16 – 30 avril 1809
Ludwigsburg, 16
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Augsbourg
Mon Cousin, je reçois
votre lettre par laquelle vous m'annoncez que vous faites partir le corps
d'Oudinot pour Ratisbonne. Vous ne me faites pas connaître ce qui nécessite une
mesure si extraordinaire qui affaiblit et dissémine mes troupes. Je pense que,
si vous n'avez pas été porté à cette décision par des motifs extraordinaires,
vous ordonnerez au général Oudinot d'arrêter son mouvement et de se placer
entre Ratisbonne et Augsbourg, afin d'être en mesure de se porter sur cette
dernière place, si le cas l'exigeait. Quant à l'ordre d'occuper Straubing par
le général de Wrede, je ne le comprends pas, parce que j'ignore pourquoi il l'a
évacué. Quant à l'ordre d'occuper Landshut, je ne le trouve pas raisonnable. Le
maréchal Lefebvre avait bien fait de concentrer ses forces à Munich; deux
divisions sont plus fortes qu'une. Je ne comprends pas bien l'esprit de votre lettre du 13 au soir,
et j'aurais préféré savoir mon armée concentrée entre
Ingolstadt et Augsbourg, les Bavarois en première ligne, comme s'était placé le
duc de Danzig, jusqu'à ce que l'on sache ce que l'ennemi veut faire. Il me
tarde d'avoir des nouvelles du duc d'Auerstaedt. Il faut se conformer à mon
instruction, qui est de rallier mon armée et de l'avoir dans la main. Si
l'ennemi devait déboucher par le Tyrol et que l'on fût dans le cas de donner
bataille à Augsbourg sans quoi le général Oudinot y fût, ce serait un grand
malheur. Si, d'un autre côté, on était obligé d'abandonner Augsbourg, qui n'est
pas encore en état de se défendre, et de livrer ainsi nos magasins d'Ulm, ce
serait encore un grand malheur. Tout était parfait si le duc d'Auerstaedt eût
été près d'Ingolstadt, le duc de Rivoli avec les Wurtembergeois et le corps
d'Oudinot auprès d'Augsbourg. Puisque l'ennemi a attaqué, il faut savoir quel est
son plan. Le principal est qu'Oudinot soit à Augsbourg avant l'ennemi, et
qu'il ait les deux bien ouverts. Quant au duc d'Auerstaedt, aux divisions
Saint-Hilaire, Nansouty et Montbrun, l'instruction est pour eux comme pour tout
le monde : se concentrer entre Ratisbonne, Ingolstadt et Augsbourg ;
de sorte qu'il fallait raire juste le contraire de ce que vous avez fait. Il
est possible que je parte d’ici aujourd’hui de manière à arriver ce
soir à Dillingen. Écrivez-moi par cette route.
Ludwigsburg, 16
avril, quatre heures du matin
Au maréchal
Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l’armée
d’Allemagne, à Augsbourg
Mon Cousin, je
suis arrivé à Stuttgart. Je suppose que vous occupez la tête de pont de
Landsberg par un détachement, et que vous faîtes faire des patrouilles sur
votre extrême droite. J'ai appris qu’on avait envoyé le
général Oudinot sur Ratisbonne. J'ai donné l'ordre qu'il arrêtât son mouvement
et se tînt à portée de vous, afin qu'il pût vous rejoindre, avant l'ennemi,
sous Augsbourg, et que, si les
Autrichiens tentaient quelque chose, votre corps, celui d'Oudinot, celui du
général Vandamme et celui du duc de Danzig fussent
réunis.
Faites
reconnaître une position qui est assez loin derrière Munich, celle de Dachau.
J'attends de
savoir ce que l'ennemi aura fait du côté de la Bohème. Il est à penser que les
bataillons qui doivent venir d'Italie pour vous renforcer en auront été
empêchés par l'insurrection du Tyrol et auront rétrogradé sur Trente.
Écrivez-moi par
Dillingen, où il est possible que j'aille ce soir.
Stuttgart, 16
avril 1809, une heure du malin
A Eugène
Napoléon, vice-roi d’Italie, à Sacile
Mon Fils,
j'arrive à Stuttgart. Les Autrichiens sont toujours sur l'Inn, vis-à-vis
Braunau; du moins telle était encore leur position le 14. Il paraît que le
Tyrol s'est insurgé et qu'il y a eu des événements, dans les journées du 11 et du 13, qu'on ne connaît pas bien; il y avait peu de
troupes bavaroises. Je suppose que la colonne de mes troupes partie de Brescia
sera retournée sur Trente. J'aurais désiré qu'elle pût arriver ici; mais du
moins elle vous servira et augmentera d'autant vos forces. Si les Autrichiens
jettent de vos côtés des proclamations incendiaires, comme ils l'ont fait ici,
répondez-leur par une proclamation vive, qui rappelle la manière dont ils ont
maltraité l'Italie. Réunissez bien vos troupes. Marchez posément, et prenez
bien toutes vos mesures avant de rien entreprendre. Je suppose qu'ils n'auront
rien tenté de vos côtés.
Donnez des
nouvelles en Toscane, à Naples, en Dalmatie.
Jusqu'à cette heure les troupes françaises ne se sont pas encore trouvées en
présence.
Donauwoerth, 17
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Augsbourg
Mon Cousin,
j'arrive à Donauwoerth. J'aurais bien désiré vous y trouver; mais, dans l'idée
que j'allais à Augsbourg, vous étiez parti pour cette ville. J'ignore
absolument où se trouve le duc d'Auerstaedt, et je vois que personne ne sait
précisément où il
est. Le général Vandamme m'assure que l'ennemi est à Ratishonne.
Cela étant, il me semble que ma position est plus naturellement établie ici
qu'à Augsbourg, Donauwoerth étant le quartier général et le point de réunion
de deux corps. J'aurais désiré que vous, allant à Augsbourg, vous eussiez
laissé ici Monthion. Rendez-vous le plus tôt possible ici. Il paraît que le duc de Danzig s'est retiré sur Geisenfeld;
il me semble qu'il se replie beaucoup sur sa gauche.
Donauwoerth, 17
avril 1809, huit heures du matin
Au maréchal
Lefebvre, duc de Danzig, commandant le 7 corps de l’armée
d’Allemagne, à Geisenfeld
J'arrive à
Donauwoerth, où j'ouvre la lettre que vous écrivez, le 16, à neuf heures du
soir, au prince de Neuchâtel. Je reste ici.
Envoyez-moi un
officier qui connaisse parfaitement la situation de vos troupes et ce qui s'est
passé, afin que je sois parfaitement instruit de tout. Faites-moi connaître
vous-même où vous croyez les principales forces de l'ennemi.
Donauwoerth, 17
avril 1809, dix heures du matin
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Ratisbonne
Mon Cousin,
j'arrive à Donauwoerth. J’apprends que vous occupez Ratisbonne. Mon
intention a toujours été de concentrer
mes troupes derrière le Lech. Repliez-vous avec toutes vos troupes sur
Ingolstadt. Je donne ordre au duc de Danzig de tenir en respect le corps de
Landshut et de protéger votre mouvement. La division Friant doit également se
replier sur Ingolstadt ; il peut cependant garder des postes
d’observation sur l’Altmühl, en considérant l’Altmühl comme
une grande tête de pont, à six lieues d’Ingolstadt. Tenez vos troupes
resserrées et en ordre ; et si, dans ce mouvement brusque auquel
l’ennemi ne s’attend pas, vous trouvez moyen de tomber sur la
colonne de Landshut, si elle s'est avancée, ce sera une superbe occasion; mais
ne vous éloignez pas de plus d'une demi-marche pour
la faire naître.
Pour vous
rendre à Ingolstadt, vous devez passer par Neustadt.
De Neustadt, où
vous ne pourrez être que demain soir 18, je serai à même de vous donner des
ordres. Toutefois, si vous n'en recevez pas, vous devez continuez votre
mouvement sur Geisenfeld, vous trouvant ainsi à trois lieues d'Ingolstadt, sans
jamais passer sur la rive gauche.
J'attends avec
impatience des nouvelles de l'ennemi. Quel est le corps d'armée autrichien qui
a débouché à Landshut ? Où se porte t-il ? Quelle est la marche des autres
colonnes ennemies, dont vous ou le général de Wrede auriez connaissance ?
Donauwoerth, 17
avril 1809, dix heures du matin
Au général comte
Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Augsbourg
Monsieur le
Général Bertrand, j'arrive à Donauwoerth; rendez vous-y sans délai. J'ai
écrit, par un aide de camp du duc de Rivoli, au prince de Neuchâtel de se
rendre à Donauwoerth. Lorsque vous recevrez celle-ci, rendez-vous chez lui et
assurez-vous qu'il a reçu ma lettre, sans quoi la vôtre lui servira.
Faites
connaître au commandant de la place et au général Oudinot que je suis ici.
Voyez aussi l'ancien électeur de Trèves; dites-lui la même chose et ajoutez que
je ne tarderai pas à aller le voir.
Donauwoerth, 17
avril 1809, onze heures du malin
Au maréchal
Davout, duc de Danzig, commandant le 3e corps de l’armée
d’Allemagne, à Geisenfeld
Mon Cousin, je
donne ordre au duc d'Auerstaedt de se porter d'abord par Neustadt pour
s'appuyer sur Ingolstadt. Mon intention est que vous vous rendiez à l'avant-garde, à Neustadt, où se
trouve le général de Wrede, et que vous réunissiez vos troupes pour tenir en
respect le corps de Landshut, ou vous porter au secours du duc d'Auerstaedt,
s'il était nécessaire, pendant qu'il fera son mouvement, et coopérer à la
défaite du corps de Landshut, si le retour inopiné du duc d'Auerstaedt le
surprenait et mettait à même de lui faire du mal. J'attends avec impatience des
nouvelles de l'ennemi. Quel est le corps d'armée autrichien qui a débouché à
Landshut ? Où se porte t-il ? Quelle est la marche des autres colonnes
dont vous ou le général de Wrede auriez connaissance ?
P. S . .Je reçois à l'instant la lettre ci-jointe du général de
Wrede. Vous sentez combien il est important de tenir votre corps réuni pour
soutenir le duc d'Auerstaedt et lui donner le temps de se replier sur Neustadt
et Geisenfeld. Il n'y a pas d'inconvénient
que vous lui fassiez connaître les positions que vous prenez pour protéger son
mouvement, et que vous lui fassiez connaître que je lui ai envoyé, à dix heures
du malin, l'ordre de se porter sur Ingolstadt par la rive droite du Danube.
Donauwoerth, 17
avril 1809, à midi.
Au général de
Wrede, commandant la 2e division bavaroise (7e corps), à Biburg
Sa Majesté,
étant arrivée elle-même sur la ligne de son armée, il ordonné au duc de Danzig de réunir tout son corps sur votre avant garde,
et de manœuvrer entre l'Isar et Neustadt pour contenir la colonne ennemie
et favoriser le mouvement du duc d'Auerstaedt, qui a ordre de se rendre demain
à Neustadt, afin que l'armée se trouve réunie entre Ingolstadt et Augsbourg.
Ecrivez au duc
d'Auerstaedt qu'il a reçu l'ordre directement de l'Empereur, par un de ses
officiers d'ordonnance parti à onze heures du matin, de se rendre avec tout son
corps à Neustadt; que s'il n'avait pas reçu cet ordre, vous êtes autorisé à lui
en écrire, parce que l'ordre aurait pu être intercepté et que l'ordre de
quitter Ratisbonne et de se rendre à Neustadt, doit être considéré comme un
ordre de l’Empereur signé de lui, dont vous êtes chargé de lui
transmettre le duplicata. Cela tient aux
intentions de l’Empereur, qui veut avoir tout son monde dans la main.
Il est possible
que le retour brusque du duc d’Auerstaedt, qui a avec lui plus de 60,000
hommes joints au corps bavarois, vous mettre à même d’écraser
l’ennemi qui a débouché sur Landshut. Vous recevrez les ordres du duc
d’Auerstaedt, mais je vous écris directement afin que vous manoeuvriez en
conséquence, indépendamment des autres corps bavarois.
(On lit sur la minute : « Cette
lettre devait être expédiée par le major général, mais signée par
l'Empereur. »)
Donauwoerth, 17
avril 1809
Au maréchal Masséna,
duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l’armée
d’Allemagne, à Augsbourg
Je reçois vos
deux lettres du 15 et du 16 avril. .Je ne fais que d'arriver à Donauwoerth. Il
est possible qu'avant d'aller à Augsbourg je me porte au corps du duc
d'Auerstaedt. Tenez-vous toujours en mesure avec des moyens de quatre jours de
pain, afin de pouvoir marcher du moment que l'ennemi s'approchera un peu et
qu'on connaîtra bien ses dispositions.
Donauwoerth, 17
avril 1809, une heure après midi
Au maréchal
Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l’armée
d’Allemagne, à Augsbourg
Vous recevrez
dans la nuit l'ordre de partir demain, à deux heures du matin, avec votre corps
d'armée et celui du général Oudinot. Le major général rédige dans ce moment vos
instructions, mais vous devrez, au reçu de cette lettre, faire vos
dispositions. Préparez-vous quatre jours de biscuit:,
quatre jours de pain, et organisez Augsbourg comme si cette place devait être
assiégée. Laissez-y un général commandant les dépôts français des deux corps,
les malades, un régiment badois et un hessois, quelques adjoints français,
quatre officiers du génie, un officier d'artillerie et deux commissaires des
guerres.
Deux compagnies
d'artillerie qui sont ici vont se rendre à Augsbourg. Ces troupes occuperont la
tête de pont et la ville. Faites fermer toutes les portes d'Augsbourg; que
personne n'y entre ni n'en sorte, afin que l'on ignore votre mouvement. Que les
corps de cavalerie que vous avez empêchent d'aller sur la route de Munich.
Le général
Moulin, que j'ai destiné au commandement d'Augsbourg, va s'y rendre.
Instruisez-le de ce qu'il a à faire. Cerné par toute l'armée ennemie, il faut
qu'il s'y défende et s'y maintienne jusqu'à ce que les pièces de siège soient
arrivées et la brèche faite. Donnez les derniers ordres pour que les fossés
soient remplis. Tout ce qui arrivera de Français isolés, de compagnies,
bataillons et escadrons de marche, accroîtra la garnison. Il ne devra sortir
d'Augsbourg que des convois de pain, par suite des ordres que vous donnerez, et
sous escorte; que les bagages, embarras, femmes, etc., restent à Augsbourg. Le
général qui commandera à Augsbourg, indépendamment que sa communication sera
libre par la rive droite du Lech, communiquera librement avec Ingolstadt par la
rive gauche.
Votre marche a
pour but de se combiner avec celle de l'armée, pour prendre l'ennemi en
flagrant délit et détruire ses colonnes. Il faut donc que vous soyez léger, que
vous n'ayez point de queue, que le parc d'artillerie soit avec le corps d'armée,
que, deux heures après qu'il aura débouché, il n'y ait plus rien sur la route.
Répondez-moi dans la nuit, et faites-moi connaître s'il y a suffisamment de
munitions, vivres et approvisionnements à Augsbourg; vous sentez que je parle
dans le cas de siège. S'il y a, en munitions et approvisionnements, de quoi
tenir douze ou quinze jours, c'est tout ce qu'il faut. En partant, vous mettrez
la place en état de siège, et dès ce moment tout doit obéir au commandant. Tous
les bagages qui se trouveraient entre Ulm el Augsbourg doivent être renfermés
dans Augsbourg, de sorte que, quand même des partis ennemis viendraient entre
Ulm et Augsbourg, ils ne nous enlèvent rien.
Quant aux
voyageurs qui ne voudraient pas être renfermés dans Augsbourg, ils peuvent
passer par Landsberg; quoique dans les cinq ou six premiers jours il vaille
mieux que rien ne passe.
Répandez le
bruit que vous marchez, partie en Tyrol et partie sur Munich. Votre payeur peut
vous suivre, pourvu que son trésor soit attelé par ses chevaux.
Quant aux
dépôts de cavalerie, les chevaux éclopés, on peut les tenir sur les remparts
d'Augsbourg.
Faites déjà vos
dispositions pour qu'à quatre heures du malin la queue de vos colonnes ait
dépassé Friedberg. Poussez de fortes reconnaissances
sur Dachau, afin d'être assuré, quand vous partirez, que l'infanterie ennemie
n'est pas arrivée dans cette position.
Faites en sorte
que je reçoive cette nuit l'état de situation de votre corps en hommes, en
chevaux et en cartouches d'infanterie et de canon.
P. S. Préparez
tout; ne faîtes aucun éclat prématuré, et que ces positions ne soient connues
du public que lorsque vous serez parti.
