26 - 31 Janvier 1808

Paris, 26 janvier 1808

A M. Maret, ministre secrétaire d'État

Monsieur Maret, écrivez à tous les ministres pour que chacun,  dans son administration, fasse prendre possession de Flessingue et de Wesel.


Paris, 26 janvier 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, faites passer la lettre ci-jointe au général Marmont, par un officier intelligent, qui ira jusqu'à Corfou (propre main), par terre, et vous rapportera ses observations sur ce qu'il aura vu. Mandez au général Marmont d'écrire au pacha de Janina d'approvisionner Corfou, et de se concerter avec lui pour accélérer les communications de Corfou à Cattaro.


Paris , 26 janvier 1808

Au général Marmont, commandant l'armée de Dalmatie

Votre aide de camp m'apporte votre lettre du 9 janvier. J'ai déjà écrit depuis longtemps à Sebastiani pour que la Porte prenne des mesures telles qu'en cas de siége de Corfou vous ayez passage pour un corps de 8,000 hommes qui se rendrait à Butrinto. J'ai à Corfou des moyens de transport, et votre armée, que vous pourriez porter jusqu'à 12,000 hommes et qui serait composée de trois divisions, passerait en peu de jours à Corfou, pour se joindre à la garnison et culbuter les Anglais dans la mer. La Porte a ordonné également que des Tartares fussent placés depuis Butrinto jusqu'à Cattaro, pour que les officiers venant de Corfou arrivent rapidement aux Bouches, et que, de même, non-seulement les officiers que vous expédierez puissent faire ce trajet avec la même rapidité, mais encore pour que quelques envois de poudre que vous pourrez faire passer par terre soient protégés. Commencez par expédier par terre 50 mulets chargés de poudre, chaque mulet portant deux barils, ce qui fera un total de cent barils ou dix milliers. Moyennant vos négociations de Scutari et de Berat, vous pourrez facilement obtenir le libre passage. Écrivez à cet effet. Faites également partir plusieurs petits bateaux chargés de poudre, qui iront le long des côtes et réussiront à passer à Corfou à travers la croisière ennemie. Il est probable que, sur cinq bateaux, chargés de trois milliers de poudre chacun , il en arrivera trois ou quatre. Si vous aviez moyen de faire passer aussi quelques affûts, soit de siège, soit de côte, soit de place, faites-le ; il parait qu'ils en ont besoin. 

Envoyez régulièrement, au moins tous les quinze jours, un de vos officiers à Corfou ; que le général César Berthier vous en envoie un des siens, aussi tous les quinze jours : par ce moyen vous aurez, toutes les semaines, des nouvelles de Corfou, et cette grande quantité d'officiers, passant et repassant, prendra une connaissance parfaite des localités.

J'approuve fort l'envoi d'un agent à Berat. Il faut connaître à fond cette route, dont le détail, lieue par lieue, m'intéresserait beaucoup.

Je ne conçois pas ce que vous me dites que la Dalmatie ne peut pas fournir de chevaux ; elle en fournissait plusieurs milliers aux Vénitiens.

Tenez un agent près l'évêque des Monténégrins, et tâchez de vous concilier cet homme. J'ai, je crois, un consul à Scutari, mais il ne m'écrit pas souvent; exigez qu'il vous écrive tous les jours, Envoyez-moi des renseignements sur les golfes de Durazzo et d'Avlona. Des bricks, on même des frégates peuvent-elles y entrer ? Comme vous êtes le maître d'y envoyer des ingénieurs ou des marins, envoyez-y. Recueillez aussi les renseignements que les gens du pays pourraient vous fournir, et faites-moi passer des croquis et des mémoires qui me fassent bien connaître ce que c'est que ces deux golfes.

Je suppose que, dans le cas où une escadre de douze ou quinze vaisseaux arriverait à Corfou ou à Raguse, les mesures sont prises pour la mettre à l'abri de forces supérieures ; répondez-moi cependant sur cette question.

Je vois avec plaisir que vous n'avez pas de malades. J'ai ordonné au vice-roi de vous envoyer encore 2,000 hommes pour renforcer vos cadres.

Le ministre de la guerre m'a fait connaître que vous demandiez le général Montrichard; ce général est parti pour prendre service sous vos ordres.


Paris, 26 janvier 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre du 15 janvier. Il me semble que le projet de décoration avec les trois Vallées de Sicile est ce qu'il y a de mieux, parce que cela dit quelque chose. Je donnerai le grand Ordre de la Couronne de fer au marquis de Gallo, et le grand Aigle au prince Colonna, commandant de la garde nationale de Naples, au prince Bisignano et au duc de Cassano. J'accepte avec plaisir votre Ordre.

Je suppose que vous avez déjà fait partir votre ambassadeur pour ici, aussi bien celui que vous envoyez en Russie. Je vous ai déjà fait connaître qu'on a fort agréé cette nouvelle en Russie.

Votre lettre du 15 m'annonce que 500 hommes sont partis pour Corfou avec bon vent; il me tarde d'apprendre qu'ils sont arrivés.


Paris, 26 janvier 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je vous ai écrit avant-hier fort au long sur ce que je inédite. Je suppose que vous m'avez déjà répondu en m'envoyant tous les renseignements convenables. Tout me porte à penser que cela aura lieu avant le 15 février. Il faut que vous ayez des moyens d'embarquer 3 à 4,000 hommes sur de très-gros bâtiments. Alors on pourra aller partout où l'on voudra, parce qu'avec 15,000 hommes on n'aura pas à s'assujettir à s'assurer d'un point. Le principal est que Scilla soit pris. Votre lettre du 15 n'en parle pas, cela m'intrigue beaucoup.

Répétez, je vous prie, au général César Berthier qu'il faut qu'il ne mette pas de troupes françaises à Céphalonie ni à Zante, et que tout ce qu'il a de troupes françaises doit être réuni à Corfou et à Sainte-Maure. J'attends avec impatience la nouvelle que le 14e, les détachements du 6e et les Italiens sont arrivés. Du moment que l'on pourra compter sur la réunion de 6,000 hommes à Corfou, il n'y aura plus à craindre que les Anglais viennent y débarquer, puisqu'ils ne pourraient pas le faire avec 12,000 hommes, force qui n'est pas en proportion avec les moyens de l'Angleterre.

J'ai écrit à la Porte pour que, le cas arrivant que les Anglais débarquassent à Corfou et fissent le siège de la place, l'armée de Dalmatie put partir de Cattaro, traverser le territoire d'Ali-Pacha et arriver devant Corfou. J'ai là 20,000 hommes qui, arrivés à Butrinto, passeraient facilement à Corfou, se joindraient à la garnison et culbuteraient les assiégeants dans la mer. Je compte que, si le 14e, le reste du 6e et les Italiens sont arrivés à Corfou, on ne laissera pas les Anglais débarquer; mais, si le débarquement s'effectuait, on se défendrait pendant plus de six mois. Il est probable qu'avant que deux mois se soient écoulés depuis le commencement du blocus, l'armée de Dalmatie sera arrivée à Butrinto. Marmont a envoyé un consul à Beyrouth , et j'ai fait demander à Ali-Pacha ( ce que d'ailleurs je lui ai fait ordonner par la Porte) que les Tartares soient placés depuis Butrinto jusqu'à Cattaro, pour la rapidité des communications.

