Septembre - 1809
Schönbrunn, 1er septembre 1809
Au vice-amiral Decrès
Monsieur le vice-amiral, j'ai reçu votre lettre du 26. Il paraît que si je n'ai pas été trahi à Flessingue, du moins celui qui y commandait a été le plus lâche des hommes (Il s'agit du lieutenant-généal Monnet) ; on a peine à concevoir comment ce misérable,a pu rendre la place pour quelques bombes. J'entends avec plaisir dire du bien de la conduite du commissaire-général Malouet.
Sur ce , etc.
(Ministre de la Marine)
Schönbrunn, 2 septembre 1809
A Fouché
Je reçois votre lettre du 29. Il faut avouer que le général Monnet s'est comporté comme un infâme lâche. (Louis Claude Monnet de Lorbeau, 1766-1819. Bloqué dans Flessingues par les anglais depuis le 31 juillet, il vient de capituler le 15 août et a été envoyé comme prisonnier en Angleterre. Il fut condamné pour lâcheté et trahison. Louis XVIII le fera baron.)
Il faut placer dans de petites villes les onze généraux d'ordres monastiques que j'ai fait partir pour Paris.
La personne qui envoie de si mauvais bulletins au roi de Hollande est un M. Decazes, juge du tribunal de première instance. C'est, je crois, le gendre de M. Muraire. Il n'y a pas de sottises et de nouvelles ridicules que cet homme ne lui écrive.
Est-ce bêtise ou malveillance ? Portez-y ordre.
Schönbrunn, 2 septembre 1809
Au cardinal Fesch
Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre. J'ai vu avec plaisir que vos grands vicaires seuls sont coupables de n'avoir pas mis la lettre que j'ai écrite aux évêques à la suite de leur mandement, comme c'était, l'usage et leur devoir et comme l'ont fait les grands vicaires du diocèse de Paris. Je ne saurais recevoir ni excuses ni raisons; toutes sont mauvaises.
Quand je parle à mes peuples, il n'appartient à qui que ce soit de les empêcher de m'entendre, et je suis trop bon. catholique et trop éclairé sur les principes de la religion pour jamais penser et dire rien qui soit contraire aux vérités et aux principes de l'Eglise.
Quant à la recommandation que vous avez faite à vos grands vicaires de ne pas commenter ma lettre, vous avez en cela parfaitement rempli mes intentions, et personne n'a le droit d'interpréter autrement que par le sens naturel ce que j'écris et proclame.
Témoignez votre mécontentement à vos grands vicaires. S'ils avaient fait comme ceux de Paris et les évêques de France, je n'aurais point eu à me plaindre d'eux. Quant aux raisons qu'ils donnent, qui ne peuvent être justifiées que par une extrême pusillanimité et une excessive circonspection, faites-leur connaître que je ne saurais avouer pour amis et pour vrais Français des hommes lâches et sans courage.
Qu'importent les clameurs des méchants et des malintention-nés ? Je n'attache aucune importance à une fausse manière de voir et de sentir de vos grands vicaires, mais j'aurais été vivement peiné si un pareil manquement était venu de votre part. C'est donc avec un vrai plaisir que j'ai vu que, dans cette circonstance comme dans beaucoup d'autres, je n'avais que des éloges à donner à votre zèle et à votre attachement.
Schönbrunn, 5 septembre 1809
A Fouché
Monsieur Fouché, vous aviez une grande confiance en l'abbé de Pradt (Dominique Georges Dufour de Pradt, évêque de Poitiers puis de Malines, 1759-1837); je ne sais pas si je vous ai dit de vous méfier de cet homme comme du plus grand ennemi qu'on puisse avoir; cependant, comme je ne suis pas certain de vous l'avoir dit, je prends le parti de vous l'écrire pour votre gouverne.
Cet homme est un profond hypocrite, n'ayant ni les moeurs ni l'esprit de son état, et livré à un genre d'intrigues qui, d'un jour à l'autre, le conduira sur l'échafaud.
Mon intention est que vous le traitiez comme à l'ordinaire et que ceci reste un secret. Seulement je vous en fais part comme d'une chose nécessaire pour votre gouverne; j'ai plus que des présomptions de le croire agent dans des affaires extérieures. J'avais ces présomptions avant mon voyage d'Espagne; ce qui ne m'a pas empêché de l'y faire venir, ni de le voir à Paris à mon retour.
