16 – 31 août 1809
Schönbrunn, 16 août
1809
Au prince Cambacérès,
archichancelier de l'empire, à Paris
On m'assure que le roi de Hollande a reçu de vous
une lettre qui lui donne le commandement de mes troupes, en sa qualité de
connétable. Je puis concevoir que le ministre de la guerre ignore nos
constitutions; mais que vous puissiez les ignorer, c'est ce qui m'étonne
étrangement. Comment n'avez-vous point senti que moi seul je puis donner le
commandement de mes armées et que personne ne peut s'arroger ce droit ? Il me
tarde d'apprendre que cette anarchie a eu son heure, et qu'un ou plusieurs
maréchaux sont partis pour diriger ces mouvements, puisque le général
Sainte-Suzanne, qui avait ma confiance, est venu à me manquer (Le général Sainte-Suzanne était tombé gravement malade)
Schönbrunn, 16 août 1809
Au prince Cambacérès, archichancelier de l'empire, à
Paris
Mon Cousin, vous
réunirez les ministres et vous leur ferez connaître que le ministre de la
guerre, par une ignorance absolue de nos constitutions, a pensé que la dignité
de connétable donnait le droit de commander mes armées; que c'est une
erreur de six cents ans de date; que les princes et les grands dignitaires
ne sont rien; que le connétable n'est pas comme autrefois un vieux soldat chef
de l'armée; que cette dignité est purement civile, et que celui qui en est
revêtu n'a pas plus le droit de commander mes armées que le grand amiral n'a
celui de commander mes flottes; que je ne puis que blâmer cette ignorance de
nos constitutions, et que je désire que cela n'arrive plus; qu'en mon
absence le ministre de la guerre, autorisé par le conseil, pouvait donner le
commandement en mon nom, mais qu'aucun individu ne pouvait le prendre, et que
le ministre ne pouvait le tolérer, sous sa responsabilité. Cette lettre sera
consignée dans le registre du conseil pour servir dans la circonstance. Le
connétable n'a pas le droit de commander le corps de garde qui est à
sa porte, non plus que le grand amiral ne peut commander les bateaux
qui passent devant l'école militaire. Hors de là, l'État ne serait
qu'anarchie et confusion.
Schönbrunn, 16
août 1809
Au comte Fouché, ministre de la police
générale, à Paris (depuis le 29 juin il est chargé
de l'intérim du ministère de l'intérieur)
Faites mettre dans le
Moniteur, en forme de lettres ou de réflexions d'un militaire, les observations
suivantes sur l'expédition anglaise.
" Quand les
Anglais ont combiné leur expédition, ils avaient pour but de prendre l'escadre,
mais elle est en sûreté à Anvers; ils avaient pour but de prendre Anvers et de
détruire nos chantiers, mais Anvers n'est plus ce qu'il était il y a quatre
ans. En y établissant des chantiers, on a rétabli les fortifications; Anvers
peut se défendre six mois; une inondat.ion le couvre en grande partie; de
nouveaux ouvrages ont été faits depuis trois ans; des fossés pleins d'eau, une
enceinte bastionnée avec une belle escarpe mettent cette place à l'abri de
toute attaque. Il faudrait aux Anglais six mois de siège et 60,000 hommes
pour prendre Anvers.
Les Anglais ne peuvent pas
songer à prendre Flessingue: depuis trois ans, les fortifications en ont été
augmentées; des demi-lunes ont été construites, trois forts ont été établis
autour de la ville. Depuis dix jours que les Anglais ont débarqué, ils n'ont
pas encore commencé les approches, et ils sont à mille toises de la place. La
garnison est assez nombreuse pour la défendre, et les Anglais ont déjà fait des
pertes sérieuses. Mais enfin, s'ils en approchent à 200 toises, on peut lever
les écluses et inonder l'île. Il y a des vivres pour un an; la place peut donc
tenir un an, et avant six semaines, des 15,000 Anglais qui sont dans l'île de
Walcheren il n'en restera pas 1,500; le reste sera aux hôpitaux. Le moyen de
les empêcher de prendre Flessingue est de leur opposer l'inondation.
L'expédition anglaise consiste en 26 ou 27,000 hommes; ils en ont débarqué 15
ou 18,000 dans l'île de Walcheren, 7 à 8,000 dans le Sud-Beveland. Ils ont
obtenu un avantage qu'ils ne devaient pas espérer, c'est l'occupation du fort
de Bath, livré par la trahison de cet infâme et lâche Bruce; et cependant à
quoi cela a-t-il abouti ? A rien; l'expédition est mal calculée. Ces 20 ou
30,000 hommes eussent été plus utiles en Espagne, et là ils ne peuvent rien
faire. Car, en supposant que, par impossible, ils prissent Flessingue, ils ne
le garderaient pas longtemps. C'est en vain qu'ils jetteraient des milliards et
prodigueraient des hommes; ils ne défendront pas l'île de Walcheren; et, si
tout le monde convient qu'il leur faut 20,000 hommes pour garder cette île, il
est de l'intérêt de la France de leur en faire présent. Ils y perdront
10,000 hommes par les fièvres, et on la leur reprendra quand on voudra.
L'expédition a été faite sur de faux renseignements et calculée avec
ignorance. On n'a pas à Londres de notions exactes sur l'Escaut, sur la France,
car, au moment où nous parlons, 80,000 hommes se réunissent dans le Nord, et il
est fort heureux que, ayant plusieurs points pour employer leurs forces, ils
choisissent celui où tout succès est impossible. "
Faites mettre cette
note dans le Moniteur, si aucun évènement inattendu ne dément ces
conjectures au moment où vous recevrez cette lettre.
Schönbrunn, 16 août
1809.
Au
général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Voici mes ordres sur ce qu'il y a à faire contre l'expédition anglaise.
Je vous ai donné les
mêmes ordres à plusieurs reprises dans mes lettres; je veux vous les
renouveler. Point d'offensive, point d'attaque, point d'audace. Rien ne peut
réussir avec de mauvaises ou de nouvelles troupes; si l'on attaque Flessingue,
on les compromet. Le général Monnet s'est déjà trop battu, s'il est vrai qu'il
a perdu 1,400 hommes. Que veulent les Anglais ? prendre Flessingue, l'île de W
alcheren. C'est une opération impossible, puisque la possession de l'île de
Walcheren dépend de la prise de Flessingue. Quand ils seront à 100 toises de la
place, on peut lâcher les écluses, et l'île sera inondée. Tant
que Flessingue aura un morceau de pain, elle est imprenable; l'essentiel
est donc de rafraîchir les vivres et de jeter dans la place une trentaine de
braves et 2 à 300 canonniers. Ces braves sont des officiers du génie,
d'artillerie, des majors, etc.
Anvers,en
supposant que l'ennemi vienne l'assiéger, peut être également défendu par
l'inondation. Les forts sont armés et garnis d'artillerie. Lu garnison est de
6,000 hommes de gardes nationales et de 6,000 hommes de l'escadre. Il
y a des magasins de vivres pour huit mois. Anvers peut donc se défendre huit
mois. Recommandez au ministre Dejean, qui doit s'être rendu sur les lieux par
mes ordres, d'inspecter l'armement et l'approvisionnement de cette place, de
mettre des canonniers et des ingénieurs à chaque fort, avec la quantité de
vivres et d'artillerie nécessaire. Avec cela, Anvers est imprenable; les Anglais
l'assiégeraient en vain pendant six mois. Ils ne peuvent donc prendre ni Flessingue ni Anvers. Ils ne peuvent
prendre l'escadre; elle est en sûreté à Anvers.
Tout porte à penser que
les Anglais ne débarqueront pas dans l'île de Cadzand sans avoir pris
Flessingue. S'ils y débarquent, ils disséminent leurs troupes. Ils n'ont pas
plus de 25,000 hommes; ils ne pourraient pas jeter plus de 6 à 7,000 hommes
dans l'île de Cadzand, et ils y seraient compromis. Il ne s'agirait donc que de
choisir dans l'île un champ de bataille, d'y élever quelques redoutes et
batteries de campagne et d'avoir 12 à 15,000 hommes à portée de s'y rendre. Les
batteries du fort Napoléon doivent être à l'abri d'un coup de main. Les Anglais
iront-ils à Berg-op-Zoom ? Cette place est en état, et là ils
seraient disséminés. Ils ne peuvent avoir moins de 10 à 12,000 hommes dans
l'île de Walcheren et 10,000 dans le Sud-Beveland pour défendre la droite de
l'Escaut et le fort de Bath, et il ne leur reste plus de monde pour rien
entreprendre sur la rive gauche.
Or Flessingue et Anvers
sont imprenables. Cependant, tout ce qui rend impossible l'acheminement des
Anglais sur Anvers, je l'approuve, tels que l'inondation des environs de
Berg-op-Zoom , le rétablissement du fort Saint-Martin et les fortifications le
long du canal de Berg-op-Zoom.
Tandis qu'on passera
dans cette situation les mois d'août et de septembre, les 30, 000 gardes
nationales, avec de bons généraux, majors et officiers, seront réunies; le duc
de Valmy aura réuni 10,000 hommes à Wesel; les divisions Olivier et Chambarlhac
auront pris une nouvelle consistance, et les deux divisions de gardes
nationales des généraux Rampon et Soulès seront complétées. Alors, avec cet
ensemble de forces de 70,000 hommes de gardes nationales et de troupes de ligne
françaises, et 15 ou 16,000 Hollandais, on pourra, sur le bruit seul de cet
armement, décider les Anglais à se rembarquer, marcher à eux et les détruire.-
Mais point d'opérations prématurées, qui ne peuvent réussir avec de mauvaises
troupes; point d'échec; de la sagesse et de la circonspection. Le temps est
contre les Anglais: toutes les semaines nous pouvons mettre 10,000 hommes de
plus sous les armes, et eux les avoir de moins.
Mais pour cela il faut
de l'ordre, ne pas mêler les gardes nationales avec la ligne; il faut que la
division Ramon reste une., que la division Soulès reste une, que les cinq
autres divisions de gardes nationales se forment dans cinq endroits différents,
comme je l'ai ordonné; une par exemple à Anvers, une à Ostende, une à
Bruxelles, une à Lille, une à Saint-Omer ou Boulogne, etc . Vous pouvez changer
ces points de réunion; mais, en général, il faut que les gardes nationales
soient réunies et aient de bons officiers, et qu'elles n'aillent pas se mettre
par 1,500 devant l'ennemi sans ordre. Elles y vont, il est vrai, mais elles
reviennent bien plus vite. Ce que je vous recommande surtout, c'est de
prendre garde de ne pas épuiser, en les éparpillant, cette ressource des gardes
nationales.
Schönbrunn, 16
août 1809.
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur
le Vice-Amiral Decrès, je reçois vos lettres des 9 et 10; je ne comprends
rien aux idées qu'on se fait à Paris de nos constitutions. Vous êtes
responsable de ma flotte; après vous, l'amiral qui la commande. Personne, ni
par le titre de connétable, ni par le titre de grand amiral, n'a le droit de
donner des ordres à une flotte pas plus qu'à une armée. J'ai vu avec plaisir
que l'amiral Missiéssy se soit opposé à l'attaque du fort de Bath, que je
trouve aussi insensée que l'évacuation de ce fort a été lâche et absurde.
Dans la position
actuelle des affaires, il n'y a que deux partis à prendre: 1°
laisser faire les Anglais, ils se casseront le cou; 2° s'ils attaquent, les
recevoir derrière une position retranchée. Nous nous connaissons trop pour
croire qu'ils se portent à de pareilles imprudences. Pendant qu'ils ne font
rien, il faut profiter de ce temps pour augmenter les fortifications des forts,
faire passer des vivres à Flessingue, entasser dans les canaux des
chaloupes canonnières, réunir, comme je l'ai ordonné, 80,000 hommes, les
pourvoir d'artillerie, de généraux, de majors, d'officiers, les organiser,
fortifier Anvers et préparer l'inondation. Ce sont d'excellentes opérations, et
les seules à faire. Après cela, que peuvent faire les Anglais ? Prendre
Flessingue ? Impossible, puisque, quand ils auront tracé la première
parallèle, on peut couper les digues. Flessingue est imprenable tant qu'il
y aura un morceau de pain. Il faut donc vous étudier à y faire entrer des
vivres, puisqu'on ne peut le faire que par mer et que la mer vous regarde. On
m'assure qu'il y a des vivres pour six mois; or, d'ici à six mois,
les 15,000 hommes que les Anglais ont débarqués dans l'île de
Walcheren, s'ils y restent, seront réduits à 1,500; tout le reste
sera à l'hôpital.
Schönbrunn, 17 août
12809
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
je vous renvoie vos dépêches. Répondez au sieur Durand que le général Beaumont
n'a pas rendu compte qu'il ait renvoyé le prince royal de Wurtemberg.
Envoyez-lui l'instruction d'inviter le Roi, pour l'intérêt de la cause commune
et le sien propre, à réunir ses troupes contre le Vorarlberg. Renvoyez-moi le
projet de lettre pour le ministre des États-Unis, afin que je puisse vous le
renvoyer s'il y a lieu.
Laforest ne vous a
envoyé qu'une gazette. J'attends Nisas, qui est arrivé à Paris et qui
m'apportera enfin des nouvelles de la situation des affaires en Espagne.
Il parait que les Anglais ont prodigieusement souffert. Mais on est bien
malhabile dans la direction des armées.
Le 9 août, la
communication de Flessingue avec l'île de Cadzand était libre. Les tentatives
de l'ennemi pour s'embosser entre l'île de Walcheren et l'île de Cadzand
avaient échoué. Le général Monnet se trouvait toujours à une demi-lieue en
avant de Flessingue, et n'avait pas encore reçu une bombe ni par mer ni par
terre. Anvers et mon escadre étaient en sûreté, et tout de ce côté prenait une
tournure favorable. Par contre, les affaires allaient assez mal dans le
Tyrol. Beaucoup de monde s'est laissé tuer dans les gorges.
Je suppose que vous
êtes arrivé dans la nuit, et que je recevrai demain un courrier de vous, qui me
fera connaître un premier aperçu général, qui me mettra à même de vous écrire à
fond sur la matière.
P. S. Dites à Durand de
se mettre en correspondance avec le général Lagrange, que j'ai nommé gouverneur
du Vorarlberg, que j'ai considéré cette province comme en état de guerre,
c'est-à-dire que j'ai autorisé le général Lagrange, sans avoir égard aux
autorités civiles, à prendre toutes les mesures pour rétablir la tranquillité.
Schönbrunn, 17 août
1809.
Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris
Je vois que les gardes
nationales marchent, mais sans ordre. Il est bien important que les gardes
nationales, soit celles déjà parties, soit celles qui vont partir en
conséquence de ma demande, soient organisées en sept divisions; la première
sous les ordres du général Rampon, la seconde sous les ordres du général
Soulès, et les cinq autres sous les ordres de cinq autres sénateurs. Cela
formera 42,000 hommes présents sous les armes. Il faut les maintenir
présents.
Chaque division, qui
est commandée par un sénateur, deux généraux de brigade et plusieurs
majors, doit toujours être réunie; et, si des fractions de gardes nationales de
1,500 ou 2,000 hommes restent isolées, elles ne feront rien. Cela regarde
le ministre de la guerre sans doute, mais comme ministre de l'intérieur vous
devez vous concerter avec lui.
Faites-moi également
connaître et ayez soin de bien réclamer pour que ces gardes nationales
soient parfaitement années. Veillez aussi à ce qu'elles soient comptées.Le
principe est que, pour avoir 60,000 hommes de gardes nationales, il faut en
avoir 30,000 de réserve. Il est donc nécessaire de faire une seconde
distribution aux départements qui fournissent des gardes nationales, pour
qu'ils envoient au chef-lieu moitié du contingent qu'ils ont envoyé, de sorte
que chaque division de 6,000 hommes en ait 8,000 au chef-lieu de département,
qui s'organiseront et s'exerceront; et, au fur et à mesure qu'il y aura des
malades, des tués ou des déserteurs, le sénateur commandant la division écrira
au préfet, qui enverra un détachement pour la compléter. Par ce moyen, la
division sera toujours au complet.
Schönbrunn, 17 août
1809.
Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général, la
question que vous me faites sur les grenadiers et voltigeurs des 121e et
122e régiments me donne lieu de vous écrire cette lettre pour
vous faire connaître au général mon intention.
Les 4e bataillons ne
devraient avoir ni grenadiers ni voltigeurs, et, à la paix, lorsque je ferai un
règlement sur l'armée, mon intention est de les supprimer et de ne composer ces
bataillons que de six compagnies de fusiliers. Je ne fais pas un règlement
aujourd'hui, parce que les 4e bataillons qui sont au corps du maréchal Oudinot
et du duc d'Abrantès ont des grenadiers et des voltigeurs, et qu'il serait
fâcheux de les supprimer.
Vous sentirez
facilement les raisons que j'ai de ne pas vouloir de grenadiers et de
voltigeurs aux 4es bataillons: c'est, 1° parce que les 4e bataillons
doivent recruter les trois premiers, et qu'au fond, lorsque la guerre sera
éloignée, ils ne feront guère antre chose que de se compléter et de se rendre à
l'armée pour y être incorporés, et qu'enfin, en supposant une guerre de
frontières et que les 4e bataillons soient à l'armée, il n'y aurait pas
d'inconvénient qu'ils n'eussent pas de grenadiers ni de voltigeurs, puisqu'en
formant alors les trois premiers bataillons à six compagnies de fusiliers et
réunissant en un bataillon les trois compagnies de grenadiers et les
trois compagnies de voltigeurs, on aurait ainsi un bataillon d'élite
de six compagnies. Donnez donc l'ordre à tous les 4e bataillons qui sont
en France de ne former aucune compagnie de grenadiers ni de voltigeurs, et aux
inspecteurs aux revues de ne pas les payer. Faites cela par une décision
particulière, de vous, afin qu'il n'en résulte aucun inconvénient pour les
compagnies de grenadiers et de voltigeurs des 4e bataillons qui sont à l'armée.
