1 – 30 Novembre 1809
Fontainebleau, 1er novembre
1809.
A M. de Champagny, duc de
Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur de Champagny, je vois
dans votre correspondance que, mes ministres à Stuttgart et à Cassel ont
l'imprévoyance d'employer des estafettes, et que le sieur Reinhard
assure gravement que ses cachets sont intacts. J'ai déjà défendu à mes
ministres à l'étranger de se servir d'estafettes; réitérez-leur cet ordre, et
tenez la main à ce qu'il soit observé. Les dépêches qui passent par les mains
des Allemands sont violées, et mes secrets sont compromis. Faites bien
connaître à mes ministres que, s'ils envoient des dépêches importantes par
d'autres mains que par celles des Français, ils seront responsables de ce qui
arriverait.
Fontainebleau, 2 novembre
1809.
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
L'expédition de l'île de
Walcheren me paraît si peu importante, que mon intention n'est pas de la faire
moi-même; j'en charge le duc d'Istrie. Le roi de Hollande doit avoir dans le
Sud-Beveland 16,000 Hollandais, ce qui fera 12,000 hommes présents. Il pourra y
faire venir sa garde hollandaise, à marches forcées, au moment de l'expédition.
Outre cela, le duc d'Istrie a 10 ou 12,000 hommes, indépendamment des gardes
nationales qui serviront à défendre les communications. Il faut donc que, du 15
au 20 novembre, il ait 20,000 hommes présents sous les armes dans l'île de
Walcheren, qu'il ait pris Middelburg, investi Flessingue, et qu'il ait des
moyens pour une tête de pont. D'ici à ce temps, il placera ses troupes comme il
l'entendra; mais vous lui ferez observer que, le pays étant malsain, il ne faut
placer mes troupes qu'au dernier moment. Il tiendra conseil avec mes amiraux,
avec l'amiral Ver Huell, le contre-amiral Lhermitte,
commandant ma flottille, et avec les généraux qu'il emploiera dans cette
expédition. Il me fera connaître avant le 10 novembre le plan qui aura été
adopté. Vous trouverez ci-joint le plan qu'il m'a envoyé, que je ne comprends
pas bien. Le chef de bataillon Decaux pourra rester jusqu'à ce que le plan soit
adopté, afin qu'il puisse donner des explications. On m'assure que vous avez
des plans meilleurs que les miens de l'île de Walcheren; le maréchal Marmont
doit vous en avoir donné; envoyez-les-moi.
Fontainebleau, 2 novembre
1809.
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke,
donnez ordre au 8' corps, c'est-à-dire aux 1er, 5e et 6e régiments provisoires
de dragons, au régiment de cavalerie du grand-duché de Berg, formant ensemble
plus de 4,000 hommes, aux huit bataillons de la division Rivaud, au régiment
d’infanterie du grand-duché de Berg et au 22e de ligne, formant quatorze
bataillons d'infanterie, de se rendre à Paris avec les transports, génie,
personnel et attelages d'artillerie. Vous recommanderez au duc d’Abrantès
de laisser à Mayence ou à Metz le matériel de son artillerie ; ce corps,
devant aller en Espagne, trouvera à Bayonne et même en Espagne suffisamment de
matériel.
Donnez ordre au général
Lagrange, qui est dans le Vorarlberg, de se rendre à Huningue avec le bataillon
du 46e, les trois bataillons du 65e et un régiment provisoire de dragons. Il
attendra là de nouveaux ordres; il ne quittera cependant le Vorarlberg
qu'autant que sa présence ne serait plus nécessaire à la tranquillité du pays.
Donnez l'ordre aux deux
régiments provisoires de dragons qui doivent être arrivés à Strasbourg de
continuer leur mouvement sur Orléans. J'ai donné l'ordre, en passant à
Strasbourg, au régiment de marche de Strasbourg, composé de 1,000 hommes, de se
rendre à Metz; donnez ordre qu'il se rende de là à Saint-Denis, de manière que
ces bataillons, en partant de Paris, soient tous à 840 hommes. Il y a deux de
ces bataillons qui ne sont que de quatre compagnies; ce sont ceux des 14e et
34e. Tirez des dépôts de ces régiments les cadres des deux compagnies qui
manquent, et faites venir de l'armée du Nord, des demi-brigades provisoires,
les hommes que ces deux régiments ont là. Il faut qu'en partant de Paris ces
deux bataillons aient 1,000 hommes présents sous les armes; ce qui fera un
effectif de près de 1,200 hommes.
Donnez ordre au 1er régiment
provisoire de chasseurs, qui a eu ordre de se diriger sur Strasbourg, de
continuer sa marche sur Orléans. En cas que ce régiment se trouvât entre
Augsbourg et Strasbourg vous enverrez la copie de cet ordre au major général.
Le régiment du grand-duché de
Berg n'a qu'un millier d'hommes présents; si l'on pouvait avoir 7 à 800
Allemands, de ceux destinés soit au régiment d'Isembourg, soit au régiment de
la Tour d'Auvergne, on pourrait les incorporer dans le régiment de Berg, à son
passage à Orléans.
Fontainebleau, 3 novembre
1809.
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous renvoie votre rapport
du 31 octobre sur l'artillerie. Je remarque que je vous ai donné deux millions
d'extraordinaire, par mon décret du 15 septembre, sur le budget de 1809. Ces
deux millions sont le prix de deux mille voitures que je vous ai demandées; ils
ne doivent pas être employés à d'autres dépenses. Vous n'avez encore rien donné
là-dessus; ainsi ces deux millions ne pourront pas être dépensés dans l'année
1809. Votre crédit pour 1809 était de trois millions; on vous en accordera un
pareil pour 1810. Avec ces trois millions, vous devriez avoir fait trois mille
voitures. En admettant qu'il eût fallu 1,500,000
francs pour les services, il resterait toujours des fonds pour la confection
des quinze cents voitures de cette année. Indépendamment des deux millions
d'extraordinaire que j'ai accordés par mon décret du 15 septembre, demander six
millions pour les dépenses de l'artillerie, c'est une chose impossible. Je vous
renvoie votre travail pour que votre budget de 1810 soit réglé sur ces données.
Présentez-moi un décret pour employer les deux millions que j'ai accordes par
mon décret du 13 septembre à la construction de seize cents voitures, comme
vous le proposez, pour, avec le surplus de ce fonds, faire construire trois ou
quatre cents voitures de côte ou de siége, ce qui sera une commande
extraordinaire. Rendez-moi ensuite un compte de l’emploi des fonds et
budgets de 1809 et 1810, du nombre de voitures que
vous avez, de celles que vous devez faire sur 1810 pour faire le complément.
