15 - 30 avril 1808
Bayonne, 15 avril 1808
A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris
Monsieur Cretet, je désire encourager le commerce des places maritimes avec les colonies françaises et espagnoles, rendre de l'activité à nos ports, faire arriver en France des denrées coloniales, et aux colonies les deux objets de première nécessité pour elles, c'est-à-dire le pain et le vin. Voici le mode que j'ai jugé le plus convenable pour obtenir ces résultats. Je désirerais qu'il se formât à Bordeaux, la Rochelle, Nantes, Saint-Malo, Granville et le Havre, des compagnies dont les actions seraient de 5, de 10 ou de 15,000 francs, et qui feraient des expéditions soit avec des bâtiments tout construits, soit avec des bâtiments que l'on construirait à cet effet, les uns et les autres bons marcheurs et de 150 à 300 tonneaux. Leurs cargaisons seraient composées ainsi que la compagnie le jugerait à propos. Pour former de telles compagnies l'emploi de mon autorité est inutile; mais voici comment elle peut intervenir, et quels sont les encouragements que je veux donner : 1° je prendrai, pour chaque armement, le tiers des actions; 2° la marine payera, sur chaque bâtiment, le passage de 10 à 20 conscrits, qui iront renforcer les corps qui sont aux colonies, et qui renforceront en même temps l'équipage des bâtiments pour le service des canons qu'ils auront, afin de n'avoir rien à craindre des petits corsaires ; 3° la marine prendra depuis 20 jusqu'à 50 tonneaux de chaque chargement; elle les emploiera à envoyer des farines ou des objets d'artillerie. Elle payera le fret au moment du départ, de sorte que, si le bâtiment est pris, elle perdra sa marchandise et le fret qu'elle aura payé. La proportion des tonneaux que prendra la marine ne pourra excéder le sixième du tonnage de ces bâtiments. Ces encouragements sont tels que j'ai lieu d'espérer qu'ils engageront à faire beaucoup d'expéditions. La chambre de commerce de Bordeaux, à qui j'ai parlé de ce projet, va créer des actions pour deux millions, et chercher dans son port ou faire construire dans ses chantiers quinze goélettes capables de porter 3 ou 4,000 tonneaux ; elle les expédiera pour la Guadeloupe, la Martinique et Cayenne. Il est bien entendu que les expéditions ne partiront que dans le temps des longues nuits, qu'on les préparera pendant l'été, et qu'elles ne mettront à la voile qu'à la fin de septembre ou au commencement d'octobre, pour être de retour avant la fin de mars. Je pense que la Rochelle, Saint-Malo et Granville pourront expédier chacun trois bâtiments; Nantes et le Havre, chacun cinq ; ce qui fera une trentaine de bâtiments, ou 6 à 7,000 tonneaux , et une valeur d'armement de quatre à cinq millions. Il est probable que je ne perdrai rien à cette opération, puisque je m'intéresserai à tous ces armements. Si la moitié seulement des navires réussissait et rentrait dans les ports, je retrouverais les capitaux que j'y aurais mis. Pour les expéditions à faire au Havre, parlez à Begouen; lui et Foache peuvent se mettre à la tête de cette opération. Écrivez aussi aux négociants les plus accrédités de Nantes, de la Rochelle, de Saint-Malo et de Granville. Ayez soin de leur recommander le secret. Engagez-les à mettre en construction de bons marcheurs, s'ils n'en ont pas. On peut porter l'opération jusqu'à soixante bâtiments, c'est-à-dire 12,000 tonneaux, s'il y a des facilités pour cela. Il est bien entendu que je ne veux être pour rien dans la direction et l'administration de ces expéditions. Conférez avec le ministre de la marine, afin qu'il sache ce qu'il peut donner en chargement dans les différents ports. Il expédiera probablement du vin et des farines, de Bordeaux; des ancres et des objets d'artillerie, du Havre, etc. Je n'ai nommé ni Anvers ni Dunkerque, qui me paraissent trop immédiatement sous le canon de l'Angleterre.
Bayonne, 15 avril 1808
A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid
Je reçois votre lettre du 11 avril à onze heures du soir. Le général Reille doit être arrivé. Le prince des Asturies était le 14 à Vittoria, Monthion, que je vous ai expédié, l'ayant rencontré, l'a vu ; il était douteux s'il se rendrait ou non à Tolosa. Cependant il devait s'y rendre samedi. Laissez à Bessières les fusiliers de la Garde. Reposez bien vos troupes. Demain je vous expédierai un officier. Savary est ici depuis hier.
La division du général Lasalle, ayant plusieurs régiments de très belle cavalerie, va arriver ici. Vous connaissez mes intentions ; elles sont immuables. Il est inutile que j'entre dans d'autres détails.
Je vois avec plaisir qu'à mon arrivée il n'y aura plus de gale, que les différents détachements seront réunis , et que vous aurez vos vivres assurés pour deux mois.
J'ai ici 100 caissons chargés de munitions à canon et d'infanterie; je les ferai escorter par la division Lasalle et 4,000 hommes d'infanterie.
J'ai ici réunis 500 mulets embrigadés; on va les charger de cartouches, et les faire partir à fur et mesure.
Il parait que vous avez à Madrid beaucoup de fusils ; vous devez vous en servir pour armer vos troupes, ainsi que des munitions que vous avez à Ségovie.
Il faut que vous teniez en règle votre magasin de deux millions de cartouches à Madrid, afin que vous puissiez en distribuer cinquante à chaque homme.
S'il y avait des mouvements en Espagne, ils ressembleraient à ceux que nous avons vus en Égypte. Ainsi donc il faut tenir vos troupes réunies, et faire marcher les convois en grande force.
Je vous ai fait connaître que les points importants étaient Aranda, Buitrago, où il fallait avoir des magasins de cartouches et de vivres.
J'ai appris avec plaisir que les officiers se tenaient resserrés dans les mêmes quartiers et bien en mesure. Tenez la main à ce qu'aucun homme isolé ne marche, et réitérez l'ordre à Aranda qu'on les retienne tous et qu'on ne les fasse marcher que par colonne de 500 hommes. Vous ne sauriez trop veiller à cela.
Bayonne, 15 avril 1808
A Joseph Napoléon, roi de Naples, à Naples
J'ai reçu votre lettre, celles de la reine de Naples, de Charlotte et de Zénaïde.
Vous ne me parlez plus de l'amiral Ganteaume. Il y a cependant longtemps qu'il a dû partir. Il est vrai que les vents du nord-est règnent dans cette saison.
Je suis à Bayonne depuis hier. L'infant don Carlos y est aussi. Je n'ai pas pu le voir, ce prince étant tombé malade la veille de mon arrivée. J'attends le prince des Asturies, qui a pris le nom de Ferdinand VII ; il est sur la frontière. J'attends aussi l'infortuné Charles IV et la reine.
Le grand-duc de Berg est à Madrid. Le général Dupont est à Tolède.
J'ai des divisions à l'Escurial et à Aranjuez.
Bayonne, 16 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur Decrès, j'ai vu en grand détail le port de Bayonne. Les vaisseaux de 74, comme ceux d'Anvers, pourraient y être construits et conduits jusqu'à la barre. Le passage de la barre dépendrait des événements. Il y a des exemples de vaisseaux suédois, tirant 18 pieds d'eau, qui y ont passé : cette barre est très-mobile. Cependant, s'il était possible d'alléger le vaisseau avec un chameau, le passage serait facile. Il peut y avoir de l'avantage à ces constructions, puisque les bois ne peuvent être transportés à Rochefort. Mais cela est, d'ailleurs, une circonstance très-secondaire. Je désire que vous me fassiez un rapport là-dessus. Je ne sais par quelle bizarrerie les travaux du port sont dans les mains des ingénieurs militaires, que cela ne regarde pas. Je ne pense pas qu'il soit de mon honneur d'abandonner les grands travaux qu'on a faits depuis quatre-vingts ans, lorsque avec une somme de 4 à 500,000 francs je puis me promettre de grands avantages de ces travaux. Jusqu'où le prolongement des jetées doit-il être fait ? Cela détruira-t-il la barre ?
J'ai trouvé à Bayonne deux gabares de 2 à 300 tonneaux, tirant 12 pieds d'eau, chargées. Elles ne trouvent pas tous les jours la facilité de sortir. Rien n'est plus mal entendu que ce service, et, en jetant un coup d'oeil sur ces détails, je ne suis pas étonné que la marine me dépense cent millions et que rien ne réussisse dans mes arsenaux. La Moselle est une gabare de 2 à 300 tonneaux; elle porte 3,200 pieds cubes de bois, et fait un voyage par an de Bayonne à la Rochelle.
Ainsi donc, pour avoir 3,200 pieds cubes de bois, qui valent 12,000 francs,
transportés de Bayonne à Rochefort, j'entretiens un bâtiment qui, en agrès,
réparations, me coûte au moins 3,000 francs par an, qui exige quatre officiers
et cent seize marins, qui doivent me coûter au moins 80,000 francs pour vivres,
solde et habillement. Pour avoir donc 3,200 pieds cubes de bois, je dépense 83,000
francs par an, c'est-à-dire 24 francs par pied cube, et je n'ai pas même
la consolation de former des marins, car ces bâtiments, comme vous voyez, ne
naviguent pas et ne font qu'un voyage par an. A cette perte il faut ajouter que
les 100,000 pieds cubes de bois que produisent le bassin de l'Adour et les Landes
ne trouvent point d'écoulement par les mauvais moyens qu'on prend. Si, au lieu
de cela, on laissait les gabares désarmées dans le port de Rochefort, afin d'être
employées en temps de paix pour le service des colonies, et qu'on se servît des
alléges de Nantes, qui ne tirent que 7 à 8 pieds d'eau, on transporterait le
quadruple de bois. Enfin on transporterait la quantité qu'on voudrait par les
caboteurs, même les bois longs, de Bayonne à Rochefort, en leur donnant une légère
indemnité. J'ai remarqué qu'il
avait sur ces gabares d'anciens matelots; leurs équipages suffiraient pour
armer un vaisseau. Quand j'ai évalué 83,000 francs la dépense que me coûtent
ces gabares, je n'ai pas calculé le danger qu'elle courent d'être prises.
L'année passée, j'en ai perdu trois. Je n'ai pas compté non plus le
renouvellement des agrès, coûtant 150,000 francs qui, étant usés en dix ans,
forment encore 15,000 francs. Mais, dira-t-on, on faisait cela en 1782 : sans
doute; mais les circonstances étaient bien différentes ; on était en paix , on
sortait comme on voulait. Quand on voit ces bâtiments, il n'y a qu'une seule
chose qui reste, c'est l'idée qu'ils puissent faire un voyage sans être pris.
De Bayonne à Rochefort ils n'ont pas de protection. Ils sont énormes , marchent
d'autant plus mal qu'on y a mis des pièces de 6 au lieu de pièces de 4. Ils
marchent mal, parce qu'ils sont mal construits, parce qu'ils n'ont pas assez de
bau. Les marins sont toujours étonnés qu'on ne construise pas les gabares sur
le modèle de la Lionne, qui sert d'amiral à Rochefort. Elle portait 6,000
pieds cubes de bois au lieu de 3,000, tirait 6 pieds d'eau, et marchait comme une
frégate. En général, je vois que dans tous les ports on fait les mêmes
plaintes. Les bâtiments se comportent mal à la mer, parce qu'ils n'ont pas assez
de bau. Je demande que les ingénieurs mettent leurs plans dans leur poche, et
que l'on construise des gabares sur le modèle de la Lionne; qu'elles
soient réservées pour le Nord, et pour s'en servir en temps de paix, et pour des
ports où il n'y a pas de barre ; que les transports de Bayonne à Rochefort surtout
ne se fassent que par
des alléges comme celles de Nantes, tirant 7 à 8 pieds d'eau, ayant peu d'équipage
et portant une grande quantité de bois ; et qu'enfin on livre, s'il le faut,
ces transports à l'industrie particulière.
Le port de Bayonne n'est presque jamais bloqué. Des corvettes et des avisos pourraient en partir pour les îles sans danger; cependant il n'y en a pas un. Il devrait toujours y avoir trois ou quatre corvettes ou bricks pour expédier des troupes et des avis aux colonies.
De là j'ai été à l'arsenal; j'y ai vu une assez grande quantité de bois, et ce qu'on avait fait de deux vaisseaux de guerre. Les pièces du Vénitien sont prêtes depuis un an. J'ai vu en construction deux très-muvaises gabares, à la place desquelles on aurait pu mettre deux frégates ou au moins deux corvettes ou bricks, qui, sortant de Bayonne et ayant les ports d'Espagne pour refuge, pourraient croiser avec succès ou se porter partout où il serait nécessaire. J'ai vu 15 à 20,000 pieds cubes de bois pourri, parce qu'il est là depuis un temps immémorial, Il faut achever ces deux mauvaises gabares ou les ôter du chantier, et mettre deux corvettes tirant 11 ou 12 pieds d'eau, et quatre ou cinq bricks, qu'on pourra facilement mettre en armement pour voyager aux colonies. Il serait aussi à propos d'y construire deux frégates pour utiliser ces bois qui coûtent si cher à transporter, et qui, ne l'étant pas, se pourrissent.
Le commerce de Bayonne demande, avec raison, que son cabotage avec le Portugal soit protégé. Si ce cabotage était protégé au passage des trois caps, il irait alimenter le Portugal en vins et en blés, et rapporterait en retour des sucres et autres denrées à Bayonne. Je désire donc que vous chargiez un capitaine de frégate intelligent de se rendre à Bayonne; que vous mettiez sous ses ordres quatre ou cinq bâtiments d'une force supérieure aux péniches et goélettes , avec lesquels il ira prendre station pour favoriser le passage des caps de Bayonne à Lisbonne. Cet officier pourrait prendre langue à Bayonne, aller visiter les lieux par terre, et revenir prendre le commandement de ces bâtiments. Vous pourriez, pendant ce temps, lui préparer son armement à Bordeaux, Bayonne ou Rochefort. Vous devez sentir l'immense avantage qui résulterait pour la France et pour le Portugal de cet établissement de cabotage. Si l'on peut tenir des frégates sur les points où le cabotage peut être protégé, il faut y en diriger trois, en attachant à chaque frégate un brick et trois ou quatre péniches. Je crois vous avoir écrit que le cabotage de Bordeaux ne dépendait que du passage des caps, où il avait besoin d'être protégé. Je dois ajouter qu'il faut à l'embouchure de la Gironde deux frégates et deux bricks, qui feraient une division de quatre bâtiments de guerre, commandés par un officier qui aurait l'autorisation de les faire sortir quand il le jugerait nécessaire. Cela aurait l'avantage de maintenir libre l'embouchure de la Gironde et de favoriser le commerce. Avec l'argent que coûte le transport des bois de Bayonne à Rochefort, on en aurait une grande quantité dans la Garonne, et on approvisionnerait Rochefort comme on voudrait.
La marine a beaucoup de choses à faire. Il faut tout voir par vous même, et raisonner dans le sens de notre situation. On pourrait avoir de grandes économies, faire beaucoup de travaux, et donner du soulagement au commerce.