Schönbrunn, 17 août 1809.
Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la
guerre, à Paris
Monsieur le Général
Clarke, je reçois vos lettres des 10 et 11. Je ne conçois pas comment vous
gardez des prisonniers de guerre anglais à Arras et à Valenciennes. Il ne
fallait pas, en général, tenir des prisonniers dans le nord, et à plus for le
raison dans cette circonstance.
Renvoyez-les dans l'intérieur de la France. Ces précautions sont si simples,
qu'il est étonnant que je sois obligé de les prescrire, surtout lorsque je vois
dans votre rapport du 10 que ces prisonniers conspirent et s'enhardissent.
Schönbrunn, 17 août
1809
Au vice-amiral comte
Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je reçois votre lettre
du 8 août. Je ne comprends pas bien l'estacade que vous voulez établir pour le Rupel.
Il me semble que le Rupel est une rivière qui se jette dans l'Escaut à
plus de 1,500 toises au-dessus d'Anvers. Je ne vois pas bien quel rapport cela
peut avoir avec mon escadre.
Schönbrunn, 17 août
1809
Au vice-amiral comte
Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral
Decrès, je vous ai écrit pour Cayenne, que je veux reprendre. Je suppose
que vous avez préparé plusieurs
expéditions pour la Guadeloupe. Il parait que Santo-Domingo tient toujours. Il
faudrait aussi préparer une expédition pour cette colonie. Si mon escadre de
Flessingue pouvait mettre à la voile avant les glaces, au nombre de huit ou
neuf vaisseaux pouvant porter 3,000 hommes, cela ferait l'affaire de la
Guadeloupe et de Santo-Domingo; et, si les événements qui vont se passer
rendent cela possible, je réserverai 4,000 hommes dans le Nord pour ce projet.
Il semble qu'il faudrait préparer une autre expédition à Rochefort et une autre
à Cherbourg, quand même on préparerait celle de Flessingue, puisque celle-ci
pourrait ne pas partir. Les choses étant ainsi, il faudrait envoyer à Cherbourg
les frégates l'Élisa et l'Amazone, avec les cinq flûtes qui se
trouvent au Havre; ce qui, joint aux deux vaisseaux de guerre et aux deux
frégates qui sont en partance à Cherbourg, me ferait une expédition de six
bâtiments de guerre, de cinq flûtes et de deux ou trois bricks, qui pourraient
me porter plus de 4,000 hommes; et avec cette expédition on pourra secourir
Santo-Domingo s'il n'est pas pris, ou le reprendre s'il est pris, car, s'il est
pris, il n'y aura que des Espagnols et très-peu de troupes réglées ; bien
entendu qu'on essayerait simplement de le reprendre par un coup de main.
Quant à l'expédition de
Cayenne, il me semble que j'ai à Nantes deux frégates, un brick, deux flûtes,
chacune de 800 tonneaux; peut-être même pourrait-on y joindre ou la Nymphe
ou la Méduse. Avec trois frégates et ces deux grosses flûtes on devrait
porter 2,000 hommes; il faudrait y joindre sans doute cinq ou six bricks et
petits bâtiments, et, s'il est nécessaire, une ou deux autres grosses flûtes,
qu'il sera facile de se procurer à Nantes.
Enfin on pourrait faire
partir de Rochefort l'expédition pour secourir la Guadeloupe. Vous pouvez armer
à cet effet à Rochefort trois de mes meilleurs vaisseaux. J'ai déjà trois
frégates et deux corvettes en rade, ce qui ferait cinq bâtiments de guerre et
deux corvettes, et l'on pourrait y joindre deux grosses flûtes; je dois en
avoir à Bordeaux. Enfin, s'il n'y en avait pas, on pourrait prendre les
plus mauvais de mes bâtiments de guerre, qu'on armerait en flûte et qu'on
laisserait à la Guadeloupe pour revenir charges de marchandises des
colonies. Vous y pourriez joindre quelques corvettes et cinq à six
transports. Cette expédition pourrait facilement porter 3,000 hommes.
Ces combinaisons ou
toutes autres me paraissent nécessaires à préparer dès aujourd'hui. Il est
également nécessaire de penser à envoyer trois frégates à l'Île de
France. Je n'ai plus dans cette colonie que cinq frégates, parmi lesquelles il
y en aura probablement une ou deux qui seront prises.
En résumé, je voudrais:
1° une expédition partant de Cherbourg, pour la partie espagnole de
Saint-Domingue, portant 4,000 hommes, des vivres et quelques moyens
nécessaires, des plans, des officiers du génie et d'artillerie connaissant
cette colonie et pouvant être utiles; on reprendrait la place par un coup
de main, si on la trouvait prise par l'ennemi et mal gardée; 2° une expédition
partant de Rochefort et portant 3,000 hommes avec les vivres nécessaires, pour
secourir la Guadeloupe; 3° une expédition partant de Nantes et portant tout ce
qui serait nécessaire pour reprendre Cayenne et l'occuper en force; 4°
trois frégates dirigées de différents points pour l'île de France; 5°
l'escadre de Flessingue avec 4 ou 5,000 hommes pour secourir la Guadeloupe et
Santo-Domingo. Quant à l'escadre de Toulon, la destination que vous avez
projetée me paraît convenable.
Il faut que vous
organisiez ces expéditions, non-seulement pour la marine, mais encore pour la
terre; et, à cet effet, il faut vous concerter avec le ministre de la guerre
pour avoir la note des officiers du génie et d'artillerie qui connaissent ces
différentes colonies.
Schönbrunn, 17 août
1809
A Frédéric, roi de
Wurtemberg, à Stuttgart
Monsieur mon Frère, je
reçois la lettre de Votre Majesté du 13. Je prie Votre Majesté de renvoyer
ses troupes dans le Vorarlberg.
J'ordonne au général Lagrange de s'entendre en tout et pour tout avec elle.
Votre Majesté a très-bien fait de garder le sieur Schneider. Ces rivalités sont
en vérité misérables, et ces petites jalousies bien funestes à la cause
commune. Mes ordres pour désarmer le pays et prendre des otages ont été donnés
depuis longtemps. Mais nos ennemis entretiennent la révolte dans le Vorarlberg
et dans le Tyrol, dans l'espérance qu'elle peut influer sur les négociations de
paix, ou pour s'en aider si les hostilités recommencent. En cela, ils font leur
jeu et le nôtre est de concourir tous et de profiter de l'armistice pour
étouffer ces insurrections. Ce qui me fait penser que Votre Majesté aura envoyé
ses troupes sur Kempten pour secourir ce point et reprendre ceux que les
insurgés auraient pris de ce côté.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
j'ai reçu un courrier de vous aujourd'hui; j'espère que j'en recevrai un
demain. Je vous envoie un courrier de Saint-Pétersbourg et le courrier du jour.
Il n'y a rien de nouveau. Mais vous remarquerez comme moi qu'il y a toujours
de l'obscur dans ce que veut ce cabinet. Il me semble qu'il aurait pu
s'expliquer plus clairement sur un projet d'arrangement pour la Galicie.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au comte Bigot de
Préameneu, ministre des cultes, à Paris
Je vous prie de
faire appeler le cardinal-archevêque de Lyon et d'avoir avec lui une
explication sur ce fait: pourquoi dans les mandements précédents la lettre que
j'écris pour faire chanter le Te Deum était-elle insérée, et pourquoi
n'en a-t-il pas été de même cette fois-ci ? Vous m'enverrez une copie de
l'un et de l'autre mandement, et vous préviendrez cet archevêque de vous donner
des explications très-claires, parce que je formerai sur cela mon opinion. Si
cette omission a eu lieu, il n'y a qu'un moyen, c'est de saisir la première occasion
de la réparer.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au général Clarke,
comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Je vois, par votre
lettre du 12, que vous avez reçu enfin ma lettre; cela me fait grand
plaisir. J'espère que vous aurez reçu aussi mes instructions et que vous aurez
écrit sur-le-champ aux personnes qui commandent, pour qu'on ne fasse pas
d'opérations insensées et qu'on ne prenne l'offensive nulle part, à moins qu'on
ne soit quatre contre un et qu'on n'ait beaucoup d'artillerie de campagne. La
présente expédition des Anglais ne peut avoir, encore une fois, aucun
résultat; et la seule manière de lui en donner un serait d'aller
imprudemment les attaquer, parce qu'alors nos gardes nationales seraient
démoralisées et que les effets s'en feraient sentir sur toutes celles qui sont
en réserve. L'île de Walcheren a pour défense la Lièvre et le mauvais air, qui
m'ont toujours empêché d'y laisser des troupes, et Flessingue est imprenable
moyennant l'inondation. Quant à l'île de Cadzand, l'ennemi ne pourra jamais
l'attaquer avec succès, si l'on y tient 15 ou l6,000 hommes et trente
pièces de canon et si l'on y choisit d'avance un bon champ de bataille,
fortifié par quelques digues ou courants d'eau. Il faudrait, s'il est possible,
que cette position fût appuyée à la batterie Napoléon. Alors, après s'être
opposé au débarquement, on se retirerait dans ce camp retranché. En dix jours
quelques ouvrages nécessaires seraient terminés. L'ennemi devrait perdre du
temps pour reconnaître notre position; on se renforcerait, et l'on finirait par
le rejeter dans la mer. .
Ne pouvant pas prendre
l'île de Walcheren, les Anglais ne prendront pas davantage Anvers. Il faut que
l'escadre s'y renferme. Anvers ne pourra jamais être bloqué. Il ne pourra être
assiégé que d'un côté, et le moment où les Anglais se présenteraient pour cela
serait celui de les jeter dans l'eau. Si je commandais les forces anglaises, je
ne croirais pas pouvoir mettre le siège devant Anvers avec moins de 60,000
hommes, et encore j'aurais la crainte d'être battu et jeté dans la mer. Cette
opération des Anglais est donc insensée. Tous les jours nous avons des milliers
d'hommes de plus, et tous les jours ils en ont des milliers de moins. Tous les
jours nous croyons davantage au succès, et tous les jours ils craignent
davantage un revers et voient s'approcher une catastrophe.
Je vois que
l'approvisionnement de Flessingue était, au 1er août, pour 4,000 hommes pendant
trois mois; c'est la même chose que pour 8,000 hommes pendant six
semaines; or certainement le général Monnet a là 8,000 hommes; je croirais donc
cette place mal approvisionnée si je ne voyais 600,000 rations de pain, vin et
viande, ce qui fait pour 6,000 hommes pendant cent jours. Flessingue a donc des
vivres pour quatre ou cinq mois. Je désire que vous y envoyiez un officier, que
vous chargerez de vérifier cet approvisionnement et d'en dresser procès-verbal,
et que vous écriviez au général Monnet que je compte qu'il tiendra par les
vivres qu'il a jusqu'au 1er février. Indépendamment de cela , il faut préparer
des vivres pour les lui faire passer, si cela était nécessaire.
Veillez également à
l'approvisionnement d'Anvers. Il y faut du biscuit, des vivres, de la farine en
quantité suffisante jusqu'au 1er février.
Je pense qu'il n'y a
aucune possibilité que l'ennemi puisse jamais investir Anvers sur la rive
gauche. Je ne vois pas que vous y ayez envoyé assez d'officiers du génie
et d'artillerie. J'estime que, pour défendre la ville, il faut au moins quinze
officiers d'artillerie, indépendamment de ceux des compagnies, et au moins neuf
officiers du génie. Nommez vous-même un homme de confiance pour commander sur
la rive gauche. Il se tiendra à la Tête-de-Flandre et aura sous lui deux
majors, qui commanderont les deux forts situés l'un à l'aval, l'autre à l'amont
de la place. Ordonnez que ces deux forts aient leur approvisionnement séparé,
de manière qu'ils puissent continuer de se défendre et rester intacts, quand
même Anvers serait pris. Nommez aussi un commandant de la citadelle et assez
d'adjudants pour pouvoir faire le service de la place.
Faites passer
l'inspection des gardes nationales; qu'elles soient bien organisées et surtout
bien armées.
La perte du fort de
Bath est l'accident le plus fâcheux qui ait pu nous arriver, mais cela est sans
remède, et pour tenter de le reprendre il ne faut pas engager une affaire où il
n'y aurait pas d'espérance de succès.
Voyez le ministre de la
marine pour que décidément mon escadre se mette en sûreté dans Anvers. Je
la trouve mal placée comme elle est. Je voudrais la voir dans l'enceinte
de la ville et couverte par les remparts. On pourrait laisser seulement un
vaisseau et une frégate du côté de Lillo.
Je vois avec peine que
vous ayez employé le général Dupont Chaumont; cela n'est pas convenable;
envoyez-le ailleurs.
Je ne saurais trop vous
le répéter, il faut agir avec prudence, ne pas compromettre de mauvaises
troupes et ne pas avoir la folie de croire, comme bien du monde, qu'un homme
est un soldat. Les troupes de la nature de celles que vous avez sont celles qui
exigent le plus de redoutes, de travaux et d'artillerie. Il faut à ces troupes
les quatre pièces de canon par bataillon que prescrit l'ordonnance, mais il
faut très-peu de caissons, parce qu'on se battra près de nos dépôts. Ainsi
l'attelage ne doit pas être très-coûteux. Il faut d'autant plus d'artillerie à
une troupe qu'elle est moins bonne. Il est des corps d'armée avec lesquels je
ne demanderais que le tiers de l'artillerie qui me serait nécessaire avec
d'autres corps d'armée.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au général Clarke,
comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre
du 12. Je vois que vous avez fait arrêter le directeur d'artillerie de Mayence.
Faites procéder à l'accusation contre cet officier; qu'il donne ses moyens de
justification, et, pour peu qu'ils soient passables, acquittez-le; mais faites
connaître par une circulaire aux différents directeurs tout ce qui s'est fait à
cet égard.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au général Clarke,
comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre
du 12. Je vois qu'il n'y a pas de lettres d'Espagne aujourd'hui. Il me tarde
d'apprendre des nouvelles de ce pays et de la marche du duc de Dalmatie. Quelle
belle occasion on a manquée ! 30,000 Anglais à 150 lieues des côtes devant 100,000
hommes des meilleures troupes du monde ! Mon Dieu ! qu'est-ce qu'une armée sans
chef !
Schönbrunn, 18 août
1809
Au vice-amiral comte
Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral
Decrès, je reçois votre lettre du 13 août.
L'idée de couler bas
des bâtiments dans la passe de l'Escaut est une idée ridicule. Un billet qui
m'a été adressé par le ministre de la guerre m'indique le lieu où est mon
escadre: trois vaisseaux sont près de Lillo et huit plus près d'Anvers. Je
ne comprends pas bien cette disposition, ni pourquoi mon escadre ne s'est
pas placée tout simplement sous Anvers, dans l'enceinte des remparts. Mon
intention est qu'elle prenne cette position sans délai; c'est là seulement
qu'elle peut être en sûreté; c'est là seulement qu'on peut débarquer les 6,000
hommes qui sont à bord, et, s'il est nécessaire, les employer à la défense.
Enfin il me parait absurde de tenir ainsi l'escadre le long d'un canal où elle
est sans défense. Je la trouve donc mal placée. Quant aux estacades, je ne
les crois plus nécessaires contre les brûlots. Avec des chaloupes
canonnières, des péniches, des canots, il n'y a pas grand chose à
craindre. En deux mots, je désire donc que mon escadre prenne position dans
l'espace du fleuve compris entre la citadelle et la tête de la ville. Cependant
je ne m'oppose pas à ce qu'un vaisseau et une frégate restent avec quelques
canonnières devant Lillo, protégés par les deux forts de Lillo et de
Liefkenshoek. Ces bâtiments pourront de là faire des incursions dans le
fleuve et s'opposer à tout ce qui arriverait. Je suis fâché que l'amiral
Missiéssy n'ait pas laissé le tiers de sa flottille pour la défense de
Flessingue.
S'il était encore temps
d'y faire filer quelques chaloupes canonnières, cela ne pourrait qu'être utile.
Il y a un passage de votre lettre que je ne comprends pas; vous dites: "
Si l'ennemi venait en force jusqu'à Anvers, je crois qu'il n'y aurait plus
à reculer et qu'il faudrait que l'escadre tint ferme où elle se trouve.
" Que voulez-vous dire ? Dans la position où se trouve actuellement
l'escadre, elle n'est défendue par rien, de sorte qu'il serait possible que
l'ennemi, tournant le fort Lillo, dans une marche, vint établir des batteries
sur la rive du fleuve et canonner mon escadre. Cela serait impossible si elle
était à Anvers. Il ne faut donc pas tenir ferme; le simple bon sens rend cela
sensible; et cependant je vois que l'escadre a toujours trois vaisseaux à 4,000
toises d'Anvers. L'amiral Missiéssy s'imagine qu'il faut que l'ennemi prenne
Lillo, et il se trompe. L'ennemi, après avoir culbuté tout ce qu'il trouvera
devant lui, entre Berg-op-Zoom et l'Escaut, peut se porter en trois heures de
temps à 2,000 toises de Lillo, établir des batteries sur le fleuve et couper
les quatre vaisseaux, ou se porter à 1,000 toises d'Anvers et couper les sept
vaisseaux qui sont sur la droite. Joignez à cela que les vents, la marée, ou
d'autres circonstances, peuvent s'opposer aux mouvements de l'escadre. Il n'y
aurait aucune de ces inquiétudes à avoir si mon escadre était rentrée dans
Anvers. De l'extrémité de la citadelle à la tête de la ville, il y a 1,500
toises; dans cet espace on peut bien placer des vaisseaux. On dépense un argent
inutile en estacades et autres babioles. L'Escaut à Anvers n'a pas plus de 300
toises de large, et l'amiral Missiéssy a cent cinquante bâtiments de flottille;
il peut établir une ligne double et triple de bâtiments, chaloupes canonnières
et péniches, qui couleraient bas, remorqueraient ou détourneraient tout ce qui
se présenterait.