Je veux ignorer et j'ai intérêt à ignorer ce que je sais du caractère et des liaisons de cet homme.
Schönbrunn, 6 septembre 1809
A Fouché
Maret (Hugues Bernard Maret, duc de Bassano, 1763-1839 - à cette époque il joue le rôle d'un véritable directeur de cabinet de l'Empereur) vous enverra une collection de toutes les différentes espèces de billets de banque. Vous trouverez ci-joint une ordonnance relative à cet objet.
Je désire que vous montiez une fabrication de ces billets de toutes les valeurs, jusqu'à la concurrence de 100 millions. Il faudrait monter une machine qui pût en fabriquer 10 millions par mois. (Les billets, une fois fabriqués, devaient être introduits dans le circuit financier)
C'est avec le papier-rnonnaie que la maison d'Autriche a pu me faire la guerre: c'est avec le papier-monnaie qu'elle pourra encore me la faire. Cela étant, il est de ma politique, en temps de paix comme en temps de guerre, de détruire ce papier-monnaie et d'obliger l'Autriche à revenir'au système du numéraire, qui, par sa nature la mettra dans la nécessité de réduire son armée et les dépenses folles par lesquelles elle a compromis la sûreté de mes Etats.
Mon intention est que cette opération se fasse avec secret et mystère.
Cependant le but que je me propose est bien plutôt le but politique qu'un avantage de spéculation et de gain. Cet objet est extrêmement important. Il n'y a pas de tranquillité à espérer en Europe, tant que la maison d'Autriche pourra se donner des avances de 3 à 400 millions par le crédit de son papier-rnonnaie.
Envoyez un agent intelligent et adroit, qui vienne prendre ici, tandis que nous y sommes, tous les renseignements nécessaires pour donner à cette affaire l'étendue que je veux lui donner et qui aura une si grande influence.
Schönbrunn, 6 septembre 1809
A Fouché
Je vous ai écrit hier pour vous faire connaître que je donnerai des ordres définitifs sur le Pape, lorsque je serai sûr du lieu où il se trouve, et pour vous donner l'ordre de bien veiller sur le cardinal Pacca, qui est un coquin et un intrigant, et de le recommander à Fénestrelle.
Quant à la demeure définitive du Pape, quel inconvénient y aurait-il à le faire rapprocher de Paris et à le placer, par exemple, dans un de mes appartements de Fontainebleau ? Je ferais venir les cardinaux qui sont mes sujets d'Italie et de France à Paris, où je les laisserais en liberté.
Il serait avantageux d'avoir le chef de l'Église à Paris, où il ne peut être d'aucun inconvénient. S'il fait sensation, ce sera de nouveauté.
A Fontainebleau, je le ferai servir et traiter par mes gens. Son fanatisme insensiblement aura là une fin.
Faites-moi connaître votre opinion sur ces idées.
Schönbrunn, 7 septembre 1809
A Cambacérès (Jean Jacques Régis Cambacérès, 1753-1824. Quoique ses fonctions fussent mal définies, Napoléon le consultait sur tous les problèmes).
Mon Cousin, j'ai reçu un rapport du grand juge en réponse à ma lettre du 21 Août, sur les expropriations forcées. Je ne conçois rien à cette phrase du grand juge: "La dépossession forcée sans indemnité préalable est une violation manifeste du Code Napoléon ; mais cette contravention à la loi n'étant qualifiée ni de crime ni de délit par le Code pénal, elle ne peut donner lieu à aucune poursuite criminelle ou correctionnelle".
J'avoue que je ne comprends pas cela, et je crois que mon idée n'a pas été saisie. L'expropriation, lorsqu'elle n'est pas judiciaire, est une voie de fait; la voie de fait est un délit qualifié par la loi. Ainsi, si un particulier s'empare de vive force de la maison d'un autre, il y a expropriation forcée et recours au petit criminel. Or, je ne voudrais faire aucune différence pour l'administration, je ne voudrais pas qu'elle pût exproprier, parce que je regarde cet acte comme un acte essentiellement judiciaire. Faites-moi connaître comment l'administration peut exproprier un individu. Si elle n'en a pas le droit, elle commet une voie de fait, et alors il y a recours au petit criminel. Je veux laisser à l'administration ce qui lui est attribué relativement à l'évaluation du prix et au jugement de l'utilité de la chose requise; mais je voudrais qu'on ne pût mettre la main sur la maison ou sur le terrain qu'après un acte judiciaire, et qu'il ne fût pas loisible à un préfet de s'emparer des biens d'un citoyen.