Bayonne, 16 avril 1808
NOTES POUR LE PRINCE DE NEUCHATEL, MAJOR GÉNÉRAL DE LA GRANDE ARMÉE
Demander un mémoire sur les trois provinces de la Biscaye. Qui est le capitaine général ? où se tient-il ? Quels sont les commandants sous ses ordres ? où se tiennent-ils ? Quelle est l'organisation civile ce pays ? Où est l'intendant général ? qui est-il ? Ses subdélégués ? se tiennent-ils ? L'organisation des états ? ou s'assemblent-ils ? leur nombre ? lorsqu'ils ne sont pas réunis, qui les représente ? Où se tient la députation ?
Recommander au général Verdier de ne point laisser isolé aucun détachement, infanterie ou cavalerie; de s'organiser bien fortement à Vitoria avec sa 1e brigade, d'où pourront, au besoin, partir des colonnes mobiles. Sa 2e brigade viendra prendre de suite position à Hernani, où, au besoin, elle pourra être renforcée d'une partie de la garnison de Saint-Sébastien. Il laissera seulement au poste un gendarme et deux hommes de cavalerie sous la responsabilité de l'alcade, pour lui prêter main-forte ainsi qu'aux maîtres de poste, et avoir la police des hommes isolés. On fera comprendre au gouverneur général de la province et aux alcades que ces hommes ne sont que pour protéger et avoir la police sur les derrières.
A M. le maréchal Bessières : que les seuls points où il doit avoir des Français sont Vitoria, Aranda, Burgos et Hernani; qu'il placera des détachements avec quinze jours de vivres dans les postes (tels Pancorbo) à l'abri d'un coup de main; qu'il concentrera toutes troupes ; qu'il retirera les hommes de l'hôpital de Valladolid pour porter sur ceux de Burgos, Aranda, etc., à l'exception d'une centaine qu'on ne pourrait transporter, et qu'on y laissera sous la responsablité espagnole; qu'à Valladolid continuera à rester le commandant de la place avec 12 hommes et un piquet de cavalerie (lui recommander les hommes isolés, surtout de la Garde impériale) ; qu'à Burgos se porteront ceux depuis Vitoria à Burgos ; à Madrid, tous ceux depuis Lerma à Madrid. Que l'Empereur approuve la nomination du général Frère au commandement de la division à Aranda, poste important et qu'il faut garder soigneusement. Réunir sous ses ordres les divers bataillons de marche. Avoir au moins à Aranda 1,200 hommes d'infanterie, 5 à 600 hommes de cavalerie et quatre pièces de canon de la division Merle.
Que le général Verdier continuera à être sous les ordres du maréchal Bessières, mais ayant la police de la province de Biscaye, composée de Guipuzcoa, Alava et Biscaye proprement dite; il n'y a que la seule place de Saint-Sébastien. Que le général Verdier prenne connaissance de l'organisation de la province, des hommes en place ou qui ont de l'influence, afin d'agir au besoin en conséquence. Sa le brigade, à Vitoria; sa 2e, à Hernani, comme il a été dit. Faire connaître ces dispositions au maréchal Bessières.
C'est le moyen d'être partout, puisque en deux marches on peut se porter sur tous les points avec des forces imposantes. Point de garnisons; point de petits paquets. Quant au chemin d'Aranda à Madrid, il y aura le point de Buitrago, où sont des magasins et un hôpital ; le grand-duc y tiendra 1,000 hommes en infanterie et cavalerie avec deux pièces de canon pour tenir les communications.
Les hôpitaux à Saint-Sébastien, Burgos, Aranda et Vitoria; aucun homme souffert entre ces points; les soldats isolés seront sur-le-champ dirigés sur le plus près. Rendre les généraux responsables des hommes isolés, les retenir dans les corps et les y mettre en subsistance.
Que le maréchal Bessières, les généraux Verdier et Frère se portent sur le pays ou village qui pourrait s'insurger ou qui aura maltraité des soldats et des courriers; y faire un grand exemple. Une fois dans une campagne un terrible exemple, comme j'ai fait à Bignasco en Italie, suffira.
Le maréchal Bessières jugera s'il ne serait pas à propos de réunir
les escadrons provisoires dans les quatre régiments provisoires. Ces escadrons,
mal organisés, rendent peu de services, d'autant que 1,000 hommes du général
Lasalle arrivent à Bayonne. L'intention de l'Empereur est que le maréchal
Bessières ait le commandement
des trois provinces, Navarre, Biscaye et Vieille-Castille. Dans la province de
la Navarre, il y a le général d'Agoult avec sa brigade; on tiendra bonne
garnison dans la citadelle de Pampelune, qui, dominant la ville, en rend
toujours maître; dans celle de la Biscaye, le
général Thouvenot est chargé de Saint-Sébastien.
Tous les hommes isolés seront retenus à Bayonne. Après trois jours de repos, avec des cartouches et bien armés, ces hommes seront dirigés sur Saint-Sébastien, de manière à porter les bataillons de la réserve à 1,000 hommes chacun, et avoir une colonne mobile, commandée par le colonel Pepin, de 1,200 hommes d'infanterie, 50 hommes de cavalerie et quatre pièces de canon.
A Hernani, la 2e brigade du général Verdier, composée du 3e escadron de marche des cuirassiers, du 13e provisoire d'infanterie et de trois pièces de canon. A la tête de cette colonne sera le général Ducos, qui partira de Bayonne le 18; le 17, au soir, le major général prendra là-dessus mes ordres. Cette brigade sera renforcée du 14e régiment provisoire (qui doit arriver le 14 à Bayonne, y rester un jour et prendre mes ordres avant le départ), et d'une compagnie de 100 Basques, s'il est possible de la former. Le général Verdier, avec sa 1e brigade et douze pièces de canon, 3 à 400 hommes de cavalerie qui forment à présent les postes dans les relais depuis Irun, se tiendra à Vitoria; sa 2e brigade, ainsi que la garnison de Saint-Sébastien, sera spécialement chargée de la Biscaye.
Enfin M. le maréchal Bessières se tiendra à Burgos avec les deux régiments de fusiliers de la Garde, huit pièces de canon de la Garde, la 1e brigade du général Merle avec huit pièces de cette division, le 1er régiment de marche, la brigade Gaulois. Toute la cavalerie de la Garde, entre Vitoria et Burgos. Enfin le général Frère se tiendra à Lerma avec trois bataillons de marche, différents escadrons de marche et les quatre régiments de marche du général Lagrange. Le maréchal Bessières est maître d'établir des troupes dans ces quatre points, Hernani, Burgos, Aranda et Vitoria ; il n'y aura point de Français ailleurs, à l'exception d'un poste à l'abri d'un coup de main, que l'on pourra occuper. On pourra laisser quelques capitaines ou lieutenants pour commander les points importants, avec ordre de se replier vers la masse en cas d'insurrection générale.
On fera connaître à M. le maréchal Bessières et au général Verdier que j'irai en Espagne à la tête de la division Lasalle, composée de quelques milliers d'hommes. On laissera les chevaux aux relais. Dans tous les pays quelconques, en tenant les principales villes ou postes, on les contient facilement, en ayant sous sa main les évêques, les magistrats, les principaux propriétaires, qui sont intéressés à maintenir l'ordre sous leur responsabilité.
Au maréchal Bessières : tenir à Madrid des corps nombreux de la Garde; c'est là que les événements se passeront. C'est là le centre des Espagnols. Autour de cette capitale se trouvent les grandes plaines.
Dépôts de cartouches à Burgos, Aranda, Vitoria et Buitralo, et y faire venir des vivres et du biscuit. 300,000 rations de biscuit à Vitoria, autant à Burgos, Aranda et Buitrago. Ces mesures doivent s'exécuter sous dix jours, par gradation et sans secousses , rien n'est pressé; mais cependant plus tôt si des insurrections se manifestaient.
Bayonne, 16 avril 1808
A Ferdinand, prince des Asturies, à Vitoria
Mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Altesse Royale. Elle doit avoir acquis la preuve, dans les papiers qu'elle a eus du Roi son père, de l'intérêt que je lui ai toujours porté. Elle me permettra, dans la circonstance actuelle, de lui parler avec franchise et loyauté. En arrivant à Madrid, j'espérais porter mon illustre ami à quelques réformes nécessaires dans ses États et à donner quelque satisfaction à l'opinion publique. Le renvoi du prince de la Paix me paraissait nécessaire pour son bonheur et celui de ses sujets. Les affaires du Nord ont retardé mon voyage. Les événements d'Aranjuez ont eu lieu. Je ne suis point juge de ce qui s'est passé et de la conduite du prince de la Paix; mais ce que je sais bien, c'est qu'il est dangereux pour les rois d'accoutumer les peuples à répandre du sang et à se faire justice eux-mêmes ; je prie Dieu que Votre Altesse Royale n'en fasse pas elle-même un jour l'expérience. Il n'est pas de l'intérêt de l'Espagne de faire du mal à un prince qui a épousé une princesse du sang royal et qui a si longtemps régi le royaume. Il n'a plus d'amis : Votre Altesse n'en aura plus, si jamais elle est malheureuse. Les peuples se vengent volontiers des hommages qu'ils nous rendent. Comment, d'ailleurs, pourrait-on faire le procès au prince de la Paix sans le faire à la Reine et au Roi votre père ? Ce procès alimentera les haines et les passions factieuses : le résultat en sera funeste pour votre couronne. Votre Altesse Royale n'y a de droits que ceux que lui a transmis sa mère; si le procès la déshonore, Votre Altesse déchire par là ses droits. Qu'elle ferme l'oreille à des conseils faibles et perfides. Elle n'a pas le droit de juger le prince de la Paix; ses crimes, si on lui en reproche, se perdent dans les droits du trône. J'ai souvent manifesté le désir que le prince de la Paix fût éloigné des affaires ; l'amitié du roi Charles m'a porté souvent à me taire et à détourner les yeux des faiblesses de son attachement. Misérables hommes que nous sommes ! faiblesse et erreur, c'est notre devise ! Mais tout cela peut se concilier. Que le prince de la Paix soit exilé d'Espagne, et je lui offre un refuge en France. Quant à l'abdication de Charles IV, elle a eu lieu dans un moment où mes armées couvraient les Espagnes, et, aux yeux de l'Europe et de la postérité, je paraîtrais n'avoir envoyé tant de troupes que pour précipiter du trône mon allié et mon ami. Comme souverain voisin, il m'est permis de vouloir connaître, avant de reconnaître cette abdication. Je le dis à Votre Altesse Royale, aux Espagnols, au monde entier : Si l'abdication du roi Charles est de pur mouvement, s'il n'y a pas été forcé par l'insurrection et l'émeute d'Aranjuez, je ne fais aucune difficulté de l'admettre, et je reconnais Votre Altesse Royale comme roi d'Espagne. Je désire donc causer avec elle sur cet objet. La circonspection que je porte depuis un mois dans ces affaires doit lui être garant de l'appui qu'elle trouvera en moi , si, à son tour, des factions de quelque nature qu'elles soient venaient à l'inquiéter sur son trône. Quand le roi Charles me fit part de l'événement du mois d'octobre dernier, j'en fus douloureusement affecté, et je pense avoir contribué, par les insinuations que j'ai faites, à la bonne issue de l'affaire de l'Escurial. Votre Altesse Royale avait bien des torts, je n'en veux pour preuve que la lettre qu'elle m'a écrite, et que j'ai toujours voulu ignorer. Roi à son tour, elle saura combien les droits du trône sont sacrés : toute démarche près d'un souverain étranger de la part d'un prince héréditaire est criminelle. Le mariage d'une princesse française avec Votre Altesse Royale, je le tiens conforme aux intérêts de mes peuples, et surtout comme une circonstance qui m'attacherait par de nouveaux liens à une Maison dont je n'ai eu qu'à me louer depuis que je suis monté sur le trône. Votre Altesse Royale doit se défier des écarts des émotions populaires. On pourra commettre quelques meurtres sur mes soldats isolés, mais la ruine des Espagnes en serait le résultat. J'ai déjà vu avec peine qu'à Madrid on ait répandu des lettres du capitaine général de la Catalogne et fait tout ce qui pouvait donner du mouvement aux têtes. Votre Altesse Royale connaît ma pensée tout entière. Elle voit que je flotte entre diverses idées qui ont besoin d'être fixées. Elle petit être certaine que, dans tous les cas, je me comporterai avec elle comme envers le Roi son père. Qu'elle croie à mon désir de tout concilier et de trouver des occasions de lui donner des preuves de mon affection et de ma parfaite estime.
Bayonne, 16 avril 1808
Au maréchal Bessières, commandant de la Garde impériale, en Espagne, etc. à Burgos
Mon Cousin, le major général vous aura fait connaître mes intentions. Je désire que mes troupes soient centralisées dans les quatre points de Hernani, Vitoria, Burgos et Aranda. J'envoie à Hernani le général Ducos avec le 3e escadron de marche de cavalerie, une brigade de régiments provisoires et six pièces de canon que j'ai fait organiser à Bayonne; ce qui compose une fort belle brigade, qui sera la seconde de la division Verdier. Il ne sera fait aucun établissement à Hernani ; les hôpitaux et les magasins seront établis dans la place de Saint-Sébastien. Cette brigade du général Ducos sera augmentée, si l'occasion l'exige, d'une colonne mobile tirée de Saint-Sébastien, que commandera le colonel Pépin. Cette colonne serait de 1.200 hommes et de deux pièces d'artillerie. Le général Verdier avec ses douze pièces d'artillerie, sa 1e brigade et 2 ou 300 chevaux, gardera Vitoria; il aura le commandement de la Biscaye et prendra des mesures pour assurer la tranquillité de cette province. Tous les hommes isolés se rendront à Saint-Sébastien, pour être mis en subsistance dans les bataillons ; aucun ne passera Vitoria ni Burgos. Recommandez bien aux commandants de place d'y porter la plus grande surveillance et mettez en subsistance les hommes isolés dans les bataillons de marche que vous avez.
Entre Hernani et Vitoria il n'y aura aucun hôpital ni dépôt; tout sera évacué sur Saint-Sébastien. Entre Vitoria et Burgos il n'y aura aucun hôpital, ni établissement, ni poste français; tout sera à Vitoria ou à Burgos. Vous réunirez à Burgos toutes vos troupes, en laissant à Aranda 1,800 hommes d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie. Il y aura aussi à Saint-Sébastien, Vitoria, Burgos et Aranda, des magasins de vivres, de biscuit, de cartouches, et des hôpitaux. Tenant ainsi les capitales, le pays restera tranquille, et, s'il était agité, quelques colonnes mobiles tombant sur le lieu, et y faisant des exemples sévères, y rétabliraient la tranquillité. Vous pouvez laisser entre les différents points de réunion quelques gendarmes avec des soldats espagnols, en faisant connaître qu'ils sont là pour faire respecter les alcades et maintenir la police. Laissez également des commandants de place dans les lieux où ils seraient nécessaires pour faire respecter les alcades.
Faites évacuer tout ce qui est à Valladolid sur Burgos et l'Escurial, en y laissant un commandant d'armes qui puisse avoir l'oeil sur tout ce qui s'y passe.