Je vous réitère l'ordre
positif de faire rentrer mon escadre à Anvers, où les équipages seront
utilisés, tandis que dans la situation actuelle ils ne servent t à rien.
Schönbrunn, 18 août
1809
Au maréchal Davout, duc d'Auerstaedt,
commandant le 3e corps de l'armée d'Allemagne, à Brünn
Mon Cousin, il parait que la cavalerie qui est cantonnée
en Moravie trouve beaucoup de chevaux à acheter, que le général Pajol en a
acheté beaucoup et peut en trouver encore. Faites-moi un rapport là-dessus. La
brigade du général Pajol a encore des hommes à pied au dépôt; il faut qu'il
continue à acheter des chevaux, pour les monter, Faites acheter tous les
chevaux qu'on trouvera dans les cantonnements et envoyez-les au dépôt.
Schönbrunn, 19 août
1809
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
je reçois vos lettres du 18. Vous avez eu tort de répondre à M. de Metternich
relativement à l'armistice; le seul mot est : « Cela ne nous regarde pas."
Faites connaître aux plénipotentiaires que, si l'empereur d'Autriche se portait
à prendre quelque mesure pour désorganiser l'administration des provinces que
j'occupe, je prendrais sur-le-champ possession du pays en mon nom, j'y ferais
arborer mes aigles, rendre la justice en mon nom, détruire les droits féodaux,
publier le Code Napoléon, et que je supprimerais le papier-monnaie actuel et
déclarerais qu'il n'a plus cours dans toutes les provinces occupées par mes
troupes, en le remplaçant par un autre papier-monnaie. Vous devez insinuer que,
si les négociations n'avaient aucune issue, je prendrais toutes ces mesures, et
qu'en outre je séparerais les trois couronnes de la Maison d'Autriche. Tout
cela doit être insinué de la manière convenable, en faisant connaître que
je n'ai eu le temps de m'occuper de l'administration que depuis la bataille de
Wagram. Cette bataille a été suivie immédiatement des propositions de paix que
m'a faites le prince de Liechtenstein. Ayant agréé ces propositions de paix, je
n'ai voulu apporter aucun changement dans la monarchie autrichienne; mais, si
ces propositions n'avaient pas été faites, il n'y a aucune espèce de doute
qu'au retour de Znaym je n'eusse fait arborer mes aigles, prêter serment au
peuple et administrer la justice en mon nom, et il n'y a pas plus de doute que
je n'eusse annulé sur-le-champ tout le papier-monnaie. Il serait trop bête
de laisser subsister un papier-monnaie dont les presses sont entre les mains de
l'empereur d'Autriche, c'est-à-dire de l'ennemi.
L'empereur ne doit donc
se permettre aucune démarche qui puisse entraver le prompt payement de la
contribution, parce que sans cela j'arrêterais le papier-monnaie dont les
presses sont à la disposition de mes ennemis, et j'en substituerais un autre.
Très-certainement, le jour où le congrès d'Altenburg sera terminé sans issue,
je prendrai ce parti, et je changerai l'organisation du pays de manière qu'elle
ne pourra plus se remettre.
Quant aux bravades
militaires de M. de Nugent, il est au-dessous de votre dignité d'y répondre.
Vous devez déclarer d'un air sérieux que vous n'êtes point à un congrès pour
faire le sous-lieutenant de dragons, et que votre temps est trop important pour
les deux pays pour l'occuper par des discussions étrangères.
Je ne pense pas pouvoir vous envoyer des
instructions définitives avant quatre ou cinq jours. Vous devez d'ici là rester
dans les termes de l'uti possidetis; vous ne pouvez point en sortir. Ajoutez-y
que je rendrai à l'Autriche les pays qu'elle voudra, sans exception, en me
contentant de ceux qu'elle voudra me céder, pourvu que la balance en richesse,
en population et en étendue de territoire soit exactement observée. Dites donc
aux plénipotentiaires que la première matière du traité est ce que nous
possédons. Ce qu'ils veulent reprendre de ce que nous possédons forme un membre
d'une équation; ce qu'ils veulent nous céder forme l'autre membre. Il m'est
égal de quelle manière ils soient composés, pourvu que l'équation existe. Quant
à l'armistice, déclarez solennellement que c'est une capitulation, et la
capitulation de l'armée autrichienne; que je la lui ai accordée le 12 juillet,
après l'avoir battue et poursuivie pendant vingt lieues; que, par cette
capitulation, les Autrichiens se sont engagés à évacuer les forts de Graz et de
Sachsenburg, les cercles de Znaym et de Brünn, le Tyrol et le Vorarlberg; que
cette capitulation de l'armée autrichienne est la même que celle d'une place
forte, et que ce serait une ironie que de prétendre qu'on ne la possède point,
quand on la possède d'après une capitulation. Les Autrichiens se sont réservé
les magasins d'habillement, mais ils ne se sont pas réservé autre chose. Il
m'est indifférent, au reste, que Znaym soit ou ne soit pas séparé de Brünn.
Vous pouvez insinuer que, si l'on fait faire cette demande par le général
autrichien chargé ici de l'exécution de l'armistice, il pourra l'obtenir.
Remarquez qu'on vous parlera beaucoup de la Galicie pour tâcher de deviner
quels peuvent être nos arrangements avec la Russie et ce que nous voulons faire
de cette province. Notez bien surtout les principaux points de la
négociation: premièrement l'uti possidetis; secondement que je ne tiens à
rien en particulier. S'ils veulent Salzburg, je le rendrai; s'ils veulent
Trieste, je le rendrai; s'ils veulent la Galicie, je la rendrai; s'ils veulent
Vienne, je la rendrai; pourvu que j'obtienne une compensation équivalente sur
la triple base des richesses, de la population et de l'étendue de territoire.
Avertissez les plénipotentiaires autrichiens qu'ils peuvent faire leur thème
là-dessus; ils en sont les maîtres; c'est à eux à parler les premiers. La
France possède dix millions de sujets de la Maison d'Autriche; la première
question est de connaître les millions que l'Autriche veut garder et les
millions qu'elle veut donner en compensation. S'ils veulent céder quelque chose
en Pologne, il ne faut pas parler du duché de Varsovie, mais il faut insinuer
que nous sommes d'accord avec la Russie. Il me semble qu'on avancera la
question dans ce sens en commençant d'abord par convenir de la cession de
Salzburg, du cercle de l'Inn, du pays de Goritz et d'une partie quelconque de
la Carinthie et de la Galicie, de manière à former un total de deux ou trois
millions d'habitants.
On doit tenir et ouvrir
un protocole, parce que nous avons à craindre qu'on ne nous fasse dire bien des
choses qui n'ont pas été dites. La preuve en est dans le manifeste de la Maison
d'Autriche, où l'on nous fait proposer le partage de l'empire de
Constantinople; ce qui n'est point vrai. Au lieu que dans un protocole chacun
parle pour soi; ce qui est un avantage pour les deux parties. Rédigez le
protocole de la séance du premier jour. Cela aura aussi l'avantage de faire
voir que nous ne sommes pas pressés. Le gouvernement autrichien est faible et
mal conduit, et l'ordinaire de ces gouvernements est de prendre le contraire
des gouvernements opposés; ainsi ils seront pressés de conclure, s'ils ne me
croient pas pressé de finir, vu qu'ils me croient plus habile qu'eux-mêmes.
Ayez soin de ne rien insérer dans le protocole de contraire à la Russie, parce
que mon intention est qu'il soit fait de manière à pouvoir être envoyé à cette
puissance.
Le premier protocole
doit commencer par l'armistice, et vous y exprimerez formellement qu'après
avoir défait l'armée autrichienne et l'avoir poursuivie pendant vingt lieues,
j'ai consenti à ce qu'elle se retirât; que tous les pays qu'elle a évacués sont
autant de conquêtes faites par suite de bataille de Wagram; que si, depuis
cette bataille, je n'ai fait aucun changement à Vienne, c'est que le prince de
Liechtenstein m'avait apporté des propositions de paix et que j'en attendais le
résultat; mais que, si l'empereur d'Autriche se permettait d'essayer quelques
changements dans l'administration du pays que mes troupes occupent, j'en
prendrais possession en mon nom et je ferais substituer un autre signe au
papier-monnaie dont les presses sont entre ses mains. Dans le protocole de la
seconde séance, vous parlerez du désarmement et vous en présenterez les
principales raisons. Dans celui de la troisième, vous parlerez de la grande
base de l'uti possidetis des deux côtés et de l'indifférence pour moi de toutes
les possessions, pourvu qu'il y ait équation entre ce que je rendrai et ce
qu'ils céderont. Vous ferez sentir la nécessité de ce protocole, puisque ce
n'est que sur son vu que je donnerai mes ordres ultérieurs. Ayez soin d'y
joindre leurs réponses, et répétez-leur que je ne tiens à aucune partie des
possessions autrichiennes, ni à la Galicie, ni à Salzburg, pourvu que les
principes de la base soient admis.
Faites-bien comprendre
à M. de Metternich que la négociation ne pourra avancer que lorsqu'on aura
admis ces deux bases: la diminution des cadres de l'armée et le renvoi des
étrangers nés en France, en Belgique ou en Italie. Quant à ceux qui seraient
nés dans les États de la Confédération du Rhin, on pourrait accorder, comme
modification, que tout individu né sur la rive droite du Rhin sera maître de
déclarer qu'il veut prendre son domicile dans les États de l'Autriche; qu'il
gardera la jouissance de ses biens (en renonçant à tout droit féodal, à toute
justice seigneuriale) et qu'il aura un délai de trois années pour les vendre.
Cela fera du bien à un grand nombre de maisons, et cela est fondé, parce que
les intérêts de l'Allemagne et de l'Autriche sont encore trop mêlés. D'après le
traité de Campo Formio, les Belges établis en Autriche ont eu également trois
ans pour vendre leurs biens. Mais je tiens à ce qu'aucun prince de la
Confédération ne puisse prendre du service en Autriche.
Je mets hors de doute
que les plénipotentiaires autrichiens doivent aujourd'hui connaître la descente
des Anglais dans l'île de Walcheren.
Annoncez -leur que
cette expédition a échoué; que les Anglais n'ont pu s'approcher de Flessingue,
et que ma flotte est en sûreté. Cette expédition était fondée sur de faux
principes; les Anglais supposaient, 1° qu'ils pouvaient aisément s'emparer
de Flessingue; mais depuis quatre ans j'y ai fait faire des travaux immenses;
2° qu'Anvers ne pourrait leur résister; et maintenant c'est une ville aussi forte
que Strasbourg; 3° que mes vaisseaux de ligne ne pouvaient pas remonter armés
jusqu'à Anvers; mais ils y sont arrivés, et ils ont prouvé que la navigation de
l'Escaut n'était pas connue, parce que les Hollandais avaient empêché de le
sonder. Ces trois fausses données ont rendu vaine l'expédition. Elle a eu
l'avantage de faire réunir sur les côtes 80,000 vieux soldats, qui vont
fortifier mon armée d'Allemagne, parce que tous ces soldats ont demandé de
venir à Vienne et de défiler devant l'Empereur. Ainsi cette entreprise a fait
voir le bon esprit de la France, m'a procuré 80,000 soldats que sans cela on
n'aurait pas pu lever, et elle a annulé entièrement la plus forte expédition de
l'Angleterre. Le débarquement dans l'île de Walcheren lui a coûté plus de 4,000
hommes; et les Anglais embarquent tous les jours 500 malades, l'île de
Walcheren étant dans cette saison le pays le plus malsain de la terre. Vous
leur représenterez donc cette expédition comme une suite du bonheur attaché aux
circonstances actuelles.
Je dois vous faire
connaître, pour votre gouverne, que nous recevons chaque jour 2 ou 300
déserteurs autrichiens. Ne manquez pas aussi de dire que la retraite de
l'archiduc Charles est regardée dans l'armée française comme la plus grande
cause de l'affaiblissement des Autrichiens. Il est possible que Nugent vous
parle de ce qu'aurait pu faire l'archiduc Jean dans la bataille du 6; vous y
étiez, et vous pouvez répondre que le général Marmont, la Garde et 6,000 hommes
de cavalerie, formant ensemble plus de 30,000 hommes, attendaient
seulement que l'archiduc Jean s'avançât, pour l'envelopper. Je vous donne
toutes ces instructions pour votre gouverne.
20 août, neuf heures du
matin.
Ce courrier n'est pas
parti hier. Je reçois actuellement votre courrier. Le 14, il n'y avait
rien de nouveau. L'ennemi, n'osant pas s'approcher de Flessingue, tâchera
d'arriver avec beaucoup de bâtiments au fort de Bath. Anvers était en bonne
position; mon escadre était à Anvers. Quant à l'Espagne, les affaires vont
bien; le maréchal Soult est arrivé sur les derrières de l'armée anglaise, qui
battait en retraite. Ce qui a été évacué de Madrid n'était relatif qu'à des
permissions données à des femmes et gens inutiles qui voulaient s'en aller. Le
roi d'Espagne était à Tolède. Dans la bataille de Talavera, les Anglais ont eu
le tiers de leur armée hors de combat. Ils étaient 30,000 hommes; ils ont
perdu 10,000 hommes.
Schönbrunn, 19 août
1809
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
je vous renvoie les lettres apportées par votre courrier d'hier. Écrivez à M.
de la Rochefoucauld pour qu'il
demande satisfaction des insultes faites à mes corsaires. Il doit déclarer par
une note que les corsaires qui commettraient des désordres doivent être poursuivis
devant les consuls français, mais que toute mesure prise contre mon pavillon
sera regardée comme un acte d'hostilité, et que je ferai exercer des
représailles sur les bâtiments hollandais. Je m'en rapporte cependant à sa
prudence pour mettre quelques jours de retard dans cette déclaration, afin de
ne pas augmenter les embarras du gouvernement hollandais, dans un moment où il
doit en avoir à cause de l'expédition anglaise.
Écrivez à M.
Bourrienne, pour lui faire connaître notre situation à l'égard de la Suède,
ainsi qu'au consul de Stettin. Je suis en guerre avec la Suède, mais dans
l'intention et le désir de faire la paix. Tout ce qui était animosité a disparu
depuis la révolution, et j'ai autant d'amitié pour le roi actuel que j'avais
d'inimitié et d'aversion pour son prédécesseur. En conséquence, les procédés
doivent être changés, mais seulement les procédés qui tiennent à l'honnêteté.
On peut recevoir les paquebots expédiés de la Suède et laisser circuler
librement les lettres venant de ce pays, pourvu qu'il ne s'y trouve point de
lettres anglaises; mais le commerce ne peut être rétabli, puisque ce serait
établir le commerce anglais. D'ailleurs, les nations ne passent de l'état de
guerre à l'état de paix que par des traités et des actes authentiques et
publics; et ces formalités ne sont point encore remplies.
Schönbrunn, 19 août
1809
A Alexandre, prince de
Neuchâtel, major général de l'armée d'Allemagne, à Schönbrunn
Le major général
répondra au général Beaumont que je suis mécontent de sa conduite (Le général Beaumont avait invité le prince royal de
Wurtemberg à évacuer Bregenz, dont l'occupation par les troupes françaises
était nécessaire pour la pacification du Vorarlberg); qu'il n'a pas
répondu à ma confiance en dégoûtant le roi de Wurtemberg; qu'importe la
gloriole d'entrer le premier à Bregenz ? cela était assez naturel dans un petit
souverain; mais, pour les troupes françaises, cette gloriole était bien
peu de chose; qu'il a eu tort d'écrire au Prince royal d'évacuer Bregenz; que
le roi de Wurtemberg a eu raison de regarder cela comme une espèce
d'insulte; mais que cela est d'autant plus cruel que mes affaires s'en
ressentent; qu'il a eu d'autant plus tort, d'ailleurs, qu'il est de fait que le
Prince royal est entré le premier à Bregenz.
Schönbrunn, 19 août
1809
A Alexandre, prince de
Neuchâtel, major général de l'armée d'Allemagne, à Schönbrunn
Le major général fera
venir le baron de Hugel et lui fera connaître combien j'ai lieu de me plaindre
de cette conduite (Le roi de Wurtemberg, blessé de
l'ordre du général Beaumont relativement à l'évacuation de
Bregenz, venait de rappeler les troupes wurtembergoises); que,
lorsque je fais ce que je peux pour la cause commune, les souverains de la
Confédération dérangent mes combinaisons; que le général Beaumont n'a pas
notifié au Prince royal d'évacuer Bregenz; que, quand même cela serait, ce
n'était pas une raison pour que le Roi rappelât ses troupes du Vorarlberg et
nous y exposât à un échec; que cette conduite est injustifiable; que j'ai
désiré que le major général vît M. de Hugel pour lui faire sentir combien tout
cela m'a peiné.
Schönbrunn, 19 août
1809
NOTE POUR LE GÉNÉRAL
COMTE BERTRAND, COMMANDANT LE GÉNIE DE L'ARMÉE D'ALLEMAGNE, A VIENNE.
Dans l'ordre qu'on
remettra au général Bertrand, il verra ce que je désire pour la March; mais il
faut aussi reconnaître un emplacement sur le Danube, près de Theben. Theben
serait une tête de pont toute trouvée. Cependant il faudrait que le pont donnât
·sur la rive droite de la March, pas loin de l'embouchure.