La propriété serait assurée, ce me semble, toutes les fois que de son consentement, en vertu qu' il n'y aurait pas de contrat, que par un acte judiciaire qui autoriserait l'expropriation. Je ne conçois pas comment il peut y avoir des propriétaires en France, si on peut être exproprié de son champ par une simple décision administrative, et si enfin on ne peut en appeler qu'à des autorités administratives qui, n'ayant aucune règle dans leur instruction, aucune publicité dans leurs décisions, aucun degré d'appel établi, font de la justice une affaire de faveur et de mystère.
Les intendants jadis pouvaient-ils exproprier ? Enfin, vous autres jurisconsultes, qu'entendez-vous par expropriation ? C'est, il me semble, prendre le bien d'un homme malgré lui. Comment cela peut-il se faire autrement que par un acte judiciaire ? Enfin comment cela se fait-il aujourd'hui ? Quels sont les agents qui peuvent exproprier ? En quelle forme est la pièce qui exproprie ? qui la signifie ? comment s'exécute-t-elle ? Je crois que même les agents de l'enregistrement ont la faculté d'exproprier.
Schönbrunn, 11 septembre 1809
A Fouché
J'ai été mécontent de l'ordre du jour du prince de Ponte-Corvo, qui ferait croire que je,n'ai que15 000 hommes, tandis que j'ai intérêt de persuader que j'en ai 200 000. La vanité de cet homme est excessive. J'ai ordonné au ministre de la guerre de le rappeler. Il a des talents médiocres. Je ne me fie d'aucune manière à lui. Il a toujours l'oreille ouverte aux intrigants qui inondent cette grande capitale. A la guerre, il est de même: il a manqué de me faire perdre la bataille d'Iéna; il s'est médiocrement conduit à Wagram; il ne s'est pas trouvé à Eylau, lorsqu'il aurait pu y être, et n'a pas fait à Austerlitz ce qu'il aurait pu faire.
Schönbrunn, 11 septembre 1809
À Clarke
Vous trouverez ci-joint un décret que je viens de prendre. Mon intention est de ne pas laisser plus longtemps le commandement dans les mains du prince de Ponte-Corvo, qui continue de correspondre avec les intrigants de Paris, et qui est un homme auquel je ne puis me fier. Je vous envoie directement ce décret, pour que , si l'on était aux mains au moment où vous le recevrez, vous en différiez l'exécution. Si, comme je le pense, on ne se bat point, et que le duc d'Istrie soit en état de marcher, vous enverrez ce dernier prendre le commandement de l'armée du Nord, et vous écrirez au prince de Ponte-Corvo de se rendre à Paris. Vous lui ferez connaître que j'ai été mécontent de son ordre du jour - qu'il n'est pas vrai qu'il n'ait que 15 mille hommes, lorsque avec le corps du duc de Conegliano et d'Istrie j'ai sur l'Escaut plus de 60 mille hommes; mais que n'eût-il que 15 mille hommes, son devoir était de ne pas le laisser soupçonner à l'ennemi; que est la première fois qu'on voit un général trahir le secret de sa position par un excès de vanité; qu'il a donné en même temps des éloges à mes gardes nationales qui savent bien, elles-mêmes, qu'elles n'ont eu occasion de rien faire. Vous lui témoignerez ensuite mon mécontentement de ses correspondances de Paris, et vous insisterez pour qu'il cesse de recevoir les mauvais bulletins des misérables qu'il encourage par cette conduite. Le troisième point sur lequel vous lui notifierez mes intentions est qu'il se rende à l'armée ou aux eaux.
Schönbrunn, 11 septembre 1809
À Fouché
Je reçois votre lettre du 7. Vous me mandez que vous avez 12 mille habits de gardes nationales de faits. Je pense qu'il ne faut pas les donner à la garde nationale de Paris. Il faut se contenter d'habiller le bataillon de volontaires qu'on formera, c'est-à-dire ceux qui veulent aller se battre. Pour les autres, je désire ne pas donner suite à cette garde nationale de Paris , et qu'aussitôt que possible elle ne fasse plus de service.