Donauwoerth, 17
avril 1809, six heures du soir
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Ratisbonne
Mon Cousin,
depuis ce matin que je suis arrivé, je vous ai expédié le général Savary, mon
officier d'ordonnance Vence, un officier d’artillerie, un major bavarois,
et j'ai chargé le général de Wrede et le duc de Danzig, auxquels j'ai écrit par
plusieurs occasions, de vous faire connaître mes intentions. Il est six heures
du soir ; je vous expédie votre aide de camp, qui vous porte le duplicata
de mes ordres et qui me promet d'être arrivé avant six heures du matin. On a
entendu du canon entre Pfaffenhofen et Freising.
Le duc de
Rivoli et le général Oudinot partent d'Augsbourg, avant le jour, pour se
diriger, par Aichach sur Pfaffenhofen. La division Nansouty, le général Demont
et le général Vandamme seront à Ingolstadt, où je crois être demain ; les Bavarois entre Neustadt et Ingolstadt. Ainsi j'espère
demain avoir deux fois dans la journée des nouvelles, puisque nous marchons à
la rencontre l'un de l'autre. Je ne sais si l'ennemi occupe en force Straubing
ou s'il débouche de ce côté. J'ignore ce qu'il a sur l'Altmühl. La journée de
demain sera une journée préparatoire pour se rapprocher, et je suppose que
mercredi nous pourrons, selon les circonstances, manœuvrer sur les
colonnes qui ont débouché par Landshut et ailleurs, et mettre en route ce qui
serait entre le Danube, l'Isar, et peut-être même l’Inn. Masquez votre
mouvement à Bellegarde le plus que vous pourrez, sauf, après avoir l'emporte
des avantages sur l'Isar, à revenir sur Ratisbonne, si le général Bellegarde
s'y engage.
Votre aide de
camp vous remettra mon ordre du jour.
Si le canon
continue à tirer demain contre les Bavarois, accélérez votre marche pour venir
à leur secours. Il se pourrait que dès demain vous pussiez faire beaucoup de
mal à la colonne ennemie de Landshut. Tout porte à penser que la route n'a pas
été interceptée sur la rive droite; d'ailleurs vous pourriez correspondre par
les deux routes. L'essentiel est de donner beaucoup de vos nouvelles et de nous
faire savoir ce que vous auriez appris à Ratisbonne.
Vos cinq
divisions, y compris celle du général Demont, les six divisions qu'amène le duc
de Rivoli, les trois divisions de cuirassiers sont dans le cas de battre toutes
les forces de la monarchie autrichienne réunies; mais il faut avant tout que
nos communications soient assurées, et marcher par système. Si vous arrivez
demain à Neustadt, vous serez à huit lieues de mon quartier général, comme je
serai à huit lieues du duc de Rivoli. Le duc de Danzig sera encore plus près.
Je pourrai ainsi donner des ordres demain après midi pour le complément de
l'opération méditée. Le général Rouyer sera aujourd'hui à Nördlingen et demain
à Donauwoerth. J'ai mis une bonne garnison dans Augsbourg, qui est à l'abri
d'un coup de main. Mes chevaux ne sont pas encore arrivés; si vous pouvez m'envoyer
un ou deux des vôtres, sans trop vous gêner, faites-le. Le général de brigade
Gautier est parti, il y a deux heures, pour Ingolstadt; il sera sous les ordres
du général Demont. Le général Nansouty a été reprendre le commandement de sa
division. Ne laissez juste que la cavalerie nécessaire en observation, et
menez-en avec vous le plus que vous pourrez.
Donauwoerth, 17
avril 1809
Au prince
Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris
Mon Cousin, je
suis arrivé à Donauwoerth le 17, à quatre heures du matin. Les Autrichiens ont
fait leur déclaration de guerre comme vous l'avez appris, et nous sommes en
pleine manœuvre. Il n'y a encore rien eu de sérieux de fait de part et
d'autre. Ma santé est bonne. Des événements importants ne tarderont pas à avoir
lieu. Les Tyroliens sont insurgés.
Donauwoerth, 17
avril 1809
A M. Otto,
ministre plénipotentiaire, près du roi de Bavière
Monsieur Otto,
vous trouverez ci-joint une proclamation écrite à la hâte; arrangez-la avec M.
de Montgelas; qu'elle soit traduite et imprimée en allemand avant la nuit, et
envoyée à Augsbourg. Faîtes la imprimer aussi séparément en français.
Envoyez-en une copie à Stuttgart; envoyez-en également des copies à Strasbourg
et à Mayence, pour qu'on l'imprime et la répande dans toute l'Allemagne.
J’écris au Roi de Wurtemberg d'en faire une; quant à moi, je fais la
mienne. Il faut que celle du roi de Bavière soit placardée dès
demain dans Augsbourg. Il faut en envoyer un bon nombre à la division de Wrede,
au quartier général et dans l'armée alliée.
A L'ARMÉE.
Soldats ! Le
territoire de la Confédération a été violé. Le général autrichien veut que nous
fuyions à l'aspect de ses armes et que nous lui abandonnions le territoire de
nos alliés. J'arrive au milieu de vous avec la rapidité de l'aigle.
Soldats !
J'étais entouré de vous lorsque le souverain d'Autriche vint à mon bivouac de
Moravie. Vous l'avez entendu implorer ma clémence et me jurer une amitié
éternelle. Vainqueurs dans trois guerres, l'Autriche a dû tout à notre
générosité: trois fois elle a été parjure ! Nos succès passés nous sont un sûr
garant de la victoire qui nous attend. Marchons donc, et qu'à notre aspect
l'ennemi reconnaisse ses vainqueurs !
Donauwoerth, 17
avril 1809
A Frédéric, roi
de Wurtemberg, à Stuutgart
Je suis arrivé
à Donauwoerth. J'ai trouvé le duc d'Auerstaedt avec son corps d'armée à
Ratisbonne. L'ennemi débouchera par Landshut. Quelques coups de sabre ont été
donnés à l'avantage de la cavalerie bavaroise, Le général Deroy, après avoir
défendu une demi-journée le passage de la rivière, s'est retiré.
Je me suis décidé à me mettre demain en mouvement et, sans plus tarder, à
attaquer l'ennemi. Je pense qu'il est convenable que Votre Majesté fasse une
proclamation pour répondre aux invectives et aux injures de l'ennemi, et
qu'elle la fasse répandre dans toute l’Europe. Je prie Votre Majesté
d'écrire à Bade et à Darmstadt pour que l'on en fasse autant. Le roi de Bavière
a fait la sienne.. Je m'en rapporte là-dessus au zèle
de Votre Majesté pour la cause commune, à son attachement pour moi et à sa
sagacité.
Je prie Votre Majesté de tenir ses ministres à Dresde, Cassel et Berlin,
instruits de ce qui se passe, afin de détruire les mauvais bruits que fait
répandre l'ennemi.
Donauwoerth, 17 avril 1809
A Maximilien-Joseph, roi de Bavière, à Munich
Je suis arrivé à Donauwoerth, il cinq heures du
matin. Berthier est venu me joindre. Davout est à Ratisbonne avec son corps
d'armée. Le général Deroy a eu une trentaine d'hommes tués et une centaine de
blessés devant Landshut; il a voulu s'opposer au débouché du corps ennemi par
Landshut. Le général de Wrede a eu une affaire de cavalerie où les troupes de
Votre Majesté se sont distinguées et ont culbuté les hussards autrichiens et
fait quelques prisonniers.
J'ai donné ordre au duc de Danzig de réunir entre Neustadt et Landshut tout
le corps bavarois.
Le duc d'Auerstaedt descend sur Ingolstadt; il est probable que je me
porterai demain à Ingolstadt.
Le général Oudinot et le duc de Rivoli se mettent en marche demain
d'Augsbourg. Tout porte à penser que mercredi ou jeudi nous aurons des
affaires, et, si j'y vois jeu, je chasserai les ennemis de la Bavière, sans
attendre plus longtemps; mais nous avons besoin de pain. Que Votre Majesté
ordonne de faire 100,000 rations par jour; autant de Dillingen, d'Aichach, et
les fasse filer par eau sur Donauwoerth. Cette mesure est importante. Que Votre
Majesté donne de ses nouvelles à Stuttgart, pour qu'on n'ait point
d'inquiétude, et pour prémunir contre les faux bruits qu'on se plaira sans
doute à répandre.
Dans cette circonstance, il est important que Votre Majesté fasse une
proclamation; mais il faut qu'elle soit faite promptement: la célérité en est
le mérite; qu'elle soit imprimée dans la nuit, envoyée à Stuttgart, Strasbourg, Mayence, etc., répandue partout.
Donauwoerth,
18 avril 1809
À
Davout
(dix heures du matin)
Mon
cousin, j'arrive à Donauwoerth. J'apprends que vous occupez Ratisbonne. Mon
intention a toujours été de concentrer mes troupes derrière le Lech.
Repliez-vous avec toutes vos troupes sur Ingolstadt. Je donne ordre au duc de
Danzig de tenir en respect le corps de Landshut et de protéger votre mouvement.
La division Friant doit également se replier sur Ingolstadt; il peut cependant
garder des postes d'observation sut l'Altmühl comme une grande tête de pont, à
six lieues d'Ingolstadt. Tenez vos troupes resserrées et en ordre; et si, dans
ce mouvement brusque auquel l'ennemi ne s'attend pas, vous trouvez moyen de
tomber sur la colonne de Landshut, si elle s'est avancée, ce sera une superbe occasion;
mais ne vous éloignez pas de plus d'une demi-marche
pour la faire naître.
Pour
vous rendre à Ingolstadt, vous devez passer par Neustadt. De Neustadt, où vous
ne pourrez être que demain soir 18, je serai à même de vous donner des ordres:
Toutefois, si vous n'en recevez pas, vous devez continuer votre mouvement sur
Geisenfeld, vous trouvant ainsi à trois lieues d'Ingolstadt, sans jamais passer
sur la rive gauche.
J'attends
avec impatience des nouveaux de l'ennemi. Quel est le corps d'armée autrichien
qui a débouché à Landshut ? Où se porte-t-il ? Quelle est la marche des autres
colonnes ennemies, dont vous ou le général de Wrede auriez connaissance ?
(six heures du soir)
Mon
cousin, depuis ce matin que je suis arrivé, je vous ai envoyé le général Savary,
mon officier d'ordonnance Vence, un officier d'artillerie, un major bavarois,
et j'ai chargé le général de Wrede et le duc de Danzig, auxquels j'ai écrit par
plusieurs occasions, de vous faire connaître mes intentions. Il est six heures
du soir; je vous expédie votre aide de camp, qui vous porte le duplicata de mes
ordres et qui me promet d'être arrivé avant six heures du matin. On a entendu
du canon entre Pfaffenhofen et Freising.
Le duc
de Rivoli et le général Oudinot partent d'Augsbourg, avant le jour, pour se
diriger par Aichach sur Pfaffenhofen. La division Nansouty, le général Demont
et le général Vandamme seront à Ingolstadt. Ainsi j'espère demain avoir deux
fois de vos nouvelles, puisque nous marchons à la rencontre l'un de l'autre. Je
ne sais si l'ennemi occupe en force Straubing ou s'il débouche de ce coté.
J'ignore ce qu'il a sur l'Altmühl. La journée de demain sera une journée
préparatoire pour se rapprocher et je suppose que mercredi nous pourrons, selon
les circonstances, manoeuvrer sur les colonnes qui ont débouché par Landshut et
ailleurs, et mettre en déroute ce qui serait entre le Danube, l'Isar, et
peut-être même l'Inn. Masquez votre mouvement à Bellegarde le plus que vous
pourrez, sauf, après avoir remporté des avantages sur l'Isar, à revenir sur
Ratisbonne, si le général Bellegarde s'y engage.
Votre
aide de camp vous remettra mon ordre du jour.
Si le
canon continue à tirer demain contre les Bavarois, accélérez votre marche pour
venir à leur secours. Il se pourrait que dès demain vous pussiez faire beaucoup
de mal à la colonne ennemie de Landshut. Tout porte à penser que la route n'a
pas été interceptée sur la rive droite; d'ailleurs, vous pourriez correspondre
par les deux routes. L'essentiel est de donner beaucoup de vos nouvelles et de
nous faire savoir ce que vous auriez appris à Ratisbonne.
Vos
cinq divisions, y compris celle du général Demont, les six divisions qu'amène
le duc de Rivoli, les trois divisions de cuirassiers sont dans le cas de battre
toutes les forces de la monarchie autrichiennes réunies; mais il faut avant
tout que nos communications soient assurées, et marcher par système. Si vous
arrivez demain à Neustadt, vous serez à huit lieues de mon quartier général,
comme je serai à huit lieues du duc de Rivoli. Le duc de Danzig sera encore
plus près. Je pourrai ainsi donner des ordres demain après-midi pour le
complément de l'opération méditée. Le général Rouyer sera aujourd'hui à
Nördlingen, et demain à Donauwoerth. J'ai mis une bonne garnison dans
Augsbourg, qui est à l'abri d'un coup de main. Mes chevaux ne sont pas encore
arrivés; si vous pouvez m'envoyer un ou deux des vôtres, sans trop vous gêner,
faîtes-le. Le général de brigade Gautier est parti, il y a deux heures, pour
Ingolstadt; il sera sous les ordres du général Demont. Le général Nansouty a
été reprendre le commandement de sa division. Ne laissez juste que la cavalerie
nécessaire en observation, et menez-en avec vous le plus que vous pourrez.
Donauwoerth, 18 avril 1809, quatre heures du matin
Au maréchal Lefebvre, commandant le 7e corps d’armée
d’Allemagne, duc de Danzig, à Neustadt
Le général Savary arrive; il m'a remis vos deux lettres, qui m'instruisent
que vous avez reçu mes ordres. J’espère qu'à trois heures du matin vous
aurez mis en marche, pour se porter en avant, la division du Prince royal, afin
de réunir vos trois divisions. Il paraît que l'archiduc Charles, avec trois
corps d'armée, se dirige entre Landshut et Ratisbonne; il faut donc que vous
manœuvriez sur son flanc gauche, pour garder sa marche
sur Ratisbonne, maintenir votre communication avec le duc d'Auerstaedt, et
faire une diversion qui occupe un nombre d'hommes égal au vôtre. J'espère
qu'avant neuf heures du matin vous serez de votre personne avec les divisions
de Wrede et Deroy; et vous ferez comprendre aux Bavarois ce que j'attends d'eux
dans ces journées. J'espère qu'avant onze heures la division du Prince royal
aura rejoint, et que vous donnerez avec plus ou moins d'activité, selon que
vous apprendrez que le duc d'Auerstaedt sera plus ou moins engagé.
Le duc de Rivoli et le général Oudinot sont en marche sur Pfaffenhofen, où
ils seront ce soir. Je me porte moi-même à Ingolstadt. Envoyez-moi souvent de
vos nouvelles dans la journée, si cela est nécessaire. Vous sentez l'urgence de
la circonstance; je n'ai pas besoin de vous recommander d'agir sérieusement.
Communiquez avec le duc d'Auerstaedt et faites-lui connaître ce que vous
apprendrez par les déserteurs, afin qu'il agisse selon les circonstances.
Donauwoerth, 18 avril 1809
Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps
de l’armée d’Allemagne, à Aichach
Mon Cousin, je reçois votre lettre. La division que vous avez à Landsberg
et les quatre régiments de cavalerie légère doivent tâcher de gagner Aichach,
ou au moins faire ce qu'ils pourront sur la route d'Augsbourg à Aichach; mais
il est indispensable que le général Oudinot, avec son corps et trois autres
divisions, que vos cuirassiers et ce que vous avez d'autre cavalerie, couchent
à Pfaffenhofen.
Dans un seul mot vous allez comprendre ce dont il s'agit. Le prince
Charles, avec toute son armée, a débouché hier de Landshut sur Ratisbonne; il
avait trois corps d'armée évalués à 80,000 hommes.
Les Bavarois se sont battus toute la journée avec son avant-garde, entre Siegenburg
et le Danube. Cependant, aujourd'hui 18, le duc d'Auerstaedt, qui a 60,000
hommes français, part de Ratisbonne et se porte sur Neustadt. Ainsi lui et les
Bavarois agiront de concert contre le prince Charles. Dans la journée de demain
19, tout ce qui sera arrivé à Pfaffenhofen de votre
corps, auquel se joindront les Wurtembergeois, une division de cuirassiers et
tout ce qu'on pourra, pourra agir, soit pour tomber sur les derrières du prince
Charles, soit sur la colonne de Freising et de Moosburg, et enfin entrer en
ligne. Tout porte donc à penser qu'entre le 18, le 19 et le 20, toutes les
affaires d'Allemagne seront décidées. Aujourd'hui 18, les Bavarois peuvent
encore continuer à se battre sans grand résultat, puisqu'ils cèdent toujours du
terrain; mais ils harcèlent et retardent d'autant la marche de l'armée ennemie.