J'ai remarqué que vis-à-vis Theben il y a
une île comme celle de Lobau, et, vis-à-vis de cette île, de grandes hauteurs
qui arrivent sur Hainburg. Il faut sur ce point faire sonder le canal, en
notant le jour où les sondes auront été faites, afin que, si un jour on avait
intérêt de jeter un pont sur ce point, on sût à quoi s'en tenir. Il me
semble que l'embouchure de la March est un point désigné pour avoir un pont sur
le Danube, puisque la March (illisible) . . . naturelle, et que, Theben
étant déjà occupé, il remplira ce double but, d'une tête de pont sur le Danube et sur la March. On
suppose que
de Hainburg au pont le
débouché serait facile, car il peut être d'un bien grand avantage d'avoir un
pont à deux journées de Vienne. Cela peut même donner lieu à des combinaisons
qui trompent l'ennemi. Il ne peut être question ici d'un pont qui serait
détruit par les bateaux que pourrait lancer l'ennemi, puisque nous sommes
maîtres du haut Danube; et, comme le Danube descend, nous pouvons y avoir des
bateaux par le fleuve, en douze heures, ou les transporter sur des haquets, et
mettre l'ennemi hors de tous ses calculs. Il est donc nécessaire que
ce point soit bien connu. Ce pont équivaudrait à un pont vis-à-vis
Presbourg, parce que de Theben à Presbourg il n'y a que trois lieues.
Faire une bonne reconnaissance de la Taya,
et y joindre un mémoire.
Reconnaître la March
aussi loin que possible par les ingénieurs géographes.
Schönbrunn, 19 août
1809
A Eugène Napoléon,
vice-roi d'Italie, à Vienne
Mon Fils, faites partir
un aide de camp qui se rendra à Raab et suivra le cours de la Raab
jusqu'à Körmönd et Graz. Il prendra, s'il est nécessaire, un détachement
de cinquante hommes de cavalerie légère. Il vous écrira tous les jours pour
vous faire connaître ce qu'il y a de nouveau sur la ligne ennemie et les
mouvements que l'ennemi ferait.
Réitérez l'ordre que
vos régiments de cavalerie légère achètent des chevaux en Hongrie, où il y en a
beaucoup. Ils ont beaucoup d'hommes au dépôt de cavalerie; il faut qu'ils
achètent des chevaux et les envoient au dépôt, où on les montera.
Envoyez l'ordre à
Trieste qu'avant le 1er septembre il y ait deux millions de versés à la
caisse, à-compte des contributions. Écrivez aussi pour presser les
recouvrements à Laybach et à Klagenfurt, afin que la solde de votre corps
d'armée soit payée au 1er septembre.
Vous m'avez remis une
reconnaissance de la March, mais vous n'y avez pas joint de mémoire; cependant
c'est le mémoire qu'il est important d'avoir.
Schönbrunn, 20 août
1809
Au prince Cambacérès,archichancelier
de l'empire, à Paris
Mon Cousin, je reçois
vos lettres du 14. A l'une était joint un bulletin d'Anvers du 11; celui qui
l'a écrit est un sot. Un fort comme Lillo peut se défendre vingt jours avant de
se rendre, à moins qu'il n'ait pour commandant un traître ou un lâche. Des
bombes ne font point rendre un fort. Anvers, par l'Escaut, est imprenable, à
cause des chaloupes canonnières et des batteries qui sont établies à droite et
à gauche du fort. L'Escaut n'a que 400 toises de large à Anvers. Ainsi il n'y a
absolument rien à craindre pour cette place. Quant à l'idée de couler des
bâtiments pour obstruer la passe de l'Escaut, rien qu'une pareille idée me fait
frémir d'indignation. Un lâche, ou un homme qui n'a aucune notion de la guerre
et qui veut se mêler de ce qui ne le regarde pas, peut seul concevoir une
pareille pensée.
Je rougis pour ceux qui l'ont eue.
Il est fâcheux que ce
ne soit que le 14 que l'on ait commencé à lever des gardes nationales. Il
fallait prendre cette mesure dès le 1er; c'était une idée toute simple. Le
14, il y aurait eu 60,000 gardes nationales sur l'Escaut. Les avis
qu'a la cour de Vienne par ses ambassadeurs et par toutes ses relations sont
que les Anglais n'ont que 16,000 hommes de troupes de débarquement.
Schönbrunn, 20 octobre
1809, cinq heures du soir
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
j'ai reçu votre lettre du 19 à quatre heures après midi, où vous me rendez
compte de votre conférence. Je n'ai rien à ajouter à ce que je vous ai
mandé hier. Évitez seulement de vous laisser pénétrer sur les affaires de la
Galicie. Tâchez d'avoir par M. de Metternich des nouvelles de ce qui se
passe sur le Danube du côté des Russes. Les Autrichiens doivent en être parfaitement
instruits.
Schönbrunn, 20 août
1809
A Alexandre, prince de
Neuchâtel, major général de l'armée d'Allemagne, à Schönbrunn
Mon Cousin, je Vous
renvoie l'état que vous m'avez remis. Je désire avoir la distribution de ces
23,674 hommes entre les différents régiments de l'armée. Chargez le général
Charpentier de faire, dans les journées du 22 et du 24, l'inspection des dépôts
des 2e, 3e, 4e corps et de l'armée d'Italie, faisant 2,800 hommes. Il dressera,
par régiment et par nature de maladie, l'état des hommes qui s'y trouvent; il
les classera en quatre états distincts, de la manière suivante: 1° ceux qui
peuvent rejoindre; 2° ceux qui peuvent rejoindre avant deux mois; 3° ceux qui
ne peuvent pas rejoindre d'ici à deux mois; 4° enfin ceux qui sont hors
d'état de reprendre le service.
Quant à ces derniers,
il présentera le travail nécessaire pour leur réforme et leur renvoi en France.
Ceux qui peuvent rejoindre seront dirigés sur leurs corps. Je vois que dans le
faubourg de Wieden il y a plus de 1,700 hommes au 4e corps; que dans
celui de Josephstadt il y en a plus de 1,300 appartenant aux Saxons, etc.
Chargez des généraux de votre état-major, le général Monthion, le général
Camus et d'autres, de passer à la fois la revue de tous ces hommes dans les
faubourgs et de faire le même travail. Je vois qu'il y a sept faubourgs où
se trouvent des malades; c'est donc sept généraux ou adjudants
commandants à désigner. Ils feront le recensement des hommes par régiment
et les classeront également en quatre états, ainsi qu'il vient d'être dit.
Faites faire le même travail pour les hôpitaux, en chargeant autant d'officiers
qu'il y a d'hôpitaux d'en passer la revue. Ainsi le général Charpentier
visitera et se chargera des 2,800 hommes qui sont aux dépôts des corps d'armée;
sept généraux ou adjudants commandants de votre état-major visiteront les 5,000
hommes qui se trouvent dans les sept faubourgs, et enfin autant d'officiers
d'état-major qu'il y a d'hôpitaux seront chargés de visiter les 15,000 hommes
des hôpitaux. Vous recommanderez à ces différents officiers de prendre bien
leurs mesures et de procéder dans ce travail le plus exactement possible, vu
que tous les cinq jours ils auront à me remettre de semblables états. Ces
états me seront présentés à la parade; les premiers, qu'on dressera le 22 et le
23, me seront remis à la parade du 25; les états qu'on dressera le 29 et le 30
me seront remis à la parade du 1er.
Chaque fois vous en
ferez un rapport général, et l'on suivra cette marche tous les cinq jours.
J'attache une grande importance à ne pas perdre de vue ces 23,000 hommes, et à
avoir des hommes qui aient appris à les connaître et que je puisse interroger
sur tout ce qui se passe.
Schönbrunn, 21 août
1809, six heures du soir
Au comte de Champagny,
ministre des relations extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny,
je vous renvoie vos dépêches reçues par l'estafette d'aujourd'hui. Il paraît
qu'il n'y a rien de nouveau. Il semble seulement que le Danemark se désiste de
ses grandes prétentions; ce qui accélérera la paix avec la Russie.
Voilà les affaires de
Suède terminées. Pour mon compte, je n'en suis pas fâché. L'exclusion de
l'ancienne dynastie est consommée.
C'est un événement
agréable à la France, et la manière dont a été résolu ce problème de la
succession me convient assez. Expliquez-vous dans ce sens, mais cependant d'une
manière vague, avec M. Caulaincourt et M. Didelot.
Vous trouverez ci-joint
votre lettre au ministre d'Amérique ; vous pouvez la lui envoyer avec
les passe-ports qu'il demande. Ajoutez-y quelques protestations pour les États
d'Amérique et pour lui.
Altenburg, 22
août 1809.
AU GÉNÉRAL ARMSTRONG,
MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DES ÉTATS-UNIS, A PARIS.
Monsieur, S. M.
l'Empereur, instruit que vous devez expédier un bâtiment en Amérique, m'ordonne
de vous faire connaître les principes invariables qui ont réglé et régleront sa
conduite sur la grande question des neutres.
La France admet le
principe que le pavillon couvre la marchandise. Un bâtiment marchand, naviguant
avec les expéditions de son gouvernement, est une colonie flottante. Violer ce
bâtiment par des visites, des perquisitions et autres actes d'une autorité
arbitraire, c'est violer le territoire d'une colonie, c'est attenter à
l'indépendance de son gouvernement. Les mers n'appartiennent à aucune nation;
elles sont le bien commun des peuples et le domaine de tous.
Les bâtiments de
commerce ennemis, appartenant à des particuliers, doivent être respectés. Les
individus qui ne combattent pas ne doivent pas être prisonniers de guerre. Dans
toutes ses conquêtes la France a respecté les propriétés particulières; les
magasins et les boutiques sont restés à leurs propriétaires; ils ont pu
disposer à leur gré de leurs marchandises; et dans ce moment, des convois de
voitures chargées principalement de coton traversent les armées françaises,
l'Autriche et l'Allemagne, pour se rendre là où le commerce les envoie.
Si la France avait
adopté les usages de la guerre de mer, toutes les marchandises du
continent eussent été accumulées en France et fussent souvent devenues la
source d'une immense richesse.
Telles eussent été
sans doute les prétentions des Anglais, s'ils avaient sur terre la supériorité
qu'ils ont sur les mers. Comme aux temps de la barbarie, on aurait vu les
vaincus vendus comme esclaves et leurs terres partagées. L'avidité mercantile
aurait tout envahi, et le retour à des usages barbares eût été l' ouvrage du
gouvernement d'une nation éclairée et qui a perfectionné les arts de la
civilisation. Ce gouvernement ne méconnaît pas l'injustice de son code maritime;
mais que lui importe ce qui est juste ? il ne considère que ce qui lui est
utile.
Lorsque la
France aura acquis une marine proportionnée à l'étendue de ses côtes
et à sa population, l'Empereur mettra de plus en plus ces maximes en pratique
et fera ses efforts pour en rendre l'adoption générale. Le droit ou plutôt la
prétention de bloquer par une proclamation des rivières et des côtes est aussi
révoltante qu'elle est absurde. Un droit ne peut dériver d'une volonté ou d'un
caprice d'une des parties intéressées; il doit dériver de la nature même des
choses. Une place n'est véritablement bloquée que lorsqu'elle est investie par
terre et par mer. On la bloque pour l'empêcher de recevoir des secours qui
pourraient retarder sa reddition; on a seulement alors le droit d'empêcher les
bâtiments neutres de s'y introduire; car cette place ainsi attaquée est en
danger d'être prise, et sa domination est vacillante et contestée entre le
maître de la ville et celui qui la bloque ou l'assiège. De là le droit d'en ôter
l'accès aux neutres mêmes.
La souveraineté et
l'indépendance du pavillon sont, comme la souveraineté et l'indépendance
du territoire, la propriété de tous les neutres. Un État peut se donner
à un autre, briser l'acte de son indépendance, changer de souverain; mais
les droits de la souveraineté sont indivisibles et inaliénables; personne ne
peut en rien céder.
L'Angleterre a mis la
France en état de blocus; l'Empereur a, par son décret de Berlin, déclaré les
îles Britanniques en état de blocus. La première mesure éloignait les
bâtiments neutres de la France; la seconde leur
interdisait l'Angleterre.
Par ses ordres du
conseil du 11 novembre 1807, l'Angleterre a mis un octroi sur les bâtiments neutres
et les a assujettis à passer dans ses ports avant que de se rendre à leur
destination. Par décret du 17 décembre de la même année, l'Empereur a déclaré
dénationalisés les bâtiments dont le pavillon aurait été violé, dégradé, foulé
aux pieds.
Pour se dérober aux
actes de violence dont cet état de choses menaçait son commerce, l'Amérique a
mis un embargo dans ses ports; et quoique la France, qui n'avait fait
qu'user de représailles, vît ses intérêts et les intérêts de ses colonies
blessés par cette mesure, cependant l'Empereur applaudit à cette
détermination généreuse de renoncer à tout commerce plutôt que de
reconnaître la domination des tyrans des mers.
L'embargo a été levé.
On y a substitué un système d'exclusion. Les puissances continentales liguées
contre l'Angleterre font cause commune; elles visent au même but; elles doivent
recueillir les mêmes avantages; elles doivent aussi courir les mêmes chances;
les ports de la Hollande, de l'Elbe, du Weser, de l'Italie et de l'Espagne ne
jouiront d'aucun des avantages dont ceux de France seraient privés. Les uns et
les autres seront en même temps ouverts ou fermés au commerce dont ils peuvent
être l'objet.
Ainsi, Monsieur, la
France reconnaît en principe la liberté du commerce des neutres et
l'indépendance des puissances maritimes; elle les a respectées jusqu'au moment
où la tyrannie maritime de l'Angleterre, qui ne respectait rien, et les actes
arbitraires de son gouvernement l'ont forcée à des mesures de représailles,
qu'elle n'a prises qu'à regret. Que l'Angleterre rapporte sa déclaration de
blocus de la France, la France rapportera son décret de blocus de l'Angleterre;
que l'Angleterre rapporte ses ordres du conseil du 11 novembre 1807, le
décret de Milan tombera de lui-même; le commerce américain aura repris toute sa
liberté, et il sera sûr de trouver faveur et protection dans les ports de
France.
Mais c'est aux
États-Unis à amener par leur fermeté ces heureux résultats.
Une nation qui veut
rester libre et souveraine peut-elle mettre en balance quelques intérêts du
moment avec le grand intérêt de l'indépendance et le maintien de son
honneur, de sa souveraineté et de sa dignité ?
Schönbrunn, 21 août
1809
Au comte Régnier,
Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris
Des plaintes me sont
faites par des personnes recommandables et dignes de foi sur de grands abus qui
auraient lieu dans le canton de Claye et autres cantons environnants. On se
plaindrait d'expropriations forcées sans indemnité préalable, et dès lors de
violation du Code Napoléon. On se plaindrait également que, depuis cinq ans,
des particuliers de ce canton n'auraient pas été indemnisés par
l'administration de Paris, et que beaucoup de familles se trouveraient ruinées
par ces oublis et ces atteintes portées à la propriété.
Nous ne pouvons pas nous
faire à l'idée que nos tribunaux aient besoin de nos ordres spéciaux pour faire
exécuter les lois et respecter les principes fondamentaux de l'institution
sociale.
Nous voulons donc qu'au
reçu de la présente vous fassiez appeler notre procureur impérial près le
tribunal de première instance de Paris, et que vous lui ordonniez de recueillir
les plaintes faites contre nos officiers, soit du département, soit des ponts
et chaussées, et d'informer, soit aux fins civiles, soit aux fins criminelles,
selon la nature de l'acte qu'ils auront commis. Si, dans la marche prescrite
par nos institutions, il se trouve d'abord arrêté, parce qu'il faudra une
décision du Conseil d'État qui l'autorise à informer contre des agents du
Gouvernement, il en résultera toujours que nos officiers près de nos tribunaux,
en nous en instruisant et en ayant recours au Conseil d'État, mettront à même
ce corps de nous dénoncer les abus et d'y porter remède. Si, après avoir lu ces
dispositions, vous pensez que notre législation, soit à raison de la séparation
du civil et ducriminel, soit par toute autre cause, s'oppose absolument à ce
que nos agents de justice interviennent, notre intention est que vous
vous rendiez au Conseil d'État et que vous y donniez lecture de la
présente, afin que les rédacteurs du Code comprennent cette lacune et les
embarras qui en résultent dans la législation. Cc qui se fait à Paris sous nos
yeux se fait bien davantage à une plus grande distance dans un empire aussi
vaste, et cependant les sujets ne peuvent avoir recours qu'au souverain,
recours suprême et d'exception, et qui ne doit pas entrer dans la marche
ordinaire des affaires.
Si l'on peut toucher à la propriété des
citoyens sans violer les lois qui y sont relatives et que les magistrats ne
puissent rien faire pour s'y opposer, il est évident que la propriété n'est pas
en sûreté dans l'Empire.
Cependant l'esprit de
vertige et d'empiétement qui peut s'introduire dans les corps de magistrature
exige qu'on les maintienne dans de justes bornes; dans le cas surtout où il est
question de l'administration publique, ils ne doivent pas pouvoir continuer les
informations contradictoirement aux arrêts du Conseil. Or un arrêt du Conseil
est une belle et grande garantie pour les citoyens. Mais il est indispensable
que les tribunaux puissent informer, empêcher l'expropriation et enfin
recueillir les plaintes et garantir le droit des propriétaires contre les
entreprises de nos préfets, des conseils de préfectures et autres de nos
agents, sous quelque dénomination que ce soit.
L'expropriation est un
acte judiciaire: comment arrive-t-il qu'elle se fait par le canal administratif
? La violation d'une propriété particulière, même par l'autorité publique, sans
l'expropriation, est un délit : pourquoi nos juges de paix et procureurs impériaux
n'en informeraient-ils pas, soit au grand, soit au petit criminel ?
Je reçois souvent
directement des plaintes sur des abus qui se renouvellent; ces plaintes
s'adressent à moi, et de là je suis fondé à penser qu'il y a une grande lacune
dans notre législation.
Le but de cette lettre
est donc que, si notre jurisprudence actuelle donne ouverture à des
procédures contre nos officiers civils de la Seine, vous ayez à faire
recueillir toutes les plaintes qui auraient pour objet la mainmise sur des
propriétés particulières, sans expropriation valable, ou par expropriation
extrajudiciaire et sans la formalité préalable d'être indemnisé. Cela peut
donner lieu à une affaire, ou criminelle ou civile, et j'attache de
l'importance à l'existence de cette procédure, pour servir d'exemple et donner
une direction aux tribunaux.