Quant aux gardes nationales du Nord, il faut qu'elles restent jusqu'à nouvel ordre. Ces habits seront mieux employés à habiller ceux qui sont sur les frontières que les badauds qui ne veulent point sortir de Paris.
Schönbrunn, 4 septembre 1809
Au vice-amiral Decrès
Monsieur le vice-amiral Decrès, je reçois vos lettres du 29. Supposer que les ennemis puissent vouloir remonter le fleuve et forcer le passage de l'île sous le feu de 100 pièces de canon du fort et de 100 pièces de la flottille, ce n'est pas avoir la première notion de la guerre. Qu'ils se présentent sur Anvers par terre, cela serait plus possible, soit en traversant le canal de Berg-op-Zoom, soit en tournant cette place; mais à quoi cela aboutirait-il ? Faites préparer à Boulogne le plus de chaloupes canonnières, de caïques et de péniches qu'il sera possible, et dirigez tout cela sur Anvers par les canaux de l'intérieur. Tout cela sera nécessaire pour reprendre l'île de Walcheren, si toutefois l'ennemi faisait la sottise de vouloir la garder. Tout cela nous aurait été déjà bien utile dans l'Escaut, et c'est une grande imprévoyance de n'avoir pas songé à y envoyer cette flottille du moment que l'ennemi a menacé sur ce point, puisqu'on pouvait le faire sans inconvénient. Si 6o chaloupes canonnières
Schönbrunn, 14 septembre 1809
À Fouché
Je ne vous ai pas autorisé à lever des gardes nationales dans toute la France. Cependant on inquiète la population en Piémont... où vous avez écrit qu'il fallait tout préparer pour la levée. Je ne veux pas qu'on lève des gardes nationales dans ce pays. C'est une grande question que celle de savoir s'il faut une garde nationale en Piémont.
Schönbrunn, 15 septembre 1809
A Fouché
Je vous envoie un nouveau bulletin de ce M. Decazes (Elie Decazes, 1780-1860. En 1809, il est conseiller du roi Louis, l'encourageant à résister à Napléon, ce qui provoque la colère de ce dernier, parfaitement au courant). Après ce que vous m'avçz dit, le moyen le plus simple est de l'envoyer en Hollande; puisqu'il est l'espion du roi, il pourra l'employer chez lui. Le roi prend ces bulletins pour des réalités; il croit que je ne veux pas la paix, parce que je veux avoir toute la ligne du Danube, et cela le fâche et l'irrite.
Ce petit drôle de Decazes doit avoir des intelligences chez vous -. vous voyez ce qu'il dit du ministre de Prusse. J'ai eu occa- sion de faire plusieurs fois cette remarque. Ordonnez-lui de partir dans vingt-quatre heures; sans quoi je le ferai saisir ?.
Schönbrunn, 15 septembre 1809
A Fouché
Le préfet de police m'a envoyé un rapport sur des individus qu'il a fait arrêter, dans lequel se trouvent compromis plusieurs invalides.
Il parâitrait que, dans les conférences qui se tiennent à Saint- Sulpice, les prêtres se conduisent mal et excitent le cagotisme. Il est convenable que vous insinuiez sans bruit aux vicaires de Paris, si les conférences ont lieu, de les ajourner jusqu'à l'Avent, et, dans cet intervalle, de leur faire bien comprendre que je ne veux plus tolérer ces conférences. Si elles ne se tiennent plus, conseillez-leur sur-le-champ de ne pas les laisser renouveler, car je n'entends pas qu'elles aient lieu davantage.
Je vous ai écrit aussi que je ne voulais pas de missions, ni françaises, ni étrangères.
Schönbrunn, 15 septembre 1809
A Fouché
J 'ai lu la lettre que le Pape écrit au cardinal Caprara. Comme ce cardinal est un homme sûr, vous pouvez la lui faire remettre, après en avoir fait prendre une copie.
Le mouvement de Grenoble à Savone a été funeste, comme tous les pas rétrogrades. Vous n'avez pas saisi mes intentions. C'est ce pas rétrograde qui a donné des espérances à ce fanatique. Vous voyez qu'il voudrait nous faire réformer le code Napoléon, nous ôter nos libertés, etc. On ne peut être plus insensé.
