10 – 13 mai 1809


Saint-Pölten, 10 mai 1809

Au prince Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Je reçois votre lettre du ler mai que m'apporte le généra] d'Anthouard. Elle ne m'en dit pas davantage que les autres. Heureusement que d'Anthouard m'a donné quelques détails. Il n'en est pas moins vrai que j'ai besoin d'avoir un rapport officiel de ce qui s'est passé. Vous croyez me rendre des comptes et vos lettres ne me disent rien.

Mon avant-garde arrive aujourd'hui devant Vienne. On dit que les habitants veulent se défendre. Je pars pour m'y rendre. Je vous expédierai de là d'Anthouard. Suivez vivement l'ennemi partout où il se retire. S'il se retire partie sur Klagenfurt, partie sur Laybach, suivez-le sur Klagenfurt en plus grande force. Il est nécessaire de faire notre réunion le plus tôt possible, afin que, s'il cherche à tomber sur mon flanc droit, vous soyez là pour le contenir.

Je suppose que le général Marmont aura de son côté fait quelque mouvement; vous ne m'en donnez aucune nouvelle; cependant on m'assure que vous en avez du 30 avril. Expédiez-moi deux courr­iers par jour, et écrivez-moi des lettres détaillées de tout ce qui se fait et se passe, afin que tous les jours je sache le lieu où sont tous vos régiments.

Il paraît que le 35e de ligne a été isolé et cerné par l'ennemi. Il est de principe à la guerre qu'une avant-garde doit être composée de 10 à 12,000 hommes. Faites-moi connaître si le général Sahuc a bivouaqué avec sa troupe, ou s'il était dans les maisons, et com­ment il a été surpris. S'il n'était pas bivouaqué et s'il était dans les maisons, faites-le arrêter et conduire à Paris.

Les Autrichiens auront empesté mes États d'Italie de leur papier.

Il ne faut pas le recevoir dans les caisses de l'État; car ce n'est que du chiffon.

On dit que l'évêque d'Udine s'est mal comporté. Si cela est faites-le fusiller; il est temps de faire un  exemple de ces mauvais prêtres, et tout est permis au premier moment de votre rentrée. Que cela soit fait dans les vingt-quatre heures après la réception de cette lettre. C'est une rigueur qui est utile. S'il y a quelque autre individu qui se soit mal comporté, faites-le arrêter.

Si la ville de Trieste vient à être en votre pouvoir, imposez-lui une contribution de 50 millions, et faites arrêter quarante des principaux habitants pour sûreté de payement. Faites également séquestrer tous les navires, jusqu'à ce que la contribution soit entièrement acquittée.

Toutes les fois que vous serez en présence de l'ennemi, bivouaquez avec vos troupes. Il y a longtemps que j'ai cet usage, et je m'en suis bien trouvé. Cela donne l'exemple à tout le monde.

Je suppose que vous êtes aujourd'hui à Udine. Quelque direction que prenne l'ennemi, talonnez-le, afin qu'il n'ose se mettre entre vous et ma droite.

(Lecestre)


Schönbrunn, 11 mai 1809, midi

Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l'armée d'Allemagne, à  Schönbrunn

Ordre à Masséna d'arrêter sa dernière division à Sieghartskirchen, son avant-dernière à Puckersdorf, et de faire arriver les deux premières  sur Vienne.

L'Empereur ordonne, Monsieur le Duc, que vous mettiez votre 1e et votre 2e division en position à Simmering, l'une à droite, l'autre à gauche de la route. Vous ferez occuper les deux faubourgs en arrière de vous, pour y maintenir l'ordre et la police. Envoyez à l'avance votre chef d'état-major auprès du général Andréossy, pour se concerter avec lui sur la manière d'occuper ces deux faubourgs. Ce sont les deux faubourgs qui sont le plus près de la rive droite du Danube, route de Vienne à Presbourg.