Si, sur le budget de 1809, vous avez fait faire quinze cents voitures, si, sur
les deux millions d'extraordinaire que j'ai accordés, on en a fait deux mille,
si, sur le budget de 1810, on en a fait quinze cents, ce sera cinq mille
voitures; ce qui est au-dessus de tous les besoins imaginables.
Fontainebleau, 6 novembre
1809.
Aux évêques de France
Monsieur l’évêque
de ...., la paix est heureusement
conclue entre nous et l’empereur d’Autriche. Notre intention est
que, aussitôt la présente reçue, vous vous concertiez avec qui de droit pour
réunir nos peuples dans les églises, le 2 décembre prochain, y chanter un Te
Deum, et adresser à Dieu des actions de grâces de ce qu'il nous a donné la
force et les inspirations nécessaires pour terminer, en peu de mois, une guerre
qui pouvait durer plusieurs années, et qui, dès les premiers moments, avait
porté le ravage chez nos alliés et semblait même menacer nos propres pays.
Si nous avons été souvent
touchés des maux qui sur cette loyale et bonne nation autrichienne, c’est
pour nous un nouveau motif de bénir la Providence qui nous a permis de tenir
éloignée de nos États la guerre, le premier, le plus grand des fléaux.
Fontainebleau, 6 novembre
1809.
A M. de Champagny, duc de
Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Je vous renvoie votre
portefeuille. Je pense qu’il est convenable un courrier en Russie, pour
accuser la réception du dernier courrier et donner des explications sur le
voyage du roi de Saxe comme étant une simple affaire de courtoisie. Il faut
également parler de la mission de M. de Krusemark
comme ayant pour objet de porter plainte et de demander satisfaction pour les
individus arrêtés comme officiers de Schill.
Je vous envoie la lettre du roi de Prusse. Vous verrez qu'il est
impossible de répondre à une pareille lettre, qui est un véritable mémoire. Je
vous envoie cependant copie de ma réponse. Vous l'enverrez à M. de Saint
Marsan, avec la copie de la lettre du roi, pour qu'elles lui servent de règle.
Vous direz à M. de Krusemark qu'il peut partir.
J’ai chargé le duc de Frioul de lui remettre le présent d'usage.
Fontainebleau, 6 novembre 1809
A Frédéric-Guillaume, roi de
Prusse, à Königsberg
Monsieur mon Frère, j'ai reçu
la lettre (voir ci-dessous) de Votre Majesté, du 18 octobre, que m'a remise le
colonel baron de Krusemark, son aide de camp. Je la
remercie sincèrement de la part qu'elle veut prendre à la paix que je viens de
conclure avec l'empereur d'Autriche. J'ai fait connaître à l'aide de camp de
Votre Majesté les motifs de plainte que j'avais de la conduite de plusieurs
corps de troupes prussiennes et mes autres griefs, résultats de l'état de
désorganisation où se trouve sa monarchie, et je lui ai exprimé les vœux
sincères que je fais pour la voir bientôt se réorganiser; car ce n'est
qu'alors, Monsieur mon Frère, que Votre Majesté parviendra à rétablir son
crédit politique et guerrier. Du reste, cet officier n'ayant aucun pouvoir ni
commission spéciale, je n'ai pu autoriser mes ministres à entrer en affaire
avec lui. Mais, après lui avoir exprimé mes sujets de plainte, j'ai chargé ce
colonel de réitérer à Votre Majesté les assurances de mon amitié, de mon estime
et de ma résolution constante d'être utile à la Prusse et de persévérer dans le
système d'alliance réglé par le dernier traité.
Je prie Votre Majesté de ne
pas douter de mes sentiments d'estime et de haute considération, et de
n'ajouter aucune foi à ceux qui voudraient lui donner de l'inquiétude sur mes
dispositions.
LETTRE
DU ROI DE PRUSSE A L'EMPEREUR NAPOLÉON.
Monsieur mon Frère, je viens
d'être informé que la paix a été conclue entre Votre Majesté Impériale et
Royale et Sa Majesté l'empereur d'Autriche. Mon premier mouvement, en apprenant
cet heureux événement, est d'en offrir mes vives et sincères félicitations à
Votre Majesté Impériale. Je suis jaloux de lui témoigner toute la part que j'y
prends , et, en satisfaisant ainsi à un devoir qui m'est si cher, je ne crois
pas moins que, dans ce moment de gloire, j'ose invoquer avec plus d'espoir
encore sa magnanimité en faveur de mes malheureux Etats. En effet, Sire,
pendant deux années et dans les circonstances les plus difficiles, j'ai tout
fait pour prouver à Votre Majesté Impériale et Royale ma ferme volonté de
mériter sa confiance et de conformer ma conduite à son système politique,
résistant aux sollicitations étrangères et étouffant les plaintes et les
mouvements qui tendaient à m'en écarter. Si j'ai recherché les occasions de
complaire à Votre Majesté Impériale, si je n'ai pas hésité de saisir encore
pour cet effet celle que m'a offerte la délimitation de Magdeburg, en
soumettant à sa décision s'il faut accorder le rayon que le général Michaud
exige pour cette place, et si je me suis borné à ne demander, en retour de ce
sacrifice, que quelques lieues de terrain de plus autour de Graudenz, je crois
avoir rempli l'attente de Votre Majesté Impériale et Royale et avoir fait
preuve d’une constance de principes et de sentiments qui, d'après ce
qu'elle me déclara en se séparant de moi à Tilsit, devrait aujourd'hui me donner
des droits à son amitié et à sa généreuse participation aux intérêts de la
Prusse.