J'ai déjà donné l'ordre que tous les généraux d'ordres et les cardinaux qui n'ont pas d'évêché ou qui n'y résident pas, soit Toscans, soit Piérnontais, se rendissent à Paris, et probablement je finirai tout cela en faisant venir le Pape lui-même, que je placerai aux environs de Paris. Il est juste qu'il soit à la tête de la chrétienté. Cela fera une nouveauté les premiers mois, mais qui finira bien vite.
Schönbrunn, 20 septembre 1809
À
Je suppose que vous aurez réarmé mes vaisseaux d'Anvers, et que vous aurez donné l'ordre à l'amiral Missiessy de se porter avec ma flottille pour balayer l'Escaut, en lui donnant carte blanche, et que ma flottille de Boulogne file sur Anvers. A présent que les Anglais m'ont fait connaître le secret de l'Escaut, sur lequel vous avez tant de doutes, mon intention est de transporter ma flottille à Anvers.
Schönbrunn, 23 septembre 1809
A Fouché
Maret vous envoie ce que vous demandez. En paix comme en guerre, je vous répète que j'attache le plus grand prix à avoir 100 ou 200 millions de billets. Cela est une opération politique. Quand la maison d'Autriche n'aura plus son papier-monnaie, elle ne pourra plus me faire la guerre.
Vous pouvez établir l'atelier où vous voudrez, dans le château de Vincennes par exemple, d'où l'on retirerait les troupes et où on ne laisserait entrer personne. Cette rigidité serait motivée par le voisinage des prisonniers d'Etat. Ou dans tout autre endroit. Mais il est urgent et important que vous vous occupiez sérieusement de cette affaire.
Si j'avais détruit ce papier, je n'aurais pas eu cette guerre.
Schönbrunn, 24 septembre 1809
A Fouché
J'approuve fort le parti que vous avez pris de défendre à l'abbé Frayssinous de continuer ses conférences. Je vous ai déjà écrit que mon intention était de ne souffrir aucune réunion.
Je veux la religion chez moi, mais je n'ai envie de convertir personne.
Je viens d'effacer du budget des cultes les fonds que j'avais accordés pour les missions étrangères. Ecrivez aux préfets, commissaires généraux de police et même aux commandants de la gendarmerie, de veiller à ce qu'on ne prêche ailleurs que dans les églises, et qu'il n'y ait que les curés, chanoines et prédicateurs appelés par les curés avec l'autorisation de l'évêque qui aient cette faculté.
Mais je ne veux ni affiliés à des associations, ni missionnaires, ni prédicateurs errants dans mes Etats. Voyez le ministre des Cultes pour que les missionnaires soient placés comme curés et desservants dans les paroisses.
Schönbrunn, 23 septembre 1809
A Fouché
Maret vous envoie ce que vous demandez. En paix comme en guerre, je vous répète que j'attache le plus grand prix à avoir 100 ou 200 millions de billets. Cela est une opération politique. Quand la maison d'Autriche n'aura plus son papier-monnaie, elle ne pourra plus me faire la guerre.
Vous pouvez établir l'atelier où vous voudrez, dans le château de Vincennes par exemple,d'où l'on retirerait les troupes et où on ne laisserait entrer personne. Cette rigidité serait motivée par le voisinage des prisonniers d'État. Ou dans tout autre endroit. Mais il est urgent et important que vous vous occupiez sérieusement de cette affaire.
Si j'avais détruit ce papier, je n'aurais pas eu cette guerre.
Schönbrunn, 23 septembre 1809
A Denon
J'approuve que vous donniez des travaux tant en peinture qu'en sculpture à tous les bons artistes que j'ai à Rome
Schönbrunn, 23 septembre 1809
A Fouché
Maret vous envoie ce que vous demandez. En paix comme en guerre, je vous répète que j'attache le plus grand prix à avoir 100 ou 200 millions de billets. Cela est une opération politique. Quand la maison d'Autriche n'aura plus son papier-monnaie, elle ne pourra plus me faire la guerre.
Vous pouvez établir l'atelier où vous voudrez, dans le château de Vincennes par exemple,d'où l'on retirerait les troupes et où on ne laisserait entrer personne. Cette rigidité serait motivée par le voisinage des prisonniers d'État. Ou dans tout autre endroit. Mais il est urgent et important que vous vous occupiez sérieusement de cette affaire.