Le prince de Neuchâtel, major général

(A ce moment important de la campagne de 1809, il y a plusieurs ordres directs de Napoléon 1er qui n'ont pas été retrouvés. On a cru devoir publier des lettres du major général qui en tiennent lieu. Ces lettres sont d'ailleurs écrites par ordre de l'Empereur, et les minutes en ont été conservées dans l'ancienne secrétairerie d'Etat, parmi les papiers du cabinet impérial.)


Schönbrunn, 11 mai 1809.

Au général comte Nansouty, commandant la 1e division des cuirassiers légère du 4e corps

Ordre à la division Nansouty de rester dans sa position.


Schönbrunn, 11 mai 1809.

Au général Marulaz, commandant  la 2e brigade de cavalerie légère du 4e corps

L'intention de l'Empereur, Général, est que vous vous portiez avec votre brigade au village de Simmering, route de Vienne à Presbourg, pour y relever le général Colbert, auquel vous remettrez l'ordre ci­ joint de se concentrer sur la route de Neustadt, pour y soutenir, en cas de besoin, le régiment qui s'y est rendu depuis hier.


Schönbrunn, 11 mai 1809

Au maréchal Bessières, duc d'Istrie, commandant la réserve de cavalerie de l'armée d'Allemagne, à Penzing

Avis des deux ordres ci-dessus au duc d'Istrie.

L'intention de l'Empereur est que la brigade Jacquinot éclaire sur le chemin de Nussdorf et Schönbrunn, et se lie avec le géneral Piré, qui doit être le long du Danube jusqu'à Mautern.


Schönbrunn, 11 mai 1809, onze heures et demie du soir.

Au général Songis, commandant l'artillerie de l'armée d'Allemagne, à Schönbrunn

L'intention de l'Empereur, Monsieur le Général, est de jeter un pont sur le Danube demain ou après-demain; il faut donc prévenir les pontonniers et prendre toutes les mesures possibles pour avoir des bateaux, des cordages et des ancres. L'Empereur voudrait jeter ce pont entre Presbourg et Vienne. On pense qu'à Fischament, à huit lieues au-dessous de Vienne, le Danube se trouve réuni dans un seul lit, et que dans cet endroit il n'y a point d'île. Il faudrait donc envoyer un officier reconnaître cette position ou toute autre qui pourrait être propice. L'officier que vous désignerez se rendra auprès du duc de Rivoli, qui a son quartier général à Simmering, sur la route de Presbourg. Il lui demandera un fort parti en cavalerie pour l'escorter dans sa reconnaissance, dont l'objet est de choisir l'endroit le plus propice pour jeter un pont au-dessous de Vienne.

Le prince de Neuchâtel, major général

P. S. Je donne le même ordre au général Bertrand; tâchez que votre officier se réunisse à celui qu'il enverra.


Schönbrunn, 12 mai 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l'Empire, à Paris

Mon Cousin, nous sommes entrés dans Vienne. Le frère de la duchesse de Montebello vous donnera des détails. L'ordre du jour vous fera connaître l'état des choses; vous pouvez le faire imprimer et lire dans tous les théâtres.


Schönbrunn, 12 mai 1809.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Munich

Monsieur de Champagny, nous sommes maîtres de Vienne, puisque vous êtes à Munich, rendez-vous ici, mais faites-le de manière qu'il ne soit question d'aucune idée de paix.
 
Vous trouverez ci-joint mon ordre du jour. Envoyez-le par courrier extraordinaire à Leipzig, à Berlin, à Varsovie, à Saint-Pétersbourg, à Stuttgart, à Cassel.


Schönbrunn, 12 mai 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à San-Daniele

Mon Fils, je reçois votre lettre de Vicence du 3 mai. Je sais que vous avez pris l'intendant de l'armée ennemie et les papiers qu'il avait avec lui; envoyez-moi la copie de ce qu'ils contiennent d'important.

Nous sommes maîtres de Vienne, des faubourgs depuis le 10, et de la ville aujourd’hui, après un bombardement. Votre aide de camp, qui s'est trouvé ici, vous donnera des détails. Je vous envoie mon ordre du jour, que vous pourrez faire imprimer et envoyer partout. Je suppose que l'ennemi est aujourd'hui chassé de toute l'Italie, et que vous l'aurez poursuivi dans toutes les directions. Il paraît que ce qu'il y a d'ennemis ici se rallie dans la Moravie.