Jusqu'ici les grands objets
qui ont absorbé l'attention de Votre Majesté Impériale et Royale ont pu
l'empêcher de donner suite aux représentations que j'ai été dans le cas de lui
faire directement ou de lui faire adresser, soit par le comte de Saint Marsan,
soit par le baron de Brockhausen; mais je ne saurais
me persuader que le tableau qui lui a été tracé de la situation de mes sujets,
dont la misère va au comble, n'ait fait aucune impression sur sa grande âme. Je
ne saurais croire que, connaissant l'état vraiment déplorable de mes provinces,
la stagnation du commerce autrefois si florissant, l'épuisement de toutes les
ressources, l'anéantissement du crédit public et les obstacles insurmontables
qu'ont rencontrés les négociations d'emprunt ouvertes en Hollande et ailleurs,
elle veuille insister avec rigueur sans l'accomplissement entier de mes
engagements pécuniaires aux termes des conventions de Paris et de Berlin,
conventions dont l'exécution a été reconnue impossible dès l'époque de leur
signature. Je n'ai certainement pas mieux demandé que d'y satisfaire; Votre
Majesté Impériale en a vu la preuve dans l'exactitude de mes premiers
payements; elle a du apprendre que je n'ai pas balancé à me résigner à la vente
de mes bijoux et de ma vaisselle d'or et d'argent ; que je suis allé jusqu'à
requérir celle de mes sujets, et qu'il ne m'en a pas coûté même de me résoudre
à la vente de mes domaines. Mais elle ne peut pas ignorer non plus que toutes
ces mesures n'ont produit que de faibles ressources, et que surtout la vente de
mes domaines, vu le manque absolu de numéraire, n'a eu aucun succès; ce qui m'a
fait souvent regretter, Sire, de n’avoir pas accepté dans le temps la
proposition, que me fit votre intendant général, de lui céder une partie de ces
biens à titre de payement. Et ce tableau vrai et fidèle de mes embarras et de
mes efforts prouvera à Votre Majesté Impériale et Royale, après que dans ces
derniers temps elle a bien voulu me donner des preuves d'indulgence et de
bonté, auxquelles j'ai été infiniment sensible, parce qu'elles ont relevé mes
espérances, qu'il est physiquement impossible que, comme je le désire, je fasse
honneur à mes engagements, à moins qu'il ne lui plaise de m'accorder du temps
et quelques soulagements.
C'est cette ·seule faveur,
Sire, que je me permets de solliciter comme méritée par la constance de mon
système et de mes principes, en priant Votre Majesté Impériale d'établir, soit
à Paris, soit à Berlin, entre son ministère et le mien, une négociation tendant
à régler cet objet et tous ceux qui, par l'entremise du Comte de Saint Marsan,
ont été portés à sa décision; et c’est par cette faveur qui ne doit mener
qu’à des délibérations et des résultats préférablement avantageux aux
caisses françaises, parce qu'ils détermineront la possibilité de l'acquittement
direct ou indirect de mes engagements, que Votre Majesté Impériale
s’attachera la Prusse par les liens de la plus sincère reconnaissance.
Oui, Sire, c’est au prix de ces déterminations rassurant le public sur
vos dispositions favorables à mon égard que, à l'aide de la sévérité de mon
économie et de l'exactitude de mon administration des finances, vous
parviendrez à rétablir mon crédit au point de pouvoir reprendre des opérations tendantes (sic) à me procurer le plus vite possible les
moyens d'acquitter ma dette, soit par quelque emprunt négocié en Hollande ou
ailleurs, soit par des mesures prises pour des échanges, ventes ou cessions de
domaines.
Je charge de cette lettre le
baron de Krusemark, mon colonel et aide de camp, que
Votre Majesté Impériale et Royale connaît d'ancienne date, et qui alors eut le
bonheur de ne pas lui déplaire. Il a ma confiance, Sire, el je vous prie
d'ajouter pleine créance à ce qu'il dira à Votre Majesté quand il l'assurera
des sentiments de dévouement et de haute considération avec lesquels j'ai
l'honneur d’être, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté Impériale .et
Royale le bon frère et ami,
FRÉDÉRIC-GULLAUME.
Königsberg, 18 octobre 1809.
Fontainebleau, 7 novembre 1809
Au comte Lacépède, Grand
Chancelier de la Légion d’honneur, à Paris
Je ne puis que vous savoir
mauvais gré de m'avoir laissé ignorer l'état de vos affaires, d'autant plus que
j'avais toujours senti que la place que vous occupez devait exiger de fortes
dépenses. L'idée que le grand chancelier ne doit pas avoir de traitement n'est
pas sensée, puisqu'il est obligé à une grande représentation. Un moyen naturel
et juste d'indemnité, c'est que, sur les fonds de la Légion d'honneur,
conformément au décret que j'ai pris, vous touchiez un traitement de 40,000
francs depuis le jour de votre nomination. Quant aux motifs que vous alléguez
pour votre santé, je ne puis y adhérer ni consentir à ce que vous quittiez
votre place; il faut mourir sous le harnais.
Fontainebleau, 11 novembre
1809
A M. Melzi,
duc de Lodi, Grand Chancelier du royaume d’Italie, à Milan
Je reçois votre lettre. Je
vous remercie de ce que vous me dites relativement à la paix, Je suppose que la
suppression de la rivalité de Trieste sera agréable et avantageuse au commerce
de Venise, et je suis bien aise que ces nouvelles circonstances me mettent plus
à même de terminer le système de mon royaume d'Italie.
Fontainebleau, 12 novembre
1809, cinq heures du soir
NOTE
POUR M. MARET, DUC DE BASSANO, MINISTRE SECRÉTAIRE D'ETAT, A FONTAINEBLEAU.
L'Empereur désire que M. Maret
rédige un projet de sénatus-consulte pour réunir la ville et le territoire de
Wesel à la France, et les faire partie intégrante de l'Empire français, et un autre
projet de sénatus-consulte pour réunir Flessingue.
Sa Majesté désire que M. Maret
lui apporte ces deux sénatus-consultes à six heures, avec ceux qu'elle lui a
dictés relativement au Portugal, et un projet de décret pour que toutes ces
pièces soient communiquées au Sénat lundi. Un conseil privé sera convoqué
demain, vendredi, pour délibérer sur ces sénatus-consultes.
Fontainebleau, 13 novembre
1809
Au vice-amiral, comte Decrès,
ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral
Decrès, vous me ferez un rapport sur le projet, présenté par l'ingénieur de
marine Masquelez, d'un vaisseau qui puisse être
employé à un débarquement, et offrir en même temps une batterie flottante.