Si j'avais détruit ce papier, je n'aurais pas eu cette guerre.
Schönbrunn, 24 septembre 1809
À Fouché
Je reçois votre lettre dans laquelle vous me rendez compte que partout les cadres des gardes nationales sont formés. Je le sais et n'en suis pas content. Une pareille mesure ne peut être prise sans mon ordre. On a été trop vite. Tout ce qu'on a fait n'avancera pas d'une heure la mise en armes de ces gardes nationales, si on en avait besoin. Cela produit de la fermentation, tandis qu'il aurait suffi de mettre en mouvement les gardes nationales des divisions militaires que j'avais désignées. Mettez tous vos soins à tranquilliser les citoyens et à ce que le peuple ne soit pas dérangé de ses occupations habituelles.
Je n'ai jamais voulu avoir plus de 30 mille gardes nationales: on en a levé davantage, on a eu tort. J'ai pris, pour régler tout cela, un décret que le ministre de la guerre doit avoir reçu. Tout ce qu'on peut tirer de Paris volontairement, il faut l'enrégimenter; mais il faut y laisser tout ce qui veut rester, et éteindre insensiblement ce mouvement qu'on avait produit; faire monter la garde par la gendarmerie, la garde de Paris et les dépôts, et faire tomber toute cette agitation en laissant chacun tranquille. Il ne fallait faire que ce qui était nécessaire pour me donner des soldats sur la côte; on m'en a donné, je ne puis qu'en être satisfait; mais on a fait dans beaucoup d'endroits un mouvement qui était inutile.
Schönbrunn, 26 septembre 1809
A Fouché
Vingt-quatre heures après avoir reçu le présent ordre, vous ferez partir le sieur Alexis de Noailles (Louis Alexis Noailles, fils de celui qui réclama l'abolition des privilèges, dans la nuit du 4 août 1789. Royaliste fervent, il va répandre la bulle d'excommunication de Napoléon par Pie VII - il sera arrêté mais rapidement libéré), qui est compris dans cette cabale d'enfants de choeur, pour se rendre à Vienne auprès de son frère, et servir comme sous-lieutenant. Vous témoignerez à ses parents combien je suis fâché de voir ce jeune honnne si mal élevé et livré à ce cagotisme; que l'air du régiment lui fera du bien et le fera revenir promptement de cette folie mystique.
Je vous envoie une lettre du ministre de[ ... j Vous verrez quelle canaille c'est que ces gens-là. Expulsez donc de Paris cet animal-là; il ne doit pas vous être difficile de trouver des moyens de vous en débarrasser.
(Obéissant aux ordres de Napoléon, Fouché, qui le menacait de le faire transporter à Vienne par la gendarmerie, se vit répondre: faîtes mieux, ordonnez qu'on m'y traine la corde au cou !")
Schönbrunn, 26 septembre 1809
A Fouché (il remplace alors le ministre de l'Intérieur, Crétet, gravement malade. L'affaire de Walcheren lui donne l'occasion de faire du zèle).
Une espèce de vertige tourne les têtes en France. Tous les rapports que je reçois m'annoncent qu'on lève des gardes nationales en Piémont, en Languedoc, en Provence, en Dauphiné.
Que diable veut-on faire de tout cela ? Lorsqu'il n'y a pas d'urgence, et que cela ne pouvait se faire sans mon ordre ! Comme ces mesures passent le pouvoir ministériel, elles devaient être autorisées par le conseil des ministres; on ne m'a pas envoyé ce procès-verbal. A la nouvelle de l'expédition, j'ai levé 30 000 gardes nationales, et j'ai désigné les divisions militaires qui devaient les fournir; si j'en avais voulu partout, je l'aurais dit. Que l'Artois, la Flandre, le Brabant, la Lorraine fournissent des gardes nationales pour marcher au secours d'Anvers, parce que l'ennemi a débarqué dans l'Escaut, on comprend ce que cela veut dire; mais, lorsqu'on mêt en armes le Piémont, le Languedoc, la Franche-Comté, le Dauphiné, ces provinces ne savent ce qu'on leur demande.
Le peuple prend de l'incertitude sur le. gouvernement, les esprits travaillent; le moindre incident peut faire naître une crise.