P. S.  Envoyez l'ordre du jour à Naples, à Rome, en Toscane, en Piémont.


Schönbrunn, 12 mai 1809

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples.

Vous trouverez ci-joint l'ordre du jour. L'ennemi a tenu vingt­ quatre heures dans la ville, ce qui m'a obligé de la bombarder. On a pénétré dans le Prater en passant un bras du Danube, et il s'est rendu. Il se rallie, à ce qu'il paraît, du côté de Brünn.

Les Anglais ne peuvent rien tenter contre vous; toutes leurs expéditions sont à Lisbonne; d'ailleurs vous avez plus de forces qu'il ne vous en faut; c'est plutôt vous qui êtes dans le cas de menacer la Sicile.

Je suis décidé pour les affaires de Rome; tenez vos troupes prêtes; dans peu de jours j'enverrai mes ordres définitifs.

Mon armée n'a jamais été si belle et si nombreuse; les cuirassiers n'ont jamais mieux fait; ils sont à 1,000 chevaux par régiment. Sous Ratisbonne, ils ont chargé et défait des corps de 10,000 hommes de cavalerie autrichienne avec une singulière intrépidité. La cavalerie ennemie est dans la terreur et n'ose se montrer nulle part.


Schönbrunn, 12 mai 1809

A l’Impératrice Joséphine, à Strasbourg

Je t’expédie le frère de la duchesse de Montebello pour t’apprendre que je suis maître de Vienne, et que tout ici va parfaitement. Ma santé est fort bonne.

(Lettres de Joséphine)


Schönbrunn, 13 mai 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Munich

Monsieur de Champagny, il faut donner l'ordre que M. de Metternich vienne ici sous l'escorte de la gendarmerie, pour être échangé contre la légation française, qui a été arrêtée et conduite à Pest, en Hongrie.


Schönbrunn, 13 mai 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je n'approuve pas la proposition d'appeler dans les dépôts des sous-officiers retirés. Cette mesure donnerait l'alarme; nous n'en sommes pas aux expédients. Mais je vous autorise à tirer des demi-brigades de vétérans ceux qui ont été instructeurs, et à les détacher dans les dépôts qui se trouvent dans les divisions militaires où sont placées les demi-brigades de vétérans. Ils ne seront que détachés, et continueront à être payés à leurs demi-brigades. Cela pourra être utile et sera sans inconvénient.


Schönbrunn, 13 mai 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement de l'absolu dénuement où vous me laissez de reconnaissances et de cartes sur Nickolsburg, sur Austerlitz, sur les environs de Vienne, sur la Hongrie. Je ne trouve dans mon bureau topographique aucun des renseignements que j'ai fait prendre moi-même. Mes reconnaissances sur l'Inn, vous ne me les avez envoyées que lorsque je n'en avais plus besoin. Par un principe ridicule, on ne veut m'envoyer que des copies, et, comme on copie très-lentement, rien ne m'arrive à temps, et je suis privé de matériaux importants. Cette manière de faire le service est mauvaise. Si l'on me fait cela, à moi, que fait-on aux généraux ? A quoi sert le dépôt de la guerre, s'il ne fournit pas aux généraux des reconnaissances qui puissent leur servir dans leurs opérations ? Donnez ordre que dans les vingt-quatre heures on m'envoie les originaux (je ne veux point de copies) des cartes, plans, reconnaissances et mémoires sur la Moravie, sur la Bohême, sur la Hongrie, sur l'Autriche. Sans doute qu'il eût été préférable d'avoir des copies, mais il fallait qu'elles fussent faites avant la déclaration de guerre.


Schönbrunn, 13 mai 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l'armée d'Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Rivoli d'employer ses sapeurs, ses pontonniers et ses officiers du génie et la division Molitor à jeter un pont dans le lieu déjà reconnu, à quelques lieues de Vienne, sur la route de Presbourg. On m'assure qu'il y a déjà cinquante bateaux j ce nombre doit être suffisant.