Fontainebleau, l1 novembre
1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke, il
faut me faire un rapport sérieux sur la campagne du général Gouvion Saint-Cyr
en Catalogne:
1° Sur les raisons qui l'ont
porté à évacuer cette province lorsque Saragosse était prise et sa jonction
faite avec le maréchal Mortier, conduite qui a déconcerté les opérations en
Espagne tandis que, en soutenant le colonel Briche,
il eut pu porter la guerre sur le royaume de Valence, au lieu de revenir sur
nos frontières;
2° Sur ce qu'il s'est laissé
constamment attaquer par les Espagnols et ne les a jamais attaqués, et sur ce
que, après les avoir toujours battus par la valeur des troupes, il n'a jamais
profité de la victoire;
3° Sur ce qu'il a, par cet
esprit d'égoïsme qui lui est particulier, compromis le siége de Girone; sur ce qu'il n'a jamais secouru suffisamment l'armée assiégeante, l'a au contraire attirée
à lui et a laissé ravitailler la ville;
4° Sur ce qu'il a quitté
l'armée sans permission, sous le vain prétexte de maladie: il devait, dans ce
cas, rester dans une des places de l'arrondissement de l'armée et ne point
partir sans l'ordre du ministre.
Vous lui ferez connaître que
je l'ai suspendu, que j'ai ordonné qu'il gardât les arrêts dans sa campagne, et
que vous allez me faire un rapport sur sa conduite. Vous notifierez aux
inspecteurs aux revues qu'il est suspendu de ses fonctions comme ayant quitté
l'armée, et qu'il ne lui est dû aucun frais de poste ni traitement quelconque,
à quelque titre que ce soit. Il est nécessaire que vous fassiez faire par le
Moniteur une relation où les échecs qu'a reçus le général Saint-Cyr à Girone soient connus et la bonne conduite du duc de
Castiglione détaillée, tout cela cependant légèrement.
Paris, 15 novembre 1809
Au comte Daru, intendant
général de la Maison de l’Empereur, à Paris
Monsieur l'Intendant Général,
mon intention est que le conseil de ma Maison s'assemble vendredi prochain,
sous la présidence du grand maréchal du palais. Le conseil continuera ses
séances jusqu'à ce que l'on ait arrêté les comptes de l'année 1808 et années
antérieures, le compte présumé des dépenses de 1809 et le projet de budget pour
l'année 1810.
M'étant aperçu qu'il s'était
introduit des abus dans plusieurs parties de mon service, le conseil s'occupera
de faire les règlements nécessaires pour les supprimer. Mon intention est que
tout usage ou prétention dérivant ou établi sur ce qui se faisait à la cour de
Versailles soit déclaré comme non avenu, et que tout soit fixé par des
règlements qui me seront présentés par le conseil.
J'entends qu'il ne soit donné
ni fourni à aucun des officiers de ma Maison, quels qu'ils soient, des voitures
ou des chevaux de mes écuries pour leur propre usage, à moins que ce ne soit
pour mon service (le grand écuyer et les officiers de l'écurie doivent se
servir de leurs propres chevaux), ni que le grand veneur ou autres officiers
des chasses se servent des voitures ou des chevaux de la vénerie pour leur
usage. Le règlement doit prévoir quel est le nombre de voitures nécessaires pour la vénerie, mais seulement
celles propres au service, entendant ne fournir aux officiers des chasses que
les chevaux de selle nécessaire pour les chasses, préférant, s’il y a
lieu, donner un accroissement en argent à ceux pour lesquels nous le trouverons
convenable. Les règlements sur l'écurie doivent établir quelles sont les
parties du matériel de l'écurie qui doivent être sous les ordres du grand
maréchal pour le service et le transport de la bouche, et sous ceux du grand
chambellan pour le service et le transport de mon cabinet et de ma garde-robe,
mais seulement pour mon service propre. Par contre, mon intention est d'avoir
un plus grand nombre de voitures pour l'éclat dans les cérémonies ou marches,
que pour transporter et mouvoir un plus grand nombre de personnes de mon
service. Il sera réglé également de quelle manière et quelles sont les
personnes qui doivent m’accompagner dans toutes les circonstances, soit
en ville, soit dans les voyages ou aux chasses.
Des réformes et une nouvelle
organisation sont nécessaires dans le service du grand chambellan. Il faut
avoir deux huissiers à chaque porte, qui n'en bougent pas et qui n'aient pas
besoin de courir de l’une à l'autre pour faire leur service. Hormis les
valets de chambre, qui sont pour mon service personnel, comme les femmes de
chambre pour celui de l'Impératrice, on pourrait n'avoir qu'une seule espèce de
domestiques divisés en trois classes, tous portant la livrée et avec des
modifications.
Paris, 16 novembre 1809.
NOTE
POUR LE COMTE DE MONTALIVET, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, A PARIS
Les bureaux du ministère de
l’intérieur, pour ce qui concerne le commerce, ne font jamais rien pour
le commerce. Si, à la tête cette importante partie, on avait un homme habile et
actif comme le Conseiller d'État qui est à la tête des douanes, il procurerait
de grands avantages au commerce; il irait au-devant des circonstances; il
2éxciterait les sages opérations; il éclairerait le Gouvernement .
L'Empereur, pendant cinq mois,
a été maître de Vienne et d'une partie de la monarchie autrichienne. S'il y
avait eu à la tête du commerce en France un homme éclairé et zélé, cet homme
aurait su et n’aurait pas manqué de dire que les draps, les vins et
autres marchandises de France qui sont très recherchées en Autriche, y sont
rares, parce qu'elles y payent des droits de douane si considérables qu'ils
équivalent à une prohibition. Il aurait demandé que les denrées françaises
fussent affranchies de tous droits pendant l'occupation, et il aurait fait prévenir
les négociants qui auraient voulu profiter de cette faveur et se livrer à cette
sorte de spéculation. Rien de cela n'a été fait. Les négociants de Charleville
et de Sedan ont eu d'eux-mêmes la pensée d'envoyer des draps à Vienne; leurs
expéditions sont arrivées, mais ils ont été repoussés par le Français,
administrateur des douanes, qui, ne songeant qu'à l'intérêt de la perception
dont il était chargé, a exigé le payement des droits d'après les tarifs
autrichiens.
Ce fait particulier n'était
pas connu de Sa Majesté, mais elle savait que les négociants de Vienne ne
pouvaient comprendre comment le Gouvernement français ne profitait pas de ses
succès pour ouvrir à son commerce toutes les portes du pays conquis aussitôt
après la conquête. Quoiqu'un temps précieux fût déjà écoulé, l'Empereur écrivit
aussitôt au ministre de l'intérieur par intérim. Les bureaux firent une réponse
qui prouve leur peu de lumières et qu'il convient que le ministre actuel se
fasse représenter.
