peu de régner sur
les Espagnols.
Je me porte mieux
que jamais. Je dis à Maret de vous envoyer un chiffre pour
correspondre sur les choses secrètes. Berthier vous envoie
quelques notes sur la situation de l'armée d'Espagne.
Dites-moi que vous êtes
gai, bien portant et vous faisant au métier de soldat ; voilà
une belle occasion pour l'étudier. J'ai écrit à la Reine de se
rendre à Paris.
Rochefort, 5 août
1808.
Au général Clarke,
ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général
Clarke, je vous ai fait connaître hier l'horrible catastrophe du
général Dupont. Le Roi a jugé convenable d'évacuer Madrid
pour se rapprocher de l'armée ; il a dû partir le @1 août. Un
événement aussi extraordinaire a culbuté de ce côté toute
espèce de mesures. Le maréchal Bessières, qui avait eu le plus
grand succès, s'était approché des débouchés de la Galice;
il a dû recevoir dans les premiers jours du mois l'ordre de se
rapprocher. J'espère qu'à l'heure qu'il est il a opéré sa
jonction avec le Roi. Ce nouvel état de choses exige, l° de
mettre en état de guerre et d'approvisionner toutes les places
des Pyrénées; 2° d'avoir à Perpignan et à Bayonne de grands
magasins de vivres, de biscuit , de farine et de grands dépôts
d'habillement; 3° d'organiser parfaitement la direction
d'artillerie de Perpignan et de Bayonne, en y envoyant des
officiers. Donnez des ordres pour que le tout s'établisse ainsi
et concertez-vous avec Dejean; tout cela est de la plus grande
importance. Qu'il y ait des armes, des fusils, des shakos dans
chacune de ces places , et un bon ordonnateur.
J'ai donné l'ordre pour la
rentrée, sur Mayence, du 1er corps de la Grande Armée, du 6e
corps et de deux divisions de dragons. Tout cela arrivera vers
les premiers jours de septembre à Mayence. Il est convenable que
vous preniez vos mesures en conséquence, et que vous me fassiez
un rapport pour diriger sur cette place, ou sur toute autre de la
route de Mayence à Bayonne, ce que les dépôts et les 4e
bataillons de ces corps peuvent fournir pour les renforcer; enfin
que vous fassiez toutes les dispositions nécessaires pour avoir
à Bayonne des vivres de la poudre, des cartouches, des munitions
d'artillerie, et tout ce qui est nécessaire. Cela est très-urgent,
car je vois plus de rapidité dans l'évacuation que je ne
l'aurais cru. Un événement comme celui-là a sans doute
beaucoup de pouvoir sur les imaginations ; cependant il me semble
qu'il en a un peu plus qu'il ne faudrait.
Je crois vous avoir déjà
écrit pour que le 36e fût dirigé sur Rennes, et le 55e, qui
est à Rennes , sur Bayonne. Faites tout ce qui est nécessaire,
et agissez de concert avec Dejean, en gardant le secret le plus
possible.
Rochefort, 5 août 1808
NOTE SUR LA SITUATION ACTUELLE DE L'ESPAGNE
1° Les événements
inattendus du général Dupont sont une preuve de plus que le
succès de la guerre dépend de la prudence, de la bonne conduite
et de l'expérience du général.
2° A la seule lecture du
rapport du colonel d'Affry, on avait deviné tous les événements.
Après une perte aussi
considérable, on ne peut être surpris que le Roi et les généraux
jugent convenable de concentrer l'armée et d'évacuer Madrid.
En examinant avec
attention, non les rapports mensongers des individus qui parlent
dans leur sens, mais les faits tels qu'ils se sont passés, on
est convaincu, l° que le général Castanos n'avait pas plus de
25,000 hommes de troupes de ligne et de 15,000 paysans; un jour
on sera à même de vérifier ce qui est avancé ici ; 2° que,
si le général Dupont les eût attaqués ou se fût battu
avec tout son corps réuni, il les eût complètement défaits.