Donnez l'ordre à la division Molitor de prendre position et de protéger cet établissement.


Schönbrunn, 13 mai 1809

Au général Songis, commandant de l'artillerie de l'armée d'Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général Songis, envoyez une compagnie de pontonniers à Nussdorf pour rétablir le pont où il était dans la dernière campagne. Le général Bertrand y enverra une compagnie de sapeurs. Je désire que l'on établisse un second pont, ainsi que je l'ai déjà ordonné, entre Vienne et Presbourg.


Schönbrunn, 13 mai 1809

Au maréchal Davout, duc d'Auerstaedt, commandant le 3e corps de l'armée d'Allemagne, à Saint-Pölten

Mon Cousin, le mouvement du général Vandamme sur Krems n'a pas le sens commun. Puisqu'il était à Freystadt, il devait rester à Freystadt et continuer à éclairer la route de Budweis. Si malheureusement un parti ennemi se présentait, cette colonne serait coupée.

Cette manière de faire la guerre est insensée. Recommandez au général Vandamme de se renfermer dans ses instructions, qui sont de garder Linz et d'éclairer toute cette partie. S'il peut pousser jusqu'à Budweis, ce ne peut qu'être utile.


Schönbrunn, 13 mai 1809, midi.Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant le 9e corps de l'armée d'Allemagne, à Passau.

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 10. J'approuve le parti que vous avez pris de laisser au roi de Saxe les compagnies et l'artillerie­ qui sont sur les derrières.
Je vous ai instruit hier de mon entrée à Vienne; il a fallu bombarder la ville et y mettre le feu avec trente obusiers.

Vous aurez aujourd'hui le séjour que vous avez demandé et même demain. Je sens que vos troupes doivent avoir besoin de repos.


Schönbrunn, 13 mai 1809A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, commandant le 10e corps de l'armée d'Allemagne, à Cassel

Mon Frère, votre aide de camp vous fera connaître les événements qui se sont passés ici. La division hollandaise que vous avez fait venir et vos troupes vous mettront à même de repousser les attaques des Prussiens. Le roi de Prusse ne participe probablement pas à ces mouvements, mais il est si faible qu'il est entraîné malgré lui par la faction autrichienne. Le roi de Saxe a 2,000 hommes de ses troupes venant de Pologne, qu'il a gardés. Enfin, insensiblement, le duc de Valmy finira par avoir une bonne division à Hanau. Il n'y a rien à craindre des Anglais, qui ont envoyé toutes leurs forces en Portugal. Il me semble que de Magdeburg vous serez dans le cas de bien couvrir votre pays et de pouvoir vous porter sur tous les points qui seraient menacés.


Vienne, 13 mai 1809

SEPTIÈME BULLETIN DE L'ARMÉE D’ALLEMAGNE.

Le 10, à neuf heures du matin, l'Empereur a paru aux portes de Vienne avec le corps du maréchal duc de Montebello; c'était à la même heure, le même jour et un mois juste après que l'armée autrichienne avait passé l'Inn et que l'empereur François II s'était rendu coupable d'un parjure, signal de sa ruine.

Le 5 mai, l'archiduc Maximilien, frère de l'impératrice, jeune prince âgé de vingt-six ans, présomptueux, sans expérience, d'un caractère ardent, avait pris le commandement de Vienne et fait les proclamations ci-jointes.

Le bruit était général dans le pays que tous les retranchements qui environnent la capitale étaient armés, qu'on avait construit des redoutes, qu'on travaillait à des camps retranchés et que la ville était résolue à se défendre. L'Empereur avait peine à croire qu'une capitale si généreusement traitée par l'armée française en 1805 et que des habitants dont le bon esprit et la sagesse sont reconnus eussent été fanatisés au point de se déterminer à une aussi forte entreprise. Il éprouva donc une douce satisfaction lorsque, en approchant des im­menses faubourgs de Vienne, il vit une population nombreuse, des femmes, des enfants, des vieillards, se précipiter au-devant de l'armée française et accueillir nos soldats comme des amis.