Le duc d'Auerstaedt est prévenu de tout, et le général de Wrede lui envoie tous
les prisonniers. Aujourd'hui il est possible que l’on ne tire que
quelques coups de fusil. Entre Ratisbonne et le lieu où était le prince
Charles, il n'y avait encore que neuf lieues. Ce n'est donc que le 19 qu'il
peut y avoir quelque chose, et vous voyez actuellement, d'un coup d'œil,
que jamais circonstance ne voulut qu'un mouvement soit plus actif et plus
rapide que celui-ci. Sans doute que le duc d'Auerstaedt, qui a près de 60,000
hommes, peut à la rigueur se tirer honorablement de cette affaire; mais je
regarde l'ennemi comme perdu si Oudinot et vos trois divisions ont débouché
avant le jour et si, dans cette circonstance importante, vous·faites sentir à
mes troupes ce qu'il faut qu'elles fassent. Envoyez des postes de cavalerie au
loin. Il paraît que les Autrichiens n'ont à Munich et sur cette direction qu'un
corps de 12,000 hommes. L'importance de votre mouvement est telle, qu'il est
possible que je vienne moi-même joindre votre corps. Votre cavalerie, qui était
à Dachau, peut en partir, se diriger et venir vous joindre à Pfaffenhofen.
Quant au général qui est à Landsberg, il forme avec son corps votre arrière-garde,
qui sera à six ou sept heures de distance. Cela peut être utile et n'a pas
d'inconvénient. S'il le faut, il aura toujours rejoint le deuxième ou le
troisième jour. Enfin les quatre régiments de cavalerie légère peuvent, dans la
journée de demain, ou après-demain au plus tard, avoir rejoint votre tête.
Activité, activité, vitesse ! Je me recommande à vous.
Donauwoerth, 18
avril 1809
A Eugène
Napoléon, vice-roi d’Italie, à Trévise
Mon Fils, je
pars pour Ingolstadt. Vous savez l'insurrection du Tyrol. L'armée manœuvre
en tous sens contre l'ennemi; des événements importants ne tarderont pas à
avoir lieu. Je n'ai point de vos nouvelles depuis vos lettres du 9, de Vérone.
Je suppose que la colonne française qui venait à Augsbourg par Innsbruck se sera
repliée sur vous. Ce sera un bon renfort qui pourra vous servir. Tout me porte
à penser que l'ennemi n'est pas nombreux de votre côté.
Donauwoerth, 18
avril 1809
A Charles,
prince de Suède, duc de Sudermanie, à Stockholm
Mon Frère, j'ai
reçu la lettre de Votre Altesse Royale. Je m'intéresse à tout ce qui peut
arriver d'heureux à la Suède et à elle. J'avoue que les circonstances où se
trouve sa nation sont singulièrement pénibles. Le parti qu'elle a pris
d'entrer en négociation avec la Russie m'a paru convenable. J'interviendrai
autant qu'il me sera possible pour tout ce qui peut intéresser Votre Altesse.
Les circonstances dans lesquelles ses envoyés m'ont trouvé, au milieu des
fatigues et des mouvements militaires les plus précipités, ne me permettent pas
d'entrer dans de plus grandes explications. L'empereur Alexandre est généreux
et grand : qu'elle s'en rapporte à lui. Je garderai près de
moi le jeune officier qu'elle veut laisser à ma suite; et, du moment que
j'aurai plus de loisir et que je connaîtrai mieux les intentions de mes alliés
sur ses affaires actuelles, je le renverrai à Votre Altesse, avec une
explication plus précise.
Ingolstadt, 18
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Ingolstadt
Le major
général enverra l'ordre au 6e régiment de chasseurs, qui doit être arrivé à
Donauwoerth, de partir avant le jour pour être arrivé demain de bonne heure à
Ingolstadt.
Même ordre sera donné aux détachements de la Garde qui seront arrivés à Donauwoerth
ou à Dillingen.
Je compte que vous aurez donné l'ordre pour que le quartier général se
rende à Ingolstadt.
Ingolstadt, 18 avril 1809, cinq heures du soir
ORDRE AU CAPITAINE
GALBOIS, ATTACHÉ A L'ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL DE L'ARMÉE D’ALLEMAGNE.
Le capitaine Galbois retournera sur-le-champ près
du maréchal Davout; il passera par Vohburg et Neustadt et de là à Ratisbonne.
Aussitôt qu'il aura causé avec le maréchal Davout, il reviendra me rendre
compte.
Il fera connaître au maréchal Davout ce qu'il apprendra de ce qui s'est
passé dans la journée au corps du duc de Danzig; que je n'en ai aucune
connaissance, mais que je suppose que le corps du duc de Danzig, fort de 80,000
hommes, a battu la plaine jusqu'à l'Isar et l'a secouru si cela a été nécessaire.
Le général Demont est à Vohburg avec sa division; 8,000 hommes de
cavalerie, la division Nansouty et la cavalerie wurtembergeoise sont en colonne
sur la route d'ici à Vohburg.
Le général Vandamme, avec 12,000 Wurtembergeois, couche ce soir à
Ingolstadt.
Le duc de Rivoli avec le général Oudinot et 80,000 hommes doivent arriver
ce soir à Pfaffenhofen.
L'Empereur, à une heure du matin, se décidera a se porter de sa
personne à Neustadt, après qu'il aura reçu le rapport de la journée; il lui
importe donc bien de connaître la situation du duc d'Auerstaedt et des
différents corps de l'ennemi.
Si cela ne détourne pas cet officier, il verra le général de Wrede ou le
duc de Danzig pour causer avec eux et leur donner connaissance de ces détails.
P. S. Cet officier engagera celui qui commande à
Vohburg, celui qui commande à Neustadt et les généraux de division bavarois de
m'envoyer des officiers et les rapports de ce qui se serait passé ou de ce
qu'ils apprendraient.
Donauwoerth, 18 avril
1809
Au comte Otto, ministre
de l’Empereur près le roi de Bavière, à Munich
Monsieur Otto, je pars
dans une heure pour me rendre à Ingolstadt. Tontes les troupes bavaroises se
réunissent à Neustadt. Le général Deroy a eu le 6 au débouché du pont de
Landshut une affaire où il a eu une vingtaine de tués et un certain nombre de
blessés légèrement. Le général de Wrede a échangé quelques coups de canon. Les
nouvelles sont que l'ennemi débouche en grande force par Landshut. Le duc de
Rivoli et le général Oudinot sont partis d'Augsbourg, à la pointe du jour, pour
se porter sur les derrières et sur le flanc de l'ennemi. Les affaires
s'engagent. Donnez des nouvelles à Stuttgart, à Strasbourg et à Paris, afin qu’on n’y ait pas
d’inquiétude. Ecrivez qu’on manœuvre et qu'il n'y a rien de
nouveau le 17 au soir. Que même ce peu de lignes filent jusqu'à Berlin d'où M.
de Saint-Marsan les acheminera sur Saint-Pétersbourg.
(de Brotonne)
Ingolstadt, 19 avril 1809, midi
Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de
l’armée d’Allemagne, à Freising
Je reçois votre lettre de ce matin six heures. Je suppose que vous aurez
fait pousser les 4,000 que vous avez devant vous de manière qu'ils
n’échappent pas, et que cela ne se bornera pas aux 400 prisonniers que
vous m’annoncez.
A Au et à Freising il n’y a pas grand-chose, peut-être le reste du
corps que vous avez battu et qui, en entier, était de cinq régiments.
Nos opérations se dessinent. Voici le véritable état des choses. Le prince
Charles, avec toute son armée, était ce matin à une journée de Ratisbonne et a sa ligne d'opération sur Landshut. Le duc d'Auerstaedt,
cette nuit et ce matin, a évacué Ratisbonne pour se porter sur Neustadt et se
joindre avec les Bavarois. Je m'attendais donc aujourd'hui à une affaire;
cependant il est midi, et le canon ne s'est pas encore fait entendre. Vous
voyez que, par cette manœuvre, je refuse ma gauche, voulant avancer ma
droite que vous formez et qui, dès aujourd'hui, commence à entrer en jeu. Ce
soir ou demain on se battra peut-être à la gauche.
Poussez le corps d'Oudinot sur Au et sur Freising. Poussez des postes sur
Munich pour savoir ce qu'il y a. Les habitants du pays étant pour nous, vous
pouvez envoyer des estafettes partout.
De Freising et d'Au, selon les renseignements que je recevrai aujourd'hui,
je vous dirigerai sur Landshut; et alors le prince Charles se trouverait avoir
perdu sa ligne d'opération, sa protection qui est l'Isar, et serait attaqué par
sa gauche.
Je vous dis de porter une division à Au et pas
toutes sur Freising, parce que, si la gauche était engagée plus que je ne le
désire, la division qui sera à Au aura fait une marche au secours de la gauche.
Tout ceci doit s'éclaircir aujourd'hui, et les moments sont précieux. Tenez
le corps d'Oudinot disponible et placez vos quatre divisions autour de
Pfaffenhofen, sur les trois directions de Neustadt, Freising et Au, afin que,
selon les circonstances, une d'elles marche la première et dirige les colonnes
sur le point où il faudra marcher. Ici, tout est calcul d'heures. Du reste, 12 ou
15,000 de cette canaille que vous avez battue ce matin doivent être attaqués,
tête baissée, par 6,000 de nos gens.
Une heure après midi.
P. S. Au lieu de placer une division d'Oudinot à Au, ainsi
qu'il est dit dans le primata qui vient de vous être
expédié par un officier d'ordonnance, vous placerez cette division sur
Neustadt, afin qu'elle gagne une marche pour soutenir la gauche; et l'autre
division, vous la placerez comme il est dit ci-dessus, sur Freising
Cette lettre fut expédiée en primata et duplicata au maréchal Masséna :
le primata, à midi, par un officier d'ordonnance de l'Empereur; le duplicata, à une heure
de l'après-midi, par un aide de camp du maréchal, qui retournait près de lui. A
ce moment, l'Empereur, montant à cheval, changea les
dispositions qu'il venait de prescrire pour le corps d'Oudinot; il dicta alors
le post-scriptum ci-dessus, qui modifie ses premiers ordres.
Ingolstadt, 19 avril 1809
Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant le 9e corps de
l’armée d’Allemagne, à Gera
Mon Cousin, j'ai reçu toutes vos lettres. La guerre que j'ai à soutenir est
de concert avec la Russie. Vous êtes entré pour quelque chose dans cette
combinaison. Voyez donc une preuve de mon estime, et du cas que je fais de vous
dans la destination que je vous ai donnée.
L'Autriche a précipité ses mesures. Le major général vous écrit ce qui doit
servir de règle à votre conduite. Je suis arrivé à l'armée depuis deux jours;
j'ai mis tout en mouvement, et j'espère chasser bientôt cette nuée d'Autrichiens
au delà de l'Inn. Tenez-nous au courant des mouvements des Russes du côté de la
Galicie, et de ce qui arrivera au cabinet. La Saxe est
en guerre avec l'Autriche; aucun ministre ni envoyé autrichien ne doit être
souffert à Dresde, et il ne doit exister aucune communication avec la Bohême.
Remettez la lettre ci-jointe à mon ministre.
P. S. Vous trouverez ci-jointe la proclamation'
à l'armée, et ne la saurez-vous faire imprimer ?
Ingolstadt, 19 avril 1809
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral Decrès, j'ai reçu votre lettre du 5. Je suis sur le
champ de bataille; je ne puis que m'en rapporter à vous sur tout ce que vous
ferez pour le bien de mon service et pour la sûreté de mes flottes et de mes
arsenaux.
Ingolstadt, 19 avril 1809
A M. Bourgoing, ministre plénipotentiaire près du roi de Saxe
Monsieur Bourgoing, j'ouvre la lettre que vous écrivez à M. de Champagny.
Le ministre d’Autriche à Dresde doit être chassé sans délai, celui de
Saxe à Vienne rappelé, et la guerre déclarée. Le Roi doit, je pense, quitter
Dresde pour se rapprocher du Rhin. Je n'ai pas besoin de vous dire que tous mes
palais de France sont à sa disposition. Toutefois son absence de sa capitale ne
sera pas longue. Depuis deux jours que je suis arrivé à l'armée, tout est en
mouvement. Il n'y a encore rien d'important. Avant sept ou huit jours, il se
passera des événements qui confondront l'orgueil et l'ingratitude de
l'Autriche.
P. S. Vous remettrez la lettre ci-jointe au Roi.
Ingolstadt, 19 avril 1809
A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Dresde (Le roi
de Saxe était à Leipzig depuis le 16 avril)
Votre Majesté aura vu, dans la déclaration de l'Autriche, le peu de raison
qu'elle a de faire la guerre. Je ne l'ai apprise que par le passage de l'Inn,
car cette déclaration ne m'a jamais été remise. Je ne suis rendu sur-le-champ à
l'armée, et: avant huit jours les Autrichiens verront l'étendue du précipice
qu'ils ont creusé sous leurs pas. Je pense qu'il serait convenable que Votre
Majesté s'éloignât du théâtre de la guerre. Dresde est évidemment trop près,
et, soit que les troupes de Votre Majesté entrent en Bohême, soit qu'elles
manœuvrent pour se joindre à moi sur le Danube, l'absence de Votre Majesté
me paraît également commandée par les circonstances. Je pense que Votre Majesté
aura rappelé son ministre et renvoyé celui de l'Autriche. Je considère mon
chargé d'affaires comme prisonnier à Vienne et privé de l'exercice de ses
fonctions diplomatiques depuis la violation de ses courriers. Cependant, M. de
Metternich, qui part de Paris, sera échangé contre lui.
Vohburg, 20 avril 1809, six heures et demie du matin
Au général Vandamme, commandant les troupes wurtembergeoises, à Neustadt
Vous êtes à Neustadt. Vous avez des troupes à Mühlhausen et près de
Siegenburg. Portez-vous à Siegenburg avec toutes vos forces; prenez sous vos
ordres tous les Wurtembergeois. L'officier porteur de cette lettre donnera en
passant l'ordre au général de brigade wurtembergeois, qui est en réserve, de se
porter à Siegenburg. Je monte à cheval pour me
rendre aux avant-postes, et je dirigerai moi-même les mouvements. Vous
déboucherez par Siegenburg avec tous les Wurtembergeois.
Vohburg, 20 avril 1809, six heures et demie du matin
Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de
l’armée d’Allemagne, à Freing
Tous les rapports de ce matin sont que l'ennemi bat en retraite à toutes
jambes. Le champ de bataille est couvert de ses morts. Les divisions Friant et
Saint-Hilaire et une division bavaroise ont seules été engagées.
Je monte à cheval pour aller moi-même reconnaître la situation des choses
aux avant-postes, attaquer l'ennemi, s'il occupe encore quelques positions, et
le poursuivre l'épée dans les reins, s'il bat en retraite. Je vous prie de
votre côté de ne pas perdre un moment et de le surprendre au passage de l'Isar.
P. S. Plus vous vous rapprocherez de Landshut et
mieux cela vaudra. Sans doute que, si vous pouviez aller à Landshut, cela
serait préférable; mais tâchez d'aller à Moosburg.
Abensberg, 20 avril 1809.
Soldats bavarois ! Je ne viens point à vous comme Empereur des Français,
mais comme Protecteur de votre patrie et de la Confédération allemande.
Bavarois ! Vous combattez aujourd'hui seuls contre les Autrichiens. Pas un
Français ne se trouve dans les premiers rangs; ils sont dans le corps de
réserve, dont l'ennemi ignore la présence. Je mets une entière confiance dans
votre bravoure. J'ai déjà reculé les limites de votre pays; je vois maintenant
que je n'ai pas assez fait. A l'avenir je vous rendrai si grands, que pour
faire la guerre contre les Autrichiens vous n'aurez plus besoin de mon secours.
Depuis deux cents ans les drapeaux bavarois, protégés par la France, résistent
à l'Autriche. Nous allons dans Vienne, où nous saurons bientôt la punir du mal
qu'elle a toujours causé à votre patrie. L'Autriche voulait partager votre pays
en baronnies, vous diviser et vous distribuer dans ses régiments. Bavarois !
Cette guerre est la dernière que vous soutiendrez contre vos ennemis;
attaquez-les à la baïonnette et anéantissez-les.
Rohr, 21 avril 1809, cinq heures du matin
Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e
corps de l’armée d’Allemagne, à Teugen
La journée d'avant-hier et d'hier est un autre Iéna. Le duc de Rivoli a dû
arriver hier à Landshut, depuis hier trois heures après midi. Vous n'avez
devant vous qu'un rideau de trois régiments d'infanterie. J'ai fait occuper
hier les villages de Thann; on y a trouvé beaucoup de blessés.