Vous laisserez mes relais, en employant mes escortes, sur les routes de Vitoria, Burgos et Aranda. Je vous recommande de ne laisser aucun homme de ma Garde isolé, pour n'avoir, dans aucun cas, à regretter l'assassinat ni la perte d'aucun. Lorsque toutes les mesures que je prescris seront exécutées, le général Verdier aura 10,000 hommes pour la police de la Biscaye; vous en aurez autant pour la police de la Castille. Je pense que la cavalerie ne vous sera pas utile dans les lieux où vous êtes ; ainsi vous pouvez envoyer à Madrid les 2e et 3e escadrons de marche, pour être incorporés dans les régiments provisoires ; ce qui aura l'avantage de mettre de l'ordre et de fortifier mon armée de Madrid. Je vous laisse le maître de garder les quatre régiments de cavalerie du général Lagrange, ou de n'en garder que ce que vous jugerez vous être nécessaire, et d'envoyer le reste à Madrid, car c'est là surtout qu'il faut de la cavalerie.
Quant à la cavalerie de ma Garde, il faut qu'elle soit forte à Madrid. Je suppose que vous avez en Espagne 1,500 chevaux de ma Garde; il faut qu'il y en ait 1,000 à Madrid et 500 à Burgos, sans cependant faire faire aucun mouvement rétrograde. Il faut que vous ayez en main ces 500 chevaux à Burgos , et, si vous y joignez les 5 600 hommes d'autre cavalerie, cette force sera suffisante. Le reste de la cavalerie de ma Garde, il faut l'envoyer à Madrid.
D'après ce que j'apprends d'Espagne, mon intention est d'y venir à la tête d'une division, en m'arrangeant de manière à faire double marche. Je vous préviendrai d'ailleurs pour que vous puissiez envoyer de Burgos à ma rencontre des détachements convenables. J'attends après-demain ici la division Lasalle, qui a les 10e et 22e régiments de chasseurs, deux très-beaux régiments que j'ai vus Bordeaux. Votre artillerie doit être distribuée de la manière suivante: trois à Aranda, quatorze à Burgos, douze à Vitoria, et six à Hernani. En cas de grands mouvements militaires, ces corps peuvent se réunir pour livrer bataille, et vous auriez alors une armée respectable. Vous êtes aussi chargé de la garde de la Navarre; je me borne à faire occuper la citadelle. Les 100,000 rations de biscuit doivent y être arrivées. Aussitôt que d'autres troupes arriveront dans la position de Hernani on renforcera Vitoria. Je pense que vous devez réunir sous les ordres du général Frère, à Aranda, les bataillons de marche, en gardant avec vous à Burgos le ler régiment de marche. Tout ce qui porte le nom de régiment ou d'escadron de marche est destiné à être incorporé dans les régiments provisoires qui sont à Madrid. Ainsi, du moment que la cavalerie du général Lasalle sera arrivée à Burgos, mon intention est que les quatre régiments du général Lagrange et les autres escadrons de marche se rendent à Madrid pour être incorporés. Cela est nécessaire pour donner de la force à ces cadres. Il est nécessaire que vous gardiez les deux régiments de fusiliers. Vous pouvez toujours envoyer les cuirassiers des régiments de marche du général Lagrange et des autres escadrons de marche à Madrid. Vous savez que les cuirassiers sont plus utiles que toute autre cavalerie. La cavalerie n'est d'aucun usage d'ici à Burgos; elle est, au contraire, nécessaire à Madrid. En deux mots, renvoyez tout ce qui porte le titre de régiment, escadron et bataillon de marche, à Madrid, hormis ce qui vous est nécessaire pour compléter 300 chevaux à Vitoria, 1,000 chevaux à Burgos et 300 chevaux à Aranda; ce qui fera 1,600 chevaux; et du moment que la division Lasalle sera à Burgos, cette division vous fournira de bonne et belle cavalerie. Vous pourrez donc renvoyer tout ce qui est escadron ou régiment de marche à Madrid.
Quant aux cartouches, un parc de 100 caissons chargés de 600,000 cartouches partira demain pour Saint-Jean-de-Luz; il est tout attelé par le 6e bis; il continuera sa marche sur Madrid pour compléter le parc de l'armée. J'en fais partir 500,000 autres pour Burgos, pour mettre en magasin, à Burgos. Après-demain il en partira 500,000 autres pour Aranda, et le 19 il en partira 500,000 autres pour Burgos. Si vous n'avez pas de besoins urgents, vous pouvez diriger le premier convoi sur Aranda et garder le second pour Burgos.
Je vous ai déjà, je crois, recommandé d'établir une grande distinction entre les régiments de marche et les régiments provisoires qui sont en Espagne. Un régiment provisoire de cavalerie ou d'infanterie est organisé et ne doit subir aucun changement tant qu'il restera en Espagne; un régiment, bataillon ou escadron de marche est une organisation provisoire pour conduire les troupes à Madrid, c'est-à-dire aux régiments provisoires. Cette intelligence est très-nécessaire pour bien comprendre les ordres que vous recevrez. Ainsi, tous les hommes isolés qui vous arriveront, vous pouvez les incorporer, soit à Aranda, soit à Burgos, dans les régiments ou bataillons de marche; puisque alors naturellement ces régiments se dirigeront sur Madrid, pour être incorporés dans les régiments provisoires, les hommes que vous y aurez mis en subsistance sauront y retrouver leurs corps. Pour les hommes isolés appartenant aux corps du Portugal ou de la division du général Dupont, tous ceux qui vous arriveront à Aranda, vous les mettrez en subsistance dans les corps comme vous l'entendrez, même dans les régiments de fusiliers, où ils seront mieux, et mieux dressés; et quand vous en aurez réuni 6 à 800 de l'un ou de l'autre corps vous en formerez un bataillon de marche, que vous appellerez bataillon de marche de l'armée du Portugal ou du corps de la Gironde et vous les garderez à Burgos jusqu'à ce que je vous envoie des ordres pour leur destination. Le général Verdier, qui a des régiments provisoires et aucun bataillon de marche, mettra en subsistance dans ses corps les hommes isolés qui lui arriveront, vous en enverra l'état exact, et, lorsque vous verrez qu'il a un millier d'hommes, si les circonstances le permettent, vous lui donnerez l'ordre de les diriger sur Burgos pour être incorporés dans les bataillons de marche, ou dans ceux de l'armée de Portugal ou du corps de la Gironde. Ces précautions sont nécessaires; cette armée ne s'est formée que par des soin perpétuels : il ne faut point s'en départir.
Vous devez avoir des souliers à Burgos. Il n'y a pas d'inconvénient que vous fassiez faire un millier de culottes, un millier d'habits et un millier de shakos, si on peut le faire à un marché convenable, à Burgos. Vous distribuerez ces effets d'habillement aux hommes isolés ou sortant des hôpitaux.
Il ne doit y avoir aucun magasin, aucun hôpital intermédiaire entre Saint-Sébastien et Vitoria, entre Vitoria et Burgos ; il ne doit y avoir aucun poste isolé, voilà le principal.
Du reste, ces dispositions ne sont pas pressantes ; il faut les faire avec adresse, faire le moins de mouvements possible de Valladolid sur Burgos. La majeure partie de ce qui est à Valladolid est en guérison ; il faut les envoyer au corps. Le grand-duc de Berg donnera l'ordre au maréchal Moncey de tenir à Buitrigo 500 hommes d'infanterie et de cavalerie et trois pièces de canon, et d'y avoir un hôpital et un magasin de cartouches. Par ce moyen , avec ces cinq grands dépôts, l'armée peut faire ses mouvements sur Madrid sans inconvénient. En prenant ces mesures, on ne craindra plus le mauvais esprit qu'on cherche à répandre en Espagne, et la division de Galice ou un mouvement insurrectionnel dans le pays seront réprimés. Les évêques, les intendants, les états, les notables des capitales doivent répondre de la tranquillité des villages et de la sûreté des communications. Pour tout cela il faut avoir un système bien entendu.
Bayonne, 17 avril 1808
A l'Impératrice, à Bordeaux
Je reçois ta lettre du 15 avril. Ce que tu me dis du propriétaire de la campagne me fait plaisir; vas-y passer la journée quelquefois.
Je donne ordre qu'il soit fait un supplément de 20,000 francs par mois à ta cassette, pendant ton voyage, à compter du 1er avril.
Je suis horriblement logé. Je vais dans une heure changer et me mettre à une demi-lieue, dans une bastide. L'infant don Charles et cinq ou six grands d'Espagne sont ici; le prince des Asturies est à vingt lieues. Le roi Charles et la reine arrivent. Je ne sais où je logerai tout ce monde-là. Tout est encore à l'auberge. Mes troupes se portent bien en Espagne.
J'ai été un moment à comprendre tes gentillesses. J'ai ri de tes souvenirs. Vous autres femmes, vous avez de la mémoire.
Ma santé est assez bonne, et je t'aime de bien bonne amitié. Je désire que tu fasses des amitiés à tout le monde à Bordeaux ; mes occupations ne m'ont permis d'en faire à personne.
Bayonne, 17 avril 1808
A M. Gaudin, ministre des finances, à Paris
Les États-Unis d'Amérique ont mis un embargo sur leurs bâtiments, et ont pris la résolution de ne plus faire de commerce que la guerre actuelle ne soit terminée. Il est donc évident que tous les bâtiments qui se disent venir d'Amérique viennent d'Angleterre, et que leurs papiers sont fabriqués. Donnez donc ordre que ceux qui viendraient dans les ports de France, de Hollande et dans ceux des villes hanséatiques et d'Italie soient mis sous le séquestre et d'abord suspectés de venir d'Angleterre. Parlez de cela avec M. Collin et sachez s'il y en a beaucoup de venus, soit en Hollande, soit en France, depuis le 1er janvier.
Bayonne, 17 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
J'ai ordonné qu'on armât la frégate, la Comète; j'y ai destiné l'équipage d'une des gabares que l'on allait armer, et je l'ai complété avec la conscription. Cette frégate protégera la côte et pourra être quelque utilité. Envoyez un bon capitaine de frégate pour la commander. Je n'ai trouvé ici que des lieutenants. Rien n'eût été facile comme de faire entrer cette frégate dans le port de Bayonne ou même dans la Gironde. On l'aurait mise là en état, et j'aurais un bâtiment de plus, propre à tout. Il paraît que les réparations qu'on y a faites l'ont mise en état de faire une bonne mission.
Bayonne, 17 avril 1808
Au maréchal Davout, chargé du commandement de la Grande Armée, à Varsovie.
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 30 mars. Les Polonais sont légers, actifs. Les grandes villes en général ont ce caractère. Varsovie plus que toute autre ; elles sont comme la surface de la mer, qui n'est jamais la même deux jours de suite. Mais les Polonais sont au fond, attachés à la France. Vous sentez qu'en prenant des Polonais à mon service j'ai consulté l'intérêt de la Pologne. J'ai des soldats en France autant que j'en veux. J'ai même consenti que, dans la capitulation. qui a été faite pour cet objet, on insérât la clause que les Polonais ne pourront pas être embarqués pour un service de mer pour les colonies. Écrivez au sieur Bourgoing pour qu'il accélère le départ de ces troupes et pour qu'on ne fasse pas partir de compagnies à moins qu'elles ne soient à 140 hommes effectifs. Ce n'est pas une nuée d'officiers que je veux, mais des corps dont je puisse me servir.
Bayonne, 17 avril 1808
Au maréchal Bessières, commandant de la Garde impériale en Espagne, etc., à Burgos
Mon Cousin, le roi Charles et la reine sont partis de l'Escurial le 14. Ils doivent être arrivés à Burgos le 17 ou le 18. Je suppose que vous leur aurez rendu tous les honneurs imaginables. Vous les escorterez avec toute votre division, si cela est nécessaire, ou du moins avec la meilleure partie, pour franchir Vitoria et les mettre sur la route de Bayonne.
Vous trouverez ci-joint la copie d'une lettre (lettre à Ferdinand, du 16 avril) que Savary porte au prince des Asturies ; si le prince des Asturies vient à Bayonne, c'est fort bien; s'il rétrograde sur Burgos, vous le ferez arrêter et conduire à Bayonne. Vous instruirez de cet événement le grand-duc de Berg, et vous ferez connaître à Burgos que le roi Charles a protesté et que le prince des Asturies n'est pas roi, que, d'ailleurs, il faut attendre les communications de Madrid.
Vous devez maintenir libres les communications avec Vitoria, et envoyer des
officiers à Savary, pour bien connaître l'état des choses. Si le prince des
Asturies quitte Vitoria et a dépassé Burgos pour se rendre à Madrid , vous
enverrez après lui et vous le ferez arrêter partout où il se trouvera, car,
s'il refuse l'entrevue que je lui propose, c'est signe qu'il est du parti des
Anglais, et alors il n'y a plus rien à ménager. Ces événements extrêmes
arrivant, ce qui , je l'espère, ne sera pas, si vous jugiez que ce
soit convenable, vingt-quatre heures après avoir arrêté le prince des
Asturies, vous ferez imprimer ma lettre au prince et la protestation du roi
Charles, dont je vous envoie copie, au cas que vous en ayez besoin. Vous sentez
que ces pièces sont pour vous seul, et que, dans aucun cas autre que ceux
précités, elles ne doivent paraître.
Je vous recommande fermeté, activité et prudence, mais surtout de l'activité.
Si vous étiez obligé, soit pour escorter le Roi et la Reine, soit pour
dissiper des rassemblements, de marcher sur Vitoria, vous donnerez ordre aux
troupes qui sont à Lerma et à Valladolid de marcher sur Burgos pour garder
cette ville. Le grand-duc de Berg enverrait également de l'autre côté.
Il ne s'agit pas de tâtonner, il faut marcher avec énergie. Ou le prince des Asturies vient à Bayonne, et alors tout peut s'arranger; ou il s'y refuse, et alors il s'entend avec les Anglais, et d'un coup il faut le prévenir.
Bayonne, 17 avril 1808
Au maréchal Bessières, commandant de la Garde impériale en Espagne, etc., à Burgos
Mon Cousin, il a été expédié de Bayonne sur Burgos 300,000 rations de biscuit d'un premier envoi, 100,000 sur Pampelune et 100,000 d'un troisième envoi sur Burgos; faites-moi connaître si cela est arrivé. 9,400 paires de souliers ont été expédiées sur Burgos, venant, de Paris, et 3,000 venant également de Paris sur Saint-Sébastien. 13,000 paires de souliers, provenant du marché fait par ordre du grand-duc de Berg, et 14,000 paires, provenant du marché du maréchal Moncey, ont été également expédiées. 6,000 paires de souliers, complément du marché de 120,000 paires fait par le grand-duc de Berg, sont également parties de Bayonne. Ainsi il a été expédié d'ici sur Burgos 44,000 paires de souliers, et sur Saint-Sébastien 3,000 paires. 5,000 autres paires vont être expédiées sur Burgos, ce qui complétera le marché du maréchal Moncey. Ainsi les troupes ne doivent point manquer de souliers.