Le général Conroux traversa les faubourgs et le général Tharreau se rendit sur l'esplanade qui les sépare de la cité. Au moment où il débouchait, il fut reçu par une fusillade et par des coups de canon, -et légèrement blessé.


Sur 300,000 habitants qui composent la population de la ville de Vienne, la cité proprement dite, qui a une enceinte avec des bastions et une contrescarpe, contient à peine 80,000 habitants et l, 300 maisons. Les huit quartiers de la ville qui ont conservé le nom de faubourgs, et qui sont séparés de la ville par une vaste esplanade et couverts du côté de la campagne par des retranchements, renferment plus de 5,000 maisons et sont habités par plus de 220,000 âmes qui tirent leurs subsistances de la cité, où sont les marchés et les magasins


L'archiduc Maximilien avait fait ouvrir des registres pour recueillir les noms des habitants qui voudraient se défendre: trente individus seulement se firent inscrire; tous les autres refusèrent avec indignation. Déjoué dans ses espérances par le bon sens des Viennois, il fit venir dix bataillons de landwehr et dix bataillons de troupes de ligne, composant une force de 15 à 16.000 hommes, et se renferma dans la place.


Le duc de Montebello lui envoya un aide de camp porteur d'une sommation; mais des bouchers et quelques centaines de gens sans aveu, qui étaient les satellites de l'archiduc Maximilien, s'élancèrent sur le parlementaire, el l'un d'eux le blessa. L'archiduc ordonna que le misérable qui avait commis une action aussi infâme fût promené en triomphe dans toute la ville, monté sur le cheval de l'officiel' fran­çais et environné par la landwehr.


Après cette violation inouïe du droit des gens, on vit l'affreux spectacle d'une partie d'une ville qui tirait contre l'autre, et d'une cité dont les armes étaient dirigées contre ses propres concitoyens.


Le général Andréossy, nommé gouverneur de la ville, organisa dans chaque faubourg des municipalités, un comité central des subsistances et une garde nationale composée des négociants, des fabricants et de tous les bons citoyens, armés pour contenir les prolétaires et les mauvais sujets.


Le général gouverneur fit venir à Schönbrunn une députation des huit faubourgs. L'Empereur la chargea de se rendre dans la cité pour porter la lettre ci-jointe, écrite par le prince de Neuchâtel, major général, à l'archiduc Maximilien. Il recommanda aux députés de représenter à l'archiduc que, s'il continuait à faire tirer sur les faubourgs et si un seul des habitants y perdait la vie par ses armes, cet acte de frénésie, cet attentat envers les peuples, briserait à jamais les liens qui attachent les sujets à leur souverain.



La députation entra dans la cité le 11, à dix heures du matin, et l'on ne s'aperçut de son arrivée que par le redoublement du feu des remparts. Quinze habitants des faubourgs ont péri, et deux Français seulement ont été tués.


La patience de l'Empereur se lassa. Il se posta avec le duc de Rivoli sur le bras du Danube qui sépare la promenade du Prater des faubourgs, et ordonna que deux compagnies de voltigeurs occupas­sent un petit pavillon sur la rive gauche pour protéger la construction d'un pont. Le bataillon de grenadiers qui défendait le passage fut chassé par ces voltigeurs et par la mitraille de quinze pièces d'artillerie. A huit heures du soir, ce pavillon était occupé, et les matériaux du pont réunis. Le capitaine Pourtalès, aide de camp du prince de Neuchâtel, et le sieur Susaldi, aide de camp du général Boudet, s'étaient jetés les premiers à la nage pour aller chercher les bateaux qui étaient sur la rive opposée


A neuf heures du soir, une batterie de vingt obusiers, construite par les généraux Bertrand et Navelet à cent toises de la place, com­mença le bombardement; 1,800 obus furent lancés en moins de quatre heures, et bientôt toute la ville parut en flammes. Il faut avoir vu Vienne, ses maisons à  huit, à neuf étages, ses rues resserrées, cette population si nombreuse dans une aussi étroite enceinte, pour se faire une idée du désordre, de la rumeur et des désastres que devait occasionner une telle opération.


