HAÏTI


L'île de Saint-Domingue était, pour sa partie occidentale, une colonie française depuis 1642. Le traité de Rijswijck de 1697 l'avait définitivement attribuée au royaume de France, qui l'avait progressivement colonisée par un apport considérable d'esclaves déportés d'Afrique.

La Révolution française devait considérablement modifier la donne en cette île lointaine. L'octroi, par l'Assemblée nationale, des mêmes droits aux Noirs libres nés de parents libres qu'aux Blancs (15 mai 1791) provoqua une première rébellion noire dans le Nord (serment du Bois-Caïman, 14 août 1791). Quant aux Blancs, outrés des décisions prises, ils se révoltèrent également et, menacés d'être battus par les Noirs et Mulâtres révoltés, firent appel aux Anglais. Paris délégua dans l'île des commissions civiles chargées d'administrer la colonie. Les 27 et 29 août 1793, Polverel et Sonthonax, membres de la deuxième commission civile, proclamèrent l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue, quelques mois avant que la Convention nationale française n'en fasse une loi générale (4 février 1794).

La nouvelle de cette décision provoqua dans l'île un nouveau soulèvement des Noirs et Mulâtres, qui battirent les Anglais et les colons. La république fut proclamée dans la colonie, où revint l'un des chefs de la première insurrection, Toussaint-Louverture, réfugié chez les Espagnols (partie orientale de l'île) depuis 1793. Le traité de paix entre la France et l'Espagne, du 22 juillet 1795, attribuait à la France la partie espagnole de Saint-Domingue. Ce ne fut cependant qu'une cession toute théorique. En mai 1797, le commissaire de la République Sonthonax nommait Toussaint-Louverture commandant en chef de l'armée de Saint-Domingue. Toussaint en profita pour donner à la colonie (organisée par Paris en 5 départements en octobre 1797) une autonomie quasi totale. Après avoir expulsé les commissaires français (1798) puis conquis la partie orientale de l'île (janvier 1801), Toussaint-Louverture franchit un nouveau pas vers une indépendance déguisée en promulguant une Constitution autonomiste le 14 messidor an IX (3 juillet 1801), qui le nommait gouverneur général à vie et l'autorisait à désigner son propre successeur. Par la loi du 6 juillet suivant, Toussaint divisait l'île en six départements, eux-mêmes subdivisés en arrondissements et paroisses.

Le coup de force de Louverture ne pouvait convenir au nouveau premier Consul de la République française, Napoléon Bonaparte, qui décida l'envoi dans l'île d'un corps expéditionnaire conduit par son propre beau-frère, le général Leclerc (5 février 1802). Après une première soumission de Toussaint et de ses généraux (Dessalines, Christophe) (1/6 mai), l'arrestation et la déportation (7 juin) de Toussaint en France mais surtout la réinstauration de l'esclavage à la Guadeloupe (16 juillet) devaient conduire à une reprise de la rébellion. Le corps expéditionnaire français, harcelé par les rebelles et minée par la fièvre jaune, ne cessa dès lors de reculer. À Leclerc mort de la fièvre jaune le 2 novembre succéda le général de Rochambeau, qui ne put rétablir la situation et fut contraint par Dessalines à la capitulation, le 19 novembre 1803. Les quelques troupes françaises restant dans l'île se rendirent aux Anglais, se réfugièrent à Cuba ou rejoignirent celles du général Ferrand, qui allait garder la zone orientale (ex-espagnole) sous suzeraineté française jusqu'en 1809. Entretemps, Toussaint-Louverture était mort de froid dans le fort de Joux (Jura) le 7 avril 1803.

Dans la partie occidentale, Dessalines et ses généraux proclamèrent, le 1er janvier 1804, l'indépendance d'Haïti. Le 15 février, Dessalines accédait au désir de ses généraux qui lui avaient demandé dès le 25 janvier de prendre le titre d'empereur et Jacques Empereur Ier d'Haïti fut couronné le 8 octobre suivant. Mais son pouvoir dictatorial et sanguinaire devait s'achever par son assassinat le 17 septembre 1806. Une Assemblée constituante adopta, le 27 décembre 1806, une nouvelle Constitution qui prévoyait la division de l'État haïtien en quatre départements. Mais Haïti allait alors connaître une division Nord-Sud qui devait perdurer jusqu'en 1822. Au Nord, l'ancien général Henri Christophe se proclama président au début 1807 puis devint le roi Henri Ier en 1811. Dans le Sud, le pouvoir appartint d'abord au chef mulâtre Anne Alexandre Sabès, dit Pétion.

C'est seulement le 17 avril 1825 que, par traité, la France reconnut l'indépendance de l'État haïtien, contre paiement (qui devait perdurer jusqu'en 1938) d'une indemnité de 150 millions de francs.

 

·         Départements français (25 octobre 1797)

NOM

Nom en français

Chef-lieu

INGANNA

Inganne

Santo-Domingo (Saint-Domingue)

NORD/NORTE

 

Cap-Français

OUEST/OESTE

 

Le Port-Républicain

SAMANA

 

San Yago (Saint-Jacques)

SUD/SUR

 

Les Cayes

 

·         Départements selon la loi du 6 juillet 18011

NOM

Chef-lieu

CIBAO (2)

San Yago (Saint-Jacques)

LOUVERTURE (4)

Saint-Marc ou Gonaïves (5)

NORD/NORTE (3)

Le Cap Français

OUEST/OESTE (3)

Le Port-Républicain

OZAMA (2)

Santo Domingo (Saint-Domingue)

SUD/SUR (3)

Les Cayes

 

(1) La Constitution du 27 décembre 1806 cite quant à elle la loi sur la division du territoire du 13 juillet 1801, adoptée par l'Assemblée centrale de Saint-Domingue.

(2) Ces départements totalement compris dans l'ex-partie espagnole de l'île, restent aux mains des Français de 1802 à 1809. Ils retournent ensuite aux Espagnols jusqu'en 1821.

(3) Ces départements perdent, à la fin 1803, leurs cantons et paroisses situés dans l'ex-partie espagnole et restent aux mains des Français jusqu'en 1809.

(4) Département constitué à partir de la partie septentrionale du département de l'Ouest.

(5) Le chef-lieu sera finalement fixé à Gonaïves.

 

·         Départements selon la constitution du 27 décembre 1806

NOM

Chef-lieu

ARTIBONITE (1)

Gonaïves

NORD

Le Cap-Haïtien

OUEST

Le Port-au-Prince

SUD

Les Cayes

 

(1) Département remplaçant celui de Louverture.