FRANCE

Les modifications intérieures

A l'intérieur des frontières de la France de 1789, il y eut peu de modifications de la carte départementale d'origine. En fait, il n'y eut en tout qu'une suppression et trois créations. Les modifications furent plus nombreuses pour ce qui est des frontières entre départements. Plusieurs communes, voire cantons entiers, passèrent d'un département à l'autre. En outre, certains territoires annexés à la République puis à l'Empire (et même au Royaume en 1814-1815), trop réduits en superficie pour former chacun un département, furent intégrés dans des départements d'origine (voir plus loin pour la liste de ces territoires).

·        Suppression

 

·        Créations

(1) Départements issus de la division du Rhône-et-Loire.

(2) Département formé à partir de morceaux détachés de : Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Lot-et-Garonne.

 

Les modifications extérieures

Entre 1789 et 1814, la France n'a cessé d'étendre son territoire par des annexions successives. Celles-ci furent pratiquement toutes remises en cause dès le premier traité de Paris (1814). Lors du second traité de Paris (1815), elle ne conserva que son territoire dans ses limites de 1791 (moins quelques exclaves, mais y compris les enclaves étrangères annexées en 1791 et ultérieurement).

·        Les annexions donnant lieu à création de département(s)

(1) Certains départements furent immédiatement organisés au moment de leur annexion. D'autres avaient déjà été organisés préalablement. D'autres encore ne le furent qu'ultérieurement. Sous l'Empire, plusieurs territoires furent annexés en vertu d'un simple décret impérial, complété ultérieurement par un sénatus-consulte d'annexion en bonne et due forme. Ce fut notamment le cas pour la Ligurie (1805), les États romains (1809) ou la Hollande (1810).

(2) Les départements catalans furent annexés de facto à l'Empire, par un décret du 26 janvier 1812. Il n'y eut jamais de sénatus-consulte venant l'officialiser. Le décret d'annexion lui-même ne fut jamais publié au Bulletin des Lois de l'Empire français.

(3) Plusieurs témoignages confirment que l'Empereur a souvent confondu ces deux départements, du fait de la proximité de leurs noms.

(4) En 1814, les parties occidentales des anciens département du Mont-Blanc (autour de Chambéry) et du Léman (autour d'Annecy) restèrent françaises. Ces territoires formèrent un nouveau département du Mont-Blanc. Ce département fut également restitué au roi de Sardaigne en 1815.

(5) Le nom de ce département résulte, comme l'on sait, d'une mauvaise interprétation du nom de l'un des principaux sommets de cette partie du Jura, en réalité dénommé mont Terri.

(6) De nombreuses confusions ont existé (et perdurent) entre ce département et le département bergois de la Ruhr. Il s'agit bien de deux rivières et de deux départements différents, l'un sur la rive gauche (Roer), l'autre sur la rive droite (Ruhr) du Rhin.

 

·         "Suspension" de la création d'un département en territoires annexés

(1) Département formé d’abord (12 mars 1793) du Hainaut auquel sont rattachés (23 mars) Tournai et le Tournésis, tous terres d'Empire. Moins d'un mois après sa constitution, le département retomba aux mains des Autrichiens et ne fut à nouveau libéré qu'après la victoire de Fleurus (26 juin 1794). Un ordre du Comité de Salut public du 3 août 1794 interdisait de considérer les pays nouvellement réoccupés autrement qu'en "pays conquis". La restauration du département de Jemmape n'intervint donc pas immédiatement et n'eût finalement lieu que le 30 août 1795, en même temps qu'étaient créés les autres départements dits "de la Belgique". Il est également à noter que la graphie "Jemmape" ne fut jamais utilisée que lors de la période française. Le nom en langue picarde locale a toujours été "Jumape" et, en langue française, "Jemappes".

 

·         Modification du nom de départements créés dans les territoires annexés

(1) Par décret signé de l'Administrateur général du Piémont, le général Jean-Baptiste Jourdan.

(2) Par le sénatus-consulte réunissant officiellement les États romains à l'Empire français.

 

·         Suppressions de départements dans les territoires annexés

(1) Les îles Ioniennes furent occupées en 1798/1799 par les Russes, qui y établirent un État autonome, la République des Sept-Îles-Unies, vassale de la Sublime Porte et sous protectorat russe. La France reconnut ce nouveau statut par le traité de paix signé avec Istanbul en 1802. Par des clauses secrètes du traité de Tilsit (1807), la Russie transférait à la France son rôle de protectrice de la petite république sept-insulaire. Si Corfou resta sous protection française jusqu'en 1814, les autres îles étaient tombées aux mains des Anglais dès 1810. Juridiquement en tout cas, les îles Ioniennes ne furent pas, durant cette période, une possession, encore moins une colonie, de l'Empire français.