Palais des Tuileries, 16
novembre 1809
ALLOCUTION
AUX DÉPUTP.S DES ÉTATS ROMAINS
Messieurs les Députes des
départements de Rome, mon esprit est plein des souvenirs de vos ancêtres. La
première fois que je passerai les Alpes, je veux demeurer quelque temps dans
votre ville.
Les empereurs français, mes
prédécesseurs, vous avaient détachés du territoire de l'empire et vous avaient
donnés comme fiefs à vos évêques. Mais le bien de mes peuples n'admet plus
aucun morcellement. La France et l'Italie tout entière doivent être dans le
même système. D'ailleurs, vous avez besoin d'une main puissante. J'éprouve une
singulière satisfaction à être votre bienfaiteur. Mais je n'entends pas qu'il
soit porté aucun changement à la religion de nos pères : fils aîné de l'Église,
je ne veux point sortir de son sein. Jésus-Christ n’a point jugé
nécessaire d'établir pour saint Pierre une souveraineté temporelle. Votre
siége, le premier de la chrétienté, continuera à l'être. Votre évêque est le
chef spirituel de l'Église comme j'en suis l'Empereur. Je rends à Dieu ce qui
est à Dieu et à César ce qui est à César.
Palais des Tuileries, 16
novembre 1809.
ALLOCUTION
AUX DÉPUTÉS TOSCANS.
Messieurs les Députés des
départements de la Toscane, j'agrée vos sentiments. Vos peuples me sont chers à
bien des titres. Désormais réunis dans une grande famille, ils trouveront en
moi l'amour d’un père.
Palais des Tuileries, 16
novembre 1809
ALLOCUTION
AU SÉNAT
Sénateurs, je vous remercie
des sentiments que vous venez de m’exprimer. Celles de mes journées que
je passe loin de la France, sont des journées perdues pour mon bonheur. Il
n'est pour mon cœur aucune satisfaction loin de ma grande famille. Je le
sens profondément, et, je veux le dire, mon peuple a eu et aura des princes
plus heureux, plus habiles, plus puissants, mais il n'a jamais eu et n'aura
jamais de souverain qui porte plus haut dans son cœur l'amour de France.
Paris, 20 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je réponds à votre lettre du
31 octobre, bureau de l'artillerie.
Je ne vois pas quelle est la
nécessité que j'aie du bronze à Turin, puisque je crois avoir suffisamment
d'artillerie en Italie, et que mon intention n'est pas d'exposer une quantité
d'artillerie plus forte qu'il n'est nécessaire au delà des Alpes. Il ne doit
pas y exister une pièce de canon de plus que ne le comporte la défense du pays,
et je dois toujours avoir à Grenoble et à Auxonne, et dans l'intérieur, de quoi
armer la frontière des Alpes.
J'approuve que vous dirigiez
sur Metz et sur Maëstricht tous les objets d'artillerie venant de Magdeburg et
des campagnes de Prusse et d'Autriche, et que vous ne laissiez dans les places
de première ligne que ce qui est nécessaire pour leur défense. Je vois qu'il
n'y a que onze cents pièces de canon dans les six places du Rhin, qui sont
Huningue, Neuf-Brisach, Strasbourg,
Landau, Mayence et Wesel.
Je ne vois pas qu'il y ait là
rien de trop. Deux cent soixante pièces dans une place comme Strasbourg, deux
cent soixante pièces dans une place comme Mayence, ne sont pas de trop. Cent
quatre-vingts pièces ne sont pas de trop à Wesel. Mon intention est donc qu'il
ne soit rien retiré de ces onze cents pièces.
L'armement de l'Escaut doit se
faire, dans l'ordre naturel, par les places de Flandre. On peut retirer de
Boulogne tout ce qui est artillerie de cuivre, et il y en a beaucoup, parce
que, pressé par les circonstances, on n’a rien épargné dans le temps pour
armer le port et les côtes. La terre a donné alors à la marine une quantité
considérable de cuivre qui peut aujourd’hui être retiré pour l'armement
de l'Escaut.
Paris, 20 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris.
Je réponds à votre lettre
du… novembre, bureau de l'artillerie.
J'y vois, que je n’ai
que huit mille affûts de siége, de place ou de côte, et que dix mille voitures
de campagne, ce qui ne me ferait qu'un capital de dix-huit millions, si cela
était neuf. C'est bien peu de chose, et j'en conçois plus vivement le désir
d'augmenter mon matériel.
Je vois, par un article de
votre rapport, qu'on a consommé depuis quatre ans de guerre pour cent millions
de matériel, et qu'on en a remplacé pour quarante millions. Cela suppose donc
que le capital a diminué de soixante millions. Si cela est vrai, il est urgent de
fixer l'attention sur cet état de choses et de ne pas se laisser appauvrir.
Aucune nation dans le monde
n'a autant de places fortes que la France; notre immense matériel est disséminé
dans toutes ces places.
Je considère Lille, Metz et
Givet comme trois grands dépôts des frontières du Rhin el du nord, formant une
immense réserve en artillerie, munitions et affûts. De ces trois réservoirs on
tirerait tout ce dont on aurait besoin, et on le porterait partout où cela
serait nécessaire.
Après ces trois points, celui
de la Fère, comme offrant des armes à Paris, est extrêmement important.
Si la position de notre
matériel n'est pas bien déterminée, il pourrait y avoir telle campagne
malheureuse qui nous privât de nos arsenaux, de nos armes et de nos moyens de
défense. Il y aurait dans toutes les places suffisamment d'affûts, de canons et
de munitions de toute espèce pour la première défense, si les trois points
centraux étaient bien approvisionnés pour envoyer au secours de la place qui
serait menacée.
Quant à la frontière d'Italie,
tous mes États au delà des Alpes doivent toujours être considérés comme États à
part, et je dois toujours avoir Grenoble et à Auxonne de quoi armer mes places
de Franche-Comté et des Alpes et approvisionner les armées qui défendent cette
ligne. Le premier principe du règlement à me proposer est qu'on ne doit rien
avoir au delà des Alpes que le strict nécessaire pour mes places d'Italie.