Si, au contraire, notre jurisprudence
actuelle ne donne aucune ouverture à
cette manière de procéder, je désire que vous me fassiez connaître quel est le
changement à faire dans notre législation pour abolir toute expropriation
administrative, et enfin pour donner à tous les Français recours à une autorité
locale contre les abus de l'administration.
Schönbrunn, 21 août 1809
Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la
guerre, à Paris
Faites connaître au
maréchal Jourdan mon extrême mécontentement des inexactitudes et des faussetés
qui se trouvent dans ses rapports sur les affaires des 26, 27, 28 et 29
juillet; que ses dépêches ne me font pas connaître les événements comme ils se
sont passés, et que c'est la première fois qu'on se moque ainsi du
Gouvernement. Il dit que le 28 on s'était emparé du champ de bataille de
l'armée anglaise, c'est-à-dire de Talavera et du plateau sur lequel était
appuyée sa gauche, tandis que les rapports subséquents et ceux de différents
officiers disent le contraire et que nous avons été repoussés toute la journée.
Faites-lui sentir que cette infidélité envers le Gouvernement est un véritable
crime, et que ce crime a manqué d'avoir des résultats funestes, puisque, ayant
appris la nouvelle que les Anglais avaient été battus et que dans cette affaire
une armée qui n'était que la moitié de nos forces avait suffit pour les
chasser, cela allait influer sur mes déterminations, lorsque heureusement j'ai
appris à temps que mon armée avait été battue, c'est-à-dire qu'elle n'avait
pris ni Talavera ni le plateau; qu'il pouvait dire dans le journal de Madrid
tout ce qu'il voulait, mais qu'il n'a pas le droit de déguiser la vérité au
Gouvernement.
Dans une lettre
séparée, vous ferez connaître au maréchal Jourdan que les affaires ont été mal
dirigées; que le maréchal Soult devait venir de Salamanque par Avila sur
Madrid, et que, les corps ayant marché isolément, dès le 27 ou le 28 la tête
serait arrivée; qu'il aurait fallu, pendant ce temps, reculer à petites
journées et ne donner bataille sous Madrid que lorsque toutes nos forces
auraient été réunies; que la marche du maréchal Soult et de ses trois
corps sur Plasencia était dangereuse et surtout inutile : dangereuse, puisque
notre armée pouvait être battue à Talavera, sans qu'on lui portât
secours, et qu'on compromettait ainsi la sûreté de toutes mes armées en
Espagne, tandis que les Anglais n'avaient rien à craindre, car en trois
heures de temps ils pouvaient se mettre derrière le Tage, et, soit qu'ils
le repassassent à Talavera, soit qu'ils le repassassent au pont d'Almaraz, soit
partout ailleurs, ils avaient leur ligne d'opération sur Badajoz à l'abri;
qu'on a donc compromis mes meilleures troupes et le sort de l'Espagne par
ignorance des règles de la guerre et sans que, en cas de succès, on pût obtenir
un résultat; qu'enfin, puisqu'on avait fait l'énorme faute de se diviser en
deux armées de 50,000 hommes chacune, que des montagnes et une grande étendue
de pays séparaient, on devait au moins ne livrer bataille qu'à peu près en même
temps; or il était bien évident que le maréchal Soult ne pouvait pas
arriver avant le 4 à Plasencia, puisqu'il ne commettrait pas la faute d'y
arriver sans le 6e corps, lequel étant à Astorga ne pouvait tout au plus
arriver qu'à cette époque; au lieu que l'autre armée de 50,000 hommes, du côté
de Madrid, pouvait manœuvrer et gagner quelques jours sans livrer
bataille; les Anglais certes ne se seraient pas compromis s'ils l'avaient
trouvée dans une bonne position; qu'enfin, arrivé devant Talavera, on savait
bien qu'on avait l'armée anglaise en présence; on le savait par les
prisonniers qu'on avait faits les jours précédents; il est donc de la
dernière absurdité de les avoir attaqués sans les avoir reconnus; il était bien
évident que, ceux-ci ayant placé leur droite sur Talavera (où se
trouvaient les Espagnols, qui, s'ils ne valent rien en plein champ, sont
du moins de bonnes troupes lorsqu'ils peuvent se retrancher dans des maisons)
et leur gauche sur un plateau, il fallait s'assurer si ce plateau ne pouvait
être tourné; que cette position de l'ennemi exigeait donc des reconnaissances
préalables, et qu'on a conduit mes troupes sans discernement, comme à la
boucherie; qu'enfin, étant résolu à la bataille, on l'a donnée mollement,
puisque mes armes ont essuyé un affront, et que 12,000 hommes de réserve sont
cependant restés sans tirer; que les batailles ne doivent pas se donner si l'on
ne peut calculer en sa faveur soixante-dix chances de succès sur cent; que même
on ne doit livrer bataille que lorsqu'on n'a plus de nouvelles chances à
espérer, puisque de sa nature le sort d'une bataille est toujours douteux; mais
qu'une fois qu'elle est résolue on doit vaincre ou périr, et que les aigles
françaises ne doivent se ployer en retraite que lorsque toutes ont fait
également leurs efforts; que cette manière de conduire mes armées excite
d'autant plus mon mécontentement que je suis que le duc de Bellune pensait que,
si la réserve avait été mise sous ses ordres, il aurait enlevé la position des
Anglais; qu'il a fallu la réunion de toutes ces fautes pour qu'une qu'une armée
comme mon armée d'Espagne ait été ainsi bravée par 30,000 Anglais; mais
que, tant qu'on voudra attaquer de bonnes troupes comme les troupes anglaises
dans de bonnes positions, sans reconnaître ces positions et s'assurer si on
peut les enlever, on me conduira des hommes à la mort en pure perte.
Schönbrunn, 22 août 1809
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire,
à Paris
Mon Cousin, comme j'écris au ministre des finances sur la
noblesse des États romains, ce ministre pourra vous communiquer ce que je pense
devoir faire à ce sujet. J'ai été induit, par la transition des idées, à écrire
au ministre des finances. Faites-vous remettre la copie de cet article de ma
lettre. Je pense qu'il faut vous occuper de cela sans ébruiter l'idée
principale, qui ne doit être connue que par l'exécution. Il faut l'appliquer à
toutes les familles historiques, telles que celles des papes et autres grandes
maisons. La même chose doit être faite en Toscane pour une centaine de maisons
historiques. Il faut s'étudier à les constituer, leur donner des titres, des
armoiries; cela les arrangera et les attachera.
Schönbrunn, 22 août 1809.
Au comte Gaudin, ministre des finances, à Paris
J'ai reçu votre lettre du 12. J'ai répondu à la Consulte
qu'elle ne devait point fournir les fourrages aux troupes du royaume de Naples.
Je désirerais avoir un rapport sur les finances de la
ville et des États de Rome. Écrivez à la Consulte que je désire connaître
quelles sont les recettes et dépenses pour 1809. Y aura-t-il équilibre ? En
1810, le pays pourra-t-il être gouverné par les lois françaises, ou faudra-t-il
proroger l'état actuel pendant encore un an ? Dans ce dernier cas, il est
nécessaire que l'on m'envoie de bonne heure le budget, en recettes et en
dépenses, car je veux bien laisser un système de contributions différent, mais
mon intention est que tout soit ordonnancé par mes ministres. Si en 1810 les
deux départements des États romains peuvent être entièrement gouvernés comme le
reste de la France, cela aura quelque avantage; mais si cela devait froisser le
pays, comme cela a eu lieu en Toscane, et qu'il fallût du temps, je prorogerais
d'un an la Consulte. Mais il sera nécessaire que la recette soit portée à la
recette du budget de France; que la dépense soit portée à la dépense du budget
de France, et par ministère, c'est-à-dire ce qui regarde l'administration
financière dans le budget de votre ministère, ce qui regarde la dette au
ministère du trésor public, ce qui regarde la guerre au budget du ministère de
la guerre et de l'administration de la guerre; enfin que tout cela soit
organisé de manière qu'il n'en résulte aucun froissement.
Viennent les renseignements suivants que je vous prie de
me transmettre: 1° sur la dette; 2° sur les biens nationaux. Y a-t-il équilibre
entre ces deux objets ? Quel parti y a-t-il à prendre ?
Il faut que personne n'abuse de l'habit ecclésiastique;
on ne doit le permettre qu'aux sous-diacres et aux jeunes gens qui sont dans
les séminaires. Ainsi les sous-diacres, c'est-à-dire ceux qui seraient déjà
engagés dans les ordres, et les jeunes gens enfermés dans les séminaires
doivent seuls porter cet habit.
Je n'ai pas encore reçu un rapport sérieux sur Rome. Il
m'est cependant important de l'avoir, afin que, si les ressources venaient à
être insuffisantes, je voie à y suppléer. Demandez à la Consulte le nom de deux
personnes que je pourrais nommer sénateurs, de deux conseillers d'État, d'un
maître des requêtes, de deux auditeurs. Écrivez-lui de ne point s'occuper de
l'organisation de Rome comme ville impériale avant que je lui aie fait
connaître mes intentions.
Les droits féodaux doivent être supprimés dans tout
l'État de Rome, mais il n'y a pas de difficulté à laisser subsister les titres,
livrées, et armoiries; demandez qu'on m'en envoie l'état, et je les
confirmerai; cela coupera court à toute discussion. Je désire faire la même
chose pour la Toscane. Demandez donc des renseignements à la Consulte et à la
Grande-Duchesse.
Quand j'entends confirmer les titres, mon intention est
cependant de faire un choix. Ainsi les ducs, les comtes, les barons, qui sont
pauvres ou n'ont pas l'aisance convenable, je les supprimerai. Les marquis, je
les ferai barons, et je reconstituerai leurs armoiries en y faisant quelques
changements. Voyez pour tout cela M. l'archichancelier. Il me semble que ce
sera un moyen simple de contenter beaucoup de monde et d'ôter des germes
d'inimitié. Mais il faut que ce projet-là reste secret. Le conseil du sceau
pourra envoyer quelqu'un sur les lieux pour recueillir les renseignements
nécessaires et mettre à même de finir cette question.
Il faudrait s'occuper à Rome de la liste civile. Mon
intention est qu'elle soit d'un million de rente; j'y attacherai un palais et
une campagne, et la jouissance en appartiendra au titulaire d'une grande
dignité de l'Empire, que je compte former.
Schönbrunn, 22 août
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Écrivez au roi d'Espagne que, lorsque les six corps
auront fait leur jonction, il est nécessaire de renvoyer à Valladolid au moins
10,000 hommes d'infanterie, pour former une bonne division sous les ordres du
général Kellermann, destinée à garder les provinces de Lyon, de Salamanque, et
à empêcher la Romana de faire des progrès. .Je pense qu'il faudrait envoyer là
la division Heudelet, qui est composée de dix bataillons, qui seront là à
portée d'être recrutés par la France.
Schönbrunn, 22 août 1809, quatre heures après-midi
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre du … Je vois dans la copie
de celle que vous avez écrite au prince de Ponte-Corvo que vous lui dites qu'il
faut hasarder une bataille pour sauver Anvers. Je crains que vous ayez mal
saisi mon idée. J'ai dit que dans aucun cas il ne fallait hasarder une
bataille, si ce n'est pour sauver Anvers, ou à moins qu'on ne fût quatre contre
un et dans une bonne position couverte par des redoutes et par des batteries.
Voici ma pensée tout entière:
Il y a deux points distincts, Anvers et l'île de Cadzand,
tous deux fort importants, parce que, si l'ennemi s'en emparait. . . . . . . .
. nos villes de France et inquiéterait la rive gauche.
Je crois que le maréchal Moncey doit porter son quartier
général à Gand, et avoir le commandement de l'île de Cadzand, de Terneuse,
jusqu'aux inondations de la Tête de Flandre; que le prince de Ponte-Corvo doit
porter son quartier général à Anvers, et avoir sous ses ordres toute la partie
de l'armée qui est actuellement entre Lille et Berg-op-Zoom; qu'il doit choisir
de bonnes positions pour empêcher l'ennemi de passer le canal de Berg-op-Zoom,
n'engager d'affaire qu'en nombre très supérieur à lui et dans de bonnes positions,
et passer son temps à exercer et discipliner ses troupes. Une guerre de postes
est sans inconvénient et aguerrira ses troupes. Si l'ennemi n'a que 20 ou
25,000 hommes pour se porter sur Anvers, que le prince de Ponte-Corvo puisse
l'attendre dans une position avantageuse et l'attaquer avec 50,000 hommes
français et hollandais, et surtout avec beaucoup d'artillerie, il peut le
faire, mais en s'assurant la retraite sur Anvers. Dans tous les cas, il devrait
se retirer sur Anvers, considérer cette place comme un grand camp retranché,
s'y enfermer, en occuper les dehors et voir ce que font les Anglais. Alors le
mouvement de ceux-ci serait bien déterminé. Le maréchal Moncey approcherait,
dans ce cas, son quartier général de la Tête-de-Flandre pour être à portée
d'Anvers; le duc de Valmy se porterait sur Maëstricht pour harceler l'ennemi;
et, si l'ennemi faisait la folie d'investir Anvers, le maréchal Moncey ferait
passer en une nuit tout ce qu'il aurait de disponible, par la Tête-de-Flandre,
sur Anvers; le duc de Valmy et les Hollandais qui sont dans Breda harcèleraient
l'ennemi, et le prince de Ponte-Corvo sortirait sur un des points avec toutes
ses forces et écraserait l'ennemi. Ainsi le prince de Ponte-Corvo, cerné de la
citadelle à l’autre extrémité de la place, ne serait pas cerné par la
Tête-de-Flandres, et aurait par là sa communication avec le maréchal Moncey. On
ferait avancer la réserve, et l'ennemi ne tarderait pas à lever le siège pour
éviter une entière destruction. Ainsi Anvers ne doit jamais être abandonné; le
prince de Ponte-Corvo doit en défendre les approches le plus possible et s'y
enfermer avec l'escadre, faire des redoutes et des forts tout autour pour
défendre le camp retranché, qui tiennent l'ennemi à 1,000 ou 1,200 toises de la
place, l'empêchent de bombarder la ville, et se mettre à même, après avoir
réuni tous les moyens et les faisant passer par la Tête-de-Flandre, de tomber
sur lui avec 10 ou 80,000 hommes, et surtout avec une immense quantité
d'artillerie de campagne.
En résumé, le duc de Conegliano doit défendre l'île de
Cadzand, Terneuse, et étendre sa défense à la Tête-de-Flandre. Les
communications doivent être assurées, au travers de l'inondation, entre la
Tête-de-Flandre, Gand et Bruxelles. Le duc de Conegliano doit avoir le double
but d'empêcher l'île de Cadzand d'être prise, de défendre la rive gauche et
d'empêcher l'ennemi de cerner la Tête-de-Flandre, par laquelle il doit se
mettre en communication avec le prince de Ponte-Corvo.
Le but du prince de Ponte-Corvo doit être d'empêcher
l'ennemi de passer le canal de Berg-op-Zoom, de se placer autour d'Anvers comme
dans un camp retranché, de protéger sa communication avec la Tête-de-Flandre et
de profiter d'une occasion favorable pour tomber sûr l'ennemi.
Si le duc d'Istrie se porte bien, envoyez-le à Lille
remplacer le duc de Conegliano.
Nommez l'armée du prince de Ponte-Corvo Armée d'Anvers,
l'armée du duc de Conegliano Armée de la Tête-de-Flandre, et la réserve Armée
de réserve. Donnez au duc de Conegliano la division des gardes nationales du
sénateur d'Aboville, qui est à Bruxelles, et ce qui défend l'île de Cadzand;
cela fait 24 à 30,000 hommes, c'est tout ce qu'il peut commander. Vous pouvez
composer l'armée du prince de Ponte-Corvo de tout ce qui est sous les armes
d'Anvers à Berg-op-Zoom et de la division de gardes nationales qui est
aujourd'hui dans Anvers. Vous pouvez donner au duc d'Istrie les trois divisions
de réserve de gardes nationales.
Ainsi donc le prince de Ponte-Corvo, mon escadre, le sénateur
Colaud ne doivent pas quitter Anvers. Vous devez faire connaître le plan de
défense au duc de Valmy, qui doit s'approcher pour porter son quartier général
à Maëstricht. Le duc de Conegliano doit porter son quartier général à Gand,
pour être à portée de l'île de Cadzand, de Terneuse et de la Tête-de-Flandre.
Enfin, le duc d'Istrie, s'il est en santé, doit se charger de commander la
réserve et d'organiser les trois divisions de gardes nationales.
Pour avoir de vrais succès contre les Anglais, il faut de
la patience et attendre tout du temps, qui ruinera et dégoûtera leur armée,
laisser venir l'équinoxe, qui ne leur laissera de ressource que de s'en aller
par capitulation. En principe, des affaires de postes, mais point d'affaires
générales.
P. S. Les ducs de Conegliano et de Valmy devraient
communiquer tous les jours.
Schönbrunn, 22 août
1809
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à
Paris
Monsieur le Vice-Amiral Decrès, Flessingue est
imprenable; les bombes ne font rien dans une place. Quand même on n'aurait pas
la ressource de l'inondation, il faut exécuter le passage du fossé, qui est
rempli d'eau; c'est une grande affaire. L'inondation d'ailleurs répond à tout.
Vous devez avoir dans l'île de Cadzand un télégraphe pour communiquer avec Flessingue;
vous devez en avoir à Anvers, Faites donc passer l'ordre de couper les digues.
Votre lettre du 16 août ne vaut rien; votre tête n'est pas assez claire.
L'escadre ne peut rien pour défendre l'Escaut que sous la protection des
batteries d'Anvers.