Bayonne, 18 avril 1808
Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris
Vous trouverez un décret que j'ai pris sur un officier que vous avez nommé chef de bataillon dans le 13e régiment provisoire. C'est une chose désespérante pour l'armée que j'aie des capitaines depuis 1792, qui m'ont constamment rendu tant de services, et que vous me proposiez pour chef de bataillon un officier qui était lieutenant ou capitaine en 1794, et qui n'a pas servi depuis. Ce sont de singuliers principes qu'on a là aux bureaux de la guerre; avec ces principes, l'espoir de mon armée va être perdu. Les nominations que peuvent avoir faites le maréchal Kellermann ou tout autre général, dans des moments pressants, ne sont d'aucune valeur. Si vous m'avez fait confirmer toutes les nominations faites dans la légion du Nord, je ne vois pas pourquoi je n'ai pas nommé colonels des officiers qui n'étaient que lieutenants. Faites-moi un rapport sur les nominations faites par le maréchal Kellermann et sur toutes celles de ce genre que j'aurais confirmées depuis le mois d'octobre 1806. Cela me désole plus et fait plus de tort à l'armée que la perte de plusieurs bataillons.
N'adressez plus aucun officier aux régiments provisoires, mais envoyez-en l'état au major général, qui prendra mes ordres. Il était d'usage qu'un officier ne passât pas d'un corps dans un autre sans mon autorisation, au moins depuis le grade de chef de bataillon. Le prince de Neuchâtel et les ministres qui l'ont précédé ne s'écartaient pas de cet usage, et cependant le sieur Bleterin vient commander un bataillon, et je n'en sais rien. Il serait bien injuste que des officiers qui ont quitté l'armée au moment du danger soient récompensés à l'exclusion des officiers qui n'ont point mis d'interruption dans leurs services; ce serait trahir les règles de la politique et les devoirs les plus sacrés. Je dois tout à ceux qui m'ont fait gagner des batailles. Je ne passe pas la revue d'un dépôt sans trouver matière à faire quatre chefs de bataillon. Ce ne sont pas de beaux diseurs ni de belles jambes qu'il me faut, mais de bons soldats.
Bayonne, 18 avril 1808
Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris
Il est nécessaire que vous me fassiez un rapport sur la
gendarmerie. Je viens de voir la citadelle de Bayonne, dans laquelle se trouve
un dépôt de conscrits; à mon grand étonnement, je l'ai trouvé gardé par
une brigade de gendarmerie à cheval, ce qui paralyse six chevaux; une brigade de
gendarmerie à pied aurait mieux valu. Il y a ainsi plusieurs dépôts, prisons
et autres établissements, où l'on fait la même sottise. Faites-vous rendre
compte des postes de toute espèce que garde la gendarmerie, et faites-m'en un
rapport général. La gendarmerie à cheval ne doit être chargée d'aucun
service que la gendarmerie à pied peut faire. Un gendarme à cheval me coûte
une fois plus qu'un gendarme à pied , et un gendarme à pied fait le service
de deux gendarmes à cheval près d'un dépôt ou d'une prison, parce qu'il n'a
point de cheval à soigner. Parlez-en à l'inspecteur pour qu'il tienne la main
à cela, et témoignez-lui mon mécontentement de ce que j'ai trouvé le dépôt
de conscrits de Bayonne gardé par des gendarmes à cheval. Faites-moi faire un
livret de la gendarmerie, compagnie par compagnie, et faites-y noter le
service que fait
chaque brigade près des prisons, dépôts, préfectures, etc., soit à pied,
soit à cheval. Ce livret me sera remis tous les mois , et je pourrai m'assurer
que cela n'existe plus.
Bayonne, 18 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur Decrès, méditez l'expédition d'Alger (Napoléon songe alors à une expédition purement française contre Alger, dans le but d'inquiéter les Anglais), tant sous le point de vue de mer que sous celui de terre. Un pied sur cette Afrique donnera à penser à l'Angleterre. Y a-t-il sur cette côte un port où une escadre soit à l'abri d'une force supérieure ? Quels seraient les ports par où l'armée, une fois débarquée, pourrait être ravitaillée et combien l'ennemi pourrait-il bloquer de ports différents ? Il n'y avait guère en Égypte que le port d'Alexandrie. Rosette était un port très-dangereux; cependant on le comptait. Ici, je crois qu'il y en a une douzaine. Combien peuvent-ils contenir de frégates, de bricks et de gabares ? L'escadre de l'amiral Ganteaume entrerait-elle à Alger et y serait-elle à l'abri d'une force supérieure ? Quelle est la saison où la peste n'est plus à craindre et où l'air est bon ? Je suppose que ce doit être en octobre.
Après avoir étudié l'expédition d'Alger, étudiez bien celle de Tunis. Écrivez-en confidentiellement à Ganteaume, qui, avant de venir à Paris, peut prendre des renseignements ; ils peuvent s'étendre jusqu'à Oran et s'appliquer à la terre et à la mer. Les renseignements à prendre par terre sont s'il y a des chemins et de l'eau. Je suppose que cette expédition demande 20,000 hommes. Vous sentez bien que cette expédition, l'ennemi la supposerait pour la Sicile, et qu'il serait bien déjoué si, au lieu de cela, elle se rendait à Alger.
Je ne vous demande une réponse que dans un mois ; mais , pendant ce temps, recueillez des matériaux tels qu'il n'y ait pas de mais, de si, de car. Envoyez un de vos ingénieurs discrets sur un brick, qui puisse causer avec le sieur Thainville (Charles François Dubois-Thainville, 1758-1818, consul à Alger); mais il faut que ce soit un homme de tact et de talent (Ce sera le chef de bataillon Vincent-Yves Boutin, 1772-1815. Les notes qu'il ramènera de sa mission - parfois rocambolesque - et le rapport qu'il en fit, serviront pour l'établissement de l'expédition de 1830). Il faudrait que cet ingénieur fût un peu officier de marine et un peu ingénieur de terre. Il faut qu'il se promène lui-même en dedans et en dehors des murs, et que, rentré chez lui, il écrive ses observations, afin qu'il ne nous rapporte pas de rêveries. Vous pourriez même vous concerter avec Sanson Nicolas Antoine Sanson, 1756-1824. Responsable du service topographique) pour avoir un homme capable. Vous devez trouver des renseignements dans les archives des relations extérieures et de la guerre. Faites faire des recherches dans ces archives et dans les vôtres. De tout temps on a demandé en France des renseignements sur ces pays.
Bayonne, 18 avril 1808
Au vice-amiral Ganteaume, commandant l'escadre de la méditerranée, à Toulon.
Monsieur le Vice-Amiral Ganteaume, je reçois voire lettre de Toulon, du 10. Les contrariétés de temps que vous avez éprouvées sont inouïes. Mais c'est une nouvelle obligation que j'ai à mon escadre d'avoir si bien rempli mes instructions. Au 5 avril, les mers de Corfou se trouvaient libres. Cette place avait 10,000 hommes de garnison. 300 milliers de poudre, 2 millions de cartouches et des vivres pour deux ans; et au moment où l'on m'écrivait, tout filait encore. Je charge mon ministre de la marine de témoigner mon mécontentement au contre-amiral Cosmao (Julien-Marie, baron Cosmao-Kerjulen, 1761-1825, contre-amiral) de la fausse interprétation qu'il a donnée à vos instructions; il a, par cette malhabileté, compromis mon escadre. Il ne devait pas non plus laisser la Baleine, puisque le but de l'expédition était de ravitailler Corfou : puisqu'il n'y avait que deux flûtes chargées, il était absurde d'en abandonner une. Mon ministre vous fera connaître la marque éclatante de ma satisfaction que j'ai voulu vous donner, et j'attends son rapport pour accorder des distinctions aux officiers de votre escadre dont vous avez particulièrement à vous louer.
Bayonne, 18 avril 1808
A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan
Mon Fils, je reçois votre lettre, et celle du général Miollis, du 8. Je suis immensément occupé, c'est pour cela que je désire que les affaires de Rome soient remises au (propre main) au 10 mai. En attendant, faites, gouvernez temporellement les quatre légations, comme je l'ai ordonné, et conformément à l'intérêt de mon royaume. Il ne faut pas se mettre tout sur les bras à la fois. Veillez sur Florence, on dit qu'il y a un mauvais esprit, et qu'on y est peu content des changements actuels. Faites-moi connaître ce que vous pensez là-dessus. J'ai ici l'infant don Carlos. C'est un jeune homme de vingt ans, qui a pris ici la rougeole. Il est accompagné de plusieurs grands d'Espagne. J'attends le prince des Asturies, qui se fait nommer Ferdinand IV, et le roi Charles IV dans peu de jours. Il y a beaucoup de mouvements en Espagne. Le grand duc est à Madrid, Bessières à Burgos, et Duhesme à Barcelone. Le roi Charles a protesté contre son abdication, et a eu recours à moi. Le temps décidera ce que tout cela deviendra. En attendant, empêchez que l'opinion n'en prenne une idée décisive; mais laissez en dire assez dans les gazettes pour faire voir qu'il y a incertitude dans les affaires et division dans la famille d'Espagne.
(Lettres du prince Eugène)
Bayonne, 18 avril 1808
A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan
Mon Fils, j'ai reçu votre lettre du 6 avril. Le 6e bataillon du train va se rendre à l'armée d'Italie. Il doit être recruté insensiblement en Italie. Il n'a pas besoin de chevaux du train pour porter les équipages de pont : les moyens du pays les charrieront facilement.
J'ai vu dans votre projet d'organisation de l'armée que vous portez le 7e de ligne; il n'y faut plus penser : ce régiment est en Espagne. Vous pouvez seulement compter sur le 4e bataillon; mais il serait bientôt remplacé par un régiment que, le cas arrivant, je tirerais de Naples.
La dépense de 600,000 francs que vous me proposez de faire pour le camp m'effraye un peu. Il me semblerait qu'en faisant des coupes vers le haut Tagliamento le soldat pourrait se faire lui-même ses baraques, comme au camp de Boulogne; on lui donnerait les bois, il ferait le reste. Cela ne coûterait pas plus de 100,000 francs. Toutefois je pense que c'est de cette manière que vous devez faire votre camp. Il ne durera pas deux ans, mais huit ou dix ans. Il y a cinq ans que celui de Boulogne est fait, et il endurera encore plus de cinq ; il n'a pas coûté plus de 100,000 écus, et le bois est précieux dans le nord. S'il y avait trop de difficulté, vous commenceriez par le faire ainsi pour deux régiments, dans les environs d'Udine et d'Osoppo, et on ferait cantonner le reste. On aurait l'avantage de pouvoir les faire manoeuvrer successivement par brigade. Il me semble qu'il y a des bois nationaux au delà d'Udine, où l'on pourrait faire une coupe extraordinaire que l'on charrierait par le Tagliamento. Il ne faut pas charger de ces baraques des ingénieurs; le soldat les construira lui-même. Une partie des troupes serait campée, et le reste cantonné dans les villages et environs, de manière à se réunir une fois par semaine pour manoeuvrer par brigade, c'est-à-dire par six bataillons. Les troupes resteront ainsi cantonnées pendant les mois de juin, juillet, août et septembre.
Il ne faut pas penser aux tentes ; cela n'est bon à rien qu'à donner des maladies ; il pleut souvent en Italie. Si vous commencez à disposer votre camp ainsi, faites-le tracer en carré à Osoppo, et même, s'il est possible, dans les lignes que j'ai ordonnées. Mon premier but est de mettre les troupes dans un pays sain ; camper, qui est aussi très-utile, n'est que mon second but.
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P. S. J'ai donné des ordres au ministre de la marine, à Paris, de faire restituer au consul de Russie tout ce qui lui appartient sur le bâtiment autrichien le Bizarre. Donnez de votre côté les mêmes ordres.
Bayonne, 18 avril 1808
A Joseph Napoléon, roi de Naples, à Naples
Je reçois votre lettre du 7 avril. Je vois avec plaisir ce que vous me dites de Corfou. Je suis fort aise de voir cette île dans une si bonne situation. J'apprends également avec plaisir que vous fortifiez Scilla. Vous connaissez assez le pays pour savoir comment vous devez placer vos troupes pendant cette saison pour conserver surtout le poste important de Scilla. Ce que je désire par-dessus tout, c'est qu'elles soient placées dans des lieux sains et à l'abri des maladies.
Vous faites fort bien de diriger des recrues sur Barcelone. J'ai monté vos chasseurs. Toutes ces troupes prennent une habitude d'exercice et un esprit qui seront fort avantageux à votre royaume. Envoyez-moi des régiments napolitains tant que vous voudrez, pourvu qu'ils soient forts de 140 hommes par compagnie.
Remerciez Julie et Zénaïde des lettres qu'elles m'ont écrites; je leur répondrai, mais j'ai à présent trop d'affaires. Vous avez dû être heureux de recevoir vos enfants bien portants et qui m'intéressent sous tous les rapports.
L'Infant don Carlos est ici. Ce jeune prince, quia vingt ans, est tombé malade à son arrivée, de sorte que je n'ai pas pu le voir. Il a avec lui plusieurs grands d'Espagne. Le prince des Asturies, qui s'intitule Ferdinand VII, est à vingt lieues de la frontière avec une grande suite. Le roi Charles et la reine sont en route pour venir. Il a protesté et en a appelé à mon arbitrage. Mes troupes sont à Madrid, Barcelone, Figuières, Saint-Sébastien , Burgos. L'armée espagnole n'est pas redoutable. Le peuple est en fermentation. Le grand-duc de Berg et le maréchal Moncey sont à Madrid. Le général Dupont est à Tolède, et le maréchal Bessières, à Burgos.
J'ai ici près de 100,000 hommes de régiments provisoires. Ils gagnent tous les jours par l'exercice et le mouvement. Ce sont tous de gros enfants de vingt ans, dont j'ai lieu d'être satisfait. Pas un homme de ma Grande Armée n'a augmenté ces corps en infanterie, cavalerie, artillerie.
Renvoyez en Italie un régiment de cavalerie et le 6e bataillon du train que je vous ai demandé plusieurs fois. Vous avez acquis assez d'habitude à présent à Naples pour trouver des charretiers napolitains; les hommes français du train me sont nécessaires, et il faut que ma Grande Armée soit prête à me seconder, s'il le faut, dans le courant de l'été.
Mon escadre est rentrée à Toulon en bon état. La flûte la Baleine est arrivée à Minorque. Je n'ai rien perdu, et j'ai fait naviguer cette escadre, ce qui forme d'autant mes matelots.
Une escadre sort tout armée de l'Escaut. J'ai déjà huit vaisseaux en rade à Flessingue, qui ont été construits à Anvers. J'en aurai autant dans le courant de l'été. Veillez et faites exécuter mes mesures sur le blocus. Tout bâtiment américain qui se présente dans vos ports vient d'Angleterre; partez de ce principe.
Jusqu'à cette heure toute mon armée d'Espagne est à mes frais et me coûte des sommes énormes. La conscription que je lève, celle que je vais peut-être bientôt lever, mes régiments de cavalerie que je porte à 1,200 chevaux, tout cela m'entraîne dans d'immenses dépenses; mais les circonstances veulent que je couvre l'Europe de mes troupes. L'Angleterre commence à souffrir. La paix seule avec cette puissance me fera remettre le glaive dans le fourreau et rendre à l'Europe la tranquillité.