(2) Dès février 1794, des troupes anglaises commencèrent l'invasion de la Corse. Le 15 juin 1794, une Consulta nationale proclama l'indépendance de l''île, qui se donna pour roi, quelques jours après, George III, roi d'Angleterre et de Corse. Le régime "anglo-corse" durera jusqu'au 19 octobre 1796, époque de la reprise de l'île par les troupes françaises.

 

·         Créations de nouveaux départements uniquement ou essentiellement à partir de territoires déjà annexés et départementalisés

(1) Formé de morceaux de : Bouches-du-Rhin, Escaut, Deux-Nèthes.

(2) Résulte de la fusion du Golo et du Liamone.

(3) Formé d'une moitié de la Corse.

(4) Formé d'une moitié du Mont-Blanc avec une partie de l'Ain et l'ex-république de Genève.

(5) Formé d'une moitié de la Corse.

(6) Formé de morceaux de : Bouches-de-l'Yssel, Ems-Occidental, Yssel-Supérieur.

(7) Résulte de la fusion des Bouches-de-l'Èbre et du Montserrat. L'administration civile y est supprimée et remplacée par un gouvernement militaire le 15 mars 1813.

(8) Résulte de la fusion du Sègre et du Ter.

(9) Formé de morceaux de : Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, Drôme, autour des anciens territoires dépendant du Saint-Siège (Comtat-Venaissin) et de la ville d'Avignon.

 

·        Territoires annexés, organisés mais non-départementalisés

Certains territoires furent officiellement annexés mais ne furent pas départementalisés. Différents types d'organisations leur furent appliqués. L'île de Malte fut dirigée centralement par un gouverneur militaire et un commissaire civil, et divisée en cantons. Dès 1798, Gozo, Comino et les campagnes de Malte étaient perdues. La Valette ne capitula que deux ans plus tard (1800). La France reconnut définitivement la perte de l'archipel par le traité d'Amiens (1802).

L'île d'Elbe, quant à elle, fut assimilée à un département, sans en porter le nom, et elle aussi divisée en cantons. En 1809, elle fut rattachée au Gouvernement-général des départements de la Toscane et, en 1811, fut intégrée dans le département de la Méditerranée (1).

Quant aux Provinces illyriennes, annexées dès le 14 octobre 1809, elles furent organisées d'abord en onze et plus tard en sept intendances (dont, chaque fois, une intendance militaire).

 

(1) Un relatif mystère entoure le sort réservé à l'île d'Elbe entre 1811 et 1814. Plusieurs sources affirment qu'elle fut rattachée au département de la Méditerranée dès 1809, sous la forme d'une sous-préfecture ayant son siège à Portoferraio. Quelques sources italiennes se contentent de rapporter le rattachement de l'île au Gouvernement général, sans mentionner le rattachement à la Méditerranée. Le Guida Generale degli Archivi di Stato italien, quant à lui, spécifie que Portoferraio devint bien une sous-préfecture du département centré sur Livourne, mais seulement à partir de 1811. Par contre, le Bulletin des Lois de l'Empire ne signale que le rattachement au Gouvernement général, ne parlant jamais de l'érection de Portoferraio au rang de sous-préfecture du département de la Méditerranée. Dans les tableaux annuels du budget de l'Empire postérieurs à 1811, l'île d'Elbe est effectivement omise (contrairement à la période 1802-1811 durant laquelle l’île est placée sur le même pied que n'importe quel autre département de l'Empire). Le rattachement de l’île à la Méditerranée ne peut en tout état de cause qu’être postérieur au 9 mai 1811 puisque, à cette date, un décret impérial déterminant la circonscription des justices de paix des départements toscans ne fait nullement mention de l'île d'Elbe et de ses cantons.

 

(1) Le nom officiel de la ville était Rudolfswert.

·         Nouvelle organisation des Provinces Illyriennes (15 avril 1811) :

(1) Correspond à l'ancienne province (arrondissement) de Willach.

(2) Correspond aux anciennes provinces (arrondissements) d'Adelsberg, Laibach et Neustadt.

(3) Correspond à l'ancienne province de Fiume et à une partie de l'ancienne province de Croatie.

(4) Correspond à une partie de l'ancienne province de Croatie.

(5) Correspond aux anciennes provincesde Gorice et Trieste.

(6) Correspond à l'ancienne province de Raguse et des Bouches-du-Cattaro.