3° On pense qu'on aura
tout le temps d'évacuer les blessés de Madrid; qu'arrivé à
Aranda il faudra occuper, aussi longtemps qu'il sera possible,
les hauteurs de Buitrago, afin de donner le temps au maréchal
Bessières de revenir de son mouvement de Galice ; qu'il faut réorganiser
la province de Burgos, les trois Biscayes et celle de Navarre.
Elles comprendront facilement qu'en ce moment plus que jamais
elles doivent rester fidèles et se bien conduire, sous peine d'être
traitées avec toute la rigueur de la guerre.
4° On pense que l'armée
doit être divisée en trois corps : le corps principal ou du
centre, où commande le Roi, qu'on porterait à 3,0,000 hommes,
campé à Aranda; le corps de droite du maréchal Bessières,
d'environ 15,000 hommes, faisant face à ce qui pourrait arriver
de Galice ou d'Estrémadure, occupant Valladolid par une
division, ayant une autre division intermédiaire avec le corps
du centre et une troisième division plus sur la droite, selon
les circonstances ; enfin le corps de gauche ou d'Aragon,
destiné à maintenir la Navarre et le pays environnant, occupant
Logrono et Tudela et liant sa droite au corps du centre par une
division qui, au besoin , renforcerait ce corps et devra
maintenir Soria par un corps volant. Les corps du centre et le
corps de droite doivent s'appuyer sur Burgos, et le corps
d'Aragon doit avoir son point d'appui sur Pampelune.
5° Pour organiser le corps
du centre dans ce but, on croit qu'on doit le renforcer de la
brigade du 14e et du 44e de ligne, 200 chevaux et huit pièces de
canon qu'on tirerait du corps devant Saragosse ; de la brigade du
général Mouton, composée des 4e léger, 15e de ligne, du
bataillon de Paris et huit pièces de canon ; de la brigade
commandés par le maréchal et qui est déjà à une marche en
avant de Bayonne, composée des 43e et 51e de ligne, 26e de
chasseurs, et six pièces de canon ; enfin de quatre escadrons de
marche de dragons et d'un régiment polonais de la Garde. On réunirait
les 3e bataillons aux deux premiers de tous les régiments
d'infanterie, et on mêlerait les jeunes soldats aux anciens.
On évalue à environ 10,000
hommes le renfort que recevrait le corps du centre, qui serait
alors composé des 18,000 hommes qui le forment à présent, des
renforts évalués à 10,000 hommes. Les détachements des dépôts,
des 4e léger, 15e de ligne, 14e et 44e, 43e et 51e de ligne, 2e
et 12e légers, rejoindront insensiblement et porteront ce corps
à 30,000 hommes. Ces 30,000 hommes ne sauraient être en
meilleures mains que sous les ordres du maréchal Ney, hormis une
réserve de 4 à 5,000 hommes destinés à la garde du Roi, et
que le Roi conserverait auprès de sa personne et ferait marcher
avec le général Salligny ou avec Savary, quand il le jugerait nécessaire.
Le corps du centre se
tiendrait à la hauteur d'Aranda, les communications bien assurées
avec le maréchal Bessières à Valladolid, des têtes de pont
bien établies à Aranda et Valladolid.
Ce corps se nourrira par
Burgos et devra non-seulement maintenir la tranquillité dans
cette province, mais encore assurer ses communications avec le
corps de Saragosse qui occupera Tudela et Logrono.
Le corps du maréchal Bessières,
fort de 15,000 hommes, devra occuper Valladolid, en faisant face
à ce qui arrivera d'Estrémadure ou de Castille, ayant ses trois
divisions en échelons et se nourrissant des provinces de
Valladolid, Valencia et Léon.
On enverra le maréchal
Moncey pour commander le corps du général Verdier, et on
chargera ce maréchal du commandement de la Biscaye et de tous
les derrières.
On estime qu'on peut
retirer du camp sous Saragosse les 11e, 14e, 44e de ligne, 200
chevaux et huit pièces de canon. Le reste doit être formé en
trois divisions et destiné à maintenir la Navarre.