En laissant mon escadre placée comme elle l'est
aujourd'hui, l'ennemi, s'il est le plus fort, viendra assiéger Anvers, et mon
escadre, surprise et pressée par le temps, s'échouera; au lieu que, dès
aujourd'hui, se réunissant à son aise sous la protection de la citadelle, deux
ou trois vaisseaux placés à l'amont, deux ou trois à l'aval, toujours débordés
par les batteries de la place, le reste de l'escadre dans le centre, les
chaloupes canonnières en avant, elle sera hors de toute atteinte et contribuera
à la défense de la place. L'idée de lui faire dépasser Anvers est absurde. Je
suis étonné que vous ayez eu cette idée obscure; c'est à Anvers que doit périr
l'escadre. Aussitôt que l'ennemi aura forcé le canal de Berg-op-Zoom et culbuté
les troupes qui lui disputent le passage, il se portera sur la citadelle
d'Anvers; et, si mes vaisseaux
abandonnent la protection d'Anvers, ils se trouveront dans un Escaut étroit, où
ils seront canonnés, maltraités, sans pouvoir manœuvrer, et où ils
finiront par se faire détruire. Les fortifications d’Anvers, sa
citadelle, ses fossés pleins d'eau, les ouvrages que j'y ai fait faire depuis
trois ans, rendent cette place susceptible de soutenir six mois de siège. Mon
escadre doit donc décidément rester à Anvers, placée, comme je l'ai dit, en
amont et en aval. C'est dans ce sens que vous devez en écrire à mon amiral. Si
mon escadre abandonne Anvers pour se porter au delà, elle dissémine la garnison
et les moyens de défense d'Anvers, et elle se fera prendre deux ou trois lieues
plus loin. Ces idées sont si simples, que je ne conçois pas que je sois obligé
de vous les donner. L'ennemi ayant débarqué dans l'île de Walcheren, mon
escadre n'a d'autre refuge que la place d'Anvers. Deux vaisseaux en amont, deux
en aval; un, le meilleur manœuvrier et le mieux monté, en avant, entre
Anvers et Lillo, soutenu d'une ou deux frégates et corvettes; les cinq autres
dans l'intérieur, en seconde ligne, prêts à tout : voilà les seules
dispositions qui conviennent à mon escadre. Dans aucun cas, elle ne doit
abandonner Anvers: elle doit périr avec Anvers. Avec des instructions en si et
mais on perd tout. Il faut des instructions claires et précises, les voilà; ce
sont celles que vous devez donner. Sans même le secours de l'escadre, je me
chargerais de défendre Anvers avec 4,000 hommes, pendant trois mois, contre
60,000 Anglais. Il me tarde d'apprendre que mon escadre est mouillée en amont,
en aval et au centre; que les grands canots, armés d'une pièce de 24, et les
petits, d'un obusier, sont placés en avant; ce qui augmentera la flottille de
20 ou 30 espèces de caïques; qu'on a réuni à Anvers toutes les chaloupes
canonnières et embarcations qui pourront servir, et qu'on a composé la
flottille de 150 à 200 bons bâtiments; qu'on a placé à l'amont et à l'aval,
sous les batteries de la place, quatre des vaisseaux de l'escadre; que les
autres bâtiments sont placés au centre: voilà la manière de défendre l'Escaut.
Si vous en aviez agi ainsi, ma flottille serait équipée et en état de se
battre. Au lieu de cela, vous m'avez placé des cadavres qui ne peuvent se
dégarnir de leurs équipages, dans une situation à être la proie des Anglais et
à gêner la défense de la place. Faites bien attention que je n'admets aucune
modification à l'exécution de mes volontés; que je ne dois pas perdre un
vaisseau à Flessingue, que tous doivent périr à Anvers, si Anvers doit
succomber. De là vous ferez connaître à l'amiral qu'il doit concourir à la
défense d'Anvers, si la place est assiégée ; que, de ses 6,000 hommes
d'équipage, il peut disposer de 2,000 tous les jours pour le service de la
ville, secours qui, avec ses canons, ses ouvriers, fait une augmentation de
force immense. Vous communiquerez cette lettre au ministre de la guerre, qui en
notifiera aux chefs de l'armée de terre ce qui les concerne. J'entends qu'on ne
gâte point l'Escaut, et qu'on ne déshonore pas l'armée et la nation par cette
excessive pusillanimité. Augmentez par tous les moyens la défense d'Anvers.
Qu'on arme des pontons, de grosses flûtes ou batteries flottantes, dont la
perte ne me sera en rien sensible; mais qu'on épargne mes vaisseaux.
Indépendamment des maladies qui doivent déjà avoir fait un énorme ravage dans
l'île de Walcheren, la nécessité de porter des secours à l'armée de Portugal
décidera le ministère à rappeler promptement l'expédition.
Schönbrunn, 22 août, quatre heures après-midi
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je reçois vos deux lettres du 22.
Je suppose que le premier acte de la négociation va bientôt se terminer, et que
la cour de Vienne, qui n'a pas jusqu'à présent discuté l'état des choses, va
faire connaître à M. de Metternich les sacrifices qu'elle veut faire de
préférence. Lors de la paix de Presbourg, on a suivi une autre marche.
L'empereur est venu me trouver à mon camp de Moravie, s'est mis à ma
discrétion, a renvoyé sur-le-champ l'armée russe, a renoncé à son alliance. Je
lui ai déclaré que je voulais faire la paix avec lui, mais que je ne me
relâcherais jamais, ni sur le Tyrol, ni sur Venise. Cela a servi de base à la
négociation, ou plutôt il n'y a pas eu de négociation, puisque par l'entrevue
tout fut réglé, hormis les détails. Aujourd'hui les choses se sont passées
différemment. Le prince de Liechtenstein avait des pouvoirs pour négocier sur
la base de l'intégrité de la monarchie; je me suis moqué de cette ouverture.
Depuis, vous avez négocié et offert l'uti possidetis. M. de Metternich n'a rien
avancé. Qu'il offre de la part de son maître de supporter les mêmes pertes que
l'Autriche a faites à la paix de Presbourg, il aura fait un pas; vous pourrez
alors en faire un et proposer de prendre pour base un mezzo termine entre l'uti
possidetis et l'évaluation des pertes faites par l'Autriche à la paix de
Presbourg.
C'est à vous à tâcher par tous les moyens d'amener
promptement la négociation à ces termes. Cela fait, il restera à connaître les
possessions que la Maison d'Autriche veut céder de préférence. Il s'agit de
céder un lot de quatre ou cinq millions d'habitants. Le Salzburg, la basse
Autriche jusqu’à l’Enns, Villach, la Carniole, l'Esclavonie
jusqu’à la Bosnie et la Save, ne peuvent être un sujet de difficulté;
quelle est l’opinion de vos négociateurs là-dessus ? Quant au
protocole, je pense qu'il est nécessaire de le continuer quelque temps, jusqu'à
ce que vous soyez d'accord sur les premières bases.
P. S. Les choses se sont raccommodées en Espagne. Les
trois corps sont arrivés à Talavera; Wellesley s'est sauvé en passant le Tage;
il a laissé ses hôpitaux avec 4,000 blessés, qu'il a recommandés à la
générosité française.
Schönbrunn, 23 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre relative aux généraux que vous
avez envoyés pour commander les gardes nationales. Ces généraux sont ou
extrêmement mauvais ou peu sûrs; je n'ai
point de confiance en eux.
Donnez-leur leur traitement, puisque vous les avez
appelés, mais ne les employez pas. Envoyez le général Bazancourt, qui est à
Paris, le général Chanez, qui est à Melun, le général Morin, qui est dans les
Ardennes, où il est parfaitement inutile; le général Jacopin, qui est à Nancy,
où il est également inutile, les généraux Grandjean et Marion, qui sont dans la
5e division militaire, le général Valette, qui commande la 6e division
militaire. Le commandant d'armes de Besançon peut commander la 6e division
militaire, où il n'y a presque point de troupes. Vous avez cinq généraux de
brigade dans la 12e division militaire, savoir : les généraux Cassagne, Devaux,
Beauregard, Degrave et Drouas; vous pouvez en prendre deux. Vous pouvez prendre
dans la 13e division militaire le général Boyer; dans la 18e le général
Baville; le commandant de la gendarmerie, le commandant de l'école d'Auxonne ou
le commandant des vétérans peuvent commander cette dernière division, puisqu'il
n'y a pas de troupes. D'ailleurs j'envoie le général Vaux pour y commander.
Vous avez le général Laurent dans la 25e division militaire, le général Guérin
dans la 26e. Voilà donc douze généraux de brigade sur lesquels mon intention
est que vous preniez les huit dont vous avez besoin, sans recourir aux
officiers réformés, dans lesquels je n'ai aucune confiance et auxquels je ne
puis point me fier.
Quant aux adjudants commandants, je ne veux pas davantage
d'officiers réformés; nommez des majors de cavalerie pour faire les fonctions
d'adjudant commandant; par ce moyen, il n'y aura d'employés à l'armée que des
officiers en activité de service. Rien n'est plus dangereux dans le moment
actuel que de remettre les armes à la main à un Talon et autres gens de cette
espèce.
Vous ne manquez pas de généraux de brigade. Quant à des
généraux de division, il y en a d'inutiles dans les divisions militaires que
vous pouvez employer. Je donne ordre à deux généraux de division de l'armée de
se rendre à Anvers.
Le duc d'Abrantès et le général Rivaud n'ont pu rien
faire du général Charles Lameth; ce n'est pas qu'il manque de bonne volonté,
mais il ne sait pas remuer un bataillon. J'ai été obligé de l'envoyer commander
la citadelle de Würzburg. Théodore Lameth intriguera, parlera beaucoup, mais ne
fera rien. Il faudrait que je fusse bien malheureux pour avoir besoin de
pareils individus.
Enfin je vais vous envoyer encore quelques généraux de
brigade que je tirerai de l'armée. Ce que je vous demande par-dessus tout,
c'est de ne remettre en activité aucun général, colonel ou officier en retraite
ou réformé. Vous m'en avez mis quelques-uns dans l'armée, je suis obligé tous
les jours de les renvoyer. Cela occasionne des dépenses inutiles et nuit à mon
service. Il faut laisser en repos des gens qui ont été jugés inutiles depuis
longtemps. Je ne veux, je vous le répète, aucun officier réformé; qu'ils
restent tranquilles chez eux.
Schönbrunn, 23 août 1809
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à
Paris
Je vous ai écrit hier sur l'escadre. Il ne serait pas
impossible que l'ennemi commît l'imprudence de donner occasion à l'escadre de
faire quelque chose contre lui. Je n'ai pas besoin de vous dire que, dans cette
circonstance, l'amiral Missiéssy a tous les pouvoirs nécessaires pour tomber
sur les bâtiments anglais.
Schönbrunn, 23 août 1809
Au comte Garnier, président du Sénat, à Paris
Monsieur le Comte Garnier, je reçois votre lettre du 15.
La question qui se présente du renouvellement des préteurs, chancelier et
trésorier du Sénat, peut être également bien résolue de deux manières.
C'est à l'usage à servir de règle. Ce que le Sénat fera
dans cette circonstance servira d'usage. Quand vous ferez connaître au Sénat
qu'il doit procéder au renouvellement de ses officiers aux termes du
sénatus-consulte de l'an XI, vous lui présenterez les deux questions et vous
lui demanderez quel parti il veut prendre. Il me semble que cette marche est
plus simple qu'un sénatus-consulte. Je suis assez partisan de l'interprétation
des lois par l'usage.
Schönbrunn, 23 août 1809
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je vous réitère l'ordre de faire partir les bataillons du
14e léger, du 6e de ligne, les deux bataillons du 101e à moins que vous ne
préfériez deux bataillons du 22e léger, deux bataillons soit d'Isembourg, soit
napolitains, avec une centaine de chevaux, faisant plus de 5,000 hommes. Il me
tarde de connaître l'époque où ces troupes seront arrivées à Bologne. Il
faudrait pourvoir à la défense de Rome par d'autres troupes. Mon armée de
Naples est de 20,000 hommes présents sous les armes, indépendamment des troupes
napolitaines, qui doivent être nombreuses; avec cela vous pouvez occuper Rome,
Naples, et avoir encore des forces pour se porter où il est nécessaire.
Schönbrunn, 24 août 1809, midi
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je reçois vos deux lettres du 23.
Ma lettre d'hier vous aura donné des facilités. Voici les propositions que je
vous engage à faire. La question est ici complexe; elle se compose de la
qualité et de la quantité : la quantité est la base de l'uti possidetis, la
qualité est d'abord la cession de Salzburg et de la haute Autriche jusqu'au
thalweg de l'Enns. Voilà donc la question entamée. Je considère comme vous que
la négociation a fait un pas, et cette manière de répondre va leur faire sentir
la nécessité de traiter la question de la quantité avant d'aborder celle de la
qualité, et d'obtenir des modifications à l'état de l'uti possidetis avant
d'entrer dans le détail des provinces à céder. A cela vous êtes le maître
d'accorder des facilités, puisque vous pouvez suggérer que, s'ils veulent
proposer la base des pertes qu'ils ont faites par la paix de Presbourg, vous
ferez un pas à leur rencontre. Il me semble donc que la négociation va
commencer à marcher. Il ne faut pas s'attendre qu'elle aille vite.
Ces gens-ci ne peuvent se résoudre qu'à la dernière
extrémité à ce qu'ils doivent sacrifier. Ils vont sans doute insister et
déclarer qu'ils ne peuvent pas répondre jusqu'à ce que vous ayez fait toutes
vos propositions. Vous répondrez que vous avez commencé, et qu'il faut être
d'accord sur la base avant d'aborder le système de tout ce qu'ils doivent
céder.
NOTE
L'empereur d'Autriche ayant fait connaître par la voie du
prince de Liechtenstein qu'il désirait la paix, Sa Majesté l'Empereur des
Français a cru ne pouvoir mieux montrer sa modération et son désir de la paix
qu'en consentant à renoncer à ce qu'il pouvait espérer de la continuation de la
guerre, à se contenter de ce que le sort des armes avait mis dans ses mains.
Mais, les plénipotentiaires autrichiens désirant que le plénipotentiaire
français fasse connaître sur quelles provinces doivent tomber les sacrifices
que la Maison d'Autriche doit faire, l'Empereur Napoléon avait cru faire une
chose agréable à l'empereur d'Autriche en lui laissant ce choix; c'était une
facilité qui était donnée à la négociation. On désire que la France ait
l'initiative: on adhère au vœu du plénipotentiaire autrichien en exécution
des propositions faites sur la base de l'uti possidetis.
On demande d'abord la province de Salzburg, la haute
Autrichien jusqu'au thalweg de l'Enns, pour ces provinces être réunies à la
Bavière.
Lorsqu’on sera d'accord sur le principe, Sa Majesté
l'Empereur Napoléon n'aura pas de difficulté à faire connaître également ce
qu'il désire, toujours en exécution de l'état de l'uti possidetis, pour
d'autres frontières et surtout pour les frontières d'Italie.
Schönbrunn, 24 août 1809, quatre heures après midi
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je vous renvoie les dépêches de M.
de Caulaincourt que vous m'avez laissées; je crois qu'il est temps d'y
répondre. Répondez-lui, en chiffre, que la lettre que vous lui avez écrite sur
les affaires de Pologne s'est croisée avec son courrier; qu'il a donc la
latitude nécessaire pour traiter la question de la Galicie; qu’il ne doit
pas s'écarter du principe que, dans aucun cas, je ne veux me brouiller avec la
Russie, ni sortir du système de l'alliance qui nous unit; que les négociations
se font par protocole; que, depuis huit jours qu'elles sont ouvertes,
qu’il n’a a pas encore eu de séance arrêtée, ce qui a retardé
l'envoi de votre courrier; que vous ne voulez pas cependant le retarder
davantage; qu'incessamment vous lui enverrez les protocoles des cinq ou six
premiers jours; qu'en général on est d'accord sur peu de choses; que nous
ignorons le parti que l' Autriche veut prendre et que nous attendons d'être
éclairés là-dessus; que, si la Russie veut envoyer un plénipotentiaire, elle
envoie un homme qui soit dans le système, qui ait l'instruction de s'en tenir à
l'article du traité d'alliance et qui ne fasse pas cause commune avec les
Autrichiens; que, s'il a la confiance de l'empereur, il pourrait être chargé de
lever les difficultés qui pourraient se présenter entre nous et la Russie. Vous
pourrez envoyer à M. de Caulaincourt une idée des principales choses qui ont
été discutées dans la négociation.
Après cela, vous lui donnerez des nouvelles des
expéditions des Anglais en Hollande et en Espagne; vous lui ferez connaître
qu'en Espagne ils ont été battus, quoiqu'ils s'attribuent la victoire, et que
la preuve en est que lord Wellesley est à l'heure qu'il est rentré en Portugal,
après nous avoir abandonné 6 ou 7,000 blessés ou malades. Je pense que
l'expédition de ce courrier est pressante. Mandez bien à Caulaincourt de
prévenir M. de Romanzof de se tenir en garde contre les insinuations de
l'Autriche; de l'assurer que le mot Galicie n'a pas été prononcé; que nous ne
voulons pas le prononcer, quoique l'on voie que les Autrichiens cherchent des
moyens de commencer par là la question, et que c'est la crainte des bavardages
qu'ils voudraient faire qui nous a fait prendre le parti de faire un protocole.
Expédiez ce courrier sans délai; je tiens cela pour
pressé. Je vous enverrai les gazettes anglaises jusqu'au 15 août, mais je pense
qu'il ne faudra pas les montrer.
Schönbrunn, 24 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre du 18. Il me répugne de croire que
Flessingue soit rendu; cela ne me paraît pas possible. Il y aurait dans cette
conduite tant de lâcheté que cela approcherait d'une trahison. Flessingue peut
se défendre tant qu'il aura un morceau de pain. Les moyens d'inondation,
l'ennemi ne peut les avoir coupés; le général Monnet peut les faire passer dans
les fossés de la place.