Puisque Moncenigo est à Naples , vous pouvez savoir de lui la quantité de poudre que les Russes ont laissée à Corfou; il est ridicule qu'on ne fasse pas la remise de ces poudres.

Il m'importe beaucoup que vous donniez des ordres et que vous preniez des mesures pour connaître la quantité de vaisseaux de guerre, frégates, etc., que les Anglais ont vis-à-vis Corfou; le rapport doit vous en être fait par Otrante et Brindisi. Je désire que vous vous fassiez informer également du nombre de vaisseaux de guerre qui pourraient trouver refuge à Brindisi, et si les batteries qui doivent protéger cette rade sont en état de défense. Il me tarde bien d'apprendre que Scilla soit pris.


Paris, 26 janvier 1808

A Louis Napoléon, roi de Hollande

Je reçois vos lettres des 20 et 21 janvier. Je reçois avec plaisir l'assurance que vous me donnez de porter la plus grande activité dans l'exécution des mesures contre l'Angleterre et des traités qui unissent la Hollande à la France. J'apprends avec un égal plaisir le bon état où vous me dites que sont vos finances, ce qui vous permet de faire face à toutes vos affaires. J'avoue que je ne croyais pas votre situation aussi améliorée, et je ne puis que vous en faire mon compliment.


Paris, 26 janvier 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Monsieur Decrès, je fais demander au roi d'Espagne, de manière à ne pas être refusé, que le vaisseau de 120 canons le Prince-des-Asturies et le Montanez me soient cédés; je cèderai, en place, au roi d'Espagne, le vaisseau l'Atlas de 74, qui est à Vigo. Vous donnerez l'ordre au vice-amiral Rosily d'arborer son pavillon sur le Prince-des-Asturies, et de composer l'équipage des deux vaisseaux espagnols en prenant sur les équipages de tous les vaisseaux de l'escadre; cela portera mon escadre, qui est actuellement de cinq vaisseaux, à sept; ce qui, avec le vaisseau espagnol le San-Justo, me fera huit vaisseaux bien équipés.

Je demande également au roi d'Espagne de prendre des mesures efficaces pour faire armer à Cadix quatre autres vaisseaux pour être prêts à se joindre à mon escadre, de sorte qu'il y ait à Cadix sept vaisseaux français et cinq espagnols, c'est-à-dire douze vaisseaux. Je réitère également l'ordre pour que l'escadre de Carthagène, composée de deux vaisseaux à trois ponts, deux vaisseaux de 80 et trois frégates, se rende à Toulon. Si cela réussissait ainsi, je me trouverais avoir à Toulon une escadre de dix-sept vaisseaux, dont dix vaisseaux français et sept espagnols, et à Cadix douze vaisseaux, savoir : sept vaisseaux français et cinq espagnols.


Paris, 27 janvier 1808.

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

L'Empereur, Monsieur Daru, me charge de vous faire connaître que, d'après les états qui lui sont adressés, les domaines, rentes et revenus dont il a été pris possession au nom de Sa Majesté dans le royaume de Westphalie, se composent : 1° de biens ruraux et moulins; 2° de maisons et bâtiments loués; 3° de revenus des fermes tenues par des serfs; 4° de forêts; 5° de mines, usines, manufactures, carrières; 6° de salines; 7° de rentes foncières, emphytéotiques et rentes constituées; 8° de cens seigneuriaux; 9° de dîmes; 10° d'intérêts et capitaux exigibles, formant ensemble un total de 19,013,720 francs, dont l'intention de Sa Majesté est de prendre la moitié pour donner des récompenses aux braves de son armée. Vous tiendrez la main à l'exécution des volontés de Sa Majesté, et vous en préviendrez le roi de Westphalie.


Paris, 28 janvier 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je vous ai écrit hier pour demander à l'Espagne deux vaisseaux. Je désire que vous fassiez connaître au sieur Beauharnais qu'il est nécessaire que des ordres soient donnés par la cour d'Espagne pour qu'une division de 15,000 hommes, qui est à Perpignan, soit reçue à Barcelone, pour, de là, se rendre à Cadix. Cette division se reposera quelques jours à Barcelone, et continuera sa route sur Cadix aussitôt que les ordres seront donnés par la cour d'Espagne. Le sieur Beauharnais ne fera cette ouverture que le 9 février, si d'ici là il n'en a pas reçu contre-ordre. Vous lui ferez connaître également qu'un autre corps de 4,000 hommes doit se rendre aussi à Cadix, que, cependant, il ne se mettra en marche que lorsque cela sera arrangé avec le gouvernement espagnol; que ce corps sera tiré de l'armée du général Dupont, qui est à Valladolid, ou de celle du maréchal Moncey, à laquelle je donne ordre de pousser jusqu'à Burgos.


Paris, 28 janvier 1808

Au général Clarke, ministre des relations extérieures

Faites venir chez vous le général Duhesme, et donnez-lui l'ordre de partir dans la journée avec les instructions suivantes.

Il sera arrivé à Perpignan le 4 février; il en partira du 6 au 8 avec sa division; il entrera en Espagne le 9 et se dirigera droit sur Barcelone. Il fera connaître au gouverneur qu'il a ordre de se rendre à Cadix, et qu'il attend la décision de la cour d'Espagne, à ce sujet, à Barcelone; que les étapes sont préparées. Il vous fera connaître la situation des places et des dépôts qui en forment la garnison, sans rien faire qui puisse faire soupçonner des dispositions défavorables aux Espagnols. Il fera fusiller le premier Italien qui manquerait à la discipline, et la fera observer rigoureusement. Il emmènera avec lui un général de brigade français. Je suis dans la supposition qu'il a 6,000 hommes, 1,000 chevaux et dix pièces attelées, avec les cartouches et tout ce qui lui est nécessaire pour faire campagne. Il écrira tous les jours, dès qu'il aura mis le pied en Espagne, pour faire connaître la disposition des esprits, la situation des places fortes, et ce qu'il y a devant lui depuis Barcelone jusqu'à l'Èbre.

Ecrivez par un officier au maréchal Moncey de porter son quartier général à Burgos le 10 février, avec deux divisions et toute sa cavalerie, et d'y être rendu le 10 février. Il aura soin d'étendre une de ses divisions, sous le prétexte des vivres, jusqu'à Aranda, et il tiendra à Vittoria sa dernière division. Il dira qu'il s'étend ainsi pour ménager les ressources en vivres et ne pas trop fouler le pays. Vous enverrez cet ordre par un officier qui vous fera bien connaître la situation des esprits de ce côté.


Paris, 28 janvier 1808

Au général Clarke, ministre de la marine

Monsieur le Général Clarke, donnez l'ordre au général de brigade Darmagnac de partir dans la journée de demain pour se rendre à Saint-Jean-Pied-de-Port, où il prendra le commandement de la division des Pyrénées occidentales, sous les ordres du général Mouton. Avant de faire partir le général Darmagnac, vous l'enverrez chercher et vous lui remettrez l'ordre, par écrit, d'être arrivé à Saint-Jean-Pied-de-Port le 3 février, afin de pouvoir en partir le 6 pour se diriger sur Pampelune, où il sera le 9 février. Il doit avoir 3,000 hommes d'infanterie et douze pièces de canon. Arrivé à Pampelune, il attendra de nouveaux ordres; il prendra possession de la place, et, sans faire semblant de rien, il occupera la citadelle et les fortifications, en traitant avec la plus grande courtoisie les commandants et les habitants, ne faisan aucun mouvement, et disant qu'il attend de nouveaux ordres.