La position de Logrono est
trop près ; il faut occuper au moins jusqu'à Tudela, pour
soumettre la Navarre et tout ce qui bougerait.
Dans l'ordre offensif, deux
divisions peuvent se porter à marches forcées sur l'armée.
6° Il faut ne point faire
une guerre timide et ne point souffrir aucun rassemblement ennemi
à deux marches d'aucun corps d'armée. Si l'ennemi s'approche,
il faut ne point se laisser décourager par ce qui s'est passé,
se confier dans sa supériorité, marcher à lui et le battre.
L'ennemi prendra lui-même probablement une marche très-circonspecte;
il y sera réduit du moment qu'il aura en quelques exemples.
Dans cette situation de
choses, toutes les fois qu'on serait sérieusement attaqué par
l'ennemi, on pourra lui opposer le corps du Roi, qui doit
toujours être ensemble, et les deux tiers du corps du maréchal
Bessières. Ce maréchal doit toujours tenir un tiers de son
corps à une demi-journée, un tiers à une journée du corps du
centre, et un tiers sur la droite, suivant les circonstances.
Egalement, un tiers du corps du général Verdier doit se tenir
à la gauche du Roi pour le joindre, si cela était nécessaire,
de sorte que, dans un jour, le Roi puisse réunir plus de 40,000
hommes.
7° Il faut débuter par
des coups d'éclat qui relèvent le moral du soldat et fassent
comprendre à l'habitant qu'il doit rester tranquille. Un des
premiers coups les plus importants à porter, et qui serait utile
pour relever l'opinion et compenser l'évacuation de Madrid ,
serait que la brigade des 14e et 44e qu'on rappelle de Saragosse,
aidée d'un détachement du corps du centre , soumette Soria , le
désarme et le fasse rester tranquille.
Attaquer et culbuter tout
ce qui se présentera doit être l'instruction générale donnée
au maréchal Bessières, au maréchal Ney et au général
Verdier; de sorte qu'à une marche ou à une marche et demie du
corps français il n'y ait aucun rassemblement des insurgés.
On est d'opinion que, si
l'avant-garde du général Castanos s'avance sur Aranda et dépasse
les montagnes de Buitrago, il faut, avec tout ce qu'on peut réunir
dans un jour, marcher à lui sans lui donner le temps de
s'y établir sérieusement, le culbuter et le jeter au delà des
montagnes, et, si l'affaire est décisive, se reporter sur Madrid.
L'ennemi doit essayer de déloger
l'armée française de cette position par trois points, par la
Galice et l'Estremadure, par la route dAranda, et enfin par
les rassemblements des provinces d'Aragon, de Valence et autres
de Castille.
Toutes ces combinaisons
sont difficiles à l'ennemi, et, si on dissipe ces
rassemblements, à mesure qu'ils se forment, sur tous les points,
et qu'on les tienne à distance d'une ou deux marches des
cantonnements français ; si alternativement les Français
prennent l'offensive, tantôt à leur droite en renforcent le maréchal
Bessières, pendant que le centre se tiendra dans une bonne
position derrière la rivière et à l'abri de toute attaque ,
tantôt au centre avec le corps du Roi, les deux tiers du corps
de droite et un tiers du corps de gauche, l'ennemi sera bientôt
obligé à la plus grande circonspection.
8° On aurait pu aussi
conserver Madrid , en renforçant le corps qui s'y trouve des 12j'el
et 4i, de ligne, de la brigade du général Mouton, de celle du général
Lefebvre, qui en dernier lieu a été envoyée au maréchal Bessières,
et enfin des renforts quatrième le maréchal Ney. On aurait
ainsi renforcé le corps de Madrid de plus de 14,000 hommes, et
il est douteux que l'ennemi eût voulu se mesurer avec des forces
aussi considérables et s'exposer à une perte certaine.