Le budget de l'année ne peut pas être augmenté au delà de
ce qu’il a été constamment, un million par mois. Mais je ne fais pas , difficulté de créer un fonds de quinze à vingt
millions, en vendant tous les cuivres inutiles, en versant le produit de cette
vente dans une caisse à part et en formant ainsi un fonds pour l'extraordinaire
de l’artillerie. Il parait qu'avec trois millions par an mes arsenaux
auraient toute l'activité convenable. Avec douze millions je ferais donc douze
mille voitures qui, pendant quatre ans, emploieraient tous mes arsenaux. Ces
douze mille voitures jointes aux dix-huit mille que je que j'ai feraient trente
mille voitures, bonnes ou mauvaises. Je les placerais clans mes grands dépôts,
qu'il s'agit d'établir à chaque frontière. Vous sentez que je ne consentirais à
la vente d'un matériel qui m’est inutile qu’après avoir pris bien
des précautions; mais enfin, il faut bien se rendre à l’évidence des
faits des faits et convenir qu'il est absurde de garder vingt à trente millions
de choses inutiles, quand on manque de quinze à vingt millions de choses
utiles.
Le budget de l'artillerie ne
doit jamais passer douze millions; la nature des choses ne comporte pas
davantage. Faites-moi connaître ce que je peux réaliser de mon matériel qui
m'est inutile et l'emploi qu’il faudrait en faire.
Vous me remettrez aussi le
détail du budget de douze millions, qui sera constamment le budget ordinaire de
l'artillerie; l'entretien de tout le matériel, la quantité de poudres, de
boulets et de fusils dont mon matériel sera augmenté tons les ans, y seront
compris. Nous pourvoirons à l'extraordinaire, soit des constructions de
voitures, soit des fabrications de fusils, par la partie de notre matériel que
vous aliénerez.
Il est vrai de dire que j'ai
hâte de donner à mes arsenaux toute l’activité dont ils sont susceptibles
et de remplir mes magasins, que vos derniers états m'ont montrés plus vides que
je ne croyais.
Paris, 20 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris.
Monsieur le Général Clarke,
vous donnerez ordre au général Loison d'être rendu le 28 novembre à Bayonne; il
partira le 29, avec la première brigade de sa division, et se rendra à Vitoria;
il y réunira successivement la seconde brigade et toute sa cavalerie. Il
prendra le commandement supérieur des trois provinces de la Biscaye.
Il devra correspondre
directement avec le roi d'Espagne, mais surtout avec rous. Je compte que le 4
décembre il occupera les trois provinces de la Biscaye. Vous en préviendrez
directement les commandants des provinces et celui de Saint-Sébastien, et vous
leur recommanderez d'obéir au général Loison en tout
et pour tout.
Tous les hommes isolés qui se
trouvent dans ces provinces, tous les détachements qui forment les bataillons
de garnison de Saint Sébastien, de Bilbao et de Vitoria, enfin tous les hommes
et toutes les troupes qui, sous quelque prétexte que ce soit, seraient restés
dans les Biscaye, le général Loison les fera partir sur-le-champ pour
l'intérieur de l’Espagne et les dirigera sur leurs régiments respectifs.
Paris, 20 novembre 1809
Au général Clarke, duc de Feltre,
ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke,
j'ai lu avec attention la lettre du duc d'Istrie du 17 novembre; vous lui ferez
connaître que les gardes nationales ayant été levées pour un service temporaire
et pour repousser une descente faite sur les côtes, je ne puis les retenir que
si elles le consentent. Il faut donc qu'elles m'expriment le vœu par une
adresse, ou qu'elles donnent leur consentement tacite pour être employées, soit
dans les tirailleurs ou conscrits de ma Garde, soit dans des corps de la ligne.
Il en serait de même pour les compagnies départementales. Enfin j'irai plus
loin, et je ne me refuserai point à former deux légions, chacune de 6,000
hommes, des gardes nationales qui sont au nord, pourvu qu'elles s'engagent à un
service définitif. Demandez au duc d'Istrie des renseignements là-dessus.
Paris, 20 novembre 1809
Au vice-amiral, comte Decrès,
ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral
Decrès, écrivez au Transport-Office dans les termes
suivants :
« Le général de
brigade Brenier (Brenier de Monmorand, prisonnier
en Angleterre), de retour en France, a rendu des dispositions qu'annonce
le Gouvernement anglais, de faciliter les échanges de prisonniers. Ce qui
jusqu'à cette heure a empêché l'établissement d'aucun cartel, ainsi que
l’envoi de commissaires respectifs dans l'une ou l'autre capitale, a été
la difficulté de s'entendre sur plusieurs points importants: 1° sur les otages;
2° sur l'armée de Hanovre ; 3° sur l’armée de Saint-Domingue. Tous
ces articles peuvent former l’objet d’une négociation entre des
commissaires respectifs, qui pourraient se réunir dans la rade de Morlaix et
convenir des bases d'échange. Le Gouvernement français désire un échange en
masse fait dé part et d'autre, et dans lequel il ne ferait pas de difficulté de
comprendre les alliés de l'Angleterre. Toutefois les prisonniers pourraient
être rançonnés, et celle des deux nations qui en aurait davantage chez l'autre
pourrait payer un équivalent pour chaque homme. Les bureaux de la marine sont prêts
à envoyer à Morlaix un commissaire pour négocier sur cet objet, et, cette
négociation terminée, à accepter un commissaire anglais à Paris, tout comme le
les Anglais accepteraient un commissaire français à Londres. »
Vous concevez que cette lettre
des bureaux de la marine au Transport-Office doit
être rédigée en termes fort conciliants.
Paris, 20 novembre 1809
Au prince Émile de Hesse-Darmstadt, à Darmstadt
Mon Cousin, j'apprends avec
plaisir votre retour auprès de vos parents. Ils ont dû être satisfaits de vous
revoir arec l'expérience que vous ont donnée les grands événements auxquels
vous avez assisté.
Paris. 21 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Envoyez ces dépêches (il s’agit des relations du combat de Tamames, extraites des journaux anglais des 11 et 13
novembre 1809) au roi d’Espagne et
faites-lui connaître que, si le maréchal Ney n’avait pas été rappelé de
Salamanque, mon armée n'eût pas essuyé un pareil affront; que le général
Marchand est incapable de commander en chef et que, quand j'emploie des
maréchaux, c'est que j’en sens le besoin ; que l’évacuation de
Plasencia a nécessairement affaibli la droite et qu'il n'y a aucune direction
ni suite dans la conduite de mes armées d'Espagne.
Paris, 21 novembre 1809
A Louis-Charles-Auguste,
prince royal de Bavière, à Munich
J'ai reçu la lettre de Votre
Altesse. Je vous remercie des sentiments que vous m’exprimez. Vous connaissez
l'estime que je vous porte. J'ai vu avec la conduite de votre division. Vous et
la Bavière pouvez constamment compter
sur mon amitié et sur toute mon affection.