L'archiduc Maximilien avait fait marcher, à une heure du matin, deux bataillons en colonne serrée, pour tâcher de reprendre le pavillon qui protégeait la construction du pont. Les deux compagnies de voltigeurs qui occupaient ce pavillon, qu'elles avaient crénelé, reçurent l'ennemi à bout portant; leur feu et celui des quinze pièces d'ar­tillerie qui étaient sur la rive droite couchèrent par terre une partie de la colonne; le reste se sauva dans le plus grand désordre.



L'archiduc perdit la tête au milieu du bombardement, et au moment surtout où il apprit que nous avions passé un bras du Danube et que nous marchions pour lui couper la retraite. Aussi faible, aussi pusillanime qu'il avait été arrogant et inconsidéré, il s'enfuit le premier et repassa les ponts. Le respectable général O'Reilly n'apprit que par la fuite de l'archiduc qu'il se trouvait investi du commandement.


Le 12, à la pointe du jour, ce général fit prévenir les avant­ postes qu'on allait cesser le feu et qu'une députation allait être en­voyée à l'Empereur

 
Cette députation fut présentée à Sa Majesté dans le parc de Schönbrunn. Elle était composée de MM. le comte de Dietriechstein, maréchal provisoire des États, le prélat de Klosterneuburg, le prélat des Écossais, le comte de Pergen, le comte Veterani, le baron de Bartenstein, M. de Mayenberg, le baron de Hasen, référendaire de la basse Autriche, tous membres des Etats; l'archevêque de Vienne; le baron de Lederen, capitaine de la ville; M. Wohlleben, bourgmestre; M. Mähr, vice-bourgmestre; MM. Egger, Prick et Heyss, conseillers du magistrat.


Sa Majesté assura les députés de sa protection; elle exprima la peine que lui avait fait éprouver la conduite inhumaine de leur gouvernement, qui n'avait pas craint de livrer sa capitale à tous les malheurs de la guerre, qui, portant lui-même atteinte à ses droits, au lieu d'être le roi et le père de ses sujets, s'en était montré l'ennemi et en avait été le tyran. Sa Majesté fit connaître que Vienne serait traitée avec les mêmes ménagements et les mêmes égards dont on avait usé en 1805. La députation répondit à cette assurance par les témoignages de la plus vive reconnaissance.


A neuf heures du matin, le duc de Rivoli avec les divisions Saint­-Cyr et Boudet s'est emparé de la Leopoldstadt.


Pendant ce temps le lieutenant général O'Reilly envoyait le lieutenant général de Vaux et M. Belloute, colonel, pour traiter de la capitulation de la place. La capitulation ci-jointe a été signée dans la soirée, et le 13, à six heures du matin, les grenadiers du corps d'Oudinot ont pris possession de la ville.


Quartier impérial de Schönbrunn,  13 mai 1809.

PROCLAMATION A L'ARMÉE


Soldats ! Un mois après que l'ennemi passa l'Inn, au même jour, à la même heure, nous sommes entrés dans Vienne. Ses landwehrs, ses levées en masse, ses remparts créés par la rage impuissante des princes de la Maison de Lorraine, n'ont point soutenu vos regards. Les princes de cette Maison ont abandonné leur capitale, non comme des soldats d'honneur qui cèdent aux circonstances et aux revers de la guerre, mais comme des parjures que poursuivent leurs propres remords. En fuyant de Vienne, leurs adieux à ses habitants ont été le meurtre et l'incendie: comme Médée, ils ont de leurs propres mains égorgé leurs enfants.

Soldats ! Le peuple de Vienne, selon l'expression de la députation de ses faubourgs, délaissé, abandonné, veuf, sera l'objet de vos égards. Je prends les bons habitants sous ma spéciale protection. Quant aux hommes turbulents et méchants, j'en ferai une justice exemplaire.

Soldats ! Soyons bons pour les pauvres paysans et pour ce bon peuple qui a tant de droits à notre estime. Ne conservons aucun orgueil de nos succès; voyons-y une preuve de cette justice divine qui punit l'ingrat et le parjure.


 

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