9° Si de fortes raisons
obligeaient dévacuer Aranda, on perdrait lespoir de
rétablir ses communications avec le Portugal- Dans le cas où
un événement quelconque porterait à évacuer le Duero, et à se
concentrer sur Burgos pour se réunir là avec le maréchal
Bessières, le corps du général Verdier peut communiquer par lÈbre
et avoir toujours son mouvement isolé pour maintenir la Navarre,
contenir lAragon, tous les rassemblements de ce côté, et
protéger la route principale. Pendant cet intervalle, des
renforts journaliers arriveront à l'armée, jusqu'à ce qu'enfin
les divisions de la Grande Armée qui sont en marche soient sur
les Pyrénées.
On a recommandé de tout
temps le petit fort de Pancorbo ; il est nécessaire de
l'occuper, même quand on ne garderait pas la ligne de l'Èbre.
C'est une vedette d'autant plus utile, qu'elle domine la plaine
et serait un obstacle si jamais l'ennemi s'en emparait.
10° La troisième position
qui se présente à l'armée, c'est la gauche à Pampelune et la
droite sur Vitoria, maintenant ainsi ses communications avec les
places importantes de Saint-Sébastien et de Pampelune.
Au reste, toutes ces notes
peuvent difficilement être de quelque utilité. Les événements
modifient nécessairement les dispositions. Tout dépend
d'ailleurs de saisir le moment.
11° Résumé. Le premier
but est de se maintenir à Madrid, si cela est possible ; le
second, de maintenir ses communications avec le Portugal, en
occupant la ligne du Duero ; le troisième, de conserver l'Ebre;
le quatrième, de conserver ses communications avec Pampelune et
Saint-Sébastien, afin que la Grande Armée arrivant, on puisse
en peu de temps culbuter et anéantir tous les révoltés.
Rochefort, 6 août 1808
A M. Daru, intendant général
de la Grande Armée, à Berlin
Monsieur Daru, vous
trouverez ci-joint une lettre pour le général Caulaincourt, que
vous ferez partir par un nouveau courrier. Voyez le maréchal
Victor pour la marche du ler et du 6e corps. S'il est possible
que toute mon infanterie marche en poste, de manière à faire
trois journées d'étapes dans un jour (il faudrait payer tout
comptant), cela me ferait grand plaisir, car j'ai grand besoin de
mes troupes.
La cavalerie et
l'artillerie pourraient avoir quelques séjours de moins et brûler
quelques étapes. Concertez-vous avec le maréchal Victor pour
tout cela. Pour faire le moins de sensation possible à Berlin ,
on pourrait faire le premier rassemblement pour aller en poste ,
à deux ou trois jours de cette ville.
Nantes, 8 août 1808
DÉCISION
On prie S.M. de décider
si une colonne de 550 Russes (1) venant de Hollande et
qui traversera le territoire français de Clèves à
Mayence sera défrayée aux frais de Sa Majesté. Le comte d'Hunebourg |
Je n'ai point de
connaissance qu'il doive passer aucune troupe étrangère
sur mon territoire Je rendrai le ministre responsable si
mon territoire est violé. Le maréchal Kellermann a eu
tort de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Je suppose
que les commandants des frontières auront assez d'esprit
pour ne point laisser violer le territoire. Il ne faut
point accoutumer les troupes étrangères à passer ainsi
légèrement sur le territoire français. Quand on sera
en règle sur le principal de la question, l'accessoire
est de peu d'importance. |
(1) Commandée par le
major Korff. Deux mois plus tard, à Erfurt, Napoléon autorisa
ces Russes à traverser le territoire français et à suivre
l'itinéraire fixé par le tsar, son nouvel allié.
(Brotonne)
Nantes, 9 août 1808
A Joseph Napoléon, roi
d'Espagne, à Burgos
Je reçois votre lettre du
3 août. Je vous envoie une lettre que je reçois du maréchal
Jourdan. Je suis extrêmement satisfait de l'esprit des départements
de la Vendée, que je viens de traverser.