Paris; 22 novembre 1809
Au prince de Neuchâtel et de
Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Paris
Mon Cousin, je vous envoie les
lettres que j'ai reçues du duc d’Auerstaedt et du général Andréossy.
Accusez-leur-en la réception et répondez-leur. Je reçois vos deux lettres des
20 et 21. Le Tyrol est soumis. Ainsi le duc d'Auerstaedt ne doit pas disséminer
mes troupes de ce côté, où il y a suffisamment de troupes bavaroises. Donnez
ordre au général Lagrange, aussitôt qu'il pourra évacuer le Vorarlberg, de se
diriger sur Huningue avec son infanterie, cavalerie et artillerie.
Je vous autorise à faire
passer la route de mes troupes par Braunau.
Je vous renvoie le travail du
général Bertrand; donnez des ordres conformément à ce travail. Je vous renvoie
votre correspondance relative aux affaires du Tyrol. Faites faire une relation
raisonnable de ces événements pour le Moniteur.
Paris, 22 novembre 1809
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie,
à Milan
Mon Fils, je reçois votre
lettre du 15 novembre. Je vois avec plaisir que vous soyez arrivé à Milan. Vous
avez fait un ouvrage sur votre campagne d'Italie; je vous prie de me l'envoyer.
J'ai trouvé ici mes affaires de finances bien dérangées. L'expédition des
Anglais me coûte 50 millions. Les nouvelles levées et les immenses armements
que je fais pour l'Espagne continuent de me ruiner. Vous comprenez donc que je
ne puis alléger en rien le fardeau de mon royaume d'Italie. Je vous envoie ma
décision mise en marge de votre rapport sur les provinces illyriennes.
Paris, 23 novembre 1809
Au comte de Montalivet,
ministre de l’intérieur, à Paris
Dans un pays où tous les
cultes sont tolérés, les cures ne doivent pas être admis à donner des
certificats de moralité, aux membres de l'Université. On m'assure que, selon
l'ancien usage, ces certificats sont exigés par le grand maître. Le grand
maître doit employer ses agents pour être instruit, et non des agents étrangers
à son administration.
Paris, 23 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke,
tenez un conseil de ma Garde pour régler ses finances et la mettre en état de
faire la campagne d'Espagne.
Mon intention est de marcher
en Espagne avec quatre régiments de conscrits ayant, en partant de Paris, au
moins 6,000 hommes présents sans compter les hommes aux hôpitaux; avec quatre
régiments de tirailleurs de la même force; avec deux régiments de fusiliers
forts de 3,000 hommes; avec deux régiments de vieille Garde forts de 3,000
hommes; avec 5,000 hommes de cavalerie et soixante pièces de campagne; le tout
formant près de 25,000 hommes.
Il faut que ma Garde ait ses
chirurgiens, ses administrations, ses caissons, ses forges de campagne, enfin tout
ce qui est convenable. Mon intention est qu'elle soit prête à partir vers le 15
janvier prochain.
Paris, 23 novembre 1809.
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie,
à Milan
Mon Fils, le brigandage
continue en Italie. Je suppose que vous prenez des mesures efficaces pour le
faire disparaître.
Paris ,23 novembre 1809
A Louis Napoléon, roi de
Hollande, à Amsterdam
Je reçois votre lettre par
laquelle vous me faites connaître que vous désirez me voir. Vous êtes le maître
de vous rendre à Paris.
Paris, 23 novembre 1809
A Joachim Napoléon, roi des
Deux-Siciles, à Rome
Je reçois votre lettre du 16
novembre. Je suis aussi surpris qu'indigné que les cardinaux ne soient pas
venus vous voir. Donnez ordre qu'ils quittent Rome et se rendent à Paris
vingt-quatre heures après qu'ils en auront reçu l'ordre. Ils sont doublement
inexcusables de ne s'être pas présentés à votre arrivée à Rome pour vous offrir
leurs hommages, comme roi et comme gouvernant en mon nom.
Vous direz que mon intention
est d'établir à Rome une cour qui sera plus brillante et dépensera plus
d'argent que celle du Pape.
Je crois vous avoir écrit que
vous étiez le maître de venir à Paris avec la reine, aussitôt que vous le
voudriez et que les affaires vous le feraient juger prudent.
Paris, 25 novembre 1809
Au duc de Champagny, duc de
Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore,
écrivez en Hollande qu'il est faux que j’aie
jamais permis à aucun bâtiment américain, chargé de coton, en France. Tous mes
ports sont fermés aux bâtiments américains (bâtiments
anglais portant pavillon américain).
Paris, 28 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le général Clarke,
donnez ordre au duc d'Abrantès de passer la revue des dépôts de la 1e
division militaire qui doivent fournir des régiments à son corps d'année. Il
passera cette revue dans le plus grand détail, fera connaître les places
vacantes dans les cadres des bataillons qui doivent former sa division, et
s'assurera que chacun de ces bataillons a ses cadres complets de dix compagnies
de 140 hommes chacune, officiers et sous-officiers. J'ai remarqué avant-hier que
beaucoup de places de chef de bataillon étaient vacantes, ainsi que des places
de lieutenant et de sous-lieutenant. Il faut que la retraite soit donnée à tous
ceux qui sont hors d'état de faire campagne, afin que, vers le 20 décembre, les
quatre bataillons des 32e, 121e et 122e, qui doivent faire partie de
la division Lagrange, et les quatre bataillons des 2e, 4e, 12e et 15e légers
qui forment la 3e brigade de la même division, formant avec la 1e
brigade 8 ou 9,000 hommes, soient prêts
à partir pour joindre cette 1e brigade qui part de Huningue. Il est donc nécessaire que ces
huit bataillons aient présents, au 20 décembre, leurs officiers, sous-officiers
et tambours.
Paris, 28 novembre 1809
Au général Clarke, duc de
Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Général Clarke, à
dater du 1er décembre, le 8e corps de l’armée d'Allemagne prendra le nom
de 8e corps de l'armée d'Espagne.
Ce corps continuera à être
commandé par le duc d'Abrantès; il aura pour chef d'état-major le général Boyer,
pour ordonnateur le sieur Malus, pour commandant de l'artillerie le général Mossel;
il y sera attaché un officier supérieur du génie.
Il sera composé de trois
divisions.