(7) Le siège de l’intendance (ou subdélégation) est transféré à Lussin Piccolo (Mali Lošinj) le 16 janvier 1812.

·         Territoires annexés, non-organisés et non-départementalisés

D'autres territoires encore furent annexés. Mais leur exiguïté ou les circonstances commandèrent qu'ils soient incorporés (immédiatement ou après un court délai) dans des départements déjà existants. Cette incorporation n'était cependant pas toujours définitive et il est plus d'un cas où certains de ces territoires passèrent d'un département à un autre. La principauté de Montbéliard, par exemple, fut d'abord rattachée à la Haute-Saône. Elle passa ensuite au Mont-Terrible et le suivit, en 1800, dans le Haut-Rhin. Enfin, en 1814, elle rejoignit le Doubs.

Certains des territoires ici mentionnés ne sont que des parties de territoires plus vastes annexés en bloc et organisés en départements mais qui ne furent pas rattachés à ceux-ci. Ainsi, par exemple, l'arrondissement de San Remo (juridiction des Oliviers) fut annexé en même temps que toute la République ligure. Ils ne fut cependant pas intégré à l'un des trois départements créés sur les dépouilles de la république mais, au contraire, incorporé dans un département déjà existant de l'Empire (Alpes-Maritimes).

Il est à noter que ne sont pas repris, dans cette liste, les territoires appartenant à ce que l'on a appelé "les princes possessionnés d'Alsace". Ces territoires, relevant jusqu'à la fin du XVIIe siècle, de princes du Saint-Empire, avaient été annexés par la France de Louis XIV, qui n'y reconnaissait plus les droits souverains des princes dépossédés. Néanmoins, leurs droits féodaux y restaient en vigueur. De leur côté, lesdits princes continuaient de soutenir de jure leurs droits souverains sur ces territoires, même s'ils ne pouvaient plus les y exercer. L'Assemblée nationale constituante, en 1789-1790, s'occupa de cette question et finit par trancher que les droits desdits princes avaient été abolis en même temps que tous les autres privilèges féodaux.

 

(1) Andorre (terre de paréage féodal) et le Val d’Aran (dépendance occitane de la Catalogne) sont annexées à l’Empire en même temps que la Catalogne.

(2) Arches (c’est-à-dire Charleville) et Bidache étaient des terres réputées souveraines mais à la souveraineté contestée par les rois de France. Les populations de ces communes suivirent le mouvement révolutionnaire dès qu’il arriva dans les provinces françaises limitrophes et procédèrent d’elles-mêmes à la réunion de ces principautés à la France. Nous n’avons pas trouvé trace de décret officiel prononçant ces annexions.

(3) Tout ou partie de ces différents territoires sont d'abord rattachés aux départements dits 'hollandais' de l'Yssel-Supérieur (arrondissements de Rees et Munster), des Bouches-de-l'Yssel (arrondissement de Steinfurt) et de l'Ems-Occidental (arrondissement de Neuhaus) pour ensuite (27 avril 1811) être regroupés au sein du nouveau département de la Lippe.

(4) Ces territoires faisaient partie de la Confédération (Aremberg, les deux Salm, Olenburg, département bergois, départements westphaliens) ou étaient depuis plusieurs années déjà sous occupation française (villes libres de Bremen, Hamburg et Lübeck, duché hanovrien de Lauenburg).

(5) Il s'agit à chaque fois d'aménagements de la frontière entre le royaume d'Italie et l'Empire français, avec des échanges réciproques de quelques territoires.

(6) Tous ces territoires constituaient des enclaves étrangères à l’intérieur des frontières françaises de 1790.

(7) À l’instar des arguments utilisés par les «chambres de réunion» sous Louis XIV, la République directoriale annexe ces territoires en justifiant qu’iles étaient précédemment des dépendances (au spirituel !) de l’ancien évêché de Bâle (dont les territoires souverains de la rive gauche du Rhin avaient déjà été annexés en 1793 pour donner naissance au département du Mont-Terrible).

(8) Comme cela se produisit fréquemment durant toute la période révolutionnaire et napoléonienne, la France chercha systématiquement à faire passer par le thalweg (lit central) des fleuves ses limites territoriales avec ses voisins. Ce fut notamment le cas pour la frontière rhénane. En 1808 cependant, la France en profita pour annexer au surplus trois places-fortes situées sur la rive droite du fleuve : Wesel, Kassel (à ne pas confondre avec la cité-capitale du royaume de Westphalie) et Kehl.