Je ne puis que vous répéter,
une fois pour toutes, que presque toute la Grande Armée est en
marche, et que, d'ici à l'automne, l'Espagne sera inondée de
troupes. Il faut tâcher de conserver la ligne du Duero, pour
maintenir la communication avec le Portugal. Les Anglais sont peu
de chose; ils n'ont jamais que le quart des troupes qu'ils
annoncent. Lord Wellesley n'a pas 4,000 hommes. D'ailleurs, ils
se dirigent, je crois, sur le Portugal.
Nantes, 10 août 1808
Au prince Eugène Napoléon,
vice-roi d'Italie, à Milan
Mon fils, le major général
a dû vous écrire pour diriger sur Perpignan 10,000 Italiens,
infanterie, cavalerie, artillerie, sous les ordres du général
Pino et de deux généraux de brigade. Il est nécessaire que
cette division ait ses douze pièces dartillerie attelées,
ses cartouches, ses caissons, et soit même généralement munie
de tout ce quil faut pour faire la guerre. Il veut aussi
des officiers de génie, des sapeurs, enfin un extrait de larmée
italienne dans le cas de se faire honneur. Vous formerez également
une division française qui sera commandée par le généra1
Souham, et composée des trois premiers bataillons du 42e de
ligne, portés au grand complet de 2,400 hommes; des trois
premiers bataillons du 2e dinfanterie légère, également
porté au grand complet ; de 22 pièces dartillerie, dune
compagnie de sapeurs, et à cette division sera joint un
bataillon du 67e, un bataillon du 7e de ligne, un du 112e, et dun
du 3e qui partent des 27e et 28e divisions militaires. Le général
Souham pourra se rendre auprès du prince Borghèse pour prendre
le commandement de ces troupes et connaître leur marche. Donnez-lui
deux bons généraux de brigade, ce qui formera une bonne
division française de 8,000 hommes, qui, jointe à la division
italienne, fera une force de 16 à 17,000 hommes, qui se rendra
sans délai à Perpignan pour pousser vigoureusement la guerre dEspagne.
Donnez à la division française une compagnie de sapeurs, des
officiers du génie, et tout ce quil faut pour faire la
guerre. Il ny a rien en réalité à craindre de lAutriche,
puisque, si ce cas arrivait, je fais cause commune avec la Russie
et que cette puissance courrait à sa perte. II est évident que
les mouvements sont plutôt dirigés par la peur que par toute
autre cause. Dailleurs, un pareil nombre de troupes va se
rendre du royaume de Naples dans le royaume dItalie.
(prince Eugène)
Nantes, 10 août 1808
A M. de Champagny, ministre
des relations extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, je
reçois vos lettres. Je suis arrivé cette nuit à Nantes. J'ai
été extrêmement content de l'esprit du peuple de la Vendée.
Vous voyez que j'approche de Paris, où je serai rendu très
incessamment.
J'ai reçu un courrier
extraordinaire de Caulaincourt, avec une lettre du 20 juillet, où
l'empereur Alexandre me fait connaître que, si j'ai la guerre
avec l'Autriche, il fera cause commune avec moi, et me montre
beaucoup de sollicitude sur les affaires d'Espagne, dont les
nouvelles commencent à lui arriver. Cette démarche de la part
de ce prince est pleine de bons sentiments. Je vous envoie les
lettres de Caulaincourt.
Nantes, 10 août 1808
A Eugène Napoléon, vice-roi
d'Italie, à Milan
Mon Fils, le major général
a dû vous écrire pour diriger sur Perpignan 10,000 Italiens,
infanterie, cavalerie, artillerie, sous les ordres du général
Pino et de deux généraux de brigade. Il est nécessaire que
cette division ait ses douze pièces d'artillerie attelées, ses
cartouches, ses caissons, et soit munie généralement de tout ce
qu'il faut pour faire la guerre. Il faut aussi des officiers du génie,
des sapeurs, enfin un extrait de l'armée italienne dans le cas
de se faire honneur.