P. S. Indépendamment du compte que le général Duhesme vous rendra, il correspondra également avec le maréchal Moncey; indépendamment du compte que le général Darmagnac vous rendra, il
correspondra avec le général Mouton, qui doit être près du maréchal Moncey, et, dans tous les événements extraordinaires, il préviendra toujours le maréchal Moncey.


Paris, 28 janvier 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, j'ai ordonné l'envoi de bricks et de corvettes à Corfou; rien n'est arrivé. Envoyez-moi l'état de toutes les farines, grains, poudres que vous y avez envoyés, et faites-moi connaître les ordres que vous avez donnés aux différents bricks et corvettes. Mes ordre ne sont pas exécutés, et le ministre de la guerre ne rend aucun compte là-dessus. Corfou sera pris, faute d'exécuter les mesures prescrites et l'Adriatique en souffrira pour toujours. J'avais également ordonné l'envoi de chaloupes canonnières à Corfou; rien n'y était arrivé au 1er janvier.

Faites partir de Venise six chaloupes canonnières chargées de poudre, de boulets, de biscuit, et portant dix ouvriers d'artillerie, un douzaine d'affûts de place de 24, un demi-millier d'acier, huit ou dix milliers de fer, quinze cents outils de pionniers. Ces six canonnière resteront à Corfou, pour la défense de la rade et les communication avec la terre ferme; vous les ferez d'abord diriger sur Raguse, et de là elles fileront plus loin.


Paris, 28 janvier 1808

Au général Lemarois, commandant la division des côtes de l'Adriatique

Monsieur le Général Lemarois, je désire que vous m'écriviez tous les jours. Rendez-moi compte de tout ce qui partira pour Corfou, et sur quels bâtiments. Faites partir pour cette île des boulets de 20, de 18 et de 14, vingt affûts de côte, de siège et de place, un millier de fer pour l'artillerie, quelques quintaux d'acier, un millier d'outils de pionniers. Je ne sais point si les deux bricks italiens sont à Ancône, s'ils sont prêts à partir pour Corfou, chargés de poudre et de munitions de guerre. Il me semble que des barques qui iraient jusqu'au golfe Durazzo, et qui fileraient le long de la côte, entreraient de nuit à Corfou malgré les croisières anglaises. Faites là-dessus tout ce que vous pourrez, car cette place sera certainement attaquée ce printemps, au mois d'avril.


Paris , 28 janvier 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre du 18, avec le rapport du général Donzelot. Ce rapport me fait voir l'incapacité de . . . . . . . . qui aurait dû, à son arrivée, vous envoyer un rapport pareil. Je désire donc que vous envoyiez un de vos aides de camp à Corfou, avec l'ordre an général Donzelot de prendre le gouvernement général des Sept Iles; vous direz que vous avez le décret qui le nomme, et vous ordonnerez au général Berthier de rester quinze jours avec le général Donzelot; après lesquels il se rendra à Cattaro par terre, visitant cette place, inspectera les chemins, verra toute la Dalmatie, et de là viendra me joindre à Paris. Votre aide de camp sera discret; vous le préviendrez de ce qu'il porte, afin que ses dépêches ne soient remises que si le général Donzelot est à Corfou; car, s'il se trouvait à Sainte-Maure, il faudrait le faire venir d'abord à Corfou; et, s'il y avait des empêchements qui s'opposassent à ce qu'il put quitter Sainte-Maure, il ne faut pas que le général Berthier se doute de l'objet de la mission de votre aide de camp, pour ne point le décourager.

Réitérez l'ordre au gouverneur général de retirer les troupes françaises de Zante et de Céphalonie, et de ne les placer qu'à Sainte-Maure et Corfou. Il ne faut pas même laisser de Français à Parga. Le gouverneur ne laissera à Zante et à Céphalonie que deux officiers français avec 25 ou 30 Français, également à Parga. Ainsi il faut que le 6e, le 14e et les Italiens soient tous réunis à Corfou et à Sainte-Maure. Faites partir sur-le-champ quatre officiers du génie français et deux officiers français d'artillerie, de Naples pour Corfou. Je vois que, pour tous vivres, il y a à Corfou cent quarante mille quintaux de mauvaise farine; mais le général Donzelot ne dit pas tout, car on m'assure qu'il y avait plusieurs milliers de quintaux de grains. J'attends avec impatience d'apprendre si votre convoi du 8 est arrivé. Il me semble qu'il était de cent milliers de poudre. Si les Russes avaient là des magasins, pourquoi ne les avoir pas pris ? Il ne doit pas vous être difficile d'embarquer cinq ou six cents outils; cela occupe peu de place. Un des généraux de brigade qui sont à Corfou prendra le commandement de Sainte-Maure. Faites passer à Corfou dix nouveaux officiers d'artillerie. Quant à l'argent, j'ai ordonné qu'on y envoyât, tous les mois, 250,000 francs. Depuis trois mois que j'ai donné cet ordre, il a dû y arriver 7 à 800,000 francs. Avec cela, on a pu faire tous les travaux et payer les troupes.

Je désire que l'aide de camp que vous enverrez vous rapporte un mémoire sur la situation de Corfou au 1er février, bastion par bastion, magasin par magasin, Tout me porte à penser que Corfou sera attaqué au mois de mars on d'avril.

J'ai fait partir d'Ancône et de Venise des corvettes et des bricks; je n'ai pas de nouvelles de leur arrivée.


Paris, 28 janvier 1808

DÉCISION

Le général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, demande à l'Empereur si la division de troupes italiennes actuellement en France doit être à la charge de la France.

Tant qu'elle sera en France, elle sera à la charge du royaume d'Italie. Quand elle sera dans un pays étranger, elle ne sera plus à la charge de l'un ni de l'autre des deux pays.


Palais des Tuileries, 28 janvier 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'EXTÉRIEUR.

Le ministre de l'intérieur fait un rapport sur l'approvisionnement de Paris; il en résulte que cet approvisionnement est diminué de 40,000 quintaux.

Sa Majesté charge le ministre, sur sa responsabilité, de s'occuper sans délai des mesures à prendre pour compléter cet approvisionnement avant le mois de mars , en l'approchant le plus possible de la capitale ou même de la ville de Rouen, ce qui remplirait également l'objet qu'on se propose.

Le ministre fait un rapport sur les écoles des arts et métiers; il présente la comptabilité de ces écoles depuis et y compris l'an XIII  jusqu'au 1er janvier 1808. Il est porté à penser que ces établissements atteindront très-difficilement le but que Sa Majesté se propose, non-seulement par la difficulté de bien organiser les écoles de cette espèce et d'administrer des établissements dont il faut que les chefs soient en même temps directeurs, fournisseurs et négociants, mais encore par l'impossibilité de trouver le débit des objets fabriques par les élèves.