J'ordonne ce matin au duc de Danzig, avec les divisions française Demont et
bavaroise Deroy et les cuirassiers Saint-Germain, de se porter sur Langquaid,
de mettre en déroute cette arrière-garde qui couvre leurs parcs et leurs
blessés, et de tout ramasser dans la journée. Si vous entendez le canon, ce
sera cela; en cas de besoin, vous devrez l'appuyer.
La division Boudet a couché à Neustadt. Je lui donne ordre de se rendre à
Abensberg. Cette belle division est sous vos ordres.
Voilà ce que vous avez à faire. Le duc de Danzig va poursuivre les parcs,
les équipages et même le prince Charles s'il prend la direction de l'Isar et
qu'il aille à Landshut par Eckmühl, soit qu'il aille à Straubing, appuyez-le
s'il en est besoin.
Lorsque vos derrières seront nettoyés, que vous aurez ramassé hommes,
bagages perdus, vous vous porterez sur Ratisbonne; vous attaquerez Bellegarde
et Klenau. Vous les poursuivrez et les acculerez dans les montagnes de la
Bohême; vous ferez en sorte que la rive gauche du Danube soit purgée et qu'il
ne puisse rentrer que des débris.
Je me rends à Landshut, et, aussitôt que j'aurai fait tout le mal possible
à l'ennemi, je le préviendrai sur l'Inn. J'attends dans la journée fréquemment
de vos nouvelles. Je serai sur la route de Rohr à Landshut.
Rohr, 21 avril 1809
A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Leipzig
J'écris à Votre Majesté sur le champ de bataille. Je ne lui dirai qu'un
mot. Les journées du 19 et du 20 ont été pour l'armée autrichienne ce que la
journée d'Iéna a été pour l'armée prussienne. J'écrirai plus au long à Votre
Majesté lorsque j'aurai eu un moment de repos. Si elle n'a pas quitté Dresde,
je pense qu'elle y peut rester sans inquiétude. Je serai dans peu de temps à
Vienne. Dieu s'est plu à accorder une éclatante protection à la justice de ma
cause et à punir l'ingratitude, la perfidie et la mauvaise foi de la cour
d'Autriche.
Rohr, 21 avril 1809
A M. Otto, ministre de France près le roi de Bavière
Envoyez copie de la note ci-jointe au prince Eugène, au roi de Naples, à la
grande-duchesse de Toscane, au gouverneur général à Turin, et écrivez pour que
cent coups de canon soient tirés dans toutes mes places d'Italie, et faites
imprimer la proclamation de l'Empereur à l'armée, en allemand et en français.
NOTE
L'armée autrichienne a été frappée par le feu du ciel qui punit l'ingrat,
l'injuste et le perfide; elle est pulvérisée. Tous ses corps d'armée ont été
écrasés. Plus de vingt de ses généraux ont été tués blessés; un archiduc a été
tué ; deux, blessés. On a plus de l,000
prisonniers, des drapeaux, des canons, des magasins, des bagages. De cette
armée qui a osé venir braver l'armée française
peu de débris repasseront l'Inn. Comme à Iéna, on
remarque que le sort de la guerre est surtout tombé sur ceux qui l'ont
provoquée; le prince de Liechtenstein, un des plus furibonds, a été blessé
mortellement.
L'Empereur, hier, a lui-même manœuvré et attaqué, entouré de 40,000
hommes de troupes de la Confédération du Rhin ; Sa Majesté les a haranguées, et
ces troupes ont montré le plus grand enthousiasme.
Landshut, 21 avril 1809, sept heures et demie
Au général Saint-Sulpice, commandant la 2e division de
cuirassiers de la réserve, à Essenbach
Le général de division Saint-Sulpice doit avoir, indépendamment de sa division
de grosse cavalerie, la brigade d'infanterie légère de Wurtemberg et un
régiment de cavalerie légère wurtembergeois cantonnés autour d'Essenbach. Mon
intention est qu'il tâche de déposter l'ennemi, qui doit être à une lieue en
avant d'Essenbach, afin de pouvoir pousser plusieurs patrouilles jusqu'à
Ergoltsbach. Il doit expédier des estafettes qui iront jusqu'à ce qu'elles
trouvent l'ennemi, placer des postes à deux lieues sur toutes les routes, afin
que, si l’ennemi se présentait, on soit à couvert des alertes, envoyer
une patrouille d'infanterie et cavalerie légère, même 50 cuirassiers, sur
Ratisbonne. Il faut aussi beaucoup éclairer la route de Straubing et celle de
Landau. Il m'enverra, le soir, des rapports de tous ses postes, estafettes et
espions.
Landshut, 22 avril 1809, deux heures et demie du matin
Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e
corps de l’armée d’Allemagne, sur les hauteurs d’Eckmühl
Mon Cousin, le général Piré arrive. Je vous ai envoyé le général Oudinot
avec la division Tharreau et la division Boudet. Mon
mouvement sur Landshut et l'avant-garde qui est déjà à moitié chemin de l'Inn
doivent décider la retraite de l'ennemi, qui tient probablement pour évacuer
son artillerie. S'il en était autrement et que l'ennemi tînt toute la journée,
et que vous jugiez pouvoir tenir votre position ou toute autre position
analogue, et qu'une diversion de 25,000 hommes sur Eckmühl fournît des
positions favorables pour s'emparer de cette position, qui est derrière
l'ennemi, vous pourrez me le mander. Je puis avoir votre réponse avant une
heure après midi, et déjà j'ai ordonné au général Vandamme et aux divisions
Gudin et Friant et aux cuirassiers d'être avant midi à Ergoltsbach, ayant leur
avant garde à Neufahrn et sur la petite rivière de Laber.
Tâchez de vous mettre en communication, par des paysans et par la traverse,
avec ces troupes.
Si enfin vous pensez que votre position n'est pas tenable, vous êtes maître
de prendre celle qui vous conviendra, en ayant soin seulement de protéger la
communication qui passe par Bohr, Rottenburg et Landshut, afin que nous
puissions nous réunir promptement. Je voulais remettre celle lettre à Piré, qui
est déjà parti. Si vous entendez une canonnade du côté d'Eckmühl, parce qu'il
serait possible que l'ennemi se portât en avant et qu'on s'engageât, dans
quelque position que vous soyez, soutenez-la. Aussitôt que l'ennemi évacuera et
fera sa retraite pour rentrer chez lui, poussez-le, en mettant Oudinot en
première ligne et vos divisions fatiguées en seconde ligne.
P. S. Il est quatre heures. Je me suis résolu à me mettre en marche, et je
serai sur Eckmühl à midi et dans le cas d'attaquer vigoureusement l'ennemi à trois heures. J'aurai avec moi 40,000 hommes. Envoyez-moi des aides de camp
avec des escortes bavaroises pour m'apprendre ce que vous avez fait ce matin;
il me semble qu'en prenant, soit par Rohr, soit par Rottenburg, soit par
Langquaid, ayant les habitants pour nous, ils ne craignent pas de tomber entre
les mains de l'ennemi, puisqu'ils peuvent les cacher.
Je serai de ma personne avant midi à Ergoltsbach. Si l'on entend la
canonnade, cela me dira assez qu'il faut attaquer. Si je ne l'entends pas et
que vous soyez en position d'attaquer, faites tirer une salve de dix coups de
canon à la fois à midi, une pareille à une heure, et une pareille à deux
heures. Mon aide de camp Lebrun partira à quatre heures et un quart; je suis
décidé à exterminer l'armée du prince Charles aujourd'hui ou au plus tard
demain.
Cette lettre est pour le duc de Danzig; communiquez-la-lui.
Landshut, 22 avril 1809, trois heures du matin
ORDRES DICTÉS AU MAJOR GÉNÉRAL
Donner ordre au général de Wrede de partir avec sa division et d'appuyer le
mouvement du maréchal Bessières, qui a couché ce soir à Geisenhausen, de
manière il jeter l'ennemi le plus loin qu'on pourra sur l'Inn. La
division bavaroise partira de sa position actuelle à quatre heures
du matin.
Ordre au duc de Rivoli de réunir entre Landshut et Ergolding,
dans la plaine, trois de ses divisions, leur artillerie, la division Espagne;
il réunira là les divisions les plus près d'ici; il faudrait que la première
division pût être réunie sur la rive gauche à six heures du
matin, pour pouvoir partir sur-le-champ. Le duc de Rivoli se mettra en marche
avec ses trois divisions pour se diriger sur Eckmühl et cerner l'ennemi;
l'Empereur marchera avec. La quatrième division se réunira à Landshut pour en garder la position et appuyer au besoin le maréchal
Bessières, qui est entre l'hm et l'Isar avec la division bavaroise et la
cavalerie légère.
La division Gudin partira à quatre heures du matin pour être arrivée à
Ergoltsbach à neuf heures.
Le général Morand partira à cinq heures du matin pour être arrivé à neuf
heures à Martinshaun. Les
cuirassiers Saint-Sulpice monteront à cheval à six heures et
suivront le mouvement de la division Gudin. Ils seront sous les ordres du duc
de Montebello.
Au général Rouyer : Le duc d'Auerstaedt ayant envoyé la division Boudet à
Ingolstadt, elle est suffisante pour défendre Eckmühl; d'ailleurs Sa Majesté ne
se soucie plus du Danube. S'il y avait des circonstances extraordinaires, il
faudrait couper tous les ponts et se borner à garder Ingolstadt.
Landshut, 22 avril 1809, trois heures du matin
Au maréchal Lannes, duc de Montebello, commandant le 2e corps de
l’armée d’Allemagne, à Landshut
Le due d'Auerstaedt est toujours aux prises. Le général Vandamme est parti
avec l'infanterie wurtembergeoise et trois régiments de cavalerie légère pour
marcher sur Eckmühl. Je désire que vous partiez de manière à être arrivé à sept
heures à Ergoltsbach; vous prendrez en passant à Essenbach la division
Saint-Sulpice. Vous pousserez devant vous les Wurtembergeois jusqu'à Neufahrn
et même jusqu'à la petite rivière de Laber.
Indépendamment des Wurtembergeois, des cuirassiers Saint-Sulpice, vous aurez
sous vos ordres les divisions Gudin et Morand.
Je m'y porterai moi-même aussitôt que possible. Vous me ferez connaître les
nouvelles que vous apprendrez de ce côté. Vous choisirez sur la petite rivière
de Laber une bonne position. Mon intention est que,
aussitôt que vous aurez reçu des nouvelles du maréchal Davout, vous marchiez
sur Eckmühl, et d'attaquer l'ennemi de tous côtés. Je fais appuyer votre
mouvement par le duc de Rivoli et ses trois divisions, qui viennent d'arriver.
Puisque l'ennemi est têtu, il faut l'exterminer. Faites partir, sans perdre un
moment, la division Gudin; ces troupes ne pourraient partir trop tôt.
Landshut, 22 avril 1809 , trois heures et demie du
matin
Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la réserve de
cavalerie de l’armée d’Allemagne
Mon Cousin, je sais que vous êtes arrivé à Geisenhausen. Je désirerais
avoir des rapports sur la force de l'ennemi. La division bavaroise du général
de Wrede va vous joindre. Je partirai aujourd'hui pour cerner les corps de
l'armée autrichienne de Bohême qui sont venus à Eckmühl. J'aurai avec moi le
duc de Rivoli et trois de ses divisions, de sorte qu'il vous restera le général
de Wrede et la 4e division du duc de Rivoli, en réserve devant
Landshut.
P. S. Témoignez beaucoup de confiance au général
de Wrede.
Landshut, 22 avril 1809
Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e
corps de l’armée d’Allemagne, sur les hauteurs d’Eckmühl
Mon Cousin, j’ai causé avec le général Piré, et, un quart d'heure
après, je vous ai envoyé un de mes officiers d'ordonnance. Je vous envoie mon
aide de camp Lebrun pour vous informer que je dirige sur EckmÜhl les divisions
Gudin et Morand, les cuirassiers Saint Sulpice et une brigade de
Wurtembergeois. Le duc de Rivoli suivra avec trois divisions et les cuirassiers
Espagne. Concertez-vous avec le duc de Danzig sur ce que vous devez faire en
cas d'attaque, dans quelque position que vous vous trouviez, et faites en sorte
que les divisions Oudinot et Boudet puissent concourir à la bataille, ainsi que
les divisions du duc de Danzig, savoir deux divisions de Bavarois et la
division Demont. Si le prince Charles reste aujourd'hui et que la position soit
attaquable, j'espère l'attaquer à quatre heures, surtout si je vous entends engagé.
Envoyez-moi des Bavarois par la traverse, qui viennent me joindre et me donner
de vos nouvelles. S'il y a possibilité de me joindre, le duc de Danzig peut
envoyer un fort parti pour se lier avec moi. Il faut exterminer l'armée
autrichienne et venger le régiment qui a été enlevé.
Landshut, 22 avril 1809
Au général Rouyer, commandant les troupes des princes confédérés, à
Ingolstadt
Je vous préviens, Général, que tout ce qui est depuis Donauwoerth jusqu'à
Vohburg est à vos ordres. S'il y avait des événements extraordinaires, c'est à
vous à tout disposer sans attendre des ordres. Si l'ennemi forçait du côté de
Donauwoerth, tout ce qui serait sur le Danube regagnerait Ingolstadt, ou
Augsbourg, s'ils n'avaient pas le temps de regagner Ingolstadt.. Il ne faut pas oublier les troupes qui sont à Neuburg ;
elles se replieront sur Ingolstadt d'abord, ou enfin sur Augsbourg, si elles
n'avaient pas le temps de rejoindre Ingolstadt. Nous manœuvrons
aujourd'hui; nous lui portons le dernier coup, nous lui avons fait 30,000
prisonniers, pris toute son artillerie, ses bagages.
Château d'Egglofsheim, 23 avril 1809
Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de
l’armée d’Allemagne, à Egglofsheim
Ordre au duc de Rivoli de se diriger avec les trois divisions qui iront ici
sur Straubing, de s'emparer du pont de bateaux que l'ennemi aurait pu faire à
Straubing, de pousser des reconnaissances dans toutes les directions pour
arrêter sur les deux rives du Danube les bagages et les colonnes de l'ennemi.
Le maréchal Bessières
à l'ordre de passer l'Inn aujourd'hui avec la division Molitor et la division
Wrede.
Quartier
impérial de Ratisbonne, 24 avril 1809.
PROCLAMATION À
L’ARMÉE
Soldats ! Vous
avez justifié mon attente. Vous avez suppléé au nombre par votre bravoure. Vous
avez glorieusement marqué la différence qui existe entre les soldats de César
et les cohues armées de Xercès.
En peu de
jours, nous avons triomphé dans les trois batailles rangées de Thann,
d'Abensberg et d'Eckmühl, et dans les combats de Peising, de
Landshut et de Ratisbonne. Cent pièces de canon, quarante drapeaux, 50,000
prisonniers, trois équipages de pont, tous les parcs de l'ennemi portés sur six
cents caissons attelés, trois mille voitures attelées portant ses bagages,
toutes les caisses des régiments, voilà le résultat de la rapidité de vos
marches et de votre courage.
L'ennemi,
enivré par un cabinet parjure, paraissait ne plus conserver aucun souvenir de
vous. Son réveil a été prompt; vous lui avez apparu plus terribles que jamais.
Naguère il a traversé l'Inn et envahi le territoire de nos alliés. Naguère il
se promettait de porter la guerre au sein de notre patrie. Aujourd'hui, défait,
épouvanté, il fuit en désordre; déjà mon avant-garde a passé l'Inn. Avant un
mois nous serons à Vienne.
24 avril 1809,
Quartier général de Ratisbonne
PREMIER
BULLETIN DE L'ARMÉE D’ALLEMAGNE
L'armée
autrichienne a passé l'Inn le 9 avril. Par là les hostilités ont commencé, et
l'Autriche a déclaré une guerre implacable à la France, à ses alliés et à la
Confédération du Rhin.
Voici quelle
était la position des corps français et alliés :
Le corps du duc
d'Auerstaedt, à Ratisbonne;
Le corps du duc de Rivoli, à Ulm;
Le corps du général Oudinot, à Augsbourg;
Le quartier général, à Strasbourg;
Les trois divisions bavaroises, sous les ordres du duc de Danzig, placées, la
le, commandée par le Prince royal, à
Munich, la 2e, commandée par le général Deroy, à Landshut, et la 3e, commandée
par le général de Wrede, à Straubing;
La division wurtembergeoise, à Heidenheim ;
Les troupes saxonnes, campées, sous les murs de Dresde;
Le corps du duché de Varsovie, commandées par le prince Poniatowski, sous
Varsovie.