Je ne sais pas si l'on doit blâmer les individus du département des Forêts qui ont demandé à voir le décret qui leur ordonnait de marcher; il me semble qu'ils avaient ce droit. Aussi me suis- je empressé d'envoyer le décret pour les départements que je voulais lever. Je ne sais ce qui s'est fait aux environs de Paris; toutes les petites communes environnantes montent la garde, comme pendant la révolution. Je ne sais ce qui s'est passé à Paris. Il était plus simple d'organiser 3 000 hommes pour remplacer la garde municipale et de former deux ou trois bataillons pour aller à l'ennemi. Voilà ce qu'il y avait à faire au moment où je demande la conscription.
Occupez-vous de tout calmer. Parlez de cela au Conseil des ministres. Comme je ne suis pas sur les lieux, je ne puis savoir ce qu'on a fait. Prenez des mesures pour que les préfets mettent les choses dans l'état où elles étaient. Je ne veux pas de gardes nationales, autres que celles que j'ai requises, et, en y pensant mûrement, je ne veux pas d'officiers que je ne connais pas. Les préfets qui sont des têtes médiocres pour la plupart, sont loin d'avoir ma confiance pour un objet de cette importance. Si les gardes nationales étaient comme les gardes d'honneur, on aurait donné au peuple des chefs qui auraient un intérêt différent du sien, surtout s'il y avait une crise.
En résumé - que le ministre de l'intérieur ne sorte pas de ses, attributions; qu'il ne fasse rien sans mon ordre s'il n'y a pas urgence; et sans un ordre du conseil, s'il y a urgence; que tout rentre à Paris dans l'ordre accoutumé; qu'on ne garde que les cinq divisions de gardes nationales des départements où je les ai appelées. J'ai ordonné au ministre de la guerre de faire rentrer la gendarmerie, hormis 500 hommes. Enfin, si l'expédition se dirigeait sur Cherbourg ou sur la Bretagne, le conseil des ministres ordonnerait la levée dans les départements environnants.
Mais préparer d'avance ne signifie rien; ce n'est que l'art de mettre la France en combustion. Mon intention est que qui que ce soit ne porte l'uniforme d'officier de gardes nationales, hormis, toutefois ceux des cinq divisions qui auront été brevetées par le ministre de la guerre. J'attache la plus grande importance à effacer ces fausses mesures de manière qu'il n'en reste pas de trace.
J'ai eu la pensée de former les cadres des gardes nationales en France, d'abord pour servir dans les cas pareils à ceux qui se sont présentés, mais surtout pour donner une direction à l'esprit national dans les temps de crise. Je n'ai jugé cette opération faisable que dans la quinzième année de mon règne. J'ai avancé mon système pour avoir une masse d'hommes attachés, titrés, pour en tirer des officiers.
Faites-vous représenter les circulaires des conseillers d'Etat, et, sans réaction, sans commotion nouvelle, faites tout rentrer dans l'ordre. Lorsque Walcheren sera repris, je diminuerai les gardes nationales dans les départements mêmes où je les ai appelées. Tout doit être effacé; hormis les gardes nationales qui restent sous les drapeaux.
Je recommande surtout que les mesures qui vont être prises le soient sans publicité,sans trouble. Mon intention est que les officiers des cinq divisions provisoirement conservées soient brevetées. Nul ne peut être officier en France sans brevet de moi.
Schönbrunn, 26 septembre 1809
À Fouché
Je vois dans le bulletin de police qu'on a appelé les gardes nationales du Jura, de la Côte-d'Or, du Doubs, de Lot-et-Garonne; je ne veux rien de tout cela. J'ai désigné les divisions militaires qui doivent en fournir. Je ne sais quelle rage on a de mettre en mouvement toute la France. A quoi tout cela aboutit-il ? Il y a une excessive légèreté dans ces mesures. Tout cela fait beaucoup de mal, et dans cette disposition d'esprit le moindre événement amènerait une crise. Tandis que l'ennemi menacait Anvers, le mouvement des gardes nationales des départements du Nord était simple. On ne s'amuse point à discuter lorsqu'on a l'ennemi devant soi et qu'on a à défendre ses propriétés; mais les départements placés à l'autre bout de la France n'ont pas le même intérêt. Ces mesures sont illégales. Contremandez-les et calmez la France. De toutes les questions politiques la moins importante n'est pas celle de savoir s'il faut former une garde nationale en Piémont, et on se prépare à l'organiser sans prendre aucune précaution pour nommer les officiers. Tout cela est de la folie. La France ne sait ce qu'on lui demande. Quand vous demandez les gardes nationales de Flandre pour accourir sur les frontières par lesquelles l'ennemi veut entamer la Flandre, c'est une raison; mais quand on lève le Languedoc, le Piémont, la Bourgogne, on croit à une agitation qui n'existe pas: on ne remplit pas mes intentions, et cela me coûte des dépenses inutiles.