Sa Majesté n'adopte point cette opinion; elle rejette toute idée de suppression de ces établissements; elle pense que , s'il est difficile de les faire prospérer, l'administration est en mesure de vaincre ces difficultés; que, loin de songer à détruire ces écoles, il faut s'occuper de les améliorer, soit en leur attribuant des occupations spéciales, soit en leur procurant des travaux réguliers et permanents, au moyen des commandes qui leur seraient faites par divers services du Gouvernement. Sa Majesté invite le ministre à s'entendre avec le ministre de la guerre pour faire faire aux écoles d'arts et métiers des affûts de place et de siège, des caissons, des charrettes, etc. Des modèles seraient fournis aux écoles, que le Gouvernement peut alimenter ainsi, quelque étendus que deviennent leurs moyens de fabrication.

M. de Fourcroy présente des rapports et des états sur la situation des écoles primaires, secondaires, communales et particulières, et sur les maisons d'éducation; il en résulte que ces écoles sont au nombre de 7,356, et qu'elles donnent l'éducation qui est propre à chacune d'elles à 162,300 élèves. M. de Fourcroy fait ensuite un rapport sur la situation et la comptabilité des lycées.

Sa Majesté , entrant dans les détails de la situation des lycées, remarque que plusieurs d'entre eux, tels que le lycée Impérial à Paris, le lycée de Moulins et celui de Metz, sont très-accrédités ; elle pense qu'il convient d'y laisser tomber successivement le nombre des élèves du Gouvernement au-dessous de cent.

Sa Majesté invite en même temps M. de Fourcroy à lui présenter un nouvel état, qui sera formé sur les revues des lycées, et qui présentera le nombre des élèves existant au 1er janvier, au ler avril, au ler juillet, au ler octobre 1807 et au 1er janvier 1808. La situation de ces quatre trimestres se trouvera sur un seul et même état, on indiquera, en encre rouge, le nombre des élèves qui, ayant été nommés, ne sont point entrés, ou de ceux qui, étant entrés aux lycées, y sont morts ou en sont sortis pour un motif quelconque. Au moyen de ces annotations, on justifiera les variations que pourront présenter les différents trimestres.

L'intention de Sa Majesté est de ne pas dépenser, en 1809, plus de 1,500,000 francs pour les pensions des lycées, et d'arriver successivement à ce, que ces établissements ne coûtent rien à l'Etat. Cette vue n'est point nouvelle ; on l'a fait connaître dès le moment même de la création des lycées; elle tient essentiellement à la durée de ces établissements. C'était une importante entreprise qu'on ne pouvait former qu'en commençant par des sacrifices ; mais elle ne sera véritablement fondée que lorsqu'elle ne coûtera plus rien; autrement, les fonds n'étant point spéciaux, ne pouvant être pris que sur les recettes générales de l'État, ne pouvant être accordés que d'année en année, il arriverait un moment où les besoins du trésor public conduiraient à ne plus rien faire pour ces établissements; alors ils cesseraient d'exister, ce qui n'arrivera point lorsqu'ils auront des ressources qui leur seront propres. On pourrait, par exemple, pour couvrir les dépenses, statuer que les pensions, réduites à ce qui est strictement nécessaire, seront payées par les villes qui, pour la plupart, sont trop riches. On ferait établir par chaque ville un certain nombre de bourses, qui seraient uniquement affectées aux habitants de ces villes, et auxquelles Sa Majesté nommerait. Quant aux villes qui, dans l'état de leurs dépenses actuelles, ne pourraient rien fournir pour cet objet, on pourvoirait à leur laisser des moyens disponibles en les dispensant d'une portion suffisante de la dépense qu'elles font pour la guerre. Il arriverait ainsi que les lycées subsisteraient par des moyens étrangers aux dépenses générales de l'État, ne se trouveraient point compris dans les dépenses à la charge du trésor public et seraient véritablement fondés.

M. de Fourcroy fait un rapport sur la situation actuelle du travail relatif à l'établissement de 1'Universite impériale : il donne lecture de la dernière rédaction délibérée en Conseil d'Etat, et présente un nouveau projet réduit aux dispositions principales.

Sa Majesté invite M. de Fourcroy à s'occuper sans délai d'un travail qui offrirait, en projet, l'université impériale tout organisée, en y faisant entrer les éléments qui doivent la composer et qui sont actuellement existants ; ce travail, joint au projet d'organisation, le rendrait plus clair, et mettrait mieux en état de le juger. On fournirait, à l'appui des calculs sur lesquels il serait basé, tous les états d'après lesquels ce travail aurait été rédigé.

On diviserait l'université impériale en autant d'académies qu'il y a de cours d'appel.

On distinguerait les académies qui auraient deux facultés et celles qui en auraient quatre.

On ferait connaître le nombre des officiers de l'université, des officiers de l'académie et des membres de l'université.

On établirait le nombre des lycées, des écoles secondaires communales, des écoles secondaires particulières, des écoles primaires, et des étudiants qui entreraient dans l'arrondissement de chaque académie.

On joindrait à ce travail tous les calculs de finance dans lesquels on comprendrait les dépenses de l'École normale et celles de l'université.

On ferait entrer dans l'organisation de l'université impériale la faculté de théologie, conformément aux vues qui sont particulièrement exprimées par Sa Majesté.

Sa Majesté désire que ce travail soit imprimé à la suite des deux projets de rédaction, pour être distribué mardi prochain au Conseil.


Paris, 28 janvier 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale

J'ai lu les lettres de la Vendée trouvées sur Saint-Hilaire. Je crois que cela est inutile à publier. Faites-en tirer seulement trois ou quatre exemplaires. Vous en enverrez un au préfet et un autre à l'évêque du Morbihan, avec défense de les imprimer.

(Brotonne)


Paris , 29 janvier 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Monsieur le Général Clarke, si vous avez des renseignements sur les batteries de la Spezia, faites-les-moi connaître. Dans tous les cas, donnez l'ordre à une compagnie d'artillerie de ligne, forte de 100 hommes , que vous tirerez d'Alexandrie, de se rendre aux batteries de la Spezia. Donnez ordre également à un chef de bataillon d'artillerie et à un officier en résidence de se rendre à ce poste important. Donnez ordre à un bataillon du 67e de ligne, de six compagnies de 120 hommes chacune, de se rendre également de Gênes dans ce poste important.

Vous donnerez ordre au général Morangiès d'établir son quartier général à la Spezia, et lui recommanderez de faire exercer les troupes du 67e à la manoeuvre du canon.

Vous donnerez ordre qu'une demi-compagnie de sapeurs, avec deux officiers du génie, se rende également à la Spezia.

Vous mettrez à la disposition, soit du directeur du génie, soit du directeur de l'artillerie, les fonds qui vous paraîtront nécessaires; car mon intention est qu'il soit établi des batteries de canons et de mortiers dans le golfe, telles qu'une escadre française ou alliée s'y trouve à l'abri de tout événement et protégée contre une escadre supérieure. Il faut que le mouillage se trouve défendu par au moins quarante pièces de 36 ou de 24 et par quinze mortiers de 12 pouces, d'une portée suffisante.

Vous donnerez l'ordre à l'officier qui commande le génie à Gênes de se rendre dans la rade de La Spezia, pour y veiller à la construction des batteries. L'artillerie sera envoyée de Gènes et de Livourne. Mais tout cela est très-pressant, car il faut qu'avant la fin de février ces batteries soient dans le cas de jouer et clé protéger l'escadre qui s'y présenterait. Je suppose que Gènes forme une direction d'artillerie.