(9) Lors de l’incorporation des anciens Pays-Bas méridionaux, de Liège et de Stavelot à la République, le sort de la République bouillonnaise fut oublié. Cette omission fut réparée quelques semaines plus tard. Il est à noter qu’à la chute de l’Empire encore (1814), le sort de l’ancien duché indépendant ne fut décidé qu’après un an d’incertitudes (1815).

(10) Il s’agit des différents territoires des Pays-Bas méridionaux (cercles dits «de Bourgogne» et «de Westphalie» annexés dans les quelques semaines précédant la défaite française de Neerwinden qui allait rendre ces provinces à l’Autriche et à leurs autres princes d’Empire. Durant ces quelques semaines, la France créa un département de Jemappes et incorpora une partie de la principauté de Liège au département des Ardennes. Les autres annexions restèrent théoriques. Ces territoires, ainsi que quelques petites principautés enclavées – Fagnolle, Rekem, Kessenich – furent définitivement incorporés à la République le 1^er octobre 1795.

(11) C’est dans le cadre de sa politique de blocus contre l’Angleterre que Napoléon oblige dans un premier temps son frère Louis à lui céder la ville de Flessingue (1807) puis toute l’île de Walcheren (février 1810) et enfin toute la Zélande et le Brabant septentrional (avril 1810), préludes à l’annexion du reste du royaume de Hollande.

(12) L’île de Capraja est cédée par la République ligurienne à la France à la suite de la paix d’Amiens et en échange de la cession par Paris de certains territoires piémontais enclavés dans la Ligurie.

(13) La vallée des Dappes reste de nos jours française, malgré les dispositions finales du congrès de Vienne et du deuxième traité de Paris (1815) et plusieurs accords ultérieurs entre la France et la Suisse. Plusieurs sources mentionnent l'annexion de la vallée dès 1802, en même temps que le Valais est détaché de la République helvétique pour former une république indépendante. Le Bulletin des Lois de l’Empire ne mentionne le rattachement de la vallée au canton de Morez qu’à la date du 10 février 1811.

(14) La principauté de Dombes fut annexée par le décret du 27 septembre 1791, validé par la loi du 16 octobre 1791. En fait, il s'agissait de régulariser la cession (déjà effective) à la couronne, de ce pays faite par son dernier titulaire, le 3^e duc du Maine, en 1762.

(15) Maastricht, Venlo et la Flandre dite zélandaise sont cédées par la nouvelle République batave.

(16) Genève et Mulhouse signent par traité leur incorporation à la République française.

(17) La seigneurie et principauté souveraine de Henrichemont, aux Sully, avait été cédée à la couronne de France en 1766. Le décret du 27 septembre 1791 (confirmé par la loi du 4 novembre 1791) ne fait que régulariser cette réunion, déjà effective depuis la cession.

(18) Le comté inférieur (Niedergrafschaft) de Katzenelnbogen, détaché de l’électorat de Hesse-Cassel, est le seul territoire de quelque taille sur la rive droite du Rhin allemand à être de facto incorporé dans un département français, le Rhin-et-Moselle (quoique certaines sources parlent de Mont-Tonnerre, avec lequel pourtant ce comté n’avait aucune frontière commune). Le Bas-Katzenelnbogen formera le canton de Nastätten.

(19) Ces territoires, enclavés entre le département français des Apennins, le pays de Parme, la principauté et duché de Lucques-Piombino-Massa et une exclave du département italien du Crostolo, dépendaient jusqu’alors de la Toscane. Peu après l’annexion de celle-ci à l’Empire, les trois vicariats toscans enclavés furent rattachés au département des Apennins.

(20) La principauté de Monaco (plus étendue que la principauté actuelle) était devenue une enclave dans la République après l’annexion du pays de Nice. C’est ce qui conduisit à son annexion. L’annexion du comté de Tende obéissait à la théorie des frontières naturelles. Elle ne put être effective qu'au printemps 1794 (Saorga est prise le 29 avril et Tenda le 7 mai).

(21) La juridiction des Oliviers est la seule partie de l’ex-République ligurienne à être incorporée dans un département déjà existant de la République française.

(22) Ces territoires ont partiellement fait partie de la très éphémère République rhénane proclamée à Mayence. Certains seront incorporés dans les départements anciens de la Moselle et du Bas-Rhin.

(23) Le traité conclu le 21 août 1798 avec la République helvétique prévoyait que les enclaves suisses de Kleinlützel et Mariastein feraient partie du territoire français contre échange de certains territoires. L’accord ne dût manifestement jamais se faire. L'arrêté du premier Consul qui définit la circonscription des arrondissements et cantons du département du Haut-Rhin (9 pluviôse an X - 29 janvier 1802) ne mentionne aucune de ces communes.