Le 10, les
troupes autrichiennes investirent Passau, où s’enferma un bataillon
bavarois; elles investirent eu même temps Kufstein, où s'enferma également un
bataillon bavarois. Ce mouvement eut lieu sans tirer un coup de fusil.
Les Autrichiens
publièrent dans le Tyrol la proclamation ci-jointe (Moniteur du 3 mai 1809). La
cour de Bavière quitta Munich pour se rendre à Dillingen.
La division
bavaroise qui était à Landshut se porta à Achdorf,
sur la rive gauche de l'Isar.
La division
commandée par le général de Wrede se porta sur Neustadt.
Le duc de
Rivoli partit d'Ulm et se porta sur Augsbourg.
Du 10 au 16,
l'armée ennemie s'avança de l'Inn sur l'Isar. Des partis de cavalerie se
rencontrèrent, et il y eut plusieurs charges, dans lesquelles les Bavarois
eurent l'avantage. Le 16, à Pfaffenhofen, les 2e et 3e régiments de
chevau-légers bavarois culbutèrent les hussards de Stipsicz
et les dragons de Rosenberg.
Au même moment,
l'ennemi se présenta en force pour déboucher par Landshut. Le pont était rompu,
et la division bavaroise commandée par le général Deroy opposait une vive
résistance à ce mouvement; mais, menacée par des colonnes qui avaient passé
l'Isar à Moosburg et à Freising, cette division se retira en bon ordre sur
celle du général de Wrede, et l'armée bavaroise se centralisa sur Neustadt.
DÉPART DE
L'EMPEREUR DE PARIS LE 13
L'Empereur'
apprit par le télégraphe, dans la soirée du 12, le passage de l'Inn par l'armée
autrichienne, et partit de Paris un instant après. Il arriva le 16, à trois
heures du matin, à Ludwigsburg, et dans la soirée du même jour à Dillingen, où
il vit le roi de Bavière, passa une demi-heure avec ce prince, et lui promit de
le ramener en quinze jours dans sa capitale et de venger l'affront fait à sa
Maison en le faisant plus grand que ne furent jamais aucun de ses ancêtres. Le
17, à deux heures du matin, Sa Majesté arriva à Donauwoerth, où était établi le quartier général, et donna sur-le champ les ordres nécessaires.
Le 18, le
quartier général fut transporté à Ingolstadt.
COMBAT DE
PFAFFENHOFEN, LE 19.
Le 19, le
général Oudinot, parti d'Augsbourg, arriva à la pointe du jour à Pfaffenhofen,
y rencontra 3 ou 4,000 Autrichiens, qu'il attaqua et dispersa, et fit 300
prisonniers.
Le duc de
Rivoli, avec son corps d'armée, arriva le lendemain à Pfaffenhofen.
Le même jour,
le duc d'Auerstaedt quitta Ratisbonne pour se porter sur Neustadt et se
rapprocher d'Ingolstadt. Il parut évident alors que le projet de l'Empereur
était de manœuvrer sur l'ennemi, qui avait débouché de Landshut, et de
l'attaquer dans le moment même où, croyant avoir l'initiative, il marchait sur
Ratisbonne.
BATAILLE DE
THANN, LE 19.
Le 19, à la
pointe du jour, le duc d'Auerstaedt se mit en marche sur deux colonnes. Les
divisions Morand et Gudin formaient sa droite; les divisions Saint-Hilaire et
Friant formaient sa gauche. La division Saint-Hilaire, arrivée au village de
Peising, y rencontra l'ennemi plus fort en nombre, mais bien inférieur en
bravoure, et là s'ouvrit la campagne par un combat glorieux pour nos armes. Le
général Saint-Hilaire, soutenu par le général Friant, culbuta tout ce qui était
devant lui, enleva les positions de l'ennemi, lui tua une grande quantité de
monde et lui fit 6 ou 700 prisonniers. Le 72e se distingua dans cette journée,
et le 57e soutint son ancienne réputation. Il y a seize ans, ce régiment avait
été surnommé en Italie le Terrible et il a bien justifié ce surnom dans
cette affaire, où seul il a abordé et successivement défait six régiments
autrichiens.
Sur la gauche,
à deux heures après midi, le général Morand rencontra également une division
autrichienne, qu'il attaqua en tête, taudis que le duc de Danzig, avec un corps
bavarois parti d'Abensberg, vint la prendre en queue. Cette division fut
bientôt débusquée de toutes ses positions et laissa quelques centaines de morts
et de prisonniers. Le régiment entier des dragons de Levenehr
fut détruit par les chevau-légers bavarois, et son colonel fut tué.
A la chute du
jour, le corps du duc de Danzig fit sa jonction avec celui du duc d'Auerstaedt.
Dans toutes ces
affaires, les généraux Saint-Hilaire el Friant se sont particulièrement
distingués.
Ces
malheureuses troupes autrichiennes, qu'on avait amenées de Vienne au bruit des
chansons et des fifres, en leur faisant croire qu'il n'y avait plus d'armée
française en Allemagne, et qu'elles n'auraient affaire qu'aux Bavarois et aux
Wurtembergeois, montrèrent tout le
ressentiment qu'elles concevaient contre leurs chefs de l’erreur où ils
les avaient entretenus, et leur terreur ne fut que plus grande à la vue de ces
vieilles bandes, qu'elles étaient accoutumées à considérer comme leurs maîtres.
Dans tous ces
combats, notre perte fut peu considérable, en comparaison de celle de l'ennemi,
qui surtout perdit beaucoup d'officiers et de généraux, obligés de se mettre en
avant pour donner l'élan à leurs troupes. Le prince de Liechtenstein, le
général de Lusignan et plusieurs autres furent blessés. La perte des
Autrichiens en colonels et officiers de moindre grade est
extrêmement considérable.
BATAILLE
D'ABENSBERG, LE 20.
L'Empereur
résolut de battre et de détruire le corps de l'archiduc Louis et celui du
général Hiller, forts ensemble de 60,000 hommes. Le 20, l'Empereur se porta à
Abensberg. Il donna ordre au duc d'Auerstaedt de tenir en respect les corps de
Hohenzollern, de Rosenberg et de Liechtenstein, pendant que, avec les deux
divisions Morand et Gudin, les Bavarois et les Wurtembergeois, il attaquait de
front l'armée de l'archiduc Louis et du général Hiller, et qu'il faisait couper
les communications de l'ennemi par le duc de Rivoli, en le faisant passer à
Freising et de là sur les derrières de l'armée autrichienne. Les divisions
Morand et Gudin formèrent la gauche et manœuvrèrent sous les ordres du duc
de Montebello. L'Empereur se décida à combattre ce jour-là à la tête des Bavarois
et des Wurtembergeois. Il fit réunir en cercle les officiers de ces deux armées
et leur parla longtemps; le prince royal de Bavière traduisait en allemand ce
qu'il disait en français. L'Empereur leur fit sentir la marque de confiance
qu'il leur donnait. Il dit aux officiers bavarois que les Autrichiens avaient
toujours été leurs ennemis; que c'était à leur indépendance qu'ils en
voulaient; que depuis plus de deux cents ans les drapeaux bavarois étaient
déployés contre la Maison d'Autriche: mais que cette fois il les rendrait si
puissants, qu'ils suffiraient seuls désormais pour lui résister. Il parla aux Wurtembergeois des victoires qu'ils avaient
remportées sur la Maison d'Autriche lorsqu'ils servaient dans l'armée
prussienne et des derniers avantages qu'ils avaient obtenus dans la campagne de
Silésie. Il leur dit à tous que le moment de vaincre
était venu pour porter la guerre sur le territoire autrichien. Ces discours,
qui furent répètés aux compagnies par les capitaines,
et les différentes dispositions que fit l'Empereur, produisirent l'effet qu'on
pouvait en attendre.
L'Empereur
donna alors le signal du combat et mesura les manœuvres sur le
caractère particulier de ces troupes. Le général de Wrede, officier bavarois
d'un grand mérite, placé au-devant du pont de Siegenburg, attaqua une division
autrichienne qui lui était opposée; le général Vandamme, qui commandait les
Wurtembergeois, la déborda sur son flanc droit. Le duc de Danzig, avec la
division du Prince royal et celle du général Deroy, marcha sur le village de
Neuhausen pour arriver sur la grande route d'Abensberg à Landshut. Le duc de
Montebello, avec ses deux divisions françaises, força l'extrême gauche, culbuta
tout ce qui était devant lui et se porta sur Rohr et Rottenburg. Sur tous les
points la canonnade était engagée avec succès. L'ennemi, déconcerté par ces
dispositions, ne combattit qu'une heure et battit en retraite. Huit drapeaux,
douze pièces de canon, 18,000 prisonniers, furent le résultat de cette affaire,
qui ne nous a coûté que peu de monde.
COMBAT ET PRISE
DE LANDSHUT, LE 21
La bataille
d'Abensberg ayant découvert le flanc de l'armée autrichienne et tous les
magasins de l'ennemi, le 21, l'Empereur, dès la pointe du jour, marcha sur
Landshut. Le duc d'Istrie culbuta la cavalerie ennemie dans la plaine en avant
de cette ville.
Le général de
division Mouton fit marcher au pas de charge sur le pont les grenadiers du 17e,
formant la tête de la colonne. Ce pont, qui est en bois, était embrasé, mais ne
fut point un obstacle pour notre infanterie, qui le franchit et pénétra dans la
ville. L'ennemi, chassé de sa position, fut alors attaqué par le duc de Rivoli,
qui débouchait par la rive droite. Landshut tomba en notre pouvoir, et, avec
Landshut, nous prîmes 30 pièces de canon, 9,000 prisonniers, 600 caissons de
parc attelés et remplis de munitions, 3,000 voitures portant les bagages, trois
superbes équipages de pont, enfin les hôpitaux et les magasins que l'armée
autrichienne commençait à former. Des courriers, des aides de camp du général
en chef le prince Charles, des convois de malades venant de Landshut, et très
étonnés d'y trouver l'ennemi, eurent le même sort.
BATAILLE
D’ECKMÜHL, le 22.
Tandis que la
bataille d'Abensberg et le combat de Landshut avaient des résultats si importants,
le prince Charles se réunissait avec le corps de Bohême commandé par le général
Kollowrath, et obtenait à Ratisbonne un faible succès. 1,000 hommes du 65e, qui
avaient été laissés pour garder le pont de Ratisbonne, ne reçurent point
l'ordre de se retirer. Cernés par l’armée autrichienne, ces braves, ayant
épuisé leurs cartouches, furent obligés de se rendre. Cet événement fut
sensible à l’Empereur. Il jura que dans les vingt-quatre heures le sang
autrichien coulerait dans Ratisbonne pour venger cet affront fait à ses armes.
Dans le même
temps, les ducs d'Auerstaedt et de Danzig tenaient en échec les corps de
Rosenberg, de Hohenzollern et de Liechtenstein. Il n'y avait pas de temps à
perdre. Le 22 au matin, l'Empereur se mit en marche de Landshut avec les deux
divisions du duc de Montebello, le corps du duc de Rivoli, les divisions de
cuirassiers Nansouty et Saint-Sulpice et la division wurtembergeoise. A deux
heures après midi, il arriva vis-à-vis d’Eckmühl, où les quatre corps de
l'armée autrichienne, formant 10,000 hommes, étaient en position sous le
commandement de l'archiduc Charles. Le duc de Montebello déborda l'ennemi par
la gauche avec la division Gudin. An premier signal, les ducs d'Auerstaedt et
de Danzig et la division de cavalerie légère du général Montbrun débouchèrent.
On vit alors un des plus beaux spectacles qu'ait offerts la guerre. 1l0,000 ennemis attaqués sur tous les points, tournés par leur
gauche et successivement dépostés de toutes leurs positions. Le détail des
événements militaires serait trop long: il suffit de dire que, mis en pleine
déroute, l'ennemi a perdu la plus grande partie de ses canons et un grand
nombre de prisonniers; que le l10e d'infanterie légère de la division
Saint-Hilaire se couvrit de gloire en débouchant sur l'ennemi, et que les
Autrichiens, débusqués du bois qui couvre Ratisbonne, furent jetés dans la
plaine et coupés par la cavalerie. Le sénateur général de division Demont eut
un cheval tué sous lui. La cavalerie autrichienne, forte et nombreuse, se
présenta pour protéger la retraite de son infanterie; la division Saint-Sulpice
sur la droite, la division Nansouty sur la gauche, l'abordèrent; la ligne de
hussards et de cuirassiers ennemis fut mise en déroute; plus de 300 cuirassiers
autrichiens furent faits prisonniers. La nuit commençait. Nos cuirassiers
continuèrent leur marche sur Ratisbonne. La division Nansouty rencontra une
colonne ennemie qui se sauvait, la chargea et la fit prisonnière; elle était
composée de trois bataillons hongrois de 1,500 hommes.
La division
Saint-Sulpice chargea un autre carré dans lequel faillit être pris le prince
Charles, qui ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval. Cette colonne fut
également enfoncée et prise. L'obscurité obligea enfin à s'arrêter. Dans cette
bataille d'Eckmühl, il n'y eut que la moitié à peu près des troupes françaises
engagée. Poussée l'épée dans les reins, l'armée ennemie continua à défiler
toute la nuit, par morceaux et dans la plus épouvantable déroute. Tous ses
blessés, la plus grande partie de son artillerie, quinze drapeaux et 20,000
prisonniers sont tombés en notre pouvoir. Les cuirassiers se sont, comme à
l'ordinaire, couverts de gloire.
COMBAT ET PRISE DE RATISBONNE, LE 23,
Le 23, à la
pointe du jour, on s'avança sur Ratisbonne, l'avant garde formée par la
division Gudin et par les cuirassiers des divisions Nansouty et Saint-Sulpice.
On ne tarda pas à apercevoir la cavalerie ennemie qui prétendait couvrir la
ville. Trois charges successives s'engagèrent; toutes furent à notre avantage.
Sabrés et mis en pièces, 8,000 hommes de cavalerie ennemie repassèrent
précipitamment le Danube. Sur ces entrefaites, nos tirailleurs tâtèrent la
ville. Par une inconcevable disposition, le général
autrichien y avait placé six régiments sacrifiés sans raison. La ville est
enveloppée d'une mauvaise enceinte, d'un mauvais fossé et d'une mauvaise contrescarpe.
L'artillerie arriva; on mit en batterie des pièces de 12. Ou
reconnut une issue par laquelle, au moyen d'une échelle, on pouvait descendre
dans le fossé, et remonter ensuite par une brèche faite à la muraille. Le duc
de Montebello fit passer par cette ouverture un bataillon, qui gagna une
poterne et l'ouvrit: on s'introduisit alors dans la ville. Tout ce qui fit
résistance fut sabré; le nombre des prisonniers passa 8,000. Par suite de ses
mauvaises dispositions, l'ennemi n'eut pas le temps de couper le pont, et les
Français passèrent pêle-mêle avec lui sur la rive gauche.
Cette
malheureuse ville, qu'il a eu la barbarie de défendre, a beaucoup souffert; le
feu y a été une partie de la nuit; mais, par les soins du général Morand et de
sa division, on parvint à le dominer et à l'éteindre.
Ainsi à la
bataille d'Abensberg, l'Empereur battit séparément les deux corps de l'archiduc
Louis et du général Hiller. Au combat de Landshut, il s'empara du centre des
communications de l'ennemi et du dépôt général de ses magasins et de son
artillerie. Enfin à la bataille d'Eckmühl, les quatre corps de Hohenzollern, de
Rosenberg, de Kollowrath et de Liechtenstein furent défaits et mis en déroute.
Le corps du général Bellegarde, arrivé le lendemain de cette bataille, ne put
qu'être témoin de la prise de Ratisbonne et se sauva en Bohême.
Cette première
notice des opérations militaires qui ont ouvert la campagne d'une manière si
brillante sera suivie d'une relation plus détaillée de tous les faits d'armes
qui ont illustré les armées françaises et alliées.
Dans tous ces
combats, notre perte peut se monter à 1,200 tués et 4,000 blessés. Le général de division Cervoni, chef d'état-major du duc de
Montebello, fut frappé d'un boulet de canon et tomba mort sur le champ de
bataille d'Eckmühl; c'était un officier de mérite et qui s'était distingué dans
nos premières campagnes. Au combat de Peising, le général Hervo, chef de
l'état-major du duc d'Auerstaedt, a été également tué; le duc d'Auerstaedt
regrette vivement cet officier, dont il estimait la bravoure, l'intelligence et
l'activité. Le général de brigade Clément, commandant une brigade de
cuirassiers de la division Saint-Sulpice, a eu un bras emporté; c'est un
officier de courage et d'un mérite distingué. Le général Schramm a été blessé.