Expédiez tous ces ordres par l'estafette,.Je désire même que le général commandant la 28e division militaire active par tous les moyens l'armement de ce port intéressant.

Donnez ordre au général d'artillerie d'Arancey de se rendre à Florence, pour prendre le commandement de l'artillerie de toute la Toscane. Il emmènera avec lui, du royaume d'Italie, un chef de bataillon, un officier d'ouvriers et quatre capitaines et lieutenants d'artillerie, afin de pouvoir procéder à l'inventaire général de l'artillerie, à la consignation des magasins, poudrières, etc. Aussitôt qu'il aura une connaissance parfaite du matériel de l'artillerie de la Toscane, il vous en fera un rapport détaillé.


Paris, 29 janvier 1808

Au gouverneur des Sept-Îles

L'amiral Ganteaume, que j'envoie pour ravitailler votre île, vous porte 200 ouvriers de la marine, munis de leurs outils, et 300 hommes d'infanterie tirés des 32e léger et 16e de ligne, formant deux compagnies. Vous incorporerez ces 300 hommes dans le 6e de ligne, officiers et soldats, et vous enverrez le procès-verbal d'incorporation à notre ministre de la guerre.

Vous formerez des 200 ouvriers de la marine une compagnie d'ouvriers d'artillerie; vous les ferez exercer au canon comme les canonniers, afin qu'ils puissent servir comme artilleurs, et vous les emploierez aux travaux de l'arsenal, soit de terre, soit de mer.

L'amiral Ganteaume vous porte également quatre-vingts affûts , cent cinquante milliers de poudre, un million de cartouches, seize pièces de campagne, six mortiers à la Gomer dont deux à grande portée, deux mille cinq cents outils de pionniers. Vous emploierez ces objets pour l'armement des places et forts de Corfou.

La présence de l'amiral Ganteaume permettra aux convois de Brindisi et d'Otrante de passer à Corfou. Vous aurez donc à Corfou le 6e de ligne avec tous les détachements qui sont à Otrante, le 14e léger, le 5e italien et les renforts envoyés des dépôts, près de deux cent cinquante milliers de poudre, avec ce qu'a envoyé le roi de Naples et ce qui a dû partir de Venise et d'Ancône; dix mille quintaux de blé qui vous ont été envoyés d'Ancône, et cinq mille quintaux de farine qu'apporte l'amiral Ganteaume. J'espère donc que vous vous trouverez avoir ainsi dans la seule île de Corfou 5,000 Français et Italiens, indépendamment d'un millier d'Albanais et de Corfiotes. Il n'est pas probable qu'avec ces 5,000 hommes les Anglais puissent débarquer dans l'île. Vous devez garder précieusement les cent quarante quintaux de farine que les Russes ont laissés à Corfou, et la faire manipuler, parce qu'en cas de siège elle serait fort importante.

Si les Anglais vous attaquaient avec des forces qui vous obligeassent à vous réfugier dans les fortifications, vous devez tenir six mois, parce que les Anglais sont peu habiles en fait de siège, et il n'y a pas de doute que vous serez secouru à temps. Le Grand Seigneur a déjà donné des ordres pour que le passage me fut livré chez les Albanais. Le Grand Seigneur m'ayant cédé Butrinto, mon intention est que vous en preniez sur-le-champ possession pour fortifier le cap et y établir une bonne batterie qui sera nécessaire à la protection de Corfou.

Mon intention est que vous n'occupiez Céphalonie et Zante que par des Albanais, ainsi que Parga, et que vous ayez à Sainte-Maure des Albanais et seulement 500 Français et Italiens. Des contremaîtres et ouvriers vous étant envoyés, il ne vous sera pas difficile de faire construire trois ou quatre chaloupes canonnières pour aider à la défense de la rade. Je donne ordre d'ailleurs qu'il reste à Corfou le fonds de quatre frégates et de plusieurs bricks.

Vous devez avoir reçu, depuis le 1er octobre, 250,000 francs par mois, c'est-à-dire un million, ces quatre mois échus. Le général Ganteaume versera dans la caisse de votre payeur deux autres cent mille francs.

Le roi de Naples vous a envoyé des ingénieurs ; j'ai ordonné également au général Marmont de vous en envoyer par terre. Je suppose que vous avez fait occuper toutes les positions avancées qui peuvent prolonger la défense de la place; car, si l'on se rendait avant que le dernier sac des cent quarante quintaux de farine russe fut mangé, que tous les ouvrages avancés eussent été emportés d'assaut, la contrescarpe du corps de la place sautée , la brèche non-seulement praticable mais prise par l'ennemi, et la garnison repoussée dans le dernier retranchement, ceux qui signeraient une pareille capitulation seraient criminels et passés par les armes à leur rentrée en France. Il faut vous arranger comme si vous deviez être attaqué au ler avril. Avec 5 ou 6,000 hommes que vous devez avoir, et un peu de bravoure et d'intelligence, 12,000 hommes ne peuvent débarquer dans l'île et les Anglais ne sont pas dans le cas d'employer plus de 6 ou 7,000 hommes à cette expédition.

Correspondez souvent avec le gouverneur des bouches de Cattaro et établissez une correspondance par terre.

Témoignez mon mécontentement au capitaine de frégate qui a été envoyé à Corfou. S'il se fût présenté devant Brindisi et Otrante, tous mes convois seraient passés.


Paris, 29 janvier 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

 Monsieur de Champagny, envoyez l'ordre au sieur Lachevardière (Auguste-Louis Lachevardière, 1770-1828. Membre du club des jacobins, partisan de Robespierre, président de la commission da département de la Seine, chargé par le Directoire d'une mission secrète en Vendée, secrétaire général du ministère de la police après le 18 fructidor, inscrit sur la liste des déportés le 25 brumaire an VIII. Rentré en grâce, Bonaparte l'avait employé comme consul à Hambourg, mais ses relations avec Brune l'avaient rendu de nouveau suspect.) de se rendre à Paris pour rendre compte de sa conduite.

(Brotonne)


Paris, 29 janvier 1808

DÉCISION

Le ministre de la guerre prie l'Empereur de prononcer sur l'offre de démission faite par le sieur H... qui a abandonné son poste lorsque le 27e régiment était sous Heilsberg

Le faire arrêter et juger par une commission militaire comme lâche

(Brotonne)


Paris, 30 janvier 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, il faut intervenir auprès de la Bavière pour qu'on ne vende rien au milieu des États du grand-duc de Würzburg, et évoquer à vous cette affaire. Vous ferez connaître au grand-duc l'intérêt que je prends à lui, et l'intention où je suis qu'il ne lui soit fait aucun tort.


Paris, 30 janvier 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Vous trouverez ci-joint l'ordre au ministre de la guerre de tenir à votre disposition, dans les ports de Saint-Malo, Nantes, Bayonne, Cherbourg et Rochefort, huit détachements d'infanterie de 60 hommes chacun, c'est-à-dire 480 hommes. Mon intention est que les quatre bricks qui sont à Rochefort partent successivement, et à vingt-quatre heures l'un de l'autre, et se rendent à la Guadeloupe pour porter un renfort de 240 hommes dans cette colonie; ils y resteront et seront à la disposition du gouverneur pour y établir des croisières.