Vous formerez également
une division française, qui sera commandée par le général
Souham, et composée des trois premiers bataillons du 42e de
ligne portés au grand complet de 2,400 hommes, des trois
premiers bataillons du ler d'infanterie légère, également portés
au grand complet, de douze pièces d'artillerie, d'une compagnie
de sapeurs. A cette division sera joint un bataillon du 67e, un
bataillon du 7e de ligne, un du 112e et un du 3e d'infanterie légère,
qui partent des 27e et 28e divisions militaires. Le général
Souham pourra se rendre auprès du prince Borghèse, pour prendre
le commandement de ces troupes et connaître leur marche. Donnez-lui
deux bons généraux de brigade. Cela formera une bonne division
française de 8,000 hommes, qui, jointe à la division italienne,
fera une force de 16 à 17,000 hommes, qui se rendra sans délai
à Perpignan pour pousser vigoureusement la guerre d'Espagne.
Donnez à la division française une compagnie de sapeurs, des
officiers du génie
et tout ce qu'il faut pour faire la guerre.
Il n'y a rien en réalité
à craindre de l'Autriche, puisque, le cas arrivant, je fais
cause commune avec la Russie; et que cette puissance courrait à
sa perte. Il est évident que ses mouvements sont plutôt dirigés
par la peur que par toute autre cause. Dailleurs, un pareil
nombre de troupes va se rendre du royaume de Naples dans le
royaume d'Italie.
Nantes, 11 août 1808
NOTE POUR PRONY ET SGANZIN, INSPECTEURS GÉNÉRAUX
DES PONTS ET CHAUSSÉES.
Sa Majesté désire que MM.
les inspecteurs généraux des ponts et chaussées s'occupent des
objets ci-après :
La navigation de la Loire
depuis Nantes jusqu'à la mer;
L'établissement du port projeté pour la construction des
vaisseaux de guerre;
Les réparations à faire à l'écluse et à la digue de Vertoux
à l'embouchure de la Sèvre;
Les dessèchements les plus importants à faire dans le département
de la Loire-Inférieure, notamment le lac de Grandlieu
Les demandes faites dans le département de la Vendée pour
rendre navigables trois ou quatre rivières ; savoir quelles sont
celles dont il convient de s'occuper, soit à raison de l'utilité
et de la facilité de la navigation, soit à raison des travaux déjà
faits ;
Le système de dessèchement des marais à établir, soit pour
rendre des terrains à la culture, soit pour améliorer les
parties déjà conquises sur les eaux; l'île de Bouin doit être
l'objet d'une attention particulière;
Les travaux à faire à l'île de Noirmoutier;
La situation dés travaux du port des Sables et les nouveaux
travaux qui peuvent être nécessaires dans ce port.
Sa Majesté désire sur les
deux derniers objets des rapports particuliers.
Saint-Cloud, 15 août 1808
A Alexandre, prince de
Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Paris
Mon Cousin, vous trouverez
ci-joint copie de deux lettres d'officiers espagnols, qui ont été
interceptées. Envoyez-les au prince de Ponte Corvo, et faites-lui
connaître que je suppose qu'il aura fait toutes ses
dispositions, soit pour diviser le corps de troupes espagnoles,
soit pour l'éloigner entièrement des côtes; que, s'il ne l'a
pas fait, il le fasse sans délai, car les publications vont
avoir lieu en France, et cette division se portera à quelques
excès sans cette précaution. Il ne faut pas se reposer sur ce
que dira le général; la division s'insurgera malgré lui, et
lui-même n'y pourra rien.
Saint-Cloud, 15 août
1808
Au comte Fouché,
ministre de la police générale, à Paris.
Je lis dans votre
bulletin du 10 que vous avez envoyé un Russe prévenu d'avoir
volé à Francfort, pour de là l'envoyer en Russie. Donnez-moi
des nouvelles de cette affaire.
Envoyez-moi l'ouvrage
de Fauché-Borel ainsi que tous ls ouvrages imprimés de Puisaye.
(Brotonne)