Le colonel du 14e de chasseurs a été tué
dans une charge. En général, notre perte en officiers est peu considérable. Les
1,000 hommes du 65e qui ont été faits prisonniers ont été la plupart repris. Il est impossible de montrer plus de bravoure et de bonne
volonté qu'en ont montré les troupes.
A la bataille
d'Eckmühl, le corps du duc de Rivoli n'ayant pu encore rejoindre, ce maréchal
est resté constamment auprès de l'Empereur; il a porté des ordres et fait
exécuter différentes manœuvres.
A l'assaut de
Ratisbonne, le duc de Montebello, qui avait désigné le lieu du passage, a fait porter les échelles par ses aides de camp.
Le prince de
Neuchâtel, afin d'encourager les troupes et de donner en même temps une preuve
de confiance aux alliés, a marché plusieurs fois à l'avant-garde avec les
régiments bavarois.
Le duc
d'Auerstaedt a donné dans ces différentes affaires de nouvelles preuves de
l'intrépidité qui le caractérise.
Le duc de
Rovigo, avec autant de dévouement que d'intrépidité, a
traversé plusieurs fois les légions ennemies pour aller faire connaître aux
différentes colonnes les intentions de l'Empereur.
Des 220,000
hommes qui composaient l'armée autrichienne, tous ont été engagés, hormis les
20,000 hommes que commande le général Bellegarde et qui n'ont pas donné. De
l'armée française, au contraire, près de la moitié n'a pas tiré un coup de
fusil. L'ennemi, étonné par des mouvements rapides et hors de ses calculs,
s'est trouvé en un moment déchu de sa folle espérance, et transporté du délire
de la présomption dans un abattement approchant du désespoir.
Extrait du Moniteur,
du 3 mai 1809.
Ratisbonne, 25
avril 1809
Au général Clarke,
comte de Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le
Général Clarke, je vous ai mandé de faire partir le régiment de Westphalie pour
Strasbourg; donnez-lui l'ordre de se diriger sur Augsbourg.
Le 1er régiment
provisoire de chasseurs à cheval doit être également dirigé sur Augsbourg.
Les six
régiments provisoires de dragons qui s'organisent à Strasbourg doivent bientôt
être en état d'entrer en campagne. Faites-vous rendre compte si les colonels en
second sont rendus à leur poste et s'il y a suffisamment d'officiers. Il me
semble que ces six régiments doivent bientôt former 4,000 hommes. Faîtes-leur
donner six pièces d'artillerie légère, et qu'ils se mettent en marche, du 1er au 5 mai, pour se rendre à Augsbourg.
Les cuirassiers
me rendent ici des services inappréciables. Ce sont de bonnes et excellentes
troupes de cavalerie. Entendez-vous avec le ministre Dejean pour qu'ils soient
bien entretenus, qu'il leur soit fourni de bons chevaux, et qu'ils soient
recrutés de manière à augmenter plutôt que de diminuer pendant la guerre. II me
tarde d'apprendre que tous ces régiments sont portés à 1,000 hommes, et que
leurs 4e escadrons sont complétés.
Donnez ordre au
général Bourcier, qui est en Espagne, de se rendre à Augsbourg, pour y prendre
le commandement des dépôts de cavalerie de l'armée d'Allemagne.
Ayez soin que
mon décret sur l'incorporation dans les régiments de l'armée du -Rhin des
conscrits destinés à des corps de l'armée d'Espagne soit exécuté, et que
bientôt les 4e escadrons des régiments de chasseurs et de hussards
soient disponibles. Continuez à faire organiser les 5e et 6e compagnies,
et faites-les ensuite diriger sur Augsbourg. Faites également partir tous les
4e bataillons qui doivent être à Saint-Denis.
Lorsque les
deux demi-brigades réunies à Saint-Omer formeront 3,000 hommes, et que les
gardes nationales seront organisées, faites aussi partir pour Strasbourg les 4e
bataillons du camp de Boulogne. Vous me ferez connaître la situation des
demi-brigades qui se réunissent à Paris, Metz, Sedan, Wesel et Mayence.
Aussitôt que la
garnison de la Martinique sera débarquée, elle joindra ses corps, les 82e, 26e et 66e régiments. Ces régiments demandent une attention
particulière de votre part. Portez leurs sept bataillons au complet, de manière
que ces trois régiments forment un corps de 20,000 hommes, que je pourrai faire
venir en Allemagne, en le faisant remplacer, pour la garde des côtes, par des
gardes nationales ou des troupes disponibles en Espagne.
Ratisbonne, 25
avril 1809
Au général
Clarke, comte de Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le
Général Clarke, dans la répartition des conscrits, il faut avoir soin d'en
donner beaucoup au 65e, ce régiment ayant perdu 1,000 hommes qui ont été faits
prisonniers par suite d'une fausse manœuvre. Les officiers rentrent en
France. Il faut reformer ce régiment, et lui donner 1, 000 hommes sur la
conscription des quatre années, et 1,000 sur la conscription de 1810.
Les 10 000
hommes des anciennes conscriptions seront répartis de la manière suivante :
1,000 hommes au 65e régiment, 6,000 pour les dépôts de la Garde, dont 3,000
seront dirigés sur Strasbourg (ce sont ceux des départements qui se
détourneraient trop s'ils venaient à Paris) et 3,000 sur Paris (ce sont ceux
des départements dont la distance permet de passer par Paris sans trop
s'éloigner).
Entendez-vous
avec l'inspecteur aux revues, le commissaire des guerres et le quartier-maître
de la Garde, pour leur babillement. Les habits seront confectionnés à Paris,
aux ateliers de la Garde, et envoyés à Strasbourg.
Les 6,000
hommes seront donnés, savoir : 3,000 hommes aux deux nouveaux régiments de
tirailleurs de la Garde que je forme par le décret ci-joint, et. 3,000 hommes
serviront à compléter les régiments de conscrits, tirailleurs et fusiliers.
Les 3,000
hommes restant des 10,000 seront répartis entre la cavalerie, l'artillerie et
les corps de l'armée qui en auraient le plus besoin.
Moyennant la
formation de deux nouveaux régiments de tirailleurs de la Garde, ma Garde sera
composée de deux nouveaux régiments de fusiliers, de quatre régiments de
tirailleurs, de quatre régiments de conscrits et de deux régiments de vieille
Garde; ce qui fera douze régiments.
Quant à la
répartition des 30,000 conscrits de 1810, comme il m'est difficile d'entrer
dans ce détail, je ne puis que m'en rapporter à ce que vous ferez. Je
désirerais seulement qu'il fût formé un dépôt de 3,000 conscrits à Strasbourg
et un dépôt de 3,000 à Grenoble, pour envoyer
aux régiments des armées du Rhin et d'Italie qui auraient le plus souffert.
Il faut que ces
dépôts soient bien organisés et que leur habillement soit confectionné, en
établissant à Strasbourg et à Grenoble un conseil d'administration de
confection comme celui que j'avais établi à Bordeaux, en se servant pour tous les habits d'un seul bouton à aigle.
Le dépôt de
Strasbourg sera surveillé par le duc de Valmy; il faudrait chercher un officier
intelligent pour le dépôt de Grenoble, et, à mesure que les corps auront fait
des pertes extraordinaires, on tirera de ces dépôts pour leur envoyer.
Il ne resterait
plus que 21,000 hommes à distribuer, dont 1,000 au 65e. Je désire que dans
cette répartition on prenne en considération les divisions Friant et
Saint-Hilaire, qui ont le plus souffert jusqu'à présent.
Ratisbonne, 25
avril 1809
Au général
Lacuée, comte de Cessac, directeur général des revues et de la conscription
militaire, à Paris
J'ai reçu
l'état comparatif de ce que coûtent un régiment de cinq bataillons et deux régiments
de conscrits de la Garde. Il résulte qu'il y a une économie de 400,000 francs.
D'après cette considération, je me suis résolu à créer deux nouveaux régiments
de tirailleurs, qui seront formés par les conscrits des années antérieures. La
Garde sera donc composée de deux régiments de vieille Garde, deux régiments de
fusiliers, un régiment de tirailleurs (dont les officiers et sous-officiers
sont de la Garde, ce qui sera changé le plus promptement possible), deux
régiments de tirailleurs organisés comme les régiments de conscrits, et enfin
quatre régiments de conscrits; en tout, onze régiments d'infanterie, faisant
17,600 hommes.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A Eugène
Napoléon, vice-roi d’Italie, à Caldiero
Mon Fils, je reçois
à la fois vos deux lettres du 14 et du 17. Je vois par elles qu'il m'en manque
plusieurs, car j'ai ignoré votre mouvement de retraite sur le Frioul et ce qui
est arrivé à la colonne que j'avais en Tyrol. Il est fâcheux que vous ayez
livré bataille sans avoir votre cavalerie. Vos lettres contenant point de
détails, je suppose que je recevrai aujourd’hui ou demain un officier qui
me fera connaître en quoi consistent mes pertes de ce côté.
Vous verrez par
une proclamation l'analyse des succès que j'ai tenus ici, après huit jours de
manoeuvres. Mes troupes ont passé l’Inn et seront bientôt à Linz et à
Salzburg.
Vous avez eu
tort de vous inquiéter de ce que l'ennemi avait dans Tyrol. Si vous vous êtes
affaibli pour couvrir Vérone, vous avez eu tort; devant livrer la bataille, il
fallait réunir toutes vos troupes, si vous l'aviez gagnée, vous n'aviez rien à craindre des troupes qui étaient dans le Tyrol. Je ne
puis vous donner aucune instruction, ignorant les événements qui se sont
passés; toutefois il faut bien tenir la ligne de l'Adige, et j'espère que
bientôt mes mouvements appelleront à la défense de Vienne, en tout ou en
partie.
La division
Miollis doit bientôt être arrivée; ce qui vous renforcera autant.
Je suppose que
vous instruisez de tout le prince Borghèse et que vous faites mettre mes places
en état, que vous avez désarmé mes frégates d'Ancône et réuni tous les
équipages pour la défense de Venise. Faites approvisionner Mantoue et toutes
mes forteresses.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A M. Louis
d’Affry, landammann de la Suisse
Très-cher et grand ami, je reçois votre lettre du 18 avril que me
remet M. Reinhard. J'approuve toutes les mesures
prises pour assurer la neutralité de la
Suisse. Votre territoire ne sera jamais attaqué par moi, mais il le sera par
mes ennemis aussitôt qu'ils seront en état de le faire. Les événements qui
viennent de se passer font penser que ce moment n'est pas près d'arriver.
Toutefois les mesures que vous avez prises et les intentions que la Diète a
manifestées sont très-convenables; car, si une seule
fois la Suisse laissait violer son territoire par la Maison d'Autriche, elle
serait perdue pour toujours. Il est très-certain que,
lors de la guerre de 1805, et peut-être même dans celle-ci, le cabinet de
Vienne avait cherché à troubler la Suisse et à y pénétrer; projets vains, que
le succès de mes armes a dissipés, mais qui cependant ne doivent point être
oubliés et qui doivent pour l'avenir servir de règle à la Suisse.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A
Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Leipzig
J'ai expédié un
officier d'ordonnance à Votre Majesté pour lui faire connaître les premiers
succès que j'ai obtenus sur les corps du prince Louis et du général Hiller,
formant ensemble 60,000 hommes. Aujourd'hui je ne veux pas tarder plus
longtemps à faire part à Votre Majesté des victoires que j'ai remportées, à Eckmühl et à Ratisbonne, sur le corps réunis des généraux
Hohenzollern, Rosenberg, Kollowrath, et la réserve du prince Liechtenstein,
commandés par le prince Charles et formant 110,000 hommes. L'ennemi a évacué
Munich et se retire sur la Bohême, poursuivi à marches forcées par le maréchal,
duc d'Auerstaedt. J'ai mandé au prince de Ponte-Corvo d'entrer en Bohême avec
les troupes de Votre Majesté. Tout a donc favorisé mes armes, et j'éprouve une
singulière satisfaction à voir que les États de Votre Majesté n'ont point été
inquiétés par l'ennemi et qu'elle pourra, sous peu de jours, rentrer dans sa
capitale.
Je pars demain
pour me porter sur l'Inn; mon avant-garde n'en est pas éloignée.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A Frédéric, roi
de Wurtemberg, à Stuttgart
Monsieur mon
Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté du 22 avril. L'arrivée des
Autrichiens sur l'Altmühl et Nuremberg est véritable; mais bien des choses se
sont passées depuis. La bataille de Ratisbonne a terminé le destin de l'armée
autrichienne. J'ai sur-le-champ fait passer le Danube à une partie de mes
troupes pour poursuivre vivement l'ennemi. Je ne doute pas que Bellegarde ne se
soit replié pour gagner la Bohême; s'il ne l'avait pas fait, il serait poursuivi l'épée dans les reins. Je ne pense
donc pas qu'il y ait aujourd’hui
une espèce de danger; cependant, s'il en était autrement, je pense que Votre
Majesté devrait se retirer sur Strasbourg. Du reste, je vais me porter sur la
droite et vais passer l'Inn; mon avant-garde l'a passée; mais je ne quitterai
pas Ratisbonne que je ne sois assuré que la rive gauche du Danube est purgée.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A Frédéric, roi
de Wurtemberg, à Stuttgart
Monsieur mon
Frère, le corps de Bellegarde était aujourd'hui 25 à Schwarzenfeld; il se
retire par la Bohême. Le prince de Ponte-Corvo avec les Saxons va le suivre.
Votre Majesté ne doit donc avoir aucune inquiétude. Je désirerais qu'elle pût
envoyer 2,000 hommes, cavalerie et infanterie, sur la frontière du Vorarlberg
pour contenir Kempten, Füssen et empêcher
l'insurrection du Tyrol de se répandre. Cette colonne mobile, qui pourrait se
porter partout, serait, je pense, fort utile pour maintenir la tranquillité
dans toute la Souabe.
Ratisbonne, 25
avril 1809
A Louis X,
grand-duc de Hesse-Darmstadt, à Darmstadt
Mon frère, je
reçois votre lettre du 20 avril, que m'apporte le prince Émile. Je le vois avec
plaisir se livrer au métier des armes, qui a toujours été celui des princes de sa Maison; je
suis certain qu'il répondra aux désirs de Votre Altesse et à l'opinion que j'ai
de sa famille.
Ratisbonne, 26
avril 1809, trois heures du matin
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Regenstauf
Mon Cousin, je
reçois votre lettre du 25 à onze heures du soir, où je vois que vous pensez que
le prince Charles se serait porté sur Passau par Cham. Cette marche de flanc
serait bien hasardeuse. Nous devons être aujourd'hui 26 à Passau. D'ailleurs
vous ne dites point sur quoi vous fondez cette opinion. Les renseignements
donnés par le général Montbrun, qui les a pris sur les lieux, sont tout
opposés. Tout porte donc à penser qu'il a pris la direction qu'annonce le
général Montbrun; cette marche est plus naturelle. Cependant j'attends de
connaître positivement ce qui en est; il m'importe beaucoup d'être éclairé sur
cette affaire.
Hemau étant
libre et Bellegarde s'étant retiré sur Schwandorf, il ne faut pas épuiser votre
cavalerie en courses inutiles du côté de Nuremberg; de simples estafettes
suffisent; et employez le 12e de chasseurs à talonner l'arrière-garde de
Bellegarde. Je pense qu'avec votre corps d'armée vous devez vous porter sur
Bruck, où vous saurez positivement le parti que prendra le prince Charles. Le général
de division Dupas, avec une brigade française de 5,000
hommes et une brigade composée des contingents des petits princes, que commande
le général Rouyer, formant une division de 10,000 hommes, se rend à Ratisbonne,
où je suppose qu'il sera arrivé le 27. Je retiens le général Boudet à Straubing
jusqu'à nouvel ordre; il y est arrivé hier 25, à dix heures du soir. J'ai bien
de l'impatience à savoir ce que fait l'ennemi.
Ratisbonne, 26
avril 1809, quatre heures du matin
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Regenstauf
Mon Cousin,
comme il serait possible que je partisse d'ici ce matin, je désirerais avoir,
avant de partir, les rapports d'avant-garde et savoir sur quoi est fondée
l'idée que vous avez que l'ennemi se retire sur Passau; est-ce conjecture, ou
votre opinion est-elle appuyée sur des témoignages ? Le duc de Rivoli, qui
était à Straubing, me mandait le 25 qu'à huit lieues à la ronde il n'y avait
pas d'ennemis.
Landshut, 26
avril 1809, trois heures après midi
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Regenstauf
Mon Cousin, je
reçois votre lettre du 26 par un officier d'ordonnance.