Le brick le Serpent se rendra au Sénégal, où il rafraîchira ses vivres, et de là ira à Cayenne, d'où il établira sa croisière partout où il la jugera la plus fructueuse.

Les bricks le Milan, l'Oreste et le Papillon se rendront à Cayenne; ce qui fera un renfort de 180 hommes pour cette colonie.

Donnez ordre que la frégate la Revanche soit réparée à Saint-Malo, et qu'elle puisse prendre la mer avant l'équinoxe; que les trois frégates et les deux bricks qui ne partent pas avec la division de Lorient soient mis en armement, et en état de partir avant l'équinoxe pour porter des secours aux colonies.

Donnez ordre que la frégate l'Amphitrite, qui est à Cherbourg, soit mise à l'eau sans délai, afin que, quand j'irai à Cherbourg, je la trouve armée et en état de partir. Donnez ordre que la frégate la Bellone soit mise à l'eau à Saint-Malo et puisse partir avant l'équinoxe; que le vaisseau le Tonnerre soit promptement achevé, en démolissant un ou deux des bâtiments qui sont dans cette rade pour trouver les bois nécessaires ; que la Pallas soit mise à l'eau avant le 15 février et se rende à Rochefort; que la Renommée soit mise à l'eau avant le 1er mars , et la Clorinde avant le 1er avril; que la Ville-de-Varsovie soit mise à l'eau avant le 20 février à Rochefort ; que le Breslau soit mis à l'eau à Gênes avant le 1er mars. Donnez ordre qu'une nouvelle frégate soit mise sur le chantier à Bordeaux, pour faire travailler les ouvriers de la ville. Faites vivement pousser à Flessingue les travaux de la frégate la Fidèle. Prenez des mesures pour qu'à Lorient le Polonais soit mis à l'eau avant le 15 mars, de sorte que à cette époque j'aie à Rochefort le Patriote, le Jemmapes et la Ville-de- Varsovie; à Lorient, le Vétéran et le Polonais; et que j'aie, en outre, les trois frégates de Nantes. Mon intention est de faire partir, avant l'équinoxe, une frégate de Saint-Malo pour l'île de France, trois frégates et deux bricks de Lorient pour la Martinique, afin de porter des renforts à cette colonie.

Il serait nécessaire de mettre à Flessingue une frégate sur le chantier, ne fût-ce que pour profiter du bois; on pourrait le faire sans occuper les cales, qui sont en ce moment remplies.


Paris, 30 janvier 1808

Au maréchal Soult chargé du 2e commandement de la Grande Armée, à Stettin.

J'ai reçu votre lettre du 13 janvier. J'ai reçu avec plaisir le sceptre de Gustave-Adolphe, et j'ai vu aussi avec plaisir les mesures que vous avez prises pour assurer le service dans la Poméranie. L'adjudant commandant que vous m'avez fait expédier m'a fait connaître que le nombre des maladies était de beaucoup diminué et que le corps d'armée était en bonne situation. Je m'en rapporte à vous pour maintenir les troupes dans une bonne discipline et dans un constant exercice.


Paris, 30 janvier 1808

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

Monsieur Daru, je reçois votre mémoire relatif aux affaires de la banque de Magdeburg; je vous le renvoie avec une apostille de ma main, par laquelle j'approuve ce que vous proposez; vous pouvez en donner la nouvelle au Roi , elle pourra lui être agréable.

Les renseignements contenus dans votre lettre du 20 janvier, ceux que j'avais eus d'ailleurs, me convainquent que la partie des domaines du royaume de Westphalie sur laquelle j'ai des droits monte à 15,500,000 francs de revenu brut; ce qui me fait supposer un revenu net, impositions et charges payées, de 12 millions. Cependant mon intention n'est pas de priver le roi de Westphalie de sommes aussi considérables, et 4 millions de revenu net de bons biens-fonds, sans maisons ni rien d'inutile, peuvent me suffire. Ces 4 millions, je les ai déjà distribués, et vous ne tarderez pas à recevoir mon décret et l'état des individus auxquels je les ai donnés. Je sens qu'il est très-pénible pour le roi de Westphalie de voir en séquestre ces 31 millions de revenu; mais c'est une affaire qu'on peut finir promptement. Je vous laisse donc toute latitude de conclure un traité par lequel vous rendrez tous les domaines au Roi, et garderez seulement à votre disposition , entre les mains de mes agents, un revenu net, toutes charges payées, de 4 millions en bons biens. Conservez-vous la propriété de ces biens ainsi que l'évaluation, afin d'en disposer lorsque j'en ferai faire la remise. Moyennant cette clause je suis content, mais c'est sous votre responsabilité; car, si les biens que vous garderez ne rendaient pas 4 millions de revenu net, les impositions, frais de culture, etc., payés, vous auriez mal fait mes affaires, et les officiers de mon armée auraient le droit de se plaindre de vous. Je dis au Roi que je veux ma moitié. Je veux vous laisser la faculté, lorsque les discussions seront assez avancées, de lui donner la bonne nouvelle que je me contenterai de 4 millions. Tâchez de finir cette affaire dans le mois de février. Vous comprenez bien que je n'entends pas que le Roi prenne possession avant que les domaines que je me serai réservés soient en ma possession. Faites-lui connaître que le ton de force et de prépondérance ne réussirait pas avec moi. S'il défendait à ses sujets de payer à mes intendants, ses sujets seraient plus sages que lui et payeraient pour éviter des malheurs; car, quand le Roi serait plus fort que moi, j'ai bien expliqué dans sa Constitution les clauses auxquelles je lui remettrais son
royaume.

La troisième question à agiter est celle des contributions ordinaires et extraordinaires. Je vous ai déjà écrit là-dessus. Je n'ai pas l'état des contributions ordinaires. Je vois par celui des contributions extraordinaires qu'Osnabrück, Minden et Brunswick ont payé leur contingent, qu'Eichsfeld a payé plus de la moitié du sien , Cassel, idem; que la Vieille-Marche a fait la plus grande partie de ses payements; mais que Göttingen , Magdeburg et Halle doivent de très-fortes sommes. Voici quelles sont mes intentions. Liquidez avec le Roi par votre traité les sommes restant dues des contributions extraordinaires et ordinaires des provinces d'Osnabrück, Minden, Brunswick, Eichsfeld, Cassel et la Vieille-Marche, au 1er octobre 1807. Convenez que ces provinces devaient tant en contributions ordinaires et extraordinaires; qu'elles ont payé tant; qu'ainsi le Roi s'engage pour ce qui reste à payer, montant à la somme de tant. Vous ferez le même raisonnement pour les sommes échues et dues à mon entrée en possession et depuis le 1er octobre 1807.

Quant aux provinces de Magdeburg , Halle et Göttingen, dont les dettes se montent seules à 30 millions, le Roi aurait tort de s'engager. Il est convenable que vous liquidiez ce qui est dû par ces provinces pour contributions ordinaires et extraordinaires, et que les particuliers s'engagent. Le Roi peut être derrière les particuliers, s'il veut, mais non en première ligne. Il faut stipuler que les payements seront faits en un an ou dix-huit mois, et que tout cela soit bien mis en règle.