J'expédie au prince de Ponte-Corvo mon aide de camp
Reille, officier d'un mérite distingué, avec une lettre dont je vous envoie
copie, pour que vous la lui fassiez passer, en cas d'accidents ou d'événements
imprévus qui pourraient arriver. Je lui prescris les mêmes dispositions que je
vous ai fait connaître dans ma lettre d'avant-hier; vous aurez déjà expédié ces
ordres.
Schönbrunn, 24 août 1809
NOTE POUR LE PRINCE DE NEUCHATEL, MAJOR GÉNÉRAL DE
L'ARMÉE D'ALLEMAGNE - A SCHÖNBRUNN.
Le major général demandera au duc de Danzig pourquoi, non
content d'évacuer le Tyrol, il a fait évacuer aussi le Vorarlberg, où tout se
pacifiait. Faire connaître au général Beaumont que j'ai nommé le général
Lagrange commandant du Vorarlberg; qu'il faut s'étudier par tous les moyens à
pacifier ce pays et à y rétablir la tranquillité.
Schönbrunn, 24 août 1809
Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant
l’armée d’Anvers, à Anvers
Mon Cousin, le général Reille, qui est un militaire d'une
haute distinction, vous portera cette lettre. L'expédition actuelle des Anglais
a eu pour but de prendre Anvers et de
brûler mon escadre. La grande quantité de brûlots qu'ils ont fait foi de leurs
intentions à cet égard.
Je suppose que mon escadre se sera placée, comme je l'ai
plusieurs fois ordonné, dans l'enceinte d'Anvers en aval et en amont, couvrant
la place et en même temps en étant protégée, se servant d'une avant-garde pour
appuyer la flottille manœuvrant dans l'espace compris entre le fort Lillo
et la ville. Je suppose que l'on aura profité du mois d'août pour assurer la
défense d'Anvers, qui, couvert par l'inondation et ayant acquis un nouveau
degré de force par les travaux que j'y ai fait faire depuis trois ans, est
raisonnablement inattaquable.
Les forces françaises et hollandaises doivent être
employées à empêcher l'ennemi de cheminer sur Anvers, à le battre s'il faisait
le siège de Lillo; et, enfin, s'il surmontait ces obstacles, ce qui me paraît
difficile, vous devez rester avec votre corps d'armée dans Anvers, comme dans
un camp retranché; quand même l'ennemi aurait assez de forces pour vous cerner
de la droite à la gauche de la place, vous auriez votre communication par la
Tête-de-Flandre, et le duc de Conegliano porterait son quartier général de ce
côté. Ayant ainsi dans vos mains toutes vos forces réunies, et secondé par le
duc de Valmy, qui harcèlerait l'ennemi, il faudrait à l'ennemi des forces
immenses pour cheminer sur Anvers. Vous le tiendrez ainsi éloigné de la place
des semaines entières; vos troupes se formeront, de nombreux renforts vous
arriveront de France, avec laquelle votre communication par la Tête de Flandre
me paraît suffisante.
Il ne faut pas que l'escadre aille plus loin qu'Anvers;
il ne faut pas non plus abandonner Anvers en y laissant seulement une forte
garnison. Il faut occuper Anvers avec tout votre corps d'armée, en maintenant
votre communication par la Tête-de-Flandre.
En manœuvrant ainsi, vous déjouerez les projets des
Anglais, qui auraient besoin de 80,000 hommes pour vous forcer dans Anvers; et
tout me fait penser que, s'ils marchaient sur Anvers, ce ne serait pas avec
plus de 21,000 hommes. Ils doivent avoir perdu beaucoup de monde depuis leur
débarquement dans l’île de Walcheren; ce qui me fait espérer que vous les
empêcherez de passer le canal de Berg-op-Zoom, et que, à mesure que les Anglais
s'affaibliront et par les maladies, qui doivent être funestes dans ce pays pour
leur armée, et par les affaires journalières, l'armée sous vos ordres se
formera, et qu'il deviendra loisible de reprendre l'offensive et de les faire
repentir de leur audace.
Schönbrunn, 24 avril 1809.
Au général comte Reille, aide de camp de
l’Empereur, à Schönbrunn
Monsieur le Général Reille, dirigez-vous sur Mayence, de
Mayence sur Maestricht et de là sur Anvers. Vous trouverez probablement à
Maëstricht le duc de Valmy.
Comme vous n'arriverez que dans les premiers jours de
septembre, il n'est guère possible de prévoir ce qui se sera passé alors. Mes
dernières nouvelles d'Anvers sont du 16. Le prince de Ponte-Corvo avait sa
droite appuyée à Berg-op-Zoom et sa gauche au fort Lillo, ayant devant lui les
marais de Berg-op-Zoom. Le fort Lillo était fortement occupé, ainsi que l'île
de Cadzand, Terneuse et la Tête-de-Flandre. L'escadre était à Anvers et la
ville était armée.
Mon intention est que vous fassiez connaître au prince de
Ponte-Corvo, comme je lui en ai déjà fait donner l'instruction par le ministre
de la guerre, que dans aucun cas il ne doit se laisser couper d'Anvers, et que,
si l'ennemi était supérieur et marchait sur Anvers, il doit s'y tenir comme
dans un camp retranché, ayant sa communication avec la France par la
Tête-de-Flandre, où dans ce cas doit être appuyée la droite du duc de
Conegliano, qui est chargé de la défense de la rive gauche. Le duc de Valmy,
destiné à agir en espèce de partisan dans le même cas, doit battre la campagne
et inquiéter l'ennemi en se tenant en communication avec le duc de Conegliano.
60,000 gardes nationales qui sont sur pied, dont partie est
sous les ordres du duc de Conegliano et partie sous les ordres du duc d'Istrie,
manœuvreront pour marcher d'accord. Les généraux Chambarlhac, Olivier et
Dallemagne, généraux accoutumés à la guerre, le sénateur Colaud qui a le commandement d'Anvers, les sénateurs
Rampon et Soulès sont à l'armée.
Mon intention est que vous restiez là pour être employé,
sous les ordres du prince de Ponte-Corvo, à la défense d'Anvers, et de manière
à contribuer de tous vos moyens au succès des opérations. Vous pourrez m'écrire
tous les jours pour m'instruire de ce qui se passe.
Je compte sur votre zèle et sur votre attachement à ma
personne pour rendre tous les services que vous pourrez, soit du côté d'Anvers,
soit aux différents maréchaux.
L'escadre doit contribuer à la défense d'Anvers. Ce
serait une folie de la faire sortir d'Anvers; elle doit se placer en aval et en
amont, pour aider à la défense de la ville et en être protégée. Tout me porte à
espérer que le grand nombre de troupes que j'ai réunies sur l'Escaut rendra nuls
les efforts de l'ennemi. Il ne pourrait forcer le fort Lillo qu'en l'assiégeant
par terre; ce qui donnerait le temps et offrirait les occasions de tomber
dessus. Le roi de Hollande doit de son côté réunir tous ses moyens. Vous irez
voir ce Prince, le prince de Ponte-Corvo, le duc de Conegliano; enfin vous
devez vous servir du double caractère d'envoyé par moi et de mon aide de camp
pour faire ce qui sera le plus avantageux pour mon service.
Si les circonstances étaient pressantes, vous pourrez
dire que je vais arriver à Paris.
Schönbrunn, 25 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Vous trouverez ci-joint une relation du général
Sébastiani, que la reine d'Espagne m'envoie. Aussitôt que j'aurai reçu celle du
duc de Bellune, qu'il m'annonce, je verrai s'il convient de les faire mettre
dans le Moniteur. Vous verrez par la
relation du général anglais Wellesley que nous avons perdu vingt canons et
trois drapeaux.
Témoignez au Roi mon étonnement, et mon mécontentement au
maréchal Jourdan de ce que l'on m'envoie des carmagnoles et que, au lieu de me
faire connaître la véritable situation des choses, on me présente des
amplifications d'écolier. Je désire savoir la vérité. Quels sont les canonniers
qui ont abandonné leurs pièces, les divisions d'infanterie qui les ont laissé
prendre ? Laissez entrevoir dans votre lettre au Roi que j'ai vu avec peine
qu'il dise aux soldats qu'ils sont vainqueurs; que c'est perdre les troupes;
que le fait est que j'ai perdu la bataille de Talavera; que cependant j'ai
besoin d'avoir des renseignements vrais, de connaître le nombre des tués, des
blessés, des canons et des drapeaux perdus; qu'en Espagne, les affaires
s'entreprennent sans maturité et sans connaissance de la guerre; que le jour
d'une action elles se soutiennent sans ensemble, sans projets, sans décision.
Écrivez au généra! Sébastiani que le Roi m'a envoyé son rapport sur la bataille
de Talavera; que je n'ai point trouvé le ton d'un militaire qui rend compte de
la situation des choses, que je n'ai vu que de l'emphase; que j'aurais désiré
qu'il eût fait connaître les pertes et eût présente un détail précis, mais
vrai, de ce qui s'est passé, car enfin c'est la vérité qu'on me doit et
qu'exige le bien de mon service.
Faites sentir aux uns et aux autres combien c'est manquer
au Gouvernement que de lui cacher des choses qu'il apprend par tous les
individus de l'armée qui écrivent à leurs parents, et de l'exposer à ajouter
foi à tous les récits de l'ennemi.
Schönbrunn, 25 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Je donne ordre aux généraux de division Conroux et
Lamarque, aux généraux de brigade Bourke, Cacault et Gency, et aux adjudants
commandants Dumarest, Passinge et Shée, de se rendre à Bruxelles, où ils
recevront vos ordres pour être employés dans les corps que commandent le prince
de Ponte-Corvo et les ducs de Conegliano et d'Istrie.
J'ai demandé au général Bertrand les noms de quelques
officiers du génie de l'armée connaissant le mieux l'île de Walcheren, pour
être envoyés sur l'Escaut.
Vous recevrez un décret par lequel j'ai nommé le général
d'Hastrel chef d'état-major du prince de Ponte-Corvo. Ce général s'est mis
sur-le-champ en route; il voyagera jour et nuit; il emmène avec lui l'adjudant
commandant Shee, pour être employé dans l'état-major du prince.
Schönbrunn, 26 août 1809, midi.
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 25 août.
La réponse de la légation autrichienne est courte. Leurs communications de vive
voix me paraissent, par cette dépêche, être nulles. La négociation n'avance
pas, et c'est par leur faute. Peut-être est-il convenable d'envoyer un second
courrier à M. de Caulaincourt avec les protocoles des deux séances. M. de
Metternich ne peut se plaindre que ce n'est pas nous qui ne parlons pas.
L'ouverture que vous lui avez faite confidentiellement de prendre pour base
l'équivalent des pertes par l'Autriche à la paix de Presbourg fait presque une
chute de huit millions à trois ou quatre ; et cependant ils n'ont rien
répondu. Lorsque vous avez demandé la cession de la haute Autriche jusqu'à
nous, ils ont assez l'usage des négociations pour savoir que cette demande
n'est pas sans appel; et, par l'observation qu'ils ont faite, qu'ils n'auront
pas de position militaire, ils me paraîtraient disposés à céder jusqu'à la
Traun. Il me reste donc à vous engager à savoir réellement ce que veulent ces
gens-là. Au reste, ce qui se passe ne m'étonne pas; il est dur de se résoudre à
des cessions, surtout à des cessions aussi près de la capitale de la monarchie.
Nous sommes dans une bonne marche ; c'est à eux à en prendre une.
Tâchez de découvrir si c'est embarras de leur position et
nécessité de délibérer, ou si cela tient aux chances de l'expédition anglaise
ou à une négociation étrangère. Mes lettres du 20, de Paris, me font penser que
Flessingue est pris; cependant il y a encore du louche.
Schönbrunn, 26 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
Je reçois vos lettres des 19 et 20. Je suppose que le
prince de Ponte-Corvo ne se sera pas affaibli des secours sur lesquels il doit
le plus compter, de la division Rampon. Il faut fortifier le corps du duc de
Conegliano par les nouvelles levées, et que son but, comme je vous l'ai écrit
il y il plusieurs jours, soit de couvrir la Tête-de-Flandre.
Vous aurez porté son quartier général à Gand. Faites
connaître au duc d'Istrie que j'ai donné ordre à ses aides de camp et à son
chef d'état-major de se rendre à Lille. Je viens de faire ordonner au général
d'artillerie Mossel et au général de brigade Maison de se rendre à Anvers. .Je
vous ai fait connaître hier que j'ai envoyé le général d'Hastrel pour chef
d'état-major au prince de Ponte-Corvo. La division hollandaise du général
Gratien doit être arrivée en Hollande ou à Wesel.
Il ne faut pas envoyer de gardes nationales en poste. Il
vaut mieux qu'elles aillent à journée d’étapes pour se former. Il faut
les bien former au chef-lieu de département avant de les diriger, surtout sur
le point des ennemis, car qu'est-ce que c'est que des hommes désarmés si près
de l'ennemi ? Envoyez des inspecteurs aux revues et des commissaires des
guerres pour qu'il y ait le moins d'abus possible dans cette immense quantité
de monde.
Il y a un mystère sur Flessingue; il ne me paraît pas que
les Anglais en soient maîtres, puisqu'il est d'usage que le commandant ait la
faculté de prévenir son gouvernement par un officier, et parce que la ville l'aurait
fait connaître par quelques signaux. Aurait-on perdu tout à fait la tramontane
dans cette place ? Ceux qui disent que les généraux Monnet et Osten auraient
été tués donneraient l'explication de ce mystère, en supposant que le
commandement fût tombé dans les mains de quelque subalterne ignorant et
pusillanime.
Recommandez au duc de Conegliano de se porter sous les
ordres et au secours du prince de Ponte-Corvo avec le zèle qu'exigent les
circonstances. Il doit sentir que, si les ennemis attaquent la rive gauche, il
n'a rien de mieux à faire que de se prêter à ce que lui demandera le prince de
Ponte-Corvo.
Si l'ennemi s'approchait d'Anvers, il ne faudrait plus y
envoyer de gardes nationales; l'ennemi est beaucoup trop près; désignez un
point plus en arrière; cette ville est déjà trop encombrée et serait surchargée
d'un embarras qui nuirait à l'organisation de ses moyens de défense. On avait
choisi Anvers comme lieu de réunion des gardes nationales, parce qu'Anvers
était alors fort loin du point attaqué. Il faut en général beaucoup d'ordre et
de travail dans l'organisation de ces gardes nationales. Je ne puis croire que
Flessingue se soit rendu après une si légère résistance.
La négociation continue à Altenburg, mais elle marche
lentement; on attend l'issue des événements de l'Escaut.
P. S. Il ne faut aucun froissement. Si cela est
nécessaire, mettez Moncey sous les ordres du prince de Ponte-Corvo; cela lèvera
tout embarras. Si le maréchal Moncey allait mal volontiers sous les ordres du
prince, ce que je ne saurais croire, il faudrait le rappeler.
Schönbrunn, 26 août 1809
Au général Clarke, ministre d’Hunebourg, ministre
de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke, toutes les nouvelles que je
reçois d'Angleterre, et que vous verrez par les journaux anglais, prouvent que
l'ennemi a deux buts: de prendre l'île de Walcheren et de brûler l'escadre. Il
est possible que, s'étant aperçu que le général Monnet mettait l'île sous les
eaux, il parlemente avec lui pour empêcher ce désastre. Mais comment cela empêcherait-il
Flessingue de faire quelques signaux ? Si Flessingue était pris, l'île de
Cadzand n'aurait presque plus d'importance. On doit être porté à penser que les
premiers coups se porteront sous les murs du fort Lillo. Les Anglais
prendront-ils ou ne prendront-ils pas ce fort ? Voilà la question. Il est bien
important que toutes les forces soient concentrées sur Anvers.
Je pense toujours que le prince de Ponte-Corvo n'aura pas
exécuté votre ordre de renvoyer ses meilleures troupes dans l'île de Cadzand.
P. S. Vous verrez par mes lettres subséquentes que vous
avez mal compris mes ordres, et que, au lieu d'un corps d'observation de l'île
de Cadzand, c'est un corps de la
Tête-de-Flandre qu'il fallait organiser.
Schönbrunn, 26 août 1809
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je reçois votre lettre du 16 août. Je suis avec un vif
intérêt les progrès de votre marine ; ses combats journaliers sont du
meilleur effet. Il serait bien glorieux pour vous, et tout à fait dans les
besoins de votre royaume, d'avoir une escadre de quatre à cinq vaisseaux de
ligne et de huit à dix frégates, ne serait-ce que pour agir contre les
Barbaresques et protéger vos côtes.
Je vous ai mandé de me diriger sur Bologne, d'abord, tout
ce que vous pouvez envoyer de vos troupes. Je désire que vous ayez fait partir
deux bataillons du 14e d'infanterie légère, deux bataillons du 6e léger, deux
bataillons du 101e de ligne ou du 22e léger, et le bataillon de la Tour
d'Auvergne, si vous le jugez convenable, ou un bataillon de vos troupes. Si
vous pouviez joindre à cette colonne deux de vos bataillons, aussi bien que vos
chasseurs à cheval, faites-le.
Du moment que ces troupes seront hors de vos frontières,
vous n'aurez plus à leur payer que leur solde, et je me chargerai de leur nourriture
et de leur entretien.
J'ai besoin de réunir au centre de l'Italie 8 à 10,000
hommes.
Les Bavarois ont échoué dans le Tyrol, et il paraît que
ces montagnards seront difficiles à soumettre. Si donc les hostilités viennent
à recommencer, j'ai besoin de 8 à 10,000 hommes, Français, Napolitains et de
toute autre nation, pour contenir l'Italie et le Tyrol. Je pense donc que vous
aurez mis votre 1er régiment de chasseurs dans cette colonne.
Si le général de brigade Digonet ne vous est pas utile,
vous pouvez l'envoyer pour prendre le commandement de cette colonne. Voilà
l'hiver qui approche, et je suppose que les Anglais ne pourront plus rien
tenter sur vos côtes.