Schönbrunn, 26 septembre 1809
Au maréchal Soult
Mon Cousin, j'ai été mécontent de votre conduite.
Mon mécontentement est fondé sur cette sur cette phrase de la circulaire de votre chef d'état-major: "Le duc de Dalmatie serait prié de prendre les rênes du gouvernement, de représenter le souverain et de se revêtir de toutes les attributions de l'autorité suprême, le peuple promettant et jurant de lui être fidèle, de le soutenir et de le défendre aux dépens de la vie et de la fortune contre tout opposant et envers même les insurgés des autres Provinces jusqu'à l'entière soumission du royaume..."
C'eût été un crime qui rn'eût obligé,
quelque attachement que je vous porte, à vous considérer comme criminel de
lèse-majesté et coupable d'avoir attenté à mon autorité, si vous vous fussiez
attribué le pouvoir suprême de votre propre mouvement. Coimment auriez-vous oublié que
le pouvoir que vous exerciez sur les portugais dérivait du commandement
que je vous ai confié et non du jeu des passions et de l'intrigue ? Comment, avec les
talents que vous avez, auriez-vous pu penser je consentisse jamais à vous laisser exercer
aucune autorité, sans que vous la tinssiez de moi ?
Il y a dans cela un oubli des principes, une rnéconnaissance de mon caractère et des sentiments et de l'orgueil de la nation, que je ne puis concilier avec l'opinion que j'ai de vous. C'est avec ces fausses démarches que le mécontentement s'est accru, et qu'on a pensé que yous travailliez pour vous et non pour moi et pour la France. Vous avez sapé le fondement de votre autorité, car il serait difficile de dire si, après la circulaire émanée de vous, un Français qui eût cessé de vous obéir eût été coupable.
Dans votre expédition, j'ai été fâché de vous voir vous enfourner sur Oporto sans avoir détruit la Romana, de vous voir rester si longtemps à Oporto sans rouvrir vos communications avec Zamora, marcher sur Lisbonne ou prendre un parti quelconque. J'ai vu avec peine que vous vous fussiez laissé surprendre à Oporto, et que mon armée, sans combattre, se fût sauvée presque sans artillerie et sans bagages.
Toutefois, après avoir longtemps hésité sur le parti que je devais prendre, l'attachement que j'ai pour vous et le souvenir des services que vous m'avez rendus à Austerlitz et dans d'autres circonstances m'ont décidé; j'oublie le passé, j'espère qu'il vous servira de règle; et je vous confie le poste de major général de mon armée d'Espagne. Le Roi n'ayant pas l'expérience de la guerre, mon intention est que, jusqu'à mon arrivée, vous me répondiez des événements.
Je veux moi-même entrer le plus tôt possible à Lisbonne.
Schönbrunn, 28 septembre 1809
A Fouché
Je reçois votre bulletin. Je vois que le sieur Alexis de Noailles est très coupable. Gardez-le jusqu'à nouvel ordre. Qui est-ce donc qui hébète ainsi la jeunesse ? Les parents ont bien des reproches à se faire.
Schönbrunn, 28 septembre 1809
A Fesch
J'ai reçu votre lettre. Vous devez écrire à Ajaccio et faire écrire par le maire que je vois avec peine l'esprit de faction qui règne dans cette ville; que ces temps sont passés, et qu'il faut se tenir tranquilles; que Bastia et les autres villes ne donnent lieu à aucune plainte. Pourquoi Ajaccio remue-t-il toujours ? On a la tête trop vive; on est trop indiscret, et on n'a pas le respect convenable pour la première autorité. Faites connaître qu'on me déplairait beaucoup de ne pas changer.