Tâchez que ces affaires se finissent en février. Éclairez le Roi de toute l'expérience que vous avez; faites-lui comprendre qu'il faut que la province de Magdeburg, qui est riche et d'un mauvais esprit, s'engage elle-même pour le complément de ses contributions; que lui-même leur dise que, s'ils ne payent pas, ils auront une armée de 30,000 hommes à nourrir, et alors ils s'exécuteront comme les autres provinces de la Prusse. Vous ferez, de la cession des effets de la banque trouvés à Magdeburg, un des articles du traité.

Il est un autre sujet de contestation avec le Roi, c'est tout ce qui est dû à l'électeur de Hesse-Cassel. Vous lui céderez par le traité ce que ses sujets doivent à l'Électeur pour fonds prêtés; j'aurais bien le droit de m'emparer de ces créances, qui m'appartiennent, mais j'y renonce en sa faveur. Vous ferez consigner dans le traité que je renonce à un droit acquis, pour que le Roi ait plus de moyens d'augmenter son armée et de la tenir en meilleur état. Quant aux créances de l'Électeur sur des princes d'Allemagne qui ne sont pas sujets du Roi, je me refuse à les céder; vous en ferez dresser l'état, pour que je puisse les percevoir.


Paris, 30 janvier 1808

Au maréchal Bessières, commandant la cavalerie de la Garde

Vous avez dans les vélites un nommé Galuppo, de Chiavari, qui a écrit à son père qu'il était maltraité dans la Garde, qu'on lui donnait de la soupe et du pain noir comme aux chiens, et, le soir, des fèves gâtées. Savoir ce que c'est que ce jeune homme.


Paris, 30 janvier 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 20 janvier. Je ne vois pas à quoi sert de former sept divisions militaires. Je préfère n'en avoir que deux, une à Venise, qui ira jusqu'à (main propre) Ravenne pour défendre les côtes contre les Anglais, l'autre pour l'Isonzo, à Udine. Tous les autres départements du royaume auront leurs commandants militaires et commissaires des guerres, qui correspondront en droite ligne avec le ministre de la guerre à Milan. Ainsi tous les ordres pour l'Adriatique seront adressés au commandant de la division à Venise, et tous les ordres pour le Tagliamento et le Frioul adressés au commandant de la division à Udine. Tous les autres ordres seront adressés directement au commandant du département.

Voici comme j'entends former la garnison de Venise : deux bataillons du 3e léger italien, un bataillon de garde nationale sédentaire vénitienne, trois compagnies d'artillerie, dont deux italiennes et une française, un bataillon de vétérans de la marine faisant le service de l'arsenal; un petit bataillon de grenadiers et voltigeurs , qui sera tiré de la division de grenadiers et composé de quatre compagnies, maintenues toujours à 100 hommes présents, formera la garde du gouverneur.

Je vous ai demandé différents renseignements, que j'attends, sur la division de grenadiers, sur les 3e et 4e bataillons de l'Istrie, ainsi que sur les dépôts, pour les placer dans des endroits convenables.


Paris, 30 janvier 1808

Au prince Eugène

Mon fils, je reçois votre lettre du 5 janvier.  L'aide de camp de Cafarelli n'est pas encore arrivé à Paris. Je vois avec plaisir les mesures que vous avez prises pour les expéditions de Corfou; je suppose que l'officier que vous m'envoyez m'apportera les renseignements que j'attends avec impatience. Mais vous auriez pu me dire dans votre lettre quel jour il est parti de Corfou.

(prince Eugène)


Paris, 30 janvier 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, une de mes escadres ne tardera pas à paraître devant Corfou. Elle sera assez forte pour chasser les croisières ennemies et être maîtresse de la mer pendant plusieurs jours. Faites en sorte que ce qui reste du 14e léger, du 6e de ligne et des dépôts italiens, toutes les poudres et munitions de guerre, les officiers d'artillerie et du génie, et généralement tout ce que vous destinez pour Corfou, soit prêt à Brindisi et à Otrante, afin de profiter de la présence de mon escadre pour passer. Mon intention est qu'il y ait à Corfou 4,000 Français et Italiens, 1,000 Corfiotes et Albanais, de sorte qu'avec ces 5,000 hommes l'ennemi ne puisse débarquer dans l'île que fort d'au moins 12,000 hommes; que les forteresses soient approvisionnées pour se défendre pendant plus de six mois de tranchée ouverte, afin que j'aie le temps de les secourir. La Porte m'ayant accordé le passage par l'Albanie, le cas du débarquement arrivant, 20,000 hommes peuvent se trouver en huit jours à Butrinto. Je désire que vous réunissiez à Brindisi un bataillon de 5 à 600 Napolitains; il passera à la faveur de l'escadre. Envoyez aussi le complément nécessaire en ouvriers et le détachement d'artillerie, et surtout de la poudre et des vivres.


Paris, 30 janvier 1808

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie

Je vous ai fait connaître mes idées sur la formation de votre Garde; c'est le résultat de mon expérience. C'est à vous à en profiter, si vous le jugez convenable.

Je vous ai fait connaître également mon opinion sur le traitement de vos ministres, conseillers d'État, etc. C'est à vous à faire encore là-dessus ce que vous voudrez; ce sont des conseils que je vous donne; mais je crains qu'avec votre esprit vous n'ayez trop de présomption pour en recevoir de personne. Un jour vous vous apercevrez que ce que je vous dis était bien; mais il sera trop tard alors. Je dois cependant vous réitérer ici que c'est une grande folie que de mettre votre intérieur entre les mains des étrangers. Vous avez la confiance de vingt ans; elle vous sera funeste. Quelques-uns de vos préfets, tels que Hardenberg, sont des familles les plus ennemies de la France.

Je désire avoir un état des sommes que le général a illégalement perçues dans vos États. Il assure n'avoir touché que 500,000 francs. Faites-vous faire un rapport là-dessus par un de mes conseillers d'État. S'il y a d'autres dilapidations, faites-les-moi connaître.

Quant à mes conseillers d'État , vous pouvez les garder comme ministres; mais ils ne peuvent point vous prêter serment; s'ils l'avaient fait, ils seraient exclus pour jamais de mon Conseil.

Il est inutile que vous envoyiez un ministre à Vienne. Je vous ai, je crois, écrit là-dessus. Avant de faire des dépenses inutiles, il faut en faire d'utiles. Si vous voulez que je vous estime, que je continue à vous protéger, à soutenir vos intérêts, à agrandir vos États autant que les circonstances et la politique générale le permettront, il faut que je voie que vous ne prenez pas votre royaume pour une ferme et que vous voulez avoir une armée et être puissant. Songez au temps, qui peut-être n'est pas loin, où vous serez obligé de marcher; que vous servira alors d'avoir un grand nombre de chambellans, une cour brillante, d'avoir jeté l'argent dans un pays pauvre ? Avec deux millions d'habitants et quarante millions de revenus, vous aurez moins de force réelle que l'Électeur de Cassel, qui pouvait renforcer ses alliés de 20,000 bons soldats. J'ai un grand besoin de troupes et d'argent; mes armées sont en Portugal, en Espagne, à Naples, en Dalmatie, en Allemagne, et, avec 800,000 hommes que j'ai sous les armes, je viens d'en lever encore 80,000. Malgré les ressources que je tire du pays conquis, vous verrez, par les comptes de mes ministres, que je mange tous mes revenus et que le budget de la guerre est de 400 millions. Gardez donc les Polonais; disciplinez-les, attachez-les à vous, et, au lieu de 20,000 hommes que vous devez fournir à la Confédération, ayez-en 40,000; vous le pouvez. Peut-être le roi d'Angleterre attache-t-il peu d'importance au Hanovre. Le temps peut venir où le grand-duc de Berg sera placé ailleurs. Si vous êtes un prince maître d'une armée, et non un seigneur qui a une belle cour, il n'y a point de doute que ma politique et l'intérêt de la France sont de vous agrandir.