Le général
Boudet est avec sa division à Straubing; il me mande que l'on dit dans le pays
que le général Lichtenstein est à Cham et que les avant-postes arrivent à moitié chemin de Cham à Straubing. Je suppose
que le mouvement du duc de Rivoli sur Straubing les aura attirés de ce côté. Le
général Boudet restera en position jusqu'à nouvel ordre, et j'attendrai de
nouvelles circonstances ou un besoin commandé, pour le retirer de Straubing. Je
lui ai envoyé un régiment de cavalerie légère wurtembergeoise. Le duc de Rivoli
a dû arriver à Passau; je n'en ai point encore de nouvelles. L'ennemi paraît
avoir des forces imposantes du côté de Salzbourg dans le Tyrol.
J'attends de
vos nouvelles avec impatience.
P. S. Je n'ai
pas besoin de vous répéter que votre instruction est générale, et que, du
moment où l'ennemi se sera retiré en Bohême, vous devez marcher sur Passau,
laissant à Ratisbonne la division Dupas, jusqu'à ce
que le prince de Ponte-Corvo ait appuyé sur Ratisbonne.
Il est important que vous vous trouviez à la bataille qui
doit avoir lieu entre Passau et Vienne.
Landshut, 26
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Landshut
Mon Cousin, le
bulletin, n'étant qu'une esquisse légère des événements, ne peut pas satisfaire
l'amour-propre des officiers; il est donc nécessaire que vous fassiez un relevé
des rapports des généraux, pour en former un canevas dans lequel on fera
connaître les faits particuliers. Je vous envoie à cet effet un rapport du duc
de Danzig. Proposez-moi également les récompenses à accorder à chaque corps,
les avancements et les distinctions demandés par les généraux.
Landshut, 26
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Landshut
Mon Cousin, le dépôt général de cavalerie de l'armée sera placé à Landshut.
En conséquence, tout ce que les régiments de cavalerie auraient du côté de
Ratisbonne, Dillingen, Nördlingen, etc., se réunira à Landshut. En attendant
l'arrivée du général Bourcier, vous nommerez un officier supérieur pour prendre
le commandement de ce dépôt. Quand le dépôt passera plus de 8,000 chevaux, il
sera divisé en dépôts de chasseurs, hussards grosse cavalerie, placés à
Moosburg et autres endroits favorables pour le fourrage.
Landshut, 26 avril 1809
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée
d’Allemagne, à Landshut
Mon Cousin,
donnez ordre que les onze bataillons de marche que commande le général Marion,
qui arrivent demain à Augsbourg, se rendent à Munich. Ordonnez également que
les 3e, 4e et 5e bataillons de marche, que la 14e compagnie de
marche et que le détachement du 122e régiment se mettent en marche, et que
cette colonne, forte de 5 à 6,000 hommes, se rende à Munich, d'où elle ne
partira que d'après de nouveaux ordres. Donnez l'ordre que toute la cavalerie
destinée pour le général Colbert, le duc de Rivoli, la brigade Piré, tout ce
qui est destiné pour la brigade Jacquinot, se rende également à Munich, et que
la cavalerie destinée à renforcer la division Montbrun reste à Augsbourg. Les
trois compagnies d'Anhalt se rendront à Ratisbonne. Quant à ce qui n'arrive que
le 28, je me réserve de donner des ordres. Vous me remettrez cela sous les yeux
demain soir. Le détachement de Portugais à cheval attendra à Augsbourg le
détachement d'élite à pied, afin que ces deux corps marchent ensemble. Vous
mettrez à Munich un commandant qui rendra compte de l’arrivée de ces
détachements au fur et à mesure. Vous me remettrez sous les yeux, le 29,
l'arrivée de ces détachements à Munich, afin que j'en dispose suivant les
circonstances.
Landshut, 26
avril 1809
A Eugène Napoléon,
vice-roi d’Italie, à Caldiero
Mon Fils, je ne
conçois rien à votre correspondance; vous m'avez écrit le 17 et le 19, et vous
ne me dites rien. J'ignore comment s'est passée la bataille, le nombre
d'hommes, de pièces de canon que j'ai perdus, d'où est venue cette
défaite. Cette conduite est étrange. Au lieu de m'envoyer officier sur
officier, vous ne m'envoyez que de mauvais courriers qui ne savent et ne disent
rien. Vous portez votre attention sur le Tyrol, d'où vous n'avez absolument
rien à craindre. Indépendamment d'un de mes corps qui marche sur Salzburg, que
voulez-vous que fassent une douzaine de mille hommes qu'une poignée d'hommes au
Monte-Baldo peut tenir en respect ? Tout cela est
insensé. Il faut que la bataille ait été bien terrible pour que vous ayez
abandonné la Piave. Je ne puis asseoir mon jugement, puisque j’ignore ce
qui s'est passé et quelle est la situation de mon armée. Mais laisser bloquer
Venise sans des raisons très-fortes, et par la seule
terreur ridicule du Tyrol, est une opération insensée. La première de toutes
les choses à faire, c'est de m'envoyer des détails très-circonstanciés,
ensuite de m'envoyer un officier tous les jours pour me tenir informé de ce qui
se passe. Si vous craignez une agression par le Tyrol, faites occuper les
positions que j'ai occupées dans les campagnes d'Italie; tous les tambours de
votre armée les connaissent. Je fis
occuper le Monte-Caldo, la Corona, Rivoli et l'Adige
; l’ennemi était maître d'Innsbruck, de la Bavière et du Tyrol, et c'est
surtout en empêchant la jonction de ce qu'il avait dans le Tyrol avec le Frioul
que je l'ai battu.
Je vois que
vous ne savez pas bien l'histoire de ces campagnes, puisque vous dites que, si
l'ennemi vient par le Tyrol, il faudra lui abandonner la plaine de Vérone. Il
ne peut déboucher par le Tyrol, si vous occupez les hauteurs de Rivoli, et il
ne peut pas forcer la position de Rivoli, si vous occupez la Corona et le Monte-Caldo. Je reste à concevoir comment mes troupes ont
été battues par cette canaille d'Autrichiens. Ils étaient 300,000 ici; je les
ai toujours battus, n'étant qu'un contre sept. L'armée d'Italie passait pour
valoir cette armée. Si vous êtes maître de Bassano, l'ennemi n'osera jamais
passer Trente; vous le couperiez par les gorges de la Brenta.
Quelque mal qui
soit arrivé, si j'avais une parfaite connaissance de l'état des choses, je
prendrais mon parti; mais je trouve ridicule et affreux que, la bataille ayant
eu lieu le 16, nous nous trouvions au 26 sans que j'en aie la plus légère idée;
cela déroute ici toutes les combinaisons de campagne, et je ne vois pas ce qui
peut vous avoir dicté cette singulière conduite. Je suppose que les corps qui
étaient à Florence sont arrivés. J'espère être bientôt à Salzburg et couper
tout ce qui est dans le Tyrol. Mais, pour Dieu ! Instruisez moi de ce qui se
passe, et faites-moi connaître la situation de mes affaires en Italie.
Landshut, 26 avril 1809
Au comte de Champagny, ministre des relations
extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, vous aurez vu dans le bulletin les
évènements qui se sont passés ici. Je suppose que vous ferez imprimer votre
rapport au sénat en français et en allemand. Je n'entends pas parler de la
Russie. On m'assure cependant qu'un courrier est arrivé dernièrement au prince
Kourakine. Voici les dernières lettres du sieur Dodun. Faîtes mettre l'extrait
de tout cela dans le Moniteur. Je
vous ai envoyé, il y a quelques
jours, d'autres pièces de lui. Je suis étonné qu'il n'ait pas demandé ses
passeports et ne soit pas retiré.
(de Brotonne)
Landshut, 27
avril 1809, six heures et demie du matin
Au maréchal
Lannes, duc de Montebello, commandant le 2e corps de l’armée
d’Allemagne
Le mouvement du
duc de Rivoli a décidé l'ennemi à se porter sur Passau. Il est important de
passer promptement l'Inn et la Salza, afin de faire une diversion pour le duc
de Rivoli.
Le duc de
Danzig se porte sur Salzburg, poussant devant lui la division ennemie. Je serai
de bonne heure à Neumarkt avec les cuirassiers, une division de cavalerie
légère, quelque chose de ma Garde et les Wurtembergeois.
Aussitôt que
vous aurez passé la Salza, éclairez-vous sur la droite et sur la gauche. Il ne
serait pas impossible qu'on coupât un corps d'armée ennemi qui vient du Tyrol.
Landshut, 27
avril 1809, neuf heures du matin
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Nittenau
Mon Cousin, le
duc d'Istrie est à Oetting. Je n'ai pas de nouvelles du duc de Rivoli, que je
crois à Passau. Je pars pour passer la Salza et me joindre avec lui. Je donne
ordre au général Boudet de partir de Straubing aujourd'hui pour rejoindre le
duc de Rivoli à Passau. 200 hommes d'un escadron de marche appartenant à la
brigade de cavalerie légère du général Pajol
resteront à Straubing sous les ordres du major Ameil. Ils seront sous vos
ordres pour vous instruire de tout ce qui se passera, et, lorsque vos troupes
seront à Cham, ils les rejoindront pour être incorporés dans leurs régiments.
Tout porte à penser que les ennemis se retirent en Bohême, probablement pour
tâcher de gagner Budweis. Toutefois il est très-important
de tâcher d'arriver à temps pour la bataille qui doit se livrer. Point de
nouvelles du prince de Ponte-Corvo depuis le 20. Ce soir mon quartier général
sera à Neumarkt. Un parlementaire que le prince de Liechtenstein envoyait à
Straubing pour savoir ce qui se passait a été retenu; gardez-le le temps
nécessaire, après quoi vous le renverrez.
Landshut, 27
avril 1809
A Eugène
Napoléon, vice-roi d’Italie, à Caldiero
Mon Fils, il est
neuf heures du matin et je n'ai pas encore de nouvelles de mon armée d'Italie.
Je vous ai expédié hier Cavaletti. J’espère
toujours, que vous n'aurez pas évacué la Piave et que vous n’aurez pas
abandonné au pillage le beau pays entre cette rivière et l’Adige. Au
reste je ne puis avoir aucune idée sur rien, puisque j’ignore tout et que
vous n'avez pas encore daigné me faire donner le moindre renseignement sur ce
qui s'est passé.
Le roi de
Bavière est rentré à Munich. Le siége de Passau et celui Kufstein seront levés
dans la journée. Mes troupes ont passé l'Inn,
et demain probablement j'en aurai à Salzburg. Tout ce qui était dans le
Tyrol de ce côté-ci se sauve à toutes jambes. Sans l'inconcevable échec que
vient d'essuyer mon armée d'Italie, dès ce moment les destins de la Maison
d'Autriche seraient entièrement terminés. Il me tarde bien de voir quelqu'un
qui sache ce qui s'est passé.
Mühldorf, 27
avril 1809
Au comte de
Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur de
Champagny, je ne sais ce que signifient ces embarras pour le départ de M. de
Metternich. Il faut l'envoyer à Strasbourg, et de là à mon quartier général,
d'où il sera échangé aux avant postes avec ma légation. Le ministre de la
police lui donnera un officier de gendarmerie pour l'accompagner, ou bien on
recevra sa parole d'honneur par écrit qu'il suivra cette direction. Vous
pourrez le faire accompagner par un élève des relations extérieures pour
constater l'échange. Je trouve la lettre de M. de Lavallette
mauvaise. Il était tout simple de répondre qu'on attendait les ordres de l'Empereur
et que notre légation n'était point échangée.
Mühldorf, 27
avril 1809
NOTE POUR M.
OTTO
Le duc de
Rivoli est arrivé le 26 à Passau. 400 hommes retranchés ont voulu lui disputer
le passage de la rivière; il les a pris, a débloqué le fort et pris position à
Schärding. De l'autre côté, les corps des ducs d'Istrie et de Montebello ont
passé l'Inn à Mühldorf.
Nous voilà en
Autriche et nous marchons à grandes journées.
Rien ne peut
peindre le désordre et le découragement où sont tombés tous ces gens-ci.
Burghausen, 29
avril 1809
A M. Otto,
ministre de France près le roi de Bavière
Monsieur Otto,
il est convenable que vous fassiez mettre dans les journaux d'Augsbourg ou de
Munich, selon le lieu où vous vous trouverez, la note des prisonniers qui
passent et des articles de toutes couleurs sur les victoires de l'armée, afin
d'animer les peuples de la Confédération
contre les violences qu'exercent les Autrichiens contre les Bavarois et
les Wurtembergeois. Envoyez de ces articles à Cassel à M. Reinhard,
à Francfort à M. Hédouville, à Hanovre, à Hambourg.
Faites faire quelques pamphlets par des Bavarois contre la Maison d'Autriche,
qui servent d'antidote à ce qu'elle imprime, et faites-les répandre en
Allemagne.
Quand nos
troupes seront tout à fait entrées en Autriche, il serait possible que des
communes bavaroises fussent inquiétées par des partis autrichiens venant de
Bohême. Pour prévenir ces incursions, il serait convenable que les ponts depuis
Straubing jusqu'à Passau fussent gardés par des compagnies de bourgeois armés,
qui puissent les défendre contre des partis de cavalerie. On pourrait les armer
avec les armes autrichiennes prises à Ratisbonne et ramassées sur le champ de
bataille. On peut également mettre à chacun de ces ponts une escouade de
canonniers avec deux ou trois pièces de canon. Concertez-vous là-dessus avec le
ministre de la guerre bavarois. Stimulez le Roi et son ministre, pour qu'on
fasse des recrues pour tenir les régiments au complet et qu'on achète des
chevaux pour remonter la cavalerie. Cela est extrêmement important.
P. S. Faites passer la lettre ci-jointe à mon ministre à
Berlin.
Burghausen, 29
avril 1809
Au comte de
Saint-Marsan, ministre de l’Empereur, à Berlin
Monsieur de
Saint-Marsan, je reçois votre lettre du 21. Les victoires que j'ai remportées
aux batailles d'Abensberg, de Thann, Eckmühl et de Ratisbonne calmeront les
têtes de vos écoles. Je suis entré hier à Salzburg, et j'ai envoyé un
détachement pour tourner l'armée
ennemie. Je compte être sous peu de jours à Vienne. Jusqu'à ce que M. de
Champagny se soit rendu auprès de moi, continuez à m'adresser directement tous
les renseignements que vous aurez sur la Pologne, sur les Russes et sur ce qui
se passera autour de vous; et, lorsque vous aurez à me transmettre quelque
chose d'important, chargez-en un de vos secrétaires de légation.
Burghausen, 29
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Burghausen
Mon Cousin, mon
intention est de former dans le comté de Hanau un corps d'observation qui sera
commandé par le duc de Valmy, qui aura sous ses ordres les généraux de division
Rivaud et Beaumont, le général de brigade Boyer et deux autres généraux de
brigade que nommera le ministre de la guerre. Ce corps sera composé, 1° de
trois régiments provisoires de dragons, les plus en état des six qui se forment
à Strasbourg, au choix du général Beaumont, qui partira avec ces trois
régiments; 2° des 4e bataillons des 75e, 36e, 46e
et 50e qui sont à Paris el qui reçoivent l'ordre de se porter
sur Mayence; 30 des
demi-brigades provisoires de réserve qui se réunissent à Mayence, à Metz et à
Sedan, formant 8,000 hommes; 4° de douze
pièces d'artillerie qui seront organisées à Mayence. Tout cela formera un corps
de 14,000 hommes, qui portera le nom de corps d'observation de l'Elbe. Donnez
les ordres directement pour ce qui fait partie de l'armée, c'est-à-dire pour les trois régiments provisoires de dragons, au général
Beaumont. Si sa division était déjà partie, il se porterait sur Hanau avec ses
trois meilleurs régiments, et les trois autres continueraient leur route sur
Augsbourg, sous les ordres du général de brigade Picard. Pour les troupes qui
sont dans l'intérieur de la France, transmettez les ordres au ministre de la
guerre. Recommandez au duc de Valmy de porter, aussitôt que possible, son
quartier général à Hanau, d'y réunir ses troupes, et surtout de les faire
donner ensemble et de ne pas les éparpiller; enfin de faire grand bruit de la
formation de son corps et de répandre qu'il est de 50,000 hommes, avec lesquels
il devra se porter partout où il serait nécessaire.
Burghausen, 29
avril 1809
A Alexandre,
prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à
Burghausen
Mon Cousin,
donnez ordre à la compagnie de canonniers bavarois qui est au pont de Rain, sur le Lech, de se rendre à Straubing, pour garder le
pont de cette ville; elle mènera avec elle douze pièces de canon; elle laissera
un sous-officier et quatre hommes pour garder le pont de Rain
avec les six pièces de canon qui y resteront. Demandez au gouvernement bavarois
les états de situation et l’emplacement des dépôts de l'artillerie.