Il ne serait pas impossible que je vous écrivisse dans cinq ou six jours de vous rendre à Bayonne. Vous laisseriez le commandement des troupes au maréchal Jourdan, et la régence de votre royaume à qui vous voudrez. Votre femme resterait à Naples. Les relais seront préparés, dans ce cas, sur votre route. Cependant, jusqu'à présent, cela est encore incertain.
Bayonne, 18 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, en conséquences des nouvelles de Cagliari, vous donnerez ordre à mon chargé d'affaires de quitter la Sardaigne. Vous me présenterez un projet de décret pour mettre un embargo sur tous les bâtiments sardes. Vous le motiverez sur ce que ce gouvernement n'a pas exécuté la convention qu'il a faite. Ecrivez à mon chargé d'affaires à Madrid de demander que les bâtiments des États-Unis : la Suzanna, capitaine John Tosa, et Morning ster, capitaine Michel Ashley, qui sont entrés à Cadix, chargés de denrées coloniales, et prétendant venir de Norvège, mais dans le fait venant de Londres, soient confisqués.
(Brotonne)
Bayonne, 19 avril 1808
Au général Junot, commandant de l'armée du Portugal, à Lisbonne
Vous violez la loi du blocus contre l'Angleterre en Portugal et vous recevez des navires neutres chargés de denrées coloniales censée venir d'Amérique, et que tout le monde sait venir de Londres. Donnez des ordres pour que tous vaisseaux américains ou autres arrivant à Porto chargés de marchandises coloniales soient mis sous le séquestre. Vous laissez également expédier des vins de Porto sur des bâtiments de Kniphausen et hambourgeois ; cela va en Angleterre. Si mes corsaires les prennent, ils seront de bonne prise. Tout bâtiment portant pavillon de Kniphausen est au compte des Anglais et doit être confisqué. Il serait absurde que, lorsque Bordeaux ne peut exporter un tonneau de vin, que la Hollande ne peut faire sortir un navire, le Portugal eût la liberté de faire le commerce avec l'Angleterre. Cette affaire est de la plus grande importance; veillez-y sérieusement. L'Angleterre est aux abois, et, si on lui ouvre des débouchés en Portugal, elle nous fera un mal immense.
Bayonne, 19 avril 1808
NOTE POUR LE GÉNÉRAL CLARKE, MINISTRE DE LA GUERRE, A PARIS.
Le projet sur Mayence n'est pas adopté; cependant rien n'est plus urgent, ni plus important que de travailler, cette année, à fortifier Kastel (Kastel sur le Main). Si, dans la situation actuelle de cette place, l'ennemi se portait devant Kastel, soit pendant que l'armée se trouverait en Pologne, soit parce qu'elle aurait été battue, soit que ses efforts se fussent tournés autre part, dans toutes ces hypothèses, il y aurait grand inconvénient à avoir Kastel dans son état actuel.
Partant de l'hypothèse d'aujourd'hui, si une division de 20,000 hommes se portait devant Kastel pendant le temps que l'armée est éloignée, le mauvais état des fortifications exigerait que le commandant de Mayence tint là au moins 2,000 hommes, qui seraient probablement de nouvelles levées et faiblement organisés. En ouvrant la tranchée et en supposant un peu de vigueur de la part de l'assiégeant, il serait possible que Kastel fût pris, ce qui serait un très-grand malheur.
Dans le cas ordinaire où une armée de 100,000 hommes serait devant Mayence, c'est-à-dire devant une place qui a besoin de 12,000 hommes à la rigueur et où, avec ce nombre de troupes, on sera faible partout, on sera cependant obligé d'en tenir 2,000 à Kas tel. Ces 2,000 hommes seront fort embarrassés pour le passage. Quel malheur pour un commandant de voir ces 2,000 hommes inutiles au reste de la garnison et de ne pouvoir pas les porter au point de l'attaque ! Si au contraire Kastel était revêtu, avec le relief convenable, à vingt-quatre pieds, avec ses contrescarpes, ses demi-lunes, ses chemins couverts, selon le tracé ordinaire, dans l'un et l'autre cas, une compagnie d'artillerie, 2 ou 100 gardes nationaux pour aider au service des pièces et deux ou trois compagnies d'infanterie assureraient la tranquillité de ce point important.
Dans le premier cas, on n'aurait pas le moyen de le prendre, parce qu'on n'aurait pas celui de faire un siège. Dans le second, on n'irait pas s'amuser à faire un siège si considérable et qui n'aboutirait à rien; car, quand on aurait Kastel après un long siège, on n'aurait encore rien ; tandis que la même attaque donnerait le fort Meusnier ou l'autre fort du côté de l'ouvrage à corne, c'est-à-dire avancerait de beaucoup la reddition de la place. Il est donc urgent de mettre en bon état Kastel.
Dès cette année, avec les 1,300,000 francs destinés par l'Empereur à Kastel, on peut commencer à achever trois demi-lunes qui sont construites en avant de la place, les environner d'un chemin couvert, outre celui qui est autour de Kastel, chemin couvert utile parce qu'il peut servir d'une espèce de camp retranché et contenir l'arrière-garde et les bagages pendant qu' ils défileraient. Mais il est vrai de dire que, pour commencer à travailler d'une manière permanente, il faut un projet approuvé. En attendant, on peut faire connaître à l'ingénieur que les fonds sont faits pour Kastel, qu'il peut faire un grand approvisionnement de matériaux. 1,300,000 francs sont une somme qu'on peut employer en cinq ou six mois, surtout quand on en a employé trois à faire les approvisionnements. Enfin, s'il reste 2 ou 300,000 francs à dépenser, on les emploiera la campagne suivante.
On avait eu le projet de ne rien faire à Kastel et d'inonder tout le terrain sur la rive droite du Rhin , en se servant du Main; on l'a raisonnait ainsi : pour revêtir Kastel, il faut trois ou quatre millions; avec les trois ou quatre millions, on peut détourner le Main, fait un pont éclusé et inonder à volonté tout le terrain jusque vis-à-vis l'île Saint-Pierre. Dès lors, ce côté n'est plus attaquable ; dès lors l'ennemi ne s'y présentera pas. Deux redoutes en terre et noyées par l'inondation, une vis-à-vis l'île Saint-Pierre, l'autre sur le haut Rhin, construites à un millier de toises de Kastel, éloigneraient l'ennemi de ce point. Alors le passage ne pourrait plus être inquiété d'aucune manière , l'ennemi ne pouvant approcher du pont qu'à une grande distance, parce que l'inondation l'en empêcherait. Cette idée, je désire qu'on me la présente sur un huilé et qu'on me dise si cela est impossible d'après le nivellement, où du moins si la dépense pour creuser ou aplanir le terrain serait assez forte pour qu'il fallût y renoncer.
Alors il n'y aurait besoin de rien faire à Kastel. On aurait sur 1a droite du Rhin un camp d'une étendue immense, puisqu'on se conserverait, au moyen des glacis, autant de terrain qu'on voudrait à l'abri de l'inondation. Le Rhin ne serait plus rien ; on le passerait comme on voudrait; l'ennemi serait si éloigné qu'il ne pourrait empêcher le passage, ni même voir les mouvements. D'ailleurs, ayant trois ponts, les mouvements seraient très-rapides, et le gouvernur oserait, à la pointe du jour, avec les trois quarts de la garnison, déboucher par Kastel, culbuter tout ce qu'il trouverait , fourrager plusieurs lieues sans inquiétude et, avant la moitié du jour, rentrer dans la place et se porter sur un autre point d'attaque, à Mayence, si l'ennemi s'était dégarni de ce côté, car on ne suppose pas que ce puisse être Kastel qui soit attaqué.
Quand il sera prouvé que ce Projet ne peut se réaliser et qu'on ne peut tirer parti de l'inondation du Main , il faudra donner successivement aux fortifications de Kastel un bon tracé et un bon relief. Il faudra tâcher de se procurer le plus d'espace que l'on pourra, afin que les troupes puissent déboucher et repasser le Rhin sans confusion. Mais on n'aura encore rempli qu'une partie du but.
L'autre but à remplir, c'est de mettre le pont à l'abri de tout insulte. L'ennemi ne doit pouvoir établir aucune espèce de batterie sur le bord du fleuve, à mille toises du pont. Du côté du bas Rhin, il semble que cela est facile à cause de l'île Saint-Pierre; du côté du haut Rhin, cela est plus difficile. Si ce qui existe à Kastel n'était d'aucune valeur, la première question à examiner sera celle-ci : où convient-il de placer le pont ? et peut-être trouverait-on qu'il convient de placer le pont plusieurs cent toises plus bas que Kastel.
Il faudrait donc dans le projet, indépendamment de Kastel, conserver une tête de pont à l'île Saint-Pierre, qui tirât sa défense de cette île. Le canal n'a là que cent toises de largeur. On passerait de la rive gauche à l'île Saint-Pierre, comme on voudrait, par un pont qui ne serait vu d'aucun côté, et de l'île Saint-Pierre au fort, par un petit pont de peu d'importance, parce qu'il aurait moins de cent toises, et que ce n'est pas là le principal courant. Ce point occupé sur la rive gauche aurait le grand avantage d'empêcher l'ennemi de voir le pont de Kastel de ce côté-là.
Il ne faut pas compter sur les ouvrages de campagne. Ils ont l'inconvénient d'affaiblir une garnison qui, quelle qu'elle soit, sera trop faible dans une place qui a tant d'étendue. Il ne faut point citer l'exemple du dernier siège : on sait trop bien qu'il y avait alors, non une garnison, mais une armée dont une grande partie n'avait pas pu sortir. Sans doute, quand on ne peut pas faire autrement, il faut faire des ouvrages de campagne; mais en organisant une place, il faut tâcher de n'en pas avoir besoin, afin d'avoir économie d'hommes et sûreté, ce qui est la propriété de la fortification permanente.
Bayonne, 19 avril 1808.
A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan
Mon Fils, il ne faut pas envoyer les troupes du Pape à Mantoue, ce serait leur perte. Il faut les placer à Ancône, Rimini ou Bologne; les bien traiter et organiser; mais ne leur faire faire aucun mouvement rétrograde. Si elles sont à Ancône, il faut les y laisser. Envoyez un inspecteur pour voir leur comptabilité et la mettre dans le meilleur état. Il faut en former un beau régiment.
Bayonne, 19 avril 1808.
A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris
Vous trouverez ci-joint une lettre du ministre de la marine avec un paquet de lettres qu'il m'envoie. Comment ces lettres se sont-elles trouvées sur le paquebot le Bristol qui se rendait à New-York ? quel était l'individu porteur de ces papiers `à qui étaient-ils adressés ? tout cela est fort important. Interrogez tous les hommes de ce bâtiment; il doit y avoir là de ces brigands qu'on cherche. Il me semble qu'il y a là dedans des choses à éclaircir et quelques individus à arrêter. Faites-moi une petite note qui me fasse connaître tout ce que cela dit.
(Brotonne)
Bayonne, 19 avril 1808.
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne
Monsieur de Champagny, faites mettre un article dans le Moniteur sur l'expédition de Finlande et faîtes connaître en même temps la mauvaise foi de l'Angleterre
(Brotonne)
Bayonne, 19 avril 1808.
A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris
Le sieur Alexandre, de Berne, dont il est question dans votre rapport du 12 avril est français et au service de Russie. Vous le renverrez en Russie; je ne veux point de français naturalisés russes en France. Cela ne souffre point d'exception. Il faut avoir une explication avec le bureau des passeports des relations extérieures qui donnent de pareils passeports. Il ne doit donner de passeports qu'aux ministres étrangers et s'il continue ainsi, il finira par avoir des désagréments.
Faites venir à Bicêtre comme fou,le nommé Dubois-Dutié qui est à Rennes et ne le laissez pas dans une ville.
(Brotonne)
Bayonne, 19 avril 1808
DÉCISION
Le prince de Neuchâtel, major général , demande les ordres de l'Empereur sur la destination à donner au 14e régiment provisoire d'infanterie qui arrive à Bayonne. |
Demain ce régiment fera l'exercice à feu : le matin, il tirera à la cible; le soir, on passera la revue de ses souliers et de son armement; après-demain , 21, je le passerai en revue. Il se tiendra prêt à partir le 22. |
Bayonne, 20 avril 1808
DÉCRET
Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin.
Considérant que les navires français ne trouvent depuis longtemps sur les côtes de Sardaigne ni sûreté, ni protection ; que plusieurs ont été enlevés par les vaisseaux de guerre et les corsaires anglais, à la vue du rivage de cette île et sans que le Gouvernement sarde ait cherché à faire respecter aux ennemis sa neutralité; que les corsaires anglais arment publiquement en Sardaigne; qu'on y permet de nombreux approvisionnements pour Malte et pour Gibraltar; que le Gouvernement sarde, après s'être engagé envers la France, par une convention conclue le 19 novembre 1807, à réparer ces violations et à en prévenir le retour, s'est ensuite formellement refusé à remplir ses engagements;
Nous avons décrété ce qui suit
Il sera mis un embargo sur les bâtiments sardes dans tous les ports de nos États et des pays occupés par nos armées.
os ministres de la marine, de la guerre, et des finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Bayonne, 21 avril 1808
A l'Impératrice, à Bordeaux
Je reçois ta lettre du 19 avril.
J'ai eu hier le prince des Asturies et sa cour à dîner : cela m'a donné bien des embarras. J'attends Charles IV et la reine.
Ma santé est bonne. Je suis assez bien établi actuellement à la campagne.
Adieu, mon amie; je reçois toujours avec bien du plaisir de tes nouvelles.
Napoléon
(Lettres à Joséphine)
Bayonne, 21 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, faites rédiger pour le Moniteur un article qui fasse bien connaître les horreurs que commet le gouvernement d'Alger, et les vexations qu'il fait peser sur toute l'Europe. Un simple narré, extrait de la dépêche du sieur Thainville, remplira ce but.
Faites connaître à M. de Dreyer que j'ai donné l'ordre au prince de Ponte-Corvo de faire passer des troupes en Seeland, coûte que coûte, pour la défense de cette île.
Bayonne, 21 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, il n'y a pas de difficulté à permettre au ministre de Saxe de se rendre à Bayonne avec les députés polonais.
(Brotonne)
Bayonne, 21 avril 1808
A M. Daru, Intendant général de la Grande Armée, à Berlin
Monsieur Daru, je reçois votre état de situation des sept bataillons des équipages militaires, d'où il résulte qu'il y a 2,600 hommes présents sous les armes, et 4,500 chevaux, plus de 1,000 voitures, c'est-à-dire de quoi porter un million de rations de pain. Cet état est satisfaisant, si les voitures sont en bon état, et si les chevaux et les harnais sont d'un bon service. Je vois qu'il leur manque quelques objets de détail, que vous vous empresserez sans doute de leur faire fournir. Faites mettre tous ces équipages en état, afin qu'avant le 1er juillet les sept bataillons soient susceptibles de rendre tous les services possibles. Il faut donner à ces bataillons des carabines prussiennes; quoiqu'elles ne soient pas de calibre, c'est égal. Ces bataillons, ne devant pas se battre en ligne, peuvent avoir leurs cartouches particulières. J'approuve fort qu'il y ait à chaque bataillon un moule pour faire les cartouches. J'approuve la répartition que vous me proposez. Vous pouvez laisser en Silésie les 4e et 6e bataillons, sauf, lorsqu'il le faudrait, à en tirer une compagnie pour attacher à l'administration générale.