Paris, 30 janvier 1808

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie

Mon Frère, dans la lettre que je vous ai écrite, il y a une demi- heure, je vous ai parlé de vos affaires; j'ai maintenant à vous parler des miennes. J'ai fort désapprouvé ce que vous avez dit au sieur Daru. Mes ordres doivent passer avant tout, et les différends d'intérêt que la France a avec vos provinces doivent être réglés. Ces différends peuvent être classés en cinq chapitres.

1° Tous les droits et créances de l'ancien électeur de Hesse-Cassel : j'autorise le sieur Daru à vous céder mes droits sur les créances de l'Electeur sur vos sujets; mais je me refuse à ce qu'il vous cède les créances sur les princes voisins, qui ne sont pas vos sujets.

2° Les contributions ordinaires : elles me sont dues jusqu'au ler octobre 1807 ; tout l'arriéré, sous quelque titre que ce soit, au moment où mes troupes ont pris possession du pays, m'est également dû; ces contributions se composent des revenus des domaines et impositions directes ou indirectes sous quelque titre que ce puisse être.

3° Les contributions de guerre : elles me sont dues dans la quotité qui a été frappée; et si Magdeburg et Halle ne prennent pas d'arrangements, comme l'ont fait la Vieille-Marche et les autres provinces, j'enverrai dans ces provinces un corps de 20,000 hommes, qui vivra aux dépens des habitants; il faut régler ce qu'elles redoivent et les faire payer; elles peuvent faire ce qu'ont fait Berlin, la Silésie, la Vieille-Marche et la Prusse.

4° Les objets de diverses espèces ou affaires contentieuses, tels que les effets de la banque de Magdeburg, les dotations des salines, les magasins de sel, les vivres, canons et munitions de guerre : ces objets m'appartiennent; le sieur Daru est autorisé à stipuler à cet égard, hormis pour les munitions de guerre et de bouche, effets d'habillement, etc. Je vous céderai les munitions de guerre qui seront nécessaires à la défense du pays, et je prendrai à cet égard des arrangements avec vous. J'ai fait connaître mes intentions sur tout cela au sieur Daru.

5° Et enfin la grande contestation est pour les domaines : par les états de la commission de l'armée, qui est partie intéressée dans cette affaire, la totalité est de 31 millions de revenu brut; quinze millions cinq cent mille francs bruts me reviennent. Le sieur Daru stipulera également là-dessus mes intérêts ; mais je ne pense pas pouvoir approuver ses opérations, s'il ne stipule au moins six millions nets pour ma part, en déduisant les terres sans culture et les frais d'imposition. J'ai autorisé d'ailleurs le sieur Daru à finir toutes ces affaires avant le ler mars, afin que tout cela soit liquidé et terminé promptement, et que vous commenciez à être véritablement roi.

Comme, dans cette lettre, c'est de mes intérêts qu'il est question, en qualité de mon premier agent, je pense que vous vous entendrez avec le sieur Daru pour que mes intentions soient remplies en tout point.


Palais des Tuileries, 31 janvier 1808

OBSERVATIONS SUR LA CONSTITUTION DE LA COMPAGNIE DES SALINES DE L'EST, DICTÉE, DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DES FINANCES

Il est contraire à l'intérêt du Gouvernement qu'il y ait une société quelconque qui perde son capital, et qu'elle le perde parce qu'elle a des jouissances d'intérêt trop considérables. Il en résulte qu'à mesure que le terme de la jouissance approche, l'action a moins de valeur. En effet, si une action produit une jouissance de 10 pour cent pendant plusieurs années, cette jouissance n'est pas seulement un intérêt ; elle est une portion du capital, puisque, à la fin du bail, la compagnie n'aura, pour rembourser l'action, que la valeur du mobilier, qui n'est que dans une faible proportion avec le capital de actions. La compagnie aura fait le canal dont la construction est une condition du bail; mais ce canal reste à l'État. Le capital de la compagnie étant de 6 millions, si l'on suppose que les inventaire produiront 3 millions, chaque action sera réduite à 50 pour cent Le public ne fait pas ce raisonnement; il regarde et consomme comme un revenu constant le dividende qui lui revient annuellement; lorsque l'événement arrive, il impute nécessairement au Gouvernement et à une mauvaise administration la perte qu'il éprouve sur son capital. Ainsi le crédit public se trouve atteint; ainsi le crédit public est intéressé à empêcher des arrangements qui conduisent de tels résultats. Il faudrait donc que le ministre des finances établit que l'intérêt n'excéderait jamais 6 pour cent, et que l'excédant de bénéfices, avec les intérêts et l'intérêt des intérêts, serait mis en réserve pour augmenter l'action. Cet excédant serait placé par la compagnie, ou à la Banque, ou en 5 pour cent. Chaque actionnaire qui voudra vendre une action aura droit : 1° au remboursement de son action; 2° à un douze-centième dans la réserve. Celui qui possédera l'action à l'expiration du bail aura droit à un douze-centième, 1°  dans la valeur des inventaires, 2° dans le fonds de la réserve. Pou s'exprimer d'une manière plus claire, on peut dire que le fonds de l dépense du canal sera avancé par le fonds des actions, lesquelles en seront remboursées par le fonds de la réserve.

Le ministre des finances combinera ces vues avec les conditions du bail et fera un rapport qui donnera lieu à un décret délibéré en Conseil d'État.

Il faut appliquer ces principes aux actions des ponts, et, à l'avenir à toutes autres de même nature. Cette affaire a été mise dans les  attributions de l'intérieur; mais, sous le rapport d'association financière, et surtout du crédit public, elle rentre dans les attributions du ministre des finances. Chaque action des ponts est de 1,000 francs et rapporte 10 pour cent, comme tout placement en fonds perdu ; mais ce calcul n'est point exact. La durée moyenne des ponts est de 60 ans, c'est plus que la durée moyenne de la vie. On aurait dû calculer l'intérêt à 8 pour cent. Quand bien même la chose aurait été ainsi calculée, l'association se trouverait toujours dans le même cas, et dans un cas plus défavorable que celle des salines, car il n'y a point de capital qui reste à l'association à l'expiration des soixante ans. Il faut donc aussi partager le dividende en intérêts annuels et en réserve, et calculer de manière que, dans un temps donné, le capital de la réserve ait recréé celui des actions. On pourrait établir un maximum et un minimum de la réserve. Par le minimum, le capital serait recréé en 60 ans; par le maximum , il le serait en 30 ans. La retenue serait au minimum quand le dividende serait au-dessous de 6 pour cent; elle serait au maximum quand le dividende serait au-dessus de 6 pour cent. Lorsque le capital des actions aurait été recréé par la réserve, il n'y aurait pas lieu à faire une réserve, et le dividende entier serait donné aux actionnaires. Un rapport du ministre sur ces bases donnera également lieu à un décret délibéré, en Conseil d'État.