Mandez au roi de Bavière qu'il serait nécessaire qu'on armât quelques mille
hommes des habitants de Straubing, Passau et autres villes le long du Danube,
afin de garder les ponts qui existent sur le fleuve et se mettre à l'abri des
partis ennemis qui viendraient lever des contributions.
Burghausen, 29
avril 1809
Au maréchal
Lefebvre, duc de Danzig, commandant le 7e corps de l’armée
d’Allemagne, à Freylassing
Mon Cousin, je
suppose que vous êtes arrivé aujourd'hui à Salzburg. Envoyez une forte
avant-garde d'infanterie et de cavalerie sur le chemin de Spital jusqu'à seize
lieues, la cavalerie à Rastadt, Bruck et Leoben. Faites que cette avant-garde
annonce l'arrivée d'une armée de 40,000 hommes pour couper tout ce qui serait
dans le Tyrol. Sachez si Chasteler, qui s'est porté
sur Brixen, s'est retiré ; s’il ne l'est pas, ce mouvement doit le
faire retourner. Je pense que cette avant-garde doit être composée d'une
brigade.
Aussitôt que
vous aurez débloqué Kufstein, réunissez-en la garnison avec de la cavalerie,
artillerie, et vous y ajouterez ce qui sera nécessaire pour former une colonne,
que vous porteriez à la frontière pour observer ce qu'ils font dans le Tyrol.
Faites imprimer
et publier ce qui s'est passé avec le prince Louis, Hiller, et avec des
proclamations apprenez-leur le danger qu'ils courent.
Portez le
général de Wrede à Strasswalchen et, avec la tête de
votre corps, tenez-vous à Salzburg pour être à portée de soutenir vos deux
avant-gardes, surtout celle qui sera sur le chemin de Rastadt.
Faites briser
les armes de la Maison d'Autriche à Salzburg. Faites appeler les milices et
rapporter les armes à Salzburg. Faites-vous remettre l'état des milices qui se
sont armées, et faites publier que, si sous huit jours elles ne sont pas
rentrées dans leurs foyers, les communes seront traitées militairement. Faites
arrêter les officiers autrichiens que l'empereur a laissés dans le Tyrol; ils
serviront d'otages contre les traitements que l'on fera éprouver aux baillis
bavarois. Faites arrêter les agents de l'insurrection. Nommez une commission
de gouvernement, composée de cinq membres, qui administreront le pays en mon
nom; faites-leur prêter serment de ne rien faire contre le bien de mon service.
Faites
travailler sur-le-champ à la citadelle; mettez-y quelques canons de Kufstein;
faites-y faire des palissades, et prenez des mesures telles que, dans cinq
jours, elle soit en état de soutenir trois mois de siége et puisse me répondre
de la tranquillité de la ville.
Quant à
l'économie, veillez à ce que les caisses ne soient point pillées. Mettez le
séquestre sur tout ce qui appartient aux Autrichiens.
Le major
général va envoyer un commandant pour la citadelle, et l'intendant général un
administrateur pour la province. Mettez sur-le-champ en confection 200,000
rations de biscuit.
Burghausen, 29
avril 1809
Au maréchal
Kellermann, duc de Valmy, commandant l’armée de réserve, à Strasbourg
Mon Cousin,
rendez-vous à Mayence afin d'avoir l'œil sur la Westphalie et de porter au
Roi tons les secours que vous pourrez. Je donne l’ordre au ministre de la
guerre de diriger sur Hanau quatre bataillons, formant 3,000 hommes, qui sont à
Paris. Réunissez à Hanau les trois demi-brigades provisoires qui se forment à
Sedan, à Metz et à Mayence ; cela vous fera 10 à 11,000 hommes d'infanterie. Je donne ordre au général Beaumont de
partir de Strasbourg avec trois régiments provisoires de dragons formant 1,500
à 2,000 chevaux, et de se rendre à Hanau, où vous réunirez le plus tôt possible
tout ce corps, qui sera fort de 12 ou 13,000 hommes. Vous y emploierez le
général de division Rivaud et le général de brigade Boyer. Ces troupes réunies
vous formeront un corps qui portera le nom de Corps d'observation d
l’Elbe avec lequel vous pourrez vous porter partout où il sera
nécessaire, pour prêter secours au roi de Westphalie et rétablir la
tranquillité. Mais il est nécessaire que cela ne donne point par petits
paquets, mais ensemble et sous votre direction.
Si vous avez
des généraux de brigade dans votre commandement, nommez-en deux que vous
attacherez à votre corps, indépendamment du général Boyer.
Correspondez
fréquemment et par courriers avec le ministre de la guerre, et répandez partout
le bruit que vous vous portez sur Hanau avec un corps d'observation de 50,000
hommes.
Burghausen, 29
avril 1809, deux heures de l’après-midi
Au maréchal
Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de
l’armée d’Allemagne, à Kurn
Mon Cousin, le
général Rouyer a dû arriver le 27 à Ratisbonne.
Le général
Dupas a dû y arriver le 27. Ainsi je suppose que
demain soir vous aurez à votre disposition, à Straubing, une brigade française forte
de 5,000 hommes et 5,000 Saxons avec quatorze canons. Vous aurez également 200
hommes de cavalerie du général Rouyer et 200 commandés par le major Ameil ,
qui, avec le régiment wurtembergeois qui est en garnison à Ratisbonne,
formeront un total de plus de 12,000 hommes, qui seront parfaitement placés à
Straubing sur la rive droite du Danube. Je fais donner ordre à une compagnie de
canonniers bavarois, qui est à Rain avec douze pièces
de canon, de se rendre à Straubing. Il sera bon de les y laisser dans tout état
de choses, pour défendre le pont quand nous n'y serons plus. Donnez ordre au
commandant bavarois qui est à Straubing de former deux ou trois bataillons
bourgeois, que vous réunirez à Straubing et que vous armerez avec les fusils
autrichiens provenant du désarmement de Ratisbonne.
Les dernières
nouvelles que j'ai de vous sont du 27. Nous sommes arrêtés ici pour réparer le
pont de la Salza, qui est tout à fait détruit. Nous avons occupé Salzburg et
fait bon nombre de prisonniers.
Burghausen, 29 avril
1809
Au général
comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à
Burghausen
Monsieur le
Général Bertrand, mon intention est que la citadelle de Salzburg soit
sur-le-champ mise en état de défense. Envoyez-y un officier du génie avec une escouade
de sapeurs; donnez-lui les fonds nécessaires pour commencer les travaux. On commencera par les palissades et ouvrages les plus
urgents jusqu'à ce que je donne les instructions nécessaires d'après le plan
qui me sera soumis aussitôt; car mon intention est que cette citadelle soit
mise dans six jours à l’abri d'un coup de main. La place sera organisée
en matériel et en personnel tirés de la garnison de Kufstein.
Burghausen, 29
avril 1809
A Jérôme
Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je viens
d'ordonner la formation d'un corps d'observation de l'Elbe, dans le comté de
Hanau, fort de 18,000 hommes et de 2,000 chevaux, sous les ordres du duc de
Valmy; mais il faut lui donner le temps de se former et ne pas l'éparpiller. Ce
corps passera sous vos ordres aussitôt qu'il sera formé et augmentera le 10e
corps. Il est destiné non-seulement à se porter sur l'Elbe et dans le Hanovre,
mais aussi sur les côtes, si les Anglais faisaient quelques tentatives. Pour ce
premier moment, il me semble que la nouvelle de nos victoires, le régiment du
grand-duché de Berg et les deux bataillons français qui vous sont arrivés,
doivent suffire pour calmer les têtes.
Burghausen, 29
avril l809
A Jérôme
Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je
vous ai écrit ce matin par l'officier que vous m'avez envoyé. Je reçois au
moment même votre lettre du 24. J'ordonne au duc de Valmy de se rendre
sur-le-champ à Mayence, où va être réunie une division de 12,000 hommes. Je
suppose que la nouvelle de nos victoires aura calmé un peu les têtes chez vous.
Mes troupes sont entrées à Salzburg et à Passau, et marchent sur Linz et
Vienne. Je serai sous peu de jours sous les murs de Vienne. On me mande que le
général Rivaud vous a déjà envoyé deux bataillons français et deux bataillons
du grand-duché de Berg. J'eusse désiré que ces troupes eussent marché ensemble
afin de ne pas éprouver d'échec. Vous avez bien fait de faire venir à vous une
partie des Hollandais. Vous devez sentir actuellement combien il est fâcheux
que vous n'ayez pas gardé la légion de la Vistule; vous auriez 9,000 hommes
d'infanterie et 1,500 de cavalerie, dévoués et qui vous auraient
mis à l'abri de tout événement. Vous devez regretter aussi de n'avoir pas
organisé votre garde comme je vous l'avais conseillé. Je désire que cet
événement vous donne plus de confiance dans mes conseils.
Burghausen, 29 avril l809
A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Je reçois votre lettre
du 22; M. Otto m'en communiqué une du 23. J'approuve que vous ayez gardé le
régiment de Berg; je lui avais envoyé l'ordre de venir; mais gardez-le, s'il
vous est nécessaire. Vous pouvez faire venir la division qui est à Hambourg, quoique
ce soient des troupes hollandaises. J'ordonne à
Kellermann de se rendre à Mayence; il pourra être à même de vous fournir les
secours que les circonstances et ses moyens pourront permettre.
Votre royaume est sans
police, sans finances, sans organisation.
Ce n'est pas avec un
luxe désordonné que l'on fonde des monarchies. Ce qui vous arrive (révolte au sein de l’armée westphalienne), je
m'y attendais. Je désire que cela vous corrige. Prenez des manières et des
habitudes conformes à celles du pays que vous gouvernez. C'est ainsi que vous vous
gagnerez les habitants par l'estime, qui ne va jamais qu'avec l' opinion des mœurs et la simplicité. Au reste, je
sens que ce n'est pas le moment de sermonner; faites des exemples sévères.
(Lecestre)
Burghausen, 30
avril 1809
A Eugène
Napoléon, vice-roi d’Italie, à Caldiero
Mon Fils, je
reçois votre lettre du 22, qui m'arrive par la poste. Je vois avec peine que
vous ayez abandonné la Piave. Vous trouvez étrange que l'ennemi ne s'y soit pas
présenté; j'aurais été étonné qu'il l'eût fait et qu'il ne se soit pas contenté
de conquérir en un jour tout le pays de l'Isonzo à la Piave. Si, au lieu de
couper le pont de la Piave, vous eussiez garni la tête de pont, et que vous
eussiez montré l'intention de vous y défendre, l'ennemi n'aurait pas été passer
cette rivière, Venise n'eût pas été bloquée, et tout le pays entre la Piave et
l'Adige livré au pillage. Mais si, contre toute attente, l'ennemi eût tenté de
passer la Piave, et que vous n'eussiez pas été dans le cas de vous y opposer,
qui vous eût empêché de vous retirer ? Vous aviez: vingt-quatre heures devant
vous. Je vois avec peine que vous n'avez ni habitude ni notion de la guerre. J'ignore
encore la situation de mon armée, l'état de mes pertes en hommes, en généraux,
en drapeaux, en canons, et je suis livré aux rapports des Autrichiens, qui sont
nécessairement exagérés. Ne valait-il pas mieux me faire connaître l'état des
choses ? Il est douloureux: de penser que, sans raison, tout le pays entre la
Piave et l'Adige ait été pillé par les Autrichiens. La Piave était une assez
bonne ligne pour que vous ayez essayé de la garder. Les Autrichiens sont si peu
accoutumés à faire ainsi la guerre, qu'ils ont été étonnés que vous n'ayez pas
conservé la ligne de la Livenza, qui était une bonne ligne de ralliement pour
vous; aussi ne conçoivent-ils pas que vous ayez abandonné la Piave.
A la guerre on
voit ses maux et on ne voit pas ceux de l'ennemi ; il faut montrer de la
confiance. Jusqu'à ce que l'ennemi eût tenté de forcer le pont de la Piave,
vous deviez vous maintenir dans la tète de pont, si vous étiez toujours à même
de couper le pont, quand même l'ennemi eût passé plus haut ou plus bas. Le
résultat de cela est très-fâcheux pour moi et pour
mes peuples d'Italie.
La guerre est
un jeu sérieux, dans lequel on peut compromettre sa réputation et son pays;
quand on est raisonnable, on doit se sentir et connaître si l'on est fait ou
non pour ce métier. Je sais qu'en Italie vous affectez de mépriser Masséna; si
je l'eusse envoyé, ce qui est arrivé n'aurait point eu lieu, Masséna a des
talents militaires devant lesquels il faut se prosterner; il faut oublier ses
défauts, car tous les hommes en ont. En vous donnant le commandement de
l'armée, j'ai fait une faute; j'aurais dû vous envoyer Masséna et vous donner
le commandement de la cavalerie, sous ses ordres. Le prince royal de Bavière
commande une division sous le duc de Danzig. Les rois de France, des empereurs
même régnants, ont souvent commandé un régiment ou une division sous les ordres
d'un vieux maréchal. Je pense que, si les circonstances deviennent pressantes,
vous devez écrire au roi de Naples de venir à l'armée; il laissera le gouvernement à la Reine. Vous lui remettrez le
commandement et vous vous rangerez sous ses ordres; cela sera d'un bon effet et
convenable, il est tout simple que vous ayez moins d'expérience de la guerre
qu'un homme qui la fait depuis seize ans. Je n'ai point de mécontentement des
fautes que vous avez faites, mais de ce que vous ne m'écrivez pas, et que vous
ne me mettez point à même de vous donner des conseils et même de régler ici mes
opérations. Si vous saviez l'histoire, vous sauriez que les quolibets ne
servent à rien, et que les plus grandes batailles dont l'histoire fasse mention
n'ont été perdues que pour avoir écouté les propos des armées. Je vous répète
donc que je pense qu'à moins que l'ennemi ne se soit déjà retiré, et peut-être
même dans tous les cas, il est convenable que vous écriviez au roi de Naples de
venir à l'armée, vous faisant un mérite et une gloire de servir sous un plus
ancien que vous. Vous lui manderez que vous êtes autorisé par moi à cette
démarche et qu'à son arrivée il trouvera ses lettres de commandement.
Burghausen, 30 avril 1809
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Caldiero
C'est aujourd'hui le
30, c'est-à-dire le treizième jour depuis que vous avez perdu votre bataille,
et je n'ai aucune nouvelle de ce s'est passé. Je n'avais pas le droit de
m'attendre à un procédé si extraordinaire, qui compromet mes opérations. Ce
procédé est inouï. Comment, au lieu de recevoir de vous des rapports détaillés
jour par jour, de recevoir des officiers qui me donnent des détails sur tout ce
qui s'est passé, je ne sais que ce que les Autrichiens publient, et je ne
trouve des détails que dans leurs journaux ! Qui peut vous porter à une si
étrange conduite ? Quel ordre voulez-vous que je donne à mon armée d'Italie, et
comment ne sentez-vous pas que l'ignorance où vous me laissez compromet
sérieusement mes opérations ? D'où vient ce silence ? Avez-vous perdu la tête,
et qu'est-ce que cela veut dire ? Comment ignoré-je tout ? Je vous ai envoyé
des officiers; je suppose que vous avez fait partir des officiers qui ont été
témoins oculaires de la bataille et qui m'apportent un compte de tous les événements
qui se sont passés. Je suppose que vous n'aurez point perdu la tête au point
d'évacuer la ligue de la Piave.
Mes troupes sont
entrées à Salzbourg, et une forte colonne se porte sur Rastadt, pour couper
tout ce qui viendrait de Spital. Si je savais ce qui est arrivé à mon armée
d'Italie, je pourrais agir plus fortement; mais, dans le doute et l'obscurité où
je suis, je ne puis avoir que des idées sinistres. Envoyez-moi l'état de
situation de mes corps, écrivez-moi longuement et faites-moi connaître l'état
de mes affaires. On peut perdre une bataille, mais non oublier à ce point le
sentiment des convenances et de son devoir. Plus je réfléchis, et plus je me
persuade que mes affaires sont perdues en Italie et que vous n'osez me le dire.
Et ce devrait être au contraire une raison de ne me laisser rien ignorer. Bientôt
l'armée ennemie d'Italie va se trouver sur mon flanc droit. J'ai besoin de
connaître sa force, enfin tous les détails qui m'intéressent tant. Si vous ne
pouvez pas écrire, qui empêche Charpentier, Caffarelli ou un de vos aides de
camp de le faire ? On est aussi très alarmé à Paris, et, des détails, vous les
deviez aussi au ministre de la guerre en France.
(Lecestre)