J'attends la situation des caissons d'ambulance que doit avoir chaque corps. Les 19e, 65e, 72e, 105e et les 5e, 7e et 16e légers n'ont pas eu leur première mise; il faut la leur faire donner, et qu'ils se procurent leurs caissons d'ambulance. Je ne suis point de l'avis de former un bataillon uniquement destiné au service de l'ambulance. Il faut qu'il y ait, sur les trente-quatre caissons de chaque compagnie, quatre caissons pour le pain et quatre caissons pour l'ambulance. Vous savez vous-même que, le lendemain d'une bataille, on est obligé de se servir des caissons du pain pour évacuer les malades, et vice versa. Mais il semble que chaque division d'infanterie a déjà ses quatre caissons d'ambulance appartenant aux régiments, et quatre caissons pris dans ceux des transports militaires qui lui sont attachés; elle en a alors suffisamment.
Quand je vous ai donné l'ordre de faire fournir aux corps les capotes, souliers et autres effets dont ils auraient besoin, je n'ai pas seulement entendu que vous les leur fissiez fournir des magasins de l'armée, mais encore que vous eussiez à m'éclairer sur les ordres qui auraient été donnés aux dépôts de ne rien laisser passer, pour contremander ces ordres, s'ils existaient, afin que les corps soient pourvus de tout avant le 1er juillet.
Bayonnc, 22 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne
Monsieur de Champagny, il parait à Bayonne une gazette espagnole. Il est nécessaire de veiller à la manière dont elle parlera du prince des Asturies, et à ce qu'elle ne l'appelle pas Roi. Il n'y a pas un moment à perdre puisqu'elle parait aujourd'hui. Envoyez donc sur-le-champ chercher le rédacteur.
Bayonne, 22 avril 1808
A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid
Je reçois votre lettre du 19 à une heure du matin. J'approuve votre marche et tout ce que vous faites. Ici, j'ai fait connaître mes intentions aux cinq ou six Grands qui accompagnent le prince, et tous conviennent des avantages qui résulteront pour l'Espagne de la consolidation de son indépendance et de son intégrité sous la domination d'un prince de ma dynastie.
Ne laissez rien imprimer à Madrid sur le prince des Asturies. Vous pouvez faire parler de la manière distinguée dont je l'ai reçu, dire que, quoique je ne l'aie pas reconnu roi, j'ai voulu témoigner dans sa personne et dans celle des Grands de sa suite la considération que je porte à l'Espagne.
Je vous ai déjà écrit qu'il fallait envoyer ici le roi Charles et la reine.
Il faut laisser percer que je ne veux rien de l'Espagne; que le royaume conservera son indépendance et son intégrité, mais que je veux une dynastie qui réunisse davantage les deux nations.
Bayonne, 22 avril 1808
Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne, etc., à Burgos
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20 avril, Je vous ai écrit hier par d'Hanneucourt que j'avais très-bien reçu le prince des Asturies, voulant honorer l'Espagne en sa personne. Je ne l'ai pas reconnu roi, et je ne pense pas que je le reconnaisse. Toutefois vous devez dire que je ne veux rien des Espagnes, qu'elles resteront dans leur intégrité et leur indépendance.
Vous devez faire filer les régiments portugais sur Saint-Jean-de-Luz, en me prévenant de leur arrivée, afin que je connaisse leur direction et que je les envoie se reposer dans les meilleurs pays du Languedoc. S'il était vrai qu'il y eût plus de chevaux que d'hommes, vous pourriez en prendre pour monter ma cavalerie.
J'ai donné l'ordre au général Ducos (Nicolas, baron Ducos, 1756-1823. C'est le frère du directeur Roger Ducos. Il vient d'être mis à la suite de l'état-major général de l'armée d'Espagne) de se rendre avec sa brigade à Tolosa. Le 14e régiment provisoire est toujours ici avec la division du général Lasalle. Le 4e escadron de marche part demain et va prendre position à Hernani. Lorsque le général Ducos sera à Tolosa, vous pourrez attirer toute la cavalerie à vous. Le général Ducos est sous les ordres du général Verdier, qui lui donnera des ordres en cas d'événement.
Bayonne, 23 avril 1808
A l'Impératrice, à Bordeaux
Mon amie, Hortense est accouchée d'un fils (Charles-Louis Napoléon, troisième fils d'Hortense, le futur Napoléon III, né le 20 avril 1808) ; j'en ai éprouvé une vive joie. Je ne suis pas surpris que tu ne m'en dises rien, puisque ta lettre est du 21, et qu'elle est accouchée le 20, dans la nuit.
Tu peux partir le 26, aller coucher à Mont-de-Marsan, et arriver ici le 27. Fais partir ton premier service le 25 au soir. Je te fais arranger ici une petite campagne, à côté de celle que j'occupe. Ma santé est bonne.
J'attends le roi Charles IV et sa femme.
Adieu, mon amie.
Bayonne, 23 avril 1808
A Hortense, reine de Hollande, à Paris
Ma Fille, j'apprends que vous êtes heureusement accouchée d'un garçon. J'en ai éprouvé la plus grande joie. Il ne me reste plus qu'à être tranquillisé et à savoir que vous vous portez bien. Je suis étonné que dans une lettre du 20, que m'écrit l'archichancelier, il ne m'en dise rien.
Bayonne, 24 avril 1808
RAPPORT A L'EMPEREUR
(Ce rapport du ministre des relations extérieures a été placé ici, parce que l'on croit y trouver les idées de Napoléon sur la politique de la France envers l'Espagne. La minute de ce document porte, au reste, les traces d'un travail personnel de l'Empereur : ce sont de nombreuses corrections, presque toutes de sa main. Note de la Commission)
Sire, la sûreté de votre empire, l'affermissement de sa puissance, la nécessité d'employer tous les moyens pour forcer à la paix un gouvernement qui, se faisant un jeu du sang des hommes et de la violation de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi eux, a mis en principe la guerre perpétuelle, imposent à Votre Majesté l'obligation de mettre un terme à l'anarchie qui menace l'Espagne et aux dissensions qui la déchirent. La circonstance est grave, le choix du parti à prendre extrêmement important; il tient à des considérations qui intéressent au plus haut degré et la France et l'Europe.
De tous les États de l'Europe, il n'en est aucun dont le sort soit plus nécessairement lié à celui de la France que l'Espagne. L'Espagne est pour la France ou une amie utile ou une ennemie dangereuse. Une alliance intime doit unir les deux nations, ou une inimitié implacable les séparer.
Malheureusement la jalousie et la défiance qui existent entre deux nations voisines ont fait de cette inimitié l'état le plus habituel des choses. C'est ce qu'attestent les pages sanglantes de l'histoire. La rivalité de Charles V et de François 1er, n'était pas moins la rivalité des deux nations que celle de leurs souverains ; elle fut continuée sous leurs successeurs. Les troubles de la Ligue furent suscités et fomentés par l'Espagne ; elle ne fut point étrangère aux désordres de la Fronde, et la puissance de Louis XIV ne commença à s'élever que lorsque, après avoir vaincu l'Espagne, il forma, avec la Maison alors régnante dans ce royaume, une alliance qui, dans la suite, fit passer cette couronne sur la tête de son petit-fils. Cet acte de sa prévoyante politique a valu aux deux contrées un siècle de paix après trois siècles de guerre.
Mais cet état de choses a cessé avec la cause qui l'avait fait naître.
La révolution française a brisé le lien
permanent qui unissait les deux nations.
Lors de la troisième coalition, lorsque l'Espagne prodiguait à la France des
protestations d'amitié, elle promettait secrètement son assistance aux coalisés, comme l'ont fait connaître les pièces
communiquées
au parlement d'Angleterre. Le ministère anglais se détermina, par ce motif,
à ne rien entreprendre contre l'Amérique espagnole, regardant déjà l'Espagne
comme son alliée, et l'Espagne, ainsi que l'Angleterre, présageant la défaite
de vos armées. Les événements
trompèrent cette attente, et l'Espagne resta amie.
Lors de la quatrième coalition, l'Espagne montra plus ouvertement ses dispositions hostiles et trahit, par un acte public, le secret de ses engagements avec l'Angleterre. On ne peut oublier cette fameuse proclamation qui précéda de neuf jours la bataille d'Iéna, par laquelle toute l'Espagne était appelée aux armes, lorsque aucun ennemi ne la menaçait, et qui fut suivie de mesures promptement effectuées, puisque l'établissement militaire de ce royaume fut porté de 118,000 hommes à 140,000. Alors le bruit s'était répandu que l'armée de Votre Majesté était cernée, que l'Autriche allait se déclarer contre elle, et l'Espagne crut pouvoir aussi se déclarer impunément. La victoire d'Iéna vint confondre ces projets.
Le moment est arrivé de donner à la France, du côté des Pyrénées, une sécurité invariable. Il faut que, si jamais elle se trouve exposée à de nouveaux dangers, elle puisse, loin d'avoir à craindre l'Espagne, attendre d'elle des secours, et que, au besoin, les armées espagnoles marchent pour la défendre.
Dans son état actuel, l'Espagne, mal gouvernée, sert mal ou plutôt
ne sert pas du tout la cause de la France contre l'Angleterre. Sa
marine est négligée; à peine compte-t-on quelques vaisseaux dans ses ports,
et ils sont dans le plus mauvais état. Les magasins manquent
d'approvisionnements; les ouvriers et les matelots ne sont pas
payés ; il ne se fait dans ses ports ni radoubs, ni constructions, ni
armements. Il règne dans toutes les branches de l'administration le plus horrible désordre; toutes les ressources de la monarchie sont dilapidées.
L'État, chargé d'une dette énorme, est sans crédit. Les produits de la vente
des biens du clergé, destinés à diminuer cette
dette, ont une autre destination. Mais enfin, dans la pénurie de ses
moyens, l'Espagne, en abandonnant totalement sa marine, s'occupe cependant de
l'augmentation de ses troupes de terre. De si grands maux ne peuvent être guéris
que par de grands changements.
L'objet le plus pressant des sollicitudes de Votre Majesté est la guerre contre l'Angleterre. L'Angleterre annonce ne vouloir se prêter à aucun accommodement. Toutes les ouvertures de Votre Majesté ont été repoussées ou négligées. L'impuissance de faire la guerre la déterminera seule à conclure la paix. La guerre contre elle ne peut donc être poussée avec trop de vigueur. L'Espagne a des ressources maritimes qui sont perdues pour elle et pour la France. Il faut qu'un bon gouvernement les fasse renaître, les améliore par une judicieuse organisation, et que Votre Majesté les dirige contre l'ennemi commun, pour arriver enfin à cette paix que l'humanité réclame, dont l'Europe entière a si grand besoin. Tout ce qui conduit à ce but est légitime. L'intérêt de la France, celui de l'Europe continentale ne permettent pas à Votre Majesté de négliger les seuls moyens par lesquels la guerre contre l'Angleterre peut être poursuivie avec succès.
La situation de l'Espagne compromet la sûreté de la France et le sort de la guerre contre l'Angleterre. Le pays de l'Europe qui offre le plus de moyens maritimes est celui qui en a le moins.
Sire, l'Espagne ne sera pour la France une amie sincère et fidèle, la guerre avec l'Angleterre ne pourra être continuée avec l'espérance d'arriver à la paix, que lorsqu'un intérêt commun unira les deux Maisons régnant sur la France et sur l'Espagne. La dynastie qui gouverne l'Espagne sera toujours, par ses affections, ses souvenirs, ses craintes, l'ennemie cachée de la France, l'ennemie d'autant plus perfide qu'elle se présente comme amie, cédant tout à la France victorieuse, prête à l'accabler du moment où sa destinée deviendrait incertaine.
Il faut pour l'intérêt de l'Espagne, comme pour celui de la France, qu'une main ferme vienne rétablir l'ordre dans son administration et prévenir la ruine vers laquelle elle marche à grands pas. Il faut qu'un prince, ami de la France par sentiment, par intérêt, n'ayant point à la craindre et ne pouvant être un objet de défiance pour elle, consacre toutes les ressources de l'Espagne à sa prospérité intérieure, au rétablissement de sa marine, au succès de la cause qui lie l'Espagne à la France et au continent. C'est l'ouvrage de Louis XIV qu'il faut recommencer.
Ce que la politique conseille, la justice l'autorise. L'Espagne s'est réellement mise en guerre avec Votre Majesté. Ses intelligences avec l'Angleterre étaient un acte hostile; sa proclamation du 5 octobre, une véritable déclaration de guerre, qui aurait été suivie d'une agression, si Votre Majesté n'avait pas vaincu à Iéna. Alors, le midi de la France était envahi, et les départements de la gauche de la Loire, que Votre Majesté avait laissés sans troupes, auraient été obligés d'accourir pour repousser ce prétendu allié de la France, devenu son plus dangereux ennemi. Votre Majesté a dissimulé ses justes ressentiments. Les commerçants français en Espagne ont perdu leurs anciens privilèges. Les lois de douanes ont été dirigées principalement contre le commerce français. Elles étaient remarquables par leur arbitraire et leurs perpétuelles variations; ces variations ne pouvaient être connues ; elles n'avaient aucune publicité; ce n'était que dans les bureaux de douanes que l'on apprenait que la loi de la veille n'était plus celle du lendemain. Les marchandises confisquées, souvent sans prétexte, n'étaient jamais rendues. Toutes les réclamations faites par des Français ou pour des intérêts français étaient repoussées. Pendant que l'Espagne faisait ainsi la guerre en détail aux Français et à leur commerce, tous ses ports, et principalement ceux du golfe de Gascogne, étaient ouverts au commerce anglais. Les lois de blocus, proclamées en Espagne comme en France, n'étaient qu'un moyen de plus de favoriser cette contrebande des Anglais, dont les marchandises se répandaient de l'Espagne dans le reste de l'Europe. D'ailleurs, les circonstances actuelles ne permettent pas à Votre Majesté de ne point intervenir dans les affaires dé ce royaume. Le roi d'Espagne a été précipité de son trône. Votre Majesté est appelée à juger entre le père et le fils; quel parti prendra-t-elle ? Voudrait-elle sacrifier la cause des souverains, celle de tous les pères, et permettre un outrage fait à la majesté du trône ? Voudrait-elle laisser sur le trône d'Espagne un prince qui ne pourra se soustraire au joug des Anglais qu'autant que Votre Majesté entretiendra constamment une armée puissante en Espagne ? Si, au contraire, Votre Majesté se détermine à replacer Charles IV sur son trône, elle sait qu'elle ne peut le faire sans avoir à vaincre une grande résistance et sans faire couler le sang français. Ce sang, que la nation prodigue pour ses propres intérêts, peut-il être versé pour l'intérêt d'un roi étranger dont le sort n'importe nullement à la France ? Enfin Votre Majesté peut-elle, ne prenant aucun intérêt sur ces grands différends, abandonner la nation espagnole à son sort, lorsque déjà une extrême fermentation l'agite et que l'Angleterre y sème le trouble et l'anarchie ? Votre Majesté doit-elle laisser cette nouvelle proie à dévorer pour l'Angleterre ? Non, sans doute. Ainsi Votre Majesté, obligée de s'occuper de la régénération de l'Espagne d'une manière utile pour elle, utile pour la France, ne doit donc ni rétablir, au prix de beaucoup de sang, un roi détrôné, ni sanctionner la révolte de son fils, ni abandonner l'Espagne à elle-même; car, dans ces deux dernières hypothèses, ce serait la livrer aux Anglais, dont l'argent et les intrigues ont amené les déchirements de ce pays, et assurer leur triomphe.