La 1e division sera
commandée par le général Rivaud et formée de trois brigades: la 1e commandée
par le général Menard, ayant quatre bataillons; la 2e,
par le généra1 Taupin, ayant quatre bataillons; la 3e, par le général Godard,
ayant quatre bataillons; en tout douze bataillons, formant 9 à 10,000 hommes d'infanterie.
La 2e division sera commandée
par le général Lagrange; la 1e brigade sera composée de trois bataillons du 65e
et d'un bataillon du 46e, et commandée par un général de brigade qui sera pris
à l'armée d'Allemagne; la 2e brigade sera composée de quatre bataillons des 32e,
58e, 121e et 122e, qui sont à Paris, et commandée par un général pris à l'armée
d'Allemagne; la 3e brigade sera composée de quatre bataillons des 2e, 4e, 12e
et 15e légers. Celte division aura donc, comme la le, douze bataillons, formant
9 à 10,000 hommes d'infanterie.
La 3e division sera composée
de quatre régiments de marche et de douze bataillons auxiliaires, dont nous
avons ordonné la réunion par nos derniers ordres, et sera commandée par le
général de division Clauzel, qui veillera spécialement à sa formation.
Ce qui portera l'infanterie du
8e corps à plus de 30,000 hommes.
La cavalerie sera composée de
douze régiments provisoires de dragons, formés en cinq brigades et présentant
12,000 chevaux. Ces cinq brigades seront commandées par autant de généraux de
brigade et seront sous les ordres d'un seul général de division.
L'artillerie sera composée de
trente-six pièces de canon.
Je désire connaître quand tout
cela pourra se mettre en mouvement, pour que le corps soit rendu et réuni à
Bayonne au 1er janvier.
Je suppose que vous avez donné
tous les ordres nécessaires pour que les détachements qui sont aux dépôts, ou à
la 22e demi-brigade provisoire, ou au régiment de Strasbourg, se rendent à
Périgueux pour former le 1er régiment de marche, et que vous avez nommé le
colonel en second pour le commander; pour que ce qui doit former le 2e régiment
de marche se réunisse à Angoulême; pour que ce qui doit former le 3e se
réunisse à Limoges; pour que ce qui doit former le 4e se réunisse à Poitiers.
Je suppose que vous avez
également donné des ordres pour que les douze bataillons auxiliaires se
réunissent à Versailles, en chargeant le général Mouton de les former ; et
qu’ainsi tous les détachements sont en route pour cet objet.
Je suppose que vous avez donné
les ordres pour la formation des vingt escadrons de gendarmerie.
Vous aurez donné les ordres
pour que la brigade de Montmarie, de la division Reynier, se forme et se réunisse
à Bordeaux; pour que la brigade Valentin se réunisse à Bayonne, et la brigade
Lamartinière également à Bayonne.
Il est instant que le général
Reynier soit rendu à son corps pour en accélérer la formation, afin que je
puisse connaître quand cette division pourra entrer en Espagne.
Je suppose que la division
Loison sera rendue le 4 décembre à Vittoria.
Je désirerais savoir si, le
10, le général Reynier ne pourrait pas entrer en Espagne avec les brigades
Valentin et Lamartinière, pour occuper les trois Biscayes,
afin de faire partir, le 10, la division Loison de Vittoria
pour se porter plus loin.
Paris, 28 novembre 1809
Au prince de Neuchâtel et de
Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Paris
Mon Cousin, je viens
d'ordonner qu'au 1er décembre vous n'aurez plus à vous mêler de l'armée
d'Allemagne et que vous serez chargé de la correspondance de l'armée d'Espagne.
À dater de cette époque, vous prendrez les fonctions de major général de
l'armée d'Espagne.
Prenez vos mesures pour
organiser votre état-major et vos bureaux. Mettez en marche vos équipages et
ceux de vos aides de camp. Vous me rendrez compte de la formation du corps de
réserve de l'armée d’Espagne, composé des divisions Loison et Reynier et
du 8e corps, des dispositions que j'ai ordonnées pour envoyer 100,000 hommes de
renfort en Espagne, et de tout ce qui est relatif au détail de l’artillerie.
Il manque à beaucoup de ces
corps des généraux et ce qui constitue l’état-major. Faites-vous rendre
compte de tout cela.
Je pense que dès demain vous
devez faire partir pour Madrid un de vos aides de camp, avec un ordre du
ministre de la guerre, pour informer sur toute la ligne des présentes
dispositions et vous faire envoyer par l’estafette les rapports de la Navarre,
de l'Aragon, des trois Biscayes, de Burgos, de
Valladolid et de Bayonne, afin que je puisse promptement reprendre la direction
des affaires d'Espagne.
Paris, 29 novembre 1809
Au vice-amiral, comte Decrès,
ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Vice-Amiral
Decrès, je lis votre rapport du 22 novembre ; je n'y comprends rien. Je
vous défends expressément, sous votre responsabilité, de laisser naviguer
aucune espèce de bâtiments en contravention aux règles ordinaires, hormis ceux
qui seraient munis d'une licence ou passeport signé de moi, conforme aux
passeports que j'ai donnés à la police. Tout bâtiment qui ne serait pas muni de
ce passeport doit être confisqué.
Faites restituer sur-le-champ
au corsaire le petit bâtiment sous pavillon hollandais qui a été confisqué à
Boulogne et que le préfet maritime n'avait pas le droit de rendre au
commissaire de police.
Ceci me déplaît beaucoup.
C'est votre faute, parce que j'ai prévu tous les cas par mon décret du 14
février et que j'ai donné pour cela des passeports à la police. J'exige donc
qu'aujourd’hui, avant minuit, vous donniez, par un courrier
extraordinaire, des ordres conformes à la présente lettre, et que vous fassiez
connaître aux préfets maritimes et autres officiers de marine dans mes ports
que, s'ils se permettaient la moindre dérogation à mes ordres sur
l'intervention d'un agent de police, ils seraient destitués.
Paris, 29 novembre 1809
A M. Fouché, duc d’Otrante,
ministre de la police générale, à Paris
Il me revient de tous côtés
qu'il se commet des abus énormes sur les côtes par les agents de police, qui
s'érigent en régulateurs de la navigation. Mon intention formelle est que la
police ne se mêle en rien de la police des côtes. Je vous ai accordé deux bâtiments,
munis de leurs licences ; tout autre doit être confisqué. Je donne des
ordres à la marine pour que cette anarchie et ces pitoyables abus cessent.