Si la guerre venait à recommencer ici, je vous verrais
avec plaisir venir reprendre le commandement de ma cavalerie, qui n'a jamais
été plus belle, car j'ai 40,000 chevaux, indépendamment de ceux qui sont en
Espagne.
Le général Arthur Wellesley a été battu en Espagne et
forcé de se retirer sur Lisbonne en nous laissant tous ses blessés. Mais lord Chatham,
avec quatre cents bâtiments de transport et 40,000 hommes, est venu débarquer à
Walcheren, et je crains qu'à l'heure qu’il est Flessingue ne soit pris.
Le maréchal prince de Ponte-Corvo est à Anvers, où il a pris poste avec toutes
les troupes qui s'y trouvent. Le maréchal Moncey est à Gand. Le maréchal duc
d'Istrie est à Lille ; 100,000 gardes nationales sont accourues de tous
les côtés. Jugez quelle immense dépense tout cela me produit ! Quelle que soit
l'issue de cette expédition, les Anglais y perdront immensément de monde par
maladie et par suite des évènements de la guerre. La nécessité de secourir le
Portugal va exiger des renforts nombreux; ainsi il n'y a plus à craindre qu'ils
envoient des forces en Sicile.
Schönbrunn, 27 août 1809, cinq heures après midi.
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 26 à
deux heures après midi.
Je vois que les négociations ne marchent point. Je vous envoie
les journaux anglais jusqu'au 15 août. Je désire que vous ne les montriez à
personne et que vous les gardiez pour vous seul. La relation de la bataille de
Talavera y est fausse en plusieurs points. Lord Wellesley s'est, depuis, retiré
en Portugal, abandonnant ses blessés.
Flessingue paraît décidément être pris; nous ne
connaissons pas encore la capitulation; et le 19, à Breskens, il y avait encore
un mystère là-dessus. Cependant il paraît certain que la ville est prise.
Le maréchal prince de Ponte-Corvo commande à Anvers; mon
escadre est renfermée dans l'enceinte de la place. La flottille et un vaisseau
seulement sont à Lillo. Le duc de Conegliano est à Gand; le duc d'Istrie est à
Lille. Nous nous donnons beaucoup de mouvement; on prépare à Anvers des
brûlots. Mes nouvelles d'Anvers sont du 21. L'ennemi avait voulu faire un
mouvement et s'était avancé à une portée de canon de Lillo, mais il s'était
retiré. Tout porte à penser qu'il ne s'exposera pas à un échec.
Il faut me proposer des moyens, qui soient le moins
coûteux, d'avoir en Perse un charge d'affaires.
Schönbrunn, 27 août 1809
Au maréchal
Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant l’armée d’Anvers
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 18; j'ai reçu celle
du 20.
Le général Reille vous arrivera le 30 et vous portera une
lettre de moi. Flessingue rendu après un bombardement de vingt-quatre heures
est une chose qui ne peut s'expliquer. Cette place devait tenir six mois par la
protection de l'inondation. Cependant ces vingt jours perdus par l'ennemi ont
mis à même de se mettre en état et de se préparer à Lillo et à Anvers. Je n'ai
rien à ajouter à mes derniers ordres. Si Flessingue est pris, je ne puis
l'attribuer qu'au manque de tête du commandant. Sous ce point de vue, je
considère Anvers comme imprenable. L'escadre, la garnison, l'armée et vous,
devez ne pas vous séparer d'Anvers et courir son sort. Je vois avec confiance
que vous avez enfin 80,000 hommes de troupes, toutes troupes. Le général
d'Hastrel est parti, il y a trois jours, pour être votre chef d'état-major. Le
général d'artillerie Mossel est parti de Bayreuth avec le général de brigade
Maison. Les généraux de division Lamarque et Conroux et quatre généraux de
brigade sont également partis. Des officiers du génie connaissant la Hollande et
Flessingue partent pour Anvers; un chef de bataillon, deux _capitaines et deux
lieutenants d'artillerie s'y rendent également en poste. Je me confie en votre
bravoure, habileté et expérience. Si les ennemis tentent quelque chose contre
Anvers, ils seront repoussés.
Schönbrunn, 27 août 1809
A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Dresde
J'ai reçu la lettre de Votre Majesté. Je la félicite sur
sa rentrée dans sa capitale. J'espère que, quels que soient les événements, les
ennemis n'y rentreront plus. Je vois avec plaisir qu'elle a porté le nombre de
ses gardes nationales à 2,400, force suffisante pour garder l'enceinte de la
ville, et qu'elle a fait armer ses remparts de soixante pièces de canon. Les
mesures qu'elle a prises pour avoir un corps de 6,000 hommes d'infanterie et de
2,000 chevaux, avec pièces d'artillerie attelées, me paraissent extrêmement
convenables. Cela formera à Dresde une bonne division. J'ai donné ordre au duc
d'Abrantès de se porter à Dresde et de visiter lui-même toute la frontière.
Les conférences se suivent à Altenburg, mais il paraît
que la descente des Anglais en Zélande, ou rehausse les espérances des
plénipotentiaires autrichiens, ou met plus de lenteur dans leur marche.
D'ailleurs, il y a dans le cabinet beaucoup de divisions.
Le prince Charles, qui, après s'être momentanément laissé entraîner dans ce
système de guerre, en est le premier revenu, parait avoir été desservi auprès
de son frère et avoir encouru sa disgrâce.
Schönbrunn, 28 août 1809
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, écrivez au sieur Bourgoing que je
suis étonné que le général Carra Saint-Cyr prenne un traitement; qu'il ne doit
en prendre aucun. Faites connaître également au sieur Bourgoing que je donne
des ordres à l'intendant général pour que les bons du roi de Saxe ne soient pas
présentés jusqu'à de nouvelles circonstances.
Schönbrunn, 28 août 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de
l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn
Mon Cousin, écrivez au général Carra Saint-Cyr qu'il ne
doit prendre aucun traitement du roi de Saxe; que cela est de règle dans une
province ennemie, mais qu'on ne doit rien exiger d'un allié; que c'est à
l'armée à pourvoir à son traitement; qu'il faut donc qu'il refuse toute espèce
d'indemnité du roi de Saxe.
Schönbrunn, 28 août 1809
ORDRE.
Un officier d'ordonnance partira demain à la pointe du
jour et ira à Anger, où il couchera, prendra des renseignements sur la
situation de la tête de pont, sur le nombre d'ouvriers qui y travaillent, sur
ce qu'il y a de fait et sur l'époque où elle sera terminée.
De là il ira aussi loin qu'il pourra, jusqu'à nos
avant-postes, et par Malaczka jusqu'à Gœdin, et s'en reviendra par
Nikolsburg.
D'Anger à Gœding, il ira à petites journées,
s'informera de ceux de nos postes qui sont sur la limite des cantonnements, des
régiments qu'il y a vis-à-vis, et prendra tous les renseignements qui peuvent
faire connaître les dispositions et mouvements de l'ennemi. II s'assurera à Gœding
que les ouvrages ont été entièrement détruits; il s'informera s'il doit encore
passer des troupes par là. A Nikolsburg, il prendra la situation de la division
de cavalerie légère de Quesnel et visitera l'emplacement de·la division Morand.
Il prendra des notes deux ou trois fois par jour, pour ne
rien oublier; il marquera les villages où il passera, le nombre de maisons, la
population et les endroits où les troupes se trouvent. En revenant par la route
de Brünn, il prendra les mêmes l'enseignements sur la manière d'être des
troupes, maladies, etc.
Schönbrunn, 29 août 1809
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, j'ai reçu vos lettres du 27; je
reçois celles du 28. Je ne vous ai pas écrit hier. Il me semble que vous pouvez
faire la réponse ci-jointe aux plénipotentiaires autrichiens. Vous leur ferez
remarquer que cela ne fait pas deux millions d'habitants.
Je pense que vous aurez envoyé un courrier en Russie
porter les protocoles des cinquième et sixième séances.
Les nouvelles d'Espagne sont bonnes. Venégas a eu la
bêtise de perdre deux jours; il a été attaqué et battu. Il a perdu ses bagages,
quarante pièces de canon et 4,000 prisonniers. Il est poursuivi en Andalousie.
Les Anglais rentrent en Portugal, après avoir perdu 10,000 hommes et trente
pièces de canon. Girone est en notre pouvoir.
Du côté de l'Escaut, il n'y a rien de nouveau; trois
armées se forment, l'une de 40,000 hommes à Anvers, sous les ordres du prince
de Ponte-Corvo; l'autre à Gand et dans l'île de Cadzand, forte de 30,000
hommes, sous les ordres du duc de Conegliano, et la troisième de 40,000 hommes
à Lille, sous les ordres du duc d'Istrie.
NOTE.
Les plénipotentiaires autrichiens ont fait connaître dans
une note qu'ils désiraient savoir ce que le soussigné avait entendu par des
réserves du côté de l'Italie, et que, lorsqu'ils auraient cette communication,
ils remettraient un contre-projet. Le soussigné a l'honneur de répondre qu'il a
entendu se réserver la Carinthie, la Carniole et les pays compris dans une
ligne qui, de la Carniole, suivrait le cours de la Save jusqu'à la Bosnie.
Schönbrunn, 29 août 1809
Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de
la guerre, à Paris
On a mal fait de demander à Paris des armes, surtout avec
tant d'éclat. C'est faire croire au dénuement de nos arsenaux; nous n’en
sommes pas réduits là. Il doit y avoir quelque part 40,000 fusils hanovriens,
dont on aurait pu se servir dans cette circonstance.
L’événement fait voir que nous n'avons pas les
armes proportionnellement à l'étendue de territoire et à l'importance de nos
arsenaux.
Puisque ma réserve de 120,000 fusils va en diminuant par
les guerres que nous avons dû soutenir, je pense qu'il est nécessaire d'y
suppléer en faisant fabriquer 300,000 fusils du n° 1 républicain. On fera de
ces armes tant qu'on voudra dans une année, et on peut les avoir à bon marche.
On les mettra à part pour une circonstance telle que celle-ci, et même il
serait utile de les donner aux recrues. Ce serait une dépense de six à sept millions
que je ferais volontiers.
Faites-moi un rapport là-dessus. Il paraît que l'on ne
fait que 120,000 fusils par an du modèle de 1777; c'est à peu près ce que nous
consommons. Il faudrait qu'indépendamment de ces 120,000 fusils on en fit 120
ou 140,000 du n° 1. Je n'en serai pas embarrassé, parce que, lorsqu'ils ne
serviront pas, je les céderai à des puissances amies.
Que sont donc devenus les 60 ou 80,000 fusils que j'avais
faits réunir à Saint-Omer pour l'expédition d'Angleterre ?
Schönbrunn, 29 août 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de
l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn
Expédiez sur-le-champ un de vos officiers au général
Rusca, avec les instructions suivantes.
Sa Majesté a choisi le général Rusca pour négocier avec
les Tyroliens et voir s'il n'y a pas moyen de fixer le sort de ces peuples sans
avoir recours aux armes.
Au reçu de la présente, le général Rusca enverra un
officier intelligent auprès des chefs des Tyroliens pour leur faire connaître
que je désire arranger leurs affaires à l'amiable, afin de ne pas être obligé
de porter la mort et l'incendie dans leurs montagnes; que, si le but de leur
révolte est de rester attachés à l'Autriche, je n'ai plus qu'à leur déclarer
une guerre éternelle, parce qu'il est dans mes intentions que jamais ils ne
rentrent sons la domination de la Maison d'Autriche; que, s'ils ont un autre
but, qu'ils désirent soit des privilèges, soit toute autre chose, je souhaite
et désire leur tranquillité et contribuer à leur bonheur; que, s'ils ne veulent
pas être Bavarois, je ne trouverai pas d'inconvénient à les réunir à mon
royaume d'Italie, et à leur accorder des privilèges et une organisation qui
satisfassent leurs vues et assurent leur tranquillité et leur bien-être; qu'il
est convenable, pour ménager la dignité de la Bavière et celle de la France, de
ne rien mettre par écrit de ces conditions, mais d'avoir une entrevue et de
voir s'il y a moyen d'arriver à cet arrangement. Si cela forme la volonté des
Tyroliens, qu'ils s'assemblent, qu'ils m'envoient une députation nombreuse,
qu'ils fassent leur demande de réunion au royaume d'Italie ; qu'enfin ils
fassent connaître ce qu'ils désirent, et je verrai si je puis le leur accorder,
car je préfère les soumettre plutôt par la conviction que par la force des
armes.
Schönbrunn, 29 août 1809
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 11e
corps, à Krems
Allez voir Presbourg, la position de Theben, Marchegg,
Anger, et remontez la March jusqu'à Gœding; de là allez à Nikolsburg et
Brünn; visitez la citadelle de Brünn, et revenez par Znaym sur Krems. Cette
tournée est convenable pour bien observer la nature, le terrain entre les monts
Karpathes, aussi loin que vous le pourrez, jusqu'aux postes ennemis. Reconnaissez
bien Presbourg et le terrain depuis Presbourg jusqu'à Marchegg et le long de la
March.
Schönbrunn, 30 août 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de
l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn
Mon Cousin, écrivez au général Reynier qu'il est nécessaire
qu'il prenne des mesures pour qu'à dater du ler septembre il y ait toujours 800
travailleurs saxons à la tête de pont d'Anger, afin que cette tête de pont
puisse être terminée pour le 10 septembre. Recommandez-lui également de mettre
des travailleurs en nombre suffisant pour finir promptement les travaux de
Theben.
Faites-lui connaître que je pars cette nuit pour aller à
Raab; que je partirai probablement de Raab dans la nuit du 31 au 1er; que de
Kitsee je viendrai m'embarquer pour faire un tour dans Presbourg au galop, de
là voir le château; mais que je désire rester dans le plus grand incognito, que
la garnison ne s'en aperçoive même pas. Je le ferai prévenir de l'heure, et il
pourra, comme pour se promener, venir à Kitsee; que, quant au corps de troupes
qu'il commande, je désignerai un jour pour le voir dans la plaine de Marchegg.
Schönbrunn, 31 août 1809
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Altenburg
Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre. Je vous
verrai volontiers à mon retour. Je devais depuis longtemps voir Raab et la
ligne de la Raab, et je me suis décidé à faire cette tournée aux premières
fraîcheurs.
Schönbrunn, 31 août 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de
l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn
Mon Cousin, envoyez l'ordre au général de division
Montbrun de porter son quartier général à Göding. La brigade Jacquinot couvrira
les postes sur Olmutz, du côte de Wischau, ainsi que sur Iglau et sur Zwittau.
La brigade Pajol éclairera le chemin de Göding à Hradisch et celui de Göding
sur Presbourg. Cette brigade sera cantonnée aux environs de Göding ; elle
fera le service jusqu'à l'embouchure de la Taya. Donnez ordre au général de
brigade Colbert de porter son quartier général à Malaczka et de couvrir depuis
Sankt-Johann jusqu'à Stampfen; les villages de l’une et l'autre rive
seront occupés par cette brigade, non compris Marchegg et Stampfen, qui
continueront à être occupés par les Saxons.
Schönbrunn, 31
août 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de
l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn
Mon Cousin, la gendarmerie ne fait aucune espèce de
service. Il arrive journellement des courriers de Komorn, de sorte que
l'empereur d'Autriche gouverne l'Autriche comme s'il y était maître. Donnez
l'ordre formel au commandant de la gendarmerie que tous les courriers venant
sur la route de Raab et sur toute la ligne de nos postes soient dirigés sur
l'état-major général, hormis les courriers que M. de Metternich, qui est à
Altenburg, enverrait à Komorn et en recevrait, ceux-là seuls ayant une spéciale
liberté. Les dépêches de tout autre courrier ne doivent être remises que par
mon ordre. Tenez la main à l'exécution de cet ordre, que le commandant de la
gendarmerie fera exécuter sur toutes les routes, et avant peu nous aurons cinq
ou six courriers autrichiens porteurs de dépêches. J'avais donné l'ordre
qu'aucune signature que la vôtre ne devait autoriser le passage d'un courrier
ou individu quelconque sur la ligne occupée par l'armée; rendez-moi compte si
vous avez donné cette autorisation pour quelques courriers.
Schönbrunn, 31 août 1809
Au général comte de la Riboisière, commandant
l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne
Monsieur le Général la Riboisière, je vous ai envoyé un
ordre pour porter l'artillerie saxonne à trente-six pièces de canon. Voici la
situation actuelle de cette artillerie, divisée en cinq batteries, savoir : une
batterie d'artillerie à cheval de deux pièces de 6 et de deux obusiers, et
quatre batteries d'artillerie à pied de trois pièces de 8 et d'un obusier du
calibre saxon. Il y a de plus au parc cinq pièces de 8 et trois obusiers
saxons; ce qui fait en tout vingt-huit pièces. Il paraît que les pièces de 8 et
les obusiers saxons sont d'un calibre particulier, ce qui rend nécessaire de faire
revenir à Vienne six pièces de 8 et deux obusiers. Ces pièces serviront pour la
place. Il faudrait les remplacer par huit pièces de 6. Il resterait encore à
donner aux Saxons huit pièces de canon pour arriver au nombre de trente-six.
Ces trente-six pièces seront divisées en six batteries,
de six pièces chacune. En attendant que vous puissiez en fournir trente-six, il
faut en organiser au moins trente, afin qu'il y ait une batterie à cheval et
quatre à pied. Le général Reynier me rend·compte qu'il aura les canonniers et
les chevaux d'artillerie nécessaires pour servir trente pièces avec leur
approvisionnement à 300 coups. Donnez donc sans délai les ordres pour retirer
les six pièces de 8 et les deux obusiers, pour les remplacer, et pour porter
d'abord à trente le nombre des pièces; les six autres seront fournies après.
Mais, par-dessus tout, il faut un officier général français pour commander
toute cette artillerie. L'armée saxonne a aussi besoin de fusils; ses fusils ne
sont pas d'une aussi bonne qualité que les nôtres. Je donne ordre que les deux
compagnies de pontonniers qui sont à Linz rejoignent le corps saxon à
Presbourg.