J'ai exposé à Votre Majesté les circonstances qui l'obligent à prendre une grande détermination. La politique la conseille, la justice l'autorise, les troubles de l'Espagne en imposent la nécessité. Votre Majesté doit pourvoir à la sûreté de son empire et sauver l'Espagne de l'influence de l'Angleterre.
Bayonne, 24 avril 1808
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne.
Mon Cousin, envoyez sur-le-champ l'ordre suivant au général de brigade Ducos,
par un officier de votre état-major, de partir avec le 3e escadron de marche,
tout le 13e régiment provisoire et ses deux pièces de canon, et de se rendre
à Mondragon et à Placencia, de se saisir de 15,000 armes qui sont dans ces
magasins et de les faire évacuer sur Saint-Sébastien. Vous lui ferez
comprendre l'importance d'arracher le plus tôt possible ces armes à la révolte,
et de veiller à ce qu'au fur et mesure qu'il y aurait des armes à Mondragon, elles
soient évacuées sur Saint-Sébastien. Vous lui prescrirez de prendre des
informations sur les armes qui pourraient exister dans d'autres parties de la
province, et de les faire également évacuer sur Saint-Sébastien. Donnez l'ordre que les
200,000 cartouches, parties hier pour Vitoria, si elles ne sont
pas utiles au général Verdier, il les fasse filer sur Madrid. Pour cela, il
faut que le général Verdier fasse fournir 50 cartouches à chacun des hommes
des deux régiments provisoires qui sont à Vitoria, et qu'il ait ses caissons
remplis; le surplus, il le fera diriger sur Madrid. De la position de Mondragon,
le général Ducos sera en mesure de recevoir les ordres du général Verdier.
L'officier que vous enverrez continuera sa route sur Vitoria et portera le
duplicata de ces ordres au général Verdier, auquel vous ferez sentir la nécessité
de s'assurer des armes qui pourraient se trouver dans la province. Vous donnerez
l'ordre au général de division Lasalle de partir avec le 14e provisoire, le 22e de chasseurs et deux pièces de canon de 4, et de prendre position à
Tolosa. De là il correspondra avec le général de brigade Ducos, chargé de
prendre à Mondragon le magasin de 15,000 armes qui s'y
trouve et de l'évacuer sur Saint-Sébastien, Il se mettra en correspondance
avec le général Thouvenot à Saint-Sébastien, qui pourrait lui fournir, en
cas d'événement, une colonne de renfort; avec le général Verdier à Vitoria,
qui lui enverra des ordres, comme son ancien. Il correspondra également avec
vous pour vous informer de tout ce qui arriverait à sa connaissance. Il tiendra
ses troupes le plus réunies possible, et aura soin de les faire exercer tous
les jours, cavalerie et infanterie. Il aura soin qu'il y ait toujours à Tolosa
des vivres pour huit jours. Ainsi, vous ferez connaître au général Verdier
qu'une brigade sous ses ordres est réunie à Vitoria, que celle du général
Ducos, composée d'un régiment d'infanterie, le 13e provisoire, d'un escadron
de cavalerie, et de deux pièces de canon, et que le 14E provisoire, avec un
autre régiment de cavalerie et deux pièces de canon, composant la division
Lasalle, mais dont il ne pourra disposer qu'en cas des plus extrêmes événements,
sont sous ses ordres. Le général Lasalle aura soin que ses chasseurs aient
leurs
20 cartouches par homme, en partant de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, et que
toutes les armes soient continuellement chargées. Le 1er escadron du 10e de
chasseurs partira demain avec le colonel pour se rendre à Saint-Jean-de-Luz. Le
2e escadron restera à Bayonne jusqu'à nouvel ordre, ayant soin que chaque
homme ait ses cartouches. Les dépôts du 22e et du 10e régiment de chasseurs,
ainsi que tous les hommes malades et éclopés, resteront à Bayonne ou aux
environs, et le commandant de la place en aura toujours l'état.
Bayonne, 25 avril 1808
A M. de Talleyrand, prince de Bénévent, Vice-Grand Électeur, à Paris
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 21 avril. Je vous remercie de la part que vous prenez à l'heureux accouchement de la reine de Hollande.
J'ai reçu vos différentes lettres sur le langage des ambassadeurs à Paris. J'ai peine à croire que M. Tolstoï ait tenu le langage qu'on lui prête; c'est un quolibet parisien. Ou pourrait lui répondre que le premier courrier de M. Caulaincourt a apporté la nouvelle de la rupture de l'armistice de Moldavie; le second, la conquête de la Finlande; le troisième, l'envoi de nouvelles troupes en Moldavie. Mais les deux cours sont au mieux. Je puis avoir des démêlés avec Rome et avec l'Espagne, cela ne regarde pas la Russie , c'est pour moi les frontières de la Chine. Je suis bien avec tout le monde, et en mesure d'être mal avec qui voudra.
Il faut que mon système s'achève ; mon habitude n'est jamais de rester en chemin. Toutefois donnez à dîner quelquefois à M. de Tolstoï. Guérissez M. de Dreyer de sa peur; dites-lui que 25,000 hommes que le Danemark a en Seeland répondent à tout; que les Anglais ne sont pas hommes à envoyer en Suède autre chose que quelques flibustiers; que l'expédition de Scanie exigeait 40,000 hommes; que j'en ai 30,000, que les Danois devaient y joindre 10,000 hommes; mais que ces 40,000 hommes devaient débarquer à la fois et non en deux parties; car, si 20,000 hommes débarquaient, et que les 20,000 autres ne pussent pas passer, l'expédition était manquée et la moitié des troupes très-exposée; que le prince de Ponte-Corvo s'est rendu à Copenhague, qu'il s'est assuré par lui-même qu'il n'y avait de moyens de transport que pour 15,000 hommes à la fois, que dès lors rien n'était possible qu'en cas de gelée, mais qu'elle n'a pas eu lieu; que sans doute l'année prochaine les gelées auront lieu, ou que les moyens d'embarquement seront plus puissants. Vous comprenez bien que, dans le fait, je ne pouvais pas aussi légèrement porter mes soldats contre la Suède, et que ce n'est pas là que sont mes affaires.
Le prince des Asturies est ici ; je le traite fort bien. Je l'accompagne au haut de l'escalier, je le reçois de même, mais je ne le reconnais pas.
Le Roi et la Reine seront ici dans deux jours. Le prince de la Paix arrive ce soir. Ce malheureux homme fait pitié. Il a été un mois entre la vie et la mort, toujours menacé de périr. Diriez-vous que, dans cet intervalle, il n'a pas changé de chemise, et qu'il avait une barbe de sept pouces ? La nation espagnole a montré là une inhumanité sans exemple. On débite sur son compte les faits les plus absurdes. On dit qu'on lui a trouvé 500 millions, et hier encore les meneurs disaient : "Qu'a-t-il donc fait de son argent ? nous n'avons trouvé " que le courant d'une grande maison."" Faites faire des articles, non qui justifient le prince de la Paix, mais qui peignent en traits de feu le malheur des événements populaires, et attirent la pitié sur ce malheureux homme; aussi bien ne tardera-t-il pas à arriver à Paris.
Je continue mes dispositions militaires en Espagne. Cette tragédie, si je ne me trompe, est au cinquième acte; le dénouement va paraître.
Le roi de Prusse est un héros en comparaison du prince des Astu ries. Il ne m'a pas encore dit un mot; il est indifférent à tout, très- matériel, mange quatre fois par jour et n'a idée de rien.
Bayonne, 25 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je suppose que vous avez envoyé différents agents au Mexique et à Montevideo. Il serait convenable d'en envoyer de nouveau.
Il serait bon que quelques bricks, goélettes et frégates pussent se rendre au fond du Mexique, à Cayenne, à Rio de la Plata et même qu'on fit passer des informations à la Guadeloupe, où le capitaine général a beaucoup de moyens de communication avec le continent d'Espagne. Occupez-vous de ces objets sans attendre mes ordres, et faites des expéditions. Les agents doivent s'étudier à faire connaître que les changements qui arrivent en Espagne sont avantageux aux colonies, puisque, dans les nouveaux rapports que l'Espagne va avoir avec la France, il y aura plus d'unité dans les mesures et plus de moyens de les secourir.
Bayonne, 25 avril 1808, minuit
A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid
Mon Frère, je revois votre lettre du 23 à deux heures du matin, où je vois que le prince de la Paix est parti le 122 à dix heures u soir. Je suppose aujourd'hui 25, le roi Charles à Burgos.
Il serait nécessaire que l'on connût à Madrid la protestation que le roi Charles a faite à la commission, et la résolution qu'a prise la commission de gouverner au nom de roi, sans désigner quel prince. Ce préalable me paraît indispensable pour faire marcher l'opinion. Immédiatement après la réception de cette lettre, faites donc imprimer dans la Gazette de Madrid l'une et l'autre de ces pièces. Prenez la haute main sur tout ce qui est imprimerie. Faites mettre dans les gazettes un extrait de ma lettre au prince des Asturies, à Vitoria; tout peut même en être imprimé, si cela est nécessaire. Il est essentiel de bien caractériser dans l'opinion qu'on se trouve sans roi.
Empêchez qu'il ne soit brûlé aucune maison, et contenez sévèrement le peuple. Quand vous aurez fait les publications ci-dessus, vous réunirez chez vous les principaux de la ville et vous leur déclarerez que je les rends responsables de la tranquillité du royaume; que j'attends l'arrivée du roi Charles à Bayonne, pour faire connaître ce qui aura été arrêté; mais que, dans tout état de choses, l'indépendance et l'intégrité des Espagnes seront maintenues ; que je n'en veux pas même un village. Cette déclaration, faite avec un peu d'art, pourra être imprimée le lendemain.
Faites ensuite imprimer dans les journaux des articles sur la mauvaise administration de l'Espagne depuis plusieurs années, et sur la nécessité, d'y porter remède pour recouvrer l'éclat et la gloire des anciens Espagnols, et de marcher constamment avec la France, qui est le seul pays par lequel l'Espagne communique avec le continent.
En résumé :
l° après la réception de cette lettre, vous ferez imprimer dans la Gazette de Madrid la protestation de Charles IV et l'engagement qu'a pris la régence ; que le prince de la Paix s'est rendu à Bayonne, que mon intention n'est pas même de le voir, mais de l'envoyer en exil dans le fond d'un village, à cent lieues de l'Espagne.
2° Le lendemain, assemblée des principaux de la ville pour s'assurer du maintien de la tranquillité, et déclarer que, dans aucun état de choses, l'indépendance et l'intégrité de l'Espagne ne seront compromises. Le lendemain de cette réunion, faites mettre cette déclaration dans les journaux.
3° Le surlendemain, mettre un article sur la bonne réception que j'ai faite au prince des Asturies et aux Espagnols qui l'accompagnent, en lui déclarant que je ne pouvais le reconnaître s'il était vrai que le Roi son père eût protesté. Enfin , mettre tous les jours des articles sur la nécessité de marcher d'accord avec la France et de réformer plusieurs parties importantes du gouvernement. Pour cela, à quelque prix que ce soit, emparez-vous de l'administration.
Bayonne, 25 avril 1808
A Louis Napoléon, roi de Hollande, à La Haye
Je vous envoie la liste de toutes les personnes qui font la contrebande chez vous, et infestent mes frontières. C'est une véritable hostilité qu'ils me font. J'ai fait arrêter ceux qui sont sur la frontière de France; je vous engage à en faire autant sur la vôtre. Vous n'aurez pas par là à vous plaindre de méfaits de ma part; mais je ne peut souffrir ce scandale plus longtemps. Cela équivaut à un rassemblement de gens armés. Le tort qu'ils font au commerce est tel, qu'il y a des gens qui ont gagné une vingtaine de millions dans ces fraudes.
Bayonne, 25 avril 1808, minuit
Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne, à Burgos
Mon Cousin, l'estafette qui m'arrive ne m'apporte point de lettre de vous. Il faudrait cependant vous arranger pour être instruit du passage de l'estafette et écrire à moi ou au major général; il y a tou jours quelque chose à dire.
Je suppose que le roi Charles et la reine ont dépassé Burgos. J'ai bien traité le prince des Asturies, mais je ne l'ai pas reconnu. Vous pouvez dire, dans la conversation , que je lui avais fait connaître depuis Vitoria que je ne le reconnaîtrais pas si le roi Charles avait protesté. Dites que je n'accorde un refuge au prince de la Paix que pour éviter tout scandale et empêcher l'effusion du sang.
Appelez à vous toute la cavalerie qui se trouve depuis Irun jusqu'à Burgos, hormis le 3e escadron de marche de cuirassiers qui est avec le général de brigade Ducos, et la division du général Lasalle, dont un régiment, le 22e de chasseurs, se rend avec un régiment provisoire d'infanterie à Tolosa. J'ai retenu ici le 10e régiment de chasseurs. J'attends, ces jours-ci, plusieurs escadrons de marche. Ainsi vous pouvez appeler à vous toute la cavalerie qui est sur la route de Burgos. Le pays où vous êtes est un pays de cavalerie, où l'on ne saurait en avoir trop. La cavalerie du général Lasalle et celle qui arrive sont suffisantes pour garder les derrières. Vous pouvez laisser les détachements de la Garde qui sont à Vitoria puisqu'ils pourraient me servir. Je suppose que vous me donnez de grands détails sur le passage du Roi.
Château de Marracq, 26 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne
Monsieur de Champagny, faites faire un présent de ma part au chirurgien dont parle M. Clérambault. Faites mettre dans les petits journaux des articles sur la situation de Bucharest, sur l'éloignement du divan et sur l'espèce de prise de possession des Russes. Faites mettre les nouvelles d'Amérique dans les journaux et le message du Président, s'il n'y a pas déjà été mis.
Bayonne, 26 avril 1808
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne
Mon Cousin, témoignez mon mécontentement au grand-duc de Berg de ce qu'il s'est donné le droit de commuer la peine à laquelle un militaire a été condamné. Il n'a pas ce droit; faites-lui connaître que j'ai annulé sa décision. Cette demande de grâce doit être envoyée au grand juge, pour être examinée en conseil privé. Avant tout, le grand-duc de Berg doit connaître les lois du pays et ne pas usurper les droits de souveraineté. Je ne puis qu'être extrêmement mécontent de ce qu'il s'est permis de faire.
Bayonne, 26 avril 1808
NOTE EN MARGE D'UN RAPPORT DU MAJOR GÉNÉRAL
Réitérer les ordres pour que le territoire du grand-duché de Varsovie ne soit violé d'aucune manière.
Bayonne, 26 avril 1808
A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie
Mon fils, je vois dans votre projet d’organisation de l'armée d'Italie, que vous formez la 4e et la 2e division de l'armée de Dalmatie; que la 5e division est celle du général Séras, cantonnée à Udine; que la 3e est celle du général Broussier, cantonnée à Osopo; que la 5e est celle du général Souham, que vous placez au camp de Montéchiaro. Vous ne devez pas compter sur le 7e de ligne, qui est en Espagne; il faut donc y suppléer par quatre quatrièmes bataillons.
La 6e division que vous faites commander par le général Grenier se réunirait en cas d'événement. La 7e que vous faites commander par le général Lauriston, se réunirait à Trévise et Padoue. La 8e, que vous faites commander par le général Miollis, Se réunirait aussi en cas d'évènement dans le pays vénitien. Cela me paraît fort bien, et je compte que vous êtes assez fort pour tenir tête à qui que ce soit. Je vais probablement joindre à cette armée une bonne division portugaise, dont la tête commence à arriver en France.
(Lettres du prince Eugène)
Bayonne, 26 avril 1808
Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre du 23 avril. Ce qui m'importe, c'est que j'aie des chefs de bataillons qui sachent bien leurs manoeuvres. On doit regarder les nominations qu'ont faites le maréchal Kellermann et le général Dejean dans des moments de presse comme des avancements à revoir. Ne me proposez pour majors et pour chefs de bataillons que des officiers qui n'aient point d'interruption dans leurs services et qui aient été en activité pendant toute la guerre.
(Brotonne)
Bayonne, 27 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je reçois votre lettre du 23. Je vois avec plaisir que, moyennant les travaux que vous ordonnez et qu'il faut pousser avec la plus grande activité, le bassin de Flessingue pourra contenir vingt vaisseaux de guerre; ces vingt vaisseaux, nous pouvons les avoir l'année prochaine; quel immense résultat ! Et ce sera un grand objet de menace pour l'Angleterre.
Je pense qu'il est nécessaire de visiter et radouber le Tourville, l'Aquilon, le Républicain et le Wattignies. Ces quatre vaisseaux doivent pouvoir servir, soit comme vaisseaux de guerre , soit comme flûtes. Vous avez une partie de l'été pour ces opérations. Dans tous les cas, soit qu'ils servent comme vaisseaux ou comme flûtes, ils pourraient aller finir leurs destins dans les opérations qui auraient été méditées, soit au Brésil , soit dans l'Amérique espagnole.
Bayonne, 27 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
J'accorde la Légion d'honneur au capitaine Grassin, commandant le corsaire le Généra1-Ernouf. Faites connaître dans le Moniteur les prises faites sur les Anglais par les corsaires de la Guadeloupe.
Je désapprouve l'incorporation du bataillon du 26e dans le 66e; vous le direz au capitaine général pour que cela n'arrive plus. Rendez compte de cela au ministre de la guerre, pour que ce bataillon soit reformé au 26e, qui est en France.
Présentez-moi un projet de décret pour destituer le général ...... Prenez des mesures pour envoyer 800 hommes à la Guadeloupe. Les trois aventuriers qui viennent de la Guadeloupe, ainsi que ceux que Bordeaux, Bayonne et Nantes veulent expédier, pourraient porter chacun une vingtaine d'hommes.
Faites connaître dans le Moniteur le voyage de l'amiral Duckworth dans le golfe du Mexique.
Faites connaître le nom des soixante et onze prises qui ont été faites à la Guadeloupe.
Pourriez-vous envoyer des secours à la Martinique avant octobre ? Serait-il prudent de faire partir deux frégates de Lorient dans cette saison ? ou bien de Brest ?
Bayonne, 27 avril 1808
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris
Le mémoire des sieurs Sganzin et Cachin sur l'Adour ne dit rien et ne répond pas à la question. Les travaux qui ont été faits ont considérablement amélioré la rade, et l'Adour, qui se jetait à deux ou trois lieues de Bayonne en suivant la mer, s'y jette aujourd'hui directement. Il est nécessaire que vous envoyiez le sieur Sganzin sur les lieux. Le raisonnement sur l'inutilité du prolongement de la digue ne me paraît point porter sur les faits; sans doute, la barre sera éloignée de 30 toises; mais, s'il y a 40 pieds de fond, comme le disent les marins, il faudra 150 ou 120 ans avant que la barre soi refaite. Cela est assez important pour que vous donniez ordre aux sieurs Prony et Sganzin de venir sur les lieux. Il est très-intéressant pour ces départements que des bâtiments de commerce entrent franchement à Bayonne. Il est également avantageux pour la marine de construire des frégates, des vaisseaux, pour employer des bois qu'on ne peut transporter ailleurs sans des frais immenses. Je suis d'autant plus étonné des conclusions du sieur Sganzin , qu'il me propose la même chose pour Venise, des travaux qui éloignent la barre et fondés sur les mêmes raisons.
Bayonne, 27 avril 1808
NOTE EN MARGE D'UN RAPPORT DU MINISTRE DE LA MARINE.
Quand on voit les côtes de l'Océan, on gémit sur l'abandon où elles sont. Point de chaloupes canonnières, point de péniches pour protéger le cabotage; cette incurie lui fait courir des risques, le rend difficile, et cela par la seule faute de la marine. Le cabotage serait aussi sûr qu'en temps de paix, s'il y avait la moindre organisation et si l'on prenait la moindre précaution.
Bayonne, 27 avril 1808
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE
Le général Morand assure que la forêt de Libio, située dans le département de Limione, a fourni aux arsenaux de Toulon et de Gênes 250,000 pieds cubes de bois d'aussi bolonne qualité que celui du Nord. Ce fait est facile et important à vérifier. Le ministre demandera que, dans les comptes qui lui seront rendus, on divise les quantités par essence de chêne, de bois blanc et de sapin. Si le fait est constaté, il ordonnera que des essais soient faits à Toulon, et que l'on emploie des mâtures de Corse pour des bricks et pour des frégates. L'exploitation de la forêt de Libio mérite toute son attention. Cet objet aurait le double avantage de procurer des travaux à la Corse et des bois à notre marine.
Bayonne, 27 avril 1808
DÉCISION
Le prince de Neuchâtel, major général, rend compte, d'après le rapport du maréchal Davout, de la violation du territoire du duché de Varsovie par des hussards autrichiens. Le colonel Niepperg, commandant le cordon autrichien en Galicie, a fait de fausses déclarations pour éluder la satisfaction exigée. Le maréchal Davout a renvoyé au dépôt un officier de son corps d'armée qui, sans y être autorisé, a eu des relations avec l'officier russe mêlé à cette affaire. |
Il faut donner ordre pour que cet officier soit mis en prison. Il est ridicule que le maréchal Davout l'ait envoyé dans le 3e bataillon; le 3e bataillon a besoin de bons officiers comme les deux premiers. Il devait lui infliger une punition. Aujourd'hui M. de Niepperg est publiquement connu pour avoir été l'ennemi des Français; il faut donc lui fermer toute entrée à Varsovie. C'est lui qui a fait déserter un petit chirurgien, neveu de Precy, qui est aujourd'hui lieutenant-colonel au service de la Russie. |
Bayonne, 29 avril 1808
A Alexandre Ier, Empereur de Russie, à Saint-Pétersbourg
Monsieur mon Frère, j'ai reçu par M. de Czernitchef la lettre de Votre Majesté, du 24 mars, avec les publications qu'elle a jugé à propos de faire sur l'occupation de la Finlande et sur la prohibition des marchandises anglaises. J'ai vu l'un et l'autre de ces actes avec le plaisir que j'éprouve à tout ce que fait Votre Majesté. La saison avance; le présence des Anglais, le peu de moyens des Danois me font craindre que l'expédition du maréchal Bernadotte n'éprouve des retards. Tout cependant est en mesure, les circonstances feront le reste. J'ai ici le prince des Asturies, qui s'est fait proclamer Ferdinand VII. J'attends demain le roi Charles IV, son père. Celui-ci proteste. Cette querelle de famille et les symptômes de révolution qui s'annoncent en Espagne me donnent quelque embarras; mais je serai bientôt libre pour concerter la grande affaire avec Votre Majesté. Le travail de M. de Romanzof est loin de pouvoir concilier les différents intérêts; c'est cependant là où il faut travailler à arriver. J'ignore tout ce que fait l'Autriche, et n'ai aucune liaison ni intelligence sur ses mouvements; Votre Majesté peut compter là-dessus. J'ai bien du tracas et des embarras avec la Porte et ses cent pachas, qui tous font à leur guise. Mes escadres ont eu le petit succès de ravitailler Corfou pour deux ans en munitions de toute espèce, de guerre et de bouche, et sont rentrées à Toulon. Je désire fort le moment de revoir Votre Majesté et de lui dire de vive voix tout ce qu'elle m'inspire.
NAPOLÉON.
Château de Marracq, 29 avril 1808
A Charles IV, roi d'Espagne
J'ai reçu toutes les lettres de Votre Majesté. Elle sera instruite à cette heure que j'en ai fait usage. Je n'ai pas reconnu et ne reconnaîtrai jamais le prince des Asturies comme roi d'Espagne; je le lui ai fait dire officiellement. Je me réjouis de voir Votre Majesté, mais je suis fâché de la savoir incommodée. Elle peut compter sur mon désir de lui être agréable et de lui donner des preuves de l'intérêt qu'elle m'inspire et de la véritable amitié que j'ai pour elle.
Bayonne, le 29 avril 1808
Au général Junot, commandant le 8e corps de l'armée d'Espagne.
Ce que vous proposez me paraît raisonnable de faire payer les gratifications de campagne et la gratification extraordinaire en papier et même les appointements, en payant 1/2 en papier et 1/2 en argent avec la bonification en papier.
Puisque vous avez pris le titre de duc d'Abrantès, il faut continuer à le porter; mais les titres ne se prennent pas sur la lettre de notification, mais sur les lettres patentes. Envoyez vos noms, prénoms, etc., à l'archichancelier, pour qu'iö vous expédie vos lettres patentes et faîtes-lui connaître aussi vos idées sur les armoiries et livrée.
(Brotonne)
Bayonne, 30 avril 1808
Au général Duroc, Grand Maréchal du palais, à Bayonne
Donnez des ordres pour que les troupes soient sous les armes depuis la porte de la ville jusqu'au logement du roi Charles IV. Le commandant de la place le recevra à la porte de la ville au moment de son arrivée. La citadelle ainsi que tous les bâtiments qui sont en rade tireront soixante coups de canon. Vous recevrez le roi Charles à la porte de son palais. L'aide de camp Reille fera les fonctions de gouverneur du palais du Roi. Un de mes chambellans attendra également le Roi à la porte de son palais, ainsi que M. d'Oudenarde, écuyer, qui aura soin du service des voitures. Le sieur Dumanoir, chambellan, sera de service près de la Reine. Vous présenterez au Roi et à la Reine ceux de mes officiers qui sont de service près Leurs Majestés. Toutes les mesures seront prises pour qu'ils ne manquent de rien et qu'ils soient nourris à mes frais, par ma cuisine. Un de mes maîtres d'hôtel et un cuisinier seront affectés à ce service. Si le Roi a des cuisiniers, ils pourront assister les miens. Le gouverneur du palais du Roi prendra tous les jours ses ordres pour les consignes. Il y aura un piquet de cavalerie et de garde d'honneur. On mettra à la porté deux cuirassiers à cheval, et on retiendra pour ce service le détachement de cuirassiers qui est ici.
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P. S. Les autorités civiles de Bayonne se trouveront également à la porte de la ville pour recevoir le Roi, etc.
Bayonne, 30 avril 1808, huit heures du matin
Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne, etc., à Burgos
Il arrive à l'instant une estafette partie le 28 de Burgos. Il n'y a aucune lettre de vous, ni de qui que ce soit, si ce n'est quelques lettres particulières insignifiantes. J'ignore si le roi Charles est parti le 27 ou non de Burgos. Il est nécessaire que vous écriviez tous les jours au major général, et plutôt deux fois qu'une. Il me semble qu'il faut peu de soin pour se faire instruire du passage de l'estafette, et lui faire remettre vos lettres. Je n'ai jamais vu si peu de rapports que ceux de Burgos. Écrivez tous les jours à moi ou au major général.
J'ai deux pages à Burgos; renvoyez-les-moi. Faites-moi connaître les officiers d'ordonnance qui s'y trouvent.
Il eût été très-intéressant pour moi de savoir si le roi Charles était arrivé à Burgos le 27, et ce qu'il faisait le 28.
Votre état-major remet sans précaution ses paquets pour Saint-Sébastien et Pampelune à l'estafette qui les apporte à Bayonne, au lieu d'adresser les dépêches pour Pampelune à Vitoria, au général Verdier qui les ferait passer, et à Hernani celles destinées pour Saint-Sébastien. Tout cela a l'air d'un état-major qui n'a jamais servi.
Vous devez ordonner au commandant de la place de Burgos de vous faire un rapport journalier que vous enverrez, tous les jours, par l'estafette. Donnez le même ordre à Vitoria.
Bayonne, 30 avril 1808
Au général Verdier, commandant la 1e division d'observation des Pyrénées-Orientales, à Vitoria
Vous trouverez ci-joints plusieurs exemplaires de la Gazette de Bayonne. Vous la communiquerez aux principaux de la province, et vous causerez avec eux de la situation actuelle des choses. J'ai chargé mon chambellan Tournon de parcourir les différents points de la Biscaye dans le même objet. Vous ferez sentir la nécessité qu'on se comporte bien ; qu'on gagnera à cela la conservation des privilèges, la tranquillité, d'avoir peu de troupes, car, dès que je serai sûr que la tranquillité ne sera point troublée, je ferai rentrer mes troupes en Espagne. Faites bien comprendre que, plus voisins de la France, ils sont plus intéressés que d'autres à se bien conduire; que la perte de leurs privilèges et leur ruine totale seraient le résultat de toute autre conduite. Engagez les États, les évêques, les alcades à faire des publications pour exhorter tout le monde à se tenir tranquille. Correspondez tous les jours avec le major général, et rendez-moi compte souvent de la direction de l'esprit public, et influez de manière à maintenir la tranquillité de la Biscaye. Si voisins de la France, la moindre imprudence les perdrait.
Marracq, 30 avril 1808
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne
Monsieur de Champagny, je vous renvoie avec votre portefeuille la note de M. de Cevallos. Vous lui répondrez, en forme de billet, que toutes les lettres dont son courrier était porteur ont été remises à la poste française, qui les remettra à Madrid et à Burgos avec la plus grande exactitude, que toutes les personnes en Espagne, qui voudront écrire pourront le faire par la poste ordinaire ou même par l'estafette française, que l'empêchement qui a été mis au départ du courrier vient de ce que, en conséquence de la notification que Sa Majesté avait faite le matin qu'elle ne reconnaissait que le roi Charles IV, elle ne pouvait reconnaître sur son territoire aucun acte ou passeport au nom d'un autre roi d'Espagne.